OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
RAPPORT
sur
« Les impacts de l’utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d’évolution »
par M. Jean-Yves LE DEAUT, député, et
Mme Catherine PROCACCIA, sénateur
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale par M. |
Déposé sur le Bureau du Sénat par M. |
SOMMAIRE
Introduction 9
Chapitre I : l’historique du problème 13
A. LES CONDITIONS D’AUTORISATION 15
B. LES CONDITIONS D’UTILISATION DE LA CHLORDÉCONE AUX ANTILLES 17
1. La production de la molécule 17
2. L’utilisation de la molécule 18
3. La localisation des épandages sur le territoire antillais 18
III. La persistance de la chlordécone dans l’environnement antillais 21
A. LA STABILITÉ PHYSICO-CHIMIQUE DE LA MOLÉCULE 21
B. DES MODÈLES DE PERSISTANCE À LONG TERME DANS LES SOLS 23
C. UN COMPORTEMENT ENVIRONNEMENTAL QUI VARIE SELON LA NATURE DES SOLS 24
IV. Les Réponses des pouvoirs publics 27
A. LES MESURES ADMINISTRATIVES ET RÉGLEMENTAIRES 28
1. La protection des eaux de consommation 28
2. Les denrées alimentaires 28
3. Les mesures de coordination 30
B. LES ÉTUDES RÉALISÉES OU EN COURS 31
1. Les études sanitaires 31
a) Etudes sur l'évaluation quantitative des risques sanitaires 31
b) Etudes sur les impacts sanitaires de l'exposition à la chlordécone 34
(1) L'étude de l'INSERM sur le risque sur la fertilité masculine 34
(2) L'étude de la CIRE sur la répartition spatiale et temporelle à la Martinique des cancers suspects d'être liés à une exposition aux pesticides organochlorés sur la période 1981-2000 35
(3) L'étude d'imprégnation « Hibiscus » 37
(4) Les études épidémiologiques menées par l'INSERM et le CHU de Pointe-à-Pitre 37
2. Les études sur l'impact agronomique et environnemental 38
a) Les conclusions du groupe d'études et de prospective (inra cirad -2005-2006) 38
b) Les travaux sur le comportement de la molécule dans le sol 39
c) Les études portant sur les mécanismes de transfert 39
C. LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE 40
1. La mission d’information de l’Assemblée nationale 40
2. L’audition des élus antillais 41
D. RAPPORT BELPOMME : « UNE AFFAIRE DANS L’AFFAIRE ». 43
V. Une question non résolue : l’utilisation de la chlordecone en dehors des départements antillais 45
A. UN STATUT INTERNATIONAL EN VOIE D’ÉVOLUTION 46
1. L’organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture 46
2. Le programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) et la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants 46
B. DES ÉLÉMENTS D’ÉVALUATION SUR L’EMPLOI DE LA CHLORDÉCONE DANS LE MONDE 47
1. Les Etats-Unis 48
2. L’Europe 49
3. Asie 50
4. Aire Caraïbe 50
5. Afrique 50
6. L’Amérique Latine 51
Chapitre II : l’état d’exécution des dispositions scientifiques du « plan chlordécone » 55
I. Le plan d’action de la mission interministérielle chlordécone 55
A. RENFORCER LA CONNAISSANCE DES MILIEUX 56
B. RÉDUIRE L’EXPOSITION ET MIEUX CONNAÎTRE LES EFFETS SUR LA SANTÉ 56
C. ASSURER UNE ALIMENTATION SAINE ET GÉRER LES MILIEUX CONTAMINÉS 56
D. AMÉLIORER LA COMMUNICATION ET RECHERCHER UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE 57
II. L’evaluation de l’application du volet scientifique du plan chlordecone 58
A. L’ÉTABLISSEMENT D’UNE CARTE OPÉRATIONNELLE DES ÎLES 60
B. L’AMELIORATION ET LA RELOCALISATION DU PROCESSUS D’ANALYSE 63
1. Des conditions d’analyse difficiles 63
a) Une méthodologie préalable lourde 63
b) Une phase d’analyse délicate 66
2. Un premier bilan 68
3. Des questions en suspens 69
a) La fiabilité des analyses 69
b) La localisation d’une partie des analyses dans les îles 71
4. Les recherches portant sur des procédés d’analyse plus rapides et moins coûteux 75
C. LES RECHERCHES SUR LE COMPORTEMENT ENVIRONNEMENTAL DE LA CHLORDÉCONE 76
1. Les transferts de la molécule dans les milieux naturels 76
a) Les projets Chlordexco-soil et Chlordexco-trans 76
b) L’étude du CEMAGREF sur l’ubiquité de la molécule entre le réseau hydrographique et les milieux marins 78
c) Les études et les projets d’étude du BRGM sur l’état des nappes phréatiques en Martinique 78
d) La pollution des milieux marins 80
e) L’étude de la contamination de la faune des eaux continentales 86
(1) le degré de contamination des rivières est très variable. 87
(2) La bioconcentration de la chlordécone atteint des coefficients très importants dans les rivières polluées. 87
2. Les transferts de la molécule aux cultures et aux produits de l’élevage 88
a) La mise au point de référentiels de mise en culture et l’approfondissement des modes de transfert de la molécule entre le sol et les plantes 88
b) L’étude de la bioaccumulation de la chlordécone chez les animaux d’élevage 93
c) La nécessité de mener une action de recherche sur la contamination des élevages aquacoles 93
3. L’état des études épidémiologiques 95
a) L’évaluation de l’exposition alimentaire des jeunes enfants 95
b) L’étude TIMOUN 96
c) Le constat de la prévalence du cancer de la prostate aux Antilles et l’étude Karuprostate 96
D. LES RECHERCHES SUR LA REMÉDIATION ENVIRONNEMENTALE 103
1. Un état des lieux à améliorer 103
2. Une première exploration des pistes de remédiation 107
a) la phytoremédiation 108
b) La remédiation physicochimique 109
c) La bioremédiation 109
d) Une interrogation sur le décapage des sols 111
E. LE RAPPORT DU COMITÉ SCIENTIFIQUE 111
CHAPITRE III – La présence des pesticides employés aux Antilles depuis la fin de l’épandage de la chlordécone en 1993 113
I. Un contexte général de réduction d’emploi des pesticides 113
II. Une pollution environnementale avérée 116
A. LES EAUX DE SURFACE 116
1. La Guadeloupe 116
a) Quelles sont les substances actives identifiées ? 117
b) Le niveau des contaminations par substance active 118
2. La Martinique 119
B. LES EAUX PATRIMONIALES 121
A. L’AVIS DE L’AFSSA SUR LE RISQUE CONSTITUÉ PAR LE PARAQUAT 123
1. Les risques pour l’environnement 124
2. Les risques pour la santé humaine 125
3. Les risques pour le consommateur 126
B. LE PROBLÈME DES STOCKS DE PARAQUAT 126
Chapitre IV – L’adaptation de l’agriculture antillaise à la réduction de l’emploi des pesticides 129
I. Le Plan « Ecophyto-DOM » 130
1. La mise à disposition d’indicateurs adaptés 132
2. La sécurisation et la durabilité des itinéraires techniques 133
3. La sécurisation des pratiques 134
4. L’orientation des programmes de recherche vers la réduction de l’utilisation de pesticides 134
5. Le développement de réseaux de surveillance des bioagresseurs 135
II. Le Plan « banane durable » 135
A. LA RÉFORME DES PRATIQUES CULTURALES 136
1. Les charançons 137
2. Les nématodes 137
3. Les « thrips » 138
4. Les herbes adventices 138
5. La cercosporiose jaune 138
6. Les anthracnoses 139
B. LA RECHERCHE DE PLANTS RÉSISTANTS À LA CERCOSPORIOSE NOIRE 139
PROPOSITIONS 143
I. Aller à la recherche de la chlordécone perdue, notamment en Europe : Poursuivre les recherches des zones d’épandage de la chlordécone dans le monde 146
II. accentuer et promouvoir les recherches sur la mise au point de méthodes d’analyses plus rapides et moins coûteuses 149
A. RENFORCER LA FIABILITÉ DES ANALYSES 149
B. SYSTÉMATISER, EN COLLABORATION AVEC L’ANR, LA RECHERCHE DE MÉTHODES D’ANALYSES PLUS RAPIDES ET MOINS COÛTEUSES 149
III. activer la mise au point de la cartographie de la pollution et l’étendre aux eaux continentales et auX milieuX marinS 150
A. LA CARTE DE LA CONTAMINATION DES SOLS 150
B. UN RISQUE AVÉRÉ : L’EXTENSION DE LA POLLUTION À LA CHLORDÉCONE, AUX EAUX CONTINENTALES ET AUX MILIEUX MARINS 151
IV. Préparer l’avenir en soutenant la recherche sur la rémédiation des milieux naturels et sur le comportement environnemental de la chordécone. 152
V. compléter le « plan chlordécone » en renforcant les volets consacrés aux milieux marins et aux élevages aquacoles 153
VI. établir des référentiels d’imprégnation sanguine pour les proposer aux populations les plus exposées 156
VII. Accentuer les encouragements au plan « banane durable » et soutenir les biotechnologies appliquées à la banane. 158
A. ENCOURAGER LES RECHERCHES DU CIRAD SUR L’HYBRIDATION 158
B. S’INTERROGER À L’ÉCHELLE MONDIALE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BIOTECHNOLOGIES APPLIQUÉES À LA BANANE 159
VIII. Organiser l’action des pouvoirs publics en vue de l’après 2010 160
A. POSER LE PRINCIPE DE LA POURSUITE DU « PLAN CHLORDÉCONE » 160
B. METTRE À NIVEAU L’ÉQUIPEMENT ENVIRONNEMENTAL DES DEUX ÎLES 161
1. La destruction des déchets ultimes 161
2. Créer un groupement d’intérêt scientifique (GIS) entre les laboratoires antillais 161
3. L’installation d’un pôle de toxicologie et d’écotoxicologie aux Antilles, consacré à la chlordécone et aux polluants organiques persistants 161
C. CORRIGER LA MISE EN œUVRE DES DISPOSITIONS DU « PAQUET HYGIÈNE » 162
D. APPRÉCIER LE RISQUE « GLYPHOSATE » 163
IX. Coordonner au niveau Européen et au niveau mondial, l’identification des dangers et l’établissement des valeurs toxicologiques de référence 164
X. Adapter la réglementation sur les pesticides aux données de la géographie antillaise sans miNORER lES exigences de la protection sanitaire 166
Adoption par l’office 167
ANNEXES 169
annexe I - Identité chimique et propriétés physico-chimiques de la chlordécone 171
ANNEXE II – Le plan chlordecone 173
Annexe III – documents relatifs aux travaux du Pr. BELPOMME 185
A. L’APPEL DE PARIS 185
B. LES OBSERVATIONS DES CHERCHEURS SUR LE RAPPORT PRÉSENTÉ EN JUILLET 2007 186
C. ARTICLE PUBLIÉ DANS L’« INTERNATIONAL JOURNAL OF ONCOLOGY » 189
D. LES OBSERVATIONS SUR L’ARTICLE PUBLIÉ DANS L’« INTERNATIONAL JOURNAL OF ONCOLOGY » 197
Annexe IV - LE refus du pr. Belpomme d’informer la représentation nationale 201
Annexe V – Compte rendu de LA MISSION DE M. Jean-Yves Le Déaut en équateur 205
Annexe VI – liste des personnes auditionnees 217
A. DÉPUTÉS ET SÉNATEURS DES ANTILLES 217
B. FRANCE METROPOLITAINE 217
C. DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER 219
D. ITALIE 221
E. EQUATEUR 222
F. BERLIN 223
L'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi, en octobre 2007, de deux demandes d'études portant sur l'utilisation des pesticides dans certains départements ultramarins.
D'une part, la commission des Affaires économiques, de l'environnement, et du territoire de l'Assemblée nationale lui a demandé de se prononcer sur « l'effet des pesticides aux Antilles sur la santé humaine ».
D'autre part, la commission des Affaires économiques du Sénat lui a demandé d'étudier « l'utilisation de la chlordécone, du paraquat et des autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise, guadeloupéenne, et guyanaise ». En outre, la commission a souhaité que l'Office conduise une mission de veille sur les mesures annoncées par les ministres qu’elle a entendus, conjointement avec la Commission des Affaires sociales du Sénat, le 9 octobre 2007 (lancement d'études, projets d'investissement scientifique, actions de contrôle). La commission souhaitait, qu'à cette occasion, l'Office puisse s'assurer que toutes les mesures annoncées soient bien conduites à terme et que « tous les aspects scientifiques du problème aient été bien éclairés ».
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Les problèmes soulevés par l'utilisation de certains pesticides aux Antilles, dont la chlordécone, et les interrogations que cette utilisation a soulevées ne sont pas nouveaux puisqu’ils ont été mentionnés dès 1977 par des chercheurs de l’INRA. C’est en effet M. Eric Godard, aujourd’hui coordinateur du « plan chlordécone » aux Antilles qui a révélé l’importance de cette pollution et l’a traitée comme une priorité sanitaire dès 1999.
Depuis cette date, et jusqu’en 20081, les pouvoirs publics ont pris des mesures et lancé des études épidémiologiques dont certaines sont encore en cours.
Par ailleurs, la mission d’information parlementaire dont le président était M. Philippe Edmond-Mariette et le rapporteur, M. Joël Beaugendre, constituée auprès de la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2004, avait, dans son rapport remis le 30 juin 2005, très complètement analysé la situation, fait le bilan de ces actions et proposé la mise en œuvre de dix grandes catégories de recommandations. Un comité de suivi des mesures proposées par ce rapport, présidé par le député Jacques Le Guen, a été chargé de vérifier l’application des mesures préconisées.
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En 2007, les conséquences sanitaires de l’utilisation de la chlordécone aux Antilles ont été, à nouveau évoquées.
En mars, deux auteurs martiniquais, MM. Raphaël Confiant et Louis Boutrin ont publié un ouvrage, « Chronique d’un empoisonnement annoncé », mettant fortement en cause les planteurs locaux et les pouvoirs publics. Ce livre qui a eu un fort retentissement local mais un faible écho national, a donné lieu à une mise au point publique des praticiens et des chercheurs impliqués dans les études épidémiologiques menées sur place.
En juin, un rapport du Pr. Belpomme, « rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides en Martinique – conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires et proposition d’un plan de sauvegarde en cinq points » a été remis aux ministères concernés ; ce rapport a été rendu public le 18 septembre 2007.
Dans ce rapport, l’auteur2, sans nuances, assimilait l’emploi de la chlordécone aux Antilles à un désastre sanitaire comparable « à celui du sang contaminé ».
Notons que le Pr. Belpomme, confronté, le 7 novembre 2007, à l’occasion de son audition par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, à des scientifiques spécialisés dans les conséquences de l'utilisation de la chlordécone, était revenu sur certaines de ses conclusions3, reconnaissant les inexactitudes dans les détails, tout en réaffirmant que le message de fond restait pertinent. Cette intervention du Pr. Belpomme, que nous développons dans le rapport comme « une affaire dans l’affaire », a généré une alerte sanitaire, mais qui à notre sens, ne s’est pas appuyée suffisamment sur la réalité des études scientifiques.
On ne peut que regretter que ces deux apports aient contribué à « théâtraliser » cette question alors même qu’ils étaient dénués de tout contenu scientifique publiable (absence d’analyses de données, absence de méthodologie, absence d’analyses de résultats).
Sur un terrain social dont on a pu, à nouveau, mesurer l’extrême sensibilité, l’ombre portée4 de ces contributions est de nature à introduire des confusions malvenues dans le traitement d’un problème qui commande la recherche de solutions dépassionnées.
L’étude que nous avons menée nous a conduits à auditionner 122 acteurs de ce dossier. Après plus de 200 heures d’auditions, nous avons acquis la conviction qu’il s’agit d’un accident environnemental, mais que ce n’était qu’en poursuivant les études scientifiques et médicales que nous pourrions mesurer l’impact sanitaire réel sur la population. Les résultats scientifiques sont toujours longs à obtenir, mais nous espérons que d’ici quelques mois, les études épidémiologiques pourront lever un certain nombre d’interrogations.
Ceci d’autant plus que, les Antilles connaissent d’autres problèmes que ceux posés par la chlordécone, et notamment celui dû à la progression de l’obésité5 (diabète de type 2 de 2 à 3 plus fréquent qu’en métropole, maladies cardiovasculaires).
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Dans ce contexte, vos rapporteurs ont présenté leur étude de faisabilité, le 25 avril 2008 ; celle-ci a été adoptée par l’Office. Pour répondre aux préoccupations des deux commissions du Parlement qui ont saisi, il a été décidé :
- d’unifier les deux saisines sous l’intitulé « Impacts de l’utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d’évolution » ;
- de centrer l’objet des travaux sur trois grands thèmes :
• l’application des dispositions scientifiques du « plan chlordécone » ;
• les conséquences de l’utilisation des pesticides aux Antilles depuis l’interdiction de la chlordécone en 1993 ;
• et les conditions d’intégration de l’agriculture antillaise, et en particulier de la culture bananière, aux dispositions du « Grenelle de l’environnement ».
Mais il nous a semblé utile de faire précéder l’analyse de ces trois thèmes par un historique circonstancié.
CHAPITRE I : L’HISTORIQUE DU PROBLÈME
Cette démarche ne répond pas uniquement à une préoccupation documentaire. Elle s’explique aussi par le fait que les caractéristiques de la chlordécone, ses conditions et son aire d’application aux Antilles conditionnent assez largement l’ampleur et l’efficacité des mesures sanitaires, environnementales et agronomiques qui doivent contribuer à limiter les conséquences de son utilisation passée.
Mais ce rappel des faits ne doit pas se limiter aux seuls départements antillais. Car les recherches effectuées dans le cadre de cette étude ont permis de mettre en évidence une réalité qui avait été largement occultée par l’attention exclusive accordée jusqu’ici aux Antilles : la chlordécone a été utilisée sur plusieurs continents, y compris en Europe.
LA PRODUCTION DE LA MOLECULE AUX ETATS-UNIS
Le terme pesticide est une appellation générique qui désigne les substances naturelles ou de synthèse destinées à éliminer les organismes jugés nuisibles, dans des domaines aussi variés que l'agriculture, la vie urbaine ou la santé publique. On distingue cinq catégories principales de pesticides : les insecticides et les acaricides utilisés dans la lutte contre les insectes et les acariens, les fongicides utilisés dans la lutte contre les microorganismes et les champignons, les rodencides employés contre les rongeurs, les nématicides employés contre les vers, et les herbicides qui détruisent les mauvaises herbes.
Avant la seconde guerre mondiale, les pesticides, ou ce qu'on qualifie aujourd'hui de produits phytosanitaires dans la législation européenne, étaient essentiellement composés de produits d'origine minérale, comme le soufre, l’arsenic, ou le sulfate de cuivre (la fameuse bouillie bordelaise utilisée notamment pour le traitement de la vigne).
Depuis, leur substance active provient de composés organiques de synthèse que l'on distingue généralement en fonction de la nature de leurs principes actifs : organochlorés, organophosphorés, etc.
La molécule dont l'utilisation a été mise en cause aux Antilles, la chlordécone, est un organochloré.
La chlordécone a été découverte en 1951, brevetée en 1952 et commercialisée à partir de 1958 par la société « Allied Chemical », sous les noms de Kepone® et de GC-1189®.
Jusqu’à son interdiction en 1976, environ 1 600 tonnes de matière active (à 94,5 % de chlordécone) ont été produites dans trois usines situées respectivement dans le Delaware, en Pennsylvanie et dans une unité complémentaire de fabrication située à Hopewell en Virginie.
La molécule a été principalement, mais pas exclusivement6, utilisée comme pesticide à usage agricole.
Elle a fait l’objet de 55 formulations commerciales à des dosages très variés (de 0,125 % pour les pièges à fourmis, à 5 % pour la lutte contre le charançon du bananier, à 50 % pour le contrôle du cricket de Floride et à 90 % pour la lutte contre les doryphores).
Si on se réfère au rapport publié en novembre 2006 par le comité des polluants organiques persistants du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, ces différentes formulations ont été utilisées sur un spectre large (lutte contre le doryphore et les vers taupins de la pomme de terre, le mildiou, la tavelure du pommier et les ravageurs du tabac et des agrumes, sans que cette liste soit limitative).
Mais, dès juillet 1975, la fabrication de l’usine de Hopewell a été interrompue car des défaillances graves avaient été constatées dans le dispositif d'hygiène et de sécurité de la chaîne de production.
Ces défaillances avaient donné lieu à une pollution importante des abords immédiats de l'usine et au constat d'effets toxiques aigus sur les ouvriers et sur les personnes habitant à proximité.
Les études faites à cette occasion7 ont mis en évidence un ensemble de symptômes regroupés sous la dénomination de « syndrome du Képone » qui se caractérise par des atteintes neurologiques (tremblement des membres, incoordination motrice, troubles de l'humeur et de la mémoire récente, mouvement anarchique des globes oculaires) et testiculaires (modification de certaines caractéristiques spermatiques).
La sévérité de ce tableau clinique a été étroitement corrélée à la concentration de la chlordécone dans le plasma des intéressés, ce qui a permis d'établir un seuil minimal associé à la présence de ces symptômes de 1 mg par litre de plasma et, à l'opposé un seuil associé à une absence d'effets indésirables observés compris entre 0,2 et 0,5 mg par litre. (Cf. l'article publié par Luc Multigner dans la revue de l'INSERM « Environnement, risques et santé » de novembre-décembre 2007).
Ce premier constat des dérèglements sanitaires dus à des émissions incontrôlées de chlordécone permet d'avancer deux observations :
- d'une part, les doses délétères observées en Virginie demeurent très supérieures à celles que l'on a pu déceler aux Antilles,
- et, d'autre part, les études effectuées en Virginie n'ont porté que sur des expositions aiguës et que sur les manifestations cliniques du « syndrome du Képone », excluant ainsi toute épidémiologie sur les effets des expositions chroniques aux produits ou sur toute autre manifestation clinique, comme les tumeurs cancérigènes ou les risques liés à la grossesse ou à l'allaitement.
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Le bilan des effets sanitaires de ces dysfonctionnements de production a abouti, en 1976, à l’interdiction de la fabrication et de la commercialisation du Képone par les autorités fédérales américaines.
L’EMPLOI DU PRODUIT AUX ANTILLES
En France, dès 1968, la commission « d'étude de la toxicité des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes et des supports de culture » avait conseillé l'interdiction du produit en raison de ses dangers potentiels pour la santé humaine et animale.
Mais, en février 1972, une autorisation provisoire de commercialisation fut accordée pour une durée d'un an, compte tenu de la pertinence du produit pour lutter contre le charançon du bananier, aussi bien du fait de son efficacité que de la relative faiblesse des quantités à utiliser – qui étaient alors sept fois moindres que celles des pesticides employés précédemment.
Cette autorisation provisoire a été consolidée dans les faits jusqu'à ce qu'intervienne, en 1981, l'homologation officielle du Curlone, seconde formulation commerciale à base de chlordécone succédant au Képone. Il est à noter que cette homologation avait été facilitée par le passage des cyclones Allen en 1979 et David en 1980 qui avaient laissé les planteurs de bananes antillais sans défense devant la multiplication des charançons, consécutive à ces deux événements climatiques8.
En septembre 1989, la commission d'étude de la toxicité, à la suite du réexamen d'un ensemble de dossiers, s'était prononcée pour l'interdiction de la chlordécone. Cet avis a été suivi, en février 1990, du retrait de l'autorisation de vente de la spécialité commerciale, le Curlone, puis en juillet 1990 de l'interdiction de la substance active, c'est-à-dire la chlordécone.
Mais, la législation existante à l'époque prévoyait que, lorsqu’une spécialité était l'objet d'un retrait d'homologation, la vente de ce produit sur le marché français ne devait cesser qu’un an après la notification de ce retrait, étant précisé qu'un délai d'un an supplémentaire pouvait être toléré avant le retrait définitif du produit.
Ces dispositions signifiaient que le Curlone pouvait être employé aux Antilles au maximum jusqu'en février 1992, ce qui correspondait à la demande des planteurs de bananes car les pesticides de substitution étaient, selon leurs dires, soit insuffisants, soit en cours d'expérimentation.
Comme l’a relevé la mission d'information précitée de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, l'utilisation du Curlone aux Antilles s'est poursuivie, au-delà de la date limite de févier 1992, jusqu'en septembre 1993. Ceci sur la base de deux décisions, l'une accordant à titre dérogatoire un délai supplémentaire d'utilisation courant jusqu'au 28 février 1993, et l'autre autorisant les planteurs bananiers à utiliser le reliquat des stocks de Curlone jusqu'au 30 septembre 1993.
Les prises de décisions concernant l’emploi de la chlordécone ont ainsi notablement varié entre les réticences, l’autorisation provisoire, l’homologation officielle, l’interdiction avec délai dérogatoire d’emploi des stocks existants et l’interdiction définitive.
On pourrait ironiser sur ces va-et-vient de la réglementation de l’utilisation d’un produit dont les dangers avaient été relevés dès 1968. Mais cette valse hésitation peut, partiellement, s’expliquer par plusieurs facteurs.
D’une part, les délais qui existaient à l’époque entre l’autorisation d’emploi d’un produit et les constats de ses effets polluants dans le long terme étaient beaucoup plus longs qu’aujourd’hui9, ce qui pouvait justifier des homologations reposant sur un rapport avantage/coût en apparence satisfaisant au regard des produits de substitution.
D’autre part, c’est peu dire que le dispositif français d’autorisation disposait, avant 2001, de marges de progression substantielles.
Les mécanismes d’homologation ne séparaient pas, alors, clairement les instances d’évaluation des autorités chargées de prendre les décisions.
De plus, la composition de la commission d’études de la toxicité des produits phytopharmaceutiques associait des industriels qui n’ont été écartés qu’en 2001.
Et ce n’est qu’à compter de la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 qu’ont été clairement séparés le moment de l’évaluation confié à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et celui de l’homologation par acte ministériel. La dite homologation n’étant prononcée que pour une durée d’un an et soumise à la surveillance d’un comité de suivi, sous la responsabilité de l’AFSSA.
LES CONDITIONS D’UTILISATION DE LA CHLORDÉCONE AUX ANTILLES
Entre 1972 et 197610, la molécule a été importée aux Antilles par la société Vincent de Lagarrigue sous formulation de Kepone. Le produit était acheté par l’intermédiaire d’une filiale de Dupont de Nemours basée à Miami.
Sur la période 1981-1993, le produit a été commercialisé sous le nom de Curlone par la société Vincent de Lagarrigue. Celle-ci achetait le Curlone à la société Calliope.
Cette dernière importait la chlordécone du Brésil par l’intermédiaire de la société coopérative « AgroCeres » qui en sous-traitait elle-même la synthèse par l’intermédiaire la société « AgroKimicos », située à Riberao Prêto dans l’état de Sao Paolo.
La molécule synthétisée était expédiée à la société Calliope, à Port-la-Nouvelle dans l’Aude, qui en établissait la formulation en la dosant à 5 % de chlordécone.
Les estimations en possession de vos rapporteurs, en provenance de la société qui a repris - après diverses vicissitudes – la société Calliope calibrent la production de Curlone à 4 000 t sur la période 1981-199111.
Avec une formulation du produit à 5 % de chlordécone ce sont donc environ 200 tonnes de cette molécule qui ont été produites. Dont environ 90 % ont été utilisés dans les deux îles antillaises, 10 % ayant été réexportés au Cameroun et en Côte d’Ivoire où ces molécules ont été utilisées jusqu’en 1995 et 1998.
Si l’on postule un usage de même ampleur sur la période 1972-1978, on aboutit à un épandage de chlordécone de l’ordre de 300 tonnes sur les sols des deux îles (120 tonnes de 1972 à 1978, et 180 tonnes de 1981 à 1993).
Le Curlone était employé dans les bananeraies12 pour lutter contre le charançon dont les larves se nourrissent des racines de la plante, entravant son développement et surtout fragilisant son implantation en favorisant ainsi les déracinements dans une zone d’alizés où les coups de vents sont fréquents.
Le produit était répandu au pied de la plante sous forme de solution dosée à 30 grammes de Curlone, soit 1,5 g de chlordécone, ce qui à raison de 800 pieds de bananes à l’hectare et de 2,5 épandages par an (deux épandages pour un cycle de huit mois de production) aboutit à un dosage de 3 kg de chlordécone/h/an.
Pour être complet, ces plans d’épandage n’étaient pas systématiques.
En principe, un épandage était mené à l’occasion de la plantation du bananier. Puis, chaque année, on procédait à des tests d’infestation en décortiquant un échantillon de racine pour déterminer si un traitement était nécessaire.
Les estimations en possession de vos rapporteurs calibrent à environ au tiers les surfaces des soles bananières traitées chaque année.
Le Curlone n’a fait l’objet d’aucun épandage aérien.
LA LOCALISATION DES ÉPANDAGES SUR LE TERRITOIRE ANTILLAIS
La localisation des zones d’utilisation de la chlordécone en Martinique et en Guadeloupe résulte d’une modélisation construite sur la base de prélèvements effectués par sondage dans les zones à risque (sol friable à forte teneur organique, soles bananières, conditions climatiques particulières, notamment en matière de pluviométrie)13 :
En Martinique
En Guadeloupe
Au total, les zones fortement polluées ne représentent qu’une partie modérée de la surface agricole utile des îles (respectivement 8 et 9 %) mais ce pourcentage atteint ou dépasse le quart de cette surface si l’on y ajoute les zones moyennement contaminées :
On notera qu’un sol fortement pollué est un sol qui contient plus de 1 mg/kg. Mais que la moyenne de pollution des sols dans lesquels la chlordécone a été régulièrement épandue de 1972 à 1993 ressort à 10 mg/kg. Etant précisé que cette moyenne peut être dépassée sur certains îlots de culture.
Mais, outre qu’elles sont provisoires, ces données ne font pas apparaître :
- l’état de la pollution des eaux continentales et des bassins versants, la chlordécone se diffusant en particulier par ruissellement des matières organiques ;
- l’état de la pollution des eaux littorales ;
- et l’état des nappes phréatiques.
LA PERSISTANCE DE LA CHLORDÉCONE DANS L’ENVIRONNEMENT ANTILLAIS
La plupart des pesticides qui polluent les milieux naturels sont progressivement éliminés. Ce n’est pas le cas de la chlordécone qui, comme les dioxines ou les polychlorobiphényles (PCB) appartiennent au groupe des polluants organiques persistants.
Le maintien de la substance dans l’environnement s’explique par ses propriétés physiques et chimiques, mais ses mécanismes de transfert vers l’ensemble des milieux naturels varient en fonction de la nature des sols où elle a été épandue.
LA STABILITÉ PHYSICO-CHIMIQUE DE LA MOLÉCULE
La forte rémanence du produit dans les milieux naturels des îles antillaises peut trouver un premier facteur d'explication dans leur géographie : exiguïté relative des territoires, concentration des soles bananières, étroitesse des bassins hydrographiques. Mais elle résulte principalement des propriétés de la chlordécone qui n’avait pas été suffisamment prises en considération lors de son homologation à la vente, probablement parce que les travaux qui les exposaient étaient récents (1979 pour les premières publications) et menés aux Etats-Unis14.
La persistance du produit dans les sols et sa présence dans les sédiments des rivières relèvent principalement de ses propriétés physico-chimiques.
La chlordécone, à l'opposé des autres pesticides organochlorés employés dans les bananeraies antillaises entre 1960 et 1972 (lindane, HCH), se caractérise par un très faible degré de dégradation biotique et abiotique.
Cela tient à sa stabilité physique et chimique15 :
- le produit a la particularité d'être très peu soluble dans l'eau, bien que susceptible d’évoluer vers une plus grande solubilité en fonction des conditions du milieu, en particulier si ce milieu est basique. Par exemple, pour un PH de 4, la solubilité de la molécule exprimée en mg/l est de 1,75 et pour un PH de 10,9, elle est cent fois plus élevée. Mais, par leur nature, les sols des Antilles se prêtent peu à une activation de ce potentiel de solubilité,
- le produit présente également une très faible volatilité, est thermiquement stable jusqu'à son point de sublimation (350° C) et exige des températures de l'ordre de 1000° C pour être incinéré, ce qui exige un équipement particulier et rend l’opération coûteuse,
- le produit manifeste une forte affinité pour la matière organique des sols et des sédiments. Par exemple, mis en présence de systèmes sol-eau à l'équilibre, la chlordécone va s'associer de façon préférentielle avec la matière organique qui aura alors des teneurs en résidus 10 000 à 100 000 fois plus élevées que celles enregistrées dans l'eau environnante. Ceci explique que les sédiments servent de vecteurs de contamination des eaux de rivière, puis des milieux marins.
On ajoutera que la pédologie des Antilles facilite cette affinité de la molécule pour les matières organiques du sol. On y retrouve des teneurs en carbone supérieures à 12 %, ce qui est un record mondial.
Enfin, la chlordécone s’accumule dans les graisses et donc est susceptible de se concentrer dans la chaîne alimentaire, en particulier dans les milieux aquatiques.
Des travaux convergents effectués aux Etats-Unis après les incidents de Hopewell et repris dans un document de l’Agence américaine de protection de l’environnement (Ecotox 2006) font état d’un facteur de bioconcentration élevé à très élevé de 410 à 520 pour les diatomées, à 6 000 pour les huîtres et à une fourchette de 2 000 à 60 000 pour les poissons suivant les espèces.
DES MODÈLES DE PERSISTANCE À LONG TERME DANS LES SOLS
Cette stabilité physique de la molécule rend compte de la persistance de la chlordécone dans les sols antillais.
Le tableau qui suit et qui résulte d’une modélisation illustre la force de cette permanence de la chlordécone dans le sol par rapport à un autre pesticide organochloré employé antérieurement aux Antilles, le HCH.
Illustration de la différence de comportement des molécules de HCH
et de chlordécone – Modèle d’élution Cabidoche et al. (2004)
On observe ainsi :
- que plus de 300 kilos de HCH épandus par hectare et par an ont pratiquement disparu dans les sols après environ 50 ans, mais qu’en dix ans, la concentration est déjà 50 fois plus basse.
- et que trois kilos de chlordécone épandus par hectare et par an ne s'éliminent totalement des sols qu'au bout de sept siècles16 mais qu’il faut un siècle pour que la concentration soit dix fois inférieure.
Ce constat prédictif d’une permanence multiséculaire de la chlordécone dans les sols antillais doit être doublement tempéré :
- il repose sur un état des connaissances en matière de remédiation des sols qui ne pourra qu’être amélioré par les avancées scientifiques et technologiques,
- et surtout, il n’implique pas automatiquement d’aggravation des risques sanitaires qui seraient liés à sa permanence dans les sols. En d’autres termes et c’est déjà suffisamment préoccupant, le fait que la chlordécone puisse rester des siècles dans les sols antillais constitue une menace de long terme pour les Antillais, mais n’accroît pas objectivement les risques sanitaires qu’il leur fait encourir aujourd’hui.
UN COMPORTEMENT ENVIRONNEMENTAL QUI VARIE SELON LA NATURE DES SOLS
Le comportement environnemental de la molécule procède de ses propriétés :
- elle a une forte propension à la rétention dans les sols,
- elle fait l’objet d’un ruissellement faible in abstracto, mais que l’on ne doit pas négliger quand la force de la pluviométrie charrie beaucoup de matière organique,
- et ses principales voies théoriques d’évacuation sont l’extraction par les plantes et le transfert par le lessivage des sols vers la nappe phréatique et les cours d’eau.
Mais ces règles générales de comportement environnemental de la molécule sont susceptibles de varier en fonction de la nature des sols sur lesquels la chlordécone a été employée. Une étude menée pour le compte de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) par M. Thierry Woignier, directeur de recherche au CNRS, montre que l’ubiquité de la molécule n’est pas constante.
Il y a des différences physiques fortes (degré de porosité, importance de la surface poreuse, structure microscopique) entre les argiles les plus anciens (allophanes) et les argiles plus récents (hallosites).
Les argiles allophanes ont une porosité et un volume poreux de deux à quatre fois plus importants que les autres sols (leur surface poreuse est de 100 m²/g, un record étant atteint par une catégorie d’argiles dits « gonflants » : 600 m² pour un gramme de matière). En outre, comme le montre le schéma ci-dessous les agrégats d’allophane sont multiéchelles :
Ces caractéristiques expliquent à la fois :
- que les structures physiques des argiles allophanes leur aient permis d’agir comme structure de piégeage de la molécule,
- et, à l’inverse, que ces structures limitent les relargages de la molécule, soit par perméabilité17, soit par diffusion18. Plus l’échelle des agrégats d’argile est faible, plus le transfert par perméabilité est ralenti car les liquides ont du mal à se déplacer et plus elle est tortueuse, plus le transfert par diffusion est empêché par la structure fractale de la matière organique.
Le tableau qui suit montre qu’en présence de structure de taille inférieure à 10 nm, ces transferts tendent rapidement vers 0.
Avec ce résultat paradoxal que les sols qui contiennent le plus de chlordécone, parce qu’ils ont piégé le plus de molécules, sont ceux qui en relarguent le moins.
En postulant un épandage égal, les sols contenant des allophanes ont une teneur moyenne en chlordécone dix fois plus élevée (5 mg/kg contre 0,5 mg/kg) que les autres sols argileux, mais la quantité que l’on peut en extraire par lixiviation est trois fois plus faible.
Cette différence entre les andosols (à allophane) et les nitisols (autres sols argileux) est d’une portée pratique intéressante pour la gestion de l’environnement, qu’il s’agisse de définir des référentiels pour la mise en culture ou de mettre en place des méthodes d’élimination de la molécule.
LES RÉPONSES DES POUVOIRS PUBLICS
Le constat, établi en 1999, d’une rémanence importante de pollution des milieux naturels antillais, par un produit dont l’utilisation avait cessé depuis plus de cinq ans, a donné lieu à des réponses des pouvoirs publics, qu’il s’agisse de mesures administratives, d’études scientifiques ou d’actions de contrôle parlementaire.
Mais l’exactitude oblige à dire que cette action a été étalée dans le temps car la mesure du problème posé par la persistance de la chlordécone dans les sols antillais, n’a pas été immédiatement perçue.
Et ce n’est qu’assez tardivement, qu’une vision plus générale des réponses à apporter a été dégagée – probablement à la suite du remarquable travail de la mission d’information conduite en 2004-2005 à l’Assemblée nationale.
LES MESURES ADMINISTRATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
LA PROTECTION DES EAUX DE CONSOMMATION
Le problème de la qualité des eaux était particulièrement préoccupant aux Antilles car les quatre cinquièmes des ressources en eau potable des deux îles se situaient dans les zones de culture bananière.
Dès la campagne d'analyse de 1999, certains captages d'eau superficielle ou d'eau souterraine ont été fermés. Parallèlement, des campagnes d'analyse des eaux brutes ayant vocation à être traitées et des eaux de boisson ont été menées, dans le premier cas par les directions régionales de l'environnement et dans le second par les directions régionales de l'action sanitaire et sociale.
Les limites réglementaires de pesticides dans chacune de ces deux catégories procèdent du décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001, qui fixe ces limites supérieures à :
- 2 µg par litre par substance individualisée et 5 µg par litre pour l'ensemble des pesticides en ce qui concerne les eaux brutes,
- et à 0,1 µg par litre par substance individualisée et 0,5 µg par litre pour l'ensemble des pesticides pour les eaux de consommation.
Il est à noter que ces limites sont très inférieures à celles proposées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Sur ces bases, une double action a été menée de dilution des eaux avant traitement pour réduire leur concentration en pesticides, puis de filtration au charbon.
Les résultats des analyses opérées à la suite de prélèvements convergents montrent que plus de 99 % des eaux de boisson distribuées sont conformes aux normes réglementaires.
Enfin, des périmètres de protection ont été prévus afin de prévenir la pollution de la ressource en eau à proximité des points de prélèvement : soit des périmètres de protection immédiate où toute activité étrangère aux captages est interdite, soit des périmètres de protection rapprochée qui font l'objet de servitudes diverses, soit, enfin, des périmètres de protection éloignée dont l'établissement est facultatif.
Une étude réalisée dès avril 2002 par la Direction des affaires sanitaires et sociales de la Martinique avait mis en évidence la contamination des légumes-racines (igname, dachine, patate douce) cultivés dans les sols pollués par la chlordécone.
En conséquence, des arrêtés préfectoraux ont été pris en mars 2003 en Martinique, et en octobre 2003 à la Guadeloupe, contraignant les agriculteurs à faire analyser les sols avant toute mise en culture de légumes-racines – les analyses étant financées à l’aide d’un programme de l'Union européenne. Les agriculteurs persistant à cultiver des légumes-racines dans des sols pollués devaient s'astreindre, à leur charge, à un contrôle des végétaux, et, en cas de positivité du contrôle, leur production était interdite à la commercialisation.
Ce dispositif a été efficace.
Par exemple, si on se réfère au plan de contrôle effectué par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en Guadeloupe, le nombre d’échantillons contaminés a notamment baissé :
- en 2004, 144 prélèvements et 22 échantillons contaminés,
- en 2006, 200 prélèvements et 2 échantillons contaminés,
- en 2007, 211 prélèvements et 3 échantillons contaminés.
Mais, il laissait subsister des secteurs de plus faible vigilance.
D’une part, les arrêtés qui visaient à interdire la culture des légumes-racines potentiellement pollués et à prohiber leur commercialisation ne permettaient pas de résoudre d'éventuels problèmes sanitaires liés à l'autoconsommation, aux échanges villageois ou à la commercialisation foraine le long des routes des îles.
D’autre part, demeurait également en suspens le sort réservé aux produits de pêche : la pêche en rivière, la pêche à pied dans les estuaires et la pêche côtière.
À titre indicatif, et pour la seule zone côtière, une mission menée par deux scientifiques de l'IFREMER dans la baie Robert à la Martinique à la fin de 2007 a révèlé que :
- les poissons d'élevage maritime étaient épargnés par la pollution à la chlordécone,
- les langoustes étaient les plus contaminées, entre 8 et 1 000 µg par kilo – il est vrai sur seulement 10 prélèvements,
- et que les poissons de la baie (chirurgien, marignan, vivaneau, sarde) révélaient des teneurs en chlordécone variant entre quelques µg et 70 µg par kilo.
Mais on doit relever qu’à la suite de la modification de la réglementation européenne, entrée en application à compter du 1er septembre 2008, deux novations importantes ont été introduites qui ont rendu caducs les mécanismes de surveillance mis en œuvre en 2003 :
- les limites maximum de résidus (LMR), c’est à dire de présence de chlordécone dans les aliments mis en vente, ont été abaissées de 50 µg/kg de produit frais à 20 µg/kg de produit frais,
- le « paquet hygiène » de l’Union européenne qui introduit de nouvelles obligations pour les exploitants agricoles est entré en application au 1er janvier 2006. Cette réglementation qui regroupe et simplifie 17 directives antérieures, renverse la charge de la preuve pour les exploitants qui devront fournir tous les éléments de preuves propres à justifier la conformité de leur production, ceci sous forme déclarative circonstanciée (identification de la parcelle, informations sur les noms, les volumes et les dates d’épandage des produits phytosanitaires employés, etc.)
Une lecture cursive de la liste des nombreux organismes entendus par la mission Edmond-Mariette en 2005 témoigne de la très grande diversité des structures ministérielles et des instituts de recherche alors concernés par la pollution à la chlordécone aux Antilles.
Des mesures de coordination destinées à remédier à cet état de fait n’ont été prises que très progressivement.
À l'échelon local, des groupes régionaux phytosanitaires, le groupe régional d'études des pollutions pour les produits phytosanitaires en Guadeloupe (GREPP) et le groupe régional phytosanitaire en Martinique (GREPHY), ont été respectivement mis en place en 2000 et 2001. Ces groupes sont composés de l'ensemble des acteurs intéressés aux problèmes de la pollution par les pesticides : administration, organismes de recherche, collectivités locales, représentants des agriculteurs, etc.
Mais, ce n’est que plus récemment (décembre 2006) qu’un chargé de mission interrégionale, M. Eric Godard, a été nommé afin de coordonner plus spécifiquement l'action de l'État dans les îles antillaises.
Enfin, le Gouvernement a chargé, à l’automne 2007, la Direction générale de la santé de piloter, à l'échelon central, une mission de coordination interministérielle sur la chlordécone. On mesurera l'intérêt de cette dernière initiative en exposant que cette mission de coordination regroupe sept ministères, deux préfectures et quinze organismes publics de recherche (afssa, afsset, brgm, inra, cemagref, inserm, ifremer, cirad, ird, etc.).
Cette mission de coordination a abouti au « plan chlordécone » rendu public en 2008 (cf. infra chapitre II).
LES ÉTUDES RÉALISÉES OU EN COURS
Etudes sur l'évaluation quantitative des risques sanitaires
La caractérisation des dangers chez l’homme est difficile à mesurer, car les niveaux d’exposition sont incertains, ce qui, comme l’indique l’Institut de veille sanitaire19, « rend leur utilisation impossible pour la construction d’une valeur toxicologique de référence où la quantification dose-effet et/ou dose-réponse est nécessaire. » Chez l’homme, les données concernant les effets sanitaires liés à une exposition à la chlordécone, proviennent de l’exposition aiguë à Hopewell aux Etats-Unis où des effets neurotoxiques ont été relatés.
Chez les rongeurs, rats et souris, les doses minimales pour lesquelles un effet est observé dans les expérimentations animales varient de 0,05 à environ 10 mg par kilo et par jour. La population antillaise n’a jamais été soumise à de tels niveaux d’ingestion de chlordécone, mais rien ne prouve que des doses beaucoup plus faibles n’entraînent pas des effets de toxicité chronique. L’organisme international IARC a classé et réévalué cette substance en 1979 et en 1987 dans le groupe 2B : « cancérogène possible pour l’homme, connaissance suffisante chez l’animal, mais limitée chez l’homme ».
En 2002 puis en 2003, l'Agence française de sécurité sanitaire et alimentaire (AFSSA) et l’Institut national de veille sanitaire (INVS) ont été saisis de demandes d'études tendant à évaluer les risques de contamination alimentaire des populations antillaises.
Ces demandes visaient trois objectifs : établir des valeurs toxicologiques de référence, estimer l'exposition de la population à la chlordécone, et fixer des limites maximales de chlordécone dans les denrées alimentaires permettant de protéger les populations.
Dans un premier avis émis en décembre 2003, l'afssa s'est prononcée sur la définition de valeurs toxicologiques de référence.
Ont été ainsi fixées :
- une limite tolérable d'exposition répétée chronique de 0,5 µg par kilo de poids corporel et par jour
- et une limite d'exposition aiguë de 10 µg par kilo de poids corporel et par jour.
Ces évaluations reposent sur les travaux réalisés sur l'animal qui ont permis d'identifier les doses maximales pour lesquelles aucun effet néfaste n’a été observé, l'extrapolation à l'homme s'effectuant de la façon suivante : on a pris la plus faible de ces valeurs20 et on l’a corrigée d'un facteur de sécurité conventionnelle de 100.
Mais dans le même temps, l'AFSSA avait indiqué que l'exposition alimentaire de la population ne pouvait reposer que sur l'obtention de données précises concernant les habitudes de consommation des habitants et le degré de contamination des différentes composantes de leur alimentation.
C'est pourquoi plusieurs enquêtes ont été lancées :
• des études sur les comportements alimentaires
- l'étude sur la santé et les comportements alimentaires en Martinique (escal), en novembre 2003,
- et l'étude dite « Calbas » sur les habitudes alimentaires des populations résidant dans les communes du sud de la Basse Terre en Guadeloupe.
• des études sur la contamination des produits
Ces deux études ont été complétées, à la Martinique entre novembre 2005 et juillet 2006, et la Guadeloupe entre juillet 2006 et janvier 2007, par des enquêtes dites reso, et visant à compléter les premiers résultats obtenus sur l’appréciation sur la base d’un échantillonnage aléatoire portant sur 48 denrées en Martinique et 59 denrées en Guadeloupe.
Ces deux dernières études ont établi :
ü que la contamination des aliments était identique en Guadeloupe et en Martinique,
ü mais, ceci sur des niveaux moins élevés que la première enquête effectuée (probablement parce que la première enquête était plus ciblée sur des zones à risque),
ü que les aliments vecteurs étaient les légumes-racines, le concombre, le melon et qu'il existait une contamination significative des produits de la mer et d'eau douce. Étant toutefois précisé que le dépassement de la limite maximale de contamination (celle jugée dangereuse pour une contamination chronique) de 50 µg par kilo de produits frais n’était dépassé que pour 3,7 à 4,1 % des légumes-racines et que pour 5,9 % des produits de la mer et d'eau douce21,
ü et qu'il y avait peu ou pas de contamination des autres aliments.
• une étude spécifique sur la caractérisation des populations à risque élevé en Martinique
Cette étude menée par la cellule interrégionale d’épidémiologie d’Antilles-Guyane (CIRE) a été publiée en août 2006 et a complété la documentation de la situation en cernant les cohortes à risque spécifique.
Elle a abouti à identifier une population susceptible d’avoir une dose d’exposition quotidienne supérieure aux valeurs toxicologiques de référence établies par l’AFSSA.
La cohorte en cause est estimée à 3 % de la population (soit environ 12 000 personnes) très localisée par une implantation sur la façade nord-atlantique de l’île, caractérisée par un faible niveau social et un approvisionnement alimentaire basé sur des circuits courts.
Cette étude a abouti à la mise en cause du programme Jardins Familiaux (JAFA) qui est un des points forts du « plan chlordécone ».
L'ensemble de ces données sur la consommation alimentaire a permis d'établir des scénarios d'exposition modulant les versions d'exposition en fonction de la zone d'habitation des sujets, de leur bol alimentaire et de leur mode d'approvisionnement (circuit court, autoconsommation, épicerie, grandes surfaces).
En fonction de ces résultats, le comité d'experts de l’AFSSA spécialisés dans les contaminants et résidus physico-chimiques a établi en 2005 des limites maximales de référence pour la consommation des principaux aliments vecteurs de chlordécone :
- pour éviter une exposition aiguë : une limite maximale provisoire de 50 µg par jour et par kilo de produit frais était jugée efficace pour éviter que les consommateurs les plus réguliers de légumes racines ne soient dans une zone d'incertitude en matière de risques sanitaires. Pour les autres aliments, contributeurs plus occasionnels à l'exposition à la chlordécone comme les poissons et les crustacés, la canne à sucre ou l'ananas, l'évaluation proposait une limite fondée sur une exposition maximale aiguë de 200 µg de par jour et par kilo de produits frais qui permettrait d'éviter les dépassements accidentels de la valeur toxicologique de référence.
- pour éviter un risque chronique : un seuil maximal de 50 µg par kilogramme de produit frais pour les produits de la mer, les légumes-racines, les carottes et les concombres était jugé suffisant. Pour les autres produits, dont les produits transformés (pain, lait, œuf, poulet), l’établissement de seuil de concentration n’était pas jugé utile d’un point de vue strictement sanitaire.
Mais, dans la mesure où les évaluations sur le comportement alimentaire des populations à risques montraient que la fixation de limites maximales pour les aliments commercialisés n'était pas suffisante pour couvrir les autoconsommations, l'afssa, dans une actualisation de ces travaux rendue publique en septembre 2007, a recommandé, pour les familles exploitant un jardin sur un sol très contaminé, de limiter leur consommation de légumes-racines à deux fois par semaine et pour les consommateurs de produits de la pêche de limiter cette consommation à quatre fois par semaine.
Etudes sur les impacts sanitaires de l'exposition à la chlordécone
L'étude de l'INSERM sur le risque sur la fertilité masculine
Cette étude dont les conclusions ont été communiquées en 2006 a été menée chez une centaine d'hommes adultes résidant en Guadeloupe, pour moitié ayant été exposés professionnellement à la chlordécone et pour moitié ne l’ayant pas été.
Les conclusions de cette étude ont montré :
1. que la chlordécone était présente dans le plasma de tous les intéressés, confirmant ainsi sa transmission par l'eau et l'alimentation,
2. que la chlordécone était le polluant le plus fréquemment retrouvé et celui qui était décelable aux niveaux les plus élevés,
3. qu’aucun trouble spermatique ne pouvait être mis en évidence, ce qui confirmait les études faites aux États-Unis qui avaient montré que ces troubles n'étaient décelables que pour une concentration de chlordécone dans le plasma dépassant 1 milligramme par litre, alors que les doses de l'échantillon étaient de 10 à 100 fois inférieures,
4. que l'exposition professionnelle et l'ancienneté de cette exposition étaient des facteurs favorisant la présence de la chlordécone dans le sang,
5. que, contrairement à d'autres polluants dont la présence dans l'organisme pouvait atteindre 10 ans comme le DDT, la durée moyenne22 de demi-vie de la chlordécone dans l'organisme n'était que de 165 jours23. Ce qui, en termes opérationnels de santé publique signifie qu'en coupant les sources de pollution, on fait rapidement disparaître les effets délétères du produit car celui-ci se métabolise et s'élimine progressivement dans l'organisme.
L'étude de la CIRE sur la répartition spatiale et temporelle à la Martinique des cancers suspects d'être liés à une exposition aux pesticides organochlorés sur la période 1981-2000
Il n’existe pas de registre du cancer en Guadeloupe. Le registre du cancer en Martinique a été créé en 1981, agréé en 1983 et reconnu en 2001 par l’INVS.
Sur la base de ce registre, une étude a été menée par la CIRE Antilles-Guyane, sur les corrélations entre la répartition des cancers de la prostate et la distribution des zones polluées par la chlordécone.
Les résultats de cette étude sont les suivants :
« L’analyse par zone montre que les taux d’incidence standardisés du cancer de la prostate diminuent inversement avec le niveau de pollution potentielle de la zone et ce, quelle que soit la période considérée. Cette tendance est statistiquement significative.
Ratios d’incidence standardisés du cancer de la prostate,
selon la période et la zone de pollution potentielle, chez les adultes.
Période |
Zones |
Nombre de cas observé |
Nombre de cas attendu |
SIR ZONE |
Intervalle de confiance à 95 % |
P | |
1981-2000
1989-2000 |
1 |
1093 |
Référence |
1 |
- |
- |
0.002 |
2 |
592 |
645 |
0.91 |
0.84 |
0.99 | ||
3 |
503 |
575 |
0.87 |
0.79 |
0.95 | ||
4 |
391 |
452 |
0.86 |
0.77 |
0.95 | ||
1 |
885 |
Référence |
1 |
- |
- |
10 -3 | |
2 |
493 |
521 |
0.94 |
0.86 |
1.02 | ||
3 |
402 |
475 |
0.84 |
0.76 |
0.92 | ||
4 |
319 |
366 |
0.86 |
0.77 |
0.96 |
Les communes ont été classées en 4 catégories selon le pourcentage en surface que représentaient les zones potentiellement polluées sur leur territoire : zone 1 = 0%, zone 2 = de 0 à 5 %, zone 3 = de 5 à 20% et zone 4 = plus de 20%. La figure 1 présente ces 4 regroupements de communes.
Figure 1. Répartition des 4 zones de pollution aux Polluants OrganoChlorés (POC), selon le pourcentage de pollution potentielle des sols par la chlordécone
Concernant les relations observées pour le cancer de la prostate, du colon-rectum, du sein, ainsi que pour l’ensemble des cancers avec une incidence plus élevée dans les zones moins (zone 2) ou pas potentiellement polluées par les POC (zone 1), ce résultat est sans doute à mettre en rapport avec le fait que la variable zone constitue également une mesure indirecte du mode de vie rural/urbain et traduise ainsi un recours différentiel au système de soins selon les zones. En effet, il est très probable que dans les zones à prédominance agricole, le recours au système de soins ne soit pas strictement identique à celui des zones plus urbanisées. ».
Cette absence de relation entre les zones polluées par la chlordécone et les cancers supporte une exception : la maladie de Kahler (cancer du myélome) dont on note une prévalence dans le nord-atlantique. Une hypothèse, sur ce point, est que ces cancers sont dus à des expositions professionnelles à la chlordécone (et à d’autres pesticides) mais celle-ci doit être formulée avec prudence car il peut y avoir d’autres étiologies (isolat génétique, causes virales).
L'étude d'imprégnation « Hibiscus »
L'étude hibiscus a été réalisée afin de disposer d'une première estimation de l'imprégnation d’une population de femmes enceintes et de leur nourrisson en Guadeloupe par la chlordécone, ainsi que d'informations préliminaires sur les déterminants de cette contamination (lieu de résidence, niveau socioculturel, antécédents médicaux, alimentation).
La chlordécone a été détectée dans près de 90 % des prélèvements de sang maternel et du cordon de l’échantillon et dans 40 % du lait maternel, 72 heures après l'accouchement.
Les premières conclusions de cette étude ont montré qu'il n'existe pas de relations entre les niveaux de chlordécone dans le sang maternel, les antécédents obstétricaux, le fait d'avoir allaité précédemment ou la commune de résidence.
Ces conclusions ont, en outre, confirmé que la fréquence de consommation des légumes-racines était corrélée positivement à une imprégnation élevée de chlordécone.
Les études épidémiologiques menées par l'INSERM et le CHU de Pointe-à-Pitre
, L'étude ti-moun (« petit môme » en créole)
Cette étude qui fait suite à « Hibiscus » a été mise en place en décembre 2004 en Guadeloupe et mobilise 40 personnes sur une cohorte de 1 200 femmes enceintes et de 200 bébés, ceci jusqu'en décembre 2007 pour les femmes enceintes, les examens de bébés étant appelés à se poursuivre en fonction du vieillissement de la cohorte jusqu’à 18 mois.
Elle devrait se poursuivre ultérieurement sur les enfants de 3 à 5 ans, en phase de diversification alimentaire. Ceci en fonction du constat que les jeunes enfants sont généralement plus exposés aux risques de contamination par les polluants du fait de leur faible poids relatif et d’un régime alimentaire moins diversifié.
La publication des résultats de cette étude s’étalera de 2009 à 2012.
, L'étude Karuprostate
L'occurrence du cancer de la prostate peut varier d'un facteur 100 (faible chez les Asiatiques, sa prévalence est moyenne chez les méditerranéens, élevée chez les caucasiens, et encore deux fois plus élevée chez les populations afro-américaines, habitant aussi bien aux États-Unis qu'au Royaume-Uni). L'âge moyen d'apparition de ces cancers est de 74 ans, même si leur occurrence peut être décelée dès 50 ans chez l'homme. Ce qui introduit naturellement un biais dans les comparaisons internationales, tenant tant à l’espérance de vie qu’aux structures sanitaires24.
C'est pourquoi une étude spécifique a démarré en Guadeloupe en juillet 2004 afin d'évaluer ce risque. Cette étude qui repose sur la comparaison entre 690 cas de cancer de la prostate et 710 cas témoins, s'est poursuivie jusqu'à la fin de 2008. Ses résultats seront publiés incessamment.
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L’état d’avancement de ces études épidémiologiques en cours sera exposé au chapitre II.
LES ÉTUDES SUR L'IMPACT AGRONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTAL
Ces études sont très nombreuses et ont visé, jusqu’en 2008, à caractériser les conditions de la persistance de la chlordécone dans les sols contaminés et à en mesurer les conséquences agronomiques.
Les conclusions du groupe d'études et de prospective (inra cirad -2005-2006)
Cet important rapport publié en juin 2006, déjà cité, fait la synthèse des travaux réalisés par les stations locales de ces deux organismes de recherche en :
- évaluant les caractéristiques de la contamination par les organochlorés aux Antilles,
- recensant les connaissances restant à acquérir dans des domaines scientifiques très variés (chimie de la molécule, dynamique de la molécule dans les différents sols, dynamique du transfert entre le sol et la plante, dynamique d'évolution dans la plante, possibilité de phytoremédiation, dégradation microbiologique, amélioration des techniques analytiques, contamination des produits transformés et contamination des produits animaux),
- et, en formulant des propositions d'actions concernant aussi bien les mesures à prendre par les pouvoirs publics, les pistes de reconversion de l'agriculture sur sol pollué, que la programmation des travaux scientifiques à entreprendre.
Les travaux sur le comportement de la molécule dans le sol
Il s'agit tout d'abord de cartographie de présence potentielle de chlordécone dans les sols établie conjointement par le brgm, le cirad et l'ird en 2004, qui croise trois types de données : la présence de bananeraies entre 1970 et 1993, les capacités de rétention des sols concernés et les conditions climatiques. Mais ces cartes ne représentent pas les risques de transferts vers l'environnement et, pour la Martinique, la cartographie n'est pas validée à l'échelle de la parcelle lorsqu'on réalise un diagnostic d'exploitation.
La modélisation du stockage de la molécule dans les sols tropicaux et les premières analyses des modalités de son transfert vers les racines et tubercules a fait l'objet d'une étude entre 2003 et 2006, menée en Martinique. Mais il ne s'agit que d'analyse de résultats, car les mécanismes et les déterminants de la fixation ou de la mobilisation de la molécule n'ont pas été étudiés dans ce programme.
En revanche, celui-ci a mis en lumière deux faits importants.
D'une part, il n'y a pas de contamination entre les parcelles : les parcelles n'ayant jamais reçu de chlordécone n'en contiennent pas. Et, d'autre part, la contamination par diffusion au contact du sol apparaît prédominante pour les légumes-racines.
Les études portant sur les mécanismes de transfert
L'impact de ce transfert sur les ressources aquatiques (eaux de surface, eaux souterraines, faune aquatique) a fait l'objet de plusieurs études qui sont, soit en cours d'exploitation, soit demandent à être reconfirmées sur des aires plus larges.
Des études sont, par ailleurs, en cours sur les mécanismes de transfert vers les produits agricoles pour la mise au point d'outils d'aide à la décision. Ces travaux menés conjointement par l'inra et le cirad ont pour objet d'étudier, cas par cas, les types de contamination des produits agricoles car les organes de stockage de la chlordécone sont différents à la fois suivant les espèces et suivant les parties des plantes concernées (feuilles, fruits, épiderme). Ils ont, en outre, pour objet d'étudier les possibilités de bio-accumulation pour les filières animales en fonction des types de production (chair, œuf, lait ...).
Enfin, ces études devront déterminer l'innocuité des sous-produits des filières de reconversion des sols pollués qui sont actuellement envisagées (et principalement ceux qui concernent les procédés de transformation pour la filière biomasse).
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L’état d’avancement de ces travaux, dont la plupart sont inclus dans le dispositif de « plan chlordécone », sera détaillé au chapitre II.
LA MISSION D’INFORMATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
La principale action de contrôle parlementaire a été la constitution, auprès de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, d'une mission d'information « sur l'utilisation de la chlordécone et des autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne ». Cette mission, dont les travaux ont déjà abondamment été cités dans la présente étude, a rendu son rapport le 30 juin 2005.
Ce rapport préconisait l'application de dix grandes catégories de recommandations :
- la mise en œuvre d'un droit à compensation pour les agriculteurs antillais sinistrés,
- le décloisonnement de l'action publique,
- le fait de confier une mission de veille et d'alerte locale aux deux groupes régionaux phytosanitaires,
- le renforcement de l'encadrement de l'utilisation et de la commercialisation des pesticides,
- l'encouragement aux bonnes pratiques agricoles par la sensibilisation des professionnels et par leur formation,
- le soutien à la recherche,
- la mise en place rapide de périmètres de protection des aires d'alimentation et de captage d'eau potable,
- la prise en charge des pesticides en fin de vie (et notamment des emballages de ceux-ci),
- la mise en œuvre ou l’amélioration de toute une série de mesures de suivi : la systémisation de l'analyse des sols, de la prohibition de la commercialisation des légumes pollués, l'amélioration de l'évaluation des risques concernant aussi bien les eaux de source que les produits des jardins familiaux et ceux de la pêche, enfin le renforcement de la vigilance sanitaire qu'il s'agisse du suivi épidémiologique des populations ou de la création d'un registre des cancers en Guadeloupe,
- le lancement d'un programme de recherche sur la remédiation des sols.
Par ailleurs, à la suite de l'émotion créée par la publication du rapport Belpomme, les commissions des Affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat ont pris des initiatives.
Celle du Sénat a entendu les quatre ministres concernés lors d'une audition menée communément avec la commission des Affaires sociales, le 9 octobre 2007.
Celle de l'Assemblée nationale a entendu les scientifiques concernés et créé un comité de suivi sur la chlordécone, présidé par M. Le Guen, chargé de mesurer le degré d'application des recommandations de la mission d'information précitée présidée par M. Philippe Edmond-Mariette et dont le rapporteur était Joël Beaugendre.
Ce comité de suivi a été entendu par la commission le 6 février 2008 et a fait le point de l'application des propositions de la mission d'information (cf. bulletin des commissions de l'Assemblée nationale – compte-rendu n° 36 du 6 février 2008).
Après avoir noté que l'Etat avait mis quelque temps à réagir aux préconisations de la mission, en particulier du fait de la complexité et de l'intrication des procédures, le comité de suivi a établi le sérieux de l'action des pouvoirs publics, tout en relevant divers points qui pouvaient faire l'objet d'une amélioration.
Sur la proposition du président de la commission des Affaires économiques, celle-ci a adopté la création d’un « comité de contrôle et de proposition » chargé de suivre au plus près l’action de l’Etat, « étant entendu que celui-ci devrait travailler en étroite liaison avec l’Office qui, seul, traiterait des aspects scientifiques du sujet ».
Vos rapporteurs ont entendu en audition ou eu des contacts avec plusieurs représentants des Antilles.
Ont été ainsi entendus :
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Pour la Guadeloupe : |
M. Jacques Gillot, sénateur |
M. Victorien Lurel, député | ||
Mme Jeanny Marc, députée | ||
M. Daniel Marsin, sénateur |
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Pour la Martinique : |
M. Serge Larcher, sénateur |
M. Serge Letchimy, député | ||
M. Claude Lise, sénateur |
De ces entretiens, on peut dégager plusieurs lignes directrices :
- le besoin d’une plus grande transparence sur les recherches effectuées, tant en matière sanitaire qu’agronomique25 ;
- la nécessité d’affiner la réalité des risques aussi bien en matière de santé publique que de protection des consommateurs, qui peuvent émettre quelques doutes sur l’innocuité des produits antillais, alors même que l’autosuffisance alimentaire des îles est un objectif de première importance ;
- le souci de redresser l’image des Antilles,
- le souhait que soit créé, aux Antilles, un pôle d’excellence consacré aux pesticides ;
- et la revendication d’indemniser les exploitants agricoles et aquacoles victimes de la pollution.
Par ailleurs, M. Victorin Lurel, Président du Conseil général de la Martinique, nous a informés que, démarché par le Pr. Belpomme, il avait proposé à celui-ci de subventionner à hauteur de 165 000 euros une expertise scientifique indépendante ; ceci sous réserve que la méthodologie de cette expertise soit validée par un comité de pilotage, constitué de chercheurs internationaux.
M. Victorien Lurel n’a pas reçu de réponse à cette proposition.
RAPPORT BELPOMME : « UNE AFFAIRE DANS L’AFFAIRE ».
Les déclarations de Dominique Belpomme, en 2007, n’ont, comme nous l’avons déjà dit, pas été à la base de l’alerte sur la chlordécone, mais ses déclarations n’ont certainement pas contribué à aborder le dossier avec la transparence et l’objectivité qu’il aurait fallu apporter. Vos rapporteurs pensent que dans toute démocratie, il faut que des lanceurs d’alerte tirent la sonnette d’alarme lorsqu’un danger menace des populations ou l’environnement. Mais ce message ne peut pas être uniquement médiatique. Il doit s’appuyer sur des bases scientifiques solides. C’est ce que nous avons fait dans le rapport qui vous est présenté.
Plus de 200 heures d’auditions nous ont permis de décortiquer le dossier chlordécone, d’évaluer les actions mises en place, de réclamer encore plus de science et d’expertise, de proposer de nouvelles mesures. Nous concluons, comme le rapport Beaugendre – Edmond-Mariette, comme le rapport Belpomme, à un accident environnemental, mais nous n’aboutissons pas aujourd’hui aux mêmes conclusions que Dominique Belpomme sur les risques sanitaires. Nous demandons bien sûr la poursuite des études épidémiologiques. M. William Dab, ancien Directeur général de la Santé et Président du comité scientifique international du « plan chlordécone », souhaite parvenir à un équilibre entre la position négationiste affirmant qu’il n’y aurait ni impact ni effet de faibles doses de chlordécone et une position hyper alarmiste indiquant qu’il s’agit d’une catastrophe de santé publique. Ce n’est vraisemblablement ni l’un ni l’autre et conclut-il « il va falloir vivre avec la chlordécone et limiter les inconvénients sur la santé ».
On ne peut pas, en quelques jours de visite et sans avoir auditionné les acteurs principaux, aboutir aux conclusions sans nuances de l’appel de Paris26, pourtant signé par une cinquantaine de personnalités et notamment par Yann Arthus Bertrand, Corinne Lepage, Luc Montagner, Jean-Marie Pelt ou Gilles Eric Seralini.
Il y a eu accident environnemental aux Antilles, parce que la chlordécone utilisée jusque dans les années 1990, reste piégée dans les sols. Il n’y a pas besoin de noircir le tableau. Pour illustrer notre propos, nous citerons quatre phrases de l’appel de Paris qui sont amplifiées, exagérées et fausses :
1 - « l’ensemble des territoires de la Martinique et de la Guadeloupe est lourdement pollué (littoral, eaux, sols, végétaux, alimentation) ». Vos rapporteurs ont montré qu’environ 20 % de la surface agricole utile est contaminée, ce qui est déjà beaucoup, mais que la totalité de la Grande Terre à la Guadeloupe, et une grande partie du sud de la Martinique sont peu touchées.
2 – « Le retentissement sanitaire est maintenant devenu évident : cancers, baisse de fécondité, les Antilles sont dans le monde, après les Etats-Unis, le deuxième territoire pour la fréquence des cancers pour la prostate. C’est près d’un homme sur deux qui en est atteint ou qui le sera ». Comment peut-on, sans nuances, lancer de telles affirmations, reprises à longueur d’émissions de télévision, sans avoir pris connaissance des enquêtes épidémiologiques ? Les résultats de l’enquête Karuprostate montreront peut-être une incidence de la chlordécone sur l’apparition du cancer de la prostate, mais force est de constater que les zones les plus touchées aujourd’hui par l’apparition de cette pathologie, le sud-est de la Martinique, ne sont pas celles qui sont les plus contaminées par la chlordécone.
3 – « Il apparaît que la surface des sols devenus infertiles est croissante et qu’en raison de la fixation stable de plusieurs pesticides… cette baisse de fertilité pourrait durer très longtemps ». A notre connaissance, à part la chlordécone et le HCH, il n’y a pas de fixation stable de plusieurs pesticides dans les sols ni de baisse de leur fertilité, mais la nécessité éventuelle de ne plus cultiver certaines espèces sensibles.
4 – « Le Paraquat est un des pesticides (…) les plus toxiques d’un point de vue sanitaire ». Le Paraquat a été interdit. C’est un pesticide très toxique si on l’ingère. Il y eut plusieurs accidents dans le monde, quand des précautions d’emploi n’ont pas été respectées, mais de l’avis de tous les scientifiques interrogés, les principaux accidents relatés en 30 ans ont été des suicides par ingestion de Paraquat, comme on le faisait, il y a 50 ans, avec la mort-aux-rats. L’AFSSA a rendu un avis très clair à ce sujet.
En conclusion, « cette affaire dans l’affaire » révèle la tendance actuelle à la surmédiatisation.
Pour médiatiser il faut choquer, y compris en tordant la vérité scientifique. Il faut appâter le chercheur de scoop en indiquant que l’on va révéler de nouvelles données scientifiques. Mais les données sur la chlordécone étaient connues depuis 1999, grâce à M. Eric Godard, alors ingénieur sanitaire, mais ni ses révélations, ni le rapport parlementaire de 2005, n’ont eu de grands retentissements. Pour gagner la bataille de la communication, il ne faut ni débattre, ni s’opposer mais affirmer. Il est quand même surprenant que le Pr. Belpomme ait refusé d’être auditionné par vos rapporteurs, arguant du fait qu’il était déjà venu deux fois devant la Commission des Affaires Economiques de l’Assemblée Nationale en 2005 et en 2007. Il nous a même écrit qu’il ne s’occupait plus de ce sujet, alors que, dans les mêmes jours, en mars 2009, l’article cité précédemment dans le Journal International Of Oncology était publié.
L’expertise scientifique a besoin d’une confrontation des avis. C’est ce que nous faisons à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Elle doit être, à notre sens, collective, publique et contradictoire. Il est quand même singulier que les médias aient donné sur ce dossier la parole quasi exclusivement à certains, alors que les scientifiques de l’INSERM, de l’INVS, de l’AFSSA ont toujours opposé des démentis aux affirmations du Pr. Belpomme.
UNE QUESTION NON RÉSOLUE : L’UTILISATION DE LA CHLORDECONE EN DEHORS DES DÉPARTEMENTS ANTILLAIS
Le développement qui suit pourrait s’intituler « à la recherche de la chlordécone perdue ».
Car si vos rapporteurs se réfèrent aux éléments en leur possession, il existe une disproportion entre les 300 tonnes de chlordécone épandues aux Antilles de 1972 à 1978, puis de 1981 à 1993 et les 1 600 tonnes de la molécule qui ont été produites aux Etats-Unis, avant son interdiction, en 1976.
Où ces 1 600 tonnes de chlordécone ont-elles été utilisées27 ?
Cette question n’est pas purement académique.
En premier lieu, sans rien retirer au caractère préoccupant des conséquences de cet épandage aux Antilles, la réponse à cette question permettrait d’éviter de pointer de façon exclusive les cas de la Guadeloupe et la Martinique, alors même que la molécule a été largement employée dans le monde.
Par ailleurs, compte tenu de la rémanence du produit dans les sols et de la relative spécialisation de l’usage agricole de la chlordécone (pomme de terre, arboriculture, bananeraies)28, les mêmes causes ont pu produire ailleurs les mêmes effets qu’aux Antilles françaises. On serait alors en présence d’un problème sanitaire et environnemental de dimension mondiale, ce qui devrait renvoyer à une coopération internationale, tant dans le domaine épidémiologique que dans celui de la remédiation.
Mais l’interruption de commercialisation des formulations de la molécule, en 1976 aux Etats-Unis, et en 1991 en France, ne facilite pas les réponses à la question posée.
Principalement, parce qu’à l’opposé des pesticides encore produits et utilisés, la chlordécone n’est plus recherchée et donc absente des programmes de surveillance et de contrôle menés à l’échelle internationale et dans les Etats.
UN STATUT INTERNATIONAL EN VOIE D’ÉVOLUTION
L’ORGANISATION DES NATIONS-UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE29
La chlordécone y est considérée comme un pesticide obsolète, ce qui explique aussi qu’elle ne fasse plus l’objet de fixation de limites maximales de résidus dans le codex alimentaire géré en commun par la FAO et l’OMS.
Par ailleurs, la FAO tient un registre international d’informations sur les pesticides.
Ce registre est déclaratif, ce qui en limite la portée.
Une quarantaine de pays de tous les continents ont fait des déclarations sur la chlordécone30.
Il ressort de celles-ci :
1. que la molécule n’était pas employée ;
2. et que son usage était interdit ou annulé (Suède, Australie) ou bien sévèrement réglementé (Pays-Bas – ce qui peut sembler contradictoire avec le fait qu’elle n’y était plus employée).
Le sentiment des responsables de l’organisation entendus par vos rapporteurs est que, dans ces conditions, il était peu probable de trouver des traces d’une molécule qui n’était pas produite et qui ne figurait plus dans les plans de contrôle et de surveillance des pesticides.
LE PROGRAMME DES NATIONS-UNIES POUR L’ENVIRONNEMENT (PNUE) ET LA CONVENTION DE STOCKHOLM SUR LES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS
La convention de Stockholm du 22 mai 2001 sur les polluants organiques persistants est entrée en application en mai 2004 à la suite de la ratification française, qui a permis d’atteindre le quota nécessaire de cinquante ratifications.
Cette convention interdit la production et l’exportation de 12 polluants organiques persistants (plus connus sous l’intitulé cinématographique des « 12 salopards ») ; elle prévoit également l’élimination écologiquement rationnelle des stocks et déchets de ces produits.
Contrairement à une opinion répandue, la chlordécone ne figurait pas, jusqu’ici, au nombre de ces « 12 salopards »31.
Mais, le 22 novembre 2007, le centre d’étude des polluants organiques du PNUE a émis, après plusieurs réunions, une recommandation visant à l’inscrire à l’annexe A de cette convention, c’est-à-dire sur la liste des polluants organiques persistants interdits à la production et à l’exportation et dont l’élimination des stocks et déchets doit être recherchée.
La seconde conférence des parties à la convention de Stockholm s’est tenue début mai 2009 à Genève.
Elle a décidé d’inscrire la chlordécone et d’autres polluants organiques persistants à l’annexe A de la convention.
DES ÉLÉMENTS D’ÉVALUATION SUR L’EMPLOI DE LA CHLORDÉCONE DANS LE MONDE
Si on exclut l’emploi de la molécule dans les spécialités à base de mirex32 (appâts toxiques pour le piégeage domestique de certains insectes, retardateurs de propagation des incendies) où la molécule était très faiblement dosée (de 0,02 % à 0,2 %), le principal emploi de la chlordécone a été agricole.
Le rapport précité du comité des polluants persistants du PNUE fait référence à un rapport de l’ATSDR33 américaine de 1995 qui estime qu’au moins 90 % des 1 600 tonnes de chlordécone produites aux Etats-Unis ont été exportées vers l’Europe, l’Asie, l’Amérique Latine et l’Afrique34.
Si on s’en tient à cette évaluation, ce sont environ 160 tonnes qui ont été utilisées aux Etats-Unis et au Canada et plus de 1 400 tonnes qui ont été épandues sur le reste de la planète (dont environ 120 tonnes utilisées avant 1981 aux Antilles).
Les informations recueillies par vos rapporteurs permettent d’établir une première évaluation, hélas incomplète, de la destination de ces quantités de chlordécone.
Paradoxalement, si le rapport précité de l’ATSDR est très documenté sur le mirex, il l’est peu sur la chlordécone, à l’exception de références au corpus très fourni d’études qui ont été effectuées après l’incident de production de Hopewell. Cette absence est imputable au fait que le produit n’a pas été employé de façon intensive dans l’agriculture américaine et, qu’au-delà des conséquences sanitaires et environnementales de cet incident, il n’a pas été jugé utile de généraliser à l’ensemble du territoire américain des études sur la présence dans l’environnement d’un produit dont la fabrication avait été arrêtée en 1976.
Mais des études environnementales35 plus précises ont été menées :
- sur les rejets de chlordécone dans la James River en aval d’Hopewell. Selon celles-ci (Colwell 1981 ; Nichols 1990), de 7,5 à 45 tonnes de molécule ont été déversées dans l’estuaire de la James River, soit comme effluents de production, soit du fait des relargages accidentels dus à l’incident de Hopewell.
- sur la présence de la chlordécone dans les sols, l’étude Epstein (1978) a montré que les échantillons de terre adjacents à l’usine d’Hopewell contenaient de 1 à 2 % de chlordécone (10 à 20 mg/kg), proportion ramenée à 2-6 mg/kg à un kilomètre de l’usine.
- sur l’implantation de la chlordécone dans l’environnement aquatique, l’étude précitée de Nichols (1990) estime entre 10 à 30 tonnes la quantité de chlordécone encore associée aux sédiments de l’estuaire de la James River;
- sur la transmission de la molécule à la faune. Une étude36 a récemment synthétisé les résultats de 13 047 analyses effectuées par le département de contrôle de l’environnement de l’Etat de Virginie, sur 44 espèces de poissons dans 17 zones de prélèvements ; ceci de 1976 à 2002. Les espèces les plus atteintes sont :
- les anguilles d’estuaires qui se reposent la nuit dans les sédiments de la James River ;
- et les prédateurs supérieurs (perches blanches, bars), en particulier ceux prélevés dans la James River en aval d’Hopewell, dans les zones de turbidité maximale.
En outre, le taux moyen de concentration de Kepone (dosé à 94,5 % de chlordécone) dans ces poissons a atteint un plafond de l’ordre de 90 µg/kg. (Rappelons que le seuil sanitaire de LMR a été fixé aux Etats-Unis à 300 µg/kg).
Il est, ainsi, à noter que les pourcentages de concentration résiduelle augmentent d’un facteur quatre (chez les palourdes) lorsque l’estuaire est dragué, la concentration de la molécule revenant à la normale deux semaines après le dragage (Lundsford 1987).
Selon les sources précitées, « Allied Chemical Company », qui fabriquait la molécule, a exporté de très grandes quantités de chlordécone de qualité technique (dilué à 80 % de chlordécone) vers l’Europe et, en particulier, vers l’Allemagne.
Ce composé a été importé par la société allemande « Spieβ und Sohn »37, afin de fabriquer un sous-produit, le Kélévane employé pour lutter contre le doryphore et le ver taupin de la pomme de terre.
Le Kélévane se transforme en chlordécone dans le sol.
Un de vos rapporteurs a mené une brève mission en Allemagne, afin de déterminer ce qu’étaient devenus les tonnages très importants de matière active fabriquée en Allemagne.
Aucun contact n’a pu être établi avec les responsables de la société Spieβ Urania, qui aurait permis de connaître les zones d’épandage du Kélévane en Allemagne et les pays vers lesquels il aurait été exporté (ex-RDA ? Pologne ? Union soviétique (Ukraine) ?).
Ce produit, qui a été interdit en 1980 en Allemagne fédérale et en 1983 dans l’ex-RDA, ne fait l’objet d’aucun plan de contrôle au niveau fédéral ou à celui des Länder.
Ceci, à l’exception du Land de Basse-Saxe où :
- il est détecté à l’échelle nanométrique dans les eaux de surface et à une échelle dix fois plus grande dans les eaux souterraines (rappelons que la chlordécone est hydrophobe) ;
- il est détecté, mais non quantifié (< 10 µg/kg) dans les anguilles et dans les perches blanches. Etant précisé qu’il ne semble pas que le laboratoire d’Hildesheim mette en œuvre les procédures d’extraction et de quantification nécessaires à une caractérisation exacte de la chlordécone (absence d’une double spectrométrie en ligne pour confirmer les résultats de la chromatographie gazeuse).
Curieusement le laboratoire concerné n’effectue aucune analyse de sol, ni de végétaux, alors que l’on sait que les espèces poussant dans la terre, comme la pomme de terre, très cultivée dans ce Land, sont prioritairement contaminées.
Aucun élément n’a pu être recueilli sur l’emploi de la molécule en Asie.
D’après l’étude précitée menée en 1978 par Epstein, une partie des surplus de Kepone a été exportée vers la Jamaïque, l’autre l’ayant été vers le Cameroun (cf. infra).
Le contexte de contrôle chimique des ravageurs des bananeraies camerounaises a été décrit dans un article publié en avril 1974 dans la Revue « Fruits » (Vilardebo et al.).
Cet article établit qu’à partir de 1964, dans le Sud-Ouest du Cameroun, les moyens employés pour lutter contre le charançon des bananiers (HCH) achoppaient au développement de souches résistantes. Des essais ont alors été conduits prouvant la très grande efficacité de la chlordécone.
Celle-ci, sous la formulation de Kepone, y a donc été employée à partir de 1967.
En Côte d’Ivoire, les conduites de lutte contre les ravageurs n’ont pas eu pour résultat l’apparition de souches résistantes et, par voie de conséquence, la chlordécone n’y a été utilisée que plus tardivement.
Ultérieurement, c’est-à-dire après l’interdiction de la chlordécone aux Etats-Unis et la reprise de la production au Brésil, la société Calliope a exporté une partie de cette production au Cameroun et en Côte d’Ivoire (de l’ordre de 400 tonnes de Curlone sur 10 ans, soit 2 tonnes de chlordécone/an pour ces deux pays).
S’agissant du Cameroun, certains bruits faisaient état d’une pollution à la chlordécone des sources « Tangui » et « Gemme ».
Mais un prélèvement effectué par l’IRD et analysé par le laboratoire départemental de la Drôme s’est avéré négatif.
Une conformation de ce résultat est en cours.
L’extension géographique de la culture bananière en Amérique Latine, en latitude du Belize au sud de l’Equateur, conduit à ce qu’elle s’exerce dans des conditions climatiques et pédologiques très diversifiées.
Et donc, sous des contraintes de lutte contre les ravageurs différentes qui ne font pas nécessairement de la lutte contre le charançon une priorité, alors que celle contre la cercosporiose noire est massive (une moyenne de 50/60 épandages aériens par an contre 10 aux Antilles).
Par exemple, au Costa-Rica, on ne trouve que peu de traces d’emploi de la chlordécone parce que la saison sèche est longue et que la culture bananière s’effectue dans des sols plus profonds, ce qui a pour résultat que d’éventuelles attaques de larves de charançons sur les rhizomes exposent moins les plants au déracinement, comme c’est le cas aux Antilles.
Mais il existe une donnée commune : le contrôle de la culture bananière méso-américaine par les grandes compagnies américaines et leurs centres techniques.
Les quelques enseignements tirés de la littérature scientifique confirme que la chlordécone (sous la formulation de képone) y a été expérimentée et utilisée, mais de façon, semble-t-il, moins intensive qu’aux Antilles.
Une série de rapports effectués par des chercheurs de l’Institut de recherche sur les fruits tropicaux et agrumes (IFAC) font état :
- au Panama38 et au Honduras, d’un usage du képone (formulation américaine de la chlordécone) dans les plantations d’« United Fruit », mais limité aux plants de bananiers de 6 ans ou plus (1969),
- de traitements biannuels des plants de bananes au képone au Nicaragua (1968-1970),
Enfin, en 1978, ont été publiées dans la revue Fruits des notes de voyage d’étude d’un groupe de chercheurs (Darthenuq et al.) au Honduras, au Costa-Rica ou Equateur et en Colombie.
Le cas du charançon du bananier y est mentionné en quelques lignes « un seul pays se soucie encore du charançon, l’Equateur39, où le problème est considéré comme secondaire, le Honduras comme le Costa-Rica semblent ignorer ce parasite ».
Dans la mesure où l’Equateur est le premier exportateur de bananes au monde, où sa culture fait vivre plus d’un million de personnes (dont près de 400 000 emplois directs) sur une population de 14 millions d’habitants, un de vos rapporteurs y a effectué une mission.
Il ressort des éléments recueillis que la chlordécone n’a plus été utilisée en Equateur depuis une quinzaine d’années et que le pays n’a jamais connu d’attaques fortes de charançon. L’utilisation du produit a été prohibée en novembre 199240. Mais votre rapporteur a relevé que 16 ans après son interdiction aux Etats-Unis (1976), le « Farm Chemical Handbook » le référençait en 1992 sous le nom de Kepone, en relevant sa toxicité pour le rat et la faune aquatique. Est-ce que l’usine brésilienne qui fournissait la molécule à Calliope, avant sa formulation en Curlone et son utilisation aux Antilles, a dérivé une partie de sa production vers l’Amérique Latine ? C’est une interrogation qui est restée sans réponse.
Par ailleurs, votre rapporteur a relevé qu’aucune analyse de chlordécone dans le sol n’est effectuée en Equateur. Alors même qu’à la saison des pluies, les bananeraies sont inondées, l’eau se retirant, peu à peu, vers des zones marécageuses qui sont utilisées par la culture du riz.
On retrouve, dans ce cas, l’attitude qui avait été relevée à la FAO : comme la molécule n’est plus produite et plus utilisée, on ne recherche plus ses résidus.
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Ce bilan, malheureusement incomplet, permet de rappeler que 1 800 tonnes d’un polluant extrêmement persistant ont été répandues sur la planète, dont environ 300 tonnes en Guadeloupe et en Martinique.
Et comme ce polluant n’est plus produit depuis 1975 (pour les 1 600 tonnes produites aux Etats-Unis) et depuis 1991 (par les 200 tonnes produites pour le compte de la société Vincent de Lagarrigue), il n’est plus recherché et donc plus contrôlé par les Etats.
Ceci à l’exception de la Guadeloupe et de la Martinique.
On pourrait donc potentiellement se trouver en présence d’un problème sanitaire mondial, dont certaines des solutions doivent être recherchées dans un cadre international.
C’est, d’ailleurs, pourquoi l’action 40 du « plan chlordécone » s’efforce de recenser les zones d’utilisation, notamment en Europe, afin de mener des actions de coopération pour réduire la présence de la molécule de l’environnement.
CHAPITRE II : L’ÉTAT D’EXÉCUTION DES DISPOSITIONS SCIENTIFIQUES DU « PLAN CHLORDÉCONE »
Depuis la mise en évidence de la présence de chlordécone dans les sols antillais, en 2008, les pouvoirs publics ne sont pas restés inertes.
Mais leur action :
- ne s’est mise en place que progressivement,
- a été assez normalement caractérisée par le règlement de priorités sanitaires (sécurisation des points de captage d’eau potable, édiction de règles prudentielles sur les mises en culture, définition de normes d’exposition alimentaire, lancement d’études épidémiologiques) ;
- a été marquée par une verticalité ministérielle d’application,
- et n’a été qu’assez peu lisible aux yeux des populations concernées, ce qui a donné de la crédibilité à des campagnes reposant sur des allégations dépourvues de contenu scientifique.
Au total, si elle a su répondre à l’urgence sanitaire, cette action a été un peu tardive, a manqué de cohérence collective et n’a pas tracé de perspectives à long terme jusqu’à l’annonce du « plan chlordécone ».
On rappellera de façon brève les grandes lignes de ce plan, avant d’examiner l’état d’exécution de ses dispositions scientifiques, mission déléguée à l’Office par les deux commissions permanentes qui l’ont saisi de cette étude.
LE PLAN D’ACTION DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE CHLORDÉCONE
Cette mission, présidée par le directeur général de la santé, le Pr. HOUSSIN, a rendu publiques ses propositions d'actions, au mois de janvier 2008.
Ce plan qui porte sur la période 2008-2010 s'articule autour de quatre grands chapitres : renforcer la connaissance des milieux, réduire l'exposition des populations et mieux connaître les effets sur leur santé, assurer une alimentation saine et gérer les milieux contaminés, améliorer la communication tout en pilotant la gestion du programme et en encourageant la coopération internationale.
On exposera brièvement les grands chapitres de ce plan dont le détail figure en annexe au présent rapport.
RENFORCER LA CONNAISSANCE DES MILIEUX
Cette action implique :
- de disposer d’une carte précise et opérationnelle des sols contaminés et de dispositifs renforcés de surveillance des eaux continentales et souterraines,
- de développer et d’accélérer les analyses multimatrices (sols, eaux, végétaux, produits animaux),
- et, de poursuivre les recherches sur les milieux, ce qui suppose de mieux connaître la dynamique environnementale de la molécule, préalable indispensable à l’exploration de solutions de dépollution.
RÉDUIRE L’EXPOSITION ET MIEUX CONNAÎTRE LES EFFETS SUR LA SANTÉ
A ce titre, il est prévu :
- de cerner plus exactement l’exposition de certaines catégories (comme les nourrissons et les jeunes enfants) et de mettre en place des dispositifs de surveillance (création d’un registre du cancer en Guadeloupe, création d’un registre des malformations congénitales) ;
- de réduire l’exposition alimentaire des populations, en adaptant les plans de surveillance et de contrôle aux nouvelles LMR en vigueur depuis le 1er septembre 2008 (20 µg/kg de produits frais contre 50 µg/kg de produits frais précédemment) et en accélérant la mise en application du programme sur les jardins familiaux (JAFA) destiné aux populations pratiquant une forte autoconsommation dans des zones polluées par la chlordécone.
ASSURER UNE ALIMENTATION SAINE ET GÉRER LES MILIEUX CONTAMINÉS
Plusieurs types de mesures doivent concourir à cette action :
- le renforcement des conseils aux agriculteurs installés sur des sols contaminés, ce qui suppose l’établissement de référentiels permettant de savoir quelle mise en culture est possible en fonction du degré de contamination des sols,
- le développement de la traçabilité des produits et de l’information des consommateurs,
- le lancement de recherches en vue de la diversification ou de la reconversion des exploitations agricoles (par exemple, la valorisation énergétique des cultures),
- l’établissement de la conformité de la production piscicole et, le cas échéant, son transfert dans des eaux non contaminées,
- et, une meilleure connaissance de l’exposition des populations à l’ensemble des pesticides utilisés aux Antilles.
AMÉLIORER LA COMMUNICATION ET RECHERCHER UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE
Il s’agit notamment :
- de mettre en place une communication de proximité en informant les populations des étapes de la mise en œuvre du plan,
- de mettre à disposition sur Internet l’ensemble des données disponibles sur l’utilisation des pesticides aux Antilles,
- et d’organiser des consultations publiques (focus puis forum) sur le déroulement des différentes actions du plan.
S’agissant de la coopération internationale, il a déjà été souligné l’intérêt qu’il y aurait à coordonner les recherches épidémiologiques et les études de solutions de remédiations avec les pays qui ont utilisé la chlordécone ou des analogues se dégradant en chlordécone dans l’environnement.
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Au total, 36 millions d’euros seront affectés (dont 7 à 7,5 millions d’euros pour la recherche, 7 millions d’euros pour l’étude sur les jardins familiaux et 7 millions d’euros pour la reconversion agricole) à l’exécution du plan sur les exercices 2008, 2009 et 2010.
Au sein de cette enveloppe, des financements extérieurs au titre de l’Union européenne (4 à 5 millions d’euros) et des collectivités locales intéressées (2 à 3 millions d’euros) complèteront les dotations de l’Etat.
L’EVALUATION DE L’APPLICATION DU VOLET SCIENTIFIQUE DU PLAN CHLORDECONE
De nombreuses actions du « plan chlordécone » ont trait à l’amélioration des connaissances scientifiques sur les conséquences de la présence de la chlordécone dans l’environnement de la Guadeloupe et de la Martinique (investigations du milieu, comportement environnemental de la molécule, processus de transferts aux cultures, aux animaux d’élevage et à la faune sauvage en particulier celle des milieux marins, épidémiologie des effets de l’exposition des populations, recherche de procédés de remédiation des sols).
Par ailleurs, une action particulière du plan (action n°16) prévoit qu’un conseil scientifique international, présidé par M. William Dab, ancien directeur général de la Santé, propose des recherches complémentaires en vue du renforcement de la veille sanitaire et de la surveillance de l’impact sanitaire des pesticides.
Mais avant d’analyser l’exécution de ces dispositions dont l’état d’avancement est variable, il a paru nécessaire à vos rapporteurs de faire trois observations :
Ÿ scientifiquement, la présence d’une forte teneur en chlordécone dans les milieux naturels est une « mauvaise surprise ».
Certes, les effets de la molécule sur la santé et l’environnement ont été très largement explorés aux Etats-Unis à la suite de l’incident de Hopewell.
Mais tant sur le plan environnemental que sur le plan sanitaire, ce précédent n’est pas totalement applicable au cas antillais.
D’une part, il s’agissait d’un incident de production unique (même si certaines études41 estiment que l’usine a rejeté des effluents contaminés dans la James River préalablement à cet incident) et à la portée géographique relativement limitée.
D’autre part, si l’intensité des rejets a permis d’étudier assez complètement la toxicité aigüe de la molécule et ses effets sur la santé, elle n’a pas apporté d’enseignements directs sur sa toxicité chronique.
Enfin, on doit mentionner que, pour important qu’aient être les relargages de chlordécone en Virginie, les volumes de produit relâchés ne peuvent été mis en parallèle avec les 300 tonnes de molécule qui ont été épandues sur les sols antillais.
C’est dire que les caractéristiques tant environnementales que d’exposition sanitaire ne sont pas comparables. En Guadeloupe et en Martinique, on se trouve en présence d’une autre problématique : forte implantation de la chlordécone dans certaines zones de l’île, relargages sur longues durées dans l’environnement et interrogations légitimes sur les effets sanitaires de sa toxicité chronique.
Or, par rapport à la plupart des polluants organiques persistants, famille à laquelle elle appartient, la chlordécone se caractérise par une très forte stabilité physico-chimique, imputable à une structure caractérisée par l’encagement du carbone dans une ceinture d’atomes de chlore. Ceci explique sa rémanence dans les sols, et le peu de succès des études entreprises, jusqu’ici, sur sa biodégradation.
La chlordécone est, en quelque sorte, un « alien » chimique.
Ÿ la plupart des composantes du volet scientifique du « plan chlordécone » sont liées.
Par exemple, l’établissement d’une cartographie réelle de la pollution entraîne des conséquences sur les prescriptions de mise en culture.
De même que l’étude du comportement environnemental de la molécule conditionne à la fois les études sur les milieux aquatiques et la recherche de voies de remédiation.
Sont aussi liées la mise au point de méthodes rapides et moins coûteuses, de quantification et de détection, et les recherches de l’aval sur le transfert de la molécule.
Ce qui signifie que le volet scientifique du « plan chlordécone » est un continuum cohérent, ce qui implique que chacun de ces éléments progresse de concert.
Ÿ les constantes de temps scientifiques sont plus longues que celles de la vie quotidienne et donc que les temps de réponses attendus par les opinions publiques antillaises.
A titre d’illustration, les premières études épidémiologiques ont débuté bien avant le lancement du « plan chlordécone » et se poursuivront après son terme d’exécution prévu fin 2010.
Autre exemple, pour caractériser les transferts de la molécule du sol à certains légumes racines, l’échelle de temps du processus expérimental est presque annuelle (9 mois pour l’igname).
Et, pour la chlordécone, aucune étude de cette ampleur et sur ces sujets n’avait été entreprise, ce qui, dans la plupart des cas, oblige les scientifiques à se confronter à des champs de connaissances pratiquement vierges.
A cette particularité qui découle des contraintes des procédés expérimentaux et de la virginité des thèmes de recherche, on doit ajouter les règles du milieu scientifique qui veut que l’on ne publie des résultats qu’après vérification complète interne, et relecture détaillée des comités compétents des revues de publication.
Il ne faudrait pas que ces « circonstances de temps » aboutissent à créer, comme vos rapporteurs l’on constaté, à une méfiance de la population et quelquefois, de ses élus envers ces travaux.
Ce n’est pas parce que les scientifiques ne communiquent pas qu’ils cachent quelque chose, mais parce qu’ils ne sont pas en état de le faire au regard du sérieux de leurs critères d’expérimentation et aux règles de publication du milieu.
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L’état des programmes de chacun des projets de recherche prévus par le « plan chlordécone » est détaillé ci-après.
L’ÉTABLISSEMENT D’UNE CARTE OPÉRATIONNELLE DES ÎLES
L’action 1 du « plan chlordécone » prévoit « d’élaborer un outil cartographique de connaissance de la contamination des sols en valorisant les analyses géoréférencées et en organisant la saisie des données dans un SIG (Système d’information géographique) interservices.
On rappellera que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) avait élaboré en 2004 une carte des risques de pollution aux organochlorés (chlordécone et HCH) reposant sur la modélisation croisée de 300 prélèvements et de critères objectifs (cartes des soles bananières42 au moment où la chlordécone a été utilisée, hygrométrie, nature des sols).
Ces cartes classaient en quatre zones, à facteur de risque croissant, les terres susceptibles d’être affectées par la présence de chlordécone.
Cette modélisation prédictive a été confirmée à 97 % en Martinique pour les zones les plus polluées.
Néanmoins, l’affinement de cet outil reste indispensable.
Pour deux raisons.
D’une part, parce que la réussite du « plan chlordécone » est étroitement liée à la communication de ses résultats aux populations des deux îles. Et la cartographie la plus affinée possible de la pollution des îles fait naturellement partie de l’information qui doit leur être fournie.
D’autre part, parce que si les modèles prédictifs de la pollution se sont avérés très pertinents pour les zones polluées, les prélèvements effectués par les chambres d’agriculture ont fait apparaître la présence de chlordécone, à des doses très variables, dans des zones où aucune sole bananière n’avait été implantée (tout au moins au moment des trois prises aériennes de 1970, 1980 et 1990 qui ont permis de dresser la carte actuelle de la pollution).
Cet écart concerne 23 % des prélèvements de sol effectués sur des îlots de production par la Chambre d’agriculture de la Martinique.
Il peut s’expliquer de trois façons.
Les photos aériennes de référence ont été relevées tous les dix ans ; il est possible qu’en analysant les relevés aériens disponibles tous les trois ans, on puisse aboutir à un maillage plus précis des anciennes soles bananières.
Par ailleurs, le mirex a été utilisé dans les îles pour piéger la fourmi manioc. Or, il se dégrade en chlordécone.
Enfin, on ne peut pas exclure que le Képone puis le Curlone (dosés à 5 % de chlordécone), aient fait l’objet d’usages non pertinents, hors des anciennes soles bananières.
Ces deux motifs (communication, incertitudes quant à la localisation de la pollution) plaident en faveur d’un affinement de la carte de la contamination de la chlordécone.
Où en est l’établissement de ces deux cartes ?
Il semble que des retards aient été pris dans la réalisation de cette action.
On estime à 5 000 le nombre de prélèvements exploitables provenant en très grande partie des prélèvements effectués par le Service de protection des végétaux et la Chambre d’agriculture.
Le problème est que ces analyses sont sur support papier et pour la plupart non géoréférencées (la Chambre d’agriculture estime à 800 les prélèvements géoréférencés).
Donc, avant de pouvoir les numériser, un gros travail de validation et d’homogénéisation est nécessaire.
En l’état, un cahier des charges très détaillé est en voie de finition et un prestataire de service recherché – la Direction de l’agriculture et de la forêt qui est maîtresse d’œuvre hésiterait entre le BRGM et la SAFER locale.
La mise au point de ce cahier des charges suppose que l’on puisse fixer, grâce à l’action d’un comité de pilotage, les moyens et les objectifs en :
- définissant un cadre commun de collection de l’information qu’elle soit passée ou à venir (géoréférencement, numérisation) ;
- ciblant les utilisations d’un système géographique d’information en fonction des utilisateurs ;
- choisissant un logiciel et en établissant les règles d’accès à l’information.
Actuellement, il est envisagé de faire au seul titre de la cartographie 4 000 analyses supplémentaires dans le cadre du PDRM 2007-2013 (programme FEADER de développement rural régional de la Martinique).
Cela porterait à 5 000 le nombre de parcelles43 analysées (sur 160 000 parcelles en Martinique).
Comme en Martinique, la carte statistique du risque de contamination potentielle à la chlordécone établie en 2005 a été précisée par les 3 500 analyses effectuées par le Service de protection des végétaux et la Chambre d’agriculture dans le cadre des arrêtés préfectoraux obligeant les producteurs de légumes racines à une analyse préalable du sol avant mise en culture.
Il semble que ces analyses permettent de dresser une carte plus précise qu’en Martinique. Pour deux raisons : elles son mieux géoréférencées et la pollution par la chlordécone y est moins diffuse qu’en Martinique.
Le programme de développement rural de Guadeloupe 2007-2013 a prévu 7 000 analyses supplémentaires dont 4 000 pour la cartographie.
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Compte tenu des lenteurs de sa mise en œuvre, un bilan de cette action semble donc particulièrement nécessaire afin d’en réactiver la réalisation. C’est une des recommandations prioritaires que nous faisons.
Sachant, cependant, que l’établissement d’un référentiel géographique totalement complet de la pollution exigerait – aux dires des personnes entendues par vos rapporteurs – près de 40 000 prélèvements pour chaque île.
L’AMELIORATION ET LA RELOCALISATION DU PROCESSUS D’ANALYSE
Dans le cadre du chapitre consacré à une meilleure connaissance du milieu, les actions 3, 4 et 10 du « plan chlordécone » visent à améliorer les systèmes d’analyse de la présence de la molécule.
Les actions 3 et 4 ont pour objet d’installer une compétence analytique dans chacune des îles, l’action 10 celui de renforcer l’appui méthodologique aux laboratoires et la fiabilité du diagnostic analytique.
Ces projets sont particulièrement importants. Parce qu’aussi bien pour les programmes de recherche que pour l’action sanitaire, la mise à disposition d’outils d’analyse fiables, rapides et les moins coûteux possibles conditionne la mise en œuvre de beaucoup des actions menées par les pouvoirs publics.
Quel est leur état d’exécution ?
On verra, après avoir rappelé la difficulté des conditions d’analyse et dressé un premier bilan, que des problèmes demeurent, mais aussi que des perspectives d’amélioration de cette capacité analytique existent.
DES CONDITIONS D’ANALYSE DIFFICILES
Une méthodologie préalable lourde
Ÿ Des méthodes d’homogénéisation des prélèvements sujettes à caution
Avant de détecter la présence de chlordécone dans une matrice et de la quantifier, il faut prélever des échantillons, les homogénéiser et en extraire la molécule.
La phase de prélèvement et d’homogénéisation diffère selon les matrices.
Par exemple, si ces deux stades ne présentent pas de difficulté pour préparer l’analyse d’un échantillon d’eau, ces phases deviennent plus compliquées pour les matrices animales (broyage d’un kilogramme de prélèvement), végétales (faut-il brosser la terre avant de procéder au broyage44 ?) ou de sol (par exemple pour le programme Jardins Familiaux (JAFA), on prélève plusieurs échantillons de terre dans une parcelle à des profondeurs de 20 cm et de 50 cm et on les mélange).
Autre illustration des incertitudes qui existent dans ce domaine, les prélèvements animaux suivent un protocole européen établi pour d’autres molécules organochlorées qui consiste à prélever la graisse périrénale et à diviser les résultats par 5-6 pour quantifier la présence de la molécule dans les muscles.
Mais, la chlordécone est très lipophile, ce qui peut accroître artificiellement sa teneur dans les graisses analysées et, à l’opposé, il n’est pas prouvé qu’elle se concentre prioritairement dans les reins (chez l’homme, elle se concentre dans le foie et dans le cerveau).
Dernier exemple de la difficulté d’obtenir un prélèvement qui traduise une représentativité de l’échantillon à analyser : pour les poissons comme pour les crustacés d’eau douce et de mer, l’ensemble de l’animal est broyé – alors que généralement on ne mange que les filets ou les muscles.
• Des méthodes d’extraction en voie d’amélioration
Extraire la molécule d’une matrice engage une méthodologie lourde (plusieurs phases de solution et d’épuration) et dont on doit souligner qu’elle diffère souvent pour chacune des matrices à analyser (sol, végétaux, produits animaux, sang humain).
Nous donnerons deux exemples, l’un pour les viandes-œufs et l’autre pour les végétaux, de la complexité des méthodes accréditées par le laboratoire national de référence de l’AFFSA45.
En principe, les méthodes d’identification et de quantification de la présence de chlordécone dans un échantillon sont connues ; elles ont été expérimentées à la suite de l’incident de Hopewell par les chercheurs et les autorités environnementales américains.
L’emploi de la chromatographie en phase gazeuse (ECD) donne des résultats d’identification qui ne sont sûrs qu’à 50 % : c’est pourquoi les laboratoires concernés la doublent d’une analyse fondée sur une double spectrométrie de masse en ligne (MSMS) qui aboutit à une sûreté d’identification proche de 100 %.
Encore doit-on souligner que la mise en œuvre de ces procédés suppose une expérience et un savoir faire qui ne s’acquièrent que progressivement.
Par exemple, le service de protection des végétaux d’une des îles a pu croire, un moment, que la chlordécone ne se diffusait pas ou très peu dans les graminées, parce que son laboratoire d’analyses n’arrivait pas à identifier la chlordécone dans cette matrice.
En outre, plusieurs biais d’analyse existent :
- il a pu exister des imperfections dans le processus de fabrication initial de la molécule,
- un des chercheurs entendus a émis l’hypothèse que la chlordécone épandue en 1973 n’avait pas tout à fait la même composition – du fait de sa présence plus longue dans le sol – que celle épandue en fin de période,
- le laboratoire départemental de la Drôme a mis en évidence que les échantillons végétaux contenant de « l’herbe de Guinée » pourraient, s’ils n’étaient pas préalablement acidifiés, créer une interférence dans la mesure de chromatographie gazeuse et dénoter ainsi artificiellement une présence de chlordécone.
Ces difficultés de maîtrise du processus analytique expliquent que, lorsque les chercheurs souhaitent effectuer des vérifications « à l’aveugle », ils aboutissent à des intercomparaisons qui ne plaident toujours pas en faveur de corrélations étroites entre les résultats des laboratoires confrontés.
Aux termes d’une dizaine d’années d’analyses (les premières analyses ont été effectuées sur l’eau en 1999 à la demande de M. Eric Godard, alors ingénieur sanitaire), on peut estimer à 12 000-13 000 le nombre des analyses effectuées pour détecter et quantifier la présence de chlordécone dans les différentes composantes de l’environnement antillais.
Ces analyses sont de nature extrêmement différentes, suivant les matrices et suivant les buts recherchés (recherche, protection sanitaire, cartographie, prescriptions de mise en culture).
Elles se sont caractérisées par une « endogamie ministérielle » importante46 :
- les analyses de végétaux ont été effectuées dans le laboratoire de la Drôme (pour les besoins de recherche) ou au Groupement interrégional de recherche sur les produits agropharmaceutiques (GIRPA) d’Angers lorsqu’elles étaient commandées par le ministère de l’Agriculture,
- les analyses de matrices animales ont été faites dans la Drôme (recherche) ou au Laboratoire départemental de la Sarthe (commande des services vétérinaires), ou encore au laboratoire de l’IFREMER à Brest,
- les analyses de sols ont été principalement effectuées dans la Drôme,
- les analyses menées par la DGCCRF ont, jusqu’ici, été réalisées au laboratoire du ministère des Finances de Massy, et sont, depuis peu, menées conjointement par le laboratoire du ministère des Finances de Jarry en Guadeloupe, ceci pour les seules analyses portant sur la chlordécone.
Le coût de ces analyses est variable suivant les matrices analysées et les quantités, mais le tableau ci-après fourni par le laboratoire départemental de la Drôme en donne une illustration :
Coût de l’analyse |
Chlordécone seule : 67,08 € HT Chlordécone et autres organochlorés : 109,31 € HT |
Coût de la préparation |
Solides (gras, végétaux) : 24 € HT Sols, eau : gratuit |
TVA |
Contrôle sanitaire de l’eau : 5,5 % Autres cas : 19,6 % |
Transport |
Le laboratoire envoie le flaconnage vide. Le retour est à la charge du demandeur. En cas d’urgence les livraisons sont assurées par Chronopost. Le retour d’une glacière de 10 kg coûte environ 160 €. |
Les enjeux représentés par la qualité des analyses sont doubles :
- leur fiabilité conditionne l’exactitude de l’effort de recherche mené pour caractériser le comportement environnemental de la molécule, en particulier celui qui vise à affiner les transferts sol-plantes ;
- l’introduction des nouvelles LMR depuis juillet 2008 fixant une limite en teneur en chlordécone de 20 µg/kg de produits frais, conditionne, à rebours, les mises en culture, la survie de certains élevages aquacoles ou l’édiction d’interdiction de zones ou d’espèces de pêches.
L’offre analytique est-elle à la hauteur de ces enjeux ?
Le passé récent et notamment les analyses effectuées de sol et de végétaux depuis les arrêtés préfectoraux et les programmes de recherche ont mis en évidence des erreurs sur la détection de la molécule. Ceci grâce à des essais en double.
C’est pourquoi l’AFSSA a édicté à compter de 2006 des protocoles d’extraction précis pour les matrices végétales et animales (cf. supra).
Si on peut estimer que l’homogénéisation des procédés d’extraction a amélioré la fiabilité de la détection – encore que des vérifications croisées entre chaque filière d’analyse ne seraient pas superflues – la quantification exacte de la chlordécone dans les matrices analysées pose encore question.
C’est, au demeurant, un problème qui n’est pas propre aux analyses de quantification de la chlordécone. Il existe une procédure de contrôle interlaboratoire dirigée par l’association AGLAE (Association générale des laboratoires d’analyse de l’environnement). Huit fois par an sont envoyés à 50 laboratoires accrédités des dosages artificiels de contaminant des eaux.
Ces laboratoires font deux analyses des échantillons. Or, les résultats de ces analyses font apparaître un coefficient de novation (écart type à la moyenne) qui donne un intervalle de confiance de 25 %.
Pour la chlordécone, on constate, de plus, une hétérogénéité supplémentaire des résultats :
- suivant les matrices : la fiabilité des analyses d’eau est plus forte que celle des autres matrices (20 % pour l’eau, 30-35 % pour les autres matrices),
- et suivant la teneur en polluant des échantillons. Plus on s’éloigne de la limite de quantification (10 µg/kg) plus le niveau d’incertitude diminue, mais cette croissance de la fiabilité de la quantification n’est que très progressive. Par exemple, pour des échantillons contenant 10 fois la limite de quantification, soit 100 µg/kg, l’intervalle de confiance est de 20 % pour la plupart des matrices.
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Compte tenu des degrés d’incertitude qui existent, sur la quantification de la chlordécone dans les matrices analysées et sur l’homogénéité de certains types de prélèvement, on conçoit que l’application des nouvelles limites maximales des résidus (20 µg/kg) puisse faire débat dans certains cas.
L’application d’un intervalle de confiance de 35 % à cette limite de 20 µg/kg donne une marge entre 13 µg/kg et 27 µg/kg.
Par exemple, un élevage aquacole dont des échantillons avaient été testés à 26 µg de chlordécone/kg, est resté ouvert car il se situait dans la marge d’incertitude.
Sur ce point, il serait souhaitable que l’ensemble des ministères concernés (agriculture, santé, finances) qui sont habilités à prendre les mesures administratives ou même à diligenter des poursuites, adoptent une attitude commune, en prenant en considération une marge d’erreur qui demeure importante.
La localisation d’une partie des analyses dans les îles
Ÿ les données du problème
Le coût des transports, la nécessité d’avoir un retour d’information rapide, le fait que l’on doive renforcer les capacités d’analyse des laboratoires antillais qui, comme tous les laboratoires des pays de l’Union européenne, auront, à terme, un plan de charge important de détection des pollutions environnementales, la perspective que l’on puisse « in situ » disposer d’une expertise internationale sur la chlordécone, utilisable par les pays de la région ; beaucoup de facteurs plaident en faveur d’une localisation d’une partie des analyses.
Rappelons-le, le renforcement des capacités d’analyses des laboratoires locaux fait partie des actions (actions 3 et 4) prévues par le « plan chlordécone ».
Cela afin qu’ils acquièrent les accréditations nécessaires (auprès du comité français d’accréditation – COFRAC) et l’agrément ministériel.
Ÿ Les besoins en analyse
La demande en analyse des directions régionales est multiple :
- DSV : Plans de surveillance et de contrôle sur produits animaux (viandes, œufs, volailles, lait, poissons, aquaculture, ...) (GDS : autocontrôles) ;
- DAF/SRPV : Plans de surveillance et de contrôle sur les végétaux, analyse des sols (FREDON : autocontrôles) ;
- DIREN : Surveillance des eaux et sédiments ;
- DSDS : Surveillance du réseau d’eau potable et des eaux embouteillées, programme JAFA (sols) ;
- DGCCRF : Contrôle des végétaux locaux et importés.
A ceux-ci, s’ajoutent les analyses qui soustendent les projets les recherches sur le comportement environnemental de la molécule ou les études épidémiologiques (CIRAD-INRAD, BRGM, IRD, IFREMER, INSERM-CHU de Pointe-à-Pitre, Université des Antilles et de la Guyane).
Pour le seul exercice 2009, la mission d’appui technique envoyée aux Antilles en septembre 2008, pour examiner le renforcement des capacités d’analyse des laboratoires antillais, les chiffre à 8 000, presque à parité entre les deux îles.
Si l’on peut estimer que les flux d’analyses de sol (2000 en 2009) commandées par les Directions régionales de la Santé et du développement social (DSDS), au titre de l’action concernant les jardins familiaux (JAFA), sont appelés à se tarir, le besoin en analyse des différentes matrices susceptibles de contenir de la chlordécone restera à un niveau élevé.
Sur les exercices 2010, 2011 et 2012, la mission d’appui précitée évalue le nombre d’analyses nécessaires entre 3 000 et 4 000 par an, sans prendre en compte les besoins d’analyses des organismes de recherche.
Ÿ L’état d’accréditation des laboratoires locaux et le problème de la répartition des analyses
Vos rapporteurs ont rencontré les responsables des trois laboratoires locaux, le laboratoire départemental de la Martinique, l’institut Pasteur de la Guadeloupe et le laboratoire de la DGCCRF de Jarry en Guadeloupe. Ils peuvent témoigner de la qualité de chacune de ces équipes.
L’état d’avancement de la formation et de l’équipement de chacune de ces équipes en vue d’effectuer des analyses de matrices polluées à la chlordécone est le suivant :
- Laboratoire départemental de la Martinique
Les équipements ont été acquis, des analyses en double sont effectuées avec le laboratoire départemental de la Drôme qui a, par ailleurs, assuré une partie de la formation du personnel.
L’accréditation COFRAC pourrait intervenir à compter de février 2010 sur les matrices d’eau et de sol.
- L’institut Pasteur de la Guadeloupe
Ce laboratoire a répondu un appel d’offres de la DSDS de la Guadeloupe et a été choisi pour l’analyse des matrices de sol dans le cadre de l’action relative aux jardins familiaux (JAFA). Il a également été choisi pour l’analyse des échantillons d’eau par l’INRA dans le cadre du programme de recherche chlordexpo.
L’accréditation COFRAC pourrait intervenir dès juillet 2009 pour l’analyse des matrices de sol.
- Le laboratoire de la répression des fraudes de Jarry
Ce laboratoire est destiné à assurer les analyses des matrices de végétaux qui étaient auparavant effectuées par le laboratoire national de Massy.
En 2009, il effectuera les analyses de chlordécone couvrant les plans de contrôle menés par les DGCCRF en Guadeloupe et en Martinique. Le laboratoire national de Massy continuera à assurer les analyses correspondant aux plans de surveillance et les analyses multirésidus des pesticides.
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De ce qui précède, on peut inférer qu’en dépit des efforts très réels de mise à niveau accomplis par les laboratoires locaux, ils n’ont pas encore constitué une offre permettant de répondre rapidement à la totalité des demandes d’analyses sur l’ensemble des matrices contenant de la chlordécone.
Ce qui ne signifie pas qu’il n’est pas nécessaire, dans une perspective de long terme, de poursuivre la mise à niveau de ces laboratoires.
Quelle pourrait être à terme la répartition des analyses entre ces trois laboratoires ?
La réponse à cette question qui pourrait relever d’une simple recherche de l’efficacité administrative est oblitérée par plusieurs facteurs.
- le laboratoire de Jarry est très spécialisé dans les analyses de végétaux qui peuvent déboucher directement sur des conséquences pénales, liées à sa mission de répression des fraudes. Il semble peu opportun d’étendre cette mission à l’analyse d’autres matrices et, s’agissant des végétaux, de mettre ses responsables en situation de juge et partie en lui confiant d’autres analyses de végétaux que celles qui relèvent de ces plans de contrôle et de surveillance ;
- la recherche d’une solution idéale de localisation d’une partie des analyses de chlordécone doit prendre en considération le fait que la plupart des plans d’analyses concernés doivent faire l’objet d’un appel d’offres, ce qui ne garantit en aucun cas leur attribution aux laboratoires locaux.
Certes, comme le souligne la mission d’appui, il est toujours possible d’introduire dans les cahiers des charges des dispositions sur la rapidité d’obtention des résultats et sur la diminution des émission de gaz à effet de serre qui pourraient infléchir l’équilibre des appels d’offres en faveur des laboratoires locaux mais ceux-ci sont, par ailleurs, défavorisés par les coûts de main d’œuvre élevés des Antilles ;
- enfin, les sentiments d’altérité réciproques de chacune des deux îles font qu’il semble difficile qu’un partage rationnel des analyses entre la Guadeloupe et la Martinique soit mis en œuvre. Tout au moins, vos rapporteurs estiment-ils souhaitable que la proposition de la mission d’appui, de création d’un GIS commun47 à constituer entre ces laboratoires pour faciliter la coopération technique entre eux et favoriser des réponses coordonnées aux appels d’offres soit mise en œuvre.
Ÿ Des interrogations sur la procédure ministérielle d’agrément
Les questions relatives à la localisation des analyses de résidus de pesticides ont permis à vos rapporteurs de déceler certains problèmes dans l’organisation de la procédure ministérielle d’agrément des laboratoires.
En premier lieu et au regard de l’accroissement prévisionnel de la demande d’analyses dans le domaine de la détection des pesticides (action de l’Union européenne réduisant le nombre de molécules autorisées, plan éco-phyto 2018), les moyens matériels du ministère de la Santé sont insuffisants. En 2008, seules deux personnes à mi-temps ont été affectées au traitement des demandes d’agrément de quinze laboratoires et de soixante demandes d’extension d’agrément.
Par ailleurs, la procédure est trop longue (dépôt d’un dossier avant le 30 juin pour un agrément donné à compter du 1er janvier de l’année suivante et le système informatique qui gère ces demandes n’est pas assez performant).
Enfin, l’exigence d’une exhaustivité de capacité d’analyse pour toute une famille de produits, à défaut de laquelle l’agrément ne peut être obtenu, n’est pas toujours justifiée.
On comprend bien le souci du ministère de la Santé de disposer d’une offre d’analyse complète pour ne pas créer de produits « orphelins » dont l’analyse, trop rare et donc non rentable, ne serait pas possible.
Mais, il devait être envisagé d’appliquer cette réglementation avec souplesse en tenant compte des circonstances locales.
A titre d’illustration, s’agissant des analyses d’eau, les analyses de mercure ne sont d’aucun intérêt pour la Guadeloupe et la Martinique (mais elles sont indispensables en Guyane).
Néanmoins, pour avoir une accréditation sur les paramètres chimiques élémentaires, il est nécessaire d’être équipé pour détecter le mercure.
Il devrait être possible d’assouplir la délivrance des agréments par famille de produits, en y apportant des aménagements mineurs, prévoyant des agréments partiels ne portant que sur les produits qu’il est utile de détecter et de quantifier dans chaque département d’outre-mer.
LES RECHERCHES PORTANT SUR DES PROCÉDÉS D’ANALYSE PLUS RAPIDES ET MOINS COÛTEUX
La lourdeur des procédures d’extraction, de détection et de quantification de la chlordécone dans les échantillons analysés a deux conséquences directes.
Elle pèse sur les coûts d’analyse et retarde les résultats.
L’amélioration du système d’analyse passe donc par la recherche de méthodes de détection et de quantification plus rapides.
Plusieurs axes de recherche sont explorés (SPME, immunofluorescence, utilisation de polymères à empreinte moléculaire qui permettent l’extraction spécifique d’une molécule, méthode dite « Querchers »).
En l’état des informations dont disposent vos rapporteurs, il semble que les recherches sur la méthode dite SPME soient les plus avancées.
La macro-extraction en phase solide (SPME-Solid phase macro extraction) dérive de procédés employés en parfumerie pour caractériser les arômes.
Grâce à un film polymère (l’extractant), on piège la chlordécone et la chromatographie en phase gazeuse permet de la quantifier.
L’analyse se fait en 45 minutes et est répétée, ce qui signifie qu’on obtient un résultat en 1 heure 30, en économisant les 3 ou 4 jours nécessaires à l’extraction.
Le CIRAD met au point ce procédé sur les sols en Martinique, et sur les matrices végétales et animales à Montpellier.
En l’état, cette méthode n’est applicable qu’à de très petits échantillons (jusqu’à 100 µg).
Mais, en attendant son adaptation à des échantillons plus importants, elle pourrait être utilisée en criblage rapide, ce qui permettrait d’éliminer les échantillons ne contenant pas de chlordécone.
Parallèlement, un autre procédé est développé par l’IRD sur les matrices de sol (spectrométrie proche de l’infra rouge) qui peut, actuellement, être utilisé en criblage sur des échantillons de 10 mg (soit cent fois plus lourds que ceux utilisés pour l’application de la méthode SPME).
Ces recherches doivent être poursuivies, en liaison avec le programme de l’Agence nationale de la recherche (ANR).
En 2008, celle-ci propose un programme « contaminants, écosystème, santé » reposant sur quatre grands axes :
- les déterminants environnementaux ;
- la dynamique des écosystèmes ;
- l’impact sur la santé ;
- les recherches méthodologiques et prénormatives.
Cette dernière rubrique inclut le « développement de nouvelles méthodologies expérimentales (...) par la détection, l’analyse et la mesure des contaminants ».
L’agence n’a malheureusement reçu aucun dossier concernant l’amélioration des méthodes de détection et de qualification de la chlordécone.
LES RECHERCHES SUR LE COMPORTEMENT ENVIRONNEMENTAL DE LA CHLORDÉCONE
La poursuite de cet effort de recherche a une double importance.
Il conditionne assez largement une partie de l’activité du secteur primaire des îles puisque, sur la base de ces travaux on peut caractériser la contamination des milieux naturels et avancer des préconisations de mise en culture, de maintien des élevages aquacoles ou de réglementation de la pêche maritime.
Mais, au-delà, l’ensemble de ces recherches a vocation à encadrer l’avenir environnemental des îles, confrontées à un polluant destiné à y résider entre 60 ans et 7 siècles suivant la nature des sols sur lesquels il a été épandu. Et, dans ce cadre, l’étude du mode de migration de la molécule du sol aux autres composants du milieu naturel est un des préalables à l’exploration des possibilités de son éradication.
LES TRANSFERTS DE LA MOLÉCULE DANS LES MILIEUX NATURELS
Les projets Chlordexco-soil et Chlordexco-trans
Le projet Chlordexco est une réponse groupée du CIRAD, de l’INRA, de l’IRD, de l’université des Antilles et de la Guyane et du Forschung Zentrum de Jülich (RFA) à un des appels d’offres du programme de l’ANR « contaminants, écosystèmes et santé ».
Il comprend quatre chapitres dont deux visent à étudier le comportement de la chlordécone (et d’autres pesticides) dans le sol et ses migrations dans les bassins versants : Chlordexco-soil et Chlordexco-trans.
L’ANR a doté l’ensemble du projet de 800 000 euros de crédits sur les exercices 2008-2009-2010.
• Chlordexco-soil
L’objectif de Chlordexco-soil qui fait suite aux travaux menés par M. Woigniez48 pour le compte de l’IRD est de faire progresser la réponse à trois types d’interrogations :
- l’explication de la capacité des sols à retenir les pesticides par les propriétés physiques dépendant de la structure porale et des constituants minéralogiques des andosols et des nitisols ;
- la détermination de la distribution des pesticides, en fonction de la nature et de la biodégradabilité des matières organiques, au sein des fractions d’agrégats organo-minéraux ;
- et enfin, l’examen des modes de libération et de transfert des molécules en conditions macroscopiques de flux et selon les types de sol, pour affiner les valeurs des coefficients de partage entre l’eau et les compartiments de la phase solide. Ces coefficients seront les paramètres d’une modélisation des transferts en vue de simuler la disponibilité de la molécule vis-à-vis des plantes et de la contamination des eaux.
• Chlordexco-trans
L’objectif de chlordexco-trans est d’approfondir les connaissances sur les modes de migration de la chlordécone (et d’autres pesticides) dans les bassins versants sur deux types de sol (andosol et nitisol), sur des gradients d’altitude différents, et en fonction des différences de pluviométrie (de 2 à 8 m/an).
Plus précisément, il s’agit :
- d’analyser les voies de transport de la chlordécone et ses interactions spécifiques avec la matrice des milieux poreux traversés, ceci en fonction de la variabilité pédo-climatique au sein des bassins versants antillais,
- de développer une modélisation des transferts spatialement distribuée, qui intègre les processus de mobilisation des molécules pesticides par les eaux en fonction du profil des sols et des mécanismes hydrologiques de transport. Le développement d’une telle modélisation est un enjeu de recherche important. Il pose le problème d’une représentation équilibrée des processus à différentes échelles spatiales (profil, réseau hydographique, aquifère, bassin) et en fonction des conditions climatiques (crue, sécheresse).
C’est plus spécifiquement une équipe du laboratoire de l’INRA de Montpellier spécialisée dans l’étude des interactions « sol-hydrosphère » qui mènera ce projet.
L’étude du CEMAGREF sur l’ubiquité de la molécule entre le réseau hydrographique et les milieux marins
Cette étude a pour objet de caractériser le potentiel de contamination des terres polluées sur la séquence « sol-réseau hydrographique-milieu marin ». Trois zones de la Baie du Robert en Martinique ont été sélectionnées en fonction :
P de la présence antérieure de bananeraies abandonnées depuis au moins huit ans ;
P de la présence de nitisols à fort potentiel de transfert ;
P de l’existence de bassins versants soumis à une érosion ;
P des enjeux économiques de la zone car la Baie Robert est une zone de ressources piscicoles et aquacoles.
Une évaluation des « stocks » de départ a été effectuée en mélangeant des échantillons composés (en localisation et en profondeur).
A compter de ces données sur la contamination de départ, des stations de mesure ont été implantées dans les rivières pour évaluer les teneurs en chlordécone de l’eau, des matières en suspension et des sédiments, ainsi que la turbidité des eaux pour calibrer le transport solide par charriage.
Ces mesures sont effectuées mensuellement et après chaque crue.
Cette étude est toujours en cours.
Les études et les projets d’étude du BRGM sur l’état des nappes phréatiques en Martinique
Les nappes phréatiques représentent un enjeu important en Martinique ; elles constituent une réserve encore très peu utilisée (5 % de la ressource en eau potable contre 60 % en métropole).
Or, les projections du Conseil général font état d’un ressaut de besoins à moyen terme élevé (estimé en 2015 à 70 000 000 m3/jour supplémentaire pour une consommation actuelle de l’ordre de 120 000 000 m3/jour)49.
Cette augmentation de consommation correspondrait à environ 100 forages d’accès aux nappes souterraines.
Mais on doit mentionner qu’avant même l’examen de l’état des nappes, une première difficulté réside dans la géologie très fracturée des zones où la ressource est disponible. Elle pourrait être levée si on appliquait à la Martinique les techniques d’aéro-magnétisme permettant de faire un « IRM » de la géologie du sous-sol50 assurant que les forages seront effectués dans des zones exploitables.
Ce préalable posé, quel est l’état de contamination des nappes phréatiques de l’île ?
Le BRGM a mené sur 2007-2008 une première étude sur les « processus de transfert des phytosanitaires du sol vers les eaux souterraines dans le contexte hydrologique de la Martinique ».
Cette étude concernait quatre molécules (oxamyl, 2.4 D, diuron et glyphosate) et le transfert au travers de deux types de sol (andosol et nitisol).
Elle a montré que les pouvoirs de fixation des pesticides analysés étaient très forts dans les andosols (ce qui est dû à leur structure fractale comme l’a montré l’étude effectué sur la chlordécone par l’IRD) et que le risque de pollution des eaux souterraines variait en fonction des molécules (fort pour l’oxamyl; plus faible selon les sols pour les autres molécules).
En croisant ces résultats avec l’épaisseur de la zone non saturée (entre le sol et la nappe) et par le type de nappes (libre, captive, semi-captive), on pourrait ainsi aboutir à une carte de vulnérabilité des eaux souterraines à la pollution.
Actuellement, le BRGM monte un projet de recherche sur « l’évaluation des processus de transfert de la chlordécone du sol vers les eaux souterraines en Martinique ».
Il s’agirait d’évaluer les risques de contamination différée des nappes par la chlordécone :
- en caractérisant la variabilité spatiale et temporelle de la pollution ;
- en identifiant les facteurs explicatifs de cette variabilité depuis le sol jusque dans les nappes, en particulier en analysant les mécanismes de fixation et de remobilisation de la chlordécone dans les zones non saturées ;
- en analysant les mécanismes de fixation et de remobilisation de la chlordécone dans les zones non saturées.
Il serait souhaitable qu’une structure légère de coordination permette de coupler cette étude avec les projets Chlordexco (cf. supra) portant sur des thèmes proches.
La pollution des milieux marins
L’action 5 du « plan chlordécone » prévoit l’établissement d’un diagnostic de l’état de la faune aquatique marine.
Curieusement au regard de la situation géographique insulaire de la Guadeloupe et de la Martinique, c’est le domaine qui avait été le moins exploré jusqu’il y a peu.
Certes, une première étude avait été menée, en 2002, sur la Martinique, par l’IFREMER et le CEMAGREF pour identifier les risques de contamination des milieux marins, sur la base de 99 échantillons, sur 18 espèces et sur 27 sites, qui avait confirmé que les risques de pollution étaient plus importants au débouché des bassins versants contaminés.
Mais le nombre relativement faible d’échantillons examinés fait que cette étude ne pouvait pas être considérée comme conclusive.
Ceci, d’autant plus que la modélisation des risques de pollution en milieu marin est très délicate du fait de la très forte variabilité des facteurs qui gouvernent la contamination des espèces halieutiques.
C’est pourquoi l’IFREMER a conduit une étude beaucoup plus systématique de l’état et des voies de contamination de la faune halieutique en Martinique et en Guadeloupe
Ÿ L’étude de l’IFREMER
En Martinique, des campagnes de prélèvement ont eu lieu entre mai et novembre 2008 (1ère campagne : 99 prélèvements ; 2ème campagne : 145 prélèvements). Ces prélèvements ont été géoréférencés et répartis par zones :
Des règles d’échantillonnage ont été établies pour mieux cerner les mécanismes de contamination. Ces règles sont assises sur :
- deux hypothèses concernant les voies de contamination (directe à partir du matériel particulaire, indirecte par les réseaux trophiques) ;
- et sur deux types de facteurs de contamination potentielle (le milieu de vie des animaux, la biologie des espèces).
Les hypothèses portant sur les milieux de vie concernent :
- la dépendance vis-à-vis des apports terrigènes immédiats (zone de contamination potentielle des bassins versants) ;
- la dispersion de la molécule sous l’effet de l’hydrodynamisme marin (systèmes abrités / systèmes battus) ;
- la variabilité temporelle, c'est-à-dire les apports directs du lessivage des sols des bassins versants (alternance saisons sèches et saisons humides).
Les hypothèses liées à la biologie des espèces sont les suivantes :
- régime alimentaire (situation dans les réseaux trophiques)
Ê benthophage, carnivore-piscivore, détritivore, filtreur, planctonophage, herbivore,
- comportement dans les masses d’eau
Ê très côtier, bentho-démersal, pélagique côtier, pélagique hauturier,
- modalités de vie
Ê sédentaire / migration au cours du cycle de vie, déplacements trophiques, ceci afin d’évaluer l’influence des types de mise en contact avec des milieux contaminés,
- taille des individus
Ê petits / gros (jeune / âgé)
) ceci pour mesurer l’effet de bioaccumulation dans les organismes ou au cours de la vie de l’espèce, en fonction d’effets éventuels du changement de régime alimentaire,
- critères de sélection des espèces
Ê importance dans la pêche (env. 180 espèces exploitées),
Ê caractéristiques biologiques des espèces.
Les résultats de ces campagnes sont donnés par le tableau suivant51 :
Au total, ces résultats font apparaître :
- des concentrations fortes en chlordécone dans les cônes de déjection des zones les plus atteintes (Nord-ouest atlantique, Centre atlantique, Baie de Fort-de-France) ;
- une corrélation étroite des résultats avec la biologie des espèces et donc une forte contamination des détritivores et des prédateurs supérieurs sédentaires :
- une contamination variable des espèces migrantes entre la mer et la côte (thazards) ;
- une variabilité de contamination des carnivores intermédiaires, en fonction de leur zone d’implantation ;
- une faible contamination des herbivores broyeurs (notamment ceux liés au milieu corallien).
La liste ci-après donne des exemples de ces résultats :
Source : IFREMER
Par ailleurs, un échantillonnage a été effectué sur des poissons d’élevage marins nourris artificiellement (bar des Caraïbes) qui sont indemnes de contamination.
En Guadeloupe, 144 prélèvements ont été effectués sur un échantillonnage semblable à la Martinique. Les premiers résultats sont les suivants :
Si la présence de la chlordécone est assez largement distribuée, les seules zones où elle dépasse la LMR (20 µg/kg) se situent aux débouchés des zones bananières.
Ÿ La nécessité de poursuivre les études sur les milieux marins
La pêche artisanale est plus importante en Guadeloupe qu’en Martinique. Elle y représente 1 300 emplois dont 30 % de pêche au large, 80 millions € de CA annuel (soit 3 % du PIB de l’île) et une composante non négligeable de son autosuffisance alimentaire (10 millions de tonnes pêchées sur 16 millions de tonnes consommées), ce qui représente un pourcentage d’autoapprovisionnement élevé (62 %), rarement atteint dans les îles.
La double nécessité de maintenir cette activité et de protéger les consommateurs implique une extension forte des dispositions du « plan chlordécone » au milieu marin.
Le comité des pêches guadeloupéennes, entendu par vos rapporteurs, a fait des propositions sur ce point qui semble pertinentes.
Celles-ci visent en particulier :
- à établir une cartographie marine de la pollution, en parallèle à l’amélioration de la cartographie terrestre ;
- à renforcer considérablement le volume d’analyses de produits de la mer pour le porter à 750 dans chacune des îles. La variabilité des facteurs de contamination en milieu marin, la dynamique particulière du milieu supposent qu’une connaissance aussi précise de la pollution qu’en milieu terrestre soit établie. Ceci notamment pour éviter que des mesures d’interdiction de pêches (sur des zones ou des espèces) trop larges et indifférenciées soient édictées ;
- à mener, sur la base de ces mesures, des études précises sur la dynamique de la pollution en milieu marin ;
- à transposer pour les autoconsommateurs de poissons ou pour ceux qui se les procurent dans des circuits de distribution courts, le programme JAFA (jardins familiaux) ;
- et, à assurer, le cas échéant, le redéploiement de certaines pêches vers des lieux exempts de contamination.
L’étude de la contamination de la faune des eaux continentales
Mme Monti, chercheur à l’Université des Antilles et de Guyane, a mené des recherches sur le degré de contamination de la faune aquatique guadeloupéenne par la chlordécone.
Les rivières de la Guadeloupe sont des milieux très turbulents, caractérisés par une forte turbidité des eaux (causée par des évènements climatiques qui brassent les sédiments et font remonter la chlordécone déposée dans le lit des rivières).
Cette étude a, notamment, mis en évidence trois faits :
le degré de contamination des rivières est très variable.
Source : D. Monti – UAG
La bioconcentration de la chlordécone atteint des coefficients très importants dans les rivières polluées.
Par exemple, dans la rivière Grande Anse où la concentration de la chlordécone atteignait 3,2 µg/l ; on constate une concentration :
- jusqu’à 848 fois plus forte pour les crustacés vivant dans les matières en suspension ;
- jusqu’à 1 531 fois plus forte pour les omnivores ;
- et jusqu’à 12 313 fois plus forte pour les carnivores.
(3) La bioconcentration de la molécule est doublement corrélée avec le niveau des animaux dans la chaîne alimentaire et avec la résidence des animaux dans les milieux calmes.
LES TRANSFERTS DE LA MOLÉCULE AUX CULTURES ET AUX PRODUITS DE L’ÉLEVAGE
Ces axes de recherches sont d’application immédiate car ils se situent à la croisée des activités agroalimentaires de l’île et du faisceau de précautions sanitaires mis en œuvre pour la protection des Antillais.
L’introduction, en septembre 2008, de nouvelles limites de résidus, (20 µg/kg de produits frais se substituant aux recommandations sanitaires de l’AFSSA (50 µg/kg de produits frais et 200 µg/kg pour les produits de la mer) fait peser une menace sur une partie des activités du secteur primaire des deux îles.
Les études actuellement réalisées ou en cours concernent les référentiels de mise en culture ; d’autres projets concernent l’élevage, d’autres encore devraient être envisagés pour l’aquaculture.
La mise au point de référentiels de mise en culture et l’approfondissement des modes de transfert de la molécule entre le sol et les plantes
Ÿ Les premières études
Avant même l’adoption du « plan chlordécone », les équipes locales de l’INRA et du CIRAD ont mené des recherches sur les transferts de la molécule du sol vers les cultures.
Une première étude a consisté à quantifier cette migration de la molécule dans un légume-racine, la patate douce. Ceci en fonction de la nature des sols (andosols qui relarguent peu, nitisols qui relarguent trois fois plus de chlordécone).
Les principaux résultats de cette première étude sont résumés dans le graphique ci-après :
Source : M. Jannoyer (CIRAD)
Ainsi :
Ü sur des andosols peu arrosés, la présence de la molécule dans la patate douce est cent fois moins forte que dans le sol (≈ 6mg/kg dans le sol ne donnent que 0,06 mg/kg dans le tubercule, soit 1/100ème ;
Ü sur des andosols bien arrosés, le taux de transfert est supérieur (≈ 2 mg/kg dans le sol donnant 0,04 mg/kg dans le tubercule, soit ≈ 1/50) ;
Ü et sur des nitisols (sols plus évolués) le rapport de transfert est de l’ordre d’1/25 – 1/30.
Par ailleurs, les mesures comparatives effectuées sur les épluchures et les chairs des tubercules privilégient l’hypothèse d’un transfert par contact : l’enveloppe est de 3 à 16 fois plus contaminée que la chair.
Mais cette recherche ne pouvait pas être considérée comme conclusive compte tenu du faible nombre d’échantillons.
Une autre approche a consisté a essayé d’évaluer le transfert de la molécule dans les parties aériennes, en fonction :
Ü du type de sol,
Ü de l’ampleur de sa contamination,
Ü et du type de cultures.
Par exemple, des légumes comme la salade, le concombre, la courgette ou le navet semblent beaucoup plus « conducteurs » de la molécule que le haricot ou la tomate.
Au total, ces premières recherches ont abouti en 2006 à une synthèse de degré de la contamination des plantes par transfert de la chlordécone résidant dans les sols :
Ÿ L’établissement d’un outil de gestion pour les agriculteurs
L’action 30 du plan prévoit l’établissement d’un référentiel pour gérer les risques de mise en culture.
Il s’agissait à l’origine d’approfondir les modèles de proportionnalité de transfert entre la teneur du sol en chlordécone fournie par les premières études et chaque type de culture afin de créer un guide des pratiques culturales sans risques sanitaires pour les consommateurs.
Du fait des coûts d’analyse qu’aurait entraîné la mise en œuvre de cette action pour l’ensemble des cultures, il a été décidé d’étudier le transfert maximum entre le sol et les plantes les plus contaminables (les légumes racines).
Cette étude a abouti à l’établissement d’une « courbe enveloppe » qui établit que pour tout type de sol et pour tout type de culture le transfert maximum entre le sol et les plantes les plus contaminables est de 1 à 5.
Ce qui signifie, compte tenu, de la LMR – qui s’établit, rappelons-le, à 20 µg/kg de produits frais – que l’on pourra cultiver tous types de végétaux sur des sols dont la teneur en chlordécone est ≤ 100 µg/kg. Il doit être relevé que ce rapport de transfert a été fixé sur des bases très sécurisées puisque, pour les sols qui relarguent le plus de chlordécone, le rapport moyen de transfert (affiné par rapport à l’étude préalable mentionnée ci-dessus) est de l’ordre à 1 à 10.
Sur ces bases, et dans le cadre de l’action 25 du « plan chlordécone » qui prévoit un appui technique aux agriculteurs préalable à la mise en culture, deux listes ont été dressées :
- sur les sols contaminés à une teneur inférieure à 100 µg/kg de chlordécone, toutes les cultures alimentaires sont possibles,
- et, sur les sols moyennant ou fortement contaminés (entre 100 et 1 000 µg de chlordécone par kilo de sol) les espèces suivantes peuvent être mises en culture :
Ÿ l’ananas ;
Ÿ la banane ;
Ÿ le chou pommé ;
Ÿ les cultures fruitières arbustives et arborées (vergers) ;
Ÿ la canne à sucre destinée à la transformation (en sucre et en rhum) ;
Ÿ le haricot vert ;
Ÿ les solanacées :
9 la tomate,
9 l’aubergine,
9 le piment,
9 le poivron,
Ÿ les cultures hors-sol (substrat sain) ;
Ÿ les cultures non alimentaires :
9 fleurs et feuillages coupés,
9 plantes vertes en pot
9 pépinières ornementales,
9 plantations forestières,
9 autres plantes industrielles ou énergétiques, non alimentaires.
Ÿ L’approfondissement des connaissances sur les transferts du sol vers les plantes (Chlordexco-plant)
Cette étude, menée conjointement par l’INRA et le CIRAD, a pour but de définir les moteurs et les voies d’absorption, de transfert et de stockage de la chlordécone dans les organes et les tissus de trois familles botaniques modèles (la molinie qui est une graminée, la carotte et la courgette).
Il s’agit de comprendre comment les flux de chlordécone qui accompagnent les montées de sève se diffusent dans les plantes.
Par exemple, on sait que ces montées de chlordécone sont arrêtées lorsqu’elles rencontrent des tissus hydrophobes (c’est par exemple le cas de la canne à sucre pour laquelle les transferts de chlordécone se limitent à la base de la plante ou du bananier plantain dans lequel, au-delà d’un mètre, on ne retrouve plus la molécule).
Il s’agit, aussi, de comprendre pourquoi certaines montées de sève porteuses de chlordécone se concentrent dans le feuillage et non dans le fruit (exemple de la tomate) ou l’inverse (exemple du concombre).
L’analyse fine de ces mécanismes de diffusion permettra d’identifier la nature des tissus qui jouent un rôle de filtre et, grâce à l’acquis sur l’histologie des végétaux, de cartographier plus précisément, par espèces, les risques de mises en culture.
L’étude de la bioaccumulation de la chlordécone chez les animaux d’élevage
Ce projet de recherches est prévu pour l’action 30 du « plan chlordécone ». Il sera mené par l’INRA.
Jusqu’ici, aucune étude n’a été menée sur les milieux pâturants – alors que les déprises bananières ou les mises en jachère de soles bananières – peuvent être utilisées pour l’élevage.
Par exemple, en Guadeloupe, ces surfaces en pâturage sur des sols potentiellement contaminés représentent 750 ha.
La contamination peut résulter, alors, d’une double source : teneur en chlordécone des fourrages et contact avec la terre des herbes piétinées par les troupeaux et ultérieurement ingérées.
Le projet a pour but d’évaluer la contamination potentielle des animaux d’élevage, mais aussi d’en étudier les possibilités de décontamination dans un contexte d’exploitation réaliste.
Les modèles animaux ont été choisis parmi les ruminants (ovins et caprins) et non ruminants (porcs et volailles).
L’étude sur les ruminants sera progressive afin de mesurer les possibilités de bioaccumulation de la molécule en cours de croissance.
La nécessité de mener une action de recherche sur la contamination des élevages aquacoles
Les actions 32 à 34 du « plan chlordécone » ont pour but :
- d’assurer la conformité de la production piscicole,
- d’identifier les sites où l’eau n’est pas contaminée afin de permettre la réinstallation des exploitations aquacoles touchées,
- et, en cas d’impossibilité de poursuivre l’exploitation, d’examiner une reconversion vers d’autres activités.
Aucune action spécifique de recherche n’est prévue.
Il se trouve que l’introduction des nouvelles LMR (20 µg/kg de produits frais) menace les élevages aquacoles des îles et notamment, les élevages de crevettes d’eau douce (ouassous en Guadeloupe, z’habitants en Martinique).
En Guadeloupe, sur une dizaine d’élevages, un seul avait subi un contrôle positif en 2005 (LMR supérieure à 50 µg/kg).
En 2008, les prélèvements de quatre élevages ont révélé des taux de chlordécone autour de 30 µg/kg de produit, un seul d’entre eux se situait dans la marge d’incertitudes de 35 % (entre 13 µg et 27 µg). Les trois autres élevages ont été fermés.
Certains des résultats enregistrés, ont semblé surprenants car les taux d’analyses de l’eau, à l’entrée et à la sortie des bassins et du sol, faisaient apparaître des teneurs très faibles en chlordécone.
Une homogénéisation des prélèvements, en coopération avec les producteurs, pourrait contribuer à lever les doutes sur leur validité52.
Vos rapporteurs estiment, de plus, qu’un programme de recherche53 devrait être mis en place, visant notamment :
- à mettre en évidence les différences de concentrations entre la tête et la queue des écrevisses. La tête étant, en principe, plus contaminée (les graisses s’y accumulent et des particules de sols contaminés peuvent se concentrer dans les ouïes). Actuellement, tout l’animal est broyé en vue des analyses.
Mettre en place ces analyses différentielles pourrait permettre aux producteurs de commercialiser les queues.
- à étudier les effets du jeûne sur les concentrations en chlordécone dans les animaux ;
- à comparer les taux de chlordécone en fonction de l’âge des animaux ;
- et à analyser les conséquences de méthodes d’élevage sans contact direct avec les sols (élevage en cage, isolation du fond des bassins).
Le lancement de ces études est urgent parce que sur 10 producteurs guadeloupéens, 3 sont fermés définitivement et deux proches de la fermeture. La situation est analogue en Martinique.
Cette réduction de la capacité de production menace également indirectement l’élevage de larves installé en milieu marin à Pointe-Noire.
Or, les Antillais sont symboliquement attachés à cette production d’autant plus que les ouassous sauvages se raréfient et sont contaminés.
Et, à l’heure où les événements ont mis en évidence les problèmes d’autoapprovisionnement des îles, la fin de ces exploitations serait très mal venue.
D’ores et déjà, plus de 600 tonnes d’ouassous élevés dans des conditions sanitaires contestables (nourriture à la fiente de poulet, forte charge en antibiotiques) sont importés de Thaïlande.
L’ÉTAT DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
Une des rubriques du « plan chlordécone » s’attache à déterminer les conséquences sanitaires de l’exposition des populations à la chlordécone :
- en évaluant l’exposition alimentaire des jeunes enfants ;
- en poursuivant l’étude TIMOUN sur l’incidence de l’exposition à la chlordécone sur les issues de grossesse et sur le développement neurologique des jeunes enfants ;
- et en continuant à mettre en œuvre l’étude Karuprostate.
L’ensemble de ces travaux de recherches se poursuit et une partie fera l’objet de publications en 2009.
L’évaluation de l’exposition alimentaire des jeunes enfants
Cette partie de l’analyse du risque sanitaire a été confiée à l’AFSSA.
Celle-ci a rendu son avis le 15 septembre 2008 indiquant que l’allaitement maternel peut être poursuivi pour les nourrissons et les très jeunes enfants.
En ce qui concerne l’évaluation de l’exposition des jeunes enfants en voie de diversification alimentaire, l’AFSSA exploite actuellement les questionnaires alimentaires et les résultats des analyses de sang de la cohorte concernée de l’étude TIMOUN. Elle devrait rendre ses conclusions dans le courant de cette année.
Cette étude a pour objet d’évaluer les conséquences neurologiques éventuelles d’une imprégnation à la chlordécone sur le déroulement des issues de grossesse et sur le développement des enfants à différents stades (3 mois, 7 mois et 18 mois). L’effectif à étudier comporte 700 femmes et 200 nouveaux-nés.
Actuellement, après avoir étudié l’état de développement des enfants de 3 mois et 7 mois, à l’aide d’outils novateurs (modélisation vidéo mettant en évidence la mobilité fonctionnelle des sujets), les responsables du suivi de cette cohorte analysent le comportement des enfants de 18 mois.
Les résultats de TIMOUN seront publiés progressivement, étant précisé qu’il est envisagé de poursuivre l’accompagnement de cette cohorte jusqu’à l’âge de 4-5 ans.
Mais dès à présent, l’étude a permis deux confirmations :
- une thèse de médecine récemment présentée montre que les modèles alimentaires prédictifs de l’AFSSA (qui ont servi à établir les limites maximales de résidus) sont cohérents avec le résultat des analyses sanguines ;
- ces analyses sanguines (novembre 2005-novembre 2008) montrent que les mesures sanitaires prises en 2003 sur la mise en culture (analyse des sols) ont eu un effet sur l’imprégnation sanguine des populations en chlordécone qui est en baisse.
Le constat de la prévalence du cancer de la prostate aux Antilles et l’étude Karuprostate
Ÿ Le cancer de la prostate et l’exposition aux pesticides
Il n’entre pas dans l’objet de cette étude de rendre compte complètement de l’état de la recherche scientifique sur les rapports entre les expositions environnementales aux pesticides et les pathologies cancéreuses.
Ce thème intéresse, entre autres, l’étude menée dans le cadre de l’Office par MM. Jean-Claude Etienne, sénateur, et Claude Gatignol, député, sur « l’effet des pesticides sur la santé humaine ».
Mais l’analyse des causes de la prévalence du cancer de la prostate aux Antilles a conduit les pouvoirs publics à lancer une étude épidémiologique ayant pour objet d’étudier les corrélations entre l’imprégnation à la chlordécone (et ultérieurement à d’autres pesticides) et l’apparition du cancer de la prostate. C’est l’étude dite Karuprostate.
Les données du problème sont les suivantes.
Comme il l’a été souligné au chapitre I de ce rapport, l’occurrence du cancer de la prostate est très marquée ethniquement.
En 2002, son incidence54 standardisée à l’âge de la population mondiale variait de 1,4 en Chine, à 7,5 en Afrique du Nord, à 80 en métropole à 155 en Martinique, et entre 170 (Californie) et 200 (Detroit) pour les noirs américains.
Mais cette prévalence de l’apparition de la pathologie chez certaines populations n’exclut pas que l’exposition aux pesticides puisse être un facteur aggravant.
Beaucoup d’analyses effectuées sur des cohortes très larges d’exploitants agricoles montrent, en effet, une corrélation entre l’usage de pesticides et le cancer de la prostate. Par exemple, la cohorte AHS constituée en 1993 et portant sur 52 395 exploitants agricoles autorisés à appliquer des pesticides dans deux états américains montre, qu’après un suivi moyen de 7,2 années, ceux-ci présentaient un risque de survenance des cancers inférieurs de 12 % à la population moyenne mais un risque de survenue du cancer de la prostate de 26 % supérieur à cette moyenne55.
Une autre étude56 a calibré ce surrisque à 28 % par rapport à celui de la population moyenne.
Mais cette dernière étude, ainsi que d’autres, font apparaître des résultats très variables (et quelquefois des corrélations négatives) en fonction des familles de pesticides avec lesquels les intéressés ont été en contact professionnel.
De plus, une exploitation de l’étude AHS, précitée, montre qu’un croisement de survenance de cancer de la prostate et du constat d’antécédents familiaux aboutissait à une incidence beaucoup plus forte chez les personnes ayant ces antécédents. Ce phénomène pourrait s’expliquer par un trait génétique héréditaire qui favoriserait les effets enzymatiques délétères de certains pesticides.
Au total, une consultation de la littérature ne permet pas d’être totalement conclusif sur la question générale du rapport entre l’exposition à tel ou tel pesticide et le développement du cancer de la prostate.
Ce qui, soulignons-le à nouveau, ne signifie pas que cette étiologie n’est pas pertinente.
A ce stade, vos rapporteurs se borneront à rappeler un fait et à faire une observation de bon sens.
Le fait est que les populations impliquées dans l’incident de Hopewell ont été suivies pendant 15 ans, sans qu’une surincidence tumorale n’ait été constatée – ce qui ne signifie pas qu’elle ne se soit pas développée après.
L’observation de bon sens concerne la Chine dont chacun connaît l’état de l’environnement. Le constat que ce pays, qui ne figure pas parmi les moins pollués du monde, ait le plus faible taux de survenance de cancer de la prostate peut éclairer indirectement le débat.
Ÿ L’état d’avancement de l’étude Karuprostate
L’échantillon étudié comporte 690 cas de personnes atteintes de cancer de la prostate et 710 cas témoins (issus de façon aléatoire des centres de santé).
Elle repose, en particulier, sur des analyses sanguines d’imprégnation qui sont effectuées à Liège en Belgique.
Cette indication est importante car l’étude permettra de mettre en évidence un facteur objectif d’exposition – ce qui pose toujours problème dans les épidémiologies portant sur les conséquences d’expositions environnementales.
Ses résultats sont destinés à être présentés dans une revue de premier rang – probablement à compter du mois de juillet 2009.
L’étude se poursuivra par une seconde analyse des échantillons de sang disponibles portant sur l’imprégnation à d’autres pesticides organochlorés.
Ÿ Les calculs et les courbes du Pr. Dominique Belpomme
On a évoqué précédemment le rapport présenté en 2007 par le Pr. Belpomme et l’accueil qui lui a été fait par le monde scientifique.
Le Pr. Dominique Belpomme et plusieurs co-signataires ont publié en mars 2009 un article57 dans l’« International Journal of oncology »58.
Cet article :
1. rappelle qu’en 1971, des prélèvements avaient été effectués dans les tissus adipeux des habitants de la Martinique montrant une présence de pesticides organochlorés (DDT, HCH, etc.),
2. présente une courbe montrant que depuis 1983 le taux de cancer de la prostate croît plus fortement à la Martinique qu’en métropole – ceci sur la base d’un dispositif de détection de la maladie identique à celui de la métropole,
3. en infère que ce différentiel de croissance est imputable à la surutilisation des pesticides dans les bananeraies des îles,
4. explique, en outre, que la surincidence de ce cancer dans le Sud-Est de l’île (zone la moins polluée par les pesticides) par rapport au Nord-Atlantique (zone où la chlordécone a été le plus employée), s’explique par le fait que les réseaux de distribution d’eau partaient du Nord pour aller dans le Sud-Ouest (sic).
Dans la mesure où cet article, qui peut être considéré comme une contribution au débat sur la chlordécone, a suscité des réactions très critiques de la communauté des chercheurs et des praticiens qui travaillent sur l’incidence du cancer de la prostate en Guadeloupe, vos rapporteurs ne peuvent que se faire l’écho de celles-ci.
Dans une note datée du 30 mars 200959, ceux-ci observent notamment :
- que les auteurs de l’article présentent sous la forme de résultats originaux des informations publiées auparavant par des cliniciens et chercheurs antillais, sans citer l’origine de ces données,
- que les courbes présentées par le Pr. Belpomme et les co-signataires de l’article procèdent d’une méthode statistique inappropriée. En substance, en matière d’épidémiologie du cancer, il n’est pas pertinent d’évaluer l’évolution temporelle de l’incidence de la maladie en formant une simple droite de régression linéaire (y = ax + b).
Les seules méthodes reconnues en la matière sont celles recommandées par le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS, qui préconise d’évaluer les évolutions temporelles en modélisant l’âge des patients, les périodes de diagnostic et l’état de la cohorte de naissance.
En employant cette méthode, les évolutions annuelles comparées du cancer de la prostate en métropole et en Martinique60 sont :
- de 5,33 % sur la période 1978-2000 pour la France métropolitaire ;
- et de 5,65 % sur la période 1981-2000 pour la Martinique (seule île où le registre des cancers existe).
Statistiquement, cette légère surincidence n’est pas considérée comme significative.
- relèvent que de nombreuses données figurant dans l’article sont inexactes ou citées sans référence permettant de les vérifier ;
- et, s’étonnent que l’on puisse expliquer qu’il y ait une surincidence du cancer de la prostate dans le Sud-Est de la Martinique par le fait que l’alimentation en eau potable part du Nord de l’île polluée à la chlordécone pour aller vers le Sud-Ouest !
Vos rapporteurs l’ont précédemment souligné, il n’a pas été jusqu’ici possible d’établir scientifiquement un rapport de causalité entre l’apparition du cancer de la prostate et l’utilisation de tel ou tel pesticide et plus spécifiquement celui de la chlordécone. Ce qui ne signifie pas que ce lien de causalité particulier n’existe pas.
Mais, en l’attente des résultats de l’étude Karuprostate qui apportera des éléments objectifs de réponse (liés à l’imprégnation sanguine en chlordécone des échantillons de patients atteints du cancer de la prostate et de l’échantillon témoin) à cette question, ils estiment que l’emploi de procédés scientifiquement peu solides n’est pas de nature à contribuer à un traitement serein du problème.
Et à cet égard, ils souhaitent souligner le procédé oblique employé par le Pr. Dominique Belpomme lorsqu’il s’exprime sur cette question à la télévision.
En témoigne la comparaison qui suit, photos et verbatim à l’appui des présentations faites successivement par le professeur Belpomme :
- dans le reportage présenté par « Thalassa » : « un poison à la Martinique » (France 3 – décembre 2008)
« Vous avez ici l’augmentation d’incidence des cancers de la prostate en métropole en fonction des données officielles des registres nationaux et vous avez ici, l’augmentation d’incidence des cancers de la prostate, en Martinique, en fonction du registre des cancers de Martinique. »
- et dans le reportage sur les « maîtres de la Martinique » (Canal + – janvier 2009).
En d’autres termes, d’une émission à l’autre, l’intéressé infléchit des courbes de progression du cancer de la prostate aux Antilles.
Dans le premier cas, la progression est linéaire ; dans le second, avec la même échelle en ordonnée, elle devient visuellement exponentielle, avec ce propos à l’appui :
« Quand on prend les courbes à partir des données officielles, on voit que l’augmentation des cancers de la prostate, en métropole, est relativement lente alors qu’en Martinique, cela croît de façon exponentielle.
Aujourd’hui, le taux des cancers de la prostate en Martinique et Guadeloupe, c’est le record du monde. »
Au demeurant, si le thème abordé se prêtait à la cruauté intellectuelle, on pourrait poursuivre la courbe exponentielle du professeur Belpomme de 2002 à 2009 et relever une multiplication par deux de la survenance des cancers de la prostate en Martinique. Ce qui n’a naturellement pas été constaté.
Sur un sujet de santé publique aussi grave et en s’adressant à des populations dont on a pu mesurer la sensibilité, vos rapporteurs estiment que les calculs et les courbes du Pr. Belpomme ne correspondent pas au sens des responsabilités et à la rigueur dont doivent faire preuve les scientifiques lorsqu’ils s’expriment publiquement.
Ces faits leur font, d’autant plus, regretter que le Pr. Belpomme se soit dérobé à leur demande d’audition (cf. annexe).
Les recherches sur la remédiation environnementale
L’action 7 du « plan chlordécone » prévoit de développer les recherches sur la faisabilité des techniques de dépollution.
Mais prenant acte du fait qu’aucune remédiation ne semble possible en l’état actuel des connaissances, le plan pose le préalable de l’organisation d’un atelier de recherche international dans une des îles afin d’étudier les possibilités d’avancées scientifiques et technologiques dans ce domaine.
Du fait de retards de financements, cet atelier qui aurait dû être organisé dans le courant de 2008, le sera, soit cette année, soit en 2010.
Mais, avant d’évoquer les quelques pistes de remédiation, qui ont été mentionnées à vos rapporteurs, ceux-ci souhaitent faire un rappel de l’état des lieux, ou, autrement dit, de l’ampleur, de la dynamique et de la durée de la contamination de l’environnement de la Guadeloupe et de la Martinique par la chlordécone.
Les modélisations de présence de la molécule dans le sol mentionnées61 au chapitre I de ce rapport ont été affinées.
Dans un article publié en 2009 dans « Environmental pollution », M. Cabidoche, Directeur de recherche à l’INRA, associé à d’autres chercheurs de l’INRA et du CIRAD, a établi :
- que la pollution des sols est la plus concentrée dans les andosols entre une profondeur de 0 et 10 centimètres (en moyenne 2,5 mg/kg de chlordécone),
- que dans les déprises bananières où ont eu lieu des labours profonds, la teneur en chlordécone est très faible (15 µg/kg entre 50 et 70 centimètres de profondeur),
- et qu’une modélisation montre que sur les exploitations qui ont enregistré un épandage continu sur les périodes d’utilisation du Kepone, puis du Curlone, la présence de la molécule dans le sol, à un taux correspondant au millième de la contamination actuelle, sera :
9 de 60 à 100 ans pour les nitisols ;
9 de 3 à 4 siècles pour les ferralsols ;
9 et de 5 à 7 siècles pour les andosols.
Les auteurs ajoutent que, quoique faible, le principal vecteur de transport est le drainage régulier des sols superficiels par ruissellement.
Ce qui introduit la question qui suit.
Quel est l’état des bassins versants et plus précisément des cours d’eau, des nappes souterraines et des aires marines de déversement fluvial ?
S’agissant de la présence de chlordécone dans les réseaux aquatiques, l’étude de suivi de la qualité phytosanitaire des eaux de la Guadeloupe (2003-2008) par la Direction régionale de l’environnement fournit les éléments suivants :
« La chlordécone a été détectée au moins une fois sur la totalité des stations du réseau. Elle est détectée dans 63 % des prélèvements effectués pendant la période d’étude. La chlordécone est systématiquement présente dans les prélèvements provenant de deux stations : Rivière Grande Anse et Grande Rivière de Capesterre. Elle est également détectée dans plus de 80 % des prélèvements provenant des stations des autres rivières drainant le secteur traditionnel de culture de la banane : Rivière Moustique Petit-Bourg, Rivière du Grand Carbet, et Rivière aux Herbes.
Les concentrations en chlordécone des prélèvements provenant de ces 5 stations citées précédemment sont élevées : plus d’un prélèvement sur deux présente une concentration supérieure à 0,1 μg/L. 100 % des prélèvements provenant de la station de Rivière Grande Anse ont une concentration en chlordécone supérieure à 0,1 μg/L, avec une concentration maximale de 8,60 μg/L enregistrée en novembre 2004. »
»
Ces données appellent une observation. Elles peuvent sembler refléter une teneur en chlordécone relativement faible (le maximum est de 8,6 µg/l62), mais elles résultent d’analyses d’eau sur un produit particulièrement hydrophobe.
Une meilleure connaissance du milieu suppose donc que l’on mette en place un suivi de la teneur en chlordécone dans la matière organique du lit des rivières.
Car, l’étude précitée de Mme Monti de l’Université des Antilles et de la Guyane a révèlé un niveau élevé de pollution des organismes aquatiques de certaines rivières.
De même, il serait doublement souhaitable :
- qu’une analyse systématique des sédiments marins des cônes de déversement des rivières les plus polluées soit effectuée, ceci en fonction des résultats de l’étude de l’IFREMER sur les organismes inscrits,
- et qu’un bilan de l’état des nappes souterraines (cf. supra le projet de BRGM) soit effectué.
On ne peut que recommander, dans l’hypothèse de la recherche d’une remédiation environnementale, que les connaissances sur l’état des lieux de la pollution soient progressivement améliorées.
Ce qui suppose qu’on poursuive la cartographie la plus exacte possible des implantations de contamination du sol des îles, en particulier dans les zones où la présence de la chlordécone a été identifiée, alors même qu’aucune bananeraie n’y était implantée.
Sur un strict plan sanitaire et agronomique, les dispositions et le rythme de réalisation du « plan chlordécone » permettent d’estimer que les conséquences de la pollution sont en voie d’être maîtrisées sans qu’il soit besoin d’approfondir excessivement l’état de la contamination des milieux.
Mais, dans une approche environnementale de remédiation de l’ensemble des éléments de l’écosystème antillais, une description plus exacte de la contamination est nécessaire.
En définitive, le bilan que l’on peut tracer de la contamination après plusieurs années d’études et de prélèvement n’incline pas à l’optimisme environnemental. Il existe une forte pollution d’une partie des sols des Antilles, dont la rémanence est de l’ordre de 1 à 7 siècles, et qui diffuse lentement63, par ruissellement dans les bassins versants et dans la mer.
On est donc confronté à un défi environnemental de très long terme dont la solution, avant même d’intensifier les expérimentations de remédiation, suppose que l’on approfondisse les données de la dynamique de la molécule et la structure complète de son implantation, terrestre, fluviale et marine.
UNE PREMIÈRE EXPLORATION DES PISTES DE REMÉDIATION
La dépollution des sols contaminés par des métaux lourds ou des polluants chimiques a fait énormément de progrès ; elle est sortie des laboratoires de recherche pour devenir une industrie.
Mais, en dépit de ces succès, l’exploration de solutions de réhabilitation des milieux pollués par la chlordécone doit tenir compte de plusieurs facteurs spécifiques de cette pollution.
D’abord, un changement d’échelle. Ce n’est pas une installation industrielle qui est polluée mais une surface potentielle évaluée a plus de 65 000 hectares en Guadeloupe et en Martinique.
Ensuite, l’ubiquité de la pollution. Celle-ci diffuse régulièrement à partir des sols, dans les bassins fluviaux et dans la mer. C’est donc un continuum de pollution qu’il faudra traiter. Même si, l’éradication de la source terrestre permettra d’arrêter son transfert.
De plus, les caractéristiques de robustesse de la molécule (des atomes de carbone étroitement encagés par des atomes de chlore) et son incrustation forte dans certains types de sol limitent, en l’état de nos connaissances, les possibilités de dégradation.
Et, compte tenu de ces effets d’échelle, les solutions dégagées en laboratoires et sur prototype devront l’être à des prix tolérables pour les collectivités qui financeront la dépollution.
In fine, on doit également mentionner trois sujets qui ne sont pas sans conséquences pratiques si l’on trouve des solutions de dépollution.
Il faudra que les processus de réhabilitation n’aboutissent pas à une dégradation de la qualité agronomique des sols. Il sera aussi nécessaire de porter une grande attention aux métabolites de dégradation de la molécule pour ne pas se trouver confronté à des produits dont la nocivité pourrait être proche de celle de la chlordécone mais pas identifiée. Il sera, également, indispensable d’installer dans les îles des installations permettant la destruction de ces déchets.
Lors de son audition, M. Karg, Président Directeur Général du groupe HPC Envirotec, a insisté sur la lente dégradation de la molécule en milieu anaérobique et sur le fait que la solubilité de la molécule peut être augmentée par modification du pH.
Il a suggéré d’établir une hiérarchie entre les zones contaminées dont le traitement serait prioritaire. Le tableau suivant résume les méthodes qui pourraient être utilisées pour réabiliter et dépolluer ces sols.
Vos rapporteurs pensent qu’en s’appuyant sur les méthodes développées pour décontaminer les friches industrielles, il est nécessaire d’étudier des solutions de traitement chimique de sols contaminés ou reconstitués. Ils ont également suggéré qu’une étude puisse être menée sur la plateforme Lorraine de lysimétrie qui permet précisément, dans des grosses colonnes équipées de capteurs, de vérifier l’incidence des traitements chimiques ou biologiques sur les sols.
La phytoremédiation est employée avec succès dans la dépollution des friches industrielles imprégnées de résidus de métaux lourds.
Mais jusqu’ici elle a été très peu explorée sur la chlordécone. La littérature mentionne une étude américaine (Topp, 1986) d’essai de phytoremédiation à l’aide de cresson qui ne s’est pas avérée concluante. Mais ce type de méthode a été utilisé en vue de l’éradication de certains organochlorés comme le TCE (trichloréthylène)
Deux voies de recherche dans ce domaine sont possibles :
- soit par phytoremédiation directe « in situ », une plante comme l’echinochloa qui fixe les organes chlorés (et les métaux lourds) dans ses rhizomes pourrait être un des vecteurs de cette recherche ;
- soit par phytoépuration « ex situ » dans des bassins contenant du papyrus (cela éventuellement en symbiose avec des micro-organismes).
Ces solutions ont été déjà employées aux fins de dépollution de sites et mises en œuvre à des prix acceptables sur longue durée (de 20 à 70 euros par tonne traitée).
Peut-être serait-il aussi possible d’envisager la capacité d’absorption de la chlordécone par des phytoplanctons ?
Le lancement de recherches sur tout le spectre des possibilités offertes par phytoremédiation exigerait rapidement l’installation de démonstrateurs in situ.
La remédiation physicochimique
Une autre piste pourrait être l’utilisation du fer à valence nulle (Fe0) qui est utilisé en dépollution depuis cinq à six ans et dont les atomes peuvent être préparés chimiquement pour fixer un maximum de molécules.
La littérature mentionne plusieurs contributions à la recherche d’une dégradation microbiologique de la chlordécone. En milieu aérobie, Orndorff et Clolwell (1980) ont tenté une métabolisation par une bactérie de type pseudomonas avec des résultats faibles et en obtenant des métabolites de dégradation dont la toxicité n’a pas été évaluée.
En milieu anaérobie, une étude datant de 1996 (Jablonsky et al) font état de l’utilisation d’une bactérie thermophile à une température de 50° qui aboutit à une dégradation de 85 % de la molécule en 10 jours et à la formation de dérivés déchlorurés de la chlordécone.
Une équipe pluridisciplinaire associant, notamment, des chercheurs de l’Université des Antilles et de la Guyane a confirmé ces résultats en obtenant à une température de 40° une dégradation de 76 % sur des échantillons d’eaux usées dosées à 2 mg/l de chlordécone.
Sur la base des expériences menées pour détruire le gamma HCH (composé organochloré), la faisabilité technico-économique de ce type d’élimination pourrait être étudiée sur des prototypes constitués de tertres ou d’andains (couverture de fourrage) microbiologiques :
Par ailleurs, deux projets de recherche sont en voie de maturation.
L’un proposé par l’IRD repose sur le constat déjà établi dans une publication américaine (Georges et Claxton 1988), que l’encagement du carbone par une armature de chlore rendait la chlordécone potentiellement très résistante aux attaques bactériennes.
Le projet de l’IRD qui a été présenté à l’ANR en 2008, mais non retenu – non sur le principe mais parce qu’il présentait des problèmes de faisabilité au niveau des analyses – visait à rechercher des candidats microbiens actifs dans la dégradation de la chlordécone au sein des mangroves.
Ce milieu présente avec l’alternance des marées, l’intérêt de pouvoir analyser l’effet d’une double action de dégradation :
- anaérobique permettant d’altérer la barrière de chlore de la molécule,
- aérobique permettant l’attaque par les bactéries des atomes de carbone rendus biodisponibles.
L’autre projet est une action incitative programmée qui est actuellement étudiée par l’INRA et qui pourrait regrouper des chercheurs de l’université des Antilles et de la Guyane, de l’Institut Polytechnique de Lausanne et diverses équipes spécialisées en écologie fonctionnelle des microorganismes (CEA, CNRS, IRD).
Sur la base du constat de la coexistence de colonies bactériennes et de la chlordécone depuis des dizaines d’années, il viserait, grâce à la génomique à haut débit, à l’identification des fragments de gènes bactériens modifiés par la chlordécone et à l’examen des effets éventuels de ces modifications sur la stabilité de la molécule.
Un des aspects intéressants de ce projet est qu’il s’intéresserait également à des bactéries vivant dans des milieux extrêmes dont la survie ne repose pas uniquement sur le cycle du carbone – difficilement attaquable dans un premier temps mais sur d’autres cycles chimiques.
Une interrogation sur le décapage des sols
Le rapport de la mission menée en 2005 à l’Assemblée nationale et présidée par M. Philippe Edward-Mariette, notait que l’incinération des terres polluées dans des installations sécurisées avait un coût prohibitif, compte tenu des surfaces affectées et des volumes concernés puisque la pollution des sols n’était pas uniquement concentrée au niveau superficiel.
Or, un des constats fait ultérieurement par les équipes de l’INRA et du CIRAD est qu’une grande partie de la pollution se limite entre 0 et 10 centimètres, en particulier dans les andosols qui ont absorbé très fortement la molécule.
Sous la réserve naturellement de disposer des installations appropriées – qui devraient un jour ou l’autre être implantées dans les îles, ne serait-ce que pour détruire les métabolites de dégradation de la chlordécone qui auraient pu être obtenues par des actions de remédiation – , il ne serait pas inintéressant d’étudier le coût et la faisabilité d’un décapage partiel des zones les plus polluées.
LE RAPPORT DU COMITÉ SCIENTIFIQUE
L’action 16 du « plan chlordécone » a prévu la mise en place d’un comité scientifique international chargé de proposer des recherches complémentaires et le renforcement de la veille sanitaire et de la surveillance de l’impact sanitaire des pesticides.
Ce comité, présidé par M. William Dab, ancien directeur général de la Santé, a été mis en place en mars 2008.
Il rendra son rapport à la fin du mois de juin de cette année.
CHAPITRE III – LA PRÉSENCE DES PESTICIDES EMPLOYÉS AUX ANTILLES DEPUIS LA FIN DE L’ÉPANDAGE DE LA CHLORDÉCONE EN 1993
Une des préoccupations de vos rapporteurs, approuvées par l’Office, était de déterminer si, après l’interdiction de la chlordécone, d’autres principes actifs n’avaient pas été employés aux Antilles – avec des conséquences sanitaires et environnementales de même ampleur.
Cette interrogation était partagée par les auteurs du « plan chlordécone », dont l’action 36 a pour objet de caractériser le risque lié à l’exposition alimentaire des populations antillaises aux pesticides.
En première analyse, il apparaît que, dans un contexte d’ensemble de diminution de l’emploi des pesticides, la pollution environnementale par leurs résidus est avérée, mais que le risque alimentaire qu’elle fait encourir n’est pas ni patent, ni supérieur à celui enregistré en métropole.
Enfin et à la demande d’une des autorités de saisine, la commission des Affaires économiques du Sénat, le cas particulier du paraquat, sera spécifiquement analysé.
UN CONTEXTE GÉNÉRAL DE RÉDUCTION D’EMPLOI DES PESTICIDES
La directive 91-414 du 15 juillet 1991 a prévu un réexamen de l’ensemble des molécules actives en matière phytosanitaire avec l’objectif de réduire de 1 000 à environ 300 le nombre de molécules autorisées.
L’application par les états de cette Directive a abouti à la suppression de l’autorisation de mise sur le marché de nombreuses spécialités employées aux Antilles (cadusafos, terbufos, aldicarbe, etc.).
On notera que ces retraits d’autorisation ne sont pas spécifiques aux Antilles, mais applicable à l’ensemble du territoire.
La loi d’orientation agricole n° 2006/11 du 5 janvier 2006 réforme le dispositif d’autorisation des produits phytopharmaceutiques avec pour objectif d’améliorer la sécurité sanitaire des produits. L’article 70 modifie le code de la santé publique précisant que « l’AFSSA est également chargée de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques des adjuvants, des matières fertilisantes et des supports de culture… L’autorisation de mise sur le marché est délivrée par le ministre chargé de l’agriculture, après avis de l’AFSSA, à l’issue d’une évaluation des risques et des bénéfices présentés par les produits dans les conditions d’emploi prescrites ».
De plus, l’objectif de l’article 28 de la loi de mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement, est de retirer du marché les « 40 substances les plus préoccupantes en fonction de leur substitualité et de leur dangerosité pour l’homme et de… diminuer d’ici à 2012, ceux contenant des substances préoccupantes pour lesquelles il n’existe pas de produits ni de pratiques de substitution techniquement et économiquement viables ».
Sur ce point, on peut se référer à la mise à jour effectuée le 30 septembre 2007 par la Direction de l’agriculture et des forêts et le Service de protection des végétaux qui recense près de 450 retraits d’autorisation. Mais pour souhaitable que soit ce mouvement de diminution du panier des pesticides disponibles, on se doit de relever qu’il peut aboutir à des effets de substitution en faveur de spécialités plus systémiques aux effets indifférenciés et impliquant quelquefois plus d’épandages que les molécules retirées du marché.
LA DIMINUTION EFFECTIVE DE L’EMPLOI DES PESTICIDES AUX ANTILLES
La Martinique et la Guadeloupe sont parmi les départements français où l’emploi des pesticides a le plus diminué.
Selon les informations à la disposition de vos rapporteurs, la quantité de pesticides employés aux Antilles françaises avait diminué de 60 % en 10 ans.
Mais ce résultat brut est imputable à plusieurs facteurs dont il n’est pas aisé de quantifier l’importance respective.
En premier lieu, un très réel effort a été fait par la profession bananière, qui était l’activité agricole la plus consommatrice de produits phytosanitaires. Ce mouvement, qui sera détaillé dans le chapitre suivant de ce rapport, a surtout porté sur la lutte contre les insecticides.
Mais cette diminution d’emploi des pesticides est également imputable aux déprises agricoles, que l’on peut attribuer à la crise de certaines cultures, et notamment celle de la banane, mais surtout à la montée de l'activité immobilière.
En Martinique64, par exemple, la surface agricole utile représentait 31 % du territoire lors du recensement agricole de 2000, elle n’en représentait plus que 23 % en 2007, soit une diminution de 26 % en 7 ans.
En Guadeloupe, depuis le recensement agricole de 2000, la surface agricole utilisée individuellement et susceptible de recevoir des pesticides (c’est-à-dire hors zones exploitées collectivement pour l’élevage ou exploitations vacantes) est passée de 48 000 à 35 000 hectares en 2007, soit une baisse de 37 %.
UNE POLLUTION ENVIRONNEMENTALE AVÉRÉE
Par drainage des sols, les eaux continentales sont le réceptacle privilégié des déversements des pollutions agricoles. Elles constituent donc un bon indice de la présence de pesticides, hors de leur environnement d’épandage.
Les Directions régionales de l’environnement (DIREN) des deux îles effectuent un suivi régulier de la qualité phytosanitaire des rivières.
La DIREN Guadeloupe a publié une interprétation du suivi de cette qualité sur la période 2003-2008.
Ce suivi de la contamination est effectué sur 10 stations, situées en aval des principaux bassins versants hydrographiques de l’île à raison de quatre prélèvements par an :
Sont recherchées non seulement les substances actives, mais aussi certains de leurs métabolites de dégradation dont les impacts environnementaux peuvent être tout aussi nocifs pour l’environnement que ceux de la molécule mère.
L’ensemble de ces métabolites ne sont pas connus mais certains sont identifiés et suivis comme l’acide amino-phosphonique (AMPA), métabolite du glyphosate ou les différentes sortes de dichloraphényls qui sont des métabolites du diuron.
Plus de 350 molécules, couvrant le spectre des pesticides employés, sont recherchées à chaque prélèvement.
Les résultats permettent d’identifier les substances et de quantifier la contamination.
Mais, il faut rappeler qu’une partie des résultats enregistrent l’ombre portée de polluants organiques persistants qui sont interdits depuis longtemps, mais qui ont une forte rémanence dans les sols et ruissellent donc encore dans les rivières. Outre le cas exposé de la chlordécone, on retrouve celui du HCH β, dont la rémanence dans les sols est de l’ordre de plusieurs décennies.
Quelles sont les substances actives identifiées ?
Tous prélèvements confondus (c’est-à-dire en considérant toutes les stations et toutes les dates), les seuils de détection ont été dépassés 485 fois, et concernaient 39 substances. Près de la moitié de ces dépassements sont imputables à 3 substances : la chlordécone (25 %), le HCH β (14 %) et le diuron (9 %). A contrario, 21 substances ont été détectées seulement 1 à 2 fois.
Le graphique ci-dessous présente les substances actives dont la fréquence d’identification est supérieure à 3 %. La chlordécone est la substance active la plus fréquemment détectée, suivie par une autre substance organochlorée, le HCH β. Cinq herbicides ont une fréquence de détection supérieure à 3 %, le diuron arrivant en tête (14 %). A noter que la fréquence de détection du glyphosate (4 %), ajoutée à celle de son métabolite l’AMPA (8 %), place cette substance en 3ème position.
Par famille d’usage de pesticides, la répartition des détections est la suivante :
Ainsi, près de 50 % des substances actives sont soit des herbicides, soit ceux de leurs métabolites qui sont recherchés.
Le niveau des contaminations par substance active
Le graphique ci-dessous présente, pour les substances actives qui ont été détectées au moins deux fois, la fréquence d’identification à une concentration supérieure ou égale à 0,1 µg/L (limite de potabilité).
Parmi les 17 substances dont la fréquence de détection à une concentration supérieure ou égale à 0,1 µg/L dépasse les 10 %, on retrouve 11 substances actives d’herbicides ou de leur métabolite.
Plus de 90 % des détections de glyphosate et son métabolite l’AMPA sont des détections à une concentration supérieure à 0,1 µg/L, les maxima enregistrés étant de 0,84 µg/L de glyphosate en juin 2004 dans un prélèvement de la station de la Ravine des Coudes, et de 1,50 µg/L d’AMPA en septembre 2007 dans un prélèvement de la station de la Rivière aux Herbes.
La concentration maximale enregistrée concerne un herbicide : 22 µg/L de diuron dans un prélèvement provenant de la station de la Ravine des Coudes en septembre 2005.
Fréquence de détection (%) à une concentration supérieure ou égale à 0,1 μg/L
En orange : insecticides organochlorés, en jaune : insecticides autres, en violet fongicides.
En vert : herbicides, en vert clair : métabolites d’herbicides.
Les résultats d’un suivi comparable à celui effectué en Guadeloupe sur les années 1999-2006 fournissent des données proches, quant au nombre de molécules identifiées et à leurs familles d’usage.
Mais, il permet de relever des évolutions, certaines molécules disparaissant comme la thiabendazole, d’autres apparaissant comme le glyphosate et son métabolite l’AMPA.
En Martinique, une campagne d’analyses effectuée en 2005 et 2006 sur les 29 stations de surveillance des eaux souterraines montre que les pesticides sont présents sur 80 % du réseau (96 % en métropole sur 607 points de surveillance).
Mais en matière de niveau de contamination, la situation semble plus contrastée qu’en métropole.
Le nombre de stations en très bon état (c’est-à-dire aux normes de potabilité, soit ≤ 0,1 µg/L pour chaque pesticide et ≤ 0,5 µg/L pour l’ensemble de pesticides recensés) est de 21 % (contre 8 % en métropole), alors que 21 % sont en mauvais état (contre 8 % en métropole).
Un autre indice du degré de pollution des eaux souterraines est fourni par les eaux de source. La Direction de la Santé et du développement social de la Martinique a analysé la qualité phytosanitaire des sources65 de l’île : 55 % de ces sources ne sont pas contaminées (détection de pesticides en-deçà de la limite de potabilité), mais 45 % le sont.
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Au total, le bilan que l’on peut établir de la pollution environnementale par les pesticides des deux départements antillais fait ressortir :
- un héritage incontestable des polluants organiques persistants interdits (chlordécone, HCH β, dieldrine),
- un degré de présence des pesticides dans les eaux continentales, préoccupant pour la faune locale et pour les utilisateurs directs de certaines sources, mais pas très différent de ce qu’on peut relever en métropole.
L’EXPOSITION ALIMENTAIRE DES POPULATIONS ANTILLAISES AUX PESTICIDES
Hors la chlordécone, l’étude du risque alimentaire encouru par les populations antillaises du fait des pesticides fait partie des actions prévues par le « plan chlordécone ».
Cette étude, confiée à l’AFSSA a été engagée mais ses résultats ne sont pas escomptés avant la fin de 2010.
Dans l’attente de ces conclusions, une approche de cette exposition alimentaire peut-être fournie par les analyses effectuées par les directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DRCCRF).
Ces analyses sont effectuées sur environ 125 résidus de pesticides et portent sur l’ensemble des produits (c’est-à-dire peau comprise).
Elles peuvent être comparées avec celles effectuées en métropole.
A l’échelon national, les derniers résultats disponibles sont ceux des plans de surveillance et de contrôle de 2007 qui ont porté sur 4 444 échantillons et qui sont les suivants :
- 47,9 % ne contiennent pas de résidus de pesticides,
- dans 44,5 %, on a détecté des résidus de pesticides, mais inférieurs aux LMR,
- seuls 7,6 % des échantillons dépassaients les LMR.
En Guadeloupe, hors recherche de pesticides organochlorés, les analyses multirésidus effectuées en 2008 au titre des plans de surveillance et de contrôle ont fait apparaître les résultats suivants :
- un échantillon de bananes vertes a été déclaré non conforme en raison de sa teneur en lambdacyhalothrine,
- plusieurs molécules ont été détectées sur des agrumes importées (thiabendazole, carbedozine), mais en-deçà des LMR.
En 2007, une seule non-conformité (diéthon) avait été détectée sur des échantillons de cive.
En Martinique, les 264 prélèvements de végétaux effectués en 2008 dans les circuits de distribution (40 sur les produits d’importation et 224 sur les produits locaux) n’ont donné lieu qu’à une seule non conformité : la détection de bupirimate dans un échantillon de persil. En 2007, sur 209 prélèvements, aucune non conformité n’avait été détectée.
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Au total, et sous réserve des conclusions de l’étude entreprise par l’AFSSA, il ne semble pas que l’exposition alimentaire des populations antillaises aux pesticides (hors chlordécone et autres organochlorés) soit plus marquée qu’en métropole. Si on se réfère aux résultats comparés des plans de contrôles et des surveillances menés par la DGCCRF, cette exposition semble même moins élevée.
L’AVIS DE L’AFSSA SUR LE RISQUE CONSTITUÉ PAR LE PARAQUAT
L’AFSSA a été saisie, le 10 septembre 2007, d’une demande d’avis sur l’impact potentiel de la présence du paraquat dans les sols et la chaîne alimentaire et des risques qu’il ferait encourir pour la santé en Guadeloupe et en Martinique.
Cet avis a été rendu le 2 juillet 2008.
Cet herbicide organophosphoré faisait partie des substances qui devraient être soumises à réévaluation conformément à la Directive 91/4/4 précitée.
L’évaluation a été effectuée par le Royaume-Uni et réexaminée par les autres agences européennes de sécurité alimentaire. Cet examen croisé a abouti à l’inscription, au 1er décembre 2003, du paraquat sur la liste des substances autorisées.
C’est cette autorisation qui a été annulée par le tribunal de première instance des communautés européennes, le 11 juillet 200766.
Dans son avis, l’AFSSA reprend l’ensemble des études européennes d’analyses du risque potentiel représenté par le paraquat, en caractérisant les risques représentés par cette substance :
LES RISQUES POUR L’ENVIRONNEMENT
Ces risques ont été appréciés au regard du devenir de la substance :
Ÿ Dans les sols :
La dissipation du paraquat est très lente au champ (demie-vie de 7 à 20 ans) ce qui est attribué à une très forte adsorption aux particules de sol et à une très faible biodisponibilité aux micro-organismes susceptibles de le dégrader.
Mais la substance est dégradée par des cultures microbiennes en milieu liquide ; elle produit peu de métabolites de dégradation.
Son transfert vers les nappes d’eau est négligeable.
Ÿ Dans l’eau :
Le paraquat est stable à l’hydrolyse et à la photolyse et se dissipe dans la colonne d’eau par adsorption vers les sédiments dans lequel il devrait être stable.
Ÿ Dans l’air :
La substance n’est pas volatile.
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En conclusion, le suivi des effets du produit sur l’environnement fait apparaître :
- une rémanence importante dans les sols et vraisemblablement les sédiments, mais peu de risques pour les eaux souterraines ;
- des risques potentiels liés à la toxicité du produit pour les vertébrés, nécessitant de gérer les expositions (zones tampons, timing des applications) ;
Ces évaluations qui portent sur des données non spécifiques aux Antilles, sont considérées par l’AFSSA comme pouvant leur être extrapolées.
LES RISQUES POUR LA SANTÉ HUMAINE
Les risques ont été évalués en fonction des propriétés toxicologiques expérimentales (non génotoxique, non cancérogène, non neurotoxique, pas d’accumulation dans l’organisme, toxicité modérée par voie orale mais forte par inhalation).
L’évaluation a abouti à établir les valeurs toxicologiques de référence suivantes :
- le niveau d’exposition acceptable pour les applicateurs (NEAO) est de 0,0004 mg/kg de poids corporel/jour
- la dose journalière admissible (DJA) : 0,004 mg/kg poids corporel/jour.
De plus, les risques pour les applicateurs (avec véhicule tracté ou avec pulvérisateurs à dos) ont conduit le programme de suivi à faire modifier certaines caractéristiques du produit par les industriels (suivi des ventes, épaississement de la formulation, inclusion d’un agent émétique, restriction des usages aux professionnels avec formation des utilisateurs).
Le rapport publié en septembre 2007 par le comité de coordination et de toxicovigilance67 fait état de 116 incidents pour la période 2004-2006 dont :
- 12 projections oculaires
- 16 contaminations cutanées
- 21 expositions
- 8 ingestions accidentelles
- 45 ingestions volontaires
- 9 affections rapportées à l’exposition répétée
Pour ces cas, on relève 21 décès dont 20 consécutifs à des ingestions volontaires.
Par ailleurs, ce rapport observe sur 3 ans une diminution des cas observés mais également une stabilisation dans les DOM, probablement imputable à une plus grande accessibilité des préparations aux non professionnels (et peut-être à une plus grande médiatisation des cas mortels d’ingestion volontaire).
En conclusion, le comité recommandait d’assurer une surveillance exhaustive des cas d’intoxication (après le retrait du paraquat).
LES RISQUES POUR LE CONSOMMATEUR
Des études ont été effectuées sur les résidus de paraquat dans les cultures en dépassant très largement les doses homologuées (de 8 à 13 fois la dose homologuée). Elles ont montré que, même à ces doses, les résidus à la récolte étaient inférieurs aux valeurs toxicologiques de référence (laitue et carotte) ou assez peu supérieurs (pomme de terre).
Les études de rotations culturales menées en parallèle ont abouti à des résultats convergents.
Mais l’AFSSA note que le paraquat n’est pas recherché par les plans de contrôle et de surveillance.
Par ailleurs, les prélèvements effectués sur l’eau potable (24 en Guadeloupe, 18 en Martinique) ne font apparaître aucune trace de résidu supérieure à 0,1 µg/L (limite de potabilité).
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En conclusion de l’ensemble de son étude, l’AFSSA estime que :
1. concernant le risque pour le consommateur, l'évaluation ne met pas en évidence de risque inacceptable. Compte tenu de l’absence de risque de migration du paraquat vers les végétaux cultivés sur des sols éventuellement contaminés, des études complémentaires, notamment des mesures dans les denrées végétales et animales, n’apparaissent pas nécessaires.
2. et concernant l'impact sur l'environnement, dans la mesure où le paraquat n’est plus autorisé, des mesures dans les sols, afin de caractériser son éventuel potentiel d’accumulation dans ceux-ci, n’apparaissent plus utiles à ce jour.
LE PROBLÈME DES STOCKS DE PARAQUAT
Le « plan chlordécone » avait prévu l’organisation de campagnes de récupération des stocks de paraquat.
Ces campagnes de récupération de produits non utilisés ont été menées avec succès pour les produits « non débouchés » et ont été accompagnées d’action de destructions contrôlées par la filière ADIVALOR regroupant les producteurs et les distributeurs de produits phytosanitaires.
Mais les missions effectuées sur place par vos rapporteurs laissent subsister un doute sur la récupération de stocks de produits « débouchés », dont il est possible qu’ils n’aient pas été entièrement récupérés, probablement parce que, contrairement aux produits non utilisés, ceux-ci n’étaient pas remboursés.
Une réactivation ciblée des campagnes de récupération de paraquat semble donc souhaitable.
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Sur la base des travaux de l’ensemble des agences de sécurité sanitaire des aliments des pays de l’Union européenne, il n’apparait donc pas que l’utilisation du paraquat, en métropole comme aux Antilles, ait posé des problèmes sanitaires autres que ceux qui ont été mis en évidence pour les applicateurs. De même, le coefficient très faible de transfert de la molécule aux cultures permet d’estimer qu’il n’existe pas de risque d’exposition des consommateurs.
Mais l’interdiction du paraquat qui est un herbicide a eu une conséquence indirecte fâcheuse... Elle a indirectement abouti à un suremploi des spécialités herbicides généralistes à base de glyphosate.
Même si ce risque n’est pas propre aux Antilles, vos rapporteurs estiment que des études devraient être lancées sur le comportement environnemental du glyphosate dans l’environnement antillais et que l’étude AFSSA, à venir en 2010, sur l’exposition des populations antillaises aux pesticides devrait prendre en considération les conséquences de ce phénomène.
CHAPITRE IV – L’ADAPTATION DE L’AGRICULTURE ANTILLAISE À LA RÉDUCTION DE L’EMPLOI DES PESTICIDES
L’agriculture antillaise a une double importance économique.
Dans des îles où le taux de chômage est élevé et où le pourcentage d’emplois publics atteint 40 % de la population active, elle constitue un pôle appréciable d’emplois privés.
Par ailleurs, dans ses composantes vivrières et maraîchères, elle contribue à l’autosuffisance alimentaire des îles et diminue les circuits longs d’approvisionnement qui sont une des causes de la cherté de la vie en Guadeloupe et en Martinique.
Ce secteur d’activité, comme celui de la métropole, va être confronté au mouvement de réduction de l’emploi des pesticides, qui avait été amorcé avant la mise en place du « Grenelle de l’environnement » et est appelé à s’accélérer depuis l’adoption du Plan « Eco-phyto 2018 ».
Mais, au regard de ce défi, l’activité agricole antillaise s’exerce dans des conditions notablement différentes de celle de la métropole :
- ses conditions climatiques sont caractérisées par une forte température68, une forte pluviométrie (dépassant 4 m/an dans certaines zones) qui ne sont pas sans conséquences pour l’usage de pesticides,
- l’absence de période végétative (qui a l’intérêt de mieux mobiliser les engrais) implique des rythmes d’épandage d’herbicides différents de ceux des climats tempérés, ceci d’autant plus que les vagues de froid n’éliminent pas les bioagresseurs,
- la nature tropicale de certaines des espèces cultivées, la chaleur et la forte hygrométrie saisonnière soumettent les cultures à un éventail de bioagresseurs beaucoup plus diversifiés que sous nos latitudes tempérées.
Pour ne prendre que le seul exemple de la banane, les plants peuvent être attaqués :
- par la fusariose (maladie de Panama),
- par la cercosporiose (jaune ou noire) – cette dernière est présente dans l’arc antillais, mais pas encore aux Antilles françaises),
- par différentes maladies bactériennes (maladie de Moko, flétrissement bactérien),
- par des maladies virales (bunchy top, mosaïque en tirets, mosaïque des bractées),
- par des ravageurs (nématodes, charançons noirs, thrips – insectes qui marbrent le fruit et le rendent impropre à la vente),
- et par des maladies post récoltes qui accélèrent la pourriture des fruits (anthracnoses),
- enfin, les conditions de lutte contre les bioravageurs sont également compliquées par un phénomène propre à bon nombre de cultures tropicales. Celles-ci se reproduisent par multiplication végétative, ce qui exclut que les agriculteurs puissent acheter des graines auprès des fermes semencières. Avec la conséquence que le matériel accumule les bioagresseurs au fur et à mesure des replantations.
L’ensemble de ces particularités fait que l’emploi des pesticides aux Antilles ne peut pas totalement obéir aux mêmes stipulations que celles édictées pour l’espace européen. Or, les Antilles françaises sont actuellement soumises aux mêmes règles d’emploi que la métropole et que les pays de l’Union européenne. A cet égard, il serait souhaitable que les pouvoirs publics puissent faire valoir auprès de l’Union les mesures d’adaptation qui sont prévues par la réglementation européenne. Cette action pourrait être conjuguée avec celles de l’Espagne et du Portugal, dont les territoires ultramarins connaissent des problèmes de même nature.
Dans cette perspective de diminution de l’emploi des produits phytosanitaires, deux catégories d’actions sont mises en œuvre :
- d’une part, le plan « Ecophyto-DOM » pour accompagner la réduction de l’emploi des pesticides aux Antilles à l’horizon 2018,
- et d’autre part, le plan « banane durable » pour diminuer encore plus fortement l’usage de produits phytosanitaires de la principale activité agricole des îles.
Le Plan « Ecophyto 2018 » a été adopté en septembre 2008.
Outre le retrait d’autorisation de mises sur le marché des spécialités contenant les 53 substances les plus actives d’ici à 2010, il a pour objet de diminuer l’emploi de pesticides de 50 %, à l’horizon 2018.
Il comprend cinq axes d’actions stratégiques et deux axes d’actions spécifiques (DOM-TOM et zones non agricoles69).
Les axes d’actions stratégiques sont les suivantes :
- évaluer les progrès en matière de diminution d’usage des pesticides. L’objectif est de se doter d’indicateurs représentatifs de la pression de traitement à l’aide des déclarations trimestrielles de vente des distributeurs qui ont été rendues obligatoires par la loi du 30 octobre 2006 sur l’eau ;
- recenser et généraliser les systèmes agricoles permettant de réduire l’utilisation des pesticides.
Cette action part du constat que, sur une même zone de culture, il existe un facteur de 1 à 2 dans l’utilisation des pesticides.
Elle s’appuiera :
Ÿ sur la constitution d’un réseau de 3 000 exploitations pilotes (« les bons élèves ») qui seront labélisées « Ecophyto 2018 » ;
Ÿ sur l’utilisation d’outils réglementaires (comme ceux qui conditionnent l’attribution des aides du deuxième pilier à des bonnes pratiques culturales).
- innover dans la conception et la mise au point de systèmes de cultures économes en pesticides.
Cette action vise en particulier :
Ÿ à une meilleure mobilisation des outils de la recherche dans ce domaine, ce qui comprend une réorientation de l’INRA vers l’agronomie (ceci en partant du constat que l’Institut se consacre actuellement très largement à la biologie moléculaire qui est plus porteuse pour ses chercheurs que l’agronomie) ;
Ÿ à une identification des freins à la généralisation d’une mise en culture durable et intégrée ;
Ÿ et au développement de recherches sur l’outillage et les techniques d’application.
Elle implique également :
Ÿ une plus grande attention vis-à-vis des PME innovantes, qui devra prendre en compte les contraintes d’homologation des spécialités (durée : 4 ans et coûts élevés) ;
Ÿ la création d’une plate-forme public-privé de recherche.
- et, former à la diminution de l’usage des pesticides et sécuriser l’emploi des pesticides.
On s’oriente, sur ce point, vers un système de permis pour les utilisateurs et de certification pour les distributeurs.
Ce plan qui constitue l’action 6 du plan « Ecophyto 2018 », « prendre en compte les spécificités des DOM TOM », se décline en six points :
- disposer d’indicateurs adaptés ;
- sécuriser et assurer la durabilité des itinéraires techniques ;
- sécuriser les pratiques ;
- orienter le programme de recherche vers la réduction de l’utilisation des pesticides ;
- professionnaliser les acteurs et favoriser le transfert de compétences ;
- et, développer des réseaux de surveillance du territoire.
Avant de détailler les plus importants de ces points, il ne semble pas inutile de mesurer l’effort qui est demandé à l’agriculture ultramarine, en rappelant que non seulement elle doit faire face à des bioagresseurs dont les conditions climatiques et agronomiques multiplient le nombre mais aussi que l’action « Ecophyto DOM » intervient dans un contexte européen de forte réduction du panier de pesticides à la disposition des agriculteurs.
Ceci dans des îles qui ne disposent pas de centres techniques agricoles, comparables à ceux de la métropole.
LA MISE À DISPOSITION D’INDICATEURS ADAPTÉS
Si l’obligation de déclaration trimestrielle de vente des distributeurs de pesticides introduite par la loi sur l’eau vaut également pour les DOM, ceux-ci ne disposent pas de l’historique métropolitain.
Une mission a donc été confiée à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) pour la mise au point de ces indicateurs de pression de traitement.
LA SÉCURISATION ET LA DURABILITÉ DES ITINÉRAIRES TECHNIQUES
Il faut savoir que l’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires (prononcée par le ministre de l’agriculture après autorisation de l’AFSSA) n’est accordée que pour des usages précis (telle substance pour telle mise en culture).
Le développement d’un produit reposant sur une nouvelle substance active prend environ une dizaine d’années, pour un coût de 200 à 300 millions d’euros. Les études d’homologation ont un coût d’environ 150 000 euros. Et même si les études d’extension ont un coût inférieur, l’étroitesse du marché de certains produits tropicaux et la spécificité des problèmes parasitaires locaux font que les grandes firmes ne demandent pas l’homologation des spécialités qui pourraient être employées dans les DOM.
Les conséquences de ces vides d’usages phytosanitaires sont préoccupantes sur le plan sanitaire et agronomique :
- on estime à 85 %70 « les usages agricoles orphelins » de produits autorisés aux Antilles, ce qui entraîne l’utilisation frauduleuse de produits phytosanitaires, sur lesquels on ne possède pas d’indicateurs toxicologiques pour l’utilisation détournée dont ils font l’objet,
- la restriction du panier de molécules disponibles conduit à l’utilisation répétée de pesticides systémiques qui ont le double inconvénient de ne pas être sélectifs vis-à-vis de l’environnement et de renforcer l’apparition de biorésistances.
- enfin, ce phénomène laisse les agriculteurs des DOM à l’écart du progrès scientifique, puisqu’il les condamne à employer des molécules anciennes qui ont un profil toxicologique beaucoup plus nocif que les substances actives nouvelles.
Face à ce problème, deux types d’actions sont prévues.
D’une part, la conduite, usage par usage, d’expérimentations de produits de substitution aux pesticides actuellement employés. Celles-ci reposent sur une combinaison d’amélioration des pratiques culturales, d’introduction de produits d’origine biologique et d’essais de lutte biologique contre les ravageurs.
D’autre part, il est envisagé de mettre en place dans une des îles, une installation d’homologation par les usages tropicaux laissés orphelins. Cette action serait autorisée par le Règlement européen 2006/0136 qui devrait entrer prochainement en vigueur. L’article 49 de ce Règlement a prévu une procédure d’extension d’homologation pour les usages mineurs.
Deux points sont à souligner dans cette action.
En premier lieu, la formation des agriculteurs aux bonnes pratiques d’utilisations (stockage, épandage, gestion des emballages) a été lancée, dès 2005 par les producteurs et distributeurs de pesticides.
Ce programme qui a, en outre, abouti à une action systématique de collecte des emballages usagés et à la mise au point d’une combinaison d’épandage sécurisée et hypothermique71, sera poursuivi.
Demeure qu’il n’existe aucune filière pérenne de récupération des produits phytosanitaires non utilisés (PPNU). Si une opération de récupération des stocks a été menée pour le Curlone et pour le paraquat (avec des interrogations concernant les stocks de produits à moitié utilisés), le rappel des spécialités dont l’autorisation de mise sur le marché a été retirée n’est pas systématique.
La mise en place d’une filière pérenne de récupération a donc été mise à l’étude.
L’ORIENTATION DES PROGRAMMES DE RECHERCHE VERS LA RÉDUCTION DE L’UTILISATION DE PESTICIDES
Ce chapitre est une déclinaison propre aux DOM de l’action correspondante du plan « Ecophyto 2018 ». Outre le plan « banane durable » qui sera détaillé ultérieurement, elle comprend une série de recherches :
- sur la généralisation de la vitroculture – déjà appliquée dans les bananeraies – à l’ananas et à l’igname. Ceci afin d’éviter l’emploi de plants obtenus par multiplication végétative qui véhiculent de fortes biorésistances,
- sur la maîtrise de l’enherbement afin de réduire l’usage des herbicides. Cette action porte en particulier sur l’amélioration des plantes de service et l’expérimentation du paillage,
- sur le développement de la lutte biologique reposant sur des nématodes entomopathogènes,
- et, sur la promotion de pratiques culturales plus économes en intrants dans les activités maraîchères.
LE DÉVELOPPEMENT DE RÉSEAUX DE SURVEILLANCE DES BIOAGRESSEURS
Certains de ces réseaux existent déjà dans les soles bananières à la fois pour surveiller une éventuelle apparition de la cercosporiose noire et pour rationaliser l’usage de fongicide contre la cercosporiose jaune ; ils sont également en place en arboriculture pour lutter contre la mouche des fruits.
Il s’agit ici de les généraliser par filière de production, en créant un dispositif permettant de formuler des alertes et de prévoir des stratégies d’intervention, encourageant les pratiques raisonnées de lutte.
La production mondiale de « bananes dessert » représente environ 60 millions72 de tonnes (59 millions de tonnes en 2004), dont 25 % sont exportés, ce qui constitue le plus fort pourcentage en termes relatifs (la pomme qui occupe le second rang n’est exportée qu’à raison de 11 % de la production).
Cette culture qui représente un apport précieux à l’économie antillaise (plus en Martinique qu’en Guadeloupe) n’est pas importante à l’échelle du marché mondial : sur 13,8 millions d’exportations mondiales en 2006, les exportations antillaises (221 000 tonnes en Martinique, 48 000 tonnes en Guadeloupe) n’en représentent que 2 %.
Les exportations antillaises se font à destination de l’Union européenne, au sein de laquelle elles ne représentent que 10 à 16 % de la consommation suivant les années, le plus fort quota étant constitué par les importations en provenance d’Amérique Latine (73 %), et le surplus étant fourni par les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
Ce marché est de plus en plus concurrentiel d’un double point de vue.
En matière commerciale, et à la suite de condamnations devant l’Organisation Mondiale du Commerce, l’Union européenne a aboli les restrictions quantitatives à l’importation de bananes en provenance de la zone dollar et négocie actuellement une annulation de ses protections tarifaires.
Dans le domaine phytosanitaire, on doit mettre en parallèle les dispositions de la Directive 91/414 et les réglementations qui diminuent le panier des pesticides à disposition des producteurs antillais et l’admission de plus en plus large sur le marché européen de bananes en provenance de zones où l’usage des pesticides est beaucoup plus permissif. Cette distorsion de concurrence introduit des écarts assez substantiels de productivité. Dans les exploitations les plus modernes des Antilles françaises, on atteint des rendements de 35 tonnes à l’hectare contre 50-60 tonnes à l’hectare pour les pays dits de la « banane dollar ».
La production antillaise est donc menacée par la libéralisation du commerce international, par l’étroitesse relative de sa sole – les exploitations de plus de 100 hectares sont rares aux Antilles – et par la réduction des pesticides disponibles.
D’où la nécessité de rechercher des marchés de niches reposant sur une réduction ordonnée des intrants phytosanitaires pour aboutir à une production de « banane durable » 73.
Ce plan « banane durable » conjugue à la fois une réforme des pratiques culturales et la recherche de plants résistant aux bioagresseurs.
LA RÉFORME DES PRATIQUES CULTURALES
Il faut rappeler que le bananier n’est pas un arbre, mais une herbacée arborescente, dont, après récolte, on sélectionne un des surgeons pour porter la récolte suivante. Ceci sur un cycle de 9 ans. Ce type de culture a un inconvénient : il accumule les ravageurs implantés sur les racines ou le bulbe de la plante.
La sole bananière antillaise est à la fois en situation favorable et en situation défavorable au regard de la pression de traitement aux produits phytosanitaires.
La forte pluviométrie est assez favorable à la multiplication des ravageurs mais, jusqu’ici, les îles ont été épargnées par la cercosporiose noire qui implique des traitements lourds et répétitifs.
En fonction de ces contraintes, la profession bananière a entrepris, avec l’aide du CIRAD, de mieux maîtriser la lutte phytosanitaire contre les bioagresseurs.
Le charançon noir du bananier (cosmopolites sordidus) est originaire, comme le bananier, d’Asie du Sud-Est.
Sa femelle pond des œufs dans le bulbe où les jeunes larves se nourrissent, en affaiblissant la croissance du plant et, surtout, son ancrage, ce qui le rend plus vulnérable aux coups de vent.
La chlordécone, sous formulation de Kepone puis de Curlone, a été longtemps le seul produit efficace contre sa prolifération, notamment en saison humide.
En substitution, la contention actuelle de ce ravageur repose :
- sur des assainissements par jachère (avec replantation de vitroplants sains),
- et sur le piégeage.
Celui-ci peut prendre deux formes :
- un piégeage à base de phérormones dans des trappes où les animaux se noient,
- un piégeage plus sophistiqué (méthodes ERADIKOS) qui repose sur un double mécanisme.
Un attractif à base de phérormone et l’utilisation d’un nématode entomopathogène qui transmet une toxine au charançon et qui se transmet aux insectes proches (le charançon est à la fois sédentaire – 90 % des adultes parcourent moins de 10 m en plusieurs mois – et relativement grégaire).
Il existe de nombreuses espèces de nématodes parasitant les racines et les feuilles de bananier.
Ils se nourrissent des racines et des souches provoquant des nécroses qui réduisent la nutrition hydrique et minérale de la plante, et provoquent l’intervention d’un champignon parasite qui amplifie ces dégâts.
La lutte contre ces bioagresseurs était essentiellement chimique. Elle le demeure, mais dans des proportions qui ont considérablement régressées (En 1997, on employait aux Antilles 950 tonnes d’insecticides dans ce but, en 2008 80 tonnes, soit une réduction de plus de 90 % de matière active employée).
En substitution à cette pression de traitement, la profession a fait évoluer ces pratiques culturales :
- mise en jachère (avec ou sans rotation de culture74) ;
- replantation avec des vitroplants sains.
La lutte contre ces insectes qui marbrent les fruits et les rendent impropres à la vente repose :
- sur l’utilisation des plantes de services qui favorisent l’apparition de prédateurs de ces insectes ;
- sur le gainage des régimes avec traitement par un produit d’origine biologique.
La mise au point de ces méthodes se heurte à un problème : il est très difficile d’anticiper l’apparition des insectes.
Depuis l’interdiction du paraquat, le glyphosate qui est un herbicide systémique lui a été substitué dans les premières années de croissance du bananier.
Il serait souhaitable, en fonction des conditions climatiques antillaises (la forte pluviométrie entraîne un ruissellement qui diminue l’efficacité des épandages d’herbicides) que, tout en épandant la même quantité totale de pesticides prévue par la réglementation, celle-ci puisse faire l’objet de 4 épandages annuels au lieu de trois.
Parallèlement, la profession mène avec le CIRAD des recherches sur l’efficacité de couvertures par paillage et sur la plantation d’herbes de service qui n’entrent pas en concurrence avec les bananiers.
C’est un champignon qui nécrose le feuillage de la plante et aboutit à la destruction totale des feuilles avant la récolte du régime, ce qui aboutit à une maturation précoce des fruits qui ne sont pas commercialisables.
En dehors d’un effeuillage régulier (qui n’est possible que dans les soles bananières à faible coût de main d’œuvre), l’éradication de cette moisissure ne peut se faire qu’à l’aide de pesticides.
C’est pourquoi le CIRAD a mis au point une stratégie raisonnée de lutte qui repose sur des méthodes d’avertissement (constat in situ, prévisions climatiques) qui a le double mérite de limiter les épandages et de réduire les risques d’apparition de biorésistance que l’on a constaté en Amérique Latine.
Le traitement qui est opéré une dizaine de fois par an consiste en un épandage d’huile (paraffinique), à laquelle est adjoint, trois ou quatre fois par an, un fongicide systémique (aux Antilles française, le triazole).
Le problème est que cet épandage doit s’effectuer sur le haut de la plante.
Actuellement, l’épandage aérien (par avion ou hélicoptère) est employé et ne peut l’être qu’à plus de 50 mètres des habitations et des cours d’eaux.
Le CEMAGREF a rationalisé ces méthodes d’épandage aérien mais celles-ci sont menacées d’interdiction.
L’article 28 du projet de loi sur le « Grenelle de l’environnement » établit, en l’état de sa discussion entre les chambres du Parlement, qu’un des objectifs à atteindre est « d’interdire l’épandage aérien, sauf dérogation ».
Le CEMAGREF mène actuellement des recherches sur des procédés mécaniques terrestres permettant d’épandre le produit par le haut.
En l’attente de la mise au point de ce procédé, la seule alternative de la profession, serait, si l’épandage aérien est interdit, d’utiliser des canons à eau beaucoup moins précis.
Avec le résultat que l’on devrait doubler les quantités de fongicides épandus.
Ces maladies de conservation qui accélèrent la pourriture de la couronne du fruit après cueillette sont combattues par des bains de fongicides.
En Martinique, la profession, en collaboration avec les producteurs et les distributeurs de pesticides, a organisé l’élimination raisonnée de ces effluents de trempage.
LA RECHERCHE DE PLANTS RÉSISTANTS À LA CERCOSPORIOSE NOIRE
La bananeraie antillaise qui est le premier employeur privé des îles (environ 15.000 emplois) est menacée.
Si elle a su s’adapter à la réduction des pesticides disponibles, elle ne pourra pas surmonter, en l’état, une invasion de la cercosporiose noire.
Cette dernière, contrairement à la cercosporiose jaune, se développe très rapidement et ne peut être contrôlée qu’en multipliant les traitements aériens (jusqu’à 60 épandages aériens par an) ce qui n’est plus acceptable socialement, tout au moins à cette fréquence.
Or, la cercosporiose noire qui a atteint l’Amérique centrale dans les années soixante-dix (Honduras 1972, Belize 1975) s’est étendue à une partie de l’arc Caraïbes.
Au Nord, les grandes Antilles sont touchées (Cuba 1992, Jamaïque 1994, Porto Rico 2004). Au sud de l’arc Caraïbes, elle s’est propagée à Trinidad et Tobago (2004) et à Grenade (2006). Elle aurait été signalée à Saint-Vincent.
La carte ci-dessous permet de visualiser l’étau que se resserre peu à peu sur la Guadeloupe et la Martinique :
Distribution de la cercosporiose noire dans l’arc Caraïbe
Source : FruitTrop (mai 2007)
Une surveillance de l’apparition de ce bio agresseur a été mise en place. Mais l’enjeu est clair : s’il atteint les Antilles françaises, leur production bananière disparaîtra en quelques années avec les conséquences économiques et sociales qui s’ensuivront.
Rappelons que la maladie de Panama a détruit dans les années cinquante une grande partie de la souche « Gros Michel » qui constituait la principale variété de « banane dessert » exportée.
Or actuellement la souche exploitée, la banane « Cavendish » repose sur une base génétique très étroite (avec seulement 20 cultivars différents) ce qui la rend vulnérable à une progression des biorésistances.
La recherche de variétés résistantes à la cercosporiose noire est donc essentielle.
Certains pays mènent des recherches sur la transgénèse (Belgique, Israël, Royaume-Uni) mais qui ne semblent pas couronnées de succès.
De plus, s’il s’agit d’une maladie monogénique, il est à craindre que les parasites ne s’adaptent et dans les cas de maladies polygéniques, l’élaboration de plants transgéniques deviendrait compliquée.
La voie choisie par le CIRAD, en collaboration avec la profession bananière, est de rechercher les hybridations résistantes à la cercosporiose noire, ce qui suppose de surmonter trois types de difficultés :
- les bananiers exploités dans le monde sont triploïdes (ils ont trois exemplaires de génome) alors que les bananiers sauvages qui n’ont que deux exemplaires de génomes (diploïdie) sont ceux qui ont développé des résistances aux bioagressions. Il s’agit donc de fabriquer un plant triploïde (les plants sauvages ne sont pas mangeables) à partir d’un matériel génétique de bananiers diploïdes ;
- l’hybride résistant doit se conformer au cycle de conservation-vente de la banane (15 jours de transport-entreposage en frigorifique et une semaine de présence à l’étal) ;
- l’hybride doit également remplir des conditions agronomiques (les plants déjà mis au point sont trop grands et donnent trop de prise au vent).
Or, on l’a vu, le temps presse. Et entre la recherche d’un hybride, sa mise au point, sa validation in situ et sa mise sur le marché, il peut s’écouler de 5 à 8 ans.
Actuellement, le CIRAD « sort » 500 hybridations différentes par an avec un objectif de 1 500 hybridations.
Mais cet effort de recherche risque d’achopper à un manque de moyens car les financements n’ont pas été dégagés pour installer des plateformes de validations des hybrides dans des conditions culturales.
On retiendra ici un problème déjà évoqué, l’absence de centres de recherches techniques (comme ARVALIS pour le blé) dédiés aux cultures tropicales.
On peut aussi évoquer à cet égard la très faible population de chercheurs dans le domaine bananier (à l’échelon mondial, on ne recense qu’une dizaine de chercheurs dans ce domaine contre 5 000 sur le blé).
Si les pouvoirs publics veulent éviter d’avoir à gérer les conséquences sociales et économiques de la disparition de la sole bananière antillaise, il leur appartient de renforcer le soutien qu’ils accordent au plan « banane durable ».
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L’effort marqué de diminution de l’emploi des pesticides dans les soles bananières antillaises, d’abord contraint par le retrait de mises sur le marché des molécules employées, puis mené de façon plus autonome, est très réel.
Il pose cependant un problème : celui de sa reconnaissance par le consommateur.
Entre le label bio que les conditions climatiques trop humides semblent interdire, et une utilisation non contrôlée de pesticides, il n’existe pas de qualification intermédiaire. La reconnaissance d’un label de « banane durable » devrait être le débouché de ces initiatives.
L’étude confiée à vos rapporteurs n’impliquait pas, au sens strict, qu’ils établissent un bilan d’application du « plan chlordécone » à la moitié d’une exécution qui se poursuivra jusqu’à la fin de 2010.
Mais les deux missions menées en Guadeloupe et en Martinique, en juin 2008 et en avril 2009, et l’audition de plus d’une centaine d’acteurs de ce processus leur permettent d’estimer que ce plan a permis de fédérer et d’accélérer l’intervention de l’Etat dans ce domaine ; elles les autorisent, également, à porter un jugement positif sur le rythme d’exécution de la plupart des actions inscrites au « plan chlordécone », tout en relevant que la dévolution des crédits, en particulier de recherche, a été initialement un peu lente.
Ce jugement positif n’exclut pas que le « plan chlordécone » puisse être amélioré, complété et, sur certains points, réactivé ; ce qui sera l’objet de quelques-unes des propositions qui suivent.
Le travail effectué a mis en évidence deux catégories de problèmes, connexes aux thèmes traités, mais qui ont leur importance pour la recherche de solutions.
D’une part, l’architecture du « plan chlordécone », tant dans l’affectation des moyens que dans les buts poursuivis, résulte, assez normalement d’une confrontation entre le court terme sanitaire, et à un moindre degré agronomique, et le long terme environnemental.
Si les arbitrages que le plan a sous-tendus sont en passe d’aboutir à une sécurisation sanitaire des pratiques alimentaires (sous réserve de confirmations en ce qui concerne les produits de la mer) et à une régulation satisfaisante des pratiques de mise en culture, ils n’apportent que peu de réponses immédiates à ce que l’on ne peut que considérer comme un désastre environnemental : la présence pour plusieurs siècles dans les sols antillais d’un polluant organique persistant qui, lentement, diffuse par ruissellement dans les eaux continentales et dans les milieux marins.
Il faudra donc aller au-delà du « plan chlordécone » et probablement pour une durée longue. La banalisation du risque est un des dangers qu’il faut à tout prix éviter. On a pu s’en apercevoir lors des mouvements sociaux qui viennent de toucher les Antilles au début 2009. L’urgence sociale avait « relégué aux oubliettes » le problème écologique. Monsieur Moutoussamy, de la Chambre d’Agriculture de la Martinique, l’a confirmé en déclarant à vos rapporteurs : « on a peu parlé de chlordécone pendant la crise et on s’est félicité d’avoir mangé des produits locaux ». Les divers collectifs de défense ont peu mis en avant la nécessité de poursuivre le « plan chlordécone », ce qui pourrait avoir comme conséquence de ne plus considérer cette action comme prioritaire. A l’inverse, vos rapporteurs pensent que cette action doit s’inscrire dans la durée, car les Antilles devront de longues années encore vivre avec des sols contaminés par la chlordécone.
D’autre part, les travaux de vos rapporteurs ont mis en évidence un problème qui émerge peu à peu : le double statut des Antilles françaises.
La Martinique et la Guadeloupe constituent des isolats juridiques et économiques européens dans le monde caraïbe.
A ce titre, ils bénéficient de transferts de la métropole et ont jusqu’ici bénéficié de l’apport de fonds européens.
Mais, dans le même temps, ils sont tenus d’appliquer des normes juridiques définies à Bruxelles, pas toujours compatibles avec les réalités de leur climat et les contraintes de leur éloignement géographique, et qui, de plus, les isolent, objectivement, de leur environnement caraïbe et méso-américain.
La contradiction entre ce corpus de normes juridiques et la réalité géographique des îles peut, artificiellement, aboutir à apporter des éléments de complexité de gestion des problèmes agronomiques et environnementaux des deux îles.
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C’est pourquoi les propositions qui suivent ont pour objet de rectifier certaines insuffisances ou certains retards de mise en application du « plan chlordécone », dont le premier bilan apparaît positif, d’essayer de prévoir l’après « plan chlordécone » et d’encourager à une réflexion sur l’échelle et le rythme d’application de certaines normes environnementales aux îles.
I. Aller à la recherche de la chlordécone perdue, notamment en Europe : Poursuivre les recherches des zones d’épandage de la chlordécone dans le monde
II. accentuer l’effort de fiabilisation des analyses et promouvoir les recherches sur la mise au point de méthodes d’analyses plus rapides et moins coûteuses
III. activer la mise au point de la cartographie de la pollution et l’étendre aux eaux continentales et aux milieux marins
IV. Préparer l’avenir en soutenant la recherche sur la rémédiation des milieux naturels et sur le comportement environnemental de la chordécone
V. compléter le « plan chlordécone » en renforcant les volets consacrés aux milieux marins et aux élevages aquacoles
VI. établir des référentiels d’imprégnation sanguine pour les proposer aux populations les plus exposées
VII. accentuer les encouragements au plan « banane durable » et soutenir les biotechnologies appliquées à la banane.
VIII. organiser l’action des pouvoirs publics en vue de l’après 2010
IX. Coordonner au niveau Européen et au niveau mondial, l’identification des dangers et l’établissement des valeurs toxicologiques de référence
X. Adapter la réglementation sur les pesticides aux données de la géographie antillaise sans minorer les exigences de la protection sanitaire
ALLER À LA RECHERCHE DE LA CHLORDÉCONE PERDUE, NOTAMMENT EN EUROPE : POURSUIVRE LES RECHERCHES DES ZONES D’ÉPANDAGE DE LA CHLORDÉCONE DANS LE MONDE
Mille huit cents tonnes de chlordécone ont été produites (1 600 tonnes aux Etats-Unis de 1958 à 1976 et au moins 200 tonnes au Brésil de 1981 à 1991).
Une très faible partie, non quantifiable, de ce stock de substance active a été utilisée sous forme de mirex (piégeage de fourmis, retardeur d’incendie).
La plus grande partie a été utilisée à des fins agricoles, dont :
- un pourcentage inférieur à 10 %, et probablement inférieur à 5 %, a été utilisé aux Etats-Unis et au Canada,
- environ trois cents tonnes ont été épandues aux Antilles,
- une trentaine de tonnes ont été utilisées dans les soles bananières de l’Afrique de l’Ouest.
Restent environ 1 500 tonnes de molécule.
L’on sait :
- que la chlordécone a été employée en Amérique Latine, mais de façon peu intensive ; nous avons pu le vérifier lors de notre mission en Equateur,
- qu’une grande partie a été exportée vers l’Europe pour fabriquer du Kélévane à très fort dosage de chlordécone par la société allemande « Spieβ und Sohn ». Cette société a vendu le Kélévane en Allemagne et l’a exporté vers les pays du bloc communiste (ex-RDA, Pologne, Ukraine, ...). Le Kélévane se dégrade en chlordécone dans les sols.
Par ailleurs, les recherches menées aux Etats-Unis et aux Antilles montrent la rémanence, au moins séculaire, de la chlordécone dans certains sols, à partir desquels elle ruisselle dans les bassins versants et, par suite dans les milieux marins.
Dans ces deux derniers biotopes, sa lipophilie fait qu’elle s’accumule dans les graisses animales et donc dans la chaîne trophique fluviale et maritime.
L’on sait également que la molécule se communique, à des degrés variables aux espèces culturales, notamment à celles qui croissent dans la terre (légumes racines antillais, pommes de terre, asperges, carottes) et, de façon privilégiée, à certains légumes aériens (cucurbitacées).
Abstraction faite du cas antillais, ce sont donc environ 1 500 tonnes de chlordécone qui ont été épandues dans le monde, sous la forme de spécialités dosées à des concentrations variables et qui ont été, depuis, oubliées.
La diffusion lente de la chlordécone dans les milieux naturels et son transfert vers les produits de culture fait que l’on se trouve confrontés à un problème sanitaire à l’échelle mondiale, avec une possibilité de caractérisation est-européenne marquée.
Le paradoxe est que, depuis son interdiction aux Etats-Unis en 1976, et en France en 1991, la chlordécone n’est plus produite ; elle n’est donc plus recherchée et, à l’exception des Antillais et du Land de Basse-Saxe, ne fait l’objet d’aucun plan de contrôle ou de surveillance. Monsieur Shavj PAULEY, directeur, Peter KENMORE, chef du service de la direction des plantes et Mark DAVIS, coordinateur des pesticides obsolètes, à la FAO à Rome, nous ont confirmé que, comme la molécule n’était plus produite depuis dix ans, il n’y avait plus de raison d’en interdire l’utilisation et que la déclaration des usages du produit reposait sur le seul volontariat des Etats. La France n’a d’ailleurs fait aucune déclaration à la FAO sur l’utilisation de la chlordécone aux Antilles.
La théorie du « lampadaire » illustre parfaitement la situation mondiale : on a plus de chance de trouver un objet perdu s’il se trouve sous un lampadaire éclairé, que s’il a glissé dans l’obscurité. Si aucun pays ne recherche la chlordécone, personne n’en trouvera la trace. C’est aujourd’hui ce qui se passe au niveau mondial.
Il semble donc nécessaire d’activer l’action 40 du « plan chlordécone » visant à identifier précisément les zones antérieures d’épandage de la chlordécone sur la planète.
Sur ces bases, une action diplomatique pourrait être menée afin de sensibiliser les autorités sanitaires des pays concernés.
Ceci permettrait d’entreprendre des recherches coopératives pour la mesure de la contamination, la remédiation des sols pollués et la détermination épidémiologique des conséquences sanitaires de cette contamination.
Pour le moins, on comprendrait mal que l’Union européenne qui met en œuvre une réglementation stricte pour la réduction de l’usage des pesticides, laisse subsister des incertitudes sur la présence et les effets de ce polluant organique persistant sur son territoire, alors qu’elle a le pouvoir de lancer une alerte générale. Deux pistes d’amélioration nous semblent souhaitables :
Ø donner la possibilité à la FAO de lancer une alerte générale afin de mesurer l’ampleur de l’utilisation passée de la chlordécone ;
Ø proposer un avenant à la convention de Stockholm, permettant de vérifier la présence dans les sols, dans les eaux ou dans les organismes, de produits organiques persistants et au Codex Alimentaire géré conjointement par la FAO et l’OMS, d’évaluer la présence éventuelle de ces produits dans les aliments.
ACCENTUER ET PROMOUVOIR LES RECHERCHES SUR LA MISE AU POINT DE MÉTHODES D’ANALYSES PLUS RAPIDES ET MOINS COÛTEUSES
RENFORCER LA FIABILITÉ DES ANALYSES
On a souligné, dans cette étude, les difficultés de détection et de quantification de la chlordécone dans différentes matrices (sols, végétaux, matrices animales), qu’il s’agisse de l’homogénéisation et de la fiabilité des prélèvements, de la lourdeur des procédures d’extraction ou des marges d’appréciation des résultats (35 % réduits à 20 % lorsqu’il y a une très forte présence de chlordécone).
Des progrès ont été faits, mais il existe encore une marge d’amélioration importante. Ces efforts doivent donc être poursuivis.
SYSTÉMATISER, EN COLLABORATION AVEC L’ANR, LA RECHERCHE DE MÉTHODES D’ANALYSES PLUS RAPIDES ET MOINS COÛTEUSES
Aussi bien pour les besoins de recherche que de protection sanitaire ou de sécurité des mises en culture, la rapidité des analyses est importante.
En l’état d’accréditation des laboratoires des deux îles (à part le laboratoire de la DRCCRF de Jarry qui a une habilitation pour la détection et la quantification de la molécule dans les matrices végétales), la plupart des analyses sont effectuées en métropole avec des délais de 2 à 3 mois.
Ces délais ne sont pas uniquement imputables à la chaîne des transports ou plans de charge des laboratoires métropolitains, ils s’expliquent aussi par la longueur de la procédure, d’homogénéisation et d’extraction, préalable aux analyses.
Actuellement, certaines méthodes (SPME ou Solid Phase Macro Extraction) permettent d’accélérer les analyses puisqu’un résultat (détection et quantification) peut être obtenu en une heure et demie (sur la base de deux essais successifs).
Soit un gain de temps et de coût très appréciable. Mais ces méthodes ne sont en voie de validation que pour les très petits échantillons (< 100 µg) et sur les matrices de sols et de végétaux.
Compte tenu du nombre très important d’analyses qui resteront à faire, jusqu’en 2010, et au-delà de cet horizon, vos rapporteurs estiment qu’il serait souhaitable de systématiser les recherches sur ces méthodes de détection plus rapides et moins coûteuses.
Ceci suppose que les organismes de recherche concernés proposent des projets sur la partie métrologie du programme de l’ANR « contaminants, écosystème, santé ».
ACTIVER LA MISE AU POINT DE LA CARTOGRAPHIE DE LA POLLUTION ET L’ÉTENDRE AUX EAUX CONTINENTALES ET AUX MILIEUX MARINS
LA CARTE DE LA CONTAMINATION DES SOLS
L’action 1 du « plan chlordécone » prévoit d’élaborer un outil cartographique de la contamination des sols.
L’évaluation actuelle de cette pollution repose sur une modélisation effectuée en 2004 en fonction des éléments fournis par le BRGM et le Service de protection des végétaux en fonction de 300 prélèvements et de critères d’épandage de la chlordécone (cartes aériennes des soles bananières en 1970, 1980 et 1990, hygrométrie forte, nature des sols).
Cette modélisation s’est avérée pertinente pour les zones les plus polluées, mais elle ne fournit pas un état parcellaire détaillé de la contamination.
De plus, hors des soles bananières, les prélèvements effectués par la Chambre d’agriculture de la Martinique font état de 23 % de résultats où l’on détecte (à des quantités très variables) de la chlordécone dans les sols.
En l’état, il existe environ 5 000 prélèvements exploitables en Martinique et 3 500 prélèvements exploitables en Guadeloupe (où la pollution est plus concentrée géographiquement) pour caractériser le détail de l’implantation de la pollution.
Mais ces données ne sont pas numérisées et sont dans un état de géoréférencement variable. Il nous est apparu anormal que ce travail n’ait pas encore été réalisé, cinq ans après l’alerte sur la chlordécone. Il ne semble pas qu’en Martinique, la Direction Départementale de la l’Agriculture et de la Forêt, maîtrise d’œuvre de ce dossier, en ait perçu l’urgence, encore en discussion avec la SAFER et le BRGM, alors que 20 % des terres constituant la surface agricole utile (SAU) sont contaminées à des degrés divers et que 30 % de la SAU pourraient potentiellement contaminer des cultures sensibles.
Par ailleurs, dans chaque île, 4 000 prélèvements supplémentaires sont envisagés d’ici 2013, pour compléter le corpus de données.
La réalisation d’une carte détaillée est donc pendante à un effort de regroupement, de géoréférencement et de numérisation de ces données. Un cahier des charges est actuellement en voie d’élaboration par la Direction de l’agriculture et de la forêt de la Martinique qui est maîtresse d’œuvre de cette action.
Dans la mesure où la réussite du « plan chlordécone » repose sur une communication ouverte et complète de l’information aux populations, il paraît souhaitable de réactiver la réalisation d’une cartographie affinée de la pollution des sols.
UN RISQUE AVÉRÉ : L’EXTENSION DE LA POLLUTION À LA CHLORDÉCONE, AUX EAUX CONTINENTALES ET AUX MILIEUX MARINS
Depuis plus de trente cinq ans, la chlordécone épandue dans les bananeraies diffuse par ruissellement dans les eaux continentales puis dans les milieux marins ; elle se transfère, également, par lessivage aux nappes souterraines.
Les prélèvements effectués à des titres divers par les Directions régionales de l’environnement, le CEMAGREF, l’IFREMER et l’Université des Antilles et de la Guyane attestent de cette extension de la pollution.
C’est sans doute une des informations les plus inquiétantes de notre rapport.
Mais les prélèvements pour la caractériser ne sont pas assez systématiques et ne portent pratiquement pas sur les milieux sédimentaires des fleuves et les cônes de déjection de ces fleuves en mer, qui sont des réceptacles privilégiés de la fixation de la molécule.
Il semble donc nécessaire pour avoir une vue la plus exacte possible des conséquences environnementales de la pollution, d’étendre la cartographie de la contamination à l’ensemble des biotopes, fluviaux et maritimes, des deux îles.
PRÉPARER L’AVENIR EN SOUTENANT LA RECHERCHE SUR LA RÉMÉDIATION DES MILIEUX NATURELS ET SUR LE COMPORTEMENT ENVIRONNEMENTAL DE LA CHORDÉCONE.
Le renforcement des recherches sur la remédiation des milieux naturels est indispensable.
C’est un des points du « plan chlordécone » qui avait été ici mentionné mais dont la mise en œuvre était pendante à l’organisation d’un colloque international – colloque dont la tenue a été retardée pour des raisons financières.
Les études environnementales qui ont été entreprises, ou sont en cours, sont indispensables parce qu’elles visent à comprendre le comportement environnemental de la molécule en fonction de ses transferts dans différents milieux.
Mais elles ne doivent pas être un préalable à ce qui devra être une priorité de l’action de recherche de l’Etat : le lancement de programmes d’expérimentation de dépollution (avec démonstrateurs fonctionnant dans les conditions locales).
Il nous apparaît étonnant que des programmes d’étude sur le comportement des polluants organiques persistants et de la chlordécone, n’aient pas été étudiés dans des lysimètres, comme cela se fait couramment pour les polluants industriels. La France dispose de la plus importante plateforme européenne sur l’étude du comportement des polluants industriels en Lorraine.
Ce modèle d’étude pourrait permettre d’étudier la fixation de la molécule sur différents types de sols contaminés et de tester les conditions expérimentales de relargage. Les connaissances acquises par de nombreuses équipes de recherche sur les dépollutions des friches industrielles, pourraient peut-être être transposées au cas spécifique de la chlordécone.
COMPLÉTER LE « PLAN CHLORDÉCONE » EN RENFORCANT LES VOLETS CONSACRÉS AUX MILIEUX MARINS ET AUX ÉLEVAGES AQUACOLES
Les activités de pêche maritime dans les îles contribuent à leur autosuffisance alimentaire (60 % en Guadeloupe) ; les pêches de loisir font partie des activités touristiques qui sont un des gisements d’emplois important des Antilles.
Les produits de la mer (poissons, crustacés, coquillages) constituent une part non négligeable du bol alimentaire des Antillais.
Or, les recherches menées par l’IFREMER montrent qu’une partie des milieux marins est contaminée par la chlordécone, notamment en ciblant le potentiel de contamination des organismes à risque (crustacés, poissons détritivores) et des zones littorales concernées. Mais, pour vos rapporteurs, cette nouvelle conséquence du problème environnemental ne signifie pas l’ouverture d’un « grand parapluie réglementaire » interdisant la pêche de certaines espèces ou l’accès à certaines zones.
Elle implique plutôt de proposer une discussion au niveau européen sur une fixation plus fine des Limites Maximum de Résidus (LMR), en fonction du niveau de commercialisation des espèces concernées et des habitudes alimentaires.
Si le « plan chlordécone » prévoit quelques actions en direction des milieux marins, ce volet doit être complété.
Outre l’établissement d’une cartographie mentionnée dans la proposition III, il semble nécessaire d’étendre aux milieux marins certaines des dispositions appliquées aux espaces terrestres :
- en renforçant considérablement le volume d’analyses de produits de la mer pour le porter à 750 dans chacune des îles. La variabilité des facteurs de contamination en milieu marin, la dynamique particulière du milieu supposent qu’une connaissance aussi précise de la pollution qu’en milieu terrestre soit établie. Ceci notamment pour éviter que des mesures d’interdiction de pêches (sur des zones ou des espèces) trop larges et indifférenciées soient édictées ;
- en menant, sur la base de ces mesures, des études précises sur la dynamique de la pollution en milieu marin ;
- en transposant pour les autoconsommateurs de poissons ou pour ceux qui se les procurent dans des circuits de distribution courts, le programme JAFA (jardins familiaux) ;
- et, en assurant, le cas échéant, le redéploiement de certaines pêches vers des lieux exempts de contamination.
La pérennité des élevages antillais de crevettes d’eau douce (le ouassou) est menacée par l’introduction des nouvelles limites de résidus introduites en septembre 2008 (20 µg/kg de produits frais au lieu de 50 µg précédemment). Vos rapporteurs pensent que cette question doit être réétudiée par l’Agence Européenne de Sécurité des aliments (AESA) (cf. proposition X).
A la suite de prélèvements effectués par les services vétérinaires, plusieurs élevages ont été fermés dans chacune des îles (sans que l’on ait prévu des mesures de fermetures provisoires, ce qui contraint les éleveurs à mettre en œuvre un protocole de réouverture très lourd).
Dans ses actions 32 à 34, le « plan chlordécone » se borne à établir qu’il est nécessaire d’assurer la conformité de la production piscicole et d’identifier les sites les plus pollués pour une réinstallation des exploitations aquacoles et proposer, le cas échéant, des reconversions aux pisciculteurs.
En quelque sorte, le service minimum.
D’autant plus minimum que les élevages contaminés se situent généralement en aval des zones bananières où la chlordécone a été épandue et sont, par destination, condamnés à supporter les conséquences des ruissellements qui en découlent.
Dans la mesure où ces élevages sont porteurs d’une symbolique forte pour les Antillais, il paraît souhaitable de les maintenir.
A défaut, l’écloserie marine de larves qui n’est pas polluée serait menacée et les importations en provenance d’Asie de crevettes d’eau douce, dont les conditions sanitaires d’élevage ne correspondant pas aux normes européennes75 (recours aux antibiotiques), se développeraient.
Il semble donc urgent de mettre en place un programme de recherche permettant :
- d’étudier les effets du jeûne des animaux sur les concentrations de chlordécone ;
- d’analyser la contamination différentielle entre les têtes et les queues qui pourraient être commercialisées (actuellement l’ensemble des animaux sont broyés en vue des analyses) ;
- et, surtout, de procéder à des expérimentations d’élevage sans contact avec les sols (élevage en cage, isolation du fond des bassins) qui sont le vecteur privilégié de la contamination. Vos rapporteurs demandent que les mesures d’indemnisation prévues dans le « plan chlordécone » pour les agriculteurs, puissent être étendues au milieu de la pêche et aux exploitants de fermes aquacoles.
ÉTABLIR DES RÉFÉRENTIELS D’IMPRÉGNATION SANGUINE POUR LES PROPOSER AUX POPULATIONS LES PLUS EXPOSÉES
A l’occasion des missions qu’ils ont menées sur place, vos rapporteurs ont constaté avec satisfaction la progression de l’action consacrée aux Jardins familiaux (JAFA).
Ce programme est destiné aux populations les plus exposées, c’est-à-dire pratiquant une forte autoconsommation, ou recourant à un approvisionnement dans des circuits courts, de légumes racines cultivés dans des sols fortement contaminés à la chlordécone.
Les deux Directions régionales de la Santé et du développement social sont assez avancées dans la réalisation des quatre volets de ce plan :
- un volet enquête qui mobilise une logistique importante car il s’agit de rencontrer les foyers situés en zone d’exposition potentielle pour identifier ceux d’entre eux qui sont menacés ;
- un volet nutrition pour fournir des recommandations (pas plus de deux consommations de légumes-racines par semaine, sans pour autant abandonner la consommation de légumes et de fruits) ;
- un volet soutien permettant à ces populations, généralement économiquement défavorisées, de se procurer des légumes et des fruits frais (épicerie humanitaire, reconversion des jardins familiaux) ;
- et un volet recherche destiné à identifier les bonnes pratiques culturales pour certains légumes (ex. : cultures sur bâches pour les cucurbitacées) et les modes de préparation culinaires de moindre risque (épluchage, cuisson qui limitent les expositions).
Le fait que la réalisation de ces programmes soit en bonne voie, n’élude pas un problème, celui de la communication de leurs résultats aux populations concernées.
Il serait souhaitable de proposer à ces populations des analyses sanguines (en début de programme puis, tous les ans ou tous les deux ans) afin de suivre objectivement les effets du programme des JAFA et de communiquer ces progrès aux populations.
Le problème est que l’on ne dispose pas de référentiels (hors les référentiels de toxicité aigüe établis aux Etats-Unis après l’incident Hopewell – 1 mg par litre de sang) autorisant à associer une imprégnation sanguine à la chlordécone à un état pathologique ou non pathologique.
Dans ces conditions, des résultats qui pourraient sembler satisfaisants (i.e. une baisse du taux de chlordécone) risqueraient d’aboutir à inquiéter les intéressés.
Vos rapporteurs pensent que des analyses de sang pour établir ce référenciel auraient déjà dû être réalisées et qu’un laboratoire des Antilles aurait dû pouvoir réaliser cette analyse qui est aujourd’hui effectuée à Liège (Belgique). Il semble donc souhaitable d’amorcer une démarche de recherche permettant d’asseoir un référentiel sanitaire des conséquences des imprégnations sanguines à la chlordécone et de pouvoir les proposer aux populations les plus exposées.
ACCENTUER LES ENCOURAGEMENTS AU PLAN « BANANE DURABLE » ET SOUTENIR LES BIOTECHNOLOGIES APPLIQUÉES À LA BANANE.
Encourager les recherches du CIRAD sur l’hybridation
On a souligné l’importance de l’économie bananière des îles qui est, après le tourisme, la seconde pourvoyeuse d’emplois privés : près de 15 000 emplois sont concernés.
Il s’agit donc d’un enjeu économique et social important.
Il a également été rappelé que la cercosporiose noire menace les Antilles. Cette bioagression exige des épandages aériens très fréquents pour être contenus (de l’ordre de 50 à 60 épandages par an contre la dizaine d’épandages actuellement effectués pour lutter contre la cercosporiose jaune moins virulente).
Le CIRAD mène actuellement une recherche d’hybridations résistantes à la cercosporiose noire mais répondant également à des critères de mise en culture et de commercialisation. Les délais expérimentaux de la mise au point du plant à sa commercialisation sont de l’ordre de 5 à 8 ans.
Or, il semble que si le CIRAD, qui travaille en étroite relation avec la profession, a les moyens de multiplier le nombre d’expérimentations d’hybridations (et de passer de la mise au point de 500 vitroplants hybrides par an à 1 500 par an), les financements manquent pour établir les démonstrations in situ qui sont nécessaires à la validation des vitro-plants hybridés dans des conditions agronomiques normales.
Il est donc primordial d’affecter rapidement les crédits nécessaires à cette action, faute de quoi, la survie des bananeraies antillaises paraît menacée, avec les conséquences économiques et sociales que l’on peut imaginer. Car l’abandon des soles bananières poserait de gros problèmes de reconversion agricole, puisque ces territoires sont parmi les plus pollués des îles.
Cet effort est principalement du ressort de l’Etat, mais il ne semble pas abusif à vos rapporteurs d’évoquer une participation de la profession, qui pourrait être assise sur un faible pourcentage des fonds européens (130 millions d’euros annuellement) qu’elle reçoit.
Cette participation devrait, à notre sens, aboutir à la création d’un centre technique de la culture de la banane, comme il en existe un à La Réunion pour la canne à sucre ou en métropole pour la plupart des filières agricoles.
s’interroger à l’échelle mondiale sur Le développement des biotechnologies appliquées à la banane
Les biotechnologies pourraient être une solution d’amélioration génétique de l’espèce. Et pourtant, l’un des constats de notre étude est que les programmes d’amélioration génétique de la banane sont insuffisamment développés dans le monde. Plusieurs interlocuteurs nous ont indiqué qu’il est peu probable que des variétés de bananes transformées génétiquement soient plantées dans les prochaines années. Si les recherches sont relativement actives dans des pays comme la Suisse, la Belgique, le Royaume Uni et les Etats-Unis, peu de cultures en plein champ ont été engagées aujourd’hui.
Du fait de sa reproduction asexuée, les bananiers cultivés reposent sur une base génétique étroite (20 cultivars pour la variété Cavendish), qui explique leur sensibilité aux bioagresseurs et peut les rendre très vulnérables aux mutations des ravageurs.
Les experts de la FAO sont conscients de ce problème.
Dans la mesure où la culture de la banane constitue à la fois une ressource alimentaire indispensable et une source précieuse de devises pour beaucoup de pays du Tiers Monde, le développement des biotechnologies appliquées à ce secteur pourrait devenir une urgence.
L’une des voies pour obtenir plus de variabilité génétique de l’espèce Musa (la banane), serait d’utiliser ces biotechnologies, et de mettre au point des variétés de bananes résistantes. Un réseau international pour l’amélioration de la banane et de la banane plantain (INABAP), finance des recherches dans plusieurs pays producteurs.
Les risques que feraient courir au consommateur l’introduction de gènes produisant des toxines permettant de lutter contre la cercosporiose ou encore contre les nématodes et les insectes, sont ténus, car ces toxines existent déjà dans la nature. Il faudrait toutefois engager des programmes de recherche pour vérifier l’innocuité de l’insertion éventuelle d’un gène produisant une toxine permettant de résister à la cercosporiose. Dans le cas de la banane, les risques pour l’environnement seraient insignifiants, puisque la reproduction sexuée n’existe pas.
Il convient, enfin, de mettre en place des systèmes culturaux permettant de réduire les intrants et améliorer l’introduction de bananes.
ORGANISER L’ACTION DES POUVOIRS PUBLICS EN VUE DE L’APRÈS 2010
POSER LE PRINCIPE DE LA POURSUITE DU « PLAN CHLORDÉCONE »
L’exécution du « plan chlordécone » est prévue sur les exercices 2008, 2009 et 2010. Mais, d’ores et déjà, l’échéance de réalisation de certaines de ses actions se situe au-delà.
Il en est ainsi de la cartographie détaillée de la pollution des sols, au titre de laquelle des analyses sont programmées jusqu’en 2013, des recherches épidémiologiques comme TIMOUN qui poursuivra l’étude de la cohorte des enfants jusqu’à l’âge de cinq ans ou des recherches sur le comportement environnemental de la molécule76.
Par ailleurs, l’ombre portée séculaire de la pollution des milieux naturels antillais par la chlordécone fait qu’il semble difficile de se contenter d’assurer la contention sanitaire de ses effets délétères et de stabiliser certaines de ses conséquences économiques dans le secteur agricole.
Il faudra donc que les pouvoirs publics prévoient le déploiement d’interventions, en particulier dans le domaine scientifique sur l’après 2010.
Etant précisé que la définition des axes de la poursuite du « plan chlordécone » ne pourra se faire qu’après un premier bilan, vos rapporteurs souhaitent, dès maintenant, la nécessité de mieux coordonner les projets des organismes de recherches.
Le « plan chlordécone » a eu l’intérêt de regrouper l’action d’une quinzaine d’organismes de recherches. Mais il n’a pas toujours fédéré cette action. Nous avons pu constater que les « chapelles de chercheurs » ne se sont pas suffisamment rapprochées sur ce sujet, chacun voulant préserver son pré-carré.
Si des collaborations efficaces (CIRAD-INRA CEMAGREF – le pôle de recherche agronomique de la Martinique en est un exemple –, INSERM-CHU de Pointe-à-Pitre) ont été mises en œuvre, d’autres instituts, comme l’IRD ou le BRGM, sont restés à l’écart de ce mouvement. La plateforme d’études des sols industriels pollués précitée pourrait, également, être utilement sollicitée.
C’est pourquoi vos rapporteurs estiment qu’il serait souhaitable de créer, dans la perspective de l’après 2010, un échelon de coordination de ces recherches, en particulier dans le domaine environnemental où les intervenants sont nombreux, mais pas toujours prêts à coopérer.
METTRE À NIVEAU L’ÉQUIPEMENT ENVIRONNEMENTAL DES DEUX ÎLES
LA DESTRUCTION DES DÉCHETS ULTIMES
Du fait de leur isolement géographique, d’une présence limitée de l’industrie et de la faiblesse relative de leur population (avec 422 000 et 381 000 habitants, la Guadeloupe et la Martinique se situent respectivement au 59e et au 60e rang français), les départements antillais ne bénéficient pas des installations de destruction des déchets ultimes dont bénéficient les départements métropolitains.
Sauf à estimer qu’il est rentable économiquement de transférer pour incinération ou pour stockage dans des décharges destinées aux déchets ultimes en métropole des produits particulièrement pondéreux, cette lacune devra être comblée.
Or, la destruction ou le stockage de ces déchets qui ne se pose pas pour les boues de filtrage de l’eau potable car ces résidus ont une teneur en polluants organiques persistants inférieure au seuil de 50 mg/kg fixé par la réglementation européenne, se posera lorsqu’il s’agira de détruire les métabolites de dégradation de la chlordécone – en cas de mise en œuvre de solutions de remédiation.
Vos rapporteurs estiment que les pouvoirs publics devraient mettre à l’étude l’implantation d’une installation pour déchets ultimes et/ou d’un four à incinération dans les départements antillais.
Ces équipements contrebalanceraient l’absence de continuité territoriale sur ce point.
Créer un groupement d’intérêt scientifique (GIS) entre les laboratoires antillais
C’est une des propositions de la mission d’appui menée en septembre 2008 sur les laboratoires antillais. La création d’un GIS permettrait à ces laboratoires de mener des coopérations scientifiques et de se regrouper en vue de répondre aux appels d’offres.
L’installation d’un pôle de toxicologie et d’écotoxicologie aux Antilles, consacré à la chlordécone et aux polluants organiques persistants
La mobilisation, aux Antilles, d’un nombre important de chercheurs sur les problèmes posés par la chlordécone et par les autres polluants organiques persistants, l’effort effectué par les autorités locales pour mettre à niveau leurs laboratoires peuvent constituer une occasion de créer dans les îles un pôle de compétitivité sur les problèmes des polluants organiques persistants.
Ce pôle pourrait, notamment, essaimer sur l’arc Caraïbes et sur l’Amérique Latine où les problèmes liés à ce type de pesticides sont émergents.
CORRIGER LA MISE EN œUVRE DES DISPOSITIONS DU « PAQUET HYGIÈNE »
Si on se réfère aux campagnes de surveillance et de contrôle des deux directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DRCCRF) et à la mesure de l’imprégnation sanguine de la cohorte de l’étude TIMOUN, les arrêtés préfectoraux de 2003, contraignant les agriculteurs à faire analyser leur sols avant toute mise en culture de légumes-racines ont été efficaces.
Mais ce système a vécu.
Il a été remplacé depuis le 4 juillet 2008 par la réglementation européenne dite « paquet hygiène ».
Au terme de cette réglementation, l’agriculteur (ou l’éleveur) est responsable de la sécurité des produits qu’il met sur le marché. A ce titre, il doit identifier les dangers représentés par les contraintes de cultures (présentes ou passées) et prendre toute mesure préventive pour pallier leurs effets.
Ces dispositions qui n’ont pas été édictées pour la seule chlordécone, mais pour l’ensemble des polluants microbiologiques, physiques ou chimiques, risquent de banaliser le risque chlordécone. Elles ne sont pas adaptées aux dispositifs d’alerte qui devraient être mis en œuvre dans le cas des polluants organiques persistants.
Elles peuvent avoir, également, pour conséquence le recours à des pratiques informelles (vente dans les circuits courts) et générer une méfiance des consommateurs pour les produits d’origine antillaise, alors que le faible degré d’autoapprovisionnement des îles pèse sur le coût de la vie.
Il sera donc nécessaire, à l’avenir, de corriger la mise en place de ce « paquet hygiène ».
Deux approches successives et une modification de la réglementation européenne pourraient être envisagées.
Dans un premier temps, il pourrait être utile d’accroître le nombre des analyses effectuées par la répression des fraudes et le service de protection des végétaux et d’améliorer, en collaboration avec les chambres d’agriculture, la traçabilité des produits agricoles. Sans se dissimuler, sur ce dernier point, que l’existence de filières « informelles » constitue une difficulté.
Au cas où l’on constaterait une résurgence du risque, certains proposent de gérer le risque chlordécone en termes de sol pollué.
Cela reviendrait à utiliser les progrès de la cartographie détaillée des sols pour opérer un classement des parcelles et des ilots de culture, qui serait inscrit à la conservation des hypothèques et conservé dans un système d’informations géographiques accessible à tous.
Ce classement permettrait, grâce à un croisement avec un référentiel sol-plante, d’informer les agriculteurs sur les cultures praticables.
Ce système, qui serait lourd à mettre en œuvre, présenterait, à l’opposé, l’intérêt de faciliter les contrôles de la pertinence sanitaire des mises en culture.
Enfin, une autre solution serait de modifier l’actuelle réglementation européenne, excluant du « paquet hygiène » les substances classées par un pays en situation d’alerte pour le consommateur. Ce pays pourrait alors prendre un décret d’alerte lui donnant par là même la possibilité de contraindre les agriculteurs à faire analyser leurs sols, dans le cas où ils pratiqueraient des cultures sensibles sur des zones à risque.
APPRÉCIER LE RISQUE « GLYPHOSATE »
Ce n’est pas un problème strictement antillais, mais c’est un problème qui peut avoir plus de conséquences aux Antilles, compte tenu de l’étroitesse des territoires considérés.
La réduction du panier de pesticides à la disposition des agriculteurs a eu pour conséquence la multiplication du recours à des pesticides plus généralistes, employés plus systématiquement et qui activent les biorésistances.
C’est le cas des spécialités à base de glyphosate dont les directions de l’environnement des deux départements observent la présence croissante (ainsi que celle associé de l’AMPA, son principal métabolite de dégradation) dans les eaux fluviales et patrimoniales.
Dans ce contexte, il serait utile qu’une étude soit lancée sur la présence, le comportement environnemental du glyphosate dans les eaux antillaises, ainsi que sur l’exposition alimentaire des populations à ce pesticide (sous réserve, naturellement, que l’étude de l’AFSSA, qui sera publiée en 2010, n’aborde pas ce dernier problème).
COORDONNER AU NIVEAU EUROPÉEN ET AU NIVEAU MONDIAL, L’IDENTIFICATION DES DANGERS ET L’ÉTABLISSEMENT DES VALEURS TOXICOLOGIQUES DE RÉFÉRENCE
Au niveau européen, il existe une contradiction entre les limites maximales de résidus (LMR) en vigueur depuis le 1er septembre 2008 (20 µg/kg de produit frais pour les produits importés (y compris en Guadeloupe et en Martinique) et 10 µg/kg de produits frais pour les produits cultivés sur le « territoire douanier » de l’Union et les limites de protection sanitaire.
Les limites européennes sont très rigoureuses et bien inférieures aux limites de sécurité alimentaire établies pour la chlordécone par l’AFSSA (50 µg/kg de produit frais).
Au demeurant, celle-ci consultée par la Direction générale de la Santé et la Direction générale de l’alimentation a rendu, en décembre 2007, un avis sur les nouvelles LMR européennes, en soulignant les éléments suivants :
« - En l’état actuel des connaissances et compte tenu des facteurs de sécurité utilisés à chaque étape de l’évaluation des risques, la consommation d’aliments contaminés au-delà de ces limites de gestion (20 µg/kg de produits frais) n’implique pas un risque pour la population antillaise tant que la contamination ne dépasse pas les seuils protecteurs estimés par l’AFSSA pour les denrées les plus contributrices.
- Un abaissement des teneurs maximales actuellement en vigueur ne permet pas, au regard des connaissances scientifiques, de réduire significativement le risque lié à une exposition alimentaire à la chlordécone dans la population antillaise. »
Vos rapporteurs estiment utile que les autorités françaises puissent demander, dans le cas de la chlordécone, une étude à l’Autorité européenne de sécurité des aliments pour confirmer la pertinence des nouvelles LMR introduites en septembre 2008, en particulier en fonction de la spécificité du régime alimentaire antillais.
Il existe des paradis fiscaux et des paradis éthiques.
Mais il existe aussi des paradis chimiques.
En principe, la coordination mondiale en matière de résidus des pesticides dans l’alimentation, s’effectue dans le cadre du codex alimentaire géré par la FAO et l’OMS.
Mais, bien souvent, cette coordination n’aboutit qu’à la prévalence des moins-disant sanitaires.
Vos rapporteurs estiment souhaitable qu’une réflexion internationale soit engagée, afin d’harmoniser, à l’échelle planétaire, les études sur l’identification des risques liés aux pesticides et la fixation des valeurs toxicologiques de la référence.
ADAPTER LA RÉGLEMENTATION SUR LES PESTICIDES AUX DONNÉES DE LA GÉOGRAPHIE ANTILLAISE SANS MINORER LES EXIGENCES DE LA PROTECTION SANITAIRE
Comme il l’a été souligné, les départements antillais sont des isolats géographiques au sein de l’Union européenne et des isolats juridiques et économiques au sein de l’aire Caraïbes.
Les règles européennes en matière de pesticides définies pour la Beauce ou le Limbourg s’appliquent donc à des ensembles géographiques où la lutte contre les bioagresseurs, dont la multiplication est favorisée par la pluviométrie et par la chaleur, ne peut pas être totalement identique à celle menée en climat tempéré ou continental.
Cela ne signifie pas que les Antilles doivent rester à l’écart de l’effort de réduction de l’emploi des pesticides mis en œuvre par la réglementation européenne et par le « plan Eco-phyto 2018 ».
Mais cela signifie que chaque fois que des degrés de souplesse ou des mesures transitoires ou partiellement dérogatoires justifiées par la situation des îles sont envisageables, ils devront être mises en œuvre.
Cela permettrait, aussi, d’éviter certains effets pervers de la réglementation.
Par exemple, s’il est souhaitable d’atteindre l’objectif d’interdiction des épandages aériens, il ne faudrait pas aboutir, en l’absence d’autres solutions techniques, à ce que cette interdiction ait pour résultat l’usage de canons, dont le moindre degré de présence, aboutirait à employer deux fois plus de pesticides. Vos rapporteurs sont donc en accord avec la formulation actuelle du Grenelle de l’Environnement qui interdit en principe l’épandage aérien et donne la possibilité de dérogations dans des conditions d’application très strictes.
Lors de sa réunion du 23 juin 2009, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté, à l’unanimité des membres présents, les conclusions des rapporteurs et leurs propositions vis-à-vis des « impacts de l’utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d’évolution ».
annexe I - Identité chimique et
propriétés physico-chimiques de la chlordécone
ANNEXE II – LE PLAN CHLORDECONE
Annexe III – documents relatifs
aux travaux du Pr. BELPOMME
LES OBSERVATIONS DES CHERCHEURS SUR LE RAPPORT PRÉSENTÉ EN JUILLET 2007
Lettre au Directeur général de la Santé, du 16 août 2007
(cf. documents envoyés par le Dr. Luc Multigner, Inserm U625, de l’Université de Rennes, le 20 février 2008)
ARTICLE PUBLIÉ DANS L’« INTERNATIONAL JOURNAL OF ONCOLOGY »
LES OBSERVATIONS SUR L’ARTICLE PUBLIÉ DANS L’« INTERNATIONAL JOURNAL OF ONCOLOGY »
ANNEXE IV - LE REFUS DU PR. BELPOMME D’INFORMER
LA REPRÉSENTATION NATIONALE
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Le refus du Pr. Belpomme d’apporter sa contribution aux travaux de la représentation nationale est doublement surprenant :
- en plus de 20 ans d’existence de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, les chercheurs ont toujours apporté leur concours à ses rapporteurs,
- au-delà même, vos rapporteurs n’ont pas trouvé de précédent d’un agent public, rémunéré sur des fonds publics, fût-il professeur hospitalo-universitaire, qui ait refusé d’être entendu par le Parlement.
ANNEXE V – COMPTE RENDU DE LA MISSION DE
M. JEAN-YVES LE DÉAUT EN ÉQUATEUR
Cette mission en Equateur avait pour seul but de comparer les moyens mis en œuvre pour lutter contre les agents pathogènes, dans le premier pays exportateur de bananes, l’Equateur, et ceux utilisés aux Antilles Françaises. Il n’y avait bien sûr aucune volonté de montrer du doigt des pratiques culturales différentes, notamment en ce qui concerne l’utilisation des produits phytosanitaires, mais mieux comprendre comment un autre pays avait appréhendé les difficiles questions de lutte chimique contre les ravageurs, contre les maladies, ainsi que celles concernant l’amélioration et la sélection végétales.
La mission a apporté de très intéressants renseignements sur l’utilisation des pesticides, insecticides, nématicides, ou herbicides, de 1970 à nos jours. Elle a aussi permis de voir comment ce pays qui est le premier exportateur de bananes au monde, et qui a été critiqué, il y a quelques années, a mis en place, à l’initiative de la Coopération Equatorienne pour la Promotion des Exportations et des Investissements (CORPEI), un plan de promotion social chez les travailleurs dans le secteur de la banane et s’est attaqué au travail des enfants dans les plantations de bananeraies.
L’Equateur, le pays de la banane
La banane fait vivre deux millions de personnes dans un pays qui compte 14 millions d’habitants et où le taux de chômage était de 9,8 % en 2007. La banane est une des productions les plus importantes de l’Equateur, puisque 160 000 hectares sont cultivés dans environ 6 000 propriétés. Il faut comparer ce chiffre au 200 000 hectares de cacao, avec 88 000 producteurs, 450 000 hectares de riz avec 380 000 producteurs, de 80 000 hectares de plantain avec 75 000 producteurs, et 100 000 hectares de cannes à sucre avec 500 producteurs. Sur ces 6 000 propriétés, 30 producteurs représentent 80 % des exportations. Face aux problèmes d’environnement qui se généralisent au niveau mondial, les producteurs de bananes qualifient leur produit de bananes propres. « On a jamais eu de rejet des pays qui importent nos bananes », ce qui signifie qu’il n’y a pas de résidus dans nos produits déclare M. LEDESMA, Directeur exécutif de l’Association des Exploitants de Bananes d’Equateur, l’AEBE, Le problème est sans doute plus compliqué car si l’on prend l’exemple de la chlordécone, on n’a jamais trouvé de résidus de la chlordécone dans les bananes, mais dans d’autres produits cultivés dans des zones d’anciennes bananeraies.
La banane est à la fois un produit d’exportation et constitue avec l’industrie laitière, les fleurs et l’horticulture une des activités qui procure un revenu annuel aux petits exploitants. En dehors de ces 160 000 hectares enregistrés par le gouvernement, il y a au moins 60 000 hectares de cultures de bananes non déclarées qui sont cultivés pour les marchés locaux ou pour l’autoconsommation. 90 % de ces 160 000 hectares de cultures de bananes enregistrées appartiennent à de petites et moyennes exploitations avec des surfaces de 10 à 50 hectares.
La production se concentre dans les trois provinces côtières situées autour de Guayaquil, celles de Guayas, d’El Oro et de Los Rios.
Le climat de l’Equateur se caractérise par une très grande variation climatique entre une saison des pluies, de janvier à avril ou mai, suivi d’une longue saison sèche qui s’étend de mai à fin décembre. Ce climat s’explique notamment par la présence d’un courant froid dit d’Humboldt venant de l’Antarctique ainsi que d’un courant chaud du Pacifique. De ce fait, les plantations de banane d’Equateur sont moins sensibles aux parasites qu’en Amérique Centrale. Il y a une parfaite corrélation entre la courbe des pluies et l’infestation de la cercosporiose noire. Alors que les bananeraies du Costa Rica sont arrosées par 4 mètres d’eau par an, celles d’Equateur n’en reçoivent que 2,3 à 2,5 mètres mais concentrés sur 4 mois. Les années sèches, une dizaine d’épandages de pesticides par an suffisent quand dans les années humides les exploitants de bananeraies peuvent aller jusqu’à 28 épandages. Au Costa Rica on estime qu’il faut au moins 56 épandages par an. Il faut comparer ces chiffres avec les 7 à 8 épandages qui sont opérés aux Antilles. Toutes ces applications de produits phytosanitaires se font par voie aérienne. Pour assurer le développement de la banane pendant la saison sèche, quelques plantations sont dotées de réseaux d’irrigation et de drainage et de tours d’arrosage pour irriguer les plantations. Les installations les plus modernes se sont équipées de câbles de traction pour transporter les régimes de bananes. Les plantations subsistent pendant cette saison sèche, grâce à l’aspersion sous foliaire et à l’arrosage à la goutte.
Interdiction des organochlorés comme pesticides ou insecticides
Le directeur exécutif de l’agence pour la sécurité alimentaire, le docteur F. JACOMÉ, nous a indiqué que l’agence qu’il dirige a aujourd’hui interdit l’utilisation de la chlordécone dès 1992.
Ø La chlordécone a été interdite en 1992
Certaines sources nous avaient indiqué que des pays d’Amérique du Sud avaient continué à utiliser la chlordécone et un certain nombre d’autres pesticides bien après l’interdiction française de 1990, qui s’est d’ailleurs prolongée par des dérogations jusqu’en 1993. Or, le vice-ministre de l’agriculture nous a fourni la copie du Journal Officiel Equatorien du 12 novembre 1992, « prohibant la fabrication, la commercialisation et l’utilisation de plusieurs organochlorés et notamment du DDT, de la chlordécone, (chlordano en espagnol) mais aussi de la dieldrine, de l’aldrine et du camphechlore (Toxaphène), ainsi que d’autres pesticides. La période d’interdiction a été quasiment la même qu’aux Antilles Françaises, puisque la chlordécone a pu être utilisée jusqu’en 1992 également.
Même si ce produit a vraisemblablement peu été utilisé en Equateur, aucun organisme officiel n’a pu nous renseigner pour savoir quelle était l’origine du « chlordano » vendu en Equateur de 1975 à 1992. Il faut rappeler que les Américains, après l’accident d’Allied Chemical Co, avaient interdit la vente de ce produit sur tout le territoire des Etats-Unis.
Le produit breveté aux Etats-Unis en 1952, qui a été commercialisé sous le nom de Kepone et a été fabriqué à partir de 1974 par la firme Allied Chemical Co, à Hopewell en Virginie. Mais, dès juillet 1975, la fabrication a été interrompue, car des défaillances graves de sécurité sur les chaînes de production ont entraîné une pollution aux abords de l’usine et des effets toxiques pour les ouvriers et les riverains.
Ø La chlordécone a été peu utilisée en Amérique du Sud ou en Amérique Centrale
Nous voulions savoir si la chlordécone a été très largement utilisée en Amérique Centrale et en Amérique Latine, après 1975. Plusieurs rapports indiquent que ces pays n’utilisaient que subsidiairement la lutte chimique contre le charançon de la banane (cosmopolites sordidus) et notre mission, comme les documents anciens que j’ai pu consulter, montrent qu’il n’y a sans doute pas eu d’utilisation généralisée de ce produit dans les plantations commerciales de bananes, que ce soit avant 1975 ou plus tard. En 1960, un rapport de mission d’A. VILLARDELO, sur les insectes et les nématodes dans les bananeraies en Equateur, conclut que la « diéldrine est manifestement le meilleur insecticide de lutte contre le charançon du bananier ». La priorité en Amérique Centrale est bien sûr, et nous avons pu le constater, la lutte contre la cercosporiose noire (Sigatoka Negra) qui constitue un danger permanent pour les bananeraies. M. Henri VANNIERE, chercheur au CIRAD à Montpellier, a fait pour notre mission, les bilans des sources d’information dont il disposait pour les pays producteurs de bananes en Amérique Latine.
Concernant l’Amérique Centrale et Latine, il existe peu de sources d’information. Une brochure d’Allied Chemical Co, non datée, mais probablement de la période 1970-1974, distribuée au Cameroun, fait état des bons résultats expérimentaux obtenus avec le Kepone au Panama pour contrôler chimiquement le charançon du bananier. On n’évoque pas d’usage généralisé de ce produit dans les plantations commerciales.
A la fin des années 1960, plusieurs agronomes de l’IFAC ont réalisé des missions dans plusieurs pays d’Amérique Centrale et en Equateur pour prendre contact avec la profession bananière et visiter des plantations. Les rapports de mission font très brièvement état de la problématique « lutte chimique contre le charançon du bananier » et des techniques utilisés dans ces pays.
Février 1968, mission au Honduras, au Costa Rica et au Panama, extraits de quelques lignes du rapport :
« Cosmopolites sordidus » intérêt secondaire de ce problème : les plantations ne sont qu’exceptionnellement traitées avec du Kepone à 5 % à raison de 2 onces par plant, soit 56 g. Il est vraisemblable que le problème du charançon se propagera quand les plantations seront reconverties en bananes Cavendish ».
Juillet 1969, mission au Panama et Honduras sur les plantations de United Fruit Co. Le rapport décrit des méthodes préventives de limitation des infestations de parasites telluriques, principalement les nématodes, mais aussi les charançons. Le matériel végétal pour les nouvelles plantations provient de pépinières spécialement gérées pour limiter le transfert des bio-agresseurs.
Dans les bananeraies, le contrôle du charançon ne concernerait que les plantations de 6 ans ou plus. Si les traitements s’avèrent nécessaires, ils ne concernent qu’un nombre restreint de plants. Le Kepone était utilisé à la dose de 55,67 g./pied.
Juillet 1969, mission en Equateur
Premier pays exportateur de bananes, l’Equateur ne subit pas la main mise des grandes compagnies nord américaines. Le charançon était contrôlé chimiquement en utilisant du Terracur. Le Kepone ne semblait pas être utilisé, ni même connu des producteurs jusqu’en cette fin des années 1960. Le Kepone donne pourtant de meilleurs résultats que le Terracur. Le Kepone ne semblait pas être utilisé, ni même connu des producteurs jusqu’en cette fin des années 1960. Le Kepone donnant de meilleurs résultats que le Terracur dans les expérimentations, il commencera à être recommandé à partir de 1969 par l’Institute Franco Equatoriano de Investigaciones Agronomicas (IFEIFA). Il n’y a pas de commentaire sur la sévérité des attaques du charançon et l’importance de la lutte chimique en général.
1968-1970, Extraits du rapport d’activité pathologie entomologie au Nicaragua de M. Guyen (agent de l’IFAC affecté temporairement dans ce pays).
« De nombreux produits chimiques sont utilisés ou en cours d’expérimentation : HCH, chordane, heptachler, dieldrine, Aldrine, Kepone, Terracur, Trichloronate (agritox),… Le Kepone s’emploie à la dose de 28,35 g./plant, 2 fois par an.
J’ai également pu consulter, chez M. Sergio SEMINARIO, ancien ministre de l’agriculture, le rapport de mission au Costa Rica de M. A. LASSOUDIERE en 1995. Il confirme que « les attaques de charançons sont peu importantes, et les populations sont plus ou moins bien contrôlées par les pesticides utilisés contre les nématodes, le Counter, par exemple, un organophosphate, dont le nom commun est le terbufos, freine l’extension de l’insecte, mais ne la supprime pas). Tous nos interlocuteurs nous ont indiqué qu’il y a eu de faibles applications de produits organochlorés dans les périodes des années 70 ou 80. Le charançon du bananier était moins développé que dans d’autres régions, notamment parce que la saison sèche était importante et également parce que les sols étaient débarrassés des déchets des bananes après la coupe du régime. On a en effet pu constater que les sols relativement nus aux pieds des bananeraies.
En résumé, M. LEDESMA, directeur de l’Association d’Exportation des Bananes d’Equateur, l’AEBE, a confirmé les propos précédents : « Il y a plus de 15 ans que nous n’avons plus utilisé la chlordécone, car l’Equateur n’a jamais eu d’attaques fortes d’insectes ». Le chlordano ne semble pas avoir été appliqué dans les pays d’Amérique du Sud avant 1970 et il n’a sans doute été appliqué que sur un nombre restreint de plants après 1970. Le vice-ministre de l’Equateur, M. CEVALLOS s’est toutefois disposé à procéder à des analyses de terre, en collaboration avec des laboratoires français. La mission n’a toutefois pas permis de savoir qui a fourni la molécule en Amérique Centrale et en Amérique Latine après l’arrêt de la fabrication à Hopewell.
Ø La chlordécone a continué à être vendue
Certains interlocuteurs équatoriens nous ont cependant indiqué que beaucoup de produits interdits aux Etats-Unis ont continué à être produits pour l’exportation. Ils ont notamment cité l’exemple du bromure de méthyle, un produit de fumigation efficace pour lutter les agents pathogènes et les ravageurs.
La consultation du « Farm Chemical Handbook » de 1992, édité par la société Meister publishing Compagny à Willoughby dans l’Ohio, montre que la chlordécone est toujours référencée au catalogue sous le nom de Kenone, qu’il est classé comme produit toxique de classe II, avec une dose létale à 50 % de 114 à 140 mg chez le rat et qu’il est hautement toxique pour les poissons. Le niveau maximum de contamination dans l’eau, fixé par l’Environnemental Protection Agency (EPA) au 30/07/1992, était de 2 microgrammes par litre. Il paraît étonnant que ce produit ait continué à être référencé au catalogue 16 ans après son interdiction aux Etats-Unis, s’il n’était plus vendu à l’exportation.
Il est donc tout-à-fait possible que le Brésil, qui fournissait la molécule de chlordécone en France avant sa formulation, pour fabriquer le Curlone, (qui a succédé au Képone) ait également exporté cette molécule dans d’autres pays d’Amérique Latine.
Ø On n’a jamais cherché à savoir s’il restait des résidus de chlordécone en Equateur
La meilleure façon de savoir si le Képone a été utilisé serait de procéder à des analyses de sols et mon séjour dans les provinces productrices de bananes m’a montré, que pendant la saison des pluies, des inondations frappent les bananeraies et qu’après celles-ci les eaux se retirent dans des zones plus basses marécageuses où les paysans cultivent souvent du riz. Les prélèvements de ces zones montreraient assez facilement si les sols ont été ou non contaminés et si la nature des sols a piégé la molécule comme dans les andosols en Guadeloupe ou en Martinique. Il est intéressant de constater qu’on n’ait procédé à aucun prélèvement et à aucune analyse en Equateur, ce qui semble être le cas de toute l’Amérique du Sud et de l’Amérique Centrale. Le directeur de l’Institut National Autonome de Recherche Agronomique de l’Equateur (INIAP), M. DELGADO a toutefois déclaré « on a fait des contrôles, mais on n’a pas trouvé de résultat » sur des prélèvements des produits dans la province d’El Oro. Il ne nous a cependant pas indiqué de quel pesticide il s’agissait et ne nous a pas fourni la teneur des résultats. Il semble que des résidus de DDT aient été détectés.
Le Docteur Francisco JACOME, directeur exécutif de l’Agence pour le Contrôle de la Sécurité Alimentaire, indique que « comme le produit est interdit, aucune norme n’a été fixée » et il n’y a donc pas eu d’analyse dans la mesure où le produit phytosanitaire n’était plus en vente. Cette position est à rapprocher de celle de la FAO qui nous a indiqué, à Rome, que dans la mesure où le produit avait été interdit au niveau international, il n’y avait pas lieu de s’en préoccuper. Or, les analyses aux Antilles ont montré que la rémanence de ce produit nécessitait, au contraire, une surveillance continue et une toxicovigilance pour vérifier que ce composé organochloré ne se transmettait pas à partir des sols dans d’autres produits végétaux, animaux ou encore dans l’eau.
M. JACOME s’est montré très coopératif sur cette question et a affirmé qu’il était prêt à envoyer, pour les analyser en France, des échantillons et qu’il était tout-à-fait favorable à ce que les laboratoires français et équatoriens coopèrent sur cette question de la détection de résidus de pesticides dans les aliments, dans l’eau ou dans les sols. Cette question est d’autant plus pertinente que Monsieur CEVALOS, Vice-Ministre de l’Agriculture, nous a indiqué que les zones de cultures de bananes étaient aujourd’hui excédentaires et que certaines surfaces avaient été reconverties dans l’élevage.
Ø Les normes sur les résidus de pesticides devraient être fixées au niveau international
Monsieur JACOMÉ nous a également indiqué que l’Equateur respectait les accords et les normes du pays l’Equateur, de la communauté Andine (Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie), ainsi que les normes internationales de l’OMC et de la FAO. Le vice-ministre a d’ailleurs indiqué qu’il ne comprenait pas les divergences entre les normes internationales prévues dans le Codex Alimentaire sur certains produits et les normes de l’Union Européenne qui étaient souvent plus sévères. Il pensait qu’une harmonisation internationale devait s’appliquer à tous les pays. Les produits équatoriens respectaient bien sûr les normes des pays où il voulait les exporter, notamment vers les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Russie et l’Amérique Latine, mais que cela devenait compliqué si ces normes n’étaient pas harmonisées. Le vice-ministre de l’agriculture a émis le souhait que ces normes soient fixées au niveau international et respectées au niveau européen qui fixe des niveaux maximums plus sévères que ceux de l’OMC ou du Codex alimentaire. Le Docteur JACOPE a cité l’exemple de l’Ethathon, un produit phytosanataire utilisé dans la culture de l’ananas, dont le seuil de présence a été fixé par le Codex alimentaire à deux parties par millions (ppm) alors que les normes retenues par l’Union Européennes sont de 0,5 ppm.
Le développement des biotechnologies en Equateur
M. LEDESMA, directeur exécutif de l’AEBE, nous a déclaré « qu’on parviendra, sans doute, par la génétique à obtenir des bananes résistantes à la cercosporiose. Ce sera, par contre, difficile d’y parvenir et notamment pour la banane Cavendish, car c’est un triploïde, qu’elle a peu de pollen et que la reproduction sexuée est très difficile». Du fait de la reproduction asexuée, la banane ne comprend qu’un nombre limité de variétés disponibles. Cette faible réserve de ressources génétiques explique sa sensibilité aux ravageurs et aux maladies. L’une des voies, pour obtenir plus de variabilité génétique de l’espèce Musa (la banane), serait d’utiliser les biotechnologies, et de mettre au point des variétés de bananes résistantes. Un réseau international pour l’amélioration de la banane et de la banane plantain (INABAP), finance des recherches dans plusieurs pays producteurs. Les risques que feraient courir au consommateur l’introduction de gènes produisant des toxines permettant de lutter contre la cercosporiose ou encore contre les nématodes et les insectes, sont ténus, car cette toxine existe déjà dans la nature. Il faudrait toutefois engager des programmes de recherche pour vérifier l’innocuité de l’insertion éventuelle d’un gène produisant une toxine permettant de résister à la cercosporiose. Dans le cas de la banane, les risques pour l’environnement sont insignifiants, puisque la reproduction sexuée n’existe pas.
Les biotechnologies pourraient donc être une solution d’amélioration génétique de l’espèce. Et pourtant, l’un des constats de notre étude est que les programmes d’amélioration génétique de la banane sont inexistants en Equateur, et insuffisamment développés dans le monde. Plusieurs interlocuteurs nous ont indiqué qu’il est peu probable que des variétés de bananes transformées génétiquement soient plantées dans les prochaines années. Si les recherches sont relativement actives dans des pays comme la Suisse, la Belgique et les Etats-Unis, aucune expérimentation en plein champ n’a vraisemblablement été mise en place dans le monde. « Les écologistes sont des fondamentalistes », a même déclaré un de nos interlocuteurs, qui poursuit en disant que la plus grande aberration est que l’on interdise toute culture transgénique alors que dans les supermarchés, les huiles végétales provenant de plantes génétiquement modifiées « viennent des Etats-Unis ou d’Argentine ».
En outre, il faut signaler que depuis l’accession au pouvoir du Président CORREA, qui vient d’être réélu en avril 2009, l’Equateur a choisi de ne pas s’engager dans la voie transgénique et ce pays a même inscrit, en 2008, cette clause dans la constitution. Cette stratégie qui est d’ailleurs largement contestée par la profession et même par les fonctionnaires du ministère de l’agriculture qui n’écartent pas « que des plantes transgéniques sont introduites par contrebande ». La critique principale est que le texte constitutionnel ait confondu biotechnologie et transgénèse, car tous les professionnels considèrent que les biotechnologies ont permis des avancées majeures et que l’Equateur, qui mise trop sur les seuls épandages de produits chimiques, alors que d’autres solutions utilisant les biotechnologies pourraient être trouvées.
Les vitroplants sont encore peu développés en Equateur, alors qu’ils permettent d’éviter, après plantation, l’infestation par des parasites. Le bananier est certes une culture pérenne, car il n’y a pas de replantation ni de travail de sol, mais quand les plantations vieillissent, le nombre de plants par hectare diminue si l’œilletonnage est mal fait. On peut penser qu’une rotation des cultures pourrait augmenter les rendements. Les techniques de propagation in vitro, réalisé après cultures de cellules et transfert de plants dans des pépinières afin qu’ils s’acclimatent, permettent d’améliorer les rendements pendant les 3 ou 4 premières récoltes. Les vitroplants ont l’avantage d’augmenter la densité de plants dans les bananeraies. Alors que les rendements moyens atteignent 27 tonnes par hectare en Equateur, les rendements des plantations à partir de vitroplants, plus vigoureux, peuvent atteindre jusqu’à 100 tonnes par hectares. Dans les bananeraies visitées, j’ai pu constater peu de solutions techniques nouvelles. Et même si tous les interlocuteurs considèrent qu’il est nécessaire de rechercher des hybrides tolérants ou résistants aux principaux ravageurs, cela ne semble pas la préoccupation actuelle des exploitants et des autorités équatoriennes.
L’Equateur a compris qu’il pouvait y avoir possibilité de faire fructifier les niches d’exportation, dans le domaine de l’agriculture biologique ou du commerce équitable. Le vice-ministre de l’agriculture nous a assuré que le gouvernement actuel faisait tout pour que l’agriculture soit respectueuse de l’environnement et qu’il souhaitait que la lutte biologique ainsi que des produits biologiques soient plus utilisés. Son objectif principal est de préserver la biodiversité et les variétés génétiques.
A l’inverse de l’Equateur, les Antilles ont mis en place des systèmes de cultures permettant de réduire les intrants et d’améliorer la production de bananes.
Le problème le plus aigu : la cercosporiose noire
Détectée dans les années 1970, dans les Iles Fidji, la cercosporiose noire a été localisée en Equateur depuis 1987. Cette maladie est devenue maintenant endémique. C’est le problème pathologique le plus important, et cela nous a été confirmé par Monsieur Tarcisio MOSQUERA, superintendant de la division agricole de Bonita, dépendant de la corporation Noboa, qui exploite 1 000 hectares dans la région de Los Rios. Elle est provoquée par le champignon Mycosphaerella fijensis MORELET, qui affecte la croissance du bananier, en diminuant l’assimilation par la photosynthèse, réduisant de ce fait la taille du fruit. Elle est influencée par la pluie et on voit très clairement la courbe du développement de la maladie lors des mois de janvier et de février, avec une baisse au cours des mois d’avril ou de mai.
Chaque année, en fonction de la pluie et de l’infestation, un programme de traitement est élaboré en octobre pour l’année suivante. Les produits chimiques sont sélectionnés, essayés et utilisés suivant les normes équatoriennes, mais aussi américaines, européennes ou japonaises puisque l’Equateur veut avant tout satisfaire aux conditions exigées par ses clients.
Dans la mesure où 95 à 98 % de la banane produite chez Noboa est réservée à l’exportation, seuls les produits autorisés sont aujourd’hui utilisés et un organisme, le FRAL donne son avis sur les traitements qu’il convient d’appliquer. Le groupe « banane » de cet organisme, dont fait partie Monsieur MOSQUERA, étudie également l’apparition des résistances. Il m’a fourni la copie du plan d’action chimique, semaine par semaine, pour 2009. Les organochlorés ont, d’après lui, été très peu utilisés avant 1992. Ils utilisent actuellement du triazole, au maximum 8 fois, de la stobilurine, au maximum 3 fois, des amines, au maximum 15 fois, et du pyriméthane, au maximum 6 fois. Ils utilisent également des huiles végétales pour lutter contre les cochenilles.
Il nous a enfin assuré, que lors du traitement, aucune personne n’était présente sur l’exploitation et que les avions étaient équipés de GPS pour l’aspersion. Les règlements imposent de ne pas procéder à l’aspersion de produits phytosanitaires à moins de 100 mètres de toutes rivières ou de tout point d’eau. Je ne suis pas persuadé que cette réglementation soit totalement respectée ; l’épandage aérien pose une réelle question pour l’environnement. Celle-ci doit à mon sens, être traitée au niveau international, car il est évident que si l’Union Européenne prenait des dispositions unilatérales, cela entraînerait de graves distorsions de concurrence entre les Antilles, les Canaries d’une part et les pays de l’Amérique Centrale et Latine de l’autre. Ils ne font pas de traitement à l’heure du déjeuner et seulement de 6 h à 9 h du matin quand l’humidité est supérieure à 60 %, avec un maximum de température de 28 °C ou 29 °C. Le coût des traitements est relativement élevé puisqu’il évalue ces traitements à 1 000 à 1 500 $ par an et par hectare. Les petits producteurs ne peuvent pas se permettent de payer le coût de ces traitements. En dehors de ces traitements contre ces parasites, ils utilisent des herbicides et notamment du glyphosate.
M. MOSQUERA, ainsi que M. GUTTIERRIEZ de la firme Dole, nous ont assuré que des contrôles médicaux fréquents étaient effectués et notamment un dosage de la cholinestérase. Je lui ai fait remarquer que la cholinestérase n’était pas forcément adaptée à la détection de l’action de tous les pesticides, car elle détectait surtout les organophosphorés et les nématicides. Même si des progrès ont été effectués depuis 5 ans, je pense qu’il est très important de contrôler la présence de pesticides dans le sang des travailleurs des bananeraies et de la population environnante. Ces tests devraient également bien sûr être faits pour des productions végétales destinées à la consommation et dans l’eau et les rivières.
Deux améliorations, comme l’intercalage de manchons en plastique qui sépare les mains de chaque régime, isole les fruits abîmés ont contribué au ralentissement de la prolifération du champignon, en modifiant l’environnement du fruit lors de sa maturation.
L’image de marque de l’Equateur en jeu : l’amélioration des conditions de travail
Enfin, Madame Antonieta REYES et Mlle Patricia BEDOYA nous ont détaillé les actions mises en place par le forum social de la banane depuis 2003, après les critiques appuyées contre l’Equateur, de certaines organisations humanitaires, et notamment Human Rights Watch qui a affirmé en 2002, que les droits fondamentaux du travail ne sont pas reconnus dans les plantations équatoriennes. Ce rapport indiquait que les ouvriers agricoles y perçoivent les plus bas salaires des pays exportateurs de bananes en Amérique Latine, que 30 000 enfants travaillent dans les bananeraies et que les femmes sont victimes de discriminations. L’Equateur a compris l’intérêt de soigner son image internationale et le nouveau gouvernement du Président CORREA a compris qu’une mauvaise image de marque pouvait entraver son développement économique. La CORPEI a donc pris le taureau par les cornes et les résultats du forum social de la banane sont déjà importants. Suivant les sources, les salaires moyens dans les bananeraies seraient compris entre 280 et 400 dollars alors que le salaire minimum national est de 230 $ par mois. Ces salaires sont bien sûr encore très inférieurs aux 600 $ perçus au Panama et au 300 ou 400 $ perçus au Honduras. Les salaires moyens dans les bananeraies ont été multipliés par 5 en huit ans.
Le programme du forum social de la banane avait pour objectif d’éliminer le travail des enfants et d’élever le niveau de vie des travailleurs, notamment en impliquant les femmes dans ces projets. Les résultats sont marquants. Il y avait environ 30 000 enfants qui travaillaient dans les bananeraies, il y a 5 ou 6 ans. Il y en a aujourd’hui 35 % de moins. Le secteur de la banane est sans doute l’arbre qui cache la forêt, car certains interlocuteurs nous ont indiqué qu’un million d’enfants de plus de 15 ans, travaillaient dans d’autres secteurs de l’activité économique et notamment dans les rizières ou dans les mines.
Je pense que cette amélioration est à souligner et que l’Equateur, comme d’autres pays, doivent évaluer l’impact des systèmes actuels de production sur leur environnement et améliorer encore la situation des travailleurs peu qualifiés.
Conclusion
Cette mission nous a permis de constater que l’Equateur, pays exportateur de bananes, a comme principal objectif de respecter la réglementation internationale, dans les domaines sanitaires, environnementaux, et sociaux car cela fait partie de son image. Nous voulions vérifier si les planteurs de bananes avaient massivement utilisé la chlordécone pour lutter contre les ravageurs. Il est vraisemblable que les quantités de chlordécone utilisées en Equateur aient été modérées. Nous avons constaté que celle-ci a été interdite à la même période qu’aux Antilles (1992). Néanmoins, j’ai pu constater qu’aucune recherche de la présence rémanente de cet organochloré n’a été faite dans les sols. Le problème reste donc entier. Ma visite conforte notre position. Il faudrait que la FAO demande à tous les pays qui ont utilisé cet organochloré, pour lutter contre le charançon du bananier ou pour d’autres usages, de procéder à des analyses de sols afin de vérifier que ce produit chimique ne se transfère pas dans des productions agricoles. En Equateur, la lutte chimique reste privilégiée pour la lutte contre les ravageurs, par rapport à l’utilisation des biotechnologies, c’est à mon sens la voie d’utilisation des biotechnologies que devraient privilégier les Antilles pour tenir compte des engagements pris dans le Grenelle de l’environnement, tout en améliorant la qualité gustative et sanitaire de la productivité.
ANNEXE VI – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES
DÉPUTÉS ET SÉNATEURS DES ANTILLES
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Pour la Guadeloupe : |
M. Jacques Gillot, sénateur |
M. Victorien Lurel, député | ||
Mme Jeanny Marc, députée | ||
M. Daniel Marsin, sénateur |
- |
Pour la Martinique : |
M. Serge Larcher, sénateur |
M. Serge Letchimy, député | ||
M. Claude Lise, sénateur |
• Mme Nicole Baran, Gestion de la ressource et impacts environnementaux, du service EAU – BRGM (Orléans)
• M. Eric Barbedette, président – Arysta LifeScience, Europe, Afrique, Moyen-Orient
• M. Pascal Berteaud, directeur de l’eau – Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables
• M. Jean-Charles Bocquet, directeur général – Union des industries de la protection des plantes (UIPP)
• M. Olivier Briand – Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET)
• M. Pierre Caumette – Université d'Ecologie Moléculaire-Microbiologie
• M. Claude Cedou, président – Union professionnelle de la dépollution des sites
• M. Patrick Chaussepied, coordinateur du Département « Biologie-Santé » – Agence national de la recherche (ANR)
• M. François Cote, Directeur de recherche "Systèmes de culture banane"
• M. William Dab, professeur titulaire d’une chaire “hygiène et sécurité – Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
• Mme Dominique Darmendrail, conseillère de la Direction générale – BRGM (Orléans)
• M. Olivier Degenmann, chef du département de l’agriculture et de la pêche – Ministère de l’Outre-Mer
• M. Jean-Charles Desforges, Ingénieur développement – SYNGETA Agro SAS
• M. Bernard Dreyfus, Directeur – Institut de recherche pour le développement (IRD), Département ressources vivantes
• M. Philippe Fourgeaud, inspecteur général de la santé publique vétérinaire – Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, Ministère de l'agriculture et de la pêche
• M. Pierrick Givone, directeur scientifique adjoint – CEMAGREF
• M. Eric Godard, coordinateur interrégional du « plan chlordécone » aux Antilles
• Dr Daniel Guiral, Directeur de recherche IRD – IMEP (UMR CNRS-IRD), Equipe Ecologie Microbienne et Biotechnologies
• M. Didier Houssin, Directeur général de la Santé
• M. Philippe Hubert, Directeur – Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), Direction des risques chroniques
• M. Frank Karg, Géologue/Géochimiste – HPC Envirotec
• M. Jean-Pierre Horry, responsable du programme d'amélioration des bananiers (CIRAD)
• Mme Béatrice Jedor, ingénieur sanitaire, Bureau Qualité des eaux (EA4) – Ministère de la santé, Direction générale de la santé
• Mme Florence Leconte, responsable Réglementaire Global – Arysta LifeScience, Europe, Afrique, Moyen-Orient
• Mme Martine Ledrans, responsable du département Santé et Environnement – INVS
• M. Christophe Lenormand, directeur département délégué, Ministère de l'Ecologie
• M. Benoît Lesaffre, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts
• M. Joël Mathurin, sous-directeur au service qualité et protection des végétaux – Ministère de l’agriculture et de la pêche
• M. Thierry Mercier, directeur adjoint à la Direction du Végétal et de l’Environnement (DiVE) – AFSSA
• M. Laurent Michel, directeur de la prévention de la pollution et des risques – Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables
• M. Philippe Monier, consultant senior – URS France
• M. Luc Multigner, docteur – INSERM, UR 625 RENNES
• M. Jean-Nicolas Ormsby, adjoint au chef de département – Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET), Département d'expertises en Santé Environnement Travail
• M. Henri Poinsignon, directeur général adjoint – Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET),
• M. Francis Quétier, directeur du département "Environnement et développement durable" – Université d'Ecologie Moléculaire – Microbiologie – Agence national de la recherche (ANR)
• M. Antoine Richard, directeur du Laboratoire d'Analyses des Sols – INRA - Institut national de recherche agronomique
• M. Jean Richard, directeur des Ventes industrielles & Relations à confrères, – DuPont Solutions S.A.S., Protection des Cultures France & Bénélux
• M. Alain Weil, directeur de l’innovation et de la communication – CIRAD
• M. Jean-Jacques Ambroise, directeur départemental – Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
• Professeur Hervé Azaloux, chef du service médecine nucléaire, CHU Oncologie
• Mme Nadia Babel, responsable qualité – Institut Pasteur de la Guadeloupe
• Mme Anne-Valérie Barras, géologue régionale – BRGM
• M. Jacques Bertrand, délégué – IFREMER
• M. Yves-Marie Cabidoche, agropédologue – Institut national de la recherche agronomique
• M. Philippe Cattam – CIRAD
• M. Christian Chabrier, directeur régional – CIRAD
• M. E. Chadru, responsable technique – Institut Pasteur de la Guadeloupe
• Mme Marie Chave – INRA
• Mme Patricia Charles Sainte Claire – Directrice du laboratoire départemental d'analyses
• M. Jean-Pierre Comte, directeur – BRGM, Service Géologique régional Martinique
• M. Jean-Baptiste David – Chambre d'agriculture de la Martinique
• Dominique Deviers – DIREN
• Mme Denise Dufeal – FREDON
• M. P. Dumesnil, responsable technique – Institut Pasteur de la Guadeloupe
• M. David Dural, directeur Production & Développement – BANAMART
• Mme Axelle Durimel – Université des Antilles et de la Guyane
• M. Ernoult
• M. Serge Ferreboeuf, directeur général – Chambre d'agriculture
• M. Jérôme Frouté, directeur – Direction de l'Agriculture et de la Forêt de la Martinique
• M. Vincent Gall – UIPP
• M. Edouard Galva – BANALLIANCE
• Mme Sarra Gaspard – Université des Antilles et de la Guyane
• M. Gilbert Grivault – directeur de l'Agriculture et de la Forêt de Guadeloupe
• M. Vincent Haudrechy, directeur commercial – SCIC Martinique SAS
• M. Jean Iotti, chef du service de la protection des végétaux – Direction de l'Agriculture et de la Forêt de la Martinique
• Mme Magalie Jannoyer, chargée de projets – CIRAD
• Mme Lisiane Keclard-Christophe, déléguée régionale à la recherche et à la technologie – DRRT
• M. Jean-Guillaume Lacas – DIREN
• M. Patrice Latron – secrétaire général de la Préfecture de la Martinique
• Mme Soazig Lemoine – MCF, Université des Antilles et de la Guyane
• Mme Agnès Lezin, déléguée régionale à la recherche et à la technologie – Ministère de la Recherche
• M. Christophe Lenormand – DRAM
• M. François Mahbir-Parsad, chargé de mission – SGAR
• M. José Maurice, vice-président – Chambre d'agriculture de la Martinique
• M. Marc Morell, directeur du Centre et Représentant IRD, ingénieur hydrologue – Institut de recherche pour le développement (IRD)
• M. André Pierre-Louis, adjoint au Directeur – Direction de l'agriculture et de la forêt
• M. Philippe Quenel, médecin épidémiologiste, coordinateur scientifique – Cellule InterRégionale d'Epidémiologie (CIRE)
• M. Olivier Reilhes, ingénieur du génie sanitaire – DSDS
• M. Frédéric de Reynal – BANAMART
• Mme Anne Rizand, responsable de l'unité de recherche Agriculture et espace insulaire – CEMAGREF
• M. Marcel Sigiscar, directeur administratif et financier – Institut Pasteur de la Guadeloupe
• M. Jean Tibilan – DGCCRF
• M. Thierry Touzet – directeur des services vétérinaires
• M. Christian de Verclos, ingénieur général des Ponts et Chaussées, directeur général adjoint des Services départementaux – Conseil général de la Martinique,
• M. Jean-Louis Vernier, directeur régional de l'environnement de la Martinique
• M. Marc Viel, chef du Service protection des végétaux – directeur de l’agriculture et de la forêt de la Guadeloupe
• M. Josselin Vincent, ingénieur du génie sanitaire – Direction de la santé et du développement social
• M. Thierry Woignier, directeur de recherche – IRD/CNRS – PRAM
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
• M. Hervé Lejeune, directeur du cabinet du Directeur général
• M. Laurent Thomas, chef du Service Décentralisation (OCDO)
• M. Shivaji Pandey, directeur de la Division de la production végétale et de la protection des plantes (AGP)
• M. Peter E. Kenmore, chef du Service de la protection des plantes (AGPP)
• M. Mark Davis, coordinateur des pesticides obsolètes (AGPP)
• Mme Wafa Khoury, fonctionnaire de l'agriculture (AGPP)
• M. Harry van der Wulp, fonctionnaire principal, gestion des pesticides (AGPP)
• Mme Selma H. Doyran, Senior Food Standards Officer
• M. Pedro Arias, économiste senior, commodités émergentes et politique commerciale (ESTT)
• M. Pascal Liu, économiste senior, politique commerciale et développement (ESTT)
• Dr. Francisco Jacome, directeur exécutif de l’Agence pour le contrôle de la sécurité alimentaire
• M. Hipation Nogales, Service de l’innocuité des aliments
• Dr. Carlos Navas
• Dr. Julio Cesar Delgado, directeur de l’Institut national autonome de recherches agricoles (INIAP)
• Dr. Fernando Armijos, physiopathologiste spécialiste de la banane
• Ing. Miguel Angel Arvelo, représentant en Equateur de l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture
• M. Xavier Cevallos, vice-ministre de l’agriculture
• M. Sergio Seminario, ancien ministre de l’agriculture
• M. Eduardo Ledesma, directeur exécutif de l’Association des exportateurs de bananes d’Equateur (A.E.B.E.)
• M. Raul Villacres, directeur adjoint
• M. Patricio Guttierrez, directeur de recherche, DOLE
• Mme Sandra Lima, DOLE
• M. Jorge Matamoros, ISBELINI
• M. Nick Mitchell, gérant de Agripac (regroupement d’entreprises agricoles)
• M. Daniel Holguin, ingénieur
• M. Matthieu Haynes, gérant
• M. Tarcision Mosquera, superintendant et ingénieur, Hacienda La Julia, Bonita, Groupe Noboa
• M. Raoul Seminario, dirigeant de la bananeraie familiale – Hacienda Beata Nueva
• M. Sergio Seminario, directeur de la serre Bioplanta S.A., Meristemes de Bananes
• Mme Antonieta Reyes, manager de CORPEI (organisme chargé de l’exportation des produits équatoriens
• Mlle Patricia Bedoya, directrice de « Forum sur la banane »
• M. Garcia, directeur de « Crop Life del Ecuador »
• Dr. Cornelia Behm, députée
• Dr. Steffi Richter, chef de service, Umwelt Bundes Amt
1 Date de lancement du « plan chlordécone »
2 On trouvera annexée au présent rapport la réaction des chercheurs travaillant depuis des années sur ce sujet à la présentation du Pr Belpomme, ainsi que la justification qu’il a présentée à vos rapporteurs pour refuser d’être entendu en audition.
3 Cf. Le compte rendu de cette audition est consultable sur le site de l’Assemblée nationale (travaux de la commission des Affaires économiques – Compte rendu du 7 novembre 2007).
4 Très réelle comme en témoigne une récente émission produite par Thalassa sur les pesticides à la Martinique et intitulée « Un poison en Martinique » (12/2008) et celle produite par Canal + « Les maîtres de la Martinique » (01/2009).
5 En Martinique, un enfant sur quatre, un adulte sur deux est en surpoids ou obésité (données de l’Observatoire de la Santé de la Martinique).
6 Elle a aussi été employée comme constituant du mirex, lui-même utilisé pour la lutte domestique contre les fourmis (GC-1283) et surtout comme produit retardant contre les incendies (Dechlorame ®).
7 L’US Environmental Protection Agency (Agence de protection de l’environnement du gouvernement fédéral américain) a publié, en janvier 2008, une revue complète de ces études.
8 Les précipitations qui accompagnent les cyclones favorisent la multiplication de ces ravageurs.
9 On rappellera qu’en 30 ans, la métrologie des polluants a progressé d’un facteur 1 000.
10 Il semblerait que les stocks de Képone aient suffit aux besoins de 1976 à 1978.
11 Rappelons que la production de Curlone a été arrêtée en mars 1991, l’interdiction définitive n’intervenant qu’en 1993, après épuisement des stocks.
12 Il n’est pas impossible qu’une faible partie de ce produit ait pu être dérivée vers d’autres usages agricoles.
13 Le « plan chlordécone » prévoit l’établissement d’une cartographie réelle de la pollution (cf. infra, chapitre II).
14 Au demeurant, ces travaux n’avaient que peu abordé le problème de la permanence de la molécule dans les sols.
15 Les données qui suivent proviennent des conclusions du groupe d’études et de prospective « INRA-CIRAD » (« pollution par les organochlorés aux Antilles » Cabidoche et al. – juin 2006).
16 Ce qui relativise indirectement les effets de la prolongation de son utilisation de 1991 à 1993.
17 Le transport par flux d’un liquide dépend de la perméabilité qui procède, à la fois de la différence de pression et de la porosité du réseau. La perméabilité exprime l’aptitude d’un système poreux à permettre l’écoulement d’un liquide.
18 Le transport par diffusion exprime que le transport d’une espèce chimique dans un milieu dépend de la différence de concentration dans le milieu, du coefficient de diffusion de l‘espèce chimique et du temps (c’est l’exemple d’une goutte d’encre jetée au milieu d’une bassine d’eau et qui diffuse, peu à peu, en fonction de sa concentration et de sa capacité à se déplacer dans l’eau).
19 Insecticide organochloré aux Antilles. Identification des dangers et valeur toxicologique de référence (VTR), état des connaissances. Institut de Veille Sanitaire 2004.
20 C’est-à-dire l’effet critique qui est la première valeur qui permet de constater un dérèglement chez l’animal.
21 Étant précisé, qu’aux dires mêmes des spécialistes de l’AFSSA entendus, l’échantillon des produits de la mer analysé était peut-être trop étroit pour que ces résultats soient significatifs.
22 Mais cette durée moyenne peut varier d’un facteur 10.
23 Il est éliminé par le tractus intestinal mais au cours de cette élimination une partie est réintégrée dans le système hépatique.
24 Par exemple, entre les Antilles françaises et d’autres îles des Caraïbes où l’espérance de vie est beaucoup moins élevée.
25 On verra (cf. infra, chapitre II) que la satisfaction de cette demande tout à fait légitime achoppe à la longueur des processus expérimentaux et à la nécessité, propre à toute recherche de qualité, de vérifier les résultats de ces recherches avant publicité.
26 Appel lancé à la suite du rapport présenté par le Pr. Belpomme en 2007. Le texte de cet appel figure en annexe.
27 A l’exclusion des 120 tonnes utilisées aux Antilles sur la période 1972-1978.
28 Surtout lorsque l’on sait que la molécule est dosée à 5 % pour lutter contre le charançon du bananier mais à 90 % pour lutter contre le doryphore et les vers taupins de la pomme de terre.
29 Plus connue sous son acronyme anglais (FAO)
30 Mais pas la France...
31 Qui sont l’aldrine, le chlordane, le DDT, le dieldrine, les dioxines, les endrines, les furanes, l’heptachlore, l’hexachlorobenzène, le mirex (qui peut se dégrader en chlordécone), les PCB et le toxaphène.
32 Mais dont on retrouve des résidus dans les sédiments des grands lacs à des proportions variables (du µg par kg au mg par kg, le pourcentage le plus élevé a été décelé dans les sédiments du lac Ontario : 1,7 mg/kg).
33 Agency for toxic substances and disease register.
34 La molécule a été également employée au Canada pour lutter contre la tavelure du pommier.
35 Outre les études sanitaires mentionnées dans le rapport précité de l’EPA.
36 Luellen et al. « Kepone in James River fish : 1976-2002” (Science of the total environment – oct. 2005)
37 Devenue depuis « Spieβ Urania »
38 Une brochure d’Allied Chemical datant du début des années 1970 fait également état d’essais satisfaisants du produit au Panama.
39 La saison sèche relativement longue n’est pas propice au développement du ravageur.
40 S’il n’y a pas identité, il y a convergence de date avec l’interdiction française en 1991.
41 Luellen et al. 2005, précité.
42 Du fait de la déprise agricole (et en particulier bananière) de nombreux terrains contaminés ne sont plus affectés à leur usage d’origine.
43 Et à 9 000 le nombre d’analyses.
44 En principe, la réglementation européenne appliquée par le service de répression des fraudes suppose que l’on prélève l’échantillon tel qu’il se présente dans le commerce. Ce qui introduit deux biais : l’un lié à la terre que l’on ne consomme pas, l’autre lié aux épluchures qui ne sont pas toujours consommées. Or, les épluchures contiennent 3 à 16 fois plus de chlordécone que la pulpe. Depuis que des légumes racines en provenance d’Amérique Latine avaient été déclarés contaminés à la suite de leur stockage sur un sol contenant de la chlordécone, les échantillons sont brossés.
45 Communiquées par le laboratoire départemental de la Drôme.
46 Hors, les échantillons de sang qui sont analysés à Liège qui est un des seuls laboratoires européens capable de les effectuer
47 Dont la localisation, pour éviter de renvoyer au même problème, pourrait faire l’objet d’une alternance ou être virtuelle...
48 Travaux cités au chapitre I de cette étude.
49 Soit 58 % d’accroissement des besoins.
50 Cette action qui est inscrite au programme national du BRGM coûterait 500 000 €, chiffre à référer au coût d’un seul forage en profondeur (200 000 €).
51 Étant précisé que les chiffres 2, 3, 4 caractérisent une place croissante dans les niveaux trophiques et que DN signifie détritivores et Aut (autres).
52 La conséquence de prélèvements qui donnent des taux de chlordécone supérieurs à 27 µg/kg est un arrêté de fermeture de l’exploitation. Il serait souhaitable que les arrêtés, quand ils sont prononcés, le soient à titre provisoire. Car, en cas de fermeture définitive, les processus administratifs de réouverture sont très lourds.
53 Ce programme ferait suite à une étude du CEMAGREF sur les poissons d’élevage qui a mis en évidence que les temps de décontamination des espèces dans des bassins de décantations sont longs.
54 Les données qui suivent sont extraites d’une synthèse publiée dans le Bulletin du Cancer en février 2009 « Cancer de la prostate en Guadeloupe, incidence, mortalité, caractéristiques cliniques et anatomopathologiques » (L. Bruneau, L. Multigner, A. Wallois, G. Verhoest, J.R. Ndong, M. Fofana et P. Blanchet).
55 Curieusement le même risque pour les applicateurs professionnels de pesticides, sur 4 916 personnes qui ont été étudiées conjointement, est très proche de la moyenne de la population.
56 2006 « Méta-analyse des risques estimés de cancer de la prostate chez les ouvriers des usines de pesticides » (cancer control causes – Van Maele – et al.)
57 « Prostate cancer as an environmental disease : an ecological study in the French Carribean Islands, Martinique and Guadeloupe » qui figure en annexe de ce rapport.
58 Cette revue est classée 2 (le niveau le plus élevé dans ce domaine est le « New England Journal of Medecine » qui est classé 52).
59 Rédigée par Hervé Azaloux, professeur d’oncologie au CHU de Fort-de-France, Pascal Blanchet, professeur d’oncologie au CHU de Pointe à Pitre, Mustapha Daye, responsable du registre du cancer en Martinique et Luc Multigner, responsable de l’unité 625-INSERM Guadeloupe. L’intégralité de cette note figure en annexe du présent rapport.
60 Rappelons qu’en Guadeloupe, il n’y a pas encore de registre du cancer.
61 Rapport INRAD CIRAD Cabidoche et al. (2006).
62 Ce qui est inférieur à la LMR de 20 µg/kg applicable aux végétaux, mais 86 fois supérieur à la limite de potabilité (0,1 µg/l).
63 Ce rythme lent peut être accéléré par les accidents climatiques et la forte pluviométrie de l’île.
64 Les chiffres qui suivent résultent d’échantillonnages, en attente du résultat du recensement agricole devant intervenir en 2010.
65 Les Martiniquais utilisent de façon significative ces sources. L’enquête ESCAL a estimé à 14 % le nombre de Martiniquais, qui ne buvaient pas l’eau du robinet.
66 L’annulation repose sur un motif de forme et sur deux motifs de fond (santé des applicateurs et impact sur la faune sauvage).
67 Ce rapport porte sur l’examen de la période 2004-2006 (utilisateurs professionnels et grands publics, métropole et DOM-TOM)
68 L’absence de gel hivernal fait que les bioagresseurs ne sont pas aussi régulés qu’en Europe.
69 Pour simplifier, les jardins privés qui emploient environ 10 % des pesticides utilisés en France.
70 Ce pourcentage est calculé par type d’usage agricole et non sur la base de l’importance pondérée de chacun des usages.
71 La chaleur dans les DOM fait que certains utilisateurs répugnaient à passer des tenues conçues pour les pays tempérés.
72 Environ 45 millions de tonnes pour les bananes à cuire.
73 Compte tenu de l’humidité qui rège dans les îles, il semble difficile d’aboutir à la mise ne place d’une production de bananes « bio », dont le marché mondial représente 2 % des ventes, dont les deux tiers importés par l’Union européenne.
74 La rotation de culture avec la canne à sucre qui est très efficace ne peut être mise en œuvre que sur des parcelles assez étendues pour être mécanisées.
75 Mais ces normes sont-elles contrôlées ?
76 Cette énumération n’est pas limitative.
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