N° 1808 - Rapport de MM. Claude Birraux, Jean-Claude Etienne et Roland Courteau, établi au nom de cet office, sur les dispositifs d'alerte aux tsunamis en France et dans le monde





N° 1808

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 546


SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la Présidence du Sénat

le 8 juillet 2009

le 8 juillet 2009

 

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

 

RAPPORT

sur

les dispositifs d'alerte aux tsunamis en France et dans le monde (compte rendu de l'audition publique du 23 juin 2009),

Par

MM. Jean-Claude ETIENNE et Roland COURTEAU, sénateurs.

           

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX

Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Jean-Claude ETIENNE

Premier Vice-Président de l'Office.

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président

M. Jean-Claude ETIENNE

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député

Mme Brigitte BOUT, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député

M. Christian GAUDIN, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

M. Daniel RAOUL, sénateur

Députés

Sénateurs

   

M. Christian BATAILLE

M. Gilbert BARBIER

M. Jean-Pierre BRARD

M. Paul BLANC

M. Alain CLAEYS

Mme Marie-Christine BLANDIN

M. Pierre COHEN

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Jean-Pierre DOOR

M. Roland COURTEAU

Mme Geneviève FIORASO

M. Marc DAUNIS

M. Alain GEST

M. Marcel DENEUX

M. François GOULARD

M. Serge LAGAUCHE

M. Christian KERT

M. Jean-Marc PASTOR

M. Michel LEJEUNE

M. Xavier PINTAT

M. Claude LETEURTRE

Mme Catherine PROCACCIA

Mme Bérengère POLETTI

M. Ivan RENAR

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Bruno SIDO

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Alain VASSELLE

   
   
   
   
   

OUVERTURE

M. Roland COURTEAU, Sénateur de l'Aude

Mesdames et Messieurs, je suis tout d'abord très heureux de vous accueillir dans les locaux du Sénat, de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour cette matinée d'audition publique sur les dispositifs d'alerte aux tsunamis. Cette audition publique constitue une nouveauté pour nous, non pas que l'Office ait jamais organisé d'audition publique, au contraire, depuis quelques années, c'est devenu pour lui une manière privilégiée de se saisir des débats d'actualité comme en témoignent d'ailleurs les dernières auditions qui portaient sur les pesticides, le téléphone mobile ou encore l'obésité, pour n'en citer que quelques-unes. En réalité, la nouveauté de cette audition publique vient du fait qu'elle permet le suivi d'un rapport que l'office m'avait chargé de réaliser en 2005 sur l'évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et Outre-mer.

Je vous rappelle brièvement le contexte d'alors : le 26 décembre 2004 un tsunami s'était abattu sur les côtes de l'Asie du Sud-Est, faisant près de 250 000 victimes en Indonésie mais également en Thaïlande, en Malaisie, aux Maldives, en Inde et au Sri Lanka. Pourtant, statistiquement, les tsunamis enregistrés dans l'océan Indien ne représentent que 5 % de l'ensemble des tsunamis. La communauté internationale prenait soudain conscience qu'aucune côte n'était à l'abri de cet aléa et que si la fréquence des tsunamis est faible, ces événements peuvent avoir des conséquences dramatiques. Sous l'égide de la Commission océanique intergouvernementale de l'UNESCO, il fut alors décidé d'instaurer des dispositifs d'alerte permettant de protéger les quatre bassins, à savoir le Pacifique, où un réseau existait déjà, l'océan Indien, les Caraïbes et enfin, la zone Méditerranée-Atlantique Nord qui m'est particulièrement chère.

Compte tenu de sa vulnérabilité au tsunami, la France était appelée à jouer un rôle important dans la mise en place de ces dispositifs d'alerte. En effet, il ne faut pas oublier que les zones économiques françaises couvrent plus de 10 millions de km2 dans l'océan Pacifique, l'océan Indien et l'océan Atlantique. La France compte 12 000 km de côtes Outre-mer ; or, le risque de tsunami existe particulièrement à la Réunion, dans le Pacifique et aux Antilles.

Environ sept heures après le séisme du 26 décembre 2004 au large de Sumatra, le tsunami a atteint les côtes de La Réunion avec des vagues d'une hauteur maximale de 2,50 m qui ont provoqué 500 000 euros de dégâts matériels. Dans le Pacifique, l'analyse des séismes historiques entre 1883 et 2005 laisse penser qu'au moins quinze tsunamis ont touché les côtes polynésiennes dont onze ont fait des dommages et deux, des victimes. De même, les études récentes en Nouvelle-Calédonie ont montré que plusieurs tsunamis avaient touché cette île, le dernier remontant au 1er avril 2007. Aux Antilles, l'histoire des tsunamis est encore mal connue mais on sait que le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 causa des vagues de 3 à 6 mètres de haut. La dernière décennie fut marquée également par plusieurs événements en 2003, 2004 et 2006. En métropole enfin, la France compte 5 800 kilomètres de côtes ; or plusieurs événements ont été répertoriés sur les côtes méditerranéennes. Ainsi, le 16 octobre 1979, l'effondrement d'une partie de l'aéroport de Nice a entraîné des vagues de trois mètres de haut sur Antibes. Par ailleurs, le 21 mai 2003 le tsunami généré par le séisme de Boumerdès en Algérie, de magnitude 6,8 sur l'échelle de Richter, a causé des dégâts dans certains ports français : ces deux événements sont symptomatiques des événements qui pourraient affecter à l'avenir la Côte d'Azur ou encore certains autres points de la côte méditerranéenne - et je pense naturellement au Languedoc-Roussillon.

Le risque de tsunami existe donc pour les côtes françaises. Pourtant, lorsque j'ai rendu les conclusions de mon rapport en 2007, le bilan de l'action française était plutôt mitigé. Le dynamisme initial semblait s'être essoufflé, ce qui conduisait notre pays à mal respecter les engagements internationaux. J'avais donc fait une série de propositions que je n'énumérerai pas ici - je vous renvoie à mon rapport - mais qui se fondait sur les principes suivants : d'abord, confier au CEA la mission de centre national d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l'Atlantique Nord-Est, les Antilles et l'océan Indien, et le charger de mettre au point une méthode de prévision des tsunamis régionaux et lointains.

Certains peuvent se demander ce que vient faire le CEA dans un dispositif d'alerte au tsunami ; je rappelle donc brièvement que le CEA, à travers son laboratoire de géophysique de Tahiti, était chargé de la surveillance des activités nucléaires de la France dans le Pacifique. Or, les secousses liées à l'explosion d'une bombe atomique se détectent de la même manière qu'un tremblement de terre. Comme les tremblements de terre sont l'une des causes de tsunami, le réseau sismique polynésien du laboratoire de géophysique sert également à la surveillance des tsunamis. Par ailleurs, le rôle du CEA, d'une part dans la surveillance des essais nucléaires à la suite de la signature par la France du traité d'interdiction complète des essais nucléaires et d'autre part dans la surveillance sismique nationale fait de lui l'organisme ayant naturellement vocation à gérer le dispositif d'alerte aux tsunamis. Néanmoins, le CEA, à lui seul, ne peut gérer l'ensemble des alertes.

En effet, pour être efficace, un système d'alerte doit remplir deux conditions : d'une part, il faut bien connaître l'aléa, ce qui signifie non seulement être capable de comprendre le phénomène, mais également pouvoir le prévoir, c'est-à-dire le localiser et savoir dans quelles limites de temps est faite la prévision ; connaître l'aléa fait donc appel à de nombreuses disciplines scientifiques comme la sismologie, la géologie, l'océanographie, il faut (mais vous le savez) collecter les données liées directement à un événement particulier mais également avoir une connaissance plus générale des sources des tsunamis et de leur localisation à travers l'étude des failles des instabilités rocheuses et des volcans actifs. Il faut aussi élaborer des catalogues pour faire des simulations numériques. D'autre part, au-delà de la connaissance de l'aléa, le dispositif doit être efficace ; concrètement, cela signifie qu'il doit être opérationnel, rapide et fiable. Ainsi, lorsque le risque de tsunami est avéré, l'information doit être rapidement transmise aux autorités en charge de la sécurité civile afin qu'elles prennent les dispositions nécessaires. En outre, le dispositif de protection de la population doit faire l'objet d'un plan préétabli. Dit de manière un peu brutale, ce n'est pas quand le tsunami arrive que l'on commence à se demander comment on va évacuer la population. Enfin - et c'est très important - la population doit être informée sur le risque de tsunami et avoir les bons réflexes ; cette politique de sensibilisation représente souvent le maillon faible dans les systèmes d'alerte. Pourtant, elle est essentielle à la réussite du dispositif.

Compte tenu de ce que je viens de dire - et c'était là ma deuxième recommandation clé - il apparaît donc qu'outre le CEA, de nombreux organismes doivent être associés aux dispositifs d'alerte des tsunamis, d'abord, évidemment, les ministères impliqués dans la gestion du risque, ensuite, les organismes compétents dans ce domaine comme Météo France, le SHOM, l'IFREMER, le BRGM, le CNRS, le Centre d'études maritimes et fluviales, l'Institut physique du globe de Paris, l'Agence nationale pour la recherche, le Conservatoire du littoral, et j'en passe. Bien sûr, sont concernées également les collectivités locales exposées aux risques de tsunamis. Il est donc indispensable que tous ces organismes collaborent et unissent leurs forces pour mettre en place un dispositif efficace.

Enfin - et c'était là ma troisième recommandation phare - il faut de l'argent. Comme je l'ai évoqué précédemment, un dispositif d'alerte doit être rapide pour être efficace : cela signifie donc avoir du matériel performant (sismographes, marégraphes, tsunamimètres, moyens de communication modernes pour ne citer que le matériel le plus essentiel) mais également du personnel formé et en service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ; cela signifie également avoir des levés bathymétriques sur la zone de 0 à 200 mètres pour effectuer des modélisations numériques fiables et disposer de crédits pour mener une politique - j'insiste là-dessus - de sensibilisation et d'information sur le moyen et long terme.

Face à ces recommandations presque deux ans après, où en est donc aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, le dispositif d'alerte aux tsunamis au niveau national mais également au niveau international ? Que s'est-il passé depuis presque deux ans ?

Au niveau national, l'Office a régulièrement saisi le Gouvernement pour connaître l'état d'avancement du dossier, que ce soit par question orale, posée notamment le 24 octobre dernier, que ce soit par différents courriers au Premier ministre (notamment le dernier en date du 29 octobre 2008) ou encore plusieurs communications de presse (et plus particulièrement les 24 octobre et 18 novembre 2008). Cette stratégie semble porter ses fruits puisque les contours d'une véritable politique de prévention des tsunamis se dessine progressivement : d'une part, des crédits ont été inscrits pour la première fois en projet de loi de finances pour 2009 dans le cadre de la Mission sécurité civile ; d'autre part, un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement tendant à intégrer le risque de tsunami au Plan de prévention des risques majeurs ; je précise que sur ce même texte du Grenelle de l'environnement, au Sénat, nous avons même par voie d'amendement fait voter à l'unanimité un amendement qui précise que la réduction de l'exposition des populations au risque de tsunami devait se faire par la mise en place d'un Centre national d'alerte et nous étions là en première lecture au Sénat, nous allons aborder début juillet la deuxième lecture (entre-temps, il y a eu une deuxième lecture à l'Assemblée nationale qui a confirmé notre précédent amendement visant à inscrire dans la loi la création de ce centre d'alerte). Enfin, il semblerait qu'un accord ait été signé avec le CEA afin d'instaurer un système d'alerte aux tsunamis en Méditerranée, ce qui semble être la suite logique de notre rapport ainsi que de la réunion du GIC/SATANEM à Athènes en novembre dernier.

Pour faire le point sur le dispositif de prévention mis au point par la France, nous avons invité l'ensemble des intervenants les plus importants, à savoir le Président du comité national de la Commission océanique intergouvernementale, le directeur de la direction générale de la prévention des risques au MEEDDAT, le sous-directeur de la gestion des risques au ministère de l'Intérieur, le chef du département analyse, surveillance, environnement au CEA, le directeur de cabinet de la délégation générale à l'outre-mer et l'adjoint au directeur de la stratégie, de la planification et des relations extérieures du SHOM. Tous ont répondu positivement et je les remercie d'avance pour les informations qu'ils nous fourniront.

La France ne se réduit pas à la métropole : c'est également une présence dans les trois autres bassins du Pacifique, de l'océan Indien et des Antilles. Il est donc important de connaître l'état d'avancement des dispositifs d'alerte dans ces régions et la contribution de la France. En organisant - et j'en terminerai là - cette audition publique pendant la semaine où se réunit la Commission océanique intergouvernementale, nous pouvons accueillir les présidents des groupes internationaux de coordination des systèmes d'alerte aux tsunamis ainsi que les représentants français. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs, d'avoir accepté notre invitation. Bienvenue au Sénat et merci d'avance pour vos interventions. Cette matinée va donc être riche en informations.

Aussi, sans plus attendre, je vais donner la parole à Monsieur le président du Comité national de la Commission océanique intergouvernementale, Monsieur François Gérard. Chacun des intervenants d'ailleurs pourra, s'il le souhaite, prendre cette place pour avoir davantage de maîtrise dans ses présentations.

PREMIÈRE TABLE RONDE - LA FRANCE FACE AU RISQUE DE TSUNAMI : QUELLE POLITIQUE DE PRÉVENTION ?

M. François GERARD, président du comité national de la Commission océanographique intergouvernementale

M. Laurent MICHEL, directeur de la Direction générale de la prévention des risques, ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la mer

M. Bernard DELEPLANCQUE, sous-directeur de la gestion des risques, ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités Territoriales et M. Pascal MATHIEU, chef du bureau des risques majeurs à la Direction de la sécurité civile

M. François SCHINDELE, Expert au Bureau au Commissariat à l'énergie atomique

M. Frédéric PAPET, directeur de cabinet de la Délégation générale à l'Outre-mer

M. Dominique BRESSON, adjoint au directeur de la stratégie, de la planification et des relations extérieures du SHOM

M. Ronan CREACH, chef de la cellule « hydrodynamique côtière » et chef du projet « Ronim »

A. M. FRANÇOIS GERARD, PRÉSIDENT DU COMITÉ NATIONAL DE LA COMMISSION OCÉANOGRAPHIQUE INTERGOUVERNEMENTALE

Merci, Monsieur le Sénateur, de m'avoir permis de présenter ici le cadre international : effectivement, je suis le président du Comité national français pour la commission océanographique intergouvernementale et, à ce titre, je préside la délégation française à l'assemblée générale qui a lieu en ce moment et, justement, nous y avons parlé des tsunamis hier après-midi. Les représentants de la Commission qui sont présents pourront vous faire part des résultats des débats d'hier.

Je veux simplement vous présenter le cadre international et ce qu'on entend par engagement d'un État dans le cadre du système des Nations-Unies. Je rappelle ici qu'il y a un certain nombre d'organisations au sein du système des Nations-Unies - je ne les ai pas toutes mises mais seulement les principales - qui travaillent dans le domaine de la prévention des risques naturels sous la houlette et la coordination de l'ISDR, en français la Stratégie internationale pour la prévention des catastrophes (SIPC), dont la plate-forme mondiale vient de se réunir à Genève la semaine dernière. Elle a été chargée à l'issue de la réunion de Kyoto en 2005 de coordonner l'ensemble des activités de préparation aux catastrophes naturelles.

A côté, vous avez l'UNESCO et donc la COI. et d'autres organisations qui sont partenaires, en particulier l'Organisation météorologique mondiale (OMM) qui est directement impliquée dans les systèmes de prévention de risques. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), la FAO et l'Université des Nations unies qui, elle, est chargée plutôt des programmes de sensibilisation et de formation.

Je passe rapidement là-dessus pour dire pourquoi on a besoin d'une coopération internationale. Je rappelle la définition d'early warning (qui se traduit en français par « Système d'alerte rapide ») : suivant la Stratégie internationale pour la prévention des catastrophes (SIPC) , c'est l'ensemble des capacités nécessaires pour produire et diffuser en temps opportun et utile des bulletins d'alerte permettant à des individus, des communautés et des organisations menacés par un danger de se préparer et d'agir de façon appropriée et en temps utile pour réduire leurs risques de dommages et de pertes.

J'ai donc résumé cela dans ce graphique : quelles sont l'ensemble des capacités nécessaires ? Je prends l'exemple des tsunamis et des autres risques d'origine maritime. Il faut déjà pouvoir les détecter grâce à des observations, ensuite, il faut avoir des systèmes qui permettent de traiter ces observations pour définir si le phénomène est dangereux : ce sont des producteurs d'avis (j'utilise ce nom particulier pour les centres régionaux, sur lesquels on reviendra tout à l'heure), les producteurs d'avertissement (les centres nationaux) puis il y a des producteurs d'alerte (ce sont les autorités de sécurité civile essentiellement qui s'adressent par la suite directement aux communautés exposées). Le système d'alerte précoce va faire en sorte que toute la chaîne depuis l'observation jusqu'aux autorités marche ; on voit bien qu'il y a deux niveaux : celui qui relève du national, c'est-à-dire l'alerte vers les communautés exposées (le principe des organisations intergouvernementales est très clair : la responsabilité de l'alerte aux populations est celle des États) ; en revanche, ce qui se traite au niveau du bassin océanique peut être coordonné par une organisation internationale. Il y a donc bien stricte séparation entre la responsabilité nationale et la responsabilité internationale.

C'est aussi à peu près la même chose au niveau de la Commission européenne pour le projet de gestion des risques. Comme il faut travailler au niveau du bassin océanique, les autorités d'un pays ont obligatoirement besoin d'informations venant d'ailleurs pour pouvoir produire leurs alertes en temps utile. Donc pour monter le système (observation et système d'alertes), on est contraint à la coopération internationale, chacun a besoin des données qui sont produites par les autres (c'est le même problème qu'en météorologie), et c'est pourquoi la COI a installé des groupes intergouvernementaux de coordination des systèmes d'alerte aux tsunamis qui associent tout le monde et essaient de faire la liaison entre les autorités nationales et le système international : auprès des autorités nationales, on recueille les besoins, et ensuite, on les transforme en spécifications pour le système. Voici mon message : la coopération internationale est inévitable pour gérer un système d'alerte aux tsunamis et aux autres risques marins.

J'en viens au cadre historique - les auditeurs de la COI ici présents me corrigeront si je fais une inexactitude. Le système d'alerte aux tsunamis date de 1965, ce qui est assez ancien. Je rappelle que la COI de l'UNESCO a mis un système en place en 1965 en réponse au tsunami de l'Alaska en 1964, qui avait été précédé par le tsunami du Chili en 1960. Je rappelle ici entre parenthèses que la Commission océanographique intergouvernementale a été créée en 1960 : c'est donc un de ses premiers programmes avec l'échange des données océaniques. C'est donc à la suite d'une catastrophe que le système d'alerte a été monté en 1965. C'est donc une vieille histoire qui a permis d'acquérir pas mal d'expérience.

Le deuxième point de départ, comme l'a rappelé le sénateur, est le tsunami de 2004 en Indonésie et dans l'océan Indien, qui a généré une mobilisation internationale générale concrétisée par la conférence de Kobé par l'adoption du cadre de travail de Hyogo qui définit une politique de prévention des risques à un niveau international (l'ISDR assure son suivi et sa mise en œuvre) et dans ce cadre-là, le système des Nations unies a confié en particulier à la COI la charge de mettre en place des systèmes d'alerte aux tsunamis mais sans oublier le cadre global. Cela signifie qu'il faut mettre en place des systèmes qui marchent avec des méthodes, qui peuvent être partagées au niveau international à l'échelle globale, le tout dans une approche multirisque. Nous sommes bien conscients que dans certains endroits, le tsunami, comme l'a fort justement rappelé le sénateur, est un événement très rare mais qui a des conséquences très graves et que pour faire marcher un système d'alerte de façon permanente, il est quelquefois pertinent de lui faire traiter en même temps d'autres risques dont l'occurrence est plus fréquente de façon que l'on puisse gérer les systèmes efficacement.

Voilà le message qui a été passé : l'approche doit être globale, c'est-à-dire qu'il faut mettre des méthodes cohérentes un peu partout et travailler aussi dans une optique multirisque. Le fameux groupe GEO, Group on Earth Observations, qui a été mis en place en 2003 suite à une réunion du G8 et qui s'efforce, à un niveau que je ne dirais pas « supra ISDR », en appui du système des Nations unies, de motiver l'ensemble des gouvernements pour mettre en place des systèmes d'observation de la Terre pour répondre à des besoins sociétaux, a pris lui-même en charge la gestion des risques, en particulier d'origine maritime et s'est emparé de la problématique des tsunamis.

Après 2004, un certain nombre d'entités se sont donc saisies de cette problématique : la COI a mis en place l'ensemble des systèmes d'alerte aux tsunamis dans les océans et maintenant, il y en a 4 qui couvrent l'essentiel des zones à risques, même si on peut encore identifier des zones où il n'y a encore rien (on en a du reste parlé à la COI hier).

Il faut donc bien voir maintenant quelles sont les responsabilités dans ce cadre. Je rappelle qu'au niveau international, dans la logique du système des Nations unies telle que nous y sommes, les organismes internationaux qui sont chargés d'une tâche ont d'abord un rôle de coordination.

Il faut d'abord donner un cadre juridique global à l'activité que l'on veut mener. Par exemple la politique d'échange des données : voilà qui doit être admis par tout le monde et être promu par la COI, ce qui est le cas : comment gérer les observations en mer dans le cadre de la convention des Nations unies pour le droit de la mer (c'est aussi une question dont nous avons parlé à la COI).

Il faut aussi donner un cadre technique global, c'est-à-dire définir des procédures, des standards, il faut assurer la cohérence d'ensemble et faire un rapport du développement des systèmes d'alerte dans le cadre de l'ONU, c'est-à-dire dans l'ensemble des groupes que j'ai présentés au début. La COI, qui a cette tâche générale, a donc créé ces quatre groupes intergouvernementaux de coordination (ces groupes sont censés rassembler des délégués qui représentent chaque gouvernement et les engagements qu'ils sont amenés à prendre en réunion, engagent donc théoriquement leur gouvernement : c'est très clair, c'est la logique de ce que l'on appelle les organes subsidiaires principaux de l'organisation).

Les missions de ces groupes, que j'ai rapidement reprises des décisions pertinentes de l'assemblée, sont de collecter les besoins régionaux, de définir le système répondant à ces besoins, de coordonner la mise en œuvre, de promouvoir les capacités nationales et de réaliser des programmes d'éducation des communautés exposées. Tel est le rôle des organismes internationaux et en particulier des 4 GIC. Mais il faut bien être conscient que, dans ce cadre-là, la mise en œuvre pratique du système est à charge des États membres. L'organisation a peut-être un certain nombre de moyens mais ils sont utilisés uniquement pour la coordination. Les États membres mettent en œuvre et il y a un certain nombre d'obligations, qui sont aussi morales - je rappelle que le principe suivi est le principe des « meilleurs efforts », le principe du best efforts, dans le cadre d'accords qui ni ne limitent ni ne contraignent (non binding non committing) : si le système marche, c'est que les membres de l'organisation le veulent bien - je rappelle ce que l'on dit toujours à l'assemblée générale de la COI. Dans ce cadre-là, on demande au moins à chaque pays membre d'un Groupe Intergouvernemental de Coordination de désigner un point de contact pour les tsunamis, qui est le correspondant national auprès du GIC de l'organisation, et de désigner un point focal opérationnel, à savoir l'entité qui recevra les messages d'alerte produits par le système pour les remettre aux autorités civiles.

Ensuite - c'est aussi important - à partir du moment où l'on est dans ce système, on s'engage à mettre à disposition l'ensemble des informations pertinentes dont on dispose, c'est fondamental pour que le système marche. Les données et les produits utiles à l'alerte aux tsunamis doivent être mis à disposition de façon libre et non payante à l'ensemble des opérateurs du système : c'est un principe indispensable de la COI pour que le système fonctionne.

Par ailleurs, au niveau national, chaque État membre fait ses meilleurs efforts pour installer un centre national d'avertissement et pour maintenir les systèmes d'observation indispensables, notamment sismiques et marégraphiques ; j'ai oublié les systèmes de télécommunication et de diffusion qui vont avec. Et il peut proposer seul ou en association avec d'autres Etats de mettre en œuvre un centre régional d'avis. J'ai tenu à résumer cela ; sauf erreur de ma part, ce sont les engagements d'un État qui participe à un GIC de la COI (ce n'est pas particulier au GIC mais à tous les programmes de la COI et d'autres organisations comme l'OMM, c'est le principe global), donc le système ne marche que si les membres mettent la main à la pâte.

Je rappelle ce dont nous parlerons ici pour les GIC du Pacifique, de l'océan Indien, des Caraïbes et de Méditerranée : très rapidement, vous avez, sur ce transparent qui est là (nous en reparlerons plus en détail ensuite), l'ensemble des décisions qui ont été prises et des responsabilités attribuées avec différents niveaux de profondeur d'engagement et il est essentiel que l'on ait pu répondre aux obligations de base, à savoir la désignation des interlocuteurs, et réaliser une coordination du réseau de marégraphie - c'est aussi une opération que je salue.

Mes derniers transparents : la COI s'est aussi préoccupée du cadre global et multirisque ; la France, étant présente dans les 4 bassins, a exactement les mêmes besoins que la Commission océanographique intergouvernementale en matière de coordination et d'organisation. En 2005, la COI a installé un groupe de travail que j'ai présidé sur le GOHWMS, c'est-à-dire le système global multirisque pour les risques d'origine maritime. On a choisi les risques de submersion marine qui sont dus aux tsunamis, aux marées de tempêtes, aux fortes vagues ainsi qu'aux changements climatiques. Disons que c'est l'élément structurant de la démarche. Par exemple à La Réunion, il y a eu des vagues de tsunamis en 2004 mais beaucoup plus fréquemment il y a des marées de tempêtes dues aux cyclones et de fortes vagues qui quelquefois font des dégâts et des victimes. Il est donc intéressant d'avoir un système qui essaie de traiter cela même si c'est difficile.

L'intérêt est de mettre en évidence un certain nombre d'activités communes à ces problématiques - l'une est évidente, c'est l'observation du niveau de la mer, d'où la mise en cohérence de tous les programmes d'observation, c'est ce que l'on a fait en France en confiant au SHOM la responsabilité de coordonner cette activité ; la COI aussi a pris la décision de confier à son groupe d'experts spécialisés la coordination d'ensemble des programmes d'observation du niveau de la mer. Il y a des activités, telles que la concentration en temps réel des données qui sont valables pour les 3 premiers risques cités, des modèles de propagation qui peuvent être communs (on pourra discuter là-dessus). Pour la dissémination des alertes, les procédures peuvent être communes, il y a des activités globales, par exemple la bathymétrie côtière fine et la modélisation de l'inondation qui nécessitent des mobilisations, les activités de préparation au phénomène qui est plus pour les risques cataclysmiques et les activités d'adaptation et tout cela dans le cadre d'une politique de gestion intégrée des zones côtières.

Tout un groupe d'activités est pris en charge essentiellement dans le système de tsunamis par la COI, l'Organisation météorologique mondiale et leur groupe commun, qui s'appelle la JCOMM, qui est garante des techniques de collecte, de dissémination de données et de production d'alerte.

Un peu plus loin, il s'agit de la préparation, l'ISDR, auquel j'ai ajouté le ICAM, Integrated Costal Area Management, qui s'occupe de gestion intégrée des zones côtières. Enfin, il y a des activités de coopération à monter avec les organisations en charge de l'observation sismique : j'ai mis en particulier l'OTICE, Organisation du traité du contrôle absolu des essais nucléaires, parce qu'il est la cible privilégiée des actions décidées lors de la COI.

Voilà le cadre général. Mon message était donc le suivant : comment sont réparties les responsabilités entre les organisations internationales et les politiques nationales ? Les politiques nationales doivent se mettre en place pour répondre aux besoins émis par le système international, sachant que l'alerte aux tsunamis et autres risques marins ne peut se concevoir que dans un cadre de coopération. Tel est le message principal.

D'autre part, la COI, comme la France, se préoccupe de découvrir des éléments structurants pour la mise en place des systèmes autour de la problématique de la submersion marine en vue d'une gestion intégrée des zones côtières.

Merci, Monsieur le Président, j'ai terminé.

M. Roland COURTEAU

Bien. Je vous remercie, Monsieur François Gérard. Nous allons continuer, puis dans une demi-heure ou trois quarts d'heure, nous donnerons la parole à la salle, nous procéderons au débat pendant une durée d'un quart d'heure à vingt minutes. Si vous le voulez bien, je vais donner maintenant la parole à Monsieur Laurent Michel, qui est directeur de la Direction générale de la prévention des risques au ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire.

B. M. LAURENT MICHEL, DIRECTEUR DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES, MINISTÈRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER

Merci, Monsieur le Sénateur. Je vais essayer en quelques minutes et en étant évidemment complémentaire par rapport à l'exposé de cadrage qui vient d'être fait par François Gérard d'exposer la politique française en matière des risques liés aux tsunamis, exposé qui sera évidemment complété par mon collègue Bernard Deleplancque, du ministère de l'Intérieur. Comme vous le verrez en effet, ces politiques sont largement conjointes entre les deux ministères. J'indiquerai aussi ce qui relève à la fois de l'action nationale sur le territoire national et de l'action nationale en tant que participant à l'action internationale. Comme l'a expliqué François Gérard, s'il y a cette organisation internationale, c'est qu'il y a une réalité physique des phénomènes qui amène nécessairement à la coopération internationale.

J'exposerai rapidement quelques éléments sur les étapes de cette politique de prévention des risques, d'abord la connaissance et l'évaluation de l'aléa, puis (ce qui a déjà été évoqué), en raison de la nature du risque, le cœur du système, la mise en place des systèmes d'alerte. Par rapport à d'autres composantes ou d'autres politiques de la prévention des risques naturels, il y a des composantes qui sont beaucoup moins prégnantes dans le risque de tsunami, en particulier la protection ou le risque de vulnérabilité, même si on peut imaginer dans le cadre de politiques globales, certaines actions de prévention communes au risque de tsunami et au risque d'inondation. D'où le fait que, vraiment, la mise en place des systèmes d'alerte est fondamentale et qu'elle se couple avec le point suivant, l'information de la population (François Gérard l'a esquissé). Dans toute photo, il y a aussi les perspectives, au-delà du bilan et de l'état des lieux des actions, ce qui nous attend dans les quelques mois et années à venir.

La connaissance de l'aléa fait l'objet sur le territoire d'un certain nombre de travaux avec des études confiées entre autres au BRGM. L'état des lieux : des cartographies de l'aléa ont été réalisées sur les Antilles et la Méditerranée, avec l'identification des causes potentielles (séismes et glissements de terrain dits tsunamigènes) et l'élaboration de scénarios de propagation et de hauteur de vague sur la côte. Vous avez d'ailleurs une carte sur les Caraïbes.

Sur la Guyane, c'est en cours de réalisation, et sur la Méditerranée, il va falloir, dans le cadre du système d'alerte Atlantique Nord-Est et Méditerranée, affiner les cartographies avec des scénarios complémentaires.

Les systèmes d'alerte : sans surprise, vous voyez réapparaître les quatre bassins internationaux qui concernent la France, sans ordre d'importance. Le point d'abord sur la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est : en novembre à Athènes, dans le cadre du groupe intergouvernemental de coordination, la France a proposé de gérer un centre régional d'alerte aux tsunamis sur la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est, et par ailleurs, d'ores et déjà, le centre national qui pourrait être ensuite le support du centre régional a fait l'objet d'une décision conjointe des ministères chargés de l'Intérieur et du Développement durable pour le lancer avec une conduite du projet technique confiée au CEA en associant d'autres organismes, en particulier le SHOM et le CNRS. Le CEA sera le point focal pour le SATANEM. L'objectif est de proposer que ce centre national puisse être le cœur ou l'un des participants à un centre régional à financer de manière collective au niveau européen. Je n'en dis pas plus sur ce centre : Bernard Deleplancque a prévu de détailler davantage sa mise en œuvre et on en parlera lors de la deuxième table ronde.

Dans l'océan Indien, la France, en s'articulant autour de l'île de La Réunion, travaille au réseau avec des actions qui ont été conduites sur le déploiement et la mise à niveau des réseaux de marégraphes, d'une part, impliquant SHOM, IPEV, les TAAF et le LEGOS, et des réseaux de sismographes, d'autre part. Cela devrait être achevé d'ici fin 2009 ; bien entendu, le volet « transmission de l'information » doit suivre.

Dans les Caraïbes, à nouveau on voit l'importance de la réflexion internationale au sens de ces grandes régions. Dans le cadre d'un groupe intergouvernemental de coordination, un dispositif est en cours de définition. Porto Rico pourrait apparaître comme le centre d'alerte régional. Évidemment, la France se doit de participer au réseau, en particulier les Antilles françaises, Météo France étant le point focal et l'Institut de physique du globe de Paris, le point de contact national.

Dernier point, qui aurait pu être le premier au niveau chronologique : au niveau de l'océan Pacifique, donc sur la Polynésie française et le Pacifique Sud-Ouest, la France participe au dispositif d'alerte en s'articulant autour du point focal qu'est le CEA. Il y a, bien entendu, encore des améliorations du système possibles et nécessaires en renforçant le dispositif d'instrumentation sur le Pacifique sud-ouest, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie.

Je vous ai indiqué les grandes lignes. Dans les éléments importants qui seront détaillés par le ministère de l'Intérieur, il y a toute cette phase de qualification des missions de l'alerte, la question de la mise au point de l'alerte descendante comme on dit, pour que l'on puisse utiliser le signal de manière opérationnelle en termes de protection civile : cela vous sera exposé par la suite.

Un des éléments qui doit concourir à l'efficacité de manière générale en termes de prévention des risques naturels particulièrement sur les tsunamis, et donc dans l'alerte descendante et la réaction face au phénomène, est la sensibilisation des populations : un certain nombre d'actions démarrées depuis quelques années devront être poursuivies et amplifiées en liaison avec la mise en place opérationnelle ou le renforcement des systèmes d'alerte.

Par rapport aux jeunes populations, des documents à destination des enfants ont été préparés et peuvent s'intégrer à des programmes éducatifs à l'école, des formations pour les enseignants aussi sont conduites. Sur des bassins spécialement exposés, des actions ont été conduites par les préfectures des Antilles et, dans le cadre de l'élaboration du plan de secours spécialisé, de La Réunion. En particulier dans ce cadre, nous allons participer à un exercice d'alerte sur l'ensemble du bassin. On peut signaler une initiative européenne mais à laquelle on se doit de faire écho, la création, à l'initiative de la Commission européenne, d'un centre d'information aux tsunamis pour le bassin Atlantique Nord-Est et Méditerranée.

Pour les perspectives, je dirais que l'on a maintenant clairement identifié ce qu'il faut faire ; la volonté politique et les financements que vous avez évoqués, Monsieur le sénateur, dans vos rapports se traduisent progressivement par la mise en place de ces systèmes d'alerte. Il faut désormais coordonner nos systèmes nationaux avec la commission océanographique intergouvernementale, être force de proposition et participer au système. Au-delà de toute la mise en œuvre opérationnelle, nous aurons à voir aussi si, pour le centre régional Atlantique Nord-Est et Méditerranée, un consortium de partenariat peut émerger autour ou avec notre centre d'alerte national. Le système d'alerte dans les Caraïbes doit encore se finaliser donc il faut que nous soyons force de proposition.

Je finirai ainsi : comme vous l'avez dit, la loi Grenelle I et l'amendement sénatorial ont prévu la mise en place des centres d'alerte, c'est en bonne voie. La loi a aussi demandé l'intégration des risques de tsunami dans les plans de prévention des risques majeurs. Que peut signifier l'intégration du risque de tsunami dans les plans de prévention des risques majeurs ? Les plans de prévention des risques majeurs travaillent beaucoup sur la réduction de la vulnérabilité, soit en limitant les constructions dans les zones exposées, soit en renforçant les dispositifs de protection des bâtiments. Dans le cadre du risque tsunami, il apparaît difficile, quand des bâtiments sont en bordure de mer de les protéger. Nous n'aurons pas une vision de compréhension des risques classiques comme pour d'autres risques. En revanche, on pourra peut-être se recaler dans la vision globale du risque de submersion marine puisque de toute façon c'est un risque qu'on doit évoquer avec les phénomènes de montée des eaux liés aux changements climatiques et les phénomènes de fortes vagues. Cela amènera sûrement, au moins dans des zones de côtes basses, à envisager ce que l'on appelle des replis stratégiques, comme cela se fait déjà dans certains pays. Le tsunami n'est pas forcément le facteur déclenchant, c'est un ensemble de considérants qui amèneront peut-être à dire que certaines zones peuvent envisager des replis ; à l'inverse, on imagine mal la ville de Nice se replier totalement sur ses collines.

Le plan de prévention des risques majeurs pour les tsunamis n'a pas tout à fait les mêmes considérants. Dans l'esprit du législateur, cela vise à développer l'information préventive et la sensibilisation des populations ; nous partageons tous ce souhait, qui devra être intégré dans les politiques à la fois de l'État mais aussi dans les politiques des communes, les dossiers communaux sur les risques majeurs, les plans communaux de sauvegarde articulés, bien entendu, avec les plans de l'État.

Voilà un point sur la gestion de l'alerte qui sera complété dans la foulée par le ministère de l'Intérieur.

M. Roland COURTEAU

Très bien. Merci Monsieur Laurent Michel. Sans attendre, je donne la parole à Monsieur Bernard Deleplancque, qui est sous-directeur de la gestion des risques au ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales.

Je voudrais auparavant excuser le premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Monsieur Jean-Claude Etienne, qui, au dernier moment, a eu un problème de transport, mais son assistant est là.

C. M. BERNARD DELEPLANCQUE, SOUS-DIRECTEUR DE LA GESTION DES RISQUES, MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET M. PASCAL MATHIEU, CHEF DU BUREAU DES RISQUES MAJEURS À LA DIRECTION DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Comme nous sommes riches au ministère de l'Intérieur, nous sommes venus à deux. Monsieur le Sénateur, Mesdames et Messieurs les Présidents des Groupes intergouvernementaux, Mesdames et Messieurs.

En décembre 2007, vous concluiez, Monsieur le Sénateur, dans le rapport sur l'évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et en Outre-mer : « La France doit mettre en place son propre dispositif national d'alerte pour réduire la vulnérabilité de son littoral au tsunami. » Votre rapport mettait en exergue les enjeux de sécurité et de géostratégie que représentait pour la France la création d'un système national d'alerte aux tsunamis. Vous signaliez cependant le manque de volonté politique se traduisant par une absence de crédits permettant de financer les actions nécessaires afin que la France dispose d'organismes de référence en géosciences et en océanographie.

Vos remarques et préconisations ont bien été prises en compte et ont fait naître une volonté commune entre deux ministères, le ministère de l'Intérieur et le ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, puisqu'ils se sont rassemblés pour mettre en route une action volontariste visant à la création du centre d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale, tout cela à l'horizon de l'année 2011 ou du tout début de l'année 2012.

La création de ce centre est accompagnée par la mise en place à l'échelon local d'un réseau d'alerte dit descendant (j'aurai l'occasion d'en dire quelques mots tout à l'heure) à l'attention des populations. Cette démarche s'appuie bien évidemment sur l'étude de vulnérabilité qui doit permettre l'élaboration de recommandations à l'attention des pouvoirs publics. Ces recommandations doivent permettre de définir les meilleurs vecteurs de diffusion d'alerte (système de sirènes, broadcasting, panneau d'affichage), des comportements d'évacuation ainsi que l'organisation de la résilience du territoire à ce risque. Pour ce faire, nous avons - je pense que François Schindelé le rappellera tout à l'heure - un certain savoir-faire acquis dans le Pacifique.

Notre horizon est fin 2011-début 2012. Eu égard aux enjeux financiers et techniques que représente la création d'un centre national d'alerte aux tsunamis à vocation régionale, il a été décidé de concentrer nos efforts dans un premier temps sur un seul bassin de risque, la Méditerranée ; en effet, le bassin méditerranéen ne dispose d'aucun système d'alerte précoce pour le moment. Or ce littoral fortement peuplé (environ 2 500 habitants au km2), représente un enjeu majeur en termes économiques, il est exposé à l'aléa tsunami d'origine proche (glissement de terrain en bordure du littoral ou séisme en mer Ligure) ou lointaine (séismes sur la marge nord algérienne). Il convenait donc d'élaborer une véritable politique publique de protection des populations contre l'aléa tsunami dotée de moyens financiers importants.

Cette volonté politique est aujourd'hui soutenue par des ressources budgétaires. Petit rappel simplement : dès 2006, Monsieur Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait sollicité le CEA afin que cet organisme, par ses compétences, mette à la disposition du territoire métropolitain un système d'alerte au tsunami ; le CEA avait alors répondu favorablement à cette demande à la condition, bien évidemment, de pouvoir disposer des moyens financiers nécessaires à la création et au fonctionnement de ce centre.

Sur le fondement de la proposition de février 2008, prenant en compte les besoins du CEA, du SHOM et du CNRS, qui sont donc les principaux partenaires de ce projet pour la partie alerte montante, la Direction de la sécurité civile a obtenu d'une part l'inscription de cette problématique au Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale et, d'autre part, dans le cadre des projets de loi d'orientation de la programmation de la sécurité intérieure, la LOPSI, 7 millions d'euros sur cinq ans. Ces crédits permettront de prendre en charge la moitié du coût de l'investissement, soit 2 millions d'euros sur deux ans et la moitié du coût de fonctionnement, soit 5 millions d'euros sur trois ans. Pour sa part, le ministère chargé de l'Écologie interviendra à due concurrence à hauteur de 7 millions, dans le cadre de cette démarche partenariale commencée depuis maintenant un petit peu plus d'un an.

Forts de ce levier budgétaire, nos deux ministères ont demandé au Premier ministre la désignation du CEA comme centre national d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée à vocation régionale. Pour la Méditerranée occidentale, lors de la réunion du Groupe de coordination intergouvernementale de l'UNESCO qui s'est réunie du 3 au 5 novembre 2008 à Athènes, la proposition française a été acceptée par la Commission intergouvernementale de coordination. Toutes les conditions étaient donc réunies pour mettre l'engagement politique et financier de nos deux ministères au service de la réalisation d'un projet technique ambitieux en faveur de la population française mais également des populations des États contigus à la Méditerranée.

Il s'agit donc d'un projet scientifique au service de la sécurité des populations. Le CEA a été désigné, par une lettre d'intention commune des deux départements ministériels en date du 4 mars 2009, pour réaliser à la fin 2011-début 2012 le centre d'alerte aux tsunamis et le faire fonctionner.

Mais le CEA n'est pas le seul acteur, il sera notre intégrateur. Le SHOM ainsi que le CNRS sont associés à la réalisation du projet, le SHOM étant en particulier chargé de transmettre en temps réel les données marégraphiques, et le CNRS, les données de quatre stations sismologiques.

Pour assurer une gouvernance optimale de ce projet, une convention cadre entre les parties, à savoir nos deux ministères, le CEA, le SHOM et le CNRS, a été élaborée ; elle précise l'engagement de toutes les parties tant pour la création du centre que pour son fonctionnement. Je ne présenterai pas ici les éléments techniques relatifs à ce projet, laissant le soin à François Schindelé, notre grand expert, désormais émérite, du CEA, et par ailleurs excellent pédagogue, pour vous faire la présentation technique.

Je reviendrai en revanche sur trois objectifs majeurs que nous avons fixés au CEA dans le cadre de notre grand partenariat. Ce centre doit permettre d'alerter, dans les 15 minutes qui suivent un événement sismique potentiellement tsunamigène en Atlantique Nord-Est ou en Méditerranée occidentale, les autorités de sécurité civile françaises. En tant que centre à vocation régionale, ce centre doit également informer dans le même délai de la survenue de l'événement en tant que centre à vocation régionale les centres d'alerte nationaux et régionaux étrangers. Par ailleurs, ce centre doit également confirmer ou infirmer l'occurrence éventuelle d'un tsunami dans les 20 minutes suivantes.

La gouvernance du projet est assurée conjointement par le ministère chargé de l'Écologie et le ministère de l'Intérieur ; le CEA assure pour sa part la coordination technique du projet, de sa création à son exploitation dans le cadre d'un comité de coordination technique. Cette convention cadre a été à ce jour signée par l'ensemble des opérateurs ; elle est actuellement dans les mains de nos CBCM, nos contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, à la fois au ministère de l'Intérieur et parallèlement au ministère de l'Écologie avant qu'elle ne soit signée par nos deux ministères. La signature définitive de cette convention est attendue pour la fin juin, qui sera donc la date officielle du lancement de la création du centre national d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale.

Bien évidemment, lorsqu'on aura défini et mis sur pied ce CRATANEM, il faudra être en capacité de produire l'alerte et l'information descendante à destination des populations. Le ministère de l'Intérieur se doit, concomitamment à la création du centre régional de surveillance, de définir et de développer un système d'alerte aux populations qui soit le complément indispensable à tout système de détection d'un aléa. Pour être pertinent, ce système d'alerte doit se fonder sur la détermination de la vulnérabilité des côtes. Cette étude doit permettre, d'une part, d'identifier les zones d'habitation concernées, d'autre part de préciser les périmètres d'impact, notamment les distances de pénétration des vagues à l'intérieur du territoire. Forts de ces informations, il sera possible de réaliser les cartes d'inondation et d'évacuation des zones habitées permettant d'assurer une gestion de l'aménagement du territoire et des moyens de secours, de définir le meilleur vecteur d'information de l'alerte aux populations en fonction du lieu et des scénarios de l'événement (tsunami champ proche ou lointain), de réaliser des campagnes de sensibilisation auprès des populations sur les comportements à adopter en cas de tsunami.

Je profite de l'occasion pour vous faire part de la rénovation du système national d'alerte, système qui aujourd'hui repose sur le réseau national d'alerte qui date de l'après-guerre froide, des années 1950, et qui est devenu complètement obsolète tant dans sa conception technologique que dans la répartition des moyens d'alerte sur le territoire national. Le projet en cours, lui aussi inscrit au Livre blanc, vise d'une part à s'assurer que les moyens d'alerte existants et futurs correspondent bien à la définition des bassins de risques tels que nous les envisageons aujourd'hui, d'autre part à faire en sorte que ces moyens multiples d'alerte (sirènes, panneaux à messages variables, automates d'appel et, vraisemblablement demain, système de cell broadcast ou de radio numérique terrestre) puissent être déclenchés à partir d'un centre unique que l'on envisage de placer dans les centres opérationnels départementaux de secours qui utiliseront en tant que vecteurs de transmission de l'information l'infrastructure nationale partagée des transmissions, à savoir le réseau du ministère de l'Intérieur qui supporte à la fois Acropole, le réseau de la police nationale, et Antarès, le réseau qui supporte les télécommunications des sapeurs pompiers et bientôt du SAMU. Ce projet avance en parallèle de manière aussi rapide que le projet tsunami et nous avons procédé la semaine dernière à Lyon le 18 juin à une expérimentation grandeur nature sur 3 départements, le Rhône, l'Allier et l'Ain, avec des déclenchements depuis soit le centre opérationnel départemental des sapeurs pompiers, soit depuis le centre zonal, soit depuis la préfecture, soit depuis des centres opérationnels divers.

Ce système fonctionne, le démonstrateur est aujourd'hui réalisé, le début du déploiement de ce système devrait lui aussi intervenir au début de l'année 2011 et sera effectivement concomitant avec le projet qui nous rassemble aujourd'hui.

Pour revenir à ce qui nous réunit aujourd'hui, les études afférentes à la création d'un réseau d'alerte descendante pour le littoral méditerranéen ont d'ores et déjà été budgétées, la LOPSI a prévu 100 000 euros pour les exercices 2009 et 2010. Un complément budgétaire sera néanmoins nécessaire pour finaliser ces études à horizon 2011.

C'est dans ce cadre que nous allons poursuivre le partenariat avec les opérateurs. L'étude de vulnérabilité des côtes nécessite d'identifier les lieux de propagation des tsunamis et leurs caractéristiques. Pour ce faire, la Direction a décidé d'associer à cette réflexion, outre le ministère chargé de l'Écologie, le CEA et le SHOM, le bureau des recherches géologiques et minières, le BRGM. Ce bureau a déjà en effet élaboré, pour le compte du ministère chargé de l'Écologie, des scénarios de tsunamis sur le bassin méditerranéen.

La première réunion de lancement de ce projet a eu lieu le 29 mai à la Direction de la sécurité civile. Dans ce cadre également, un projet conventionnel viendra déterminer les actions techniques et financières de chacune des parties, ce projet de convention fixant par ailleurs la gouvernance du projet à la fin de l'exercice 2009.

Les premières conclusions de ce groupe de travail ont permis de fixer un calendrier d'actions qui s'étend jusqu'en 2011 et propose d'expérimenter dans deux ou trois aires géographiques du littoral méditerranéen (qui devront être choisies comme représentatives des différentes catégories d'enjeux - ports, plages, urbanisations proches du littoral -), des scénarios d'événements et des outils de planification de diffusion de l'alerte afférente au risque de tsunami. A l'aune de cette expérience, la Direction de la sécurité civile pourra infirmer ou non les préconisations qui devront ou non être adressées aux acteurs locaux : en effet, la gestion de crise relève de la compétence du maire et du préfet, il en est de même en matière de gestion et d'utilisation du sol.

En conclusion, Monsieur le Sénateur, votre rapport sur l'évaluation et la prévention du risque tsunami n'a pas été un simple aiguillon pour l'exécutif mais un véritable levier, levier qui a permis de fédérer les énergies à la fois des acteurs institutionnels mais également des opérateurs. Eu égard aux enjeux financiers que représente la finalisation de l'alerte descendante, je formule le vœu que votre soutien nous permette de poursuivre l'ensemble du programme évidemment jusqu'à son terme puisque nous avons résolu une partie des sujets au moins pour les deux années à venir mais ce sont bien évidemment des projets ambitieux qui iront au-delà des années 2013.

Je voudrais également remercier les acteurs ici présents d'avoir démontré beaucoup de volontarisme et sans cette volonté évidemment, le projet n'aurait pu naître ; je vais citer, comme souvent, les principaux représentants de ces différents organismes, Laurent Michel, qui est le directeur général de la prévention des risques, Monsieur Bruno Feignier qui malheureusement n'est pas là aujourd'hui mais qui est représenté par François Schindelé du CEA, Monsieur Bresson du SHOM, et Madame Deschamps du CNRS. Sans la réelle volonté de s'associer pour ce type de projet, nous en serions aujourd'hui encore vraisemblablement à étudier le rapport que vous avez produit en 2007.

Merci de votre attention.

M. Roland COURTEAU

Écoutez, Monsieur Deleplancque, je mesure effectivement toute la mesure du chemin parcouru en l'espace de moins de deux ans : je me réjouis de ces avancées, qui sont indéniables, et je voudrais vous assurer que nous continuerons à vous soutenir, comme vous le sollicitez pour des projets encore plus ambitieux. Comptez sur nous et merci encore, en tout cas, de ce point, qui a été particulièrement concret.

Tout en excusant Monsieur Feignier qui, justement, a quelques petits problèmes de santé, je voudrais donc donner la parole à celui que vous connaissez tous, Monsieur Schindelé.

D. M. FRANÇOIS SCHINDELE, EXPERT ALEA TSUNAMI AU COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE

Merci, Monsieur le Sénateur. Comme vous l'avez souligné, Bruno Feignier regrette profondément de ne pas pouvoir participer à cette table ronde et m'a chargé de vous remercier d'avoir invité le CEA à cette nouvelle audition parlementaire sur les systèmes d'alerte aux tsunamis.

Comme nous venons de le voir dans les présentations et interventions des ministères, l'état de la situation en tout cas en Méditerranée et Atlantique Nord-Est a profondément évolué depuis 2007 et nous sommes maintenant dans une démarche de construction commune, si je puis dire, de ce fameux système d'alerte.

Je vais donc passer rapidement sur des points qui ont déjà été présentés. Le CEA a été mandaté pour mettre en place ce centre d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l'Atlantique Nord-Est. La quasi-totalité de la proposition faite par le CEA en 2007-2008 a été retenue et donc, comme il a été déjà spécifié, le CEA sera le coordinateur et le coordonnateur technique du projet, et un des points très importants que vous avez déjà souligné, Monsieur le Sénateur, a été acquis, à savoir la nécessité d'une permanence pour un bassin où la menace tsunami arrive en quelques minutes ou au maximum en une à deux heures. Indispensable, la permanence mise en place assurera la surveillance, l'alerte et la diffusion des messages vers les autorités de protection civile en France et vers les autres centres régionaux, nationaux et points focaux tsunamis qui sont instaurés dans le cadre de la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO. Ce centre sera donc en place en fin 2011-début 2012.

Je reprendrai juste quelques points techniques qu'on a vu se dessiner ce matin : il s'agit tout d'abord de détecter le séisme (la majorité des tsunamis sont induits par des tremblements de terre, donc il faut mettre en place un réseau de surveillance sismologique) ; ensuite, pour détecter le tsunami, c'est un réseau de surveillance de mesure du niveau de la mer qui comprend essentiellement des marégraphes mais également des stations au large (qu'on appelle maintenant des tsunamimètres) et finalement, pour analyser toutes ces mesures, évaluer l'aléa et disséminer les messages, un centre d'alerte sera créé avec des schémas et des procédures d'alerte à définir.

Des expertises du CEA ont déjà été évoquées ce matin. Je vais rappeler le mandat que nous avons déjà depuis les années 1980 d'alerter la sécurité civile française en cas de fort séisme en métropole ; d'autre part, nous sommes responsables - mais cela fait presque 40 ans - du centre polynésien de prévention des tsunamis, qui est à ce jour le seul centre national d'alerte aux tsunamis comprenant toutes les composantes et nous sommes donc le point focal et le représentant de la France dans le groupe du Pacifique depuis plus d'une vingtaine d'années. Les capacités opérationnelles sont avérées : vous l'avez aussi évoqué, la détection des essais nucléaires est une des composantes principales du département analyse surveillance environnement du CEA et nous avons des expertises uniques depuis une vingtaine d'années en modélisation de l'aléa tsunami et en systèmes d'alerte.

Dans les zones d'intérêt Méditerranée et Atlantique Nord-Est, je tiens à préciser par rapport à l'exposé précédent notamment que nous allons surveiller finalement la Méditerranée et l'Atlantique Nord-Est vis-à-vis des côtes françaises. Nous considérerons 3 zones tsunamigènes, l'une, justement, en Atlantique Nord-Est qui va en gros des Açores au continent africain et européen, la marge Nord africaine, et la mer Ligure. Il s'agit finalement de surveiller toute cette zone et un peu plus pour pouvoir analyser l'ensemble des tremblements de terre qui ont lieu dans cette région et en déduire le caractère tsunamigène.

On va considérer les deux réseaux de surveillance, le premier, le réseau de surveillance sismologique : en France, on va utiliser les données de 14 stations (huit du CEA, quatre du réseau large bande du CNRS, 1 Géoscope d'Algérie et 1 de Djibouti et en gros 40 stations de quatre pays compléteront ce système de surveillance : l'Espagne, l'Italie, le Portugal et l'Allemagne) ainsi que quelques stations complémentaires soit en Algérie, soit au Maroc, soit en Tunisie. En outre, on bénéficiera également (ce qui a déjà été précisé ce matin) des données OTICE, de l'organisme du Traité d'interdiction des essais nucléaires. Seront utilisées a priori les données de sept stations, peut-être plus, si de nouvelles stations se mettent en place dans les prochaines années dans cette région.

En ce qui concerne la mesure du niveau de la mer, je vais l'exposer rapidement - mon collègue du SHOM, je pense, détaillera. Il faut préciser qu'il y a une trentaine de stations marégraphiques le long des côtes françaises qui doivent être passées en temps réel et transmettre leurs données au centre d'alerte mis en place au CEA. Certains tsunamimètres seraient nécessaires, même s'ils n'ont pas été prévus à ce jour, au large des côtes françaises, en Mer Ligure, au large du Golfe du Lion, du Golfe de Gascogne, ce qui permettrait de surveiller le tsunami avant qu'il n'arrive le long de nos côtes. Pour surveiller les deux zones, que ce soit la marge africaine ou la zone située entre les Açores et le continent africain et européen, il faudra positionner une cinquantaine de stations, dont en gros une quinzaine sont prévues à ce jour par les différents États membres, mais il faudra mettre en place un programme pour installer justement les autres stations avec les différents pays : cela peut aussi faire partie du projet de consortium européen ou au niveau de la région.

Comment va fonctionner le système et comment va-t-il être mis en place ? Les stations existantes à ce jour représentées sur cette carte (les stations du CEA et les stations OTICE dont nous recevons déjà les données en temps réel à notre centre) seront complétées par les stations du CNRS dans les deux années qui viennent. La transmission des données des autres pays va se faire par ligne spécialisée informatique haut débit entre les centres nationaux sismologiques et tsunamis et le centre CEA, qui va envoyer les données des stations françaises par le même moyen à ces différents centres nationaux. Concernant la marégraphie, les stations marégraphiques du SHOM seront donc modernisées dans les deux années et les données des stations existantes mises en place par les autres pays (Espagne, Portugal, Algérie, Italie et autre) seront transmises par différents moyens et réceptionnées au centre d'alerte mis en place par le CEA. Finalement, la dissémination d'alerte se fera vers la Direction de la sécurité civile, vers les différentes adresses qui nous seront précisées et vers les différents centres régionaux, centres nationaux et points focaux.

L'objectif du schéma d'alerte, déjà précisé, est d'envoyer dans les 15 minutes après un tremblement de terre le premier message aux autorités et aux autres centres nationaux et points focaux, donc il s'agit de traiter automatiquement les données, d'analyser les résultats, de prendre une décision et d'envoyer les messages. Ensuite, l'alerte à la population (quelques minutes : ce sera dans le programme d'alerte descendante) sera effectuée. Et il restera, en cas de tsunami en provenance de la marge africaine de l'ordre de 40-50 minutes pour évacuer les zones menacées.

Le système va surveiller en continu grâce aux données sismiques et marégraphiques, ainsi qu'aux tsunamimètres disponibles. Dès les deux minutes qui suivent tout événement sismique, il y aura acquisition automatique des données, analyse automatique des données avec détection des événements, localisation, calcul de la première estimation de la magnitude et, s'il y a des marégraphes à proximité, mesure de l'amplitude du tsunami. Les personnels de permanence seront prévenus par une alerte interne du système, environ trois minutes après le tremblement de terre et seront là d'une part pour valider les résultats mais aussi pour utiliser tous les résultats des scénarios des tsunamis qui auraient été pré-calculés ainsi que les bases de données existantes, que ce soit les bases de données sismologiques ou les bases de données tsunamis. Les informations qui seront envoyées dans les différents messages (messages d'avis ou messages d'avertissement) sont, d'une part, l'information qui concerne le séisme (localisation, magnitude, origine), d'autre part, les heures théoriques d'arrivée du tsunami à partir du moment où un tsunami potentiel a été détecté à partir du calcul de la magnitude et si l'épicentre est proche de la côte ou sous-marin. Par ailleurs, des niveaux d'alerte ont été définis dans le cadre du groupe du GIC/SATANEM de l'UNESCO avec deux niveaux, un niveau que l'on peut appeler orange ou niveau d'avis, et un niveau rouge qui serait plutôt un niveau d'avertissement. On aurait également une carte de la hauteur maximale du tsunami attendu au large à partir du scénario le plus proche de l'événement réel. Dès que le tsunami aura atteint un marégraphe, on aura les mesures de l'amplitude, de la période du tsunami et on pourra en déduire si un tsunami a été généré, quelle est son amplitude et quelle est la menace le long des côtes de la région.

Pour terminer, le cadre international sera évoqué dans la deuxième table ronde ; pour rappeler ce qui a déjà été dit, la France a offert à la Commission océanographique de mettre en place ce centre d'alerte nationale à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale. A ce jour, le Portugal a proposé lors de la réunion d'Athènes de devenir centre régional pour l'Atlantique Nord-Est, l'Italie pour la Méditerranée centrale et l'Adriatique, la Grèce pour la mer Égée et la Méditerranée orientale et la Turquie pour la Mer noire, la Mer de Marmara, la Mer Égée et la Méditerranée orientale.

Conclusions : ce centre d'alerte aux tsunamis sera en place fin 2011-début 2012, la surveillance sismologique dans la région sera totalement assurée très rapidement, en moins d'un quart d'heure ; la surveillance marégraphique le long des côtes françaises sera également assurée, ainsi que le long de certains pays, et certaines composantes (dont il faut souligner qu'elles ne font pas partie de ce projet) devront être mises en place (tsunamimètres au large des côtes françaises - je pense qu'au minimum, il en faudrait trois, un en Mer Ligure, un dans le Golfe du Lion et un dans le Golfe de Gascogne - ainsi que des marégraphes et des tsunamimètres dans les zones tsunamigènes éloignées, essentiellement le long de la marge nord africaine).

Pour terminer, la proposition du CEA que j'ai décrite a tenu finalement compte de trois principes : mettre en commun et utiliser des moyens et des données existantes, qu'ils soient français ou étrangers, d'autre part adapter ces moyens si nécessaire pour rendre robuste et fiable l'ensemble de la chaîne de l'alerte montante et enfin inclure les éléments manquants indispensables que la France se devait de mettre en œuvre.

Je vous remercie.

M. Roland COURTEAU

C'est moi qui vous remercie, Monsieur Schindelé. Comme vous avez pu le constater, nous ne faisons que poursuivre dans le concret, nous avons le sentiment d'avancer. Merci, Monsieur Schindelé, et sans attendre, je voudrais donner la parole à Frédéric Papet, qui est Directeur de cabinet de la Délégation générale à l'Outre-mer.

E. M. FRÉDÉRIC PAPET, DIRECTEUR DE CABINET DE LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE À L'OUTRE-MER

Merci, Monsieur le Sénateur.

En complément des interventions précédentes, on peut rappeler les actions conduites par le secrétariat d'État à l'Outre-mer, actions qui visent à une bonne coordination avec les autres acteurs qui se sont exprimés jusqu'à présent. Vous aviez souligné dans votre rapport, Monsieur le sénateur, le bon état de préparation de la Polynésie française - Monsieur Schindelé en a rappelé l'historique. Quels sont les points d'évolution depuis lors ? Cette coordination avec les autres acteurs s'est maintenue : j'en veux pour preuve la récente convention que la ministre de l'Intérieur a signée avec le CEA pour, dans le cadre du fonctionnement du laboratoire de Pamataï ou encore les études et les analyses prospectives que nous avons cofinancées. Vous évoquiez tout à l'heure l'intérêt de l'histoire des tsunamis et de la pédagogie à mener auprès des populations : une étude a ainsi été confiée à un géographe en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna et a permis de mieux connaître à la fois l'historique des phénomènes de tsunamis mais aussi d'instiller une première action de pédagogie à l'égard des populations. Le témoignages recueillis dans certaines tribus de Nouvelle-Calédonie ont permis de mieux connaître les phénomènes passés et donc de mieux prévoir ceux de l'avenir.

La démarche de planification progresse également. Ainsi le plan spécialisé de secours  de la Réunion a été arrêté en 2008. On voit donc que progressivement les différentes étapes de la préparation à l'alerte tsunami se renforcent.

L'action du Secrétariat d'État à l'Outre-mer s'est aussi matérialisée par un certain nombre de crédits qui ont été dévolus à la prévention du risque : j'en veux pour preuve, au titre des exercices 2007-2008 le financement d'un réseau de sirènes à Wallis-et-Futuna (cet archipel était dépourvu en 2006 de sirènes, il est aujourd'hui entièrement équipé grâce à des crédits portés par la mission Outre-mer). D'autres actions sont conduites actuellement, notamment en coopération avec le ministère des Affaires étrangères, avec l'emploi du Fonds Pacifique qui a permis l'achat au profit des collectivités du Pacifique (la Polynésie française et Wallis-et-Futuna), mais également d'autres États de la région pacifique, de marégraphes dont le déploiement est en cours. Pour une somme de plus de 200 000 euros, le Fonds Pacifique est intervenu pour l'achat de ces marégraphes dont le coût d'installation et le coût de maintien en conditions opérationnelles devraient être pris en compte pour l'avenir. L'achat a été budgété mais nous rencontrons des difficultés pour obtenir des ministères techniques compétents les crédits nécessaires au maintien en condition opérationnelle de ces marégraphes. On voit que le dossier continue à vivre.

Voilà les points que je voulais ajouter en complément et sans vouloir répéter ce qui a déjà été largement décrit précédemment. La problématique Outre-mer est évidemment très importante ; on voit qu'un effort très important vient d'être fait pour la prévention du risque en métropole. L'Outre-mer, du fait de l'historique de la Polynésie française, bénéficiait « d'une longueur d'avance ». Il me semble qu'une attention similaire devrait également être portée dans la montée en puissance du traitement de l'alerte dans la région Caraïbe. C'est donc dans cette perspective qu'il va falloir travailler dans l'avenir pour essayer de continuer à bien prendre en compte également les zones les plus soumises au risque de tsunami.

Je vous remercie.

M. Roland COURTEAU

Effectivement, le centre d'alerte de Polynésie française est considéré comme un modèle et une référence dans bien des endroits. Merci à vous.

Je vais donner la parole à Monsieur Dominique Bresson, adjoint au directeur de la stratégie, de la planification et des relations extérieures, du SHOM, ainsi qu'à Monsieur Ronan Créach, chef de la Cellule hydrodynamique côtière et chef du projet RONIM, puis nous ferons une petite pause. Ils sont déjà en place !

F. M. DOMINIQUE BRESSON, ADJOINT AU DIRECTEUR DE LA STRATÉGIE, DE LA PLANIFICATION ET DES RELATIONS EXTÉRIEURES DU SHOM

Merci, Monsieur le président. Ce sera donc, si vous en êtes d'accord, un exposé à deux voix avec mon collègue Ronan Créach. Le SHOM, comme vous le savez, a été transformé en 2007 de service de la marine en établissement public à caractère administratif et entre désormais dans ses missions le soutien aux politiques publiques maritimes et du littoral ; dans ce cadre-là et dans ses domaines de compétences, le SHOM, en tant qu'opérateur, a été sollicité pour participer, sur demande des ministères chargés de l'Intérieur et du Développement durable et aux côtés du CEA et du CNRS, au dispositif qui vient de vous être présenté.

Je vais laisser mon collègue présenter le réseau de marégraphes du SHOM, d'autant qu'il est chef d'un projet qui s'appelle RONIM, pour Réseau d'observation du niveau de la mer, et qui a pour objectif la mise en place et le maintien en conditions opérationnelles d'un réseau moderne de marégraphes avec des transmissions en temps réel dans les principaux ports de France métropolitaine et d'Outre-mer. Ce projet vise à assurer la diffusion des données vers les usagers en temps réel et également en temps différé.

Autre projet du SHOM, qui contribue également à la connaissance des espaces côtiers, notamment du point de vue de la bathymétrie, qui avait fait l'objet d'une recommandation dans votre rapport, c'est le projet dit Litto3D (j'y reviendrai brièvement tout à l'heure) : c'est un projet qui est conjoint au SHOM et à l'Institut géographique national. Il s'inscrit dans le cadre du référentiel géographique du littoral et a pour but, pour dire les choses simplement, de produire et de mettre à disposition une base de données altimétriques qui lient de façon continue, cohérente, les parties immergées et émergées du littoral et de faire en sorte que les cartes marines et les cartes terrestres puissent s'imbriquer et être utilisées. Il doit également permettre de faire des simulations de montée des eaux qui auront toute leur utilité dans le cadre de la prévention des risques liés au changement climatique.

Mais je laisse Ronan présenter le réseau de marégraphes du SHOM.

G. M. RONAN CREACH, CHEF DE LA CELLULE « HYDRODYNAMIQUE CÔTIÈRE » ET CHEF DU PROJET « RONIM »

Monsieur le Sénateur, je vous propose de faire un petit tour des réseaux marégraphiques français. Le réseau RONIM du SHOM dont je suis en charge est présent dans les différents bassins, et j'ai complété ce réseau par celui d'autres organismes en particulier le LEGOS et l'Institut de physique du globe de Paris.

Pourquoi des réseaux de marégraphes pour les alertes aux tsunamis ? François Schindelé en a dit un mot. En premier lieu, c'est pour confirmer la génération d'un tsunami vers le centre d'alerte et insérer dans les messages des notions d'amplitude du niveau de la mer observé et ensuite, a posteriori, acquérir des mesures de tsunamis pour réaliser des simulations.

On a pu voir qu'en 2003, même en temps différé, les mesures acquises n'étaient pas suffisantes en termes de résolution pour une bonne connaissance des tsunamis enregistrés en Méditerranée et pour permettre ensuite une modélisation appropriée.

Je vais commencer par évoquer le cas de la métropole avec le projet de centre régional d'alerte aux tsunamis en Atlantique Nord-Est et Méditerranée, qui a été largement évoqué ce matin. Son architecture a été présentée : le SHOM opère la partie marégraphique avec une transmission des données qui sera mise en place vers le CEA vers fin 2011. L'état du réseau actuel, le réseau du SHOM en métropole, comprend 8 marégraphes disponibles en temps réel (qui sont les points verts sur la carte), et 18 marégraphes à adapter en temps réel d'ici la fin de 2011. Le principal point de développement du centre régional d'alerte aux tsunamis en Atlantique Nord-Est et Méditerranée est l'extension du réseau de 5 marégraphes supplémentaires (les points rouges sur la carte) avec, dans ce projet, deux nouveaux marégraphes prévus entre Nice et Toulon et 3 prévus en Corse.

Maintenant un point sur la situation des marégraphes dans l'océan Indien où la contribution française au système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien est pilotée par Météo France.

Les opérateurs marégraphiques sont le LEGOS et le SHOM pour la mise à disposition des données directement vers les centres d'alerte régionaux. La situation dans l'océan Indien a progressé, grâce au fonds mis en place après le tsunami du 26 décembre 2004 : pour le SHOM, deux installations ont été réalisées, à Mayotte et à La Réunion, et pour le LEGOS (le Laboratoire d'Etudes en Géophysique et d'Océanographie Spatiale à Toulouse), l'adaptation du marégraphe du réseau ROSAME subantarctique de Kerguelen. De nouvelles réalisations devraient arriver dans l'année à venir : Crozet, Tromelin pour le LEGOS, et une seconde installation du SHOM à La Réunion (Sainte-Marie).

Dans les Caraïbes, il n'existe pas à ma connaissance de coordination de l'État mais une initiative de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) qui supporte ainsi largement le développement lié au système d'alerte aux tsunamis.

Il existe ainsi un projet d'installation de cinq stations en Guadeloupe, dont deux pourraient intervenir fin 2009 (La Désirade, Deshaies), et d'un marégraphe du conseil général de la Martinique au Nord-Ouest de la Martinique. Le SHOM pour sa part avait installé en 2005 deux marégraphes modernes à Pointe-à-Pitre et Fort-de-France qui attendent d'être mis en temps réel pour pouvoir contribuer au système d'alerte dans les Caraïbes.

Dans le Pacifique, comme cela a été évoqué par le secrétariat d'Etat à l'Outre-mer : il existe un projet de sept marégraphes en Nouvelle-Calédonie avec une inclusion de Wallis-et-Futuna. Les crédits sont disponibles pour l'acquisition des marégraphes, le cahier des charges est rédigé, il reste donc maintenant à traiter leur maintien en condition opérationnelle (le SHOM a fait une proposition en ce sens pour être l'opérateur de ce réseau).

En Polynésie française, comme cela a été largement dit aujourd'hui, on a déjà un réseau très bien développé avec trois marégraphes de l'université d'Hawaï et du Tsunami Warning Center, un marégraphe du CEA à Hiva Oa et plus récemment de nouvelles installations faites par le SHOM pour la sécurité civile à Tubuai, Rangiroa, puis dans les années à venir à Bora-Bora. Ils nécessiteront aussi probablement un soutien pour leur maintien en condition opérationnelle.

J'ajouterai un mot rapide sur un projet de recherche dans les archives marégraphiques nationales de l'ensemble des tsunamis historiques collectés par des marégraphes sur les côtes Atlantique nord-est et Méditerranée. Il s'agit d'un projet soutenu par l'ANR (l'Agence nationale la recherche), en collaboration avec le CEA qui montre particulièrement l'implication du SHOM dans ces problématiques de tsunami et vise à utiliser au mieux les archives dont le SHOM peut disposer dans ses locaux et plus généralement en France.

Enfin, l'une de vos recommandations était la coordination nationale de l'observation du niveau de la mer. Sur ce point, on note de grandes avancées avec une première mise en place de la fonction de coordinateur au travers de moyens donnés par le projet CRATANEM (le Centre régional d'alerte aux tsunamis présenté ce matin), et la définition d'un mandat piloté par le Secrétariat général de la mer avec une première réunion qui s'est déjà déroulée en mai et un projet d'instruction en cours de rédaction.

Comme cela a été mentionné par François Gérard ce matin, la problématique marégraphique s'inscrit dans un cadre multirisque et en particulier cette coordination vise à répondre à l'ensemble des besoins liés aux problématiques de submersion marine mais aussi à l'élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques, l'altimétrie satellite, la modélisation océanographique, l'aménagement des espaces littoraux et la sécurité de la navigation. L'installation des marégraphes répond donc à de multiples objectifs et leur déploiement dans le cadre de la prévention du risque de tsunami ne peut être que salué.

Je vais repasser la parole à Dominique Bresson.

M. Dominique BRESSON

Brièvement, je vais vous dire deux mots de ce projet commun SHOM/IGN, Litto3D, né à la suite d'une décision du comité interministériel de la mer du mois d'avril 2003 confirmé par le comité interministériel de l'aménagement du territoire de septembre 2004. Prenant conscience des distorsions des cartographies terrestres et maritimes du littoral, il a été décidé de faire ce référentiel commun et la réalisation en a été confiée au SHOM et à l'IGN.

Litto3D est un produit fondé sur des levés à la fois par des lasers topographiques avec des avions de l'IGN et des levés par lasers bathymétriques notamment pour les eaux de faible profondeur où les moyens nautiques ne peuvent pas pénétrer, le tout complété par des levés avec des sondeurs multifaisceaux pour la partie maritime.

Vous allez voir le résultat : c'est une expérimentation qui a été cofinancée par la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée (TPM), le SHOM et l'IGN en 2007 et dont les résultats viennent d'être fournis en ce mois de juin à TPM : vous voyez la rade de Toulon, la presqu'île de Giens, la vallée du Gapeau qui permet d'avoir une représentation beaucoup plus dense et continue de cette bande littorale. L'outil permet également de faire des simulations très fines de montée des eaux qui sont utiles à la fois en termes de prévention des risques littoraux mais aussi d'aménagement des espaces littoraux tant au profit des autorités publiques de l'État que des maires ou élus locaux.

Quels sont les chantiers à venir ? Cette année est vraiment placée sous le signe de l'océan Indien avec des partenariats à géométrie variable mais où le MEEDDAT et l'Agence des aires marines protégées, dans le cadre cette fois de la politique de connaissance et de préservation des milieux et des habitats, jouent aussi leur rôle pour Mayotte, pour La Réunion et les îles éparses. On voit bien que pour ces espaces maritimes et littoraux, la connaissance reste encore à affiner. J'allais dire que les applications sont duales, mixtes, et que la prévention des risques peut trouver dans la préservation de la biodiversité un allié : avec le même outil, on sert plusieurs besoins. C'est bien la démarche dans laquelle le SHOM s'engage. Voilà le levé qui vient juste d'être fait des côtes de La Réunion. François Schindelé a rappelé tout à l'heure qu'il y avait des vagues de tempête importantes : cela permet, notamment pour la route littorale, aux autorités locales de mieux connaître les risques auxquels elles doivent se préparer et de préparer les populations.

L'avenir est le volet alerte descendante du projet CRATANEM pour lequel le SHOM va continuer à travailler avec les ministères concernés et les autres opérateurs : c'est la généralisation de ce projet Litto3D aux différents espaces littoraux, aux différentes façades littorales françaises et évidemment un des critères, puisque l'on ne peut pas tout faire la même année ni tout faire d'un coup, est la vulnérabilité aux aléas dont celui lié aux tsunamis.

Je vous remercie.

DÉBAT

M. Roland COURTEAU

C'est nous qui vous remercions. Sans attendre, nous allons passer à la phase des débats. Pour vous donner le temps de réagir et d'intervenir, je vais poser à certains quelques questions en commençant par Monsieur Gérard, mais d'autres personnes peuvent bien entendu répondre.

Traiter le dispositif d'alerte aux tsunamis dans le cadre d'une gestion multirisque apparaît être une bonne idée. Néanmoins - et j'en avais déjà parlé dans mon rapport - quand je vois les difficultés que rencontrent les Etats à mettre en place un système d'alerte aux tsunamis faute d'argent mais également parce que le partage des données n'est pas accepté par tous, est-ce que la volonté de monter un dispositif d'alerte multirisque ne risque pas d'être une usine à gaz et finalement contre-productive ?

M. François GERARD

Je peux répondre à cela. Effectivement, l'idée est séduisante, nous y réfléchissons dans le cadre de la COI, et nous avons identifié le cas de la subversion marine comme étant un élément fédérateur, mais nous sommes parfaitement conscients qu'il y a de grandes différences entre le tsunami et la marée de tempête. Ainsi, pour le tsunami, l'aléa générateur est un phénomène non prévisible actuellement, alors que l'aléa générateur de la marée de tempête est, lui, parfaitement prévisible. Mais derrière cela, il y a quand même des approches communes ; donc, quand on parle d'approches multirisques, peut-être ne s'agit-il pas forcément de monter des chaînes d'alerte communes (quoique l'on puisse réussir à le faire : il faut trouver comment passer le message) mais monter des éléments communs. L'exemple le plus simple est le réseau d'observation du niveau de la mer ; ce serait une perte économique de monter un réseau pour les tsunamis et un réseau pour les marées de tempêtes. On peut avoir des approches cohérentes dans les études de submersion, à partir de tout ce que nous venons de dire, les procédures de dissémination, les systèmes de collecte des données. Que ce soit pour les marées de tempête ou les tsunamis, on utilise des infrastructures communes.

C'est autour de ces réflexions - mise en place d'infrastructures communes, de projets transversaux cohérents - que l'on peut développer un système multirisque. C'est mon avis personnel, on peut ne pas être d'accord. En revanche, le montage de la chaîne de vraie alerte vis-à-vis des populations est de la responsabilité de la sécurité civile et là effectivement, il faut se demander si l'on peut utiliser les mêmes canaux de la même façon pour des phénomènes tout à fait différents ; mais on peut utiliser les mêmes infrastructures de collecte, de dissémination, de traitement de l'information pour éviter les redondances, là où c'est possible. Le multirisque exige de se demander ce que l'on peut mettre en commun et jusqu'où on peut aller dans la mise en commun pour que l'alerte soit efficace.

M. Roland COURTEAU

Très bien. Oui, Monsieur Schindelé.

M. François SCHINDELE

Je souligne toujours que l'on est, dans ce type de réseau d'alerte ou de centre d'alerte, déjà dans le multirisque du fait que l'on surveille la sismicité et le tsunami : on l'est par définition. Certaines stations peuvent être utiles pour détecter le tsunami et d'autres, les ondes de tempête et ne sont pas forcément positionnées au même endroit. Le réseau global doit tenir compte des différentes menaces dans un bassin donné et être optimisé. Par exemple, on peut souhaiter détecter un tout petit tsunami dans un petit port des côtes françaises (on en a parlé justement avec le SHOM) très sensible (c'est intéressant pour connaître le phénomène et justement savoir quelle est la sensibilité locale). Si l'on positionne un tsunamimètre au large, il sera très intéressant pour surveiller le tsunami et verra également passer les ondes de tempête.

Il faut définir une architecture de réseaux ; nous avons parlé de la position du SHOM, qui deviendrait le référent de mesure du niveau de la mer. L'un des travaux est de définir cette architecture de réseaux dans les différents bassins en tenant compte des aléas de chaque bassin.

M. Roland COURTEAU

Le CRATANEM sera-t-il également multirisque ?

M. Bernard DELEPLANCQUE

Le CRATANEM, c'est clair, fera face à l'aléa tsunami et l'on peut penser que cela fonctionnera aussi pour les fortes vagues : je pense que l'on s'arrête là.

M. Jean-Pierre MAC VEIGH

Une autre fonction peut aussi être mutualisée, la fonction de veille permanente 24 heures sur 24. Compte tenu du fait que les tsunamis sont des phénomènes très rares, il est difficile d'envisager, notamment dans les petits États, un service par phénomène à surveiller. Par exemple, on retrouve les services météo dans les systèmes d'alerte et l'on peut se demander pourquoi car le tsunami n'a pas une origine météorologique, sa propagation n'est en aucun cas liée à la situation météorologique. Pourtant, notamment dans les petits États, on va trouver en tête de pont de l'alerte le service météo car c'est souvent le seul qui surveille 24 heures sur 24 la situation météo et peut aussi surveiller le risque de tsunami. C'est un autre exemple de mutualisation nécessaire.

M. Stefano TINTI (traduit de l'anglais)

Je vais parler en anglais.

Je voudrais ajouter quelque chose, en accord avec les commentaires qui ont déjà été faits concernant l'approche multirisque pour les tsunamis et les systèmes d'alerte aux tsunamis. Bien sûr, la démarche, à travers le système mentionné, est multirisque parce que la plupart des tsunamis sont générés par des tremblements de terre et sont donc de nature sismique. Leur étude est fondée sur les réseaux de marégraphes et l'on peut surveiller aussi d'autres risques que les tsunamis à travers ces réseaux de marégraphes (risques de marées de tempête, autres risques naturels). Ce sont des éléments fondamentaux : ce système a été conçu comme un système multirisque.

Par ailleurs, la transmission de l'information aux populations est gérée par les services de sécurité civile qui travaillent de façon inhérente sur le multirisque et le risque de tsunami se trouve à la limite entre les risques liés à la terre et ceux qui sont liés à la mer. On est obligé d'avoir une approche multidimensionnelle en théorie, et plus encore en pratique. Par exemple, on a besoin de repérer tout d'abord un tremblement de terre mais toutes les communautés qui les traitent sont les communautés de sismologie et doivent faire des efforts pour avoir une détection très précoce de ces phénomènes. Il faut mettre en place les outils nécessaires pour que les résultats de la communauté des marégraphes puissent être utilisés et établis assez tôt. Ces deux communautés et d'autres doivent travailler en coopération. C'est aussi en ce sens qu'il s'agit d'une approche multidisciplinaire et d'une analyse multirisque.

M. Roland COURTEAU

Je rappelle que Monsieur Stefano Tinti est président du groupe intergouvernemental du système d'alerte aux tsunamis de l'Atlantique Nord-Est et de la Méditerranée, le GIC/SATANEM.

M. Steve TAIT

Je vais juste prendre le risque, si je puis m'exprimer ainsi, d'introduire la perspective de la recherche scientifique. Bien évidemment, nous sommes ici principalement pour discuter d'un dispositif opérationnel mais inévitablement, dans le cas par exemple des Antilles (je représente l'Institut de physique du globe de Paris), on retombe sur l'opérateur du réseau sismique qui est un organisme de recherche fondamentale. On comprend parfaitement le besoin d'optimiser l'utilisation des ressources mais, même si les phénomènes ne sont pas assez bien compris pour qu'un organisme de recherche pilote les réseaux, notre contribution peut être très importante aussi dans ce type de système et d'opérations. Finalement, je soulève la difficulté de comprendre comment articuler cette double fonction. Nous ne sommes pas capables, comme organisme de recherche, d'exercer, comme le CEA, une astreinte 24 heures sur 24. Il est important de définir notre rôle et notre contribution.

M. Roland COURTEAU

Je vous remercie, Monsieur Steve Tait. Monsieur Steve Tait est directeur des observatoires volcanologiques et sismologiques de l'Institut de physique du globe de Paris, représentant la France. Autre question ? Autre intervention ? Non plus. J'aurais une question à poser. Je pense que je vais me tourner vers les représentants du SHOM : où en est-on des levés bathymétriques sur la zone des 0 à 200 mètres ? A ce niveau, on est parfois dans le flou et c'est quand même capital de connaître en détail cette zone.

M. Dominique BRESSON

Merci pour votre question. Évidemment, comme vous l'avez souligné dans votre rapport, une connaissance plus fine que celle issue des éléments dont on dispose - dont certains remontent parfois aux levés opérés au XIXème siècle, non pas qu'ils aient été de mauvaise qualité, mais simplement leur densité n'est pas celle que les outils modernes permettent - une connaissance plus fine de la bathymétrie, des fonds de 0 à 200 mètres est très souhaitable. Seulement, la France a une très vaste étendue d'espace maritime sous sa responsabilité en métropole et encore plus Outre-mer, ce n'est pas Monsieur Papet qui va me contredire sur ce point. Et donc j'allais dire que c'est petit à petit que cette connaissance peut être acquise ; des programmes comme celui que je citais tout à l'heure, Litto3D, permettent d'accélérer, sur les zones concernées, cette connaissance. Mais il est bien évident que beaucoup de travail reste à faire. Je ne sais pas si, Ronan, tu peux compléter ce que je viens de dire.

M. Ronan CREACH

Au niveau de la bathymétrie, vous répondre sur les levés de toutes les zones françaises est assez difficile.

La modélisation numérique au large nécessite des données bathymétriques par grands fonds. Il y a une réponse, la GEBCO (General Bathymetric Chart of the Oceans), qui est une base de données bathymétriques. Pour davantage de détail, il faut réaliser des levés bathymétriques grands fonds qui sont conduits par différents organismes en France dont le SHOM et l'IFREMER : ces levés alimentent eux aussi les données sources pour la modélisation.

Enfin sur le littoral qui sera lui concerné par les études de vulnérabilité, il existe aujourd'hui un trou entre les données de l'IGN et du SHOM. En effet le SHOM a historiquement travaillé pour la sécurité de la navigation dans les faibles fonds et ces levés étaient conduits à partir de vedettes et l'IGN arrêtait ses travaux au-delà des plus hautes mers astronomiques. La réponse à une cartopgraphie continue sur le littoral est le programme Litto3D : son avancement actuel donnera une couverture complète dans une première région qui sera l'océan Indien à l'issue de 2009 mais il est nécessaire de continuer à développer la suite de ce programme avec des partenaires éventuels en Méditerranée, dans les Caraïbes et dans l'océan Atlantique.

M. Steve TAIT

Je voulais juste faire une remarque. J'étais à la dernière rencontre GIC/Caraïbes qui a eu lieu en Martinique sur le système d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes. Nous avons présenté très rapidement Litto3D ; nous n'avons pas eu une présentation technique mais néanmoins, on en a donné le principe. Il y avait un très fort intérêt des autres pays de la région pour cet outil et il m'a été demandé de voir dans quelle mesure il peut y avoir une espèce de mutualisation des ressources, c'est-à-dire profiter du fait que la France fait les levés sur ses côtes aux Caraïbes. Il était clair que les autres pays de la région qui ne disposent pas d'un tel outil seraient très intéressés de voir si l'on peut éventuellement envisager de faire des levés sur d'autres côtes. Peut-être que l'on peut prendre contact. Merci beaucoup.

M. Roland COURTEAU

Merci à vous. Madame Claire-Anne Reix, de Thales, a demandé la parole, on la lui donne volontiers.

Mme Claire-Anne REIX

Je représente ici le Pôle de compétitivité Risques, Mer et SCS (c'est-à-dire Solutions Communicantes Sécurisées) en PACA. Sous l'impulsion de Christian Estrosi, à l'époque du tsunami de 2004 et lors de son mandat de Secrétaire d'État à l'Outre-mer, nous avons créé entre les différents acteurs du Pôle Risques et du Pôle Mer un projet qui s'appelle RATCOM, Réseau d'alerte aux tsunamis et risques côtiers en Méditerranée, qui traite aussi des phénomènes météorologiques dont on parlait tout à l'heure, en tout cas de la submersion marine. Nous avons démarré ce projet il y a 6 mois avec un ensemble d'acteurs qui sont des institutionnels autant que des PME et des grosses entreprises. J'ai mis une fiche sur ce projet à l'entrée si vous voulez plus d'informations. En tout cas, ce projet vise à traiter, et plutôt en Mer Ligure, à partir des développements qui ont été faits en région de Nice, l'élaboration de la vague et son effet sur le territoire avec le BRGM, l'IFREMER, le CEA, pour la partie montante - j'ai dû oublier des gens, c'est pour faire rapide - et dans la partie descendante, l'alerte à la population avec des solutions technologiques intégrées un peu innovantes de façon à pouvoir être un support à ce qui va se passer en France. Les pôles de compétitivité se mobilisent. Ce projet est de 6,2 millions de financement total, avec un cofinancement de la part des acteurs puisque c'est un projet du FUI, Fonds unifié interministériel. Je crois que j'ai dit tout ce que je voulais dire. Un démonstrateur démarrera fin 2010 au niveau de la partie Alpes-Maritimes, là où il y a eu l'effondrement en 1979, pour rejouer ce qui s'est passé et voir si le système répond bien aux besoins. On a regroupé des utilisateurs pour qu'ils puissent nous aider à orienter le projet, de façon à répondre aux besoins des utilisateurs et non pas à pousser des technologies ou des solutions qui ne répondraient pas aux besoins. Merci.

M. Roland COURTEAU

C'est nous qui vous remercions. Cela méritait d'être dit et porté à l'information de l'assemblée. Merci, Claire-Anne Reix.

Une autre question destinée à Monsieur Deleplancque. Est-ce que vous avez déjà décidé quel organisme réaliserait l'étude de vulnérabilité des côtes ? Est-ce que vous utiliserez l'étude déjà confiée par le MEEDDAT au BRGM ?

M. Bernard DELEPLANCQUE

On voit bien que, sur la partie alerte descendante, on a besoin, parce qu'on ne souhaite pas, bien évidemment, équiper en moyens d'alerte toute la côte depuis Vintimille jusqu'à Perpignan, de déterminer les scénarios les plus crédibles. Et pour ce faire, un travail sera confié aux équipes du SHOM pour la partie Litto3D sur les zones de plus grande vulnérabilité et ensuite, bien évidemment, le BRGM poursuivra le travail qu'il a déjà engagé avec le MEEDDAT sur ce sujet-là. On ne change pas des acteurs qui gagnent.

M. Roland COURTEAU

D'accord. Des intervenants sur ce sujet ? Madame Inniss, présidente du groupe intergouvernemental de coordination des systèmes d'alerte aux tsunamis pour les Caraïbes et les mers adjacentes (GIC/Caraïbes).

Mme Lorna INNISS (traduit de l'anglais)

Merci, Monsieur le sénateur. J'ai juste une question très simple. J'ai pris note qu'il y avait des seuils de 15 minutes pour les alertes pour un tremblement de terre, 15 minutes et 5 minutes additionnées ; je me demande si cela est lié spécifiquement aux tsunamis ou s'il y a aussi des tsunamis locaux qui seraient concernés par ce seuil. Par exemple dans les Caraïbes, il y a des tsunamis qui sont purement locaux. Est-ce qu'il s'agit de télé-tsunamis ou de tsunamis locaux ? Ou s'agit-il seulement du seuil temporel. Pourriez-vous m'éclairer ?

M. Roland COURTEAU

Monsieur Schindelé ?

M. François SCHINDELE

Pour répondre, nous avons travaillé sur le délai de 15 minutes dans le groupe Méditerranée et il a été décidé, il est vrai, que l'engagement des centres régionaux était d'envoyer le premier message dans les 15 minutes. C'est le but actuel et le système doit être dessiné au moins pour répondre à cet objectif. En revanche, vous savez que s'il faut détecter le tsunami très rapidement, le seul moyen est d'avoir des tsunamimètres et des marégraphes positionnés à la source et cela demande un réseau très important, plus que ce qui a été montré ce matin. Nous avons publié un papier l'année dernière sur ce sujet : nous avons montré qu'il fallait, rien que le long de la côte africaine, entre 30 et 40 stations, tsunamimètres et marégraphes pour détecter en moins de 15 minutes tout événement. C'est l'enjeu ; c'est pourquoi dans la région, on a donné cet ordre de grandeur de 15 minutes. Pour un événement très local, le tsunami arrivant en 5 minutes, il n'y a que la sensibilisation des populations qui peut être efficace.

M. Roland COURTEAU

Autres questions destinées à Monsieur Bresson et Monsieur Créach. La mise en place de tsunamimètres et de marégraphes le long des frontières de l'Algérie et de la Tunisie a-t-elle fait l'objet d'un accord ? Est-ce que la France s'est engagée à financer ou cofinancer en partie ? Première question.

Deuxième question toute chaude : est-il prévu de mettre en temps réel les marégraphes du SHOM à Pointe-à-Pitre et à Fort-de-France qui ne le sont pas ? Et sous quel délai ?

Est-ce que l'IPGP collabore avec le SHOM afin que vous puissiez disposer des données transmises par leurs marégraphes ?

Une dernière question : dans le Golfe du Lion - je n'ai pas bien saisi tout à l'heure, j'ai dû être distrait - j'ai vu qu'il y avait deux marégraphes positionnés. Sont-ils déjà installés, sont-ils à installer ou sont-ils à mettre en temps réel ?

M. Dominique BRESSON

J'ai bien noté vos trois questions, Monsieur le Président.

Pour la première : dans le cadre de l'Organisation hydrographique internationale, organisation au sein de laquelle le SHOM est très actif, nous avons des relations particulièrement étroites avec les pays de l'ancienne communauté française et notamment un certain nombre de pays africains avec lesquels nous avons des accords bilatéraux soit pour exercer en leur nom des responsabilités hydrographiques et cartographiques, soit pour les amener petit à petit à construire des capacités dans ce domaine. Je sais qu'avec tous les pays du Maghreb (Maroc notamment, Algérie, c'est en cours de discussion), il y a des accords sur ces thématiques de l'hydrographie et de la cartographie, auxquels je pense que l'implantation de marégraphes peut trouver à s'intégrer. Je laisserai Ronan compléter.

Pour ce qui est du passage en temps réel des marégraphes notamment aux Caraïbes, cela dépend des disponibilités et des moyens budgétaires dont dispose le jeune établissement public SHOM ; son premier contrat d'objectifs et de moyens étant en cours de construction, il doit faire l'objet de discussions du conseil d'administration qui va se tenir justement vendredi prochain, c'est tout l'enjeu. On voit bien que les outils et les missions d'un opérateur comme le SHOM, historiquement rattaché au ministère de la Défense, a vocation à servir des finalités duales pour l'ensemble de la collectivité : il faut arriver à mettre en phase les moyens et leur mutualisation avec cette dualité des missions et des outils. Ronan va vous apporter des précisions sur les zones géographiques que vous avez citées.

M. Ronan CREACH

Comme le CEA et le ministère de l'Intérieur ont pu le mentionner, dans le projet de centre régional, il n'y a pas de tsunamimètre prévu, il en faudrait 3 a priori proposés par le CEA. Le projet à échéance fin 2011 ne prévoit pas l'installation de ces tsunamimètres au large des côtes nord africaines. Pour les marégraphes, nous travaillons en étroite en relation avec le Maroc et la Tunisie et potentiellement un accord d'hydrographie est en vue avec l'Algérie pour les aider à mettre à niveau leurs réseaux et suivre leurs avancées. Pour les Antilles, nous avons effectivement une étroite collaboration avec l'Institut de physique du globe de Paris, technique en premier lieu, avec la personne qui est en charge des installations des marégraphes de l'IPGP. Ccette personne était spécialisée en instrumentation sismique, elle est venue à Brest, où nous l'avons rencontrée ; nous suivons les avancées de ses travaux, elle utilisera des matériels similaires aux nôtres pour les implantations de l'IPGP dans les Caraïbes. C'est une collaboration qui marche très bien. Dans le Golfe du Lion, les deux marégraphes qui sont apparus sont Sète et Port-Vendres, ils ne sont pas en temps réel, ils ont été installés en 2007 respectivement avec la Direction régionale de l'environnement du Languedoc-Roussillon et le Conseil Général des Pyrénées Orientales pour Port Vendres et la Région Languedoc Roussillon pour Sète.

M. François GERARD

Je voudrais revenir sur les tsunamimètres, qui sont les marégraphes grands fonds, éléments indispensables pour détecter s'il y a un tsunami ou pas. Dans le projet français, il n'y a pas d'engagement, il y a des identifications de localisation dans le cadre du SATANEM et d'autres GIC. Il faut savoir que ce sont des investissements importants, coûteux à l'achat des bouées et surtout en maintien à poste en haute mer. Et là, il faut vraiment monter des programmes de coopération internationaux pour pouvoir les entretenir. Ce ne sont pas les représentants de la COI qui me diront le contraire. Si on veut avoir un réseau de tsunamimètres grands fonds opérationnel, il faut monter quelque chose de coopératif et rechercher aussi des complémentarités avec d'autres réseaux d'observation. J'ai vu dans des diapositives de François Schindelé que des tsunamimètres étaient placés aux mêmes endroits que des bouées météorologiques ancrées. Il y a donc déjà des systèmes qu'il faut compléter. Mais de toute façon ces installations sont des investissements coûteux à l'achat et à long terme pour diverses raisons, notamment le vandalisme en haute mer.

M. Roland COURTEAU

Mesdames et messieurs, nous allons vous proposer une pause de dix minutes. Nous avons pris du retard, vous avez pu le constater. Nous allons raccourcir ce temps de pause de quelques minutes. Les personnes qui ont des présentations à faire seraient bien inspirées de venir préparer les enregistrements pendant cette pause. Cela nous ferait gagner ensuite pas mal de temps.

DEUXIÈME TABLE RONDE  - LA PRÉVENTION DES RISQUES DE TSUNAMI DANS LE MONDE ET L'IMPLICATION DE LA FRANCE : ÉTAT DES LIEUX

M. François SCHINDELE, Expert au Bureau au Commissariat à l'énergie atomique

M. Jan SOPAHELUWAKAN, président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien (GIC/SATOI)

M. Jean-Pierre MAC VEIGH, directeur délégué pour l'Outre-mer, Météo-France

Mme Lorna INNISS, présidente du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes et les mers adjacentes (GIC/Caraïbes)

M. Steve TAIT, directeur scientifique des observatoires volcanologiques et sismologiques de l'Institut de Physique du Globe de Paris, représentant la France

M. Stefano TINTI, président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'Atlantique Nord-Est et de la Méditerranée (GIC/ SATANEM)

Mme Frédérique MARTINI, chef du bureau des risques météorologiques, au service des risques naturels et hydrauliques, représentant le point de contact national français pour le GIC/SATANEM

M. Roland COURTEAU

Nous avions prévu une pause raccourcie, qui en fait s'est avérée être une pause rallongée. On va prendre un peu plus de retard, mais peut-être pour ne pas en prendre plus, moi je voudrais vous inviter, si possible, à ne pas dépasser le temps imparti. Je pense que c'était 15 minutes chacun. Ce serait bien si vous pouviez vraiment rester chacun à 15 minutes, faute de quoi vous allez devoir déjeuner à une heure qui se rapprochera du soir.

Bon, écoutez, nous allons poursuivre maintenant par cette deuxième table ronde, « La prévention des risques de tsunami dans le monde et l'implication de la France », avec un état des lieux. Alors d'emblée je vais donner la parole à François Schindelé, du CEA, qui représente la France au GIC/Pacifique. Monsieur Schindelé.

A. M. FRANÇOIS SCHINDELE, EXPERT ALEA TSUNAMI AU COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE

Merci, je vais essayer d'être assez rapide dans cette présentation. Je vais donc présenter d'une part le système globalement au niveau de la COI, donc le GIC/SATP, et puis les apports de la France dans la région.

Un rappel (cela a été mentionné ce matin) : le groupe existe depuis 1965. Il se réunit en général tous les deux ans, parfois chaque année et demi. Une réunion a été organisée à Tahiti en 1995. Actuellement il comprend 30 États membres. La plupart des grands États de la région en font partie ; en revanche, certains États insulaires de Micronésie et surtout du Pacifique Sud-Ouest ne font pas encore partie du groupe et il serait important qu'ils puissent nous joindre pour justement profiter de tout ce système qui est mis en place. Le CEA est le représentant de la France, comme il a été précisé, et le point focal dans la région. Dans la région, il existe trois centres régionaux : le Pacific Tsunami Warning Center (PTWC), le centre mis en place par JMA, Japan Meteorological Agency, et Alaska Tsunami Warning Center (ATWC). Chacun a sa zone de responsabilité. Au départ c'était le Pacifique tout seul. Mais depuis 2005, 2 centres sont responsables de l'alerte au niveau de l'océan Indien : le Pacific Tsunami Warning Center et celui du JMA. Et depuis 2006, le Pacific Tsunami Warning Center est responsable pour les Caraïbes et le Centre d'Alaska est responsable pour les côtes nord, nord-est du Canada et d'Amérique. De plus il existe ce qu'on peut appeler un centre de backup, entre ces différents centres, par exemple le PTWC et l'ATWC peuvent assurer seuls l'alerte en cas de problème dans un de ces 2 centres.

La dernière réunion a eu lieu récemment, en février 2009, aux Samoa, et voici les principaux résultats (c'est un résumé) : des nouvelles stations de mesure du niveau de la mer ont été installées, deux nouveaux centres d'alerte nationaux ont été créés, des résultats importants résultant de l'exercice tsunami 2008 ont été transmis.

Ce sont les fameux exercices d'alerte et d'évacuation. Le premier date de 2006 ; celui de 2008 s'est effectué en temps réel, tous les messages ont été envoyés comme si c'était un tsunami réel, celui-ci a donc mis 24 heures pour traverser le Pacifique. C'était une demande des États membres, car finalement, réduire le temps par rapport à la réalité comme cela avait été réalisé en 2006, est très difficile à faire. Nous avions joué un facteur 3, il y a eu des perturbations dans pas mal de pays et des remarques liées à des incompréhensions sur le phénomène. Le prochain exercice de ce type sera organisé en 2010 car nous pensons qu'il est important de les organiser fréquemment : a priori nous devrions le faire dans le Pacifique tous les deux ans.

A été adopté au niveau stratégique un plan à moyen et long terme avec de nouvelles structures des groupes de travail et un nouveau guide opérationnel qui est en place et qui est disponible d'ailleurs sur le site de la COI. Je souhaite rappeler que la plupart des documents mis en place par les différents GIC sont disponibles sur le site de l'UNESCO/COI.

Les deux centres qu'on peut considérer maintenant comme opérationnels sont le Centre en Indonésie depuis 2008 et le Centre en Australie. Ce sont deux centres qui contribuent, comme on le voit sur cette carte, autant au niveau de l'océan Indien qu'au niveau de l'océan Pacifique. Ce sont deux centres très importants : l'Indonésie, évidemment parce que c'est une source - si je puis dire - de gros séismes et de tsunamis très importants au niveau de l'océan Indien, donc avoir un centre local sur place permet d'avoir toute une surveillance, une détection et des informations très rapides. Et l'Australie, qui se situe justement, entre l'océan Indien et le Pacifique Sud-Ouest, ce qui lui permet donc de bien surveiller cette région. L'Australie a également contribué à des réseaux de surveillance complémentaires au niveau marégraphie et au niveau sismique.

Les six nouveaux tsunamimètres que j'évoquais sont positionnés dans le Sud-Ouest Pacifique, quatre installés par les États-Unis et deux par l'Australie. Ils viennent compléter l'ensemble du réseau concernant le Pacifique. On voit à nouveau sur cette carte des stations qui ont été mises en place dans les Caraïbes, dans l'océan Atlantique et également dans l'océan Indien. Tel est donc le réseau actuel de surveillance au niveau des tsunamimètres ; il y a en plus quelques tsunamimètres japonais qui ne sont pas sur cette carte, des stations par câble qui complètent le réseau et envoient des données au centre d'alerte.

Passons maintenant à la stratégie d'atténuation des effets : vous avez déjà vu ce schéma, je pense, depuis bien longtemps, depuis les premiers exposés sur le sujet faits en 2005. On distingue trois composantes principales : le système d'alerte, l'aspect prévention et l'évaluation de l'aléa, à partir desquelles ont été redéfinis trois groupes de travail techniques.

Pour le premier, les États-Unis assurent la présidence. Les priorités définies pour les deux prochaines années sont l'alerte en champ proche, donc des événements proches, locaux, qui est la grande problématique du système, ainsi que l'envoi de cette alerte à des zones plus reculées, par exemple en Polynésie à des îles très retirées (Comment diffuser l'information jusqu'à la zone qui peut être affectée par un tsunami ?).

L'aspect prévention est piloté par la Nouvelle-Zélande. Les priorités sont l'éducation au niveau du public (entre autres les enfants), la planification aussi, en tenant compte des zones potentiellement menacées, et l'intervention en cas de crise avant l'arrivée du tsunami et lors de son arrivée. Ce sont les trois priorités qui ont été mises en avant.

Pour le dernier groupe, l'évaluation de l'aléa, la présidence revient à la France. Là, les considérations sont assez globales : l'identification de l'aléa au niveau local et régional et l'identification des risques sont les deux priorités données à ce groupe.

Des groupes régionaux ont été mis en place, dès les sessions précédentes, qui ont été confirmés lors de cette réunion : en mer de Chine méridionale, dans le Pacifique Sud-Ouest, le Pacifique Sud-Est (les pays de la côte pacifique d'Amérique du Sud et centrale). Le rôle de la France dans le Pacifique sud sur cette carte est évident : la Polynésie française, au milieu du Pacifique sud, possède un centre polynésien de prévention des tsunamis en place depuis presque une trentaine d'années ; quant à la position de Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Loyauté, on voit que la France permet de surveiller toute cette zone du sud-ouest du Pacifique, et même pour les événements qui viendraient du sud-est du Pacifique, la Polynésie française est sur le trajet du tsunami.

Donc tout ce que la France met en place permet de confirmer si le tsunami est toujours important ou si à l'inverse les vagues à grande distance sont négligeables. Depuis les années 60, a été mis en place le Centre polynésien de prévention des tsunamis. Je ne vais pas entrer dans les détails de toutes les stations, mais récemment ont été mises en place des liaisons Internet par VPN (Virtual Private Network - réseau privé virtuel) entre 3 stations distantes (la Polynésie est étendue sur une surface équivalente à celle de l'Europe, donc certaines stations sont distantes de plus de 1 500 km de Tahiti) qui nous permettent de calculer rapidement tous les différents paramètres du séisme. Le système TREMORS, que vous avez déjà vu, permet d'alerter le sismologue d'astreinte, à domicile ou bien lors des heures de bureau au laboratoire de Pamataï : ce sismologue vérifie les caractéristiques du séisme et transmet les différents messages d'alerte ou d'information à la direction de la protection civile de Tahiti qui, elle, déclenche une évacuation en cas de nécessité. Je rappelle qu'en Polynésie les seuils d'alertes pour certaines zones sont différents globalement de ceux du Pacifique du fait de zones très vulnérables, comme les îles Marquises (parmi tous les tsunamis qui se déclenchent dans le Pacifique, presque tous y sont observés et peuvent inonder certaines baies et certains ports).

D'autres données sismologiques sont récupérées des différents réseaux internationaux et nous permettent maintenant d'estimer précisément des paramètres très importants du tremblement de terre, dont le moment sismique, et surtout ce qu'on appelle le mécanisme au foyer. L'objectif est de pouvoir faire une simulation numérique du tsunami en tenant compte des réelles caractéristiques de l'événement, la profondeur de l'épicentre, la source et le type de séisme.

Concernant la marégraphie, nous recevons maintenant des données d'une quarantaine de stations via le système mondial de communications, et certaines via internet. On a choisi évidemment les zones les plus exposées de la Polynésie française pour surveiller les tsunamis en provenance de l'Amérique du Sud, les eaux des Tonga-Kermadec et certaines stations situées au nord pour détecter ceux qui pourraient provenir des Aléoutiennes. A cela, se sont ajoutées récemment deux stations en 2008-2009 (ce qui a déjà été présenté ce matin par le SHOM), et d'ici à 2009-2010, peut-être 2011, trois/quatre nouvelles stations devraient être installées aux îles du Vent, Sous-le-Vent et une certainement remplacée à Rikitea. En Polynésie, au niveau marégraphique, quand toutes les stations seront installées, le réseau sera optimum (il permet de détecter au plus vite l'arrivée du tsunami, de vérifier ses caractéristiques, s'il vient du nord, du sud ou de l'ouest).

Le réseau de sirènes est un projet qui date aussi de plusieurs années et qui a déjà été évoqué ce matin par la Délégation générale à l'Outre-mer. Donc en Polynésie 130 sirènes sont actuellement installées et grâce à un programme récent, depuis 2009, en Nouvelle-Calédonie, il est prévu d'en installer 35 dans les différents sites positionnés sur cette carte (13 sont déjà installées à ce jour). Wallis-et-Futuna sont également déjà équipés, même si le nombre exact de sirènes installées à ce jour ne m'est pas connu. Le système peut être déclenché à partir de la Polynésie, de Tahiti pour toute la Polynésie, à partir de Nouméa pour la Nouvelle-Calédonie, et devrait permettre un déclenchement par l'un ou par l'autre au cas où il y ait des difficultés dans une des deux régions.

Les mesures du niveau de la mer, c'est-à-dire marégraphiques - il en a déjà été question ce matin : la plupart des marégraphes ont été achetés ou le financement est disponible. Il en était prévu 9 le long des différentes îles, la Grande Terre, les Loyauté, Wallis-et-Futuna, et 6 dans d'autres pays. Il s'agit à présent de finaliser ce programme en fonction du coût d'installation et de maintenance de ces différentes stations.

Pour terminer, quel est le rôle de la France dans ce fameux groupe ? D'une part, nous sommes responsables d'un groupe de travail sur l'évaluation de l'aléa et du risque. Le Centre polynésien de prévention des tsunamis a un rôle très important car il envoie ses alertes au Pacific Tsunami Warning Center, partage tous les résultats des différents calculs de paramètres des séismes par les méthodes que nous avons justement mises au point en Polynésie. Nous participons évidemment activement au groupe de travail régional sur le Pacifique Sud-Ouest. L'implantation et la maintenance des nouveaux marégraphes sont vraiment les priorités de cette année et des prochaines années. Par ailleurs, des pays demandent un retour d'expérience du réseau de sirènes : il y aurait quelques soucis sur l'alimentation de ces sirènes sur le long terme. La sécurité civile à Tahiti et à Nouméa regardent ce problème de près et a demandé à l'installateur de vérifier les caractéristiques.

Dernier point : le plan de secours spécialisé qui va être mis en place en Nouvelle-Calédonie est en cours et devrait être terminé d'ici la fin de l'année. Certaines études complémentaires ont été menées, comme l'a évoqué la Délégation générale à l'Outre-mer, à propos de l'évaluation de l'aléa en Nouvelle-Calédonie ; un article est en cours et devrait être publié d'ici quelques mois.

Je vous remercie.

M. Roland COURTEAU

Merci, Monsieur Schindelé.

Est-ce que vous avez des questions à poser ? Non ? Nous passons à l'intervenant suivant. Je voudrais donner la parole à Monsieur Jan Sopaheluwakan, qui est président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien, le fameux GIC/SATOI, qui est prêt.

B. M. JAN SOPAHELUWAKAN, PRÉSIDENT DU GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL DE COORDINATION DU SYSTÈME D'ALERTE AUX TSUNAMIS DE L'OCÉAN INDIEN (GIC/SATOI)

Merci beaucoup, Monsieur le président. Je voudrais partager avec vous nos expériences et ce que nous avons fait dans l'océan Indien. J'ai aussi le privilège de suivre tout ce processus depuis le début et, quand le tsunami de 2004 s'est produit, je présidais la Commission océanographique intergouvernementale (COI) en Indonésie.

Je vais vous donner simplement un survol rapide de ce qui se passe dans l'océan Indien, quelle est la situation actuelle, quels sont les problèmes à venir en vue du programme global d'alerte aux tsunamis et ce que nous voulons faire dans le futur. Vous voyez cette diapositive. Depuis que nous avons eu le sommet du tsunami à Djakarta, une semaine ou 10 jours après le tsunami en janvier 2005, nous avons arrêté le système Hyogo à Kobé. Vous vous en souvenez probablement, sur cette base décidée à Hyogo s'est déroulée la rencontre ministérielle de Phuket où le cadre politique du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien a été adopté. Nous n'avons pas simplement adopté ce système mais un groupe de systèmes complets nous permettant de mettre en place d'autres systèmes. Nous avons eu aussi des rencontres de GIC, qui sont devenues annuelles ; je voudrais souligner ici l'importance de la plateforme de Bonn. Nous avons aussi ce GIC à Bali, c'est le consortium de l'océan Indien, composé de 10 pays donateurs internationaux qui aident les pays de l'océan Pacifique et de l'océan Indien. Nous avons parlé de problèmes de durabilité, de systèmes de veille, dans le cadre de la rencontre de Phuket, et en avril dernier à Hyderabad, nous parlions de la partie transitionnelle et des multirisques. Voilà donc quelques aspects.

Voici les lignes directives des décisions adoptées à Hyderabad. Je vous parlerai un peu plus tard de notre contribution pour l'évaluation des risques : il y a une réunion le 14 octobre 2009 et des problèmes internes assez importants. Je vous donne l'arrière-plan que certains d'entre vous connaissent déjà : l'océan Indien est différent du Pacifique en ce sens que nous avons des modalités de bassin un peu différentes et une situation asymétrique où la zone de production de tsunamis est l'Indonésie à côté d'autres petites zones qui ne produisent pas tellement de tsunamis.

De là, nous arrivons aux modalités sur la capacité de développement que nous avons dans l'océan Indien. 29 pays sont impliqués dans la participation de ce système d'alerte de l'océan Indien. Lorsque s'est produit un tremblement de terre en 2007, nous avons utilisé cet événement pour évaluer le degré de préparation des pays. 6 pays sont déjà préparés pour devenir des centres d'alerte aux tsunamis, l'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et (c'est ce que l'on appelle les États à venir, qui vont pouvoir envoyer les informations sur le tsunami) le Bangladesh, la France avec La Réunion, les Maldives. Vous avez ici presque tous les autres pays de cette région. Cela accroît la responsabilité et l'intérêt de ces pays.

De même que François a parlé du système d'alerte dans le Pacifique, je voudrais vous parler du système indonésien. Une fois que se produit le tremblement de terre, première information, entrent en jeu les sismographes ; à partir de cette information, des ajustements seront faits par les opérateurs et on émettra les premières alertes sur le potentiel de tsunami, envoyées ensuite aux autorités régionales pour se préparer à un tsunami potentiel. Ce doit être confirmé ensuite par des bouées de mesure de tsunami. Si le tsunami se produit réellement, on émet une deuxième alerte. Heureusement, jusqu'à présent, ce deuxième exercice n'a pas eu lieu. Mais pour la première alerte, nous avons déjà eu pas mal d'expériences.

Nous avons composé ce GIC de l'océan Indien avec 6 groupes de travail. Les 4 premiers groupes s'occupent de suivi, de détection et d'évaluation du risque, le cinquième groupe, de l'émission des alertes et le dernier, de la réponse aux alertes. Voilà donc les grandes lignes du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien.

Je voudrais à présent vous donner nos résultats, dont je vais vous présenter l'état, ainsi que le système de bout en bout, les fournisseurs de services, qui sont une véritable contribution par les États membres de l'océan Indien, et les manuels de comportement de gestion du risque. Nous sommes actuellement dans une phase de transition. Je vais vous montrer aussi nos systèmes de suivi déjà déployés dans les bassins de l'océan Indien, les marégraphes, les tsunamimètres (une vingtaine, que nous développons), et notre contribution à la suite de l'esprit de la réunion de Phuket. Le fournisseur d'alertes au tsunami régional est promu par le SATOI. Dès 2010, l'Inde, l'Australie et l'Indonésie qui ont déjà un niveau de service 1, vont passer au niveau de service 2 dont nous parlons dans le cadre du RTWP (Regional Tsunami Watch Provider).

Voici un survol rapide des stations sismiques. Nous voulons avoir 70 stations en 2010 (en 2009, nous en avions déjà plus). Vous voyez la distribution de toutes ces stations : elles sont concentrées autour de l'océan Indien, dans la région indonésienne. L'Indonésie bénéficie également d'un accès aux données sismographiques en temps réel.

Pour les stations côtières, nous avons différents types de plate-forme de communication par téléphone mobile, par système satellitaire également. Voici donc la distribution des marégraphes : 60 stations donnent des rapports de façon continue depuis février 2009, d'autres seront déployées en 2009-2010. Ces stations fournissent des données en temps réel toutes les 6 minutes, par exemple les stations australiennes. C'est un investissement coûteux. Nous avons 7 types de tsunamimètres et de bouées (allemands, américains et autres), nous voudrions avoir 44 tsunamimètres dans le bassin indonésien. Plusieurs types de produits ont été mis en place, 9 sont inactifs à cause du vandalisme, deux le sont en raison de problèmes techniques, 2 autres opèrent en temps réel. Voici la configuration actuelle et à venir, vous voyez comment les bouées et les tsunamimètres sont localisés dans l'océan Indien. A l'avenir l'Indonésie va déployer 80 stations, à la fin de 2010, l'Inde va en déployer 50 et la Malaisie, 21.

L'autre contribution de l'océan Indien au système d'alerte au tsunami est un manuel d'évaluation des risques de tsunami pour partager toutes nos expériences, on peut y avoir accès par le web du COI.

Nous produisons aussi des cartes de risques de tsunami. On peut voir ici pourquoi dans l'océan Indien les tsunamis arrivent souvent. Voici les cartes qui vous montrent les lieux des risques suprêmes sur une période de 50 ans : c'est localisé sur les côtes. Ici, on voit les tsunamis sur une période de 100 ans. On voit aussi les risques sur 500, 1 000 et 2 000 ans. Plus la période de temps est longue, plus le risque est élevé dans les bassins de l'océan Indien. Nous donnons des informations très importantes sur les temps de déplacement des vagues des tsunamis et grâce à certains logiciels nous formons les gens autour de ce bassin dans l'océan Indien. Voici la frange côtière sur laquelle nous travaillons en utilisant ce logiciel COMIT pour le temps de déplacement des vagues de tsunami. Je vous ai dit précédemment que c'est notre contribution propre, nous sommes un fournisseur régional d'alertes de tsunamis.

Tout centre peut devenir un fournisseur d'alertes et peut transmettre l'information à n'importe quel autre pays par les centres nationaux d'alerte au tsunami. Est-ce national ou international ? C'est l'application de l'esprit de Phuket. Nous sommes maintenant dans la période de transition qui est critique, nous devons utiliser ce que les fournisseurs de services ont déjà précédemment fourni. En 2011, la capacité doit être accrue, nous allons échanger nos SOP (Standard Operating Procedures) et les données sur les différents bassins océaniques. Nous sommes en train de tester les différents systèmes de communication. Nous échangeons des bulletins de tremblement de terre pour ceux qui sont au-dessus de 6 sur l'échelle de Richter. Nous invitons les États de la barre pacifique à faire partie de nos travaux.

Voilà quelques-unes de nos activités. Nous mettons l'accent aujourd'hui sur l'organisation de tests terrestres qui auront lieu en octobre de cette année. C'est un système montant et descendant. Nous avons quelques évaluations grâce à des questionnaires sur certains pays sélectionnés. Voici le profil de l'état de préparation de chaque pays.

A l'avenir, notre problème clé est l'intégration et la coordination en utilisant le système de mise en place et d'accès aux données, l'interopérabilité, et la capacité des communautés à un développement durable de ces systèmes. Je ne voudrais pas entrer dans les détails, mais il faut suivre les protocoles en place, arriver au niveau de service 2, ce que nous ferons dans les mois à venir, et renforcer l'état de préparation des pays à travers le système Indian Ocean Wave. Il doit y avoir un accès aux données et à l'interopérabilité, par exemple il faut avoir des formats identiques pour les bulletins de tremblements de terre ; sur l'évaluation du risque et la résilience communautaire, il faut avoir des données aussi rapidement que possible ; sur le niveau de risque, il faut absolument qu'il y ait des agences internationales pour aider à élever le niveau d'information local. Il faut aussi l'intégration des niveaux d'alerte nationaux et des groupes de gestion et d'évaluation des risques par une coordination effective sur le web. Sur la question de la durabilité, nous mettons l'accent sur la perspective du multirisque et de ses capacités.

Il y a trois besoins : la gouvernance, la détection du risque et le suivi, et l'évaluation du risque. Du côté gouvernance, il faut mettre en place les protocoles de RTWP, des plates-formes pour le multirisque. Le côté durable est très important pour le suivi, la détection et le développement des données en topographie et en bathymétrie. Les besoins sur l'état de préparation seront testés dans l'exercice Indian Ocean Wave 2009. Il faut former les centres de formation en fournissant les guides d'utilisation et de suivi, ainsi que les gens sur place.

A l'avenir, ce sont les cadres principaux, je ne veux pas répéter ce qui a été dit précédemment, tels sont les problèmes auxquels nous faisons face par l'intermédiaire de la COI. Nous essayons de structurer les groupes de travail pour avoir une meilleure visibilité dans l'océan Indien, les Caraïbes, le Pacifique, etc. Il faut améliorer notre efficacité opérationnelle des GIC et pouvoir coopérer avec d'autres groupes de la COI. Il faut renforcer le secrétariat ainsi que les relations et la coopération avec d'autres organismes internationaux. Voici donc l'éventail d'activités que nous aurons à l'avenir. L'année prochaine nous aurons la rencontre du GIC à Djakarta en avril 2010. Pour l'avenir nous sommes dans une partie critique de la période de transition. Il faudra absolument pouvoir résoudre les problèmes de durabilité, d'évaluation du risque, d'éducation du public en général et de réponse aux dangers.

Pour conclure, je voudrais mettre l'accent sur 5 facteurs très importants pour progresser rapidement. Nous avons de la chance parce qu'en raison de l'impact dramatique du tsunami de 2004, l'océan Indien est désormais plus sûr maintenant, en raison de l'implication massive internationale, de la coordination de l'UNESCO et de la COI et grâce à de nombreux États donateurs : les États-Unis, la France, la Chine, l'Allemagne, etc. (il y a beaucoup de pays donateurs et d'organisations donatrices). Nous avons aussi un engagement important des pays de l'océan Indien, des pays hautement affectés (Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Sri Lanka, Maldives) et des pays hautement impliqués aussi (Australie, Kenya, Maldives, Seychelles). Nous avons la chance d'avoir à disposition des modélisations et les meilleures pratiques du PTWC et du JMA, ainsi que les capacités scientifiques et techniques des pays affectés comme l'Indonésie et l'Inde. A l'avenir, nous devons faire face à des défis internes et externes. Nous devons intégrer les centres d'alerte aux tsunamis existants ; il faut aussi mettre en place nos protocoles de coordination. Nous aurons un problème de durabilité et de préparation des systèmes d'alerte descendants.

J'ai terminé ma présentation, Monsieur le Président.

M. Roland COURTEAU

Merci à vous, Monsieur le Président. Je vais maintenant donner la parole à Jean-Pierre Mac Veigh, directeur délégué pour l'Outre-mer à Météo France. Vous avez la parole, Monsieur.

C. M. JEAN-PIERRE MAC VEIGH, DIRECTEUR DÉLÉGUÉ POUR L'OUTRE-MER, MÉTÉO-FRANCE

Je vais le faire sans présentation. Je remplace ici Gérard Therry, qui est le directeur de Météo-France à La Réunion et qui est point de contact pour le GIC/SATOI français.

Quelques actions de la France pour le SATOI depuis 2005. Le premier volet concerne les sismographes : il y a eu un programme d'amélioration des réseaux sismographiques. Aujourd'hui six stations en temps réel ont été installées à Canberra, à La Réunion, à Madagascar, à Dumont d'Urville, en Terre Adélie et dans les Terres australes, à Kerguelen et en Nouvelle Amsterdam. Deux sont aussi prévues à Rodrigues et à Djibouti. Les acteurs de ces projets sont l'IPGP, l'EOST de Strasbourg, les Terres australes et antarctiques françaises et l'IPEV.

Deuxième volet, la marégraphie. Pour les réseaux de marégraphes en temps réel, des capteurs ont été installés à La Réunion (Pointe des Galets), à Mayotte, à Kerguelen. Celui de Crozet est sur le point d'être mis en temps réel et il en est prévu encore deux autres à la Réunion dans le port de Sainte-Marie et à Madagascar, selon le support que l'on va pouvoir y trouver. Les acteurs ici sont le SHOM, l'INSU, le LEGOS, les Terres australes.

Il y a eu une action de mise à niveau des services météorologiques, car comme je vous l'ai dit tout à l'heure, les services météos de la zone sont impliqués dans les systèmes d'alerte. On a là une bonne illustration de l'approche multirisque. Cela a consisté à l'amélioration des capacités de réception et de traitement des services météos du Kenya, de la Tanzanie et de Madagascar. Il y a eu une configuration de ces systèmes pour qu'ils puissent recevoir les alertes au tsunami qui, comme vous le savez, toujours en application d'une démarche multirisque, circule sur le réseau mondial de télécommunications de l'OMM. Il y a eu des visites d'experts dans certains pays et la mise à niveau du centre de formation du service de l'île Maurice est en cours d'achèvement. L'acteur ici a été Météo France international.

La mise en place du centre national d'alerte au tsunami dans l'océan Indien s'est déroulée depuis 2005, avec la capacité dès mars de recevoir des alertes et de les diffuser aux services français chargés de l'alerte des populations qui sont les préfets de Mayotte, de La Réunion et des TAAF. Cette fonction est assurée par Météo France à La Réunion depuis 2005. Il n'y a pas d'expertise sismique en temps réel mobilisable à La Réunion, ce qui fait que la valeur ajoutée de ce centre est faible dans la chaîne d'alerte. Il est quand même là pour veiller, recevoir et diffuser. Dans le courant 2007-2008 a été élaboré le plan d'alerte aux tsunamis de La Réunion par le Préfet. Il a été officialisé dans le courant de l'année 2008. Il repose sur une étude de l'aléa qui avait été produite par le CEA en 2005 et doit encore être amélioré. Il y a notamment un manque important de données bathymétriques et topographiques à échelle fine pour bien préciser les zones d'invasion.

Nous participons également au GIC/SATOI, dont les activités viennent de nous être présentées. Je rappelle que le point de contact national est le directeur de Météo France à La Réunion, Monsieur Therry. Le Tsunami National Focal Point est le service de Météo France. Nous avons participé à trois réunions du GIC/SATOI depuis sa création (nous en sommes à la sixième réunion). A chaque fois les réunions sont assez lourdes à suivre, puisque comme cela a été expliqué, il y a 5 groupes de travail. Depuis deux réunions, l'État-major zonal de protection civile de l'océan Indien et de La Réunion y participe. Nous nous préparons activement à participer à l'exercice de l'océan Indien prévu le 14 octobre 2009 qui se déroulera sur le scénario du tsunami du 26 décembre 2004 et sera joué dans tous les pays de l'océan Indien.

Dernier point, sur la vision que nous avons de l'évolution du SATOI. Les centres intérimaires de Tokyo et d'Hawaï, qui assurent l'alerte depuis le premier semestre 2005, vont petit à petit abandonner cette fonction. Des centres régionaux vont donc monter en puissance. Des pays sont candidats : l'Inde, l'Australie, l'Indonésie, la Malaisie et l'Iran. En 2010, il y aura un recouvrement des activités des centres intérimaires et des centres régionaux. L'arrêt des centres intérimaires est prévu en 2011, avec la prise en charge des alertes par les centres régionaux.

Je vous remercie, c'est tout ce que j'avais à vous dire pour l'instant.

M. Roland COURTEAU

Merci, vous avez respecté votre temps de parole. Merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole à Madame Inniss, à qui j'avais donné la parole il y a quelques instants. Je la présente toutefois. Madame Lorna Inniss est président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes et les mers adjacentes. Vous avez la parole, Madame.

D. MME LORNA INNISS, PRÉSIDENTE DU GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL DE COORDINATION DU SYSTÈME D'ALERTE AUX TSUNAMIS DANS LES CARAÏBES ET LES MERS ADJACENTES (GIC/CARAÏBES)

Merci, Monsieur le Sénateur. Je suis honorée d'être ici parmi vous et parmi vos collègues. Je voudrais juste faire une mise en contexte, pour le groupe des Caraïbes. Je n'ai pas de présentation PowerPoint parce que je m'étais dit que mes diapositives seraient en anglais. Je vais présenter les progrès que nous avons accomplis et les domaines dans lesquels je pense que nous pourrions collaborer plus avant avec la France dans les Caraïbes. Le GIC/Caraïbes a 28 Etats membres, dont bon nombre sont de petites îles, des îles en voie de développement. Certaines dépendent d'une métropole, pas seulement de la France, mais aussi du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Le défi auquel nous avons à faire face est certainement le même que celui du Pacifique il y a 40 ans, c'est-à-dire travailler avec de petites îles et des pays en voie de développement qui ont des capacités très variées et des moyens pas toujours appropriés pour participer à ces systèmes d'alerte précoce. Voilà la toile de fond sur laquelle se développe le programme.

Ces systèmes d'alerte ont été développés à travers une approche multirisque, comme nous l'avons déjà dit aujourd'hui, à la demande des États membres lors de la première réunion. La zone des Caraïbes est soumise à des aléas très importants dus à des houles cycloniques et aux tremblements de terre. Les tsunamis sont beaucoup moins fréquents mais, malgré cette faible fréquence, vous savez qu'ils ont eu lieu plus souvent que les ouragans. Les États membres ont discuté et approuvé une proposition pour un système d'alerte précoce avant même le tsunami de 2004. Cela a été un événement catalytique global, avec des propositions déjà approuvées par les pays, qui nous a permis de cristalliser tout cela en un résultat tangible. Le système d'alerte précoce a donc été adopté en 2005 et la première réunion a eu lieu à La Barbade en 2006. C'est à cette époque que les États membres ont établi très clairement leurs priorités pour le système. Ils souhaitaient s'assurer que les sources de tsunami puissent donner lieu à des modélisations, que les éléments puissent être détectés avec des systèmes fiables et que les communautés littorales les plus éloignées soient préparées, éduquées, formées, conscientes et prêtes à réagir à cette menace. Une structure avec des groupes de travail a été mise en place pour suivre les priorités et la mise en œuvre de ce système.

L'évaluation du risque de tsunami dans les Caraïbes a commencé par le travail d'experts ; nous avons eu deux groupes d'établissement de modèles, qui étaient des experts des États-Unis et de la France, avec un groupe d'évaluation coprésidé par la France et qui a présenté la recherche et les informations existantes sur les événements qui avaient déjà eu lieu, des évaluations sur l'impact sur les côtes des États membres. Cette évaluation nous a permis d'identifier notre premier défi, avec des modalisateurs tels que le docteur Marcy, de Guadeloupe, qui était prêt à aider les États membres aux capacités limitées ou inexistantes et pour lesquels il était clair qu'il leur fallait des données fondamentales, données que la plupart de ces États ne pouvaient avoir. Les systèmes d'évaluation littorale n'existaient pas. Évaluer ce type de risque reste un besoin urgent pour la région.

Pour ce qui est du réseau sismique dans les Caraïbes, un certain nombre d'organisations nationales et régionales étaient déjà en train de mettre en place des systèmes de veille et d'étude sismologique avec des réseaux régionaux ; ils se sont exprimés à travers des réunions et des réseaux qui ont établi des formats pour le partage des données et des normes pour les exigences locales et régionales nécessaires, avec une identification des besoins très rapide. Les membres du groupe de travail se sont mis d'accord sur un réseau clé de détection des phénomènes sismiques. Le système exige que bon nombre de stations dans les petites îles et dans ces pays en développement soient remises à jour pour arriver à des données en temps réel utilisables par le réseau. Cela a été accompli, mais nous avons encore un certain nombre de manques significatifs dans le réseau qui doivent être comblés avec des pays qui ont encore besoin de développer leurs capacités à partager les données sismiques. Il y a encore un défi à relever, la détection d'autres événements tsunamigènes.

Les tremblements de terre, bien sûr, prennent beaucoup de notre temps. Mais il nous faut étudier aussi les autres sources. Pour ce qui est des océans et des tsunamis, les États-Unis ont mis en place des tsunamimètres dans l'océan Atlantique et dans la mer des Caraïbes. Cependant nous avons encore besoin d'autres instruments pour s'assurer une couverture totale du phénomène. En contraste avec le réseau sismique, le réseau d'étude du niveau de la mer s'est développé beaucoup plus lentement à l'époque du début du travail du GIC. Nous avons travaillé avec des États membres pour mettre en place certains marégraphes et, comme pour le réseau d'études sismiques, nous avons établi un réseau d'études du niveau de la mer avec la participation de la plupart des pays qui se sont mis d'accord pour couvrir toute la zone d'après certains critères développés pour ces marégraphes. Les États membres sont encouragés à installer plus de marégraphes encore, en conformité avec ces normes. Dans ce contexte, nous nous félicitons de l'aide du gouvernement de la France pour installer des marégraphes à Sainte-Lucie. Cependant, plus de marégraphes sont nécessaires et nous espérons que les opérateurs nationaux seront formés pas seulement pour assurer la maintenance de ces marégraphes, mais aussi pour pouvoir utiliser les données obtenues afin de responsabiliser les agences nationales.

Les centres PTWC et ATWC assurent l'intérim et une veille de la zone des Caraïbes. Dans ce contexte le centre de Porto Rico a présenté un plan de communication, avec des tests mensuels menés à travers le système qui ont été très efficaces pour fournir des messages. Le 28 mai de cette année, nous avons eu un tremblement de terre de magnitude 7.1 qui venait de la côte du Honduras et dans les deux minutes qui ont suivi, et malgré les manques dans notre couverture, l'alerte a été reçue par les points focaux d'alerte des États membres du Honduras, du Guatemala et de Belize. Les autres États membres ont reçu une déclaration d'alerte. Il y avait une absence d'information en temps réel autour de l'épicentre de ce tremblement de terre. Cependant, le centre a quand même pu vérifier qu'aucun tsunami n'a découlé de ce tremblement de terre et a transmis le message dans les 10 minutes.

Il nous faut comprendre ce qui s'est passé dans chaque État membre au niveau national après la réception de ce message. Cet événement nous a permis d'être témoins d'un test réel de réaction au tsunami. L'unité tsunami de la COI propose d'assister le GIC/Caraïbes dans l'évaluation de la réponse faite à cet événement. La question de la communication est importante pour bon nombre de pays, particulièrement pour les petites îles. Les États membres reconnaissent le réseau global de télécommunications comme essentiel pour les alertes aux tsunamis, mais nous les exhortons à faire attention aux redondances. C'est une caractéristique clé des événements qui ont lieu dans les Caraïbes, pas seulement pour l'une ou l'autre des parties prenantes. Certains reçoivent très rapidement les alertes. Des systèmes nationaux doivent être mis en place, ainsi que des protocoles, pour pouvoir toucher toutes les populations.

Nous avons un projet de protocole sur les communications, qui a été soumis aux États membres. Certains souhaitent le modifier pour qu'il soit adapté à leurs besoins. C'est une responsabilité nationale de s'assurer que les individus soient bien éduqués à répondre de façon appropriée à ce type de situation. Ce type de programmes pédagogiques est important mais nécessite des ressources, ainsi que la coopération de bon nombre de dialectes et de créoles. Pour pouvoir éduquer tous les citoyens, il faut recourir à leur langue dans les programmes d'éducation mais aussi dans les systèmes d'alerte. Cela découle de la responsabilité nationale.

Nous avons un nouveau centre d'information sur les tsunamis dans les Caraïbes qui va assister les pays à renforcer leurs capacités pour les procédures de communication et les programmes pédagogiques. C'est pourquoi nous nous félicitons de la proposition du Gouvernement français de nous assister dans les opérations de ce centre de formation et d'information. Nous avons des ressources sur les territoires français pour s'assurer que tous les États membres soient couverts en termes de programmes pédagogiques. L'avantage de la dissémination de ce programme est un coût réduit de traduction. Le système que nous avons établi à La Barbade a pour but de coordonner le travail que nous menons avec des agences françaises et espagnoles. Cette collaboration nous a permis d'accélérer le développement d'un système véritablement efficace qui a pour but de répondre aux besoins et de sauver les vies des communautés du littoral dans les Caraïbes. Ce centre ainsi que les agences partenaires ont permis d'accélérer le développement d'un système véritablement efficace dans les Caraïbes. Nous avons besoin d'un centre pleinement établi, un centre d'alerte. Nous avons besoin de pallier les manques de notre couverture. Nous avons besoin de modélisation des risques de tsunami. Nous avons besoin que chaque pays, chaque île ait un système de communication rapide, efficace, bien développé et une population bien préparée qui sait réagir. Ce qui ne va pas sans une certaine maturité que nous devons transmettre à la génération suivante. Plus la période entre les événements sera longue, plus les besoins en termes d'investissements seront grands. Nous nous rendons bien compte que le système d'éducation publique devra mener un effort permanent. Merci.

M. Roland COURTEAU

Merci pour cet exposé particulièrement complet. Sans attendre, je donne la parole à Monsieur Steve Tait, directeur scientifique des observatoires volcanologiques et sismologiques de l'Institut de physique du globe de Paris, représentant la France.

E. M. STEVE TAIT, DIRECTEUR SCIENTIFIQUE DES OBSERVATOIRES VOLCANOLOGIQUES ET SISMOLOGIQUES DE L'INSTITUT DE PHYSIQUE DU GLOBE DE PARIS, REPRÉSENTANT LA FRANCE

Merci beaucoup, Monsieur le sénateur. Je dois avouer que je ne savais pas que je devais prendre la parole. J'ai appris en arrivant que j'étais inscrit sur la liste des intervenants. Donc je n'ai pas préparé d'intervention particulière. Je pense que la plupart des choses ont été dites par Madame Inniss, présidente du groupe intergouvernemental de coordination. Je représente l'Institut de physique du globe de Paris qui est l'opérateur principal français du réseau sismique dans la région des Caraïbes.

La contribution principale de l'IPGP consiste à fournir des données au système d'alerte. Il y a deux structures à l'IPGP qui peuvent y contribuer. D'une part, les stations appartenant au réseau mondial sismologique GEOSCOPE : trois stations y participent, la station de Fort-de-France à l'observatoire volcanologique et sismologique de la Martinique, et récemment, des stations au Mexique et au Costa Rica.

L'IPGP propose actuellement des projets de remise à niveau du réseau sismologique et marégraphique pour participer au réseau d'instrumentation au niveau du bassin. La première partie de ce projet a démarré en Guadeloupe l'année dernière. Nous avons donc une station opérationnelle en Guadeloupe, une deuxième en cours de route et nous proposerons d'autres stations en Guadeloupe et en Martinique par la suite. Un des éléments à signaler ici : au niveau des sources tsunamigènes aux Caraïbes, il s'agit de trois choses principales : les zones de subduction qui peuvent donner lieu à des séismes de très grande magnitude (c'est là assez bien identifié), des failles au nord et au sud du bassin, au niveau du Venezuela, de Porto Rico, etc., et les failles dites intraplaques qui se trouvent dans la plaque Caraïbes mais ne sont pas à l'heure actuelle complètement recensées. Des campagnes bathymétriques pour recenser et identifier ces failles ont été démarrées. Deux campagnes ont eu lieu cette année, pilotées par l'IPGP et d'autres collaborateurs. Nous proposons également une troisième campagne, qui n'est pas financée pour l'instant et qui couvrirait la partie nord de l'arc, où nous ignorons principalement les failles qui peuvent nous intéresser. Le réseau auquel a fait allusion Madame Inniss peut bien couvrir la localisation de séisme au niveau de la zone de subduction et les failles au nord et au sud. En ce qui concerne les failles intraplaques aux Caraïbes, la situation est moins évidente et il faut probablement une densification de stations un peu plus grande. Cela n'a pas été complètement fait pour l'instant. Je peux citer à titre d'exemple le séisme dit « des Saintes » qui a eu lieu fin 2004, juste après le tremblement de terre de Sumatra, qui a engendré un petit tsunami dans l'archipel de la Guadeloupe. Voilà pour cet aspect-là.

Je peux rappeler la structure des 4 groupes de travail mis en place par le GIC aux Caraïbes. Le système de surveillance et de détection est assuré par le groupe numéro 1, où les représentants français viennent de l'IPGP, pour des raisons évidentes. Le deuxième s'occupe de l'évaluation des risques avec l'université Antilles-Guadeloupe ; le BRGM y participe. Le groupe n°3, avec Météo France, s'occupe de diffusion et de communication. Et enfin le groupe 4, préparation, disponibilité opérationnelle et résilience, est dirigé par le chef d'état-major de zone, le lieutenant-colonel Philippe Cova, qui est le représentant français dans ce groupe-là. Il y a d'autres acteurs, bien sûr, la coopération avec le SHOM a été évoquée toute à l'heure. La collaboration entre le SHOM et l'IPGP pour la mesure du niveau de la mer est en route. Voilà ce que je peux dire pour l'instant.

Le domaine où il y a le moins de choses en route concerne les groupes 3 et 4, au niveau de l'alerte diffusion et de la disponibilité opérationnelle ; il y a besoin d'associer les collectivités, les conseils généraux et les conseils régionaux, pour voir comment cela peut fonctionner sur le terrain. Peut-être y a-t-il une interaction forte à avoir avec le groupe de travail 2 pour vraiment bien identifier les zones où le risque est le plus élevé. Il y a un manque de bathymétrie petits fonds. L'outil Litto3D que proposent l'IGN et le SHOM semble très intéressant. L'IPGP avait essayé d'obtenir par quelque moyen que ce soit l'acquisition de ces données-la. Le relais a été maintenant repris par l'IGN et le SHOM, tant mieux. Je voulais juste rappeler ce que j'ai dit tout à l'heure : l'existence de cet outil Litto3D semblait intéresser énormément les autres États de la région, particulièrement les petites îles. L'affrètement de l'avion est un élément important du coût. En gros, si l'avion est dans la région pour faire des levés bathymétriques sur les côtes françaises, cela peut être une très bonne chose si d'autres îles peuvent en profiter. Il y a des montages financiers à élaborer pour voir comment mutualiser les moyens. Ce point a été signalé à la rencontre intergouvernementale 4, qui vient d'avoir lieu en Martinique. Il s'agit d'une demande à la France de voir quelles possibilités elle a d'étendre ses campagnes aux autres États.

C'est tout ce que je peux dire dans l'immédiat. Merci beaucoup.

M. Roland COURTEAU

Merci, Monsieur Tait. Maintenant je vais m'adresser à Monsieur Stefano Tinti, président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique nord-est et la Méditerranée, le fameux GIC/SATANEM.

F. M. STEFANO TINTI, PRÉSIDENT DU GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL DE COORDINATION DU SYSTÈME D'ALERTE AUX TSUNAMIS DE L'ATLANTIQUE NORD-EST ET DE LA MÉDITERRANÉE (GIC/ SATANEM)

Je vais commencer en attendant l'aide d'un technicien. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier, Monsieur le Sénateur, de m'avoir invité à participer à cette réunion ici et permettez-moi de faire des compliments à votre bureau pour cette initiative, tout particulièrement pour ce rapport qui s'intitule Tsunamis sur les côtes françaises, parce que, pour autant que je sache, c'est le seul rapport qui ait été publié par une institution qui fait partie du parlement d'un pays européen ou de la région. C'est un très bon exemple de la façon dont les choses devraient être menées.

Je serai assez rapide, tout particulièrement pour la partie initiale. Je vais commencer et décrire à quelle étape nous en sommes pour les activités de la COI, la plupart de ses organes ont été mis en place en 2005 pour les Caraïbes et l'océan Indien. Puis, pour le SATANEM, nous avons eu depuis le démarrage une réunion de l'assemblée générale par an dans différentes villes - vous voyez qu'elles sont mentionnées à l'écran. Et à l'automne 2009, nous serons à Istanbul. Nous avons essayé de recueillir le plus de remarques possibles. Les États membres ont compris qu'il s'agissait d'un effort régional qui devrait impliquer tous les pays de la région. Il y a une structure pour ce GIC avec un président, un vice-président et des groupes de travail. L'idée est de créer différents groupes de travail sur différents sujets et intérêts, mais avec des présidents et des vice-présidents qui viennent de différents pays de la région pour souligner la totale implication de la plupart des pays de la région à ce projet. Nous nous sommes rendu compte après la première année que nos espoirs d'avoir un système en place qui fonctionnerait bien, et cela en un temps très bref, étaient trop ambitieux. Nous nous sommes rendu compte que les efforts à fournir étaient sans doute bien plus importants que nous ne l'avions pensé au départ. En plus des autres groupes de travail, nous avons mis en place une équipe spéciale, avec la participation de François Gérard, : cette équipe devait travailler sur la définition de l'architecture du SATANEM, avec des centres régionaux d'alerte aux tsunamis avec leurs domaines de responsabilités bien définis pour qu'il n'y ait pas de redondance. Il nous fallait identifier ces redondances et traiter des sujets fondamentaux dans l'évaluation des risques.

Permettez-moi de souligner que tout d'abord nous ne nous pouvions pas, à cause de l'expertise variée de la région et des intérêts divers des différents pays, établir un système unique. Ce système doit être un système de systèmes qui devrait être constitué d'un certain nombre de centres d'alertes aux tsunamis. C'est une formule qui a déjà été adoptée par consensus. Bien sûr, il doit aussi y avoir des centres nationaux établis pour les pays qui sont exposés à la menace des tsunamis. Comme vous le voyez sur cette photo, on songe à créer, outre un système de systèmes, une cartographie des possibilités de tsunamis dans la région et vous constatez qu'il y a bon nombre de zones littorales vulnérables. Vous voyez l'étendue concernée par les tsunamis avec, tout particulièrement, les zones littorales de certaines parties de la Méditerranée. Nous traitons de phénomènes qui ne sont pas équivalents mais qui ont lieu à la même échelle. Ce centre de veille des tsunamis régional permet d'alerter d'autres pays, donc c'est un centre qui devrait couvrir plus d'un seul pays, sinon on ne mettrait en place que des centres nationaux de veille ou d'alerte précoce. C'est donc ce qui a été proposé dans ce système. Vous voyez que certaines solutions n'ont pas encore été adoptées officiellement par le GIC, mais nous savons que ces propositions sont sur la table et il est très probable qu'elles soient acceptées officiellement durant la prochaine réunion qui aura lieu bientôt à Istanbul. En tout cas, c'est ce qui est prévu.

Vous voyez donc qu'un centre a été proposé par le Portugal, un autre doit être mis en place par la France, un par l'Italie, un par la Grèce, un par la Turquie. Il y a aussi un domaine de couverture possible avec certaines redondances ou conflits entre les limites ou les définitions de frontières ou des zones frontalières ou riveraines définies, par exemple entre la Grèce et la Turquie. Cela doit être décidé lors de la réunion de l'assemblée générale du GIC. Nous sommes sûrs que tous ces éléments peuvent être résolus très rapidement. Nous n'en discuterons pas, mais je voulais simplement vous dire que ces systèmes sont tous régionaux.

Ces centres commenceront comme des centres nationaux. Malheureusement, aucun centre ne sera opérationnel en 2009. La Turquie a annoncé qu'elle serait prête à devenir un centre d'alerte national en 2009 et au début de l'année prochaine, elle commencera ses activités comme centre d'alerte régional. Cela signifie que jusqu'à présent, c'est malheureux pour nous, il n'y a pas de système d'alerte aux tsunamis ni national ni régional qui fonctionne dans notre région. Donc s'il y avait un tsunami local ou si un gros tsunami survenait aujourd'hui, il n'y aurait pas de protection pour nos populations dans la région et c'est important à signaler, même après 4 années d'existence de ce GIC.

J'espère que, dans les mois qui viennent, il y aura un système d'alerte aux tsunamis qui existera et couvrira toute la région et toutes les côtes exposées aux tsunamis dans cette région ; c'est un souhait et je suis certain aussi que la situation sera certainement meilleure que celle d'aujourd'hui.

Mais permettez-moi de poursuivre et de vous dire quelles seront les fonctions d'un centre de veille régional. Cela a été mis en place par l'équipe spéciale dirigée par François Schindelé et Trévor Guymer et adopté lors de la dernière assemblée à Athènes en octobre 2008. Voici donc leurs fonctions. Chaque centre devra recevoir et interpréter en temps réel les mesures sismiques et marégraphiques. Il devra déterminer immédiatement les paramètres sismiques, prévoir le temps d'arrivée des tsunamis et le niveau d'alerte et diffuser l'information à chaque point focal spécifié par les États membres.

Il y a d'autres fonctions qui sont importantes : l'échange des paramètres sismiques et d'informations avec d'autres, parce qu'il y a beaucoup de centres de veille régionaux, et avec les centres nationaux de veille, la diffusion des messages de veille et d'annulation. Il y a d'autres fonctions qui devraient être fournies, par exemple là où il n'y a pas de veille, qu'il y ait une activité mensuelle, qu'il y ait un test mensuel du système, des procédures, une documentation. Il est aussi normal de fournir des cours de formation en collaboration avec les centres régionaux de veille sismique et la COI. C'est normal, il n'y a rien de nouveau ici.

Voici donc la liste des besoins : des équipes disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, une salle d'opérations, des capacités de modélisation des tsunamis, une expertise sismique et océanographique directement dans le centre, un accès aux bases de données des tremblements de terre et des tsunamis.

Je voudrais maintenant mettre l'accent, avec une simulation très brève, sur ce que seraient les fonctions et comment identifier les forces et les faiblesses de nos centres de veille nationaux ou régionaux. Toutes les régions ne sont pas affectées par les tsunamis. Les centres régionaux de veille sont là pour rendre compte des grands événements, c'est-à-dire des événements qui peuvent affecter plus qu'un pays ou une grande région. Les lieux générateurs de tsunamis sont bien identifiés : ici en Algérie du nord, ici en Calabre, dans la mer égée, la corne hellénique, au sud de la Grèce, ce sont les zones de génération des tsunamis. On pourrait avoir ici des tsunamis importants qui pourraient être les cibles principales des centres de veille. Je prends par exemple l'Italie, pour être neutre : je pense qu'un grand événement intéressant pour un centre de veille sur les tsunamis pourrait être généré dans le sud de l'Italie, selon un scénario hypothétique. Voici quatre photos de ce qui pourrait se passer.

En 15 minutes, ce tsunami a déjà affecté une partie de la région proche de l'épicentre, donc la faille étant ici, la plus grande partie de cette région a déjà été sujette à de grandes vagues. En une demi-heure, le tsunami s'est propagé et a atteint l'île de Malte, et en 45 minutes, il a commencé à attaquer d'autres pays en plus de ceux qui sont proches sur un plan régional, ici la Grèce et la Libye. Et en une heure, toutes ces côtes ont été attaquées. Ce qui signifie que l'on a très peu de temps pour réagir. Voici donc les maximums et les minimums, les plus grandes vagues qui peuvent être attendues, à proximité de la région source où la plupart des victimes pourraient se trouver. C'est exact aussi pour ce qui s'est passé dans l'océan Indien, où les trois quarts des victimes étaient situées en Indonésie et pas ailleurs. Donc ici, il faut détecter les tsunamis par les systèmes sismologiques, même si ces systèmes ne sont pas tout à fait adaptés pour les tsunamis (il convient donc de les adapter). Le signal est quasiment disponible immédiatement et les stations existantes qui ne sont pas en ligne ne sont pas prises en compte. Il y a des stations qui ne sont pas publiques pour l'instant mais nous espérons qu'elles pourront le devenir.

Avec le système existant, nous sommes certains que, dans la plupart des régions, la situation s'améliorera rapidement. Les plus grands tremblements de terre qui sont importants pour le système sont détectables en quelques minutes après leur déclenchement : nous avons donc une bonne capacité de détection sismique. Mais sur cette base, nous pouvons seulement lancer une alerte sismique. Voilà la matrice de prises de décisions déjà adoptée. A partir de la force, la position, la localisation, la magnitude de ces tremblements de terre estimées grâce à tous ces outils, nous pouvons envoyer un bulletin d'informations (il s'agit d'un petit tsunami, il faut agir de telle façon ; si c'est un grand tsunami, tel est notre conseil, etc.), des alertes, qui peuvent être des conseils, une veille ou autre. Cela peut être fait aujourd'hui si la structure, le suivi et la détection existent. En quelques minutes, ce bulletin peut être fourni, si le système de communication existe, si les points focaux sont désignés, etc.

Mais ce n'est pas suffisant. Vous voyez par exemple ici une diapositive sur laquelle figure la magnitude des tremblements de terre sur cet axe et les dommages (donc les effets) du tsunami. Vous voyez l'importance de l'éventail : les grands tremblements de terre peuvent causer de petits tsunamis, de grands tsunamis, d'énormes tsunamis. La tendance est à avoir d'importants tsunamis dus à de très grands tremblements de terre. Mais dans cette région-ci, celle qui nous intéresse, la région euro-méditerranéenne, affectée par des tremblements de terre de force intermédiaire, l'estimation de l'aléa tsunami à partir de la magnitude de ces tremblements de terre est une donnée difficile à obtenir. Si vous voulez savoir quelle est la force d'un tsunami, il faut un élément supplémentaire. Lequel ? Un marégraphe. Si vous allez sur Internet et sur ce site web inscrit en bas, vliz.be/gauges, vous trouverez les secteurs où se trouvent les marégraphes en temps réel ou quasi temps-réel qui entrent dans nos standards. Il y en a très peu.

Voyons ce qui se passe pour nos grands tsunamis et nos grands tremblements de terre : combien de temps faudrait-il pour qu'une de ces stations détecte un tsunami ? Beaucoup plus de 15 minutes probablement, si vous vous souvenez des propagations précédentes, plus de 30 minutes. Il faudrait donc 30 minutes pour enregistrer le tsunami, alors qu'il y aura un tsunami trois minutes après une alerte ! Telle est la situation actuelle.

L'Italie par exemple (je garde cet exemple pour rester neutre, évidemment) planifie d'avoir beaucoup plus de stations qui communiquent, et les stations actuelles devraient passer en temps réel d'ici un ou deux ans. La plupart de ces stations seront transformées en stations en temps réel cette année, donc, en 15 minutes, cette station détectera le tsunami. Mais une seule station n'est pas suffisante pour être certain qu'il y a un tsunami, il en faut plus et ces deux stations seront donc joignables en 15 minutes. Pratiquement, cela signifie que toute cette zone, qui est de la compétence du système national, détectera le tsunami au bout des 2-3 minutes qu'il aura fallu au sismographe pour détecter un tsunami, auxquelles il faudra ajouter 10 minutes ou plus pour avoir la validation de l'existence d'un tsunami : c'est du temps perdu qui pourrait être gagné par un système pertinent de marégraphes suffisamment dense autour de ces régions déjà identifiées, celles de la génération des tsunamis, événements importants qui doivent être détectés par le centre de veille régional.

Nous avons besoin d'être beaucoup plus rapides ; pour l'être à l'avenir, il faut densifier le réseau dans les régions où se trouvent les sources des tsunamis. Par exemple, si nous voulons densifier un réseau qui est sous la responsabilité du Portugal, cela signifie que le réseau doit être densifié là où sont situés les sources génératrices de tsunami parce qu'avoir 30 minutes pour détecter et confirmer qu'il y a là un tsunami peut être utile pour les côtes françaises - je suis venu en France pour voir ce système. Pour le centre national de veille des tsunamis en France, c'est important, mais pas pour les centres régionaux parce que ces derniers ont la responsabilité d'avertir les gens ici, aux Baléares, ici, en Espagne, ici, en Algérie, ici, probablement, en Sardaigne. Ces côtes seront attaquées avant 30 minutes donc cela ne sert à rien de les avertir si tard.

Il nous faut donc avoir un réseau beaucoup plus dense de marégraphes ou de tsunamimètres ou avoir des marégraphes à certains endroits parce que les tsunamis sont beaucoup plus lents à se propager que les ondes sismiques. Il est donc important d'avoir ici un réseau beaucoup plus dense de marégraphes que de sismographes : les sismographes n'ont pas besoin d'être denses, ou leur densité est pour l'instant suffisante. La densité et les capacités en temps réel des marégraphes ou tsunamimètres est insuffisante, au moins ici, dans cette région, pour le centre de veille régionale des tsunamis.

Il n'est pas seulement question de créer un centre régional de veille aux tsunamis, nous voulons créer des centres nationaux de veille. Il y va de la responsabilité individuelle de chaque État. Combien y a-t-il d'États dans la région ? Beaucoup. Les pays de la zone méditerranéenne et de la ceinture sud de l'Europe (cela inclut aussi la zone atlantique) sont les zones les plus sensibles aux tsunamis, susceptibles d'être attaquées rapidement. Ce plan pour l'établissement des centres nationaux de veille est notre défi le plus important pour l'avenir, notamment pour les pays d'Afrique du nord qui peuvent être affectés par de grands tsunamis : ils ont besoin de l'aide des pays européens sur le plan budgétaire évidemment. C'est un grave problème.

Je voudrais résumer ma position. Les centres régionaux sont gérés sur le plan régional mais les sources des très grands tsunamis sont locales et relèvent donc de la responsabilité des centres nationaux de veille des tsunamis. Les centres régionaux détectent en 5-10 minutes les événements principaux et sont donc prêts à lancer des alertes aux populations. Pouvoir gagner 10 minutes est fondamental pour pouvoir lancer la bonne alerte et avoir la bonne réponse des populations sur les côtes. Les centres nationaux géreront les alertes nationales mais seront responsables des tsunamis locaux, ils doivent être prêts à réagir en très peu de temps, quelques minutes, ce qui signifie que parfois, ce peut être une action automatique lorsqu'on n'aura pas le temps d'avoir de confirmations manuelles. La détection doit être très efficace et très rapide. Les grands tremblements de terre ou les grands tsunamis, qui sont de la compétence des centres régionaux, sont identifiés par notre GIC. Dans la zone qui nous intéresse, les tremblements de terre sont moyens (6.5 et 7 sur l'échelle de Richter, notre seuil pour ceux qui ont été identifiés en Méditerranée).

En outre, nous n'avons pas de systèmes opérationnels pour l'instant capables de couvrir des événements qui ne sont pas générés par des tremblements de terre. Nous savons que la France est attaquée par des tsunamis générés par des activités volcaniques, pas dans la zone métropolitaine mais à l'extérieur, ou, comme par le passé, par des mouvements gravitaires. Que faire pour l'instant ? Nous ne nous en sommes pas occupés à l'échelle du GIC mais une détection rapide du tsunami par des marégraphes, de son lieu de génération, peut aider à la gestion des tsunamis générés par des mouvements gravitaires. Se fonder seulement sur la magnitude des tremblements de terre peut mener à sous-estimer ou parfois à surestimer le tsunami. Il y a sous-estimation quand le tremblement de terre est petit ou intermédiaire et déclenche un glissement de terrain, qui génère de graves tsunamis ; il faut donc être capables de détecter ce genre de tsunami (c'est le cas dans la Mer Ligure).

Voici donc les idées liées aux problèmes qui sont encore devant nous. Il faudrait obtenir, lors de la prochaine assemblée de novembre à Istanbul, un engagement formel des gouvernements à l'égard de ces centres de veille régionaux afin qu'ils soient non seulement projetés mais aussi désignés comme centres nationaux. Cela ne s'est pas produit pour l'instant mais nous espérons que les offres de la France et de l'Italie seront formalisées.

Deuxième point très important : il s'agit de l'engagement des pays de l'Afrique du nord, donc la partie sud de la Méditerranée, principalement pour ces pays très proches des grandes sources, comme l'Algérie ou tous ces pays qui ont un réseau sismographique très important comme la Libye. Il faut absolument avoir toutes les données sismographiques et les partager en temps réel car elles ont un rôle important pour les centres régionaux de veille des tsunamis. Il ne s'agit pas d'un problème de second ordre car la réalité nous dit qu'il est très difficile d'avoir accès à certaines données et informations ; pour l'instant, la partie la plus lente dans l'instauration d'un système d'alerte était la mise en place d'un système de marégraphes en temps réel.

Merci beaucoup de votre attention.

M. Roland COURTEAU

Merci à vous, Monsieur Tinti, c'était particulièrement complet.

Dernier intervenant : je vais donner la parole à Madame Frédérique Martini, chef du bureau des risques météorologiques et littoraux au Service des risques naturels et hydrauliques, représentant la France. Vous avez la parole, Madame Martini.

G. MME FRÉDÉRIQUE MARTINI, CHEF DU BUREAU DES RISQUES MÉTÉOROLOGIQUES, AU SERVICE DES RISQUES NATURELS ET HYDRAULIQUES, REPRÉSENTANT LE POINT DE CONTACT NATIONAL FRANÇAIS POUR LE GIC/SATANEM

Merci, Monsieur le sénateur.

Je vais à nouveau parler de la Méditerranée et de l'implication de la France dans la Méditerranée. Les intervenants précédents ont déjà beaucoup parlé sur la manière dont fonctionne ou devra fonctionner le centre d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l'Atlantique nord. Je voulais plutôt centrer mon propos sur la place importante de la notion de réseau dans le fonctionnement de ce centre d'alerte, compte tenu des différents acteurs que l'on trouve dans les organismes scientifiques impliqués dans le centre national à vocation régionale, comme Monsieur Tinti l'a mentionné dans son propos.

Je m'adresse à vous en tant que représentante du point de contact national pour le GIC/SATANEM. Vous connaissez le contexte de l'activité de la France dans ce cadre. Votre rapport, Monsieur Courteau, recommandait déjà une implication particulière de la France notamment sur le bassin méditerranéen. S'en est suivi le travail conduit par le Secrétariat général de la mer pour concevoir une offre française pour la constitution d'un centre national d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l'Atlantique nord à vocation régionale. Dans un historique assez récent, cette proposition de la France a pu être présentée à la cinquième réunion du GIC/SATANEM à Athènes. A l'issue de cette proposition française, les ministères de l'Intérieur et du Développement durable ont décidé de mandater le CEA pour la réalisation et le fonctionnement d'un centre national à vocation régionale pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée occidentale pour son aspect régional, mais dans son intégralité pour l'aspect national. Nous n'allons pas y revenir car nous avons beaucoup entendu dans la matinée que le CEA, en coopération avec le CNRS et le SHOM, opère ce centre dont l'objectif est en 3 étapes (je vais tâcher de distinguer ce qui relève de la responsabilité du centre national de celle du centre régional - et ce que je vais détailler découle directement des décisions et des orientations prises par le GIC/SATANEM pour distinguer les fonctions d'un centre régional de celles d'un centre national).

Précisément, le centre à vocation nationale a comme responsabilité d'alerter ou de diffuser une alerte aux autorités de sécurité civile, en l'occurrence françaises, dans les 15 minutes qui suivent la détection d'un événement sismique potentiellement tsunamigène, et ce, sur le périmètre Atlantique Nord-Est et Méditerranée pour ce qui concerne la France. C'est vraiment l'activité d'un centre national. Une des activités du centre régional pour la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est pour la France et le CEA, point focal, est l'information des centres d'alerte nationaux et régionaux étrangers ainsi que les points focaux désignés par ces autorités étrangères dans ce même délai de 15 minutes après la survenue d'un événement. Précisons bien que ce centre régional a le rôle d'informer et non d'alerter, il diffuse une information sur un événement potentiellement dangereux, l'alerte restant de la responsabilité nationale ; le centre régional n'a pas la responsabilité d'alerter les autres pays étrangers. Enfin, à l'issue de ces phases d'information et d'alerte, le centre régional à nouveau a la responsabilité de confirmer ou d'infirmer l'occurrence éventuelle d'un tsunami dans les 20 minutes suivantes ; ces durées ont été décidées par le GIC/SATANEM.

Je reviens sur le périmètre d'intervention. Pour la confirmation ou l'infirmation d'un tsunami, le périmètre concerné est la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est. Pour arriver à ces alertes/confirmations, le centre procède à l'identification des sources sismiques potentiellement tsunamigènes pour faire son analyse. Je souhaite insister sur la notion de réseau. Le centre régional d'alerte aux tsunamis sur l'Atlantique Nord-Est et Méditerranée occidentale est conçu comme composante d'un réseau de centres régionaux qui à eux tous vont couvrir le bassin concerné. C'est ainsi que la France se propose d'opérer un centre régional sur une partie du bassin, comme on l'a déjà dit à Athènes en 2008, et nous espérons bien que cette proposition sera avalisée lors de la sixième session du GIC en novembre 2009. Monsieur Tinti l'a mentionné, ainsi que François Schindelé, les autres centres régionaux qui vont avec la France se partager le périmètre sont le Portugal, la Grèce, l'Italie et la Turquie. A Istanbul en 2009, nous devrions arriver à une cartographie finalisée de ces responsabilités.

Un réseau international donc, et un réseau interne aussi en France au niveau des réseaux de mesures et des réseaux de transmission. Le système français s'appuie sur des réseaux de stations sismiques opérées soit par la France soit par les pays partenaires étrangers sur le bassin : cela a été bien présenté notamment par François Schindelé, je ne vais pas m'appesantir, de même que le réseau de marégraphes a été présenté par le SHOM. Je voulais mentionner à nouveau que tout cela ne peut fonctionner qu'en réseau. Il y a, toujours à l'appui du fonctionnement de ce CRATANEM, une mutualisation des moyens, tant à l'intérieur de la France par les différents organismes scientifiques qui y coopèrent que, d'une manière plus large, les pays partenaires.

Après le réseau de stations, une autre composante importante du fonctionnement du système est la transmission : c'est un travail important du développement du centre opéré par le CEA en partie qui repose sur cette transmission d'informations. Dans ce développement, certaines étapes sont encore à franchir et font le cœur du projet commencé cette année ; nous devons trouver la manière dont doit se réaliser le traitement du signal, comment doit se gérer l'élaboration et la diffusion de l'alerte, le tout en s'intégrant dans un système de réception des données et de transmission de l'information.

Je vais conclure sur le CRATANEM en vous rappelant un calendrier qui a été déjà mentionné aussi pour partie : l'objectif collectif que nous avons est de démarrer en France de manière un peu formelle, même s'il a déjà débuté, le projet en juin-juillet de cette année pour, à l'issue de 28 mois de travail, proposer un lancement pré-opérationnel du centre suivi par une phase opérationnelle 34 mois plus tard. Compte tenu d'un démarrage en juillet 2009, ce démarrage pré-opérationnel du centre aura lieu à la fin de 2011.

Je terminerai cette approche réseau en rappelant un projet déjà mentionné précédemment, le projet RATCOM, qui, en complément du CRATANEM, va permettre d'appréhender les deux types de tsunamis qui peuvent inquiéter les côtes françaises, à la fois les tsunamis de champ lointain et les tsunamis de champ proche ; en ce sens, le projet RATCOM est très complémentaire puisqu'il concerne plus précisément les tsunamis de champ proche - cela a été évoqué par Madame tout à l'heure ; sa vocation essentielle est de proposer un démonstrateur de réseau d'alerte précoce pour ces tsunamis de champ proche en ayant, de même que le CRATANEM, une composante « information montante » et une composante « alerte descendante » en cours de réflexion. Je mentionnerai juste pour mémoire les partenaires qui contribuent à ce projet ainsi que le budget global du projet et sa durée qui est de 30 mois.

Je vous remercie.

M. Roland COURTEAU

Merci beaucoup. Je salue l'arrivée du premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Monsieur le professeur Jean-Claude Etienne. Je vous avais expliqué ce matin qu'il avait été retenu par quelques petits problèmes de transports.

M. Jean-Claude ETIENNE

Les TGV ne sont pas tous GV !

M. Roland COURTEAU

Je voudrais en conclusion vous remercier d'avoir participé à cette audition. Nous avons pris beaucoup de retard parce que les présentations étaient particulièrement passionnantes et les informations, très riches et variées. Peut-être aussi votre président n'a-t-il pas su être suffisamment directif. C'était tellement enrichissant et intéressant que je ne pouvais pas me permettre d'interrompre de telles présentations.

J'aurais beaucoup de questions à vous poser mais je crois que cela nous obligerait à rester encore là tout l'après-midi et je vais donc renoncer aux 4 ou 5 questions que j'envisageais de vous poser.

Mes conclusions du rapport de 2007 restent encore, pour certaines d'entre elles en tout cas, valables :

• Le système d'alerte dans le Pacifique fonctionne bien même si certaines améliorations peuvent être apportées notamment afin de mieux protéger certains petits États.

• Le système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien est un modèle du genre ; je suis sûr que Monsieur Tinti ou Madame Inniss rêvent de ce réseau de marégraphes et de tsunamimètres ! Il a fait l'objet, il est vrai, d'une mobilisation internationale financière sans précédent et les résultats sont là.

• Les bassins de la Méditerranée et des Caraïbes restent les parents pauvres, malgré les annonces faites tour à tour par le représentant du ministère de l'Intérieur et par vous-même, Madame Martini. En Méditerranée, il est vrai que plusieurs pays comme la France, le Portugal, l'Italie, la Grèce et la Turquie sont en train de mettre en place des centres nationaux d'alerte mais j'ai quand même noté qu'il restait encore des problèmes importants à résoudre (réseaux de marégraphes et de tsunamimètres encore insuffisants). Quant aux Caraïbes, heureusement que les États-Unis sont présents dans la zone à travers Porto Rico ! Il va donc falloir continuer à se battre et à persuader les autorités politiques, le gouvernement et les collectivités territoriales de débloquer des crédits pour les bassins des Caraïbes et de la Méditerranée. Je sais que le GIC Caraïbes doit se réunir prochainement en Martinique - je pensais même que cela avait été fait en mars mais il a dû y avoir un retard. Je vais d'ailleurs à ce propos écrire au Président de la République et au Premier Ministre afin d'attirer leur attention sur les besoins criants en matière de marégraphes dans cette zone. Je vais également au nom de l'Office prendre contact avec mes collègues parlementaires d'Outre-mer pour les inciter eux aussi à saisir le Président de la République ainsi que le Premier Ministre.

Je ne voudrais toutefois pas terminer sur une note pessimiste : toutes les interventions ont montré que toutes les personnes entendues sont particulièrement motivées et se battent pour faire avancer ce dossier. Je vous adresse donc mon soutien et, j'allais dire aussi, mes remerciements. Je voudrais vous indiquer que je reste à votre entière disposition pour vous aider si nécessaire à débloquer un certain nombre de difficultés, je le ferai avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et notamment son vice-président, le professeur Etienne mais également son président, Claude Birraux et toute l'équipe des collaborateurs, notamment Sandrine, qui a apporté une aide considérable (vous avez pu remarquer combien étaient grandes ses compétences).

Mesdames et messieurs, encore une fois, merci.

M. Jean-Claude ETIENNE, premier vice-président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sénateur de la Marne

M. Roland Courteau me glisse dans l'oreille : « Tu dis deux-trois mots ? ». Promis, les hypoglycémies se creusent et il n'est pas question - ce serait une outrecuidance - d'en dire plus de trois. Néanmoins, il y en a au moins un que je tiens à dire, c'est « merci ». Merci, bien sûr, à mon collègue, à notre collègue, M. Roland Courteau, merci à tous les membres de l'Office parlementaire qui ont fait de l'affaire tsunamis leur cause. Depuis que le rapport de M. Roland Courteau est sorti (je crois que je reprends le sentiment au moins de l'une d'entre vous, Madame Martini, d'après ce que l'on m'a dit), il y a un avant Courteau et un après Courteau. Il faut bien reconnaître qu'après la sortie du rapport de l'Office parlementaire, les choses ont été lancées, l'espoir a d'ailleurs été allumé un peu partout et on a connu après le sac, un peu de ressac (puisqu'il est question de marée !) puisqu'on a eu peur que la France, qui voulait se mettre très en pointe sur ce système, le soit un peu moins ; puis aujourd'hui, grâce à vous tous, on reprend un droit de cité et surtout une volonté d'agir, qui est des plus importantes.

Tu as dit à l'instant, Roland, combien le domaine du Pacifique était à peu près répondant en bonne résonance aux 19 questions de ton rapport, au moins à l'essentiel d'entre elles. Il reste que, si j'ai bien compris à l'instant, il ne faut pas oublier les Caraïbes et la Méditerranée, l'hexagone lui-même. A l'instant, je quitte une réunion où je disais que je venais vous retrouver pour les tsunamis. D'un côté, un biologiste, apparemment bien informé, me disait : « Les tsunamis, c'est loin, c'est loin tout cela ! » Mais à côté, il y en avait un autre, que j'ai connu quand j'ai fait mon certificat de géologie, qui a dit : « Pour moi, pas du tout, Nice, ce n'est pas si vieux. Rappelons-nous ce qui s'est passé. » S'il y a vraiment un élément qui peut sensibiliser l'hexagone à la problématique générale du tsunami, c'est bien ce que nous aurions pu connaître en plus fort sur nos côtes azuréennes - ce qui nous menace à l'évidence, pour ceux qui ont quelque connaissance de l'architecture des glissements des plaques tectoniques dans le secteur. Rien n'est loin, nous sommes sur une planète où tout est proche, même quand cela a lieu très loin, et nous sommes tous à travers le monde concernés par ce problème. Cette dimension doit être prise en compte par tous nos décideurs politiques.

Et en tout cas, je dis merci à vous tous de cette réunion de ce matin, à M. Roland Courteau pour la sensibilisation des décideurs politiques français. Je voulais vous dire que l'Office parlementaire est une caisse de résonance toute à votre disposition pour faire valoir ce message qui doit s'entendre sur l'ensemble de la planète et pas seulement dans les zones qui ont souffert - ce n'est pas parce qu'elles ont souffert qu'elles sont immunisées, il n'y a pas d'immunité dans ce domaine, bien évidemment, il y a même une vulnérabilité - mais il ne faut pas oublier les zones qui n'ont jamais souffert durant des millénaires dans l'histoire de l'humanité car ce n'est rien en temps de géologie, ce sont quelques secondes, et ce n'est pas parce qu'il y a eu des millénaires où il ne s'est rien passé que cela ne peut pas arriver demain et pas demain soir, peut-être demain matin.

En tout cas, merci à tous, merci de ce que vous venez d'apporter par votre réflexion à cette problématique qui, d'une certaine manière, à mon sens, tout au moins je le vis comme telle, revêt une portée anthropologique qui dépasse largement les seuls sites où cela a pu avoir lieu en connaissance des sites où cela pourrait avoir lieu. Merci à tous de cette matinée.

ANNEXE - PRÉSENTATIONS DES INTERVENANTS


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