N° 4507 - Rapport de M. Claude Birraux, établi au nom de cet office, sur les investissements d'avenir : un nouvel élan pour la recherche française (Compte rendu de l'audition publique du 17 janvier 2012 et de la présentation des conclusions, le 7 mars 2012)



N° 4507 N° 511

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ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 2011 - 2012

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Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale Enregistré à la présidence du Sénat

le 2 mai 2012 le 2 mai 2012

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

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RAPPORT

sur

INVESTISSEMENTS D’AVENIR :

UN NOUVEL ÉLAN POUR LA RECHERCHE FRANÇAISE

Compte rendu de l’audition publique du 17 janvier 2012
et de la présentation des conclusions, le 7 mars 2012

Par M. Claude BIRRAUX, Député.

__________ __________

Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Claude BIRRAUX, par M. Bruno SIDO,

Premier Vice-Président de l'Office Président de l’Office

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Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Bruno SIDO, sénateur

Premier Vice-Président

M. Claude BIRRAUX, député

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député

M. Pierre LASBORDES, député

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

M. Roland COURTEAU, sénateur

M. Marcel DENEUX, sénateur

Mme Virginie KLÈS, sénateur

 

Députés

Sénateurs

M. Christian BATAILLE

M. Jean-Pierre BRARD

M. Alain CLAEYS

M. Jean-Pierre DOOR

Mme Geneviève FIORASO

M. Alain GEST

M. François GOULARD

M. Christian KERT

M. Michel LEJEUNE

M. Claude LETEURTRE

Mme Bérengère POLETTI

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Philippe TOURTELIER

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Gilbert BARBIER

Mme Delphine BATAILLE

M. Michel BERSON

Mme Corinne BOUCHOUX

M. Marcel-Pierre CLEACH

Mme Michelle DEMESSINE

Mme Chantal JOUANNO

Mme Fabienne KELLER

M. Jean-Pierre LELEUX

M. Jean-Claude LENOIR

M. Gérard MIQUEL

M. Christian NAMY

M. Jean-Marc PASTOR

Mme Catherine PROCACCIA

A la mémoire de Richard Descoings, Directeur de l’Institut d’études politiques de Paris, qui nous a fait le grand honneur de venir enrichir les débats de cette audition publique, quelques semaines avant sa brusque disparition, en venant soutenir le projet DIME-SHS, projet de bases de données en sciences humaines, initié par Sciences Po et sélectionné dans le cadre des investissements d’avenir. Lors de cette audition, il avait particulièrement mis l’accent sur l’importance de la continuité d’action au long cours dans les mécanismes de soutien à l’innovation. Sa brillante intelligence reconnue par tous, et son engagement au service de l’enseignement et de la recherche, manqueront à notre pays.

Claude Birraux, 9 mai 2012

SOMMAIRE

Pages

Introduction gÉnÉrale

PAR M. CLAUDE BIRRAUX, DÉPUTÉ, PREMIER VICE-PRÉSIDENT DE L’OPECST 5

La mise en œuvre des investissements d’avenir : les principaux opÉrateurs 9

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Ronan Stephan, directeur général pour la recherche et l’innovation 9

Commissariat général à l’investissement

M. René Ricol, Commissaire général à l’investissement (CGI) 13

Agence nationale de la recherche

Mme Jacqueline Lecourtier, directrice générale de l’Agence nationale de la recherche (ANR) 19

Agence de l’’environnement et de la maîtrise de l’énergie

M. François Moisan, directeur exécutif Stratégie, Recherche, et International (ADEME) 24

France Brevets

M. Philippe Braidy, président de la Caisse des Dépôts et Consignations Entreprises. 29

í

Laboratoires d’excellence (projet LANEF)

M. Farid Ouabdesselam, président de l’Université Joseph Fourier à Grenoble 35

Le projet de Réacteur Jules Horowitz (RJH)

M. Jean-Michel Morey, directeur adjoint de l’innovation et du soutien nucléaire à la Direction de l’énergie nucléaire du CEA 41

Société d’accélération de transfert de technologies (SATT Conectus Alsace)

M. Nicolas Carboni, président de la Société d’accélération de transfert de technologies (SATT) Conectus Alsace. 45

Alliance nationale des sciences humaines et sociales (ATHENA)

M. Patrice Bourdelais, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). 51

Questions-RÉponses 56

M. Denis Randet, délégué général de l’ANRT. 56

M. Jean-François Girard, président du PRES Sorbonne Paris Cité. 57

Centres d’excellence et valorisation de la recherche : les actions financÉes 59

Instituts d’excellence sur les énergies décarbonées (IEED) : Projet INDEED (Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées)

M. Pierre-Henri Bigeard, directeur à l’IFP Lyon-Solaize, président du pôle de compétitivité AXELERA. 59

Opération du plateau de Saclay

M. Pierre Veltz, président-directeur général de l’Etablissement public Paris-Saclay. 63

M. Dominique Vernay, président directeur général de la Fondation de coopération scientifique (FCS) de Saclay. 63

Opération Campus (Université de Lyon)

M. Jean-Michel Jolion, chef de projet Lyon Cité Campus et chargé des grands projets à l’Université de Lyon. 70

Instituts hospitalo-universitaires : (projet IMAGINE)

Professeur Alain Fischer, professeur des universités, praticien hospitalier à l’hôpital Necker- enfants malades, directeur de l’Institut des maladies génétiques IMAGINE. 75

Cohortes (projet RADICO)

Professeur Serge Amselem, professeur des universités, praticien hospitalier à l’hôpital Armand Trousseau, chef du projet RADICO. 81

Initiatives d’excellence (pôle Paris Sciences et Lettres)

M. Laurent Batsch, président de l’université Paris Dauphine. 86

Équipements d’excellence (projet DIME-SHS)

M. Laurent Lesnard, directeur, Centre de données sociopolitiques, Sciences Po (CDSP). 91

Instituts de recherche technologique (projet RAILENIUM)

Mme Lucette Vanlaecke, directrice régionale de Réseau Ferré de France (RFF) 97

Instituts Carnot (Institut Carnot 3BCAR)

M. Paul Colonna, responsable de département au centre INRA de Nantes, directeur de l’Institut Carnot 3BCAR 102

Questions-RÉponses 95

M. Richard Descoings, directeur de l’Institut d’études politiques de Paris 95

Extrait de la rÉunion de l’OPECST du 22 février 2012 : prÉsentation des conclusions de l’audition publique 109

ANNEXES : Supports visuels 113

Annexe 1: Agence nationale de la recherche (ANR) 115

Annexe 2 : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) 125

Annexe 3 : Laboratoires d'excellence (Projet LANEF) 135

Annexe 4 : Projet de réacteur Jules Horowitz (RJH) 147

Annexe 5 : Société d'accélération de transfert de technologies (SATT Conectus Alsace) 155

Annexe 6 : Alliance nationale des sciences humaines et sociales (ATHENA) 161

Annexe 7 : Instituts d'excellence sur les énergies décarbonées (projet INDEED) 169

Annexe 8 : Opération du plateau de Saclay 177

Annexe 9 : Opération Campus (Université de Lyon) 185

Annexe 10 : Cohortes (Projet RADICO) 195

Annexe 11 : Initiatives d'Excellence (pôle Paris sciences et Lettres) 209

Annexe 12 : Équipements d'excellence (Projet DIME-SHS) 217

Annexe 13 : Instituts de recherche technologique (Projet RAILENIUM) 225

Annexe 14 : Instituts Carnot (Institut Carnot 3BCAR) 233

INTRODUCTION GÉNÉRALE
par M. Claude Birraux, député, Premier vice-président de l’OPECST

M. Claude Birraux, député, premier vice-président de l’OPECST. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques est heureux de rassembler, à l’occasion de l’organisation de l’audition publique d’aujourd’hui, tant de personnalités marquantes du monde de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’industrie, ayant participé de manière active et avec conviction à la mise en place des investissements d’avenir, et qui, j’en suis persuadé, mettront en œuvre tout leur talent pour contribuer à la réussite de cette initiative sans précédent en termes de financement de la recherche.

L’OPECST, quant à lui, manifeste un intérêt constant pour les problématiques liées à la recherche et à l’innovation, et a mis l’accent de longue date sur la nécessité d’une coordination et d’une concentration des moyens, afin que la recherche française, dont la qualité s’exprime dans bien des domaines, parvienne à franchir le cap indispensable du passage de la recherche à l’innovation, notamment en resserrant les liens entre enseignement supérieur, recherche et industrie.

En décembre 2008, l’Office avait d’ores et déjà consacré une audition publique à la valorisation de la recherche, identifiant comme verrous majeurs la dispersion des structures et la coupure persistante entre le monde de la recherche et celui des entreprises. En mars 2009, dans son rapport d’évaluation de la stratégie nationale de recherche énergétique, l’Office préconisait la nomination de « coordinateurs » désignés officiellement parmi les partenaires relevant d’une priorité de recherche.

En octobre 2009, dans son avis relatif à la stratégie nationale de recherche et d’innovation, avis sollicité par le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, aux côtés de l’avis de l’Académie des sciences qui avait également été sollicité, l’Office a souligné l’intérêt de cette démarche audacieuse, consistant à proposer une stratégie engagée, opérationnelle et ciblée, mettant l’accent sur la coordination de la recherche et sur l’établissement de partenariats public-privé.

En novembre 2010, l’Office a organisé une audition publique relative aux alliances thématiques de recherche et a salué ce dispositif novateur et ambitieux, regroupant les principaux acteurs de la recherche publique par secteur, dans le but d’élaborer des programmes transversaux et de nouer des partenariats avec les entreprises travaillant dans le même domaine. Parallèlement, l’Office s’est employé à renforcer les liens entre les alliances de recherche et le Commissariat général à l’investissement (CGI), afin que l’expertise des alliances puisse contribuer à éclairer les choix effectués par le CGI. À l’occasion d’une réunion au CGI à laquelle j’ai participé en mai 2011, M. René Ricol, Commissaire général, a d’ailleurs proposé aux alliances de recherche de prendre une part active dans le fonctionnement des SATT, les Sociétés d’accélération de transfert de technologies, qui sont appelées à jouer un rôle majeur dans la valorisation de la recherche.

Le Grand Emprunt et les appels à projets compétitifs ont suscité un espoir et un engouement certain auprès de la communauté scientifique et des équipes de chercheurs. En effet, dans le prolongement des conclusions de la Commission sur les priorités stratégiques d’investissement et l’emprunt national, présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, la loi de finances rectificative pour 2010 a prévu la mise en œuvre d’un programme d’investissements d’avenir pour un montant de 35 Milliards €, au sein desquels 22 Milliards € sont dédiés à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Commissaire général à l’investissement, M. René Ricol, lequel est placé sous l’autorité du Premier ministre, est chargé de la mise en œuvre du programme, de sa coordination interministérielle ainsi que de son évaluation.

Les investissements d’avenir constituent un programme de grande envergure venant compléter la stratégie nationale de recherche et d’innovation et le dispositif des alliances de recherche, en apportant à la recherche française le financement supplémentaire qui lui est nécessaire pour dynamiser celle-ci de manière significative dans les prochaines années. En effet, les investissements d’avenir ont pour objet de financer des infrastructures de recherche et d’innovation pour le développement économique de notre pays.

Les deux vagues d’appels à projets, sélectionnés par des jurys internationaux, ont mobilisé les équipes scientifiques pendant plusieurs mois et vont permettre de financer un nombre important de projets, même si la compétition entre les différents projets a été intense et qu’il n’a pas été possible de les retenir tous, malgré l’intérêt indéniable de certains, tant il est nécessaire de concentrer les moyens sur les opérations les plus prometteuses en termes de qualité scientifique et de caractère innovant.

Il n’est naturellement pas envisageable de présenter en une seule journée l’ensemble des lauréats sélectionnés à la suite des deux vagues d’appels à projets. C’est pourquoi l’audition d’aujourd’hui, dans le but d’apporter une meilleure lisibilité dans ce foisonnement de projets et d’évaluer leur impact pour le développement de la recherche et de l’innovation, a choisi de se concentrer sur les différents types d’actions financées par les investissements d’avenir, en présentant chacune d’entre elles au travers d’un exemple particulièrement représentatif, afin de pouvoir appréhender de manière très concrète en quoi elles consistent et quelle dynamique elles vont représenter dans leur domaine.

C’est ainsi que parmi les nombreux porteurs de ces projets ont été notamment retenus, au titre des centres d’excellence, un laboratoire d’excellence, un équipement d’excellence, un institut hospitalo-universitaire, une cohorte, un institut de recherche technologique, un institut d’excellence en énergies décarbonées, une initiative d’excellence, un représentant de l’opération Campus, sans oublier l’opération du plateau de Saclay et le réacteur Jules Horowitz, ainsi que le volet valorisation dans une SATT et un institut Carnot.

Mais avant d’aborder chaque type d’action, il convient de présenter les grands opérateurs du programme Investissements d’avenir, au premier rang desquels le Commissariat général à l’investissement, maître d’œuvre du programme, ainsi que l’ANR et l’ADEME qui vont assurer le suivi financier des différents projets. Au préalable, M. Ronan Stephan, directeur général pour la recherche et l’innovation auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, va nous éclairer sur la manière dont les investissements d’avenir s’inscrivent dans le cadre de la stratégie nationale de recherche et d’innovation et viennent la renforcer.

Cette audition, qui arrive en fin de législature, est un peu particulière pour moi qui ai présidé tant de ces auditions à l’Office parlementaire, puisque c’est vraisemblablement la dernière que je préside. La presse locale a annoncé ce matin par le communiqué que j’ai rédigé que je ne sollicitais pas le renouvellement de mon mandat aux élections de 2012. (Applaudissements.)

LA MISE EN OEUVRE DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR :
LES PRINCIPAUX OPÉRATEURS

MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

M. Ronan Stephan, directeur général pour la recherche et l’innovation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (DGRI). Nous avons collectivement conscience que les crises auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques années ne sont pas que des crises financières. Cette conscience est largement diffusée à l’ensemble des sphères de nos sociétés, de notre société. Pour répondre à ces situations, les évolutions incrémentales de nos dispositifs, de nos mesures, n’apportaient pas de solutions adaptées à l’acuité des problèmes traversés. Il a été décidé, sous l’égide de la commission à laquelle M. le Président a fait référence, d’apporter des solutions à la fois fortes, ambitieuses, mais aussi garantes de beaucoup plus de transversalité.

En 2009 et 2010, le choix de la France s’est donc porté sur un soutien sans précédent à la formation, à la recherche, à l’innovation, avec une conviction forte : investir dans ces différents domaines, créer un système entre ces différentes composantes de la croissance, du dynamisme de nos sociétés, c’est préparer dans les meilleures conditions, les meilleurs atouts et construire les meilleurs leviers pour stimuler le retour à la croissance bien sûr, et préparer aussi les emplois de demain.

Dans un souci d’efficacité, ce triptyque entre la formation, la recherche et l’innovation n’a pas du tout été envisagé de façon morcelée, mais bien au contraire, en veillant à constituer un véritable continuum. Le temps où l’on opposait la recherche exploratoire ou fondamentale d’un côté, la recherche dite appliquée de l’autre, est aujourd’hui parfaitement révolu. Le temps où les formations universitaires étaient élaborées, construites, en l’absence d’interactions avec la sphère économique, et sans lien étroit avec les besoins ou les attentes de nos sociétés, est également révolu. Les trois dimensions auxquelles je faisais allusion sont véritablement complémentaires.

Les auditions cet après-midi des porteurs de projets du plateau de Saclay ou de l’opération Campus vous montreront les liens entre ces différentes composantes, ces différents volets des projets qu’ils portent.

Pour autant, il n’a jamais été question de procéder à un amalgame entre ces différentes composantes, ces différentes cases. Concernant la recherche fondamentale et la recherche orientée vers les applications, vers l’innovation, elles gardent leurs ADN propres. Dans bien des cas, nous ne sommes pas du tout en train de parler de fusion, mais beaucoup plus de multiplication des passerelles et des espaces d’interaction, convaincus du fait que l’indépendance n’est pas du tout un obstacle aux synergies, aux partenaires, et in fine, à la performance, aux performances dont nous avons crucialement besoin.

Pour alimenter cette dynamique, nous avons veillé en amont à renouveler les formations, de façon à les rendre à la fois plus attractives et plus en adéquation avec les besoins exprimés par la société, et aussi avec les besoins réels identifiés sur le marché.

Dans le cadre de toutes les réformes qui ont été engagées depuis quelques années, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a vu son rôle d’éclairage stratégique se renforcer. Cela s’est traduit en particulier par l’élaboration entre 2008 et 2009 d’une stratégie nationale pour la recherche et l’innovation, qui a été actée par le Conseil des ministres en décembre 2009. Ce document, ces travaux, ces lignes directrices, ont été le fruit d’une concertation extrêmement large. L’OPECST, naturellement, y a été largement associé. Dans ces travaux, dans ces conclusions, il y a une grande ambition qui est de remettre la recherche, l’innovation, au cœur de notre société et des moteurs de notre économie.

Cette stratégie nationale a permis de décliner un certain nombre de principes. Parmi eux, je citerais le rôle essentiel de la recherche fondamentale, et en corollaire, l’exigence de soutien à une recherche fondamentale d’excellence, la nécessité d’avoir une recherche ouverte sur la société, et sur l’économie en particulier, l’importance tout à fait cruciale des sciences humaines et sociales, ou encore le rôle de la pluridisciplinarité, des transversalités, afin de permettre des approches plus innovantes, de croiser les regards issus des différentes communautés disciplinaires, issues aussi de la société au sens large, qui répondent à ces différents enjeux de manière beaucoup plus adaptée.

En complément de ces différents principes directeurs qui ont été retenus pour la stratégie nationale de recherche et d’innovation, ce qui est véritablement un exercice là aussi sans précédent, trois axes prioritaires de recherche et d’innovation ont été retenus. Ces axes ne sont pas exclusifs, mais représentent de grandes lignes directrices : un premier axe autour de la santé, du bien-être, de l’alimentation et des biotechnologies ; un deuxième axe autour de l’urgence environnementale et du développement des écotechnologies — les technologies propres — ; un troisième axe autour de l’information, de la communication et des nanotechnologies.

Tous ces axes répondent à des enjeux qui ont été bien identifiés aujourd’hui. D’autres enjeux fleuriront et pourront être abordés. Ils correspondent à des domaines d’innovation forte, parfois à des domaines économiques parfaitement émergents, je pense en particulier aux écotechnologies, et ils vont nécessiter des recherches véritablement pluridisciplinaires, pour lesquelles la France est en situation de pouvoir mobiliser des communautés de chercheurs de premier plan.

Cette stratégie nationale a constitué une étape tout à fait importante dans les réformes structurelles qui ont été engagées, dans leur mise en œuvre. Elle a notamment guidé, et vous y avez fait allusion M. le député, la création des alliances. Désormais, ces alliances, au nombre de cinq, ont vocation à améliorer la coordination, les synergies, l’efficacité, entre les acteurs des mêmes communautés de recherche, en tendant leurs partenariats vers la réponse aux enjeux qui ont été identifiés.

Ces alliances ont aussi pour objectif de bâtir, d’alimenter des réflexions stratégiques sectorielles. Elles sont là pour accroître notre performance globale, notre visibilité, le rayonnement international de notre recherche, et la valorisation de l’ouverture de notre recherche.

Les missions de ces alliances consistent ainsi à favoriser les partenariats de recherche et les synergies entre les acteurs publics et privés des secteurs concernés en France, mais aussi en Europe, l’espace naturel et l’espace européen. Elles ont également pour mission de concevoir des programmes thématiques de recherche et de développement qui sont cohérents avec la stratégie nationale que j’ai brièvement décrite un peu plus tôt. Elles doivent participer à l’élaboration de la programmation de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Jacqueline Lecourtier vous en dira certainement plus. Enfin, elles doivent participer à la construction de l’espace européen de la recherche et à la coordination de nos efforts de recherche publique à l’international.

Ces alliances sont : l’alliance AVIESAN (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé) ; l’alliance ANCRE (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie) ; l’alliance ALLISTENE (Alliance des sciences et technologies du numérique) ; l’alliance AllEnvi (Alliance nationale de recherche pour l’environnement) ; l’alliance ATHENA (Alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales).

L’ANR est le bras armé de notre ministère dans la mise en France des orientations de l’Etat, à la fois en matière de recherche amont, plus fondamentale — je pense en particulier au programme Blanc —, et aussi en matière d’innovation, de stimulation de l’innovation, que l’on va retrouver essentiellement dans les programmes thématiques, voire dans un certain nombre de dispositifs, comme le dispositif Carnot.

Cette volonté d’investir résolument dans la formation, dans la recherche, et dans la stimulation de l’innovation, s’incarne de manière privilégiée dans le programme des investissements d’avenir. Ce programme, financé par le Grand Emprunt, prévoit 22 Milliards € pour soutenir la recherche et les technologies d’avenir, sur les 35 Milliards € du programme. Cela fait une quotité tout à fait significative. L’architecture de ce programme a été largement guidée ou orientée pour la mise en œuvre des principes directeurs des orientations de l’Etat et des grandes priorités nationales que j’ai citées.

Avant que M. René Ricol ne rentre davantage dans le détail, je citerais, par exemple, l’initiative d’excellence qui est destinée à mettre sur pied de véritables campus d’excellence à l’échelle internationale, qui vont rivaliser avec les meilleurs mondiaux. C’est l’instrument clé d’accompagnement de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU). Les programmes EquipEx (équipements d’excellence) et LabEx (laboratoires d’excellence) sont orientés vers la levée de verrous scientifiques majeurs en lien avec l’innovation et avec la formation. Les instituts de recherche technologique (IRT), les instituts d’excellence sur les énergies décarbonées (IEED), les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), les consortia de valorisation thématique (CVT), constituent autant de dispositifs destinés à doper l’innovation et le transfert de technologie, à rénover, à réinventer le partenariat public-privé, et à stimuler l’entreprenariat. Les programmes santé-biotechnologies mettent en France les priorités de l’Etat concernant la biologie, la santé et les biotechnologies. Les différents programmes, en particulier celui de l’ADEME, sur lequel M. François Moisan reviendra, sont aussi très liés, très intriqués, avec les programmes des instituts d’excellence sur les énergies décarbonées. Enfin, il y a le soutien à l’économie numérique.

D’ores et déjà, 800 projets ont été déposés. Plus de 200 ont été sélectionnés par des jurys internationaux. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui faisait partie du comité de pilotage, a veillé en amont à ce que ces grands principes et ces axes prioritaires que j’évoquais, soient pris en compte dans les différents appels à projets.

Après la première vague de projets, il ressort que 35% des projets retenus ont trait aux sciences de la vie, plus de 20% aux sciences et technologies de l’information et du numérique, 20% aux sciences humaines et sociales, 15% à l’environnement, 10% autour de l’énergie. Ce n’est pas terminé, la vague 2 est en cours.

Certains domaines, tels l’écologie, les sciences humaines et sociales, l’informatique, n’ont peut-être pas connu le succès que l’on pouvait attendre, en lien avec les enjeux qu’ils représentent. Tout cela est en train d’être pris en compte. Dans bien des cas, les dossiers ont été modifiés pour répondre aux futures vagues des appels à projets des investissements d’avenir.

J’arrêterais là cette rapide présentation du rôle de notre ministère et des attentes qu’il porte dans les investissements d’avenir. Je crois que ces quelques exemples apportent des signes clairs de l’émulation qui a été créée, et de la confiance nouvelle qui est accordée à la formation, à la recherche et à l’innovation en France.

COMMISSARIAT GÉNÉRAL À L’INVESTISSEMENT

M. René Ricol, Commissaire général à l’investissement (CGI). Je vais essayer d’être rapide, d’autant que j’ai dû renouer, malheureusement, avec une mission précédente que j’avais sur les entreprises connaissant quelques difficultés, et donc je ne pourrai pas rester très longtemps avec vous ce matin.

Je vais commencer par deux observations. La première vous concerne, M. le Président. Je voudrais dire à quel point, à travers les différentes missions au service de la société civile que j’ai eues auprès de ce gouvernement, j’ai eu du plaisir à travailler avec vous. Vous avez été en permanence un interlocuteur disponible, efficace, pour nous aider à avancer, à réfléchir. Rien n’est gravé dans le marbre, et quelle que soit la qualité des rapports qui ont été faits, ou la mise en œuvre, on a toujours besoin de réfléchir. Jacqueline Lecourtier sûrement y reviendra. On a tout le temps des surprises.

Je voudrais dire aussi, moi qui suis un homme de la société civile, toujours resté un peu à l’écart de la politique, et même tout à fait, combien j’ai de l’admiration pour les parlementaires. Je les vois à la fois mener des réflexions globales, comme le fait le président Birraux ici, qui a de vraies réflexions, et en même temps être extrêmement disponibles sur le terrain, pour aider des entreprises en difficulté. Je les vois sous leurs deux aspects. C’est un métier difficile, qui entraîne de ma part beaucoup de considération et d’admiration. C’est un vrai dévouement, une forme de sacerdoce. C’est très impressionnant. Vous allez quitter vos fonctions, M. le président. En juin 2012, j’aurai quitté les miennes pour retourner dans l’exercice de ma vie professionnelle. Il y a toujours un moment où il faut rentrer.

Ma deuxième observation porte sur qui se passe actuellement à travers les discussions avec Standard & Poor’s. Nous sommes dans un affrontement qui n’est jamais arrivé, entre le monde de l’argent et la vraie vie. Quelles que soient nos opinions politiques et nos engagements les uns et les autres, nous sommes en réalité dans la vraie vie, et nous avons dans le monde, singulièrement en Europe et dans la zone euro, un combat incroyable à mener contre des gens qui considèrent qu’il est normal de gagner de l’argent très vite, beaucoup, quelles qu’en soient les conséquences, de manière spéculative. De l’autre côté, il y a celles et ceux qui essaient de bâtir un avenir plus sûr pour leurs enfants.

Vous allez voir aujourd’hui beaucoup d’exemples de choses absolument magnifiques. Par exemple, le Réacteur de recherche Jules-Horowitz (RJH) qui est à la fois un expérimentateur en matière nucléaire, mais aussi ce qui peut permettre de faire face, en matière de médecine nucléaire, aux besoins dramatiques que nous avons de produire des radionucléides. Le RJH peut être un acteur majeur dans le monde de production de radionucléides, qui est essentiel pour le diagnostic et le traitement de maladies très nombreuses.

Pendant que vous verrez le RJH, à la pointe de la technologie, vous penserez à la même technologie qui est appliquée par des gens ayant souvent eu la même formation, mais qui ont malheureusement un peu manqué de discernement dans leur choix, en mettant en place ce dispositif fou qui s’appelle les transactions à haute fréquence. Aujourd’hui, sur des obligations d’Etat, sur des actions, vous avez 1000 transactions à la seconde. Il suffit juste de penser à cela. Et je voudrais dire à quel point le Commissariat général à l’investissement a été pour moi un bonheur d’être dans la vraie vie.

Plus largement, avant de revenir sur l’Enseignement supérieur et la Recherche, notre objectif en termes d’investissements d’avenir, c’est 35 Milliards €, avec un effet de levier de 70 Milliards €. Ces effets de levier, évidemment, ne seront pas les mêmes partout. Quand on crée un internat d’excellence, on n’en attend pas de retour financier. Mais quand on crée un institut de recherche technologique (IRT), dont vous verrez ici un exemple formidable, l’alliance que nous créons entre la recherche d’un côté, et l’entreprise de l’autre, est producteur de valeur, puisque les entreprises amènent le même montant que nous amenons au titre de la recherche. Par conséquent, nous créons un effet de levier. Et puis, à travers le financement des entreprises, les effets de levier sont encore meilleurs et plus forts.

La deuxième règle, c’est qu’on a essayé autant que possible de supprimer le terme de subvention pour être plutôt dans une position d’investisseur avisé, notamment dans nos discussions avec l’ADEME, qui est un autre acteur important, aux côtés de l’acteur essentiel que constitue l’ANR. Pourquoi cette règle ? Notre pays n’a pas énormément d’argent et nous allons être contraints à des restrictions budgétaires, qu’on le veuille ou non. Par conséquent, il faut rompre avec cette habitude de la subvention, et à chaque fois se poser la question, quand on finance des démonstrateurs : y a-t-il une chance pour qu’on ait un retour ? Rien que le fait de se poser cette question aide déjà à sélectionner des projets.

Il y a un nombre exceptionnel de projets que nous aurions soutenus sans hésitation si nous ne nous étions pas posé cette question : y a-t-il une chance que demain il y ait une industrialisation dans ce pays ? Le fait de se poser la question constitue déjà une bonne approche.

La deuxième chose, c’est qu’il est normal de tenter des expériences sur des projets essentiels d’avenir, que ce soit dans le domaine du numérique, du véhicule du futur, de l’avion, de la fusée du futur. Il est assez normal que l’Etat finance des projets que personne ne pourrait financer autrement, et qu’il dise : « si ça ne marche pas, je ne réclamerai rien à personne. » Mais il est essentiel, pour continuer à pouvoir financer de la recherche, que dans tous les domaines on se dise : « quand ça marche, il faut que l’Etat, c’est-à-dire les laboratoires et les instituts, aient un retour. »

Vous entendrez peut-être certains porteurs de projets, notamment du côté industriel, dire que le Commissariat général à l’investissement a été anormalement exigeant et brutal sur la propriété intellectuelle. C’est vrai que sur les IRT, nous avons été intransigeants, en disant que la propriété intellectuelle devait appartenir à l’IRT. Cela n’empêche pas évidemment l’entreprise qui va l’utiliser d’avoir une licence exclusive. Mais il faut que de l’argent revienne sur l’IRT, sinon, quand le programme sera terminé, on fermera la porte et ce sera terminé. Or si nous voulons nous installer durablement, il faut qu’on sache organiser ces retours.

L’endroit le plus spectaculaire où nous avons réussi à mettre cette règle en place, c’est dans le domaine de la culture. De façon extraordinaire, avec Frédéric Mitterrand, nous avons réussi à entrer dans des process, y compris avec la Bibliothèque nationale de France, dans lesquels on a mis des projets qui sont des écosystèmes. Équilibrés sur dix, quinze, vingt ans, ils permettront de continuer à numériser notre patrimoine. Sinon on aurait mis une enveloppe et puis on se serait arrêté au milieu du chemin. Et ce serait fini.

Je dis toujours que les membres du Commissariat général sont pour moi, non pas des collaborateurs, mais des collègues formidablement dévoués, compétents, efficaces. C’est toujours très agréable de travailler avec des gens qui sont plus intelligents que vous. Thierry Coulhon, directeur de programme Centres d’excellence, a fait un travail inouï, peu de gens me contrediront. S’il n’avait pas été là, la tâche aurait été plus compliquée, notamment dans le domaine de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Pour vous donner une idée du travail du Commissariat général, on a reçu 2700 dossiers au titre des différents appels à projets, 573 ont été sélectionnés à ce jour, et nous avons en même temps soutenu plus de 1900 entreprises innovantes. À mi-janvier 2012, 17 Milliards € ont été engagés. Nous avons effectivement dépensé de l’ordre de 1,7 Milliards € au 31 décembre 2011, puisque, dans bien des cas, l’attribution d’un montant important donne droit au versement des intérêts, ou se fait par des versements progressifs, car nous nous assurons à chaque fois que les projets sont bien sur leurs trajectoires, en tout cas c’est ce qui se passera dans l’avenir.

J’ai été frappé par le côté extraordinairement fair-play des chercheurs et des enseignants. Ils acceptent la règle des jurys internationaux. Quand ils sont sélectionnés, ils sont contents, quand ils ne le sont pas, ils re-préparent un projet pour mieux se présenter, comme l’a dit Ronan Stephan.

Est-ce qu’il y a un équilibre entre tous les projets dans les grands domaines scientifiques ? Nous ne pourrons en juger qu’après les résultats de la deuxième vague des LabEx, dans quelques jours. J’entends dire que le jury a sélectionné des choses formidables. Et puis nous aurons la deuxième vague des initiatives d’excellence, les grands prix dont a déjà parlé Ronan Stephan.

D’ores et déjà, 20% sur les sciences humaines et sociales, au regard de ce qui se passe dans d’autres pays, ce n’est pas ridicule. Ce pourcentage nous paraissait faible, mais en réalité il ne l’est pas. Ce qui est essentiel dans ce qu’a dit Ronan Stephan, c’est que nous soyons bien dans un écosystème, que les sciences humaines et sociales ne soient pas à côté des sciences dures, mais que tout cela travaille et fonctionne ensemble. Pour ma part, je ne sais pas bien comment faire fonctionner un projet humain s’il n’intègre pas des sciences dures et des sciences humaines et sociales. On a besoin de tout en réalité.

À présent, je vais faire trois observations. Premièrement, je crois que nous sommes entrés dans un process intelligent et moderne de gestion de l’argent rare dont l’Etat disposera. L’investissement d’avenir, quelle que soit la manière dont on l’appelle, en tout cas cette idée d’investir lourdement des sommes importantes sur des projets qui en valent la peine, je crois que c’est quelque chose qui doit perdurer. Je serais extrêmement déçu qu’il n’y ait dans ce pays qu’une seule vague d’investissements d’avenir. Cela voudrait dire que quand on aura fini les attributions à la fin 2012, alors ce sera terminé pour ceux qui n’auront pas été lauréats. Cela doit donc être un continuum, et je formule le vœu que nous rentrions dans ce process moderne. En réalité, il permet aux gens d’avancer en permanence, et à celui qui n’a pas été retenu de savoir qu’il peut revenir une nouvelle fois. Il n’y a pas de raison que dans toutes les régions de France, on n’ait pas des pépites qui se développent dans tous les domaines.

Deuxième observation, il ne faut surtout pas, dans ces investissements d’avenir, vouloir faire de l’aménagement du territoire ou de la politique industrielle. Cependant, tout en vous le disant, je regarde tous les jours deux tableaux : celui de l’aménagement du territoire et celui du secteur industriel dans lequel nous sommes ou nous ne sommes pas. Mais si nous partions de l’idée que notre rôle est d’abord de faire de l’aménagement du territoire ou de la politique industrielle, évidemment, nous n’aurions pas su qu’il y avait à Montpellier 6 LabEx, à Clermont-Ferrand 3 LabEx, et vous allez voir que dans la nouvelle vague des choses merveilleuses se font dans des endroits absolument improbables en France. À chaque fois, il faut essentiellement repartir du terrain et dire aux gens : « venez avec vos projets, où que vous soyez ! » Et c’est vrai que nous avons des surprises. Des jurys internationaux, on attend une sortie sur une école d’économie, dans un endroit de la France, et au final on l’a ailleurs. C’est comme ça. Et ce sont des jurys internationaux de première qualité. Tout le monde l’accepte, et c’est formidable. Cela ne veut pas dire que Toulouse ne va pas revenir en deuxième vague, mais tout simplement que des jeunes ont réussi à faire des choses à Paris, là où personne ne les attendait. C’est tout à fait spectaculaire. Personne n’attendait non plus Clermont-Ferrand. C’est pourquoi je crois que cette idée de laisser monter les projets est essentielle. Bien sûr, il faut en permanence être attentif aux territoires où rien ne se passe, pour les réveiller. Dans le même temps, il faut aussi être attentif aux secteurs industriels clés. Mais c’est une résultante.

Troisième observation, les investissements d’avenir sont un travail d’équipe que nous menons avec tous les opérateurs, avec tous les acteurs. On a fait des choses avec Ronan Stephan pour favoriser l’entente avec des porteurs de projet. Avec Jacqueline Lecourtier, nous avons travaillé sur tous les problèmes de contractualisation, qui sont épouvantables, mais on est en train de s’en sortir. Cet état d’esprit de coopération nous permet de surmonter l’incroyable complexité de ce pays. Je voudrais terminer là-dessus. Ronan Stephan parlait des alliances. En termes de recherche, on a le CEA, le CNRS, l’INSERM, l’INSERM Transfert, l’INRA, l’INRIA, j’en oublie un ou deux, cinq Alliances, plus une sixième en voie. Et puis on va créer des Sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) qui vont permettre aux chercheurs de reprendre aux universités le leadership sur la valorisation de la recherche, et éviter de se faire « squeezer » par des fonds prédateurs qui nous prendraient la recherche pour la revendre à l’étranger. Tout cela est très complexe.

Alors on pourrait essayer de fusionner. D’après mon expérience, je crains qu’ on ne passe dix ans à essayer de faire fusionner des structures, n’est-ce pas M. le Président. Voyez le temps que cela nous a pris. Un an pour se mettre d’accord ensemble, Oséo et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), et au sein de la CDC, la partie FSI (Fond stratégique d’investissement) et la partie caisse classique. M. Philippe Braidy pourrait nous raconter cette histoire. Elle nous a occupé un an.

Il y a un autre système, que nous appliquons tous ensemble, c’est de mettre les gens en réseau. Au niveau de la recherche et de la valorisation de la recherche, nous avons décidé de réunir périodiquement au Commissariat général, tous les gens qui sont impliqués, pour qu’on s’assure qu’ils travaillent bien tous ensemble sur le terrain. Et si quelqu’un se trompe de porte, on lui montre la bonne porte. Ce modèle-là, au cas particulier de la France, est le seul qui tourne et qui permet d’avancer rapidement. Je pense que naturellement, au bout de quelque temps, les gens trouveront absurde qu’en travaillant si bien en réseau, on ne décide pas de se rapprocher. C’est cela le bon process.

Mon intervention est terminée. Pour ceux qui s’inquiéteraient des délais, Jacqueline Lecourtier sera là pour donner des détails sur la contractualisation, sur la façon dont on avance, parce que c’est un travail très lourd. De temps en temps, on doit traiter avec Bruxelles, avec qui on doit passer un peu de temps.

Aujourd’hui, vous allez voir des choses magnifiques. Parmi les quelques exemples que vous avez sélectionnés, il y a des choses incroyables. Ce qui s’est passé là, à mes yeux, c’est inouï. Je vis quelque chose de schizophrénique en ce moment, c’est-à-dire que j’ai à la fois le bonheur des investissements d’avenir, des gens qui, sur des projets, sont en position de leaders mondiaux ou de capacité à l’être, et puis je vis malheureusement à nouveau, depuis quelques semaines, des cas d’entreprises en difficulté.

Je voudrais terminer par cela. L’outil qui nous manquait, pour remettre les entreprises sur les rails, nous l’avons avec les investissements d’avenir. On a beaucoup de systèmes d’aide, comme jamais ce pays n’en a eu, mais nous savons en plus qu’il existe dans plein d’endroits des LabEx, des IRT, des IHU, des IEED… Dieu sait qu’on a trouvé un nombre de sigles ! Cela crée une famille, une nouvelle langue en quelque sorte. Mais nous savons où brancher les gens et les rapprocher. Cela me rend un peu plus espérant sur l’avenir. Je vois beaucoup d’entreprises, et au-delà de la question de savoir si on va pouvoir trouver des capitaux, je me dis qu’au moins, ce que je ne savais pas faire il y a trois ans, on sait les brancher sur des lieux formidables où ils pourront avoir la technologie.

Merci M. le Président de m’avoir donné la parole.

M. Claude Birraux. Je vous remercie M. le Commissaire général, cher M. Ricol. Je ferais deux remarques. L’une est à propos de la mise en réseau. Demain, devant l’Office parlementaire, et jeudi devant la presse, Jean-Yves Le Déaut et moi-même allons rendre notre étude sur l’innovation à l’épreuve des peurs et des risques. En échangeant nos recommandations et conclusions, j’ai lu ce mot « fusionner ». Il était suivi de deux ou trois organismes. Je l’ai rayé, et à la place j’ai écrit « mettre en réseau ». Cela me paraît en effet très important.

Un autre élément très important, c’est peut-être de définir un programme pour la prochaine législature de l’Office parlementaire. Faire un bilan, une évaluation globale, pour savoir où l’on en est. Les nouvelles structures mises en place ont-elles vraiment trouvé leur place ? Faut-il rapprocher certaines, ou en supprimer d’autres ? Depuis six ans, il y a eu une inflation de sigles assez exponentielle. Pour s’y retrouver, il est nécessaire de savoir si chacun répond bien à ce qu’il attend, à ce qu’on attend de lui. À un moment donné, il faudra faire ce comparatif. Il nous permettra de savoir si tout le monde a le bon braquet et peut avancer dans le même sens.

M. René Ricol. Vous avez raison. Jacqueline Lecourtier le dira : dans chaque programme est intégrée une procédure d’évaluation. Plus globalement, au Commissariat général nous faisons travailler une équipe d’économistes, d’évaluateurs, autour de Jean-Louis Levet, conseiller auprès du commissaire général, pour essayer d’avoir une approche globale. Il est sûr qu’à force de vouloir caractériser, on multiplie les sigles et donc la visibilité. Parfois, je me demande si c’était vraiment indispensable. Maintenant, c’est dans la loi, on ne va pas y revenir. Pour nous, c’est très clair. Peut-être qu’un jour on pourra simplifier tous ces sigles. On avance comme ça.

AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

Mme Jacqueline Lecourtier, directrice générale de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Je remercie l’Office pour le soutien et l’aide que ses membres ont apportés à l’ANR durant toute sa phase de mise en place, puisque cette agence n’a que six ans. On a beaucoup apprécié les débats et les conseils que nous avons eus. Ils nous ont permis d’avancer plus vite et mieux.

Messieurs Ronan Stephan et René Ricol ont bien planté le décor des investissements d’avenir, en reprécisant les objectifs et en expliquant déjà les premiers impacts que nous voyons. En tant qu’opérateur du volet Recherche des investissements d’avenir, je vais vous présenter quelques données plus techniques.

Je vais revenir sur la façon dont on a travaillé pour conduire notamment la sélection des projets dans un temps relativement réduit. Les premiers appels à projets Investissements d’avenir ont été lancés en juillet 2010. Les derniers ont été lancés fin 2011. Normalement, 95% des projets seront sélectionnés en février 2012.

Pour mettre en œuvre ces investissements d’avenir, L’ANR est intervenue à deux niveaux dans le processus de sélection des projets, en coordination étroite avec le Commissariat général à l’investissement (CGI) et avec le ministère de la Recherche, dans le cadre de ce que nous appelons un comité de pilotage qui prenait toutes les décisions relatives à la mise en France des différents appels à projets.

Pour chaque appel à projets, l’ANR a eu la responsabilité d’organiser le travail d’un jury international. Ensuite, sur la base du travail du jury, lorsque le comité de pilotage a fait ses recommandations au CGI, puis au Premier ministre, et que donc les décisions de financement étaient prises, l’ANR a repris la main.

D’une part, elle a travaillé sur les rapports qui étaient envoyés aux candidats malheureux. Comme l’a rappelé M. René Ricol, l’important, c’est que les équipes soient capables de soumettre à nouveau des projets et de préparer la suite. Ceux qui ne sont pas retenus dans le cadre d’un premier appel à projets ne font pas l’objet d’une condamnation. Des éléments sont à améliorer. Ces rapports étaient très importants, et l’ANR y a passé beaucoup de temps.

D’autre part, il y a le mécanisme de conventionnement sur lequel je reviendrai. Celui-ci s’est révélé très complexe. Je crois qu’il nous a fallu quelques mois pour parvenir à établir un dialogue constructif avec les lauréats, lesquels n’étaient pas forcément tous prêts à entrer dans ce processus. Notre système est très complexe au plan de l’organisation thématique et scientifique de la recherche, mais il l’est également aux plans administratif et financier. Ce dialogue, il fallait l’établir avec les bénéficiaires, mais aussi avec le CGI, pour arriver à un schéma qui soit satisfaisant pour tout le monde.

Un mot sur le mécanisme de sélection. Nous avons constitué des jurys largement internationaux, constitués à 90% de chercheurs de haut niveau travaillant hors de nos frontières. Ce sont beaucoup d’Européens, mais également quelques Canadiens, quelques Américains. Chaque projet a été revu par deux experts externes au jury, choisis par le jury, de façon à ce que le jugement et la discussion menés par ce jury soient éclairés par des expertises externes. Sur la base de ces expertises et de leurs propres évaluations, les jurys ont établi des classements qui ont été transmis au comité de pilotage. C’est sur cette base et aussi sur celle des commentaires du président du jury, toujours invité au comité de pilotage décisionnel, en vue des propositions pour le CGI et le Premier ministre, que le comité de pilotage faisait une proposition des projets qui pouvaient être sélectionnés et financés. Outre la qualité scientifique, il y a toujours un paramètre important qui est le budget dont on dispose. À partir de cette liste, les décisions étaient finalement prises.

Le programme EquipEx de la vague 2 est un exemple qui montre que ce travail était extrêmement lourd. Nous avons reçu 272 projets. Le jury était composé de 82 membres. Tous étaient indispensables, puisqu’il fallait le diviser en sous-jurys thématiques, correspondant aux différents sujets traités dans les projets. On nous a souvent demandé : comment faites-vous pour traiter ces appel à projets très pluridisciplinaires ? Nous avons un jury en sciences humaines et sociales, en sciences dures, en sciences de l’environnement, en sciences de la vie. Ces sous-jurys ont travaillé en parallèle, et à la fin de la séance, le président et les vice-présidents des sous-jurys se réunissent pour établir une liste consolidée, qui est soumise au comité de pilotage.

J’ajoute que pour trouver des experts à l’international, c’est lourd. Il faut tirer notre chapeau à Jean-François Baumard, responsable du département « Investissements d’avenir » à l’ANR. Rien que pour le jury EquipEx, ils ont envoyé plus de 12 000 mails. L’ANR a été vraiment sous tension durant toute cette période des appels à projets.

On avait trois types d’appels à projets. Premièrement, des appels à projets ciblés sur l’objectif de créer des centres d’excellence, avec des centres équipés d’équipements de haut niveau (EquipEx) permettant de bien se positionner dans la compétition internationale, les laboratoires d’excellence (LabEx), les grands campus d’excellence (IDEX), et puis, dernier appel à projets, le jury est en train de travailler sur les formations innovantes. Le succès de cet appel à projets est une bonne surprise. Les excellentes propositions sont en cours d’évaluation. Cet appel est un très bon complément aux initiatives d’excellence. Un couplage entre ces campus d’excellence et les formations innovantes devra être opéré.

Deuxièmement, il y a un volet Santé et Biotechnologies, avec notamment la mise en place des Instituts hospitalo-universitaires (IHU) et un certain nombre de projets dans le domaine des biotechnologies qui nous permettent, là encore, d’accélérer les recherches qui étaient menées par les opérateurs, et de bien nous positionner dans la compétition internationale.

Troisièmement, il y a le volet Valorisation, dont le M. René Ricol vous a dit à quel point il était important pour cette opération Investissements d’avenir, avec la création des Sociétés d’accélération de transfert de technologies (SATT), les Instituts de recherche technologique (IRT), les Instituts d’excellence en énergies décarbonées (IEED), les instituts Carnot qui ont eu à cette occasion un incrément important de leurs moyens financiers, notamment pour travailler avec les PME, ce qui avait été identifié comme le talon d’Achille du dispositif Carnot. Les investissements d’avenir vont permettre d’avancer sur ce créneau très important, dans le contexte de crise actuel où l’on a besoin de relancer l’emploi, l’innovation, et également le travail à l’international.

Enfin, suite à la catastrophe de Fukushima, il a été décidé de consacrer 50 Millions € à un programme de recherche dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Ce dernier appel à projets sera lancé dans les jours qui viennent.

Je ne vais pas vous détailler les différents montants attribués à chacun des appels à projets [Slide 7]. L’originalité des investissements d’avenir, c’est qu’une partie de ces dotations sont consomptibles. Elles pourront être utilisées au cours de ces dix années pendant lesquelles vont s’étaler les investissements d’avenir. Une autre partie est non consomptible, qui va rapporter des intérêts tout au long de ces dix années. C’est très important par exemple pour les laboratoires d’excellence, qui auront une dotation initiale, mais qui surtout vont pouvoir tous les ans bénéficier d’une dotation permettant d’assurer la pérennité du dispositif.

Le nombre de projets soumis et le nombre de projets financés figurent sur la Slide 9. À ce jour, pour la vague 1, nous avons reçu 829 projets et nous avons accepté 230 projets. Disons que le gros du bataillon, ce sont les EquipEx et les LabEx. Le processus a été extrêmement sélectif, notamment dans tout ce qui a concerné la santé ou les biotechnologies, où les taux de sélection ont été d’environ 25%. Le projet Initiative d’excellence a été également très sélectif (18%), les EquipEx (16%). Le terme d’excellence s’applique vraiment quand on arrive à de tels taux de sélection.

La cartographie des projets sélectionnés présente une concentration dans un certain nombre de grands centres universitaires bien connus : Rhône-Alpes, Bordeaux, Ile-de-France, Strasbourg. Cela s’est enrichi au cours de la deuxième vague, où dans un certain nombre de régions, l’on n’attendait pas forcément des équipements d’excellence [Slide 10] ou des laboratoires d’excellence [Slide 11]. À l’issue de la vague 2, même si on n’a pas fait d’aménagement du territoire, car ce n’était vraiment pas l’esprit ni l’objectif, on observe une répartition des lauréats qui est très intéressante. Dans le futur, cela donnera un coup d’accélérateur pour un certain nombre de régions dans les domaines où elles ont montré leur excellence.

Le conventionnement des projets a commencé en juillet 2011. Après la période de sélection des projets que j’ai décrite précédemment, en insistant sur la lourdeur des opérations, il a fallu attendre que la première vague des appel à projets ait été lancée, que les projets aient été sélectionnés, avant d’avoir une équipe disponible pour travailler sur le conventionnement (Slide 12). Les budgets ne correspondaient pas à ceux qui étaient demandés. Il fallait donc revoir le contour des projets. Les textes de convention et les conditions dans lesquelles les lauréats allaient travailler ont nécessité aussi un certain nombre d’ajustements avec le ministère, avec le CGI et avec les lauréats.

Aujourd’hui, la situation est la suivante. Nous avons à peu près terminé les EquipEx, la finalisation scientifique et technique du dossier, c’est-à-dire qu’on s’est bien mis d’accord, compte tenu du budget final attribué, sur ce qui serait fait, et dans quelles conditions ce serait fait. Cette planification s’étend sur dix ans. Ce sont des choses qui prennent du temps.

Sur les LabEx, on a fait du pré-conventionnement pour qu’ils puissent démarrer. L’année 2012 va être un vrai challenge sur la préparation des conventions finales LabEx.

Sur les initiatives d’excellence, c’est la même chose : pré-conventionnement pour qu’ils puissent démarrer.

En ce qui concerne la santé et les biotechnologies, on est en train de mettre en place les conventions sur les projets. C’est plus classique, on a l’habitude de faire cela.

Par contre, on a aussi de gros objets, comme les Instituts hospitalo-universitaires. Ils ont bien avancé. Les 6 sont finalisés en termes scientifiques et techniques, déjà 3 ont été signés.

Sur les SATT, c’est la même chose. 9 dossiers sont à peu près finalisés sur le plan technique. Par contre, seulement 3 ont été signés.

On est donc dans ce processus de mise en place qui est assez lourd. Je crois qu’on a passé le plus difficile. La réflexion et l’ajustement des textes, les contraintes de ce qu’il faut faire sur les dix ans, sont bien intégrés par tout le monde. Je pense que nous allons aller beaucoup plus vite pour la suite.

La vague 2 est en train d’être finalisée elle aussi [Slide 13]. EquipEx est terminé. Nous avons mis en place le jury, la sélection est terminée, les résultats ont été donnés. Pour les LabEx, le jury s’est terminé la semaine dernière et les résultats vont être publiés. Le gros morceau de ce mois de janvier et début février, ce sont les initiatives d’excellence, où l’on attend la fin de la sélection des grands campus d’excellence. Je pense que dans les années qui viennent, ils vont jouer un rôle central dans le dispositif universitaire. Là encore, on a mobilisé environ 700 membres de jury pour l’ensemble de cette opération.

En conclusion, le calendrier a été respecté dans son ensemble, malgré des délais très courts. Pour gérer l’ensemble des investissements d’avenir, l’ANR disposait de 30 postes. Pour accélérer le conventionnement, nous avons eu un soutien supplémentaire à la fin 2011. C’était bien nécessaire, car ce travail était extrêmement lourd.

Ce qu’on a vu, et qui est très intéressant, ce sont des effets structurants. Les porteurs et leurs équipes indiquent que le montage de « projets à dix ans » , avec des financements importants, leur ont ouvert des perspectives nouvelles et ont suscité des associations qui n’auraient pas vu le jour sans les investissements d’avenir. Nous l’entendons au quotidien, quand on reçoit les porteurs de projets. Je pense que ce sera dit pendant cette journée.

Très important aussi, les classements émis par les jurys ont été respectés pour les décisions finales. Les jurys internationaux y ont été très sensibles. C’est extrêmement lourd ce qu’on leur demande. À chaque fois qu’on mettait en place un jury, ils nous demandaient : « on va travailler, mais au final, qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce que réellement, nos décisions vont être prises en compte ? » Je crois qu’ils sont tous maintenant complètement rassurés.

Au sujet de la répartition sur le territoire français, M. René Ricol l’a souligné, nous avons vu apparaître des « niches d’excellence » relativement peu attendues. C’est vraiment un effet très positif du mécanisme de sélection compétitif. Il n’est pas là pour reproduire à l’identique un système qui s’auto-entretient, au contraire, il vise à faire émerger de nouveaux talents, des équipes qui ont de l’audace et qui vont vraiment préparer l’avenir.

On constate malheureusement des retards sur la finalisation des conventions, par rapport à ce qu’on aurait voulu. Je crois que je l’ai déjà souligné : les difficultés étaient multiples, et cela nous a demandé un travail d’équipe extrêmement étroit entre le CGI, le ministère et l’ANR.

Je pense que maintenant nous sommes en bonne position pour terminer selon le calendrier prévu. Les sélections des appel à projets seront finies en février 2012.

L’année 2012 sera consacrée à finaliser tout le conventionnement et à mettre en place ce qui va être la phase la plus importante de notre activité, à savoir le suivi des projets. Nous assistons le plus possible aux réunions de lancement de chacun des grands projets LabEx et EquipEx. Ce sont les méthodes de travail habituelles de l’ANR. Mais il est bien évident que sur des objets aussi gros, il va falloir mettre en place des opérations de suivi, un process qui va permettre de suivre ce qui se passe réellement sur le terrain, aider éventuellement s’il y a des difficultés sur tel ou tel projet, de façon à ce que ces investissements d’avenir portent réellement leurs fruits. C’est un travail auquel nous nous attelons avec notre comité de pilotage.

AGENCE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE

M. François Moisan, directeur exécutif Stratégie, Recherche, et International, à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Je vais vous présenter l’implication de l’ADEME en tant qu’opérateur des investissements d’avenir, en précisant quelques spécificités de notre intervention par rapport à celle de l’ANR, puisque les programmes de l’ADEME se situent en aval dans le processus de R&D. Je finirai par quelques éléments factuels sur l’état d’avancement des programmes.

Dans le cadre des investissements d’avenir (loi rectificative de mars 2010), l’ADEME a en charge quatre programmes ou actions. Le programme intitulé « Démonstrateurs dans le domaine des énergies décarbonées et de la chimie verte » (1,6 Milliards €), se décompose en deux actions : une action spécifiquement sur « les énergies renouvelables et la chimie verte » (1,35 Milliards €), une action « économie circulaire » (250 Millions €) qui porte davantage sur les déchets et la pollution des sols. Le programme « Véhicule du futur » (1 Milliard €) a une répartition indicative de 750 Millions € sur les véhicules routiers, 150 Millions € sur les véhicules ferroviaires, 100 Millions € sur les véhicules maritimes. Enfin, l’action sur les « réseaux électriques intelligents » (250 Millions €) constitue une partie d’un programme plus vaste sur « l’économie numérique ».

Ces quatre actions ou programmes ont donné lieu à des conventions qui ont été signées entre l’ADEME, les ministères et le CGI, et une convention-chapeau pour gérer l’ensemble du dispositif.

Pour les re-situer dans l’ensemble des investissements d’avenir, voyons les masses budgétaires qui sont associées aux cinq priorités nationales résultant du Grand Emprunt (Slide 3). Une faible partie de la priorité sur le numérique (4,5 Milliards €) est gérée par l’ADEME (250 Millions €). Sur la priorité au développement durable (5,1 Milliards €), l’ADEME intervient sur une partie relativement importante (1,6 Milliards € sur l’économie circulaire et les énergies décarbonées). Sur la priorité Filières industrielles et PME (6,5 Milliards €), on va retrouver le programme sur les véhicules du futur (1 Milliard €) aux côtés d’autres actions gérées par la Caisse des Dépôts, Oséo ou l’ONERA notamment. Après l’ANR et la Caisse des Dépôts, l’ADEME se situe au niveau des trois premiers opérateurs en termes de volume financier.

Les priorités thématiques des programmes Investissements d’avenir de l’ADEME sont : la promotion du développement des technologies et des organisations innovantes dans le domaine des énergies décarbonées, qui comprend toutes les énergies renouvelables, mais ne comprend pas, bien entendu, l’énergie nucléaire. Ces initiatives présentent des opportunités d’activités économiques durables ; le soutien à la création et au déploiement de nouvelles filières énergétiques porteuses d’avenir ; le développement en France des applications de pointe de l’économie circulaire de demain, qui recouvre le tri et la valorisation des déchets, la dépollution des sols, l’éco-conception des produits industriels portés par les entreprises ; la promotion et le développement des technologies et des organisations innovantes et durables en matière de déplacement terrestre et maritime, y compris les infrastructures de charge des véhicules électriques ; le développement, en France, des recherches expérimentales sur la chimie du végétal, plus particulièrement les biocarburants ; la promotion des technologies et organisations innovantes dans le domaine des réseaux intelligents, avec des enjeux d’intégration des énergies renouvelables, de distribution et de consommation électrique.

En ce qui concerne la typologie des projet ciblés, ils recouvrent trois volets du processus de R&D. Le premier volet se situe au stade de la recherche industrielle et du démonstrateur de recherche. Sans faire référence au Manuel de Frascati, une partie des projets intègrent un volet industriel, qui vise la mise au point de technologies ou de services dédiés à des applications industrielles. Le démonstrateur de recherche vise à expérimenter une option technologique à une échelle représentative de leur fonctionnement, c’est-à-dire à une taille suffisante pour en tirer les enseignements, avant de passer à la phase d’industrialisation.

Le deuxième volet se situe au stade de l’expérimentation pré-industrielle. Là, on est beaucoup plus proche du marché, il s’agit de valider des technologies à l’échelle de pré-séries préalables à l’industrialisation. Il peut s’agir également d’opérations de démonstrations pré-industrielles d’un équipement pour lequel il n’y a plus de verrous technologiques, mais où il faut encore valider la viabilité technico-économique, avant de lancer l’industrialisation.

Enfin, il est prévu le soutien, la mise en place de plateformes technologiques d’essais. Cette action recouvre les équipements nécessaires aux essais, mais ne peuvent pas concerner le soutien pérenne à des équipes de recherche ni à des infrastructures immobilières inhérentes à certains moyens d’essais.

Comment fonctionnons-nous ? Notre processus d’appel et de sélection des projets est un peu différent de celui de l’ANR. Tout d’abord, pour chaque thématique au sein de l’ensemble de ces grands programmes, que ce soit celui des « véhicules » ou des « énergies décarbonées », l’ADEME élabore avec des experts issus du monde des entreprises ou du monde académique une feuille de route stratégique, afin de partager les visions du déploiement potentiel de cette technologie à long terme. L’objectif, à travers ce travail de mise en commun des visions, est de regarder quel pourrait être le déploiement, et surtout, quels sont les verrous, les obstacles au déploiement de cette technologie ou de cette option.

L’identification des barrières et des verrous au déploiement vont nous permettre de rédiger un Appel à Manifestations d’Intérêt (AMI) ciblant les démonstrateurs et les expérimentations attendues. C’est un travail peut-être spécifique à l’ADEME dans le rôle de gestion des programmes d’investissements d’avenir, mais qui nous semble important à partager avec les acteurs de la R&D. Quelles sont les priorités que l’on doit souligner, intégrer dans les AMI ?

Ensuite, nous ouvrons cet AMI pendant environ 4 mois, au terme duquel on reçoit les dossiers. Une première présélection des dossiers reçus est effectuée avec les ministères associés au processus et avec le CGI. En interne, l’ADEME conduit une instruction technique et financière avec ses experts propres, puisque nous disposons d’une capacité d’expertise propre, mais on fait aussi appel à des experts externes sur les différents dossiers.

Au terme de cette expertise, les dossiers sont présentés devant un première commission intitulée « Commission nationale des aides ». Celle-ci comprend, outre les ministères, des experts externes, des personnalités qualifiées, qui donnent un avis consultatif. Puis le comité de pilotage, qui comprend les ministères concernés (ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, ministère de l’Écologie et du Développement durable, ministère chargé de l’Industrie) valide chaque proposition de soutien à projet. Le projet, s’il est validé, est transmis au CGI pour une décision du Premier ministre.

Sans rentrer dans le détail, les 21 feuilles de route réalisées montrent l’ampleur des domaines techniques et organisationnels qui sont couverts par les programmes Investissements d’avenir portés par l’ADEME [Slide 7].

Pour les véhicules du futur, certaines de ces feuilles de route sont à caractère très technologique. Sur les infrastructures de recharge des véhicules électriques par exemple, ou sur les véhicules automobiles à faible émission de gaz à effet de serre, cela consiste à regarder à long terme quelles sont les options porteuses d’activité et d’emplois. Certaines de ces feuilles de route sont à caractère beaucoup plus organisationnel. Par exemple, sur les systèmes de mobilité pour les biens et les personnes, quelles sont les grandes options du futur, notamment en zone urbaine, sur les navires ou sur les systèmes ferroviaires ?

Pour les énergies décarbonées, on retrouve dans ces feuilles de route les principales filières « Énergies renouvelables », que ce soit l’électricité photovoltaïque, le solaire thermique, la biomasse, mais également des systèmes de conversion, le stockage d’énergie, l’hydrogène énergie et les piles à combustible. Font également partie de ce programme les bâtiments et îlots à énergie positive, et aussi le captage, le transport, le stockage géologique et la valorisation du CO2.

Il y a une feuille de route sur les réseaux électriques intelligents.

En matière d’économie circulaire, il y a trois feuilles de route prospectives. L’une concerne tout ce qui touche à la gestion des déchets, une deuxième le traitement des sols pollués (technologies de traitement de ces sols et des sédiments), et enfin, les produits, services et procédés éco-conçus constituent un troisième domaine.

Les critères de sélection des projets sont assez classiques. Le caractère innovant va de soi. J’insisterais sur la qualité économique et financière du projet, sa dimension sociale, sociétale, environnementale, l’impact sur l’écosystème d’innovation, et puis la qualité du consortium. Tous ces projets sont proposés par des consortia portés par des industriels auxquels sont associés le plus souvent des laboratoires publics. Dans chacun des cas, le coordonnateur du projet est une entreprise.

Au sujet des modes d’intervention, je voudrais revenir sur ce qu’a dit René Ricol. Nous avons des avances remboursables et des subventions. Certaines subventions sont nécessaires pour les parties les plus amont des projets. Mais les fonds que nous pouvons utiliser en termes de subvention sont limités par les conventions qui nous lient avec l’Etat à environ un tiers des montants de chacun des programmes.

Le mode principal d’intervention est donc celui des avances remboursables, un co-investissement avec les entreprises. Ce mode est nouveau, bien que l’ADEME l’avait déjà pratiqué, mais pas de façon systématique. L’ADEME accompagne le financement. Un talon minimal de remboursement est prévu. L’idée est de partager le risque avec les entreprises qui portent ces projets, dans le sens où s’il y a un échec technique, l’avance remboursable n’est pas remboursée. En revanche, en cas de succès commercial, l’avance est remboursée, ce remboursement pouvant même dépasser le montant de l’aide apportée. Il s’agit bien d’un co-investissement pour le futur. Ce remboursement est basé sur un nombre d’unités d’œuvre, par exemple le nombre de produits ou de tonnes vendus. Sur la base de cet élément physique, on négocie avec les porteurs de projets un scénario nominal qui va constituer la base contractuelle des remboursements. À présent, nous mettons en œuvre systématiquement ce mode d’intervention.

On a également un cas minoritaire d’intervention. Il est prévu dans le programme que nous puissions intervenir en fonds propres ou quasi-fonds propres auprès d’entreprises, que ce soit des PME qui ont besoin de capitaux pour se développer, ou des sociétés de projet qui peuvent être des filiales de grands groupes.

Je passe vite sur le cadre juridique dans lequel nous intervenons. Les contrats sont standards, ils prennent en compte le dispositif des avances remboursables que j’ai évoqué. Dans la mesure où l’on soutient des entreprises, on entre dans l’encadrement communautaire des aides d’Etat aux entreprises, avec notamment un seuil important de 7,5 Millions € par entreprise et par projet, c’est-à-dire que pour une entreprise qui reçoit une aide d’Etat supérieure à ce seuil pour un projet, il convient de la notifier à la Commission européenne avant l’octroi de l’aide. Cette notification inclut un délai assez important. C’est déjà le cas pour certains projets et cela va encore être le cas.

Où en est-on actuellement dans la mise en œuvre ? J’ai évoqué les 21 feuilles de routes stratégiques que nous avons développées. Elles sont réalisées en quelques mois avec des experts. L’appel à manifestations d’intérêt (AMI) est ensuite rédigé. En 2010, nous avions publié 1 AMI sur les bâtiments et îlots à énergie positive à la fin 2010. En 2011, on a publié 24 AMI, dont 18 sont clos.

Je souligne l’accélération du processus. Depuis le début 2011, on a reçu 288 projets à ces différents AMI. Ces chiffres évoluent chaque semaine. Chaque mois, une commission nationale des aides et un comité de pilotage décident d’un certain nombre de projets. Actuellement, on est sur un rythme de 7 à 8 projets par comité de pilotage. Ce rythme va s’amplifier.

Sur ces 288 projets, 167 projets ont été sélectionnés pour instruction, c’est-à-dire qu’on a émis un premier avis positif, cette pré-instruction dure environ un mois et le comité de pilotage valide.

Après l’instruction définitive des projets, à ce stade, 33 projets ont été validés par le comité de pilotage. Sont inclus des projets reçus par l’ADEME dans le cadre du fonds démonstrateur de recherche mis en place dans le cadre du Grenelle de l’environnement, un dispositif préalable aux investissements d’avenir.

139,2 Millions € d’aides ont été engagées en subventions et en avances remboursables. Un premier projet en termes d’investissement en capital est en cours, et d’autres sont en instruction pour des décisions à venir dans quelques semaines.

218 Millions € d’aides sont en cours d’engagement pour 18 projets qui sont d’ores et déjà validés par le comité de pilotage, avant décision finale du Premier ministre.

En tout, cela porte à 350 Millions € les décisions qui ont été prises dans les investissements d’avenir, sur une enveloppe globale de 2,85 Milliards € sur l’ensemble des projets, avec une très forte accélération du processus à la mi-2011.

Une centaine de personnes à l’ADEME sont mobilisées sur les investissements d’avenir, dont 80 ingénieurs qui par le passé participaient à l’expertise de la recherche que soutenait l’ADEME, et une vingtaine d’unités supports ou juridiques.

Je précise que dans le cadre d’un appel à propositions de la Commission européenne sur l’utilisation des crédits des nouveaux entrants dans le dispositif de permis négociable, c’est-à-dire les crédits CO2 prévus dans le protocole de Kyoto, une réserve avait été constituée pour de nouvelles entreprises qui entraient dans le dispositif. Ces crédits vont être vendus par l’Europe et servir à financer des projets de démonstrateurs au niveau européen. La France a proposé deux de ses projets. Un co-financement est prévu par l’Etat de façon à accompagner le financement européen.

M. Claude Birraux. La parole est à M. Philippe Braidy, qui va nous dire en une dizaine de minutes l’essentiel de ce que le banquier de l’investissement fait.

FRANCE-BREVETS

M. Philippe Braidy, président de la Caisse des Dépôts et Consignations Entreprises. Je vais faire un petit rappel sur le positionnement de France Brevets. La Caisse des Dépôts s’est vue confier 7,4 Milliards € de crédits du Grand Emprunt, dans lesquels 1,5 Milliards € sont consacrés à la partie innovation et recherche, une partie est faite pour le compte de l’ANR avec les SATT, 400 Millions € pour la mise en place des fonds d’amorçage. Le premier, INSERM Transfert, vient d’être redoté, et les autres sont en cours de discussion, la difficulté étant de trouver les contreparties privées. Nous avons une cible de 40% de fonds privés. Nous travaillons aussi sur les pôles de compétitivité et une initiative, la constitution de France Brevets, qui vise à donner de nouveaux outils pour la valorisation de la recherche, au-delà de la constitution de start-up ou de grands contrats de R&D partenariale.

France Brevets est une société commune dotée d’une enveloppe de 100 Millions €, 50% Etat et 50% CDC, dédiée à cette initiative.

Pourquoi la création de cette société ? Le nombre de brevets croît à une vitesse exponentielle dans le monde, notamment en provenance d’Asie. Pour les brevet PCT déposés au niveau international, aujourd’hui la Corée et la Chine sont passées devant la France et la France. Sur le marché, il y a donc un certain nombre d’innovations disponibles, ce qui change la manière pour les industriels d’appréhender la valorisation de leur recherche.

L’idée initiale était inspirée des France ou de la France, notamment des initiatives privées comme « Intellectual ventures » qui sont des banques qui se sont constituées pour acheter des innovations, des inventions, des brevets, les fédérer, et ensuite les remettre sur le marché. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la valorisation de la recherche ne peut pas se faire autour d’un nombre limité de brevets. Bien sûr, c’est variable selon le secteurs d’activité, mais dans certains domaines, notamment celui des NTIC, il faut parfois des grappes de brevets importantes qui ne sont pas forcément dans une seule main. Un travail d’agrégateur peut donc se faire. C’était un peu la mission qu’on s’était assignée, en disant qu’il fallait que les universités qui travaillent aujourd’hui sur des portefeuilles relativement limités puissent se fédérer. Certains grands organismes, le CNRS ou le CEA, ont déjà des portefeuilles conséquents. Mais ce n’est pas le cas de tout le milieu universitaire. C’était notre première cible.

La première année, puisqu’on est une start-up, a été en quelque sorte « la preuve de concept ». L’argent ne devait être libéré que progressivement. Dans la première année, nous avions 2 Milllions € libérés pour démontrer la faisabilité, le modèle économique et définir les modèles d’intervention de France Brevets. Nous nous y sommes employés. Un rapport d’activité a ensuite été remis au comité de pilotage du Programme d’investissements d’avenir (PIA).

L’année a été consacrée à plusieurs sujets, au travers de discussions avec les trois parties prenantes qui sont les trois interlocuteurs privilégiés de France Brevets. D’abord les universités et tout le monde universitaire, avec lesquels la relation va beaucoup passer par les SATT dès qu’elles seront constituées. Des conventions ont été passées avec les premiers grands organismes, notamment l’INRIA et l’institut Telecom. Un certain nombre de discussions sont en cours mais pas totalement finalisées avec le CNRS, le CEA ou le CNES. Nous essayons de voir avec eux comment travailler sur leurs portefeuilles de brevets, quelle est la part qu’ils souhaitent valoriser en propre et la part sur laquelle nous pourrions avoir une valeur ajoutée. Je reviendrai sur les modes d’intervention de France Brevets, qui travaille en coopération, en transparence, ce qui nous permet d’avoir un regard sur leur portefeuille, et éventuellement de nous porter acquéreur de droits sur ces portefeuilles.

En constituant progressivement l’équipe de France Brevets, nous avons eu une surprise. La demande a été très forte aussi du côté des grands industriels qui n’étaient pas naturellement notre clientèle spontanée. Visiblement, eux aussi, en matière de R&D, sont confrontés à une limitation de leurs coûts de R&D, à un problème de protection qui est peut-être plus difficile dans un monde d’innovation ouverte, et au souhait de mieux valoriser, au-delà de leur cœur de métier, leur propriété intellectuelle. On a été sollicité par des groupes industriels. Ils sont prêts à nous concéder leurs droits de licence pour que nous les valorisions dans un champ qui n’est pas concurrent de leur activité industrielle.

La troisième partie prenante a été les PME. Avec France Brevets, nous avions l’intention de regrouper des brevets provenant essentiellement de la recherche académique, de la recherche universitaire, avec l’intention de les mettre sur le marché et de permettre aux PME d’accéder aux brevets. On constate qu’il y a aussi une demande de la part des PME. Celle-ci est d’une autre nature, qui est souvent de protéger leur propriété intellectuelle, de les aider parfois à se financer. La propriété intellectuelle est un actif immatériel, qui souvent n’est pas valorisé dans leurs bilans. Lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes de développement ou de financement, ils sont intéressés à trouver quelqu’un qui peut porter leurs brevets, financer éventuellement la protection de leurs brevets, et comme pour les grands groupes, les aider à les valoriser au-delà de leur cœur d’activité.

Avec ces trois grandes catégories de clients, nos modes d’interventions se diversifient. Au niveau des moyens financiers qu’on pouvait consacrer, 100 Milllions €, on voyait bien qu’il y avait un sujet d’équation financière à terme. C’est à la fois beaucoup d’argent, mais qu’il faut relativiser par rapport aux initiatives étrangères. « Intellectual ventures », c’est 5 Millliards €. Les fonds japonais ou chinois sont de l’ordre de plusieurs milliards de dollars. On est en train de s’orienter vers des mécanismes peut-être moins gourmands en fonds propres, c’est-à-dire qu’on n’a pas besoin nécessairement d’acquérir la propriété intellectuelle ou les droits et de les financer, mais on peut se positionner comme un prestataire de services qui se rémunérerait, en cas de succès, sur la valorisation qu’on peut apporter. Ce mode devient actuellement le mode privilégié de France Brevets. Les grands groupes, tout comme les universités, ne souhaitent pas nécessairement transférer l’intégralité des droits, mais ils sont prêts à nous concéder la capacité de les valoriser et de nous rémunérer en cas de succès.

À la fin de l’année 2011, on a donc défini un modèle économique sur ces trois grands catégories d’acteurs, qui est passé en conseil d’administration et qui a fait l’objet d’un rapport au PIA. On voit qu’avec 100 Milllions €, on a effectivement la capacité de trouver les champs d’intervention, aussi bien pour les PME, que pour les grands groupes ou les universités, et de dégager une rentabilité tout à fait acceptable pour un investisseur public.

On a bon espoir que l’ensemble des fonds se libère et qu’on puisse maintenant entrer dans la phase active d’acquisition de brevets. On a commencé à le faire sur des petits portefeuilles. On ne pourra couvrir l’ensemble des champs. Il va falloir être sélectif sur les domaines dans lesquels nous voulons aller. Les NTIC sont un domaine privilégié, parce que les grappes de brevets et l’innovation ouverte sont extrêmement importants, et donc, peut-être plus que dans des secteurs comme la santé, la protection rend plus légitime encore la constitution de grappes et donc l’intervention de France Brevets.

On a une petite équipe qui couvre aujourd’hui le champ du biomédical et des NTIC. On va travailler en réseau avec l’ensemble des organismes, FIST SA (France Innovation Scientifique & Transfert SA) avec lequel on a conventionné, Oséo, qui a une expertise dans le domaine de l’innovation. Durant l’année 2012, on va commencer à acquérir des brevets dans des secteurs que nous devrons parfaitement cibler. On a mis en place un comité stratégique qui réunit un certain nombre d’experts, dont des experts de l’Etat. Sont représentés les ministères, Oséo, mais aussi des experts indépendants qui vont nous aider à mieux définir nos stratégies et nos modes d’intervention, et à cibler nos interventions en 2012.

On sort de la démonstration de la phase de concept et on s’attaque maintenant à la phase opérationnelle, avec l’idée qu’on apporte dans le paysage de la valorisation de la recherche un troisième véhicule qui va au-delà de ce que faisaient déjà très bien les laboratoires, à savoir constituer de jeunes pousses, passer des contrats avec les grands industriels, ou essayer de valoriser eux-mêmes à leur niveau, mais peut-être à une échelle hexagonale. On voit bien que sur le marché international il y a un manque dans le domaine de la valorisation. Il y a une forte attente, notamment de la part de la recherche universitaire, d’avoir des gens qui puissent les aider à valoriser dans d’autres zones géographiques que l’hexagone.

M. Claude Birraux. Par rapport à tous les systèmes de valorisation, j’ai un peu de mal à visualiser les SATT. Quelle est l’articulation entre France Brevets et les SATT ? Quel rôle et quelles interactions avez-vous par rapport aux SATT ?

J’ai aussi une deuxième question par rapport au « Small Business Act » ou SBIR (Small Business Innovation Research program), dont un jour quelqu’un m’avait dit : « non, c’est l’exclusivité pour les France dans le cadre de l’OMC ». Et puis la semaine dernière, il y avait une réunion entre le Haut conseil de la science et de la technologie et son homologue britannique le British Council. Le SBIR existe au France. Qu’est-ce qu’on peut faire chez nous ?

M. Philippe Braidy. Je ne suis pas sûr d’être le plus compétent. Sur la première question, on vient plutôt en aval des SATT. Les SATT vont être dotées de 900 Milllions €. Dans notre vision, il s’agit pour elles de faire la maturation de recherches, qui parfois ne sont pas suffisamment abouties pour être directement valorisables, et d’amener jusqu’au brevet et à la capacité de valoriser.

Là où il peut y avoir un sujet de discussion, c’est sur ce que les SATT vont valoriser elles-mêmes et ce qu’elles souhaitent déléguer ou transférer. Y a-t-il une part de transfert ? On n’a pas discuté formellement avec les SATT, puisqu’elles sont en train de se constituer, mais plutôt avec les universités et les organismes de recherche, et je pense que les discussions vont être de même nature. Nous n’avons pas vocation à faire cette maturation de recherche. Nous sommes une petite équipe et nous avons vocation à rester une équipe légère. On ne pourra pas avoir ce contact avec l’ensemble des laboratoires au quotidien, ce qui est nécessaire pour aller détecter ce qui est valorisable.

M. Claude Birraux. Vous avez un portefeuille de brevets. Les SATT sont chargées de faire maturer les projets pour qu’ils aillent vers de la valorisation. Alors comment vous jouez tous les deux ?

M. Philippe Braidy. Après, il va y avoir une négociation pour savoir ce qu’ils souhaitent valoriser, et encore une fois, si les organismes, les universités, veulent créer des sociétés, valoriser eux-mêmes, ou ont détecté un industriel auprès duquel elles souhaitent licencier elles-mêmes leurs brevets, évidemment, nous ne pourrons pas les en empêcher.

Par contre, on va nouer des partenariats, de manière à avoir un regard en transparence sur leurs portefeuilles et faire ces choix ensemble, en disant : « dans ce domaine-là, nous, on peut vous apporter quelque chose. » On va essayer de jouer la complémentarité, sachant encore une fois que nos moyens ne sont pas extensibles à l’infini, et qu’on a vocation à apporter plutôt une dimension supplémentaire à la valorisation qu’elle faisait déjà, plutôt qu’à être concurrents. Donc je ne peux pas vous répondre. Il y aura du cas par cas.

On a ces discussions, notamment avec FIST SA, le CNRS, sur les portefeuilles de brevets qu’ils souhaitent garder et ceux sur lesquels ils ont une difficulté particulière à valoriser. Et donc on les expertise. Aujourd’hui, on fait des analyses de portefeuilles pour le compte de ces organismes, en disant : « nous, dans votre portefeuille, ces lignes-là nous paraissent avoir un potentiel et nous intéressent si vous souhaitez nous déléguer les droits. » Et on voit que la discussion est assez constructive.

Je pense donc que c’est un travail qu’on fera. Mais on n’a pas vocation à financer toute la maturation dans laquelle on s’épuiserait financièrement.Par contre, dans la relation, si on acquiert des droits ou si on nous concède l’autorisation de licencier, on prend aussi en charge un certain nombre de coûts, les coûts d’entretien, et donc il y a une relation contractuelle qui va se nouer avec les SATT sur des portefeuilles limités qu’on aura expertisés en partenariat avec les SATT.

M. Claude Birraux. Et le SBIR ?

M. Philippe Braidy. Je ne sais pas si vous faites allusion au financement de PME ou au financement… Alors cela nous ramène plutôt à ce qu’a dit, je crois, M. René Ricol au sujet des relations entre Oséo, FSI et CDC Entreprises. Ai-je bien compris la question ?

M. Claude Birraux. On verra plus tard dans la journée qui répondra à la question.

M. Philippe Braidy. Ce qu’on est en train de mettre en place sur le financement des entreprises, c’est la régionalisation de l’activité du FSI, en partenariat avec Oséo, pour effectivement être plus au contact des entreprises. Pour l’instant, le mode de financement n’est pas celui des France, où ils vont chercher des emprunts obligataires ou des garanties publiques. On agit uniquement avec les fonds qui sont aujourd’hui disponibles dans le cadre du FSI pour tout ce qui est financement des entreprises.

Et sur la recherche proprement dite, la Caisse des Dépôts et CDC Entreprises n’interviennent que via les mécanismes d’investissements avisés que j’évoquais tout à l’heure. On intervient sur nos fonds propres, ou éventuellement pour le compte de l’Etat sur les ressources du PIA dans le cadre de fonds d’investissements. On n’est donc pas dans des mécanismes qui allient des aides publiques à des fonds publics.

Après, je n’ai pas de réponse particulière sur la faisabilité de transposer le dispositif américain dans le domaine du financement de la recherche chez nous.

LABORATOIRES D’EXCELLENCE (PROJET LANEF)

(Laboratoire d’alliances nanosciences-énergies du futur)

M. Farid Ouabdesselam, président de l’Université Joseph Fourier à Grenoble. Je suis également heureux d’être présent pour la première fois dans cette enceinte. Je vais essayer de vous montrer, d’une part, ce qu’est un laboratoire d’excellence dans un domaine où la France est connue comme étant un des pays majeurs, et en même temps, de vous indiquer ce qu’est la démarche d’un établissement universitaire dans le cadre du PIA, et plus spécifiquement dans le cadre des LabEx. Je finirai l’exposé avec une analyse a posteriori de ce qu’a été cette étape de soumission et de sélection, et de première mise en France des laboratoires d’excellence, pour le laboratoire retenu en exemple, mais également pour mon établissement.

Aux origines de LANEF, c’est le processus qui nous a amené à soumettre ce laboratoire d’excellence. Il y avait incontestablement à Grenoble une très forte adhésion des communautés scientifiques aux principes du PIA. J’ai retenu quelques expressions de la description initiale de ce programme, que partageaient complètement les communautés scientifiques. Permettre une « accélération de la recherche », aller vers de « nouvelles frontières » dans ce domaine-là, prendre des « approches en totale rupture avec celles qui étaient pratiquées ».

Et puis surtout, il y avait l’impact que pourrait avoir ce PIA. Il nous permettait d’attirer des talents du monde entier, des jeunes talents, par exemple des doctorants, mais également des personnes confirmées dans leur secteur. Deuxièmement, il nous donnait la possibilité d’acquérir des équipements, qui actuellement nécessitent des investissements très lourds et que nous ne pouvons réaliser seuls, même avec nos partenaires des organismes. Et enfin, il nous donnait la forte résolution de nous attaquer à un ensemble de verrous technologiques, de façon à aider notre industrie, peut-être pas de manière immédiate, à être très compétitive sur le plan mondial.

Le processus qui a amené mon établissement à porter ce laboratoire LANEF, et tout un ensemble d’autres, a été le suivant. Dans le cadre de l’opération Campus, nous, le collectif grenoblois, avions déjà identifié un certain nombre de thèmes qui s’inscrivent tous dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation, et qui nous ont amené à identifier des quartiers géographiques, où nous avons installé un ensemble de laboratoires et d’instituts de formation. Tous les projets retenus étaient déjà la poursuite de ce que nous avions retenu dans l’opération Campus. Ils sont à l’intersection de ce que met en valeur l’établissement dans son projet d’établissement, bien évalué, voire très bien évalué par l’AERES, mais également des axes stratégiques des organismes. Ce n’est donc pas du tout une aventure que mène toute seule l’Université Joseph Fourier, mais bien un ensemble de partenaires.

Le cas particulier de la physique retenue par l’Université Joseph Fourier et ses partenaires, est le suivant. La physique grenobloise est renommée depuis très longtemps. Elle a eu la chance d’avoir eu Louis Néel à sa tête. Il était professeur à l’Université, c’est lui qui a ensuite été le premier président de l’institut Polytechnique quand il s’est séparé de l’université, et en même temps, c’est lui qui pilotait le laboratoire du CEA. Vous aviez une seule personne, et donc une gouvernance extrêmement cohérente. Cela a beaucoup aidé à développer la physique grenobloise. Celle-ci est aujourd’hui d’une réputation confirmée. Le classement national réalisé par l’AERES place la physique grenobloise 2ème parmi les 30 meilleurs sites. Dans les classements internationaux, qu’ils soient critiqués ou pas, parce que la France ne s’y retrouve pas toujours bien placée, j’ai retenu le classement de Shanghaï, celui de « Taiwan » plus récent, et un autre, le CHE, un organisme allemand que la France soutient vivement et qui a été retenu par la Communauté européenne comme l’opérateur pour mettre en place le classement européen. L’Université Joseph Fourier se place dans les 100 premiers établissements mondiaux avec Paris6 et Paris11, et puis, selon les classements, ENS Ulm, Paris7, ou l’École Polytechnique. Ce fait devait nous amener à construire un projet.

Il y a un point qui peut intéresser la représentation nationale. Vous avez soutenu la mise en place des RTRA (Réseaux thématiques de recherche avancée) et les fondations qui en sont issues. Le devenir de ces RTRA est maintenant une question, car ils n’ont pas toujours réussi à mobiliser les crédits, en particulier ceux venant du secteur privé.

La volonté de mon établissement de participer au programme LabEx nous a amené à solliciter 7 projets, que nous avons coordonnés et soutenus financièrement. Par ailleurs, nous avons participé à 3 projets locaux en tant que partenaires, et nous sommes coordonnateurs d’un LabEx, développé en réseau et porté par le CNRS, l’UJF ayant ce rôle particulier.

L’investissement réalisé avec détermination en phase de soumission est de 750 000 €. C’est très significatif. Vous verrez qu’on a un retour sur investissement très significatif également.

Sur le laboratoire lui-même, vous verrez apparaître beaucoup de termes scientifiques. C’est surtout pour vous montrer comment mon laboratoire a été organisé et ce qu’il cherche à mettre en œuvre. Cette physique à Grenoble a les deux volants, la physique théorique et la physique appliquée. Principal domaine de l’application de la physique, en interface avec l’informatique, il y a en particulier tout le domaine de la micro et de la nano-électronique.

Ce laboratoire est conçu comme abordant les problèmes des nanosciences au sens large, l’énergie, toutes les formes d’énergie pour le futur, et les nanocapteurs dans le domaine de la santé. Ce projet s’organise en favorisant les activités de recherche menées par les équipes, en leur permettant de les développer à la fois par des thèses et des post-doctorats, et puis surtout, avec des chaires d’excellence, c’est-à-dire la capacité à faire venir les plus grand spécialistes du monde pour nous aider à attaquer, entreprendre, l’examen de nouveaux axes.

Ce laboratoire, c’est une coordination entre cinq laboratoires existants. Le souci a été de préserver les laboratoires existants. Ceux-ci sont déjà de grosse taille, et il ne s’agissait surtout pas que le LabEx constitue une espèce de ligne de fracture au sein de ces cinq laboratoires. Ils ont tous pour tutelle le CNRS et l’Université Joseph Fourier, et pour certains d’entre eux, le CEA, et pour d’autres enfin, Grenoble INP.

La coordination est réalisée par LANEF, qui est une alliance, c’est-à-dire un ensemble de thématiques entre lesquelles les interactions sont recherchées. En effet, on sait à l’heure actuelle que c’est là où sont les meilleurs résultats dans le domaine de la recherche, les plus probants aussi en matière de valorisation. Vous retrouvez les trois enjeux sociétaux : par nano on entend en général la société de l’information, et les aspects énergie et santé. Et puis il y a un ensemble de thématiques à l’interface de plusieurs laboratoires qui font participer des communautés. Déjà, elles avaient incontestablement un certain nombre d’intersections, mais sans avoir la possibilité de développer des projets en commun, tout simplement parce que les crédits très significatifs que cela requiert n’étaient pas là.

Cette organisation traduit ce que j’ai appelé tout à l’heure le prolongement de l’opération Campus. En effet, tous ces laboratoires sont actuellement sur un site, le Polygone scientifique, ou s’apprêtent à le rejoindre dans le cadre précisément de l’opération Campus, puisque nous avons prévu la construction de nouveaux bâtiments. Vous voyez que ce laboratoire LANEF a été imaginé comme un moyen supplémentaire de tirer parti d’une organisation immobilière, que nous avions pensée il y a déjà deux ans, et qui visait à rapprocher les équipes.

Ce laboratoire de recherche porte surtout sur de la recherche fondamentale, avec des applications dans le domaine industriel très identifiées, mais pas à très court terme. Il a été retenu justement ici parce que, comme l’a indiqué M. Ronan Stephan, ce programme vise à renforcer les capacités de la recherche fondamentale nationale à produire des résultats exploitables. C’est pour cela qu’on a retenu celui-ci dans la présentation. On aurait très bien pu en retenir d’autres qui ont déjà à l’heure actuelle des liens très forts avec le secteur économique, par exemple avec de très nombreux brevets développés en commun.

9 Millions € de dotation, soit environ 900 000 € par an vont être consacrés, d’une part à l’achat de nouveaux équipements fondamentaux pour réussir à franchir justement certaines frontières (1 Milllion €), d’autre part à 7 chaires d’excellence, 40 doctorants (6 Milllions €), et puis à des actions dans le domaine de la formation, pour attirer le plus grand nombre possible d’étudiants étrangers, dans le domaine de la valorisation de la R&D (2 Milllions €). Vous voyez que 6 Milllions € sont essentiellement consacrés à l’activité de recherche pure, à travers les chaires et les doctorats.

On s’appuie pour cela en particulier sur des écoles européennes qui existent à Grenoble. Ces écoles sont très visibles au plan international et elles ont déjà des implantations à l’étranger, par exemple au Brésil et en Chine. Par ailleurs, on s’appuie sur un très grand nombre de masters dont les enseignements sont directement délivrés en anglais. C’est le cas par exemple dans mon établissement, où 11 masters intéressant ce LabEx sont intégralement dispensés en anglais.

Ce LabEx va renforcer nos liens avec un certain nombre de centres européens : le Karlsruhe, où il a été créé une fusion entre le CEA local et l’université qui est devenue le KIT (Karlsruher Institut für Technologie) ; l’École Polytechnique fédérale (EPFL) ; et par ailleurs, des projets européens, tout un ensemble de valorisation, soit à travers deux laboratoires de R&D du CEA que sont LETI et LITEN, soit à travers tous les pôles de compétitivité implantés localement, et des entreprises au premier rang desquelles on trouve ALSTOM et AIR LIQUIDE.

LANEF est axé sur la recherche fondamentale avec un effet d’entraînement très significatif attendu. On a des laboratoires qui sont spécialisés uniquement dans les aspects R&D, mais surtout, on a déjà 14 entreprises qui participent aux divers axes de recherche en y apportant leurs propres ingénieurs, dans des cadres de confidentialité qu’on sait bien respecter. Ces ingénieurs sont là surtout pour de la veille technologique, car c’est de la recherche très amont qui est menée. Mais ils sont capables d’imaginer les transferts ultérieurs qui pourront être réalisés probablement dans quelques années.

Un point important, nous souhaitons que tous les doctorants qui rejoignent ce LabEx participent à des expériences dans le milieu industriel. Tous seront accueillis par les entreprises qui soutiennent le LabEx pour des séjours très significatifs. Ce n’est pas une visite pour savoir ce qu’est une entreprise. Ils y resteront plusieurs mois, pour remplir des fonctions « d’expertise » entre guillemets, car ils sont jeunes, mais soutenues par leurs seniors, par leurs directeurs de thèse, ils sont parfaitement à même d’aider les entreprises à résoudre des problèmes immédiats. Cette fonction de conseil et d’assistance sera menée pendant plusieurs mois par chaque doctorant au cours de sa thèse. Sachant qu’une thèse dure trois ans, on imagine qu’il pourrait y avoir quatre mois entièrement consacrés à ces problèmes industriels, en lien évidemment avec le travail.

Quelques éléments d’analyse a posteriori sur la toute première étape. Une évaluation à grands traits du coût de préparation du dossier LANEF s’élève à peu près à 2 hommes années en 7 à 8 mois à temps plein. [Slide 13] Ce n’est pas grand-chose par rapport à l’effectif de ces laboratoires où l’on compte 700 permanents. Cela représente soit 3/1000 de l’effectif des 5 laboratoires-supports. Par contre, en termes de pourcentage de la somme reçue, 9 Milllions €, ça commence à devenir significatif. C’est 3% de ce budget. Et en termes de coût environné, c’est de 5 à 6 %. Vous voyez que c’est un élément important, qu’il faut être capable d’évaluer au départ.

J’aimerais insister sur le fait que la dotation aux LabEx doit conserver son rôle premier, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas devenir un substitut aux dotations récurrentes des laboratoires. Or on peut avoir ce souci, puisqu’à l’heure actuelle, la dotation récurrente tend à baisser. Dans le cas de LANEF, la dotation baisse depuis deux ans d’environ 10%, c’est-à-dire environ 1 Milllion € (la dotation des 5 laboratoires est d’environ 10 Milllions €). Et la dotation correspondant à LANEF est de 850 000 €. Donc c’est juste ce que nous avons perdu. Il faut surtout faire attention à ne pas considérer que les établissements qui ont la chance d’être lauréats avec des LabEx peuvent se permettre de ne plus avoir de dotation récurrente. Ce serait vraiment une grosse et grave erreur en termes de conséquences.

Ces LabEx jouent un rôle très fort dans l’interaction des laboratoires existants. Cela permet de construire des projets collectifs pour lesquels d’autres financements peuvent à ce moment-là être recherchés, en particulier au niveau européen, de façon très claire. Le LabEx LANEF n’existe que depuis 5 mois, et il a déjà déposé deux projets européens avec d’autres grandes associations en Europe. Cette interaction est fondamentale, elle ne doit pas être détournée.

Qu’en est-il des résultats pour mon établissement ? Nous avons porté 7 projets, dont 4 sont lauréats. Ces 7 projets, nous en avons financé la constitution initiale et le dépôt. Ce résultat mérite d’être relevé. Tout à l’heure, on indiquait que le taux de succès des LabEx au niveau national était de 20%. On est ici à 60%.

Au niveau des projets locaux dont mon établissement est partenaire, 4 ont été déposés, 2 sont lauréats, soit un taux de 50% de réussite.

Enfin, il y avait un projet coordonné par le CNRS en réseau, dont l’UJF doit maintenant assurer la coordination. Il a été lauréat.

Vous voyez que les 700 000 € dont je parlais au départ, qui représentent l’investissement de mon établissement, donnent un retour assez significatif. Si tous les établissements ont fait ce calcul au départ, en particulier en choisissant bien leur sujet, il y avait la possibilité pour l’ensemble des établissements français d’arriver à obtenir des résultats significatifs.

En deux mots, l’investissement de l’Université Joseph Fourier atteint 750 000 €, parce qu’on a eu un ingénieur à temps plein pendant six mois, on a eu recours à un cabinet d’ingénierie de projets qui nous a coûté 100 000 €, et 14 professeurs ont été les coordinateurs et contributeurs scientifiques pendant six mois pour constituer les dossiers.

Un dernier point, très général. L’ANR, qui dote ces LabEx, permet, pour les frais de gestion, qu’un prélèvement de 4% soit réalisé. Par ailleurs, l’ANR accepte que des prestations soient achetées, mais hors établissement tutelle, c’est-à-dire hors des établissements qui portent le projet et qui donc l’abritent ou l’hébergent. On se rend compte que ceci est très loin de couvrir les frais entraînés par les LabEx. En effet, il faut de nombreuses ressources humaines supplémentaires en matière de gestion et de soutien à la recherche, et les frais d’infrastructures vont bien au-delà de ce que nous pouvons obtenir. Il y a donc une réflexion qui est menée sur la recherche sur contrat, tout type de contrat, y compris ceux qui mènent ensuite à des subventions, et sur les coûts complets.

Ce travail est réalisé au niveau européen. De nombreuses études ont été menées, et certains pays, comme la France, sont entièrement passés aux coûts complets. D’ailleurs, cela permet à la France d’obtenir de la part de la Communauté européenne des financements bien supérieurs à ceux de la France dans le domaine de la recherche universitaire.

Il faut que nous arrivions tous à être en coûts complets. Cela signifie que l’Etat devra admettre le fait qu’avoir des LabEx, avoir des EquipEx, ça coûte aux établissements qui ont monté ces projets. et donc, ce n’est pas 4% qu’il faut leur permettre de prélever, mais bien plus. En cela, le séminaire de la CURIF (Conférence des universités en recherche intensive de France) qui a eu lieu le 16 novembre 2011, a permis de montrer, à travers plusieurs illustrations danoises, du France et allemandes, ce qu’était la situation dans ces pays. Il y avait même une expérience nord-américaine montrant que les coûts complets amènent à devoir reconnaître que les frais supplémentaires sont entre 30 et 45%.

M. Claude Birraux. Merci pour cette présentation complète et l’enthousiasme manifesté par Grenoble, qui est novateur. Le PRES regroupe les trois universités grenobloises. Les diplômes, les doctorats, seront ceux de l’Université de Grenoble-Alpes. L’objectif à terme est d’aller vers une fusion des établissements pour constituer l’Université des Alpes. Grenoble est donc un bon exemple. Je remercie M. Farid Ouabdesselam et Grenoble pour l’enthousiasme qui les a toujours guidés.

LE PROJET DE RÉACTEUR JULES HOROWITZ (RJH)

M. Jean-Michel Morey, directeur adjoint de l’innovation et du soutien nucléaire à la Direction de l’énergie nucléaire du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Je vais vous présenter les enjeux et les caractères d’innovation du projet RJH qui a reçu le soutien du PIA. C’est un réacteur expérimental destiné aux tests d’irradiation de matériaux et de combustibles intervenant dans les réacteurs nucléaires, que ce soient les réacteurs qui sont exploités aujourd’hui pour produire de l’électricité ou les études à mener pour les réacteurs du futur. Ces études qui sont menées sur les matériaux et les combustibles ont pour principal objectif d’améliorer les performances et la sûreté de nos réacteurs. J’insisterai aussi sur le caractère très ouvert à l’international de cette structure de recherche.

Il s’agit en priorité de conduire des tests sur les matériaux et combustibles sous irradiation en support à l’industrie nucléaire, mais aussi, comme l’a souligné M. René Ricol, de répondre à un besoin particulier pour la production européenne de radio-isotopes à usage médical, en particulier le molybdène 99.

Aujourd’hui, c’est le seul réacteur de ce type qui est en construction. Je souligne l’importance de renouveler le parc de ce type de réacteurs très vieillissants. Rien qu’en Europe, les réacteurs d’irradiation technologique ont été mis en service il y a plus de 40 ans. Par exemple, Halden en Norvège, HFR aux Pays-Bas, BR2 en France, ou Osiris, notre réacteur français à Saclay, sont des installations qui ont plus de 40 ans.

En termes de R&D, les challenges scientifiques à mener sur ce type de réacteur de recherche pour tester les matériaux recoupent deux grands types d’études. Le premier volet concerne les études du comportement des matériaux sous irradiation, matériaux plutôt métalliques, où l’on va trouver tous les matériaux qui entrent dans la constitution du combustible : les gaines de combustible, les grilles et les assemblages combustible, tous les internes finalement qu’on trouve dans un France de réacteur, jusqu’aux matériaux de la cuve. Les objectifs vont être de déterminer l’évolution des propriétés de ces matériaux sous irradiation, dans des conditions particulières de fonctionnement d’un réacteur. Ces études nous permettent de déterminer des lois de comportement, qui, elles-mêmes, sont mises en France dans des calculs, dans des mises au point de modèles de simulation numérique, afin d’améliorer les performances et la sûreté de ce type de composants.

Le deuxième volet important, c’est le comportement du combustible sous irradiation. Dans ce cas-là, on définit, par des études analytiques, l’évolution de ce combustible, notamment des phénomènes comme le relâchement des gaz de fission, à l’origine de l’endommagement progressif du combustible, mais aussi le comportement de ce combustible dans des conditions particulières, par exemple des rampes de puissance ou des accidents de perte de réfrigérant. À nouveau, au travers de modèles mis en œuvre, ils permettent de prévoir le comportement et d’améliorer la sûreté de ce type de composant dans les réacteurs.

C’est un projet très ouvert sur l’international. Le réacteur Jules Horowitz est construit et il sera exploité dans le cadre d’un consortium international établi en 2007. Le CEA reste le propriétaire, l’exploitant nucléaire, et il assure la maîtrise d’ouvrage de la construction et de l’équipement en dispositifs expérimentaux de ce réacteur et de sa future exploitation.

Les différents membres du consortium qui ont adhéré à ce projet contribuent à son financement au niveau de la construction. Ils disposeront d’un droit d’accès en proportion de leur contribution financière. On est dans un partenariat intégrant public et privé. On note la présence de partenaires industriels nationaux bien connus dans le domaine du nucléaire, Areva ou EDF, mais aussi Vattenfall, un électricien suédois, des centres de recherche européens, Ciemat en France, VTT en Finlande, SCK en France, des laboratoires de recherche équivalent en Inde, en Israël, l’Europe bien sûr, et un partenariat avec les Japonais (JAEA). [Slide 4]

Ce projet bénéficie du soutien du PIA sur deux lignes d’action.La première est de construire l’infrastructure de recherche et la seconde est de soutenir la mise au point, le développement et la mise en place des dispositifs nécessaires à la production des radionucléides à usage médical. La production de radio-isotopes à partir du molybdène 99 correspond à 25 millions d’examens médicaux par an dans le monde, dont 8 millions en Europe, et 1,5 millions en France. Le réacteur RJH est dimensionné pour assurer entre 25 et 50% du besoin européen.

Au niveau du premier volet soutenu dans le cadre du PIA, la construction de l’entité expérimentale proprement dite, ce réacteur expérimental de nouvelle génération a un caractère technique pointu, innovant. C’est un réacteur de 100 MW. [Slide 6]

À droite, vous voyez l’assemblage combustible élémentaire. C’est un assemblage à plaque circulaire de 100 millimètres de diamètre environ pour 60 cm de haut, intégré dans un cœur très compact. Le cœur et le réflecteur mesurent 60 cm x 60 cm2. C’est très compact, et cela permet d’obtenir des performances très élevées, notamment en termes de flux, et de pouvoir tester de façon relativement accélérée la tenue, au flux, dans des conditions représentatives dans la durée, des combustibles et matériaux.

À gauche, vous voyez le bloc-pile dans lequel s’intègre ce cœur de réacteur. C’est quelque chose de très compact aussi, de l’ordre de 3,5 mètres de hauteur. Les performances de ce cœur nécessitent un refroidissement relativement efficace. En haut et en bas, les deux grosses tuyauteries de ce bloc-pile correspondent au circuit de refroidissement primaire. Ce bloc-pile est intégré dans la piscine du réacteur (à gauche), qui mesure 3 à 4 mètres de diamètre pour 15 mètres de haut. Cette piscine est intégrée dans le bâtiment réacteur circulaire et les annexes nucléaires autour. Cette structure représente environ un cube de 50 X 50 X 50 mètres. C’est une technologie pointue.

Ce réacteur, en construction à Cadarache, respecte aussi les meilleures normes en termes de sûreté, notamment par rapport au risque de séisme. Les plots bleus (visibles dans l’écorché en bas) sont des plots parasismiques. Ce réacteur est construit sur patins parasismiques, avec un radier inférieur sur plots parasismiques, et un radier supérieur qui soutient tout l’ensemble de l’installation nucléaire. En cas de séisme, cela permet un découplement de l’installation par rapport aux vibrations induites par le séisme.

Que ce soit pour le test de matériaux ou pour la production de radio-isotopes médicaux, il s’agit de pouvoir intégrer dans le France du réacteur les différents échantillons à tester, ainsi que les cibles qui vont permettre la production de ces radio-isotopes médicaux. À cet effet, le CEA développe des dispositifs expérimentaux spécifiques [Slide 7]. Vous voyez des noms de baptême : LORELEI (accident de perte de refroidissement), ADELINE (combustible aux limites), MADISON (combustible en service normal), CALIPSO & MICA (matériaux). Ce sont autant de dispositifs visant à tester, dans des conditions représentatives, dans différents emplacements du France, soit des matériaux métalliques, soit du combustible.

Au niveau du second volet soutenu dans le cadre du PIA, c’est le dispositif MOLFI qui intègre tous les dispositifs et les équipements nécessaires pour irradier dans ce France de réacteur des cibles qui vont permettre la production de radio-isotopes médiaux.

Le RJH offrira une capacité d’irradiation simultanée d’une bonne vingtaine d’expériences dans ces différents dispositifs qui sont positionnés dans le cœur.

Où en est-on ? Voici quelques vues du chantier de construction. [Slide 8] En 2010, les plots et leurs patins parasismiques ont été construits (en haut à gauche) et la dalle du radier supérieur a été coulée sur ces plots (en haut à droite). En 2011, différents bâtiments ont été construits sur ce radier isolé : le bâtiment nucléaire (en bas à gauche) et le bâtiment réacteur que l’on reconnaît à sa forme circulaire (en bas à droite) qui monte progressivement.

En conclusion, le CEA est l’opérateur pour la mise en France du PIA en soutien au RJH, avec deux grandes missions : la construction de l’entité de recherche elle-même, c’est-à-dire le réacteur Jules Horowitz, et le soutien au développement de dispositifs spécifiques pour produire ces radionucléides médicaux. Toutes ces actions sont engagées. La mise en place et l’utilisation des fonds sont effectives depuis 2010. Ces travaux sont menés dans le cadre de la convention signée entre l’Etat et le CEA pour la mise en place du PIA. Elle fait l’objet de suivis semestriels par le « Comité de Suivi », les deux premiers ayant eu lieu en novembre 2010 et juin 2011.

M. Claude Birraux. M. Nicolas Carboni, je vous demanderais de nous faire une présentation, puis de nous expliquer comment vous allez intervenir pour aider un incubateur comme Floralis par exemple à Grenoble, qui est une société de valorisation de la recherche ? Est-ce que vous vous substituez ? Êtes-vous le guichet auprès de qui Floralis va s’adresser pour passer à un stade de commercialisation, de fabrication, ou à un stade plus industriel ? Jusqu’à présent, je dois vous dire que je n’ai pas encore compris.

LA SOCIÉTÉ D’ACCÉLÉRATION DE TRANSFERT DE TECHNOLOGIES (SATT CONECTUS ALSACE)

M. Nicolas Carboni, président de la Société d’accélération de transfert de technologies (SATT) Conectus Alsace. Merci M. le Président. J’espère que cette présentation contribuera à éclairer un peu les choses. Je connais mieux la situation sur l’Alsace que sur la région de Grenoble.

Dans le cadre du PIA, la SATT est l’instrument qui a vocation à assurer l’interface entre le secteur public et le secteur industriel. 900 Milllions € sont consacrés à cette initiative, sur les 22 Milliards € de la MIRES (Mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur). En termes de volumétrie de l’investissement, ce n’est donc pas un élément essentiel, mais c’est une position stratégique dans la chaîne de valeur, qui doit mener les résultats de nos recherches vers le secteur industriel.

Avant de rentrer dans le cas particulier de la SATT Conectus Alsace, je vais donner quelques éléments sur ce que sont les attendus et les objectifs des SATT. Premier élément fondamental, l’Etat a fait le choix d’une structure de droit privé pour opérer ces activités. Les SATT sont des SAS, filiales d’un ensemble d’établissements sur un territoire, qui vont regrouper un certain nombre d’équipes. Elles sont dotées d’un conseil d’administration d’une douzaine de personnes et d’un président-directeur général qui opère dans un système de contrainte un peu différent de ce qu’on a pu connaître jusqu’alors, notamment sur un régime un peu différent.

Deuxième élément, ce sont des financements extrêmement importants qui sont apportés en haut de bilan, en comptes courants d’associés, au travers du Fond National de Valorisation sur le PIA par le Groupe Caisse des Dépôts. Ces fonds varient entre 35 et 70 Milllions € d’un projet à l’autre. Ils sont essentiellement tournés vers l’activité d’investissement sur laquelle je reviendrai.

Les SATT ont quatre objectifs essentiels. Le cœur de ces objectifs est de toucher la maturation économique des projets innovants, à travers la notion de « preuve de concept », et donc d’amener plus loin le développement de nos technologies. Il y a aussi une volonté de défragmenter, de consolider un paysage de la valorisation qui est parfois peu lisible pour nos entreprises. Troisième objectif, améliorer la performance ou l’efficacité du transfert de technologies, puisque les entreprises qui ont pu prendre des licences des établissements ont parfois, voire souvent, vécu des processus complexes et longs pour pouvoir contractualiser ou licencier une technologie issue de la recherche publique. Enfin, le tout est orienté vers des objectifs de création de valeur, de développement économique. Avant tout, les SATT sont des outils de développement économique par la recherche.

Les SATT s’articulent autour de deux grands types d’activité. D’abord une activité d’investissement. Plus de 90% des fonds apportés par le Groupe Caisse des Dépôts est orienté vers cet investissement, sur les brevets, sur le financement de la propriété intellectuelle, mais surtout sur la maturation, la preuve de concept des technologies qui sont issues de la recherche. Par exemple, cela signifie qu’on va passer d’un modèle 3D in silico à un prototype fonctionnel, d’une molécule testée in vitro ou sur des lignées cellulaires à des tests sur des animaux. Fondamentalement, cela veut dire qu’on va « dé-risquer » la technologie pour qu’une entreprise puisse l’absorber dans de meilleures conditions ou en portant une partie du risque moins importante. C’est fondamental pour accélérer et améliorer la capacité de nos entreprises à conclure des contrats de licence et à accéder à ces technologies.

Le premier centre de profit dans cette SATT est donc l’investissement, dont le seuil de rentabilité est fixé à moyen / long terme. Compte tenu de la durée du programme, du temps d’industrialisation et de la commercialisation, les seuils de rentabilité vont de 8 à 10 ans.

Deuxième activité, l’activité de prestations de services aux établissements actionnaires va toucher la détection d’opportunités et la structuration d’une offre, c’est-à-dire être capable de présenter de façon lisible une entreprise, quelles sont les capacités de recherche dont elle pourrait bénéficier au sein de nos laboratoires. Il s’agit donc de structurer une offre lisible pour l’entreprise, et de la porter au national et à l’international, et aussi de gérer le portefeuille de brevets et d’apporter un appui à la négociation des contrats.

J’attire votre attention sur ce point, parce que dans le cahier des charges des SATT, la négociation à proprement parler, la signature et la gestion des contrats de recherche partenariale, ne sont pas obligatoires. Qu’est-ce qu’impliquent la signature et la gestion des contrats dans les SATT ? Prenons l’exemple de projets de collaboration public-privé développés et mis en France dans le cadre des pôles de compétitivité. Aujourd’hui, avant les SATT, une entreprise ou un groupe d’entreprises qui s’engagent dans un projet Pôle, se retrouvent à négocier des accords de consortium, qui impliquent souvent deux laboratoires, dont deux UMR, avec un peu de chance trois tutelles. Cela signifie qu’autour de la table, j’ai trois établissements de recherche qui ont leur mot à dire sur les accords de consortium. C’est la situation aujourd’hui.

Demain, j’ai une SATT sur le territoire qui se cantonne à ce modèle-là. Que va-t-il se passer pour les entreprises dans ces consortia ? Elles vont toujours retrouver ces trois établissements de recherche qui ont leur mot à dire, mais en plus, elles vont trouver un acteur supplémentaire, la SATT, puisque c’est elle qui détient les brevets, et dans la très grande majorité des cas, ces accords de consortium appellent de la propriété intellectuelle qu’on met dans le panier de la mariée du consortium. Si on s’arrête à ce modèle-là, que se passe-t-il ? On ajoute un interlocuteur de plus pour tout ce qui touche à la recherche partenariale.

Au niveau de la SATT Conectus Alsace, nous avons eu la volonté d’aller beaucoup plus loin, vers un modèle beaucoup plus intégré, à commencer par l’intégration, au niveau de la SATT, de l’ensemble de la chaîne, en lui confiant la signature et la gestion des contrats, en dehors du CNRS pour le moment, en sorte qu’on aille réellement vers un guichet unique. Je rebondis sur ce que vous mentionniez. Nous avons fait le choix de la fusion. On a fusionné les services de valorisation des universités, des écoles d’ingénieurs et de l’INSERM. Vous verrez qu’on est passé par la mise en réseau un peu avant.

Ce modèle d’intégration sur l’ensemble des métiers de la valorisation permet d’avoir réellement un opérateur et un interlocuteur, et il s’inscrit par rapport aux structures ou aux dispositifs qui sont actuellement en place, en particulier les pôles de compétitivité, dont les attendus sont assez proches : développer la recherche partenariale, favoriser la création d’entreprises. Sur l’Alsace, par exemple avec le pôle Alsace BioValley, on a des personnels mutualisés, le plan de développement est fait en commun, de sorte que M. Paul ne frappe pas à la porte de Merck le lundi matin, et à celle de la SATT le mardi matin. On a fait le choix, au niveau de la SATT, dans la filière Santé, dans la filière des pôles où l’on a une marque qui est établie, d’opérer le « business development » sous la marque du pôle. Cela n’a aucun sens d’investir et de développer une nouvelle marque pour la filière quand il y en a une qui existe et qui rayonne à l’international. Et puis, sur le montage des projets collaboratifs, on a systématiquement un binôme entre le pôle et la SATT, pour que l’arrivée vers la labellisation des projets se fasse de la façon la plus fluide possible. C’est un modèle de coopération qu’on opère déjà depuis cinq ans.

Idem au niveau de l’IHU. C’est un nouvel opérateur de recherche qui a été largement encouragé à pouvoir re-développer en son sein un certain nombre de métiers, puisque là aussi, l’IHU sera évalué sur sa capacité à valoriser les résultats de sa recherche. Au niveau de l’IHU, la SATT est l’opérateur de valorisation sur l’ensemble des métiers, et nous serons également les gestionnaires techniques des projets qui seront financés par l’IHU, là encore pour éviter la redondance et assurer la meilleure synergie entre les structures.

Au niveau national, dans des perspectives de « pooling » de brevets qui ont été évoquées, quand cette stratégie est la plus opportune, que ce soit avec INSERM Transfert ou avec France Brevets, on amènera notre propriété intellectuelle quand elle se positionne de façon plus favorable dans un portefeuille de brevets plus larges pour être transférés.

Au niveau organisationnel, notre équipe compte une quarantaine de personnes à trois ans, qui sont structurées et spécialisées en fonction des principales filières sur lesquelles nous travaillons : d’abord et avant tout la santé, qui représente 60 à 65% du volume d’affaires, qu’il s’agisse de brevets, de contrats, ou de création d’entreprises ; viennent ensuite les secteurs Chimie matériaux, Transport & Mobilité, Énergie & Environnement.

Pourquoi est-on allé vers un modèle beaucoup plus intégré ? Sand doute parce que notre historique de coopération est riche. Dans le cadre des dispositifs mutualisés de transfert de technologie mis en place par le ministère en 2006, nous avons été le seul site en France à amener dans le réseau Conectus tous les opérateurs de recherche du territoire, pas seulement les universités et les écoles d’ingénieurs, mais aussi les EPST, l’INSERM et le CNRS, ainsi que les hôpitaux universitaires de Strasbourg. Depuis 2006, on a fonctionné en réseau, ce qui nous a permis de passer à l’étape suivante.

Ensuite, on était assez unique en France à opérer un vrai fonds de maturation, puisque depuis 2006 également, on a fait levier sur les fonds que nous avaient versés le ministère pour la maturation, en allant chercher autant d’argent auprès d’Oséo d’une part, et auprès du Conseil régional d’autre part.

Cela signifie que depuis 2006, on a investi plus de 5 Milllions € en maturation, sur des projets moyens de l’ordre de 120 000 à 140 000 €. Aujourd’hui, un peu plus d’une quarantaine de projets ont été financés. Mais surtout, sur la trentaine de projets qui sont terminés, 20 sont d’ores et déjà valorisés et génèrent du revenu, au travers de créations d’entreprises ou de licences concédées à des entreprises existantes.

Sur la recherche contractuelle et sur la recherche partenariale, le volume sur le territoire est de l’ordre de 50 Milllions € par an de contrats de recherche. Depuis 2006, depuis la création du réseau Conectus, cette activité a progressé en euros de 60%.

Par ailleurs, on a fait un travail très proche avec les pôles de compétitivité. Sur les cinq dernières années, on compte plus de 500 Milllions € d’investissements R&D au travers de projets qui ont été montés en partenariat avec les pôles.

Pour toutes ces raisons, nous sommes assez confiants pour pouvoir atteindre nos objectifs, du fait de ces réalisations, mais aussi du très important succès que le site de Strasbourg et la région Alsace ont pu connaître au travers du PIA. C’est sans aucun doute l’une des régions les plus performantes sur l’ensemble des appels à projets. Au terme de la première vague, plus de 1 Millliard € ont déjà été obtenus. Il y a de nombreux LabEx, EquipEx, des infrastructures Santé, des Nanobiotech, du Carnot, 1 IHU, 1 IDEX et évidemment 1 SATT. Cela signifie que dans les dix années qui viennent, on va avoir un flux de ressources et d’investissements continu dans ce qui constitue, au fond, le substrat ou le fond de commerce de la SATT. Tout cela va générer encore plus d’innovation et de technologies que nous pourrons valoriser.

Voici quelques éléments chiffrés sur trois ans : environ 5 Milllions € d’investissement par an dans des projets pour financer la preuve de concept ; environ 30 Milllions € par an de contrats gérés, exécutés, négociés, signés, mis en France au sein de la SATT ; autour de 130 brevets déposés, dont environ 80 projets d’investissement qui seront bouclés et environ 30 licences qui sont concédées. La SATT Conectus Alsace a été créée le 10 Janvier 2012 et nous allons lancer dès cette semaine le premier appel à projet « Investissement dans la maturation de projets innovants ».

Cet investissement de plus de 36 Milllions € de l’Etat est une consolidation majeure du dispositif régional de valorisation. En bout de chaîne, le paysage sera beaucoup plus lisible pour les entreprises, puisqu’elles auront un interlocuteur sur l’ensemble de la chaîne. Les équipes vont être beaucoup plus spécialisées, sectoriellement, et en capacité de dialoguer, d’interagir, de parler dans la même langue que les entreprises auxquelles elles vont s’adresser. Les transactions vont être beaucoup plus rapides, car on a une pleine délégation de signature sur le « licensing » et les contrats de recherche que nous gérons. On va pouvoir raccourcir les délais de façon extrêmement importante, et dieu sait si cet élément est essentiel pour les entreprises qui vivent dans un espace-temps qui n’est pas forcément le même que celui de la recherche publique. Enfin, et avant tout, les technologies seront « dé-risquées » ou beaucoup moins risquées, et elles permettront à nos entreprises de les absorber dans de bien meilleures conditions, en portant beaucoup moins de risques, et donc de leur donner les avantages concurrentiels dont elles ont besoin pour se développer. En bout de chaîne, c’est de l’emploi, de la création d’entreprises, par l’innovation et par la compétitivité. C’est sur ces objectifs que nous sommes pleinement mobilisés, non seulement la SATT, mais aussi ses actionnaires.

M. Claude Birraux. Je vous remercie, mais toutes les zones d’ombres dans ma tête ne sont pas levées. Est-ce que ce sont les chercheurs qui viennent à vous ? Ou les attendez-vous à la sortie de leurs laboratoires avec une sorte de filet à papillons en leur disant : « là, il y a une bonne chose » ?

M. Nicolas Carboni. De plus en plus de chercheurs viennent à nous, en tout cas sur le territoire alsacien, du fait de la mise en place et des activités du réseau Conectus. Pour une partie de l’équipe de la SATT, l’essentiel de l’activité consiste à aller dans les laboratoires, à discuter avec les équipes de la nature de leurs travaux. Ces personnes passent plus de 50 à 60% de leur temps dans les laboratoires pour structurer l’offre qu’on peut porter derrière, et identifier des opportunités, des possibilités de dépôt de brevets et de projets à financer. L’approche est donc extrêmement proactive dans ce domaine-là.

M. Claude Birraux. Je commence à mieux comprendre. Pour moi, le meilleur modèle était celui des Belges de Leuven et Louvain-la-Neuve, avec un office de transfert de technologie d’une quarantaine de personnes, qui tournent en permanence dans les laboratoires, mais qui sont issus de l’université. Il n’y a donc pas d’étrangers qui viennent voir pour savoir ce qui est valorisable et comment ils peuvent valoriser. Pour la propriété intellectuelle, ils ont des règles qui sont établies, y compris pour les retours, pour les équipes, pour les laboratoires et pour les inventeurs. Et pour la valorisation, ils peuvent même créer des filiales. À mon sens, ce modèle est extrêmement abouti, parce qu’il n’est pas déconnecté de la recherche et des chercheurs.

M. Nicolas Carboni. Nous sommes précisément dans ce modèle.

M. Claude Birraux. Je commence à comprendre.

L’ALLIANCE NATIONALE DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES (ATHENA)

M. Patrice Bourdelais, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Je remplace au pied levé le président M. Alain Fuchs, président du CNRS et président d’ATHENA, requis ce matin par notre ministre M. Laurent Wauquiez.

J’appartiens au directoire de l’Alliance ATHENA, la dernière née, qui a commencé à travailler tout au long de l’année dernière. J’avais un powerpoint pour vous donner une meilleure connaissance de la liste de ces investissements d’avenir en SHS. Au sein de l’Alliance, nous avions déterminé un certain nombre de priorités. Au vu de ces priorités, en particulier en ce qui concerne les EquipEx, je dois dire que la plupart d’entre elles ont été comblées. [Slide 2] Tout est là, à la fois sur le secteur au cœur des humanités, c’est-à-dire : que transmettons-nous aux générations suivantes ? Que sauvegarde-t-on sur les nouveaux supports du numérique, parmi toute la littérature et la documentation depuis l’époque médiévale jusqu’à l’époque moderne, pour nos enfants et la génération suivante ? Mais il y a aussi des projets beaucoup plus techniques. Le bilan total ne figure pas sur document. Nous attendions les résultats des LabEx deuxième vague pour faire une analyse complète de ces résultats, sachant qu’en ce qui concerne les porteurs, nous avons des têtes de réseau. Elles sont à 70% en région parisienne, comme l’ensemble des SHS, pour des raisons historiques sur lesquelles je passe. L’intérêt, après la publication des résultats des LabEx 2, sera de faire une analyse globale, non seulement des têtes de réseau, mais de tous les participants à chacun des EquipEx et des LabEx, pour savoir dans quelle mesure toutes les grandes universités sont parties prenantes ou pas.

Sur les EquipEx, nous avons eu 9 projets sélectionnés, soit 55,45 Millions €, avec deux grands ensembles : les moyens pour créer de grandes bases de données qui sont aujourd’hui indispensables au traitement d’un certain nombre d’enquêtes, de recherches, en particulier en ce qui concerne les données quantitatives mais aussi qualitatives. C’est le projet DIME-SHS, qui émane de Paris Cité, avec le GENES, c’est-à-dire le groupement des écoles nationales d’économie et statistique de l’INSEE.

La deuxième infrastructure très importante est une infrastructure sécurisée, avec des outils de modélisation pour les données nominatives (projet CASD, Centre d’accès sécurisé distant aux données : GENES, EHESS, X…). Beaucoup d’enquêtes sont descendues à l’échelle individuelle et s’inscrivent dans le temps, c’est-à-dire qu’on suit des cohortes et des itinéraires, plutôt que de faire des coupes transversales que l’on compare à dix ans d’intervalle. Dans ce cadre-là, la sécurisation de ces données individuelles devient un point essentiel, ne serait-ce que pour être conforme aux préconisations de la CNIL.

Ensuite, dans cette première phase des EquipEx, nous avons un grand projet de banque de données sur les marchés boursiers français, dont on voit l’importance aujourd’hui (projet D-FIH : EEP, Quételet). L’objectif ici est de reconstituer les mouvements de marchés boursiers de long terme pour mieux les analyser. C’est une grande opération à visée historique. Il s’agit de reconstruire toutes les données boursières françaises depuis le début du XIXè siècle et de posséder une observation de longue durée sur ces marchés.

Enfin, le projet MATRICE (Hésam P1) concerne l’un des objectifs qui avait été signalé par l’Alliance ATHENA, c’est-à-dire les synergies entre mémoire individuelle-mémoire collective, appuyées sur deux grands événements majeurs que sont la Seconde Guerre mondiale, la Shoah et le Mémorial de Caen d’un côté, et d’un autre côté, le 11 septembre à New York, avec une collaboration internationale, et une recherche de muséographie et de muséologie, à travers le suivi, par un certain nombre d’appareils espions, des itinéraires des visiteurs des expositions, ce qu’ils regardent dans les vitrines, la durée de stationnement devant chaque vitrine. Cela devrait permettre à nos collègues du ministère de la Culture d’améliorer l’organisation des expositions et des musées.

Dans EquipEx 2 [Slide 3], nous avons eu les complémentaires de ce qui avait déjà été pourvu par EquipEx 1. Une banque de données (projet BEDOFIH, Grenoble), non seulement historique des transactions boursières, mais des transactions de la période la plus récente, avec des banques de données à haute fréquence, minute par minute, voire plusieurs coupes dans la même minute. Cela va permettre aux économistes de progresser. L’École de Chicago le fait depuis quelques années, mais en Europe il n’y avait pas une telle banque de données. C’est la possibilité de développer quelque chose de très sophistiqué pour l’analyse financière et économique des marchés et des transactions boursières.

Par contraste, le projet BIBLISSIMA (Fondation Condorcet) se situe au France des humanités. Qu’est-ce que nous allons léguer et comment allons-nous léguer aux générations futures le patrimoine culturel européen qui a transité par la France à l’époque médiévale ? C’est un projet que nous avions beaucoup soutenu les uns et les autres dans la première phase. Il n’avait pas été retenu. Il a été retenu dans la deuxième phase, c’est vous dire toute notre satisfaction. Et vous verrez que pour les LabEx, j’en dirais un mot, c’est un énorme secteur de soutien des investissements d’avenir, et l’on comprend très bien pourquoi. Les logiques du patrimoine et de la patrimonialisation des objets ou des sites ont des retombées économiques flagrantes.

Le projet PATRIMEX est une plateforme assise sur Cergy et Saint-Quentin-en-Yvelines, relative au patrimoine matériel. Comment mettre en valeur et inventorier le patrimoine matériel ?

Le projet Re-Co-Nai (INED-INSERM) est une opération très importante pour l’ensemble des SHS.En effet, pour la première fois en France, cet EquipEx va permettre de soutenir la cohorte des 20 000 enfants dite Elfe, qui avait démarré l’an dernier. Ces enfants seront suivis pendant vingt ans. Cela fait partie de ces cohortes qui constituent aujourd’hui un outil essentiel pour l’épidémiologie et aussi pour les sciences sociales. Il sera mené en collaboration avec des épidémiologistes et des démographes.

Enfin, nous sommes très heureux du projet IDIVE (PRES Nord de France). Il fait suite à un investissement important sur ce que nous appelons les « visual studies » (environnements visuels numériques et interactifs) à Lille et dans le nord de la France. C’est un projet très intégré, depuis l’amont de la préparation technique jusqu’à leur utilisation par le public et les accès pour le grand public.

Le bilan des EquipEx est très satisfaisant pour l’Alliance. Cependant, nous avons deux regrets majeurs. En effet, d’autres grandes enquêtes européennes ne seront pas couvertes. Je pense à l’enquête « SHARE » par exemple, sur le vieillissement de la population et sur les personnes âgées en Europe. Il faudra que les pouvoirs publics mobilisent quelques ressources, via les universités et les organismes, pour que nous puissions continuer. Par ailleurs, l’enquête ESS (European social survey) est également une grande enquête européenne de laquelle nous pouvons disparaître. Là aussi, nous essaierons de mobiliser les acteurs.

Il n’y a rien non plus sur les grandes opérations numériques, comme le CLÉO et revues.org, qui nous paraissent essentielles. Au moment où les grands éditeurs internationaux, Springer, Elsevier, augmentent de façon substantielle leurs abonnements, il nous paraissait sain d’avoir une petite compétition, voire une concurrence, entre acteurs d’horizons différents, et du coup, d’avoir un certain nombre de revues, et d’ouvrages mêmes, numérisés et portés par une structure comme le CLÉO (Centre pour l’édition électronique ouverte).

On n’a rien non plus en géographie et représentation 3D des territoires, alors qu’on a de très bonnes équipes de géographie et de 3D qui vont voir leur envol peut-être un peu brisé.

Il n’y a rien non plus en archéologie, mais il y a un LabEx, alors ce n’est pas très grave.

Voici un point de vue plus synthétique sur les LabEx. Il y en a eu beaucoup pour les SHS, je le dis. 25 projets ont été sélectionnés. À terme, cela permet de mobiliser 566,54 Millions € sur l’ensemble de ces projets, ce qui est important pour nous. Certains regroupements sont tout à fait significatifs.

Les 5 LabEx en économie [Slide 6] ont des têtes de réseau que l’on connaît bien : le LabEx AMSE (Marseille), sur la globalisation et les impacts sur les politiques publiques, a des thématiques complémentaires, et c’est ce qui fait l’intérêt de ces LabEx d’économie. Le LabEx IDGM, piloté par Clermont-Ferrand, porte sur les politiques du développement et l’international. Le LabEx REFI (Hesam, ESCP) porte sur la régulation des marchés financiers. Celle-ci est vraiment prise en charge de multiples manières par les investissements d’avenir et par nos communautés de spécialistes des études financières, économiques et de management de gestion. Il y a aussi un LabEx un peu spécifique, IAST, adossé à l’école de Toulouse, qui essaie de créer, à partir de l’économie, un institut d’études avancées en mobilisant les autres disciplines du site.

On compte 5 LabEx sur les arts et les patrimoines [Slide 7]. L’accent est bienvenu sur tout ce qui est logique de la création artistique, car ce secteur constitue un enjeu économique fort. Ce sont les projets Arts-H2N (P8) et CAP (P1), avec toujours une interaction entre arts et patrimoines, et GREAM (Strasbourg) sur des recherches sur l’acte musical. Ce dernier était moins attendu, mais il est également bienvenu, parce qu’il porte sur des choses différentes, la création toujours, si importante dans les enjeux globaux, mais aussi l’analyse de la performance et de la perception musicale. C’est donc pluridisciplinaire et vraiment intéressant. Le LabEx ICCA (Paris Cité) est au centre des industries culturelles et artistiques. L’enjeu du numérique et de l’internet est ce pont qui manque, souvent, entre les recherches en SHS et l’industrie. Le LabEx PATRIMA est le complémentaire de l’ÉquipEx PATRIMEX. Cela nous fait un bel ensemble sur Cergy-Pontoise et Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, pour tout ce qui est Patrimoines matériels, savoir, patrimonialisation et transmission, avec l’analyse des œuvres, la conservation, la restauration aussi, dans tous les sens du terme. La restauration met en France des laboratoires très pluridisciplinaires dans leurs compétences.

2 LabEx en linguistique [Slide 8] vont permettre de confirmer et de soutenir l’excellent positionnement international de la France dans le domaine. ASLAN (Lyon), avec des études avancées sur la complexité du langage, a d’ailleurs donné lieu à des start-up. Quand je suis arrivé à la Direction des SHS au CNRS, j’avais pris la décision d’organiser un salon de la valorisation SHS. Le recensement de toutes ces activités nous a permis de voir, d’une part, que nous en ignorions énormément, et d’autre part, qu’il y avait énormément de start-up inconnues depuis Paris. Ce salon va se concrétiser à la fin de l’année 2012 ou début 2013. Le LabEx EFL (Paris Cité) est le grand LabEx parisien de linguistique, à la fois sur l’ampleur de la saisie de données dans toute sa variété, sur les méthodes et les modèles.

Les 2 LabEx sur l’Urbain, en prise directe avec les problèmes du contemporain, sont complémentaires : Futurbains à Paris-Est (Environnement urbain et transports) et IMU à Lyon qui propose une approche plus générale sur les intelligences des mondes urbains, et la façon qu’ont les acteurs de réagir au contexte.

D’autres LabEx sont moins regroupables. [Slide 9] L’archéologie est l’un des joyaux des SHS en France, avec une grande audience internationale. Il est logique qu’un LabEx ait été remarqué, LaScarBx, piloté par Bordeaux, et ce n’est pas un hasard, car il est très pluridisciplinaire. Il mobilise des collectes de physique, de chimie, etc. C’est une équipe reconnue au plan européen pour son aptitude à présenter en 3D non seulement l’architecture, les monuments antiques ou contemporains, mais aussi le début du passage de production à la chaîne, chez Renault ou Peugeot.

3 autres LabEx constituent le cœur plus traditionnel des SHS, dans leur façon d’accumuler et de faire progresser les connaissances. HASTEC (Hesam, EPHE), c’est l’intégration interdisciplinaire d’une partie de l’histoire des sciences, de la connaissance en général, et des croyances, c’est-à-dire de l’ensemble des traditions et des religions. Sur le LabEx TransferS (PSL ENS), il y a un enjeu de transferts matériels et culturels, et le point est mis sur l’importance de la traduction et des interfaces, à échelle internationale. Les plus-values sont immédiates en termes de publications, d’amélioration des outils de traduction, etc. Enfin, nous sommes très heureux que le projet RESMED (Université Paris-Sorbonne) ait été sélectionné. L’ampleur des problèmes que peut poser le thème des religions et des sociétés dans le monde méditerranéen nécessite un peu plus de connaissances de fond.

Enfin, il y a un ensemble de LabEx un peu plus interdisciplinaires. LabExmed (MMSH, Marseille) mobilise l’ensemble des disciplines pour étudier les grands problèmes de la Méditerranée. Le LabEx IEC (PSL, ENS), Institut d’études de la Cognition de l’ENS, est l’un des phares des SHS en France, avec une dimension pluridisciplinaire qui intègre les neurosciences, l’imagerie médicale, etc., sur les mécanismes de la connaissance. Le LabEx IPOPs, Individus, populations, Sociétés (INED), plutôt du côté de la démographie, va peut-être permettre de rattraper en partie ce que nous ne pouvons plus faire avec l’enquête « SHARE ». Le LabEx ITEM (Grenoble), traite des territoires de montagne, des mutations socio-économiques, des risques naturels, très transversaux aussi. Le LabEx LIEPP (Paris Cité, FNSP), est un laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques, un domaine qui reste insuffisamment développé en France, avec recherche d’indicateurs, de méthodologie, d’unification des milieux, etc. Enfin, le LabEx SITES (Paris-Est), Sciences, innovations et techniques en société, s’intéresse aux modes de gouvernance aux diverses échelles territoriales en lien avec les aptitudes à l’innovation et aux transferts techniques des systèmes de recherche.

Bilan : 25 LabEx. Comment se plaindre ? Je souligne deux lacunes sur le plan disciplinaire, et non pas thématique : le droit et la géographie. En droit, il y avait des propositions. Notre regret, c’est qu’on ne peut pas se plaindre, d’un côté, de l’avancée permanente de la « Common Law » aux dépens des droits européens du sud, pour ne pas dire latins ou romains, et de l’autre côté ne pas développer le droit comparé. Or les juristes français venaient de se mobiliser depuis quelques années sur des objectifs de droit comparé. Il est donc dommage que pour l’instant on n’ait pas été capable de les soutenir. Pour la même raison, nous regrettons l’absence des géographes, parce qu’ils ont une audience internationale réelle sur les formes de représentation du territoire et de l’espace. Ils se retrouvent à la fois absents des LabEx et des EquipEx.

Voilà M. le Président, ce que l’on peut dire pour l’instant, sans faire une analyse parfaitement territorialisée, qui se fera après les LabEx 2.

M. Claude Birraux. L’Alliance ATHENA a-t-elle joué un rôle majeur ?

M. Patrice Bourdelais. Il serait facile de dire oui. Nous avons travaillé, défini des priorités que nous avons fait circuler. Ensuite, vous savez bien que l’analyse de l’efficacité de la parole ou d’un document, c’est un programme de recherche en soi.

M. Claude Birraux. Que l’Alliance ait joué au moins un rôle de stimuli me paraît extrêmement important. Que dans le PIA, les SHS soient présentes est également extrêmement important. Je vais juste faire une petite désignation dans la liste que vous nous avez donnée. Une étude épidémiologiques en vraie grandeur, sur un temps long, est quelque chose d’également important. Il me semble que dans notre pays nous étions un peu faibles sur les études épidémiologiques.

À présent, je vous laisse la parole.

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Questions-Réponses

M. Denis Randet, délégué général de l’ANRT. Sur les questions de valorisation dont on n’a pas fini de parler, il y a énormément de progrès à faire. C’est vrai qu’on n’est pas au point, sauf dans des lieux très particuliers où l’on est arrivé à toute la clarté souhaitable. Cela dit, le Président Birraux a insisté sur un point essentiel qui est l’interaction entre la SATT, qui devient chez vous le porteur unique, et les chercheurs. Nous qui animons depuis trois ans un groupe permanent sur la valorisation, nous insistons sur la nécessité d’abandonner la conception trop traditionnelle où l’on fait de la recherche d’abord, et l’on s’occupe après de savoir à quoi cela pourrait bien servir. Je ne vais pas rentrer dans le débat recherche fondamentale / recherche appliquée. Par contre, une réalité est souhaitable pour tous, c’est que les unités de recherche fondamentale réfléchissent sur leur stratégie qui peut comporter des actions fondamentales. Au fond, c’est la question de l’interaction : qu'est-ce que la SATT peut apporter à la réflexion des chercheurs dans la définition de leurs propres orientations ?

M. Nicolas Carboni. Pour ce qui relève du cas alsacien, et de façon plus générale, il est bien évident que c’est un enjeu, mais il faut rester modeste. La capacité d’un nouvel acteur à influencer les orientations de recherche d’une équipe reste limitée. Ceci étant, la mise en œuvre des LabEx peut constituer un levier ou un instrument pour tendre vers cela de façon extrêmement claire. Sur les 6 LabEx qui ont été labellisés sur le territoire strasbourgeois, toutes ont une stratégie de recherche résolument orientée vers la création de valeur économique. Nous en sommes à finaliser l’articulation et l’apport que la SATT peut leur amener au-delà des prestations et de l’activité de valorisation en tant que telle. C’est un support, dans leur réflexion stratégique de moyen à long terme, sur le potentiel économique qui peut résulter de ces activités.

Il y en a un certain nombre pour lesquels les choses sont extrêmement claires. Par exemple, dans un laboratoire qui est orienté vers le développement de nouvelles thérapies dans le domaine de l’oncologie, on n’a pas besoin de faire beaucoup d’études de marché pour savoir que si vous avez une molécule qui fonctionne, il y aura un potentiel économique. Les questions se posent donc de façon différente en fonction des champs disciplinaires.

Dans ce cadre-là, je pense que les LabEx peuvent constituer un instrument intéressant.

M. Jean-François Girard, président du PRES Sorbonne Paris Cité. En Ile-de-France, il y a deux PRES qui utilisent le mot Sorbonne. Je sais que nous ne facilitons pas la mémorisation de notre organisation. Voici un moyen mnémotechnique. Le PRES Sorbonne Université réunit des universités paires : Paris 2, Paris 4, Paris 6 ; le PRES Sorbonne Paris Cité, que je préside, réunit surtout des universités impaires : Paris 3, Paris 5, Paris 7, Paris 13. En outre, il réunit Sciences Po, l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, l'Institut National des Langues et des Civilisations Orientales et l'Institut Physique du Globe de Paris. C’est un ensemble réellement omnidisciplinaire, ce qui est fondamental pour l’université, telle qu’on souhaite la voir évoluer.

Après avoir écouté des exposés fort intéressants, je vais apporter un témoignage en attirant l’attention de l’ensemble de ceux qui contribuent, de près ou de loin, à cette évolution, sur la situation très particulière de l’Ile-de-France. Pardon, je ne suis pas jacobin, j’ai aussi des origines provinciales, comme tout le monde, ou presque. Mais en l'occurrence, le fait que ce pays a 40% de ses forces scientifiques dans la région d’Ile-de-France est une drôle de particularité. Il n'y a pas d’équivalent.

Lorsque le résultat de l’IDEX fut connu dans telle ville ou dans telle autre, toute la ville, Strasbourg ou Bordeaux, s’est sentie concernée par ce résultat brillant, positif. Dans quinze jours, trois semaines, il y aura en région parisienne des « IDEX Plus » et des « IDEX Moins ». Ils se côtoieront, parfois dans le même périmètre, en tous les cas, dans la même discipline. Je pense donc qu’en termes, non plus d’excellence scientifique — celle-ci est un préalable—, mais d’aménagement du territoire, on a une situation très particulière.

Que mes collègues de Strasbourg ou de Marseille me pardonnent. Lorsqu’ils ont réussi la fusion des trois universités de Strasbourg ou de Marseille tout récemment, c’est une œuvre remarquable, mais c’est le retour à une situation antérieure. Il n’y avait qu’une seule université à Strasbourg, une seule à Marseille.

Dans la région parisienne, j’espère que personne n’envisage que nous revenions à la grande Sorbonne. On doit trouver, quelque part entre la grande Sorbonne du temps passé et les 13 universités + 4 — comme vous le savez, maintenant il y en a 17 avec les 4 nouvelles —, un juste milieu.

40% des forces scientifiques en région parisienne. C’est là le débat qui nécessite notre investissement, mais aussi une analyse politique de la part des pouvoirs publics, pour contribuer à faire face à ce qui est certainement un atout, mais peut-être aussi un handicap, y compris en matière de valorisation. S’il y a des endroits où il n'y a pas assez de forces scientifiques, c’est peut-être la contrepartie, et c’est donc notre responsabilité à tous d’y faire face.

M. Claude Birraux. Je crois que cela n’appelle pas de réponse. M. René Ricol, en début de séance, nous a rappelé quels étaient les critères qui avaient été choisis. C’étaient ceux de l’excellence. N’entrait pas en ligne de compte l’aménagement du territoire.

Sur cette question, je ne dis pas qu’il vous a répondu, mais les premiers appels à projets et les deuxièmes ont rééquilibré un peu les choses. Les meilleurs sont sortis.

Il a encore rappelé qu’il y avait eu des surprises. Dans un certain nombre de domaines, on ne pensait pas que des équipes pouvaient présenter d’aussi bons projets.

Demain, devant l’Office parlementaire, et jeudi devant la presse, avec Jean-Yves Le Déaut on va rendre un rapport sur l’innovation à l’épreuve des peurs et des risques, où l’on essaie de trouver le meilleur moyen pour favoriser et stimuler l’innovation. Cette question, on se l’est posée. C’est en fait : est-ce qu’on choisit les meilleurs sans se préoccuper de leur répartition ou est-ce qu’on répartit comme la semeuse à tout vent ? Est-ce que la solution n’est pas de permettre à des équipes de se regrouper ? La participation à ces appel à projets a demandé un travail d’analyse considérable, pour affiner leurs projets, pour être eux aussi reconnus. Est-ce qu’on donne de l’argent à tout le monde ou aux projets vraiment les plus porteurs ? Mon sentiment personnel, c'est qu’il vaut mieux aider l’ensemble des porteurs de projets qui aspirent à être vers le haut pour pouvoir être lauréat plutôt que de les laisser dans le même état en jouant la semeuse qui sème à tout vent.

Avez-vous d’autres questions ? Si ce n’est pas le cas, je vais lever la séance. Cet après-midi, nous examinerons d’autres projets qui ont été labellisés. Ceux qui sont intervenus ce matin nous ont d’ores et déjà fait saliver sur ce qui peut nous attendre et sur l’imagination qui les a conduits à être excellents.

CENTRES D’EXCELLENCE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE :
LES ACTIONS FINANCÉES

INSTITUTS D’EXCELLENCE SUR LES ÉNERGIES DÉCARBONÉES (IEED) : PROJET INDEED (INSTITUT NATIONAL POUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCOTECHNOLOGIES ET DES ÉNERGIES DÉCARBONÉES)

M. Pierre-Henri Bigeard, directeur à l’IFP Lyon-Solaize, président du pôle de compétitivité AXELERA. Le pôle AXELERA a été créé en 2005. Il rassemble aujourd'hui 240 adhérents, dont une centaine de PME, sur la thématique chimie-environnement, une thématique large, voulue comme telle à l’époque, et originale. On travaille sur les thématique des procédés, des matériaux, des déchets, des bioressources, du recyclage, du transport ; des thématiques autour de l’eau, de l’air, des sols.

Depuis son existence, le pôle a labellisé 150 projets pour un montant total de 450 Milllions €. On était donc dans une dynamique de montage de projets et on a voulu aller au-delà de la simple ingénierie de projets qui nous est demandée dans les pôles, en saisissant plusieurs opportunités.

Premièrement, on a saisi l’opportunité de montage d’une plateforme mutualisée. Axel’One a été présentée à l’appel à projets des plateformes innovantes. Il a pour objet d’être un hôtel à projets sur lesquels on travaille ensemble. On sort de nos laboratoires respectifs et on met en place une plateforme.

Deuxièmement, on a saisi l’opportunité de l’appel à projets des instituts d’excellence sur les énergies décarbonées pour aller un cran plus loin, en créant un organisme de recherche dédié. C’est ce que nous avons fait avec succès. Le projet INDEED nous donne une vision sur dix ans. D’un montant de 145 Milllions €, une centaine de milllions d’euros sont apportés par le privé, le complément est apporté par les investissements d’avenir.

Parmi les acteurs qui sont embarqués dans le projet, on compte des industriels : ARKEMA, RHODIA, GDF SUEZ ; des organismes de recherche, et pas des moindres : CNRS, Université de Lyon ; il y a bien sûr l’IFP Énergies nouvelles et l’OPEP du centre technique de la plasturgie. On s’est appuyé sur la structuration autour du PRES, et ce projet INDEED est devenu l’un des axes de l’IDEX Lyon Saint-Etienne, en cours de montage, et dont on espère avoir de bonnes nouvelles début février.

Les enjeux sont les suivants : monter un IEED autour de l’usine décarbonées du futur, autour de la réduction de la facture énergétique, de la réduction des impacts environnementaux, en agissant sur l'attractivité du territoire.

Par rapport à ces enjeux, la volonté est de créer un campus technologique autour de la chimie, de l'énergie et de l'environnement. En ajoutant la dimension énergie, on va donc un cran plus loin qu’à l’origine des thématiques du pôle. L’idée, c’est de penser l'usine différemment pour produire autrement, et de développer les procédés et services industriels de cette usine du futur. Il s’agit également de prendre en compte la thématique de la formation.

Cet IEED a été construit en programmes. Dans un premier temps, un programme socle sera mis en place, autour de 3 programmes socles que sont la simulation multi-échelle, l’évaluation environnementale des procédés et l’analyse industrielle. Nous allons mettre nos forces en commun sur ces sujets pour avoir une base, et après, nous avancerons sur des programmes qui sont d’ores et déjà définis dans les grandes lignes : programme Bioénergies, programme Procédés Bas carbone, programme autour de l’économie circulaire.

Pourquoi ce programme socle ? Pour rassembler sur ces thématiques que sont l’analyse industrielle, la simulation et l’évaluation environnementale nos équipes de R&D. En ce qui concerne la recherche industrielle, la recherche académique et la recherche publique, on a tous des collègues. Il s’agit de les mettre en commun pour décliner des programmes.

Dans le domaine de la bioénergie, les marchés visés sont essentiellement la production de biogaz à partir de biomasse. Sur les procédés bas carbone, c’est tout ce qui concerne les bioproduits, les biomatériaux, et également les équipements énergétiques pour l’industrie. Sur les programmes de l’économie circulaire, sont ciblés les marchés du bâtiment, du transport, les biens de consommation et les équipements du recyclage.

En ce qui concerne nos objectifs et nos ambitions, l’intérêt c’est d’avoir des partenariats ouverts à d’autres acteurs que les associés initialement présents. C’est également de mutualiser les moyens de R&D sur ces sujets pour construire une équipe performante et reconnue internationalement. L’objectif est aussi d’avoir une attractivité d’un positionnement français dans ce domaine.

L’intérêt du projet socle est d’avoir des effets de levier importants, obtenus par mutualisation de moyens. C’est également de partager et de fédérer les moyens qui ont déjà été attribués en termes de LabEx et EquipEx concernés par la thématique. C’est aussi d’aborder les problèmes de formation des jeunes ingénieurs à la recherche appliquée et de contribuer au développement économique du territoire et de la région.

Je ne vais pas entrer dans le détail des projets. Voici les acteurs [Slide 9] qui se sont engagés sur les programmes Bio-énergies, Bio-matériaux, Economie circulaire, Biotechnologie blanche, Traitement thermique, Traitement du CO2, Valorisation du CO2. Ces programmes sont en cours de définition et de montage.

Faisons un focus sur le projet d’analyse industrielle. Il s’agit d’identifier les enjeux de l’analyse industrielle et des besoins par rapport aux défis qu’on veut adresser. C’est également de travailler en relation étroite avec de grands laboratoires qui ont été montés sur Lyon, par exemple l’Institut des Sciences Analytiques. C’est aussi de mutualiser les équipements industriels pour réaliser ces essais en conditions réelles. Enfin, il s’agit de participer à la formation continue en termes de masters et de thèses sur ces sujets.

[Slide 11 et 12] Voilà résumée la croissance de l’IEED telle qu’on la voit. Dans la période 2012-2015, on voit un IEED démarrant avec une quarantaine de personnes autour des projets socles, avec la mise en place des premiers projets. Dans une deuxième partie, l’IEED évolue vers 90 à 120 personnes. Au terme de trois ans, les jalons qu’on s’est fixés avec le CGI en termes de pilotage et d’audit de cet IEED, c’est une vingtaine de projets R&D, 11 Milllions € de contrats de recherche garantis par les membres fondateurs, 10 000 mètres carrés hébergés dans la plateforme Axel’One. Sur dix ans, on voit un IEED qui est viable, parce qu’il dispose d’un certain nombre de brevets dont il est propriétaire. Il a négocié des licences autour de ces brevets et l’on a réussi à augmenter l’efficacité énergétique dans les usines de l’ordre de 20%. On contribue à créer de nouvelles filières industrielles en bioénergies et recyclage autour des thématiques portées par l’IEED.

J’ai rapidement présenté l’ambition de ce projet. Il constitue vraiment une étape. On est sorti d’un montage simple de projets au sein d’un pôle et l’on crée ensemble un institut de recherche. C’est assez original. Ce sont des choses qu’on avait en tête depuis un certain temps avec un certain nombre de collègues, dont Jacqueline Lecourtier avec qui j’ai travaillé pendant longtemps quand elle était à l’IFP Energies nouvelles.

C’est vraiment le PIA qui nous a donné à tous l’occasion de dépasser les problèmes de propriété industrielle et de répondre à l’appel à projets, de prendre des décisions pour lancer cette structure, structurante pour dix ans. Pour nous, c'est un point particulièrement important et une avancée forte que nous avons faite à l’aune de notre communauté.

M. Claude Birraux. Dans le cadre du rapport de la mission d’information que j’ai présidée sur le post-Fukushima et sur la place de la filière, nous avons mis l’accent sur le stockage d’énergie pour permettre la valorisation des énergies renouvelables et faire face à leur intermittence. Parmi les pistes que nous avons suggérées pour la recherche, il y avait d’une part la création d’atolls de stockage, soit sur le plateau continental lorsqu’il est peu profond, soit on-shore lorsque cela est possible. La deuxième piste était le stockage par valorisation du gaz carbonique. Je suis allé plancher devant une autre commission où l’on m’a dit : « mais vous n’y pensez pas. On le met à 2000 mètres de profondeur au fond de la mer. Ça ne risque rien. Ça ne bouge pas. » Je ne suis pas sûr que les populations et ceux qui s’occupent d’environnement soient d’accord avec cette vision. Pensez-vous raisonnablement que le stockage par valorisation du CO2, c'est-à-dire pour le moins méthanation, voire plus loin, former une chaîne carbonée avec des catalyseurs, est envisageable, et à quelle échéance ?

M. Pierre-Henri Bigeard. Le sujet de la valorisation du CO2 est un sujet clé. Ne faire que capter le CO2 et le stocker posera des problèmes importants, même si le CO2 n’est pas dangereux en lui-même. Je pense qu’on ne peut pas s’arrêter uniquement à vouloir capturer et à stocker le CO2. Il faut s’attaquer au problème de la valorisation du CO2. C’est un problème important, dont on peut voir, par exemple, comment il peut être couplé avec du solaire, pour utiliser l’énergie solaire, pour revaloriser le CO2. Clairement, il y a des projets à construire sur le sujet. Pour le moment, on en est au stade des concepts. Il faut être très prudent. Ce sont des choses qui commenceront à voir le terme en premiers développements d’ici dix à quinze ans. Il y a un travail fondamental à faire sur la valorisation du CO2. Beaucoup d’acteurs sont intéressés par ce sujet, mais c’est un vrai challenge.

M. Claude Birraux. D’ailleurs, on avait pu voir il y a quelques années, aux laboratoires SANDIA (Etats-Unis), comment on utilisait l’énergie solaire pour transformer le CO2 en une chaîne carbonée utilisable dans des combustibles liquides.

L’OPÉRATION DU PLATEAU DE SACLAY

M. Claude Birraux. M. Pierre Veltz, vous allez nous parler du plateau de Saclay. On a fait une audition spécifique sur ce thème. Je vais être un peu ironique. C’est : « je participe avec allégresse, moi non plus ».

M. Dominique Vernay, président de la Fondation de coopération scientifique (FCS) de Saclay. Je m’inscris en faux.

M. Pierre Veltz, président-directeur général de l’Etablissement public Paris-Saclay. Moi aussi Je m’inscris en faux, je ne sais pas si on arrivera à vous convaincre.

M. Claude Birraux. L’autre jour, en une journée, ils n’ont pas totalement réussi à me convaincre. Alors en dix minutes, il faudra vraiment faire très fort.

M. Pierre Veltz. Avec Dominique Vernay, on ne peut que vous faire part de nos convictions, qui sont quand même appuyées sur le fait qu’on vit sur ce territoire de manière permanente. Je rappelle que le projet Paris Saclay regroupe un ensemble de projets. Il y a une ambition scientifique de créer un très grand campus. On y reviendra. Il y a un projet qu’on a qualifié de politique, de transformation du paysage universitaire. L’IDEX, déposé sous le label « Université de Paris Saclay », regroupe les universités, les grandes écoles, nombreuses sur le territoire, surtout si on compte celles qui s’apprêtent à le rejoindre, et les grands établissements de recherche, principalement le CNRS, le CEA, l’INRA et l’INRIA.

C’est également un projet de développement économique, avec l’idée de créer sur un assez vaste territoire un véritable éco-système de l’innovation. Il y a beaucoup d’entreprises, beaucoup d’acteurs, et la fragmentation aujourd'hui des acteurs est un problème, pas spécifiquement dans le monde universitaire qui a fait de formidables progrès au cours des dernières années et des derniers mois, mais de manière générale, je pense qu’on a ici un potentiel de création de valeur en rapprochant encore davantage les acteurs économiques, les acteurs universitaires et les grandes entreprises et PME.

C’est également un projet de territoire, sur un vaste territoire, en créant un campus cité multipolaire, avec des quartiers qui soient à la fois compacts, denses, changeants par rapport aux modèles qu’on connaît aujourd'hui, et qui mixent les activités d’enseignement supérieur, de recherche, le développement économique, mais aussi des vrais quartiers, avec des habitants et des services. C’est donc à la fois un projet d’aménagement et un projet scientifique.

La dimension du territoire reprend la totalité du plateau de Saclay, avec deux zones de développement majeures : la frange Sud du plateau dont on va plutôt parler maintenant, car c’est là où se déroule l’essentiel de l’opération Campus, et du côté de Versaille-Saint-Quentin, un pôle de développement centré notamment sur la mobilité et l’automobile du futur. Autour de ce plateau, il y a de grandes zones d’activités, par exemple, Courtaboeuf, Massy, Vélizy, Saint-Quentin Est avec le pôle de Renault. L’idée, c’est aussi d’assurer davantage de synergie entre la partie véritablement cœur du projet qui est sur le plateau, et l’ensemble de ces activités économiques et industrielles en particulier.

Un élément clé du projet, c’est la réalisation d’un futur métro. Il va connecter Orly à Versailles en passant sur le plateau, en ayant non plus une, comme prévu initialement dans le projet du Grand Paris, mais six stations sur le plateau, de façon à véritablement desservir le campus. C’est tout à fait fondamental. Sans cette colonne vertébrale, on aura du mal à fonctionner.

Sur la frange Sud du plateau, cette vue aérienne montre au premier plan Le synchrotron SOLEIL. La photo est prise au-dessus du CEA. À l’autre bout, on aperçoit l’École Polytechnique. C’est sur ce vaste espace de 6 kilomètres que se déploie l’opération Campus.

Sur ces trois cartes, vous voyez le CEA sur la partie Ouest et l’École Polytechnique sur la partie Est. En bleu, c’est un premier projet de transport en commun en site propre. Progressivement, on va créer ces quartiers sur toute cette frange Sud du plateau, au-dessus de la Vallée dans laquelle se trouve aujourd'hui l’Université de Paris-Sud ainsi que le pôle de biologie de Gif-sur-Yvette du CNRS, qui sont parties prenantes du grand projet de l’Université de Paris-Saclay. Ce sont des quartiers mixtes, organisés autour du campus. On dit souvent qu’il faut mettre l’université dans la ville. Nous, on fait de la ville autour de l’université.

Je résiste beaucoup à donner un nombre d’habitants. Tout dépend où l’on met le curseur en matière de logement. C’est une discussion qu’on a aujourd'hui avec les collectivités territoriales. J’hésite à vous le donner, mais c’est quelques dizaines de milliers d’habitants.

Sur cette carte, vous voyez ces trois ronds rouges et jaunes qui sont les futures stations de métro. Elles vont desservir et donc connecter tout cet ensemble. Sur un campus de six kilomètres, c’est très difficile. On va avoir des quartiers assez denses, l’un autour de l’École Polytechnique, l’autre autour du Moulon où se trouve aujourd'hui Supelec et une partie de l’Université de Paris-Sud, et un troisième autour du CEA. Ces trois stations de métro les mettront à quelques minutes les uns des autres, avec une fréquence très forte. Cela va vraiment connecter l’ensemble de ce projet et en faire une véritable unité.

Le projet est copiloté aujourd'hui par la Fondation de coopération scientifique (FCS) que préside Dominique Vernay. La FCS rassemble l’ensemble des acteurs scientifiques du plateau, quelques acteurs économiques, et l’établissement public de Paris-Saclay que j’ai l’honneur de présider et de diriger. Les responsabilités sont bien réparties, mais le projet est véritablement mené de manière conjointe. On se voit en permanence et on travaille main dans la main.

Pour simplifier, la FCS a en charge la définition et le pilotage de la science, les grandes organisations du campus en pôles thématiques, et puis la définition des besoins concernant la vie du campus. Bien sûr, la vie du campus est essentielle.

Nous sommes en charge de la mise en œuvre du schéma d’aménagement, tout le dialogue avec les collectivités territoriales, les plans locaux d’urbanisme, leur révision, etc., et puis également une maîtrise d’ouvrage qu’on répartit de manière pragmatique sur les différents projets. Nous avons aussi une vocation plus générale de développement économique.

Le financement des opérations du campus est assuré à la fois par le plan Campus et par les investissements d’avenir. Il y a un pilotage interministériel spécifique, associant le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et le CGI, qui évalue les différents projets et qui rend les arbitrages financiers. Beaucoup d’opérations ont des financements mixtes, parfois venant du plan Campus, parfois venant des investissements d’avenir, auxquels il faut ajouter les financements qui viennent des établissements eux-mêmes, par exemple pour la réalisation d’actifs immobiliers actuels dans le cadre de transferts.

Je vais passer la parole à M. Dominique Vernay qui va vous présenter de manière très synthétique les projets. Il y en a beaucoup.

M. Dominique Vernay. C’est un peu une liste à la Prévert, mais c’est le propre de ces différents investissements d’avenir. La cohérence est donnée par l’IDEX.

Aujourd'hui, on a 7 EquipEx en propre et 3 EquipEx partagés, 3 cohortes, 6 LabEx. Pour le site de Saclay, l’ossature de coopération scientifique, c’est les 2 RTRA qui pré-existent : un RTRA sur la physique et un RTRA sur les technologies de l’information. De plus, sont venus se rajouter 6 LabEx : deux LabEx sur la physique, la physique lourde, celle des deux infinis, et la physique quantique ; un LabEx sur les nanotechnologies ; un LabEx sur les plantes ; un LabEx sur les médicaments du futur, un LabEx sur les sciences de l’ingénierie et des systèmes. Nous avons aussi un certain nombre d’infrastructures de bio et santé et deux plateformes Bio.

Tout un ensemble de programmes est en négociation. Il va y avoir d’autres interventions sur les IRT. C’est une course qui a démarré il y a fort longtemps et qui est en train d’arriver. Notre IRT porte sur les systèmes, puisque finalement, l’une des caractéristiques du plateau de Saclay, c’est qu’un bon nombre d’industriels sont de grands intégrateurs. J’étais précédemment président du pôle de compétitivité Systematic, qui était à l’origine de la préparation du projet SystemX, et l’on a 100 intégrateurs dans notre groupe, plus 400 PME.

La SATT est portée par la Fondation. Je crois que c’est la seule SATT qui n’est pas portée par un ensemble, mais par la Fondation qui agit au nom de ses différents actionnaires.

Un IEED porte sur le photovoltaïque du futur. Il y en a un deuxième en cours d’évaluation.

Par ailleurs, on a eu un EquipEx dans la vague 2 et nous avons eu 6 instituts Carnot sur le site de Saclay.

Enfin, nous avons des projets en évaluation. Le projet d’IDEX, qui va donner la cohérence à l’ensemble, prépare l’ensemble des acteurs du site. Celui-ci est constitué essentiellement de deux universités — l’Université de Paris-Sud, qui est l’université la plus primée en France au classement de Shanghaï, et l’Université de Versailles, pour la partie sciences dures—, 11 Grandes écoles, une école de commerce, HEC, un pôle de compétitivité et 2 PRES. Cela fait pas mal de monde.

D’autres projets sont en cours d’évaluation. On a soumis 8 LabEx, en particulier dans des domaines qui n’avaient pas été retenus jusqu'alors, je pense en particulier aux mathématiques. Je crois que le point le plus fort sur Saclay, c’est les mathématiques. On n’a pas moins de six médailles Fields sur le plateau. Je pense aussi aux technologies de l’information. On espère cette fois-ci que le LabEx qui porte sur ce domaine sera retenu. Enfin, un IEED, porté par le pôle de compétitivité Mov'eoTEC, fait appel à des acteurs de recherche et d’enseignement supérieur, essentiellement des grandes écoles et l’Université de Versailles.

En termes financiers, l’ensemble de ces projets correspond aux alentours de 500 à 600 Milllions € hors IDEX. Pour l’IDEX, on a soumissionné 1,2 Millliards € sur dix ans, mais je pense que si on a la moitié, on sera content. C’est important dans l’absolu, mais au regard du budget de l’ensemble des acteurs, qui ont un budget annuel de 4 Millliards €, finalement, on ne peut pas parler d’investissements d’avenir si on ne parle pas d’effet de levier, en particulier dans le cas des LabEx. Chaque euro investi sur une équipe a un impact beaucoup plus large, et doit permettre une coordination renforcée et une orientation nouvelle pour tout un ensemble d’acteurs. Il faudra maintenant qu’ils se mettent en place.

Tout cela, c’était pour la partie scientifique. Ensuite, il y a la partie investissements immobiliers, qui correspond à ce qu’indiquait M. Pierre Veltz, en ce sens que cela a été conçu pour faire autre chose que de la juxtaposition.

Le premier projet Nano-INNOV en est l’exemple. C’est un bâtiment dans lequel on va faire des nanotechnologies. Il est placé sous la maîtrise d’oeuvre du CEA, mais il va y avoir des équipes du CNRS, de l’Institut Telecom, des industriels et d’autres grandes écoles vont y participer. En ce qui concerne l'ENSTA ParisTech (École nationale supérieure de techniques avancées), c’est un déménagement, les bâtiments sont pratiquement prêts. Le PCRI et Digiteo, ce sont deux projets qui ont démarré avant les investissements d’avenir, et qui concernent essentiellement la structuration de l’ensemble des acteurs des technologies de l’information. L’arrivée de l’ENSAE (École nationale de la statistique et de l'administration économique) est une opération qui doit se terminer dans deux ans. L’ISMO (Institut des sciences moléculaires d'Orsay) est un institut dans le domaine de la chimie.

Il y a ensuite des rénovations et des restaurants. Au total, on va bâtir 10 restaurants universitaires nouveaux sur le plateau de Saclay. Autour de NeuroSpin, une installation sous maîtrise d’œuvre du CEA, sans équivalent en Europe, se construit un LabEx NeuroScaleX, pour abriter tout un ensemble d’activités autour des neurosciences. L’École Centrale va déménager. C’est une très grosse opération. En comptant ses étudiants, les professeurs et tout ce qu’il y a autour, elle concerne 5000 personnes. L’ENS Cachan se situe à peu près dans le même ordre de grandeur.

On a fait en sorte qu’il y ait de la mutualisation, en particulier au niveau des salles de cours. Au niveau de l’ingénierie, on va avoir deux grands ensembles : un ensemble autour de L’École Centrale, SUPELEC, et L’ENS Cachan d’un côté de la RN 118 ; de l’autre côté, un ensemble avec l’École Polytechnique, AgroParistech, l’Institut Telecom, l’ENSAE et l'ENSTA ParisTech.

On construit deux centres de physique, l’un autour de la physique matière et rayonnement, essentiellement Paris-Sud et CNRS, un deuxième, le C2N (Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies), va se situer à côté du projet Nano-INNOV. C2N, c’est essentiellement CNRS, Paris-Sud et quelques écoles. Cet ensemble Nano-INNOV + C2N va constituer un gros institut en matière de nanosciences et de nanotechnologies.

DOSEO, c’est une installation pour travailler sur les problèmes de maîtrise des installations pour les hôpitaux.

Un certain nombre de programmes n’ont pas encore été arbitrés, ils sont sur liste d’attente, mais pour eux, on a encore 720 Milllions € pratiquement en disponible. Il y a en particulier une grosse opération autour de l’AgroParistech, je crois que c’est 4000 personnes en tout.

Le pôle Pharmacie-Chimie-Biologie est très important. C’est une restructuration en profondeur autour de nouveaux axes de recherche pour toute la partie Biologie, en liaison avec la pharmacie.

Il ne faut pas oublier tout ce qui concerne les équipements sportifs, d’un montant total de 80 Milllions €. C’est impressionnant, mais il faut les remettre en perspective par rapport au nombre total d’étudiants : 60 000 étudiants, dont environ 30 000 au niveau graduate et 30 000 au niveau undergraduate.

Ce projet a un planning d’une dizaine d’années. Dans un paysage qui a été ponctué d’installations, lesquelles ont commencé il y a à peu près une trentaine d’années maintenant, avec le déménagement de l’école Polytechnique et de Supélec, précédés en 1965 par HEC, cet ensemble, qui pour l’instant est un peu disparate, devrait s’intégrer dans un dispositif totalement repensé, avec l’arrivée de nouveaux acteurs, et avec une restructuration complète à la fois de l’enseignement, de la recherche, et aussi du développement économique.

Comme l’a indiqué M. Pierre Velz, l’Etat fait un investissement considérable, et l’objectif, c’est de renforcer au moins sur deux points : le premier, c’est l’émergence de nouvelles sociétés. Le score n’est pas si mauvais. En ce moment, on produit à peu près 60 start-up par an. L’objectif, c’est de passer à au moins 120 start-up par an. Le deuxième, c’est de renforcer les relations avec les entreprises, en particulier les entreprises technologiques. Aujourd'hui, en termes de collaboration, chaque année, il y a à peu près 150 Milllions € de recherche collaborative ou de sous-traitance de recherche. C’est un point très important. Mais ce sont un peu toujours les mêmes acteurs, le CEA, l’ONERA, qui est un acteur très important pour les industriels, l’INRA. Par contre, en termes de valorisation, toute la partie qui a besoin de faire des progrès, c’est surtout la partie universités, et pour partie le CNRS, dans la partie plus amont. Là, clairement, c’est un domaine dans lequel il y a sûrement des retombées, en particulier des ruptures technologiques, qui peuvent être attendues de cet ensemble.

Voilà en gros le panorama de Paris-Saclay.

M. Claude Birraux. Merci. On accepte l’augure, mais si vous vous souvenez de l’audition que nous avons tenue le 27 octobre 2011 dans cette même salle, on n’en était pas tout à fait là. Il y avait des PRES qui ne voulaient plus fusionner, qui ne voulaient plus se dissoudre. Il y avait un certain nombre de difficultés d’organisation, et surtout, de circulation de l’information entre les différents acteurs.

M. Dominique Vernay. D’accord, mais d’abord, je pense que le temps a passé. Je reviendrai sur les PRES après. Finalement, tous les établissements qui ont participé à l’IDEX, qui participent et qui seront les futurs acteurs de cette université, ont présenté ce projet devant leur conseil d’administration, et dans la majorité des cas, cela a été adopté dans la quasi unanimité. Finalement, on finit par y arriver.

M. Claude Birraux. Si je comprends bien, l’audition qu’on a faite, pour un certain nombre de gens récalcitrants, c’était shame shame shame.

M. Dominique Vernay. Excusez mon franc parler, je pense que ce qui va se passer, c’est la disparition des PRES. La Fondation de coopération scientifique sera ensuite remplacée par un autre objet. C’est au moment de notre oral qu’on présentera cela, mais en fait, on sait qu’on va passer à un établissement public de coopération scientifique, une structure plus solide qu’une fondation. Pour l’instant, c’est cela qui porte le projet, alors que jusqu'alors, on avait trois ensembles qui étaient censés fédérer : la Fondation de coopération scientifique et deux PRES.

Sur le même territoire, avoir trois organismes fédérateurs, c’est trop. Clairement, le choix qui a été fait, c’est de n’avoir plus qu’un seul organe fédérateur. Cela signifie qu’il faut redonner aux PRES, qui préexistaient, de nouvelles vocations. À mon sens, leur vocation est plutôt d’organiser de la collaboration entre le plateau de Saclay et les universités, celles de Paris intramuros d’un côté, et puis Evry et autres. On ne peut pas vivre sans relations renforcées avec notre territoire, et ce sera le rôle des PRES.

M. Pierre Veltz. Moi aussi j’ai mon franc parler. Je suis surpris, M. le Président, de la façon dont vous avez reçu cette réunion, parce que moi qui suis à la fois dedans et dehors — je ne suis pas comme Dominique, aux manettes de la partie scientifique, mais je fais partie du Conseil d’administration de la fondation, nous travaillons au quotidien ensemble —, je peux vous dire, avec toute la sincérité et la force dont je suis capable, que l’ambiance est excellente, contrairement à ce qu’on raconte. Je suis navré, et nous sommes tous navrés de lire dans la presse que Saclay, ça ne va pas, etc. Moi, je peux vous garantir que l’ambiance de coopération est excellente, et que depuis cinq six ans, on a fait des progrès absolument spectaculaires. C’est formidable de penser que des grandes écoles aussi prestigieuses que Polytechnique, Centrale, Supélec, etc., acceptent de rentrer dans un ensemble unique, fédéré, qui va s’appeler l’Université de Paris-Saclay. Pardon d’être un peu emphatique, mais de ce point de vue-là, cela va représenter, je pense, un moment un peu historique dans l’évolution de l’enseignement supérieur en France. Alors ça ne va pas sans quelques remous bien sûr. D’anciens élèves de telle ou telle école peuvent estimer qu’on va trop vite. Mais enfin, ce ne sont pas les anciens élèves des écoles qui font la politique.

OPÉRATION CAMPUS (UNIVERSITÉ DE LYON)

M. Jean-Michel Jolion, chef de projet Lyon Cité Campus et chargé des grands projets à l’Université de Lyon. Je pourrais vraiment m’inscrire dans la continuité. Je vais vous parler d’un site où il n'y a qu’un seul PRES, qui s’est retrouvé en situation d’être le fédérateur de l’ensemble des opérations.

Pour rappel, l’Université de Lyon est le PRES de l’Académie de Lyon. Il est très récent, comme tous les PRES, il n’a que quatre ans d’existence. C’est un établissement de coopération scientifique, et j’insiste là-dessus, il a été fait pour porter des projets collectifs. L’histoire a fait que les appels d’offres où l’on pouvait déposer des projets collectifs sont arrivés. Il regroupe 18 établissements, 130 000 étudiants, dont un peu plus de 5000 doctorants.

Le premier projet est l’opération Campus. En février 2008, un appel d’offres lancé par le MESR visait à réhabiliter le patrimoine universitaire, avec un budget global de 5 Milliards € de capital, changement fondamental de financement du milieu de l’enseignement supérieur, et une annonce d’une dizaine de sites pouvant potentiellement être retenus. Il s’agissait de réhabiliter le patrimoine au profit de projets ambitieux aux niveaux scientifique et pédagogique. Cela, c’était le cahier des charges.

Dans la foulée, la première décision fondamentale qui a été prise sur le site de Lyon, a été de dire qu’il n’y aurait qu’un seul projet. Pas question de laisser les universités et les écoles continuer à proposer chacun leurs petits projets. La logique a été immédiate. Il a été décidé que le PRES, en l'occurrence son délégué général, et donc moi-même, devenait le chef de projet du projet collectif qui s’est appelé Lyon Cité Campus en février 2008. Nous avions quatre mois d’existence, puisque, officiellement, on a été réellement mis en œuvre en septembre 2007.

Fin mai, notre projet a été parmi les six premiers retenus, on a passé les différentes étapes jusqu'au mois de novembre, où l’on a eu, en même temps que l’aval définitif de l’Etat, l’accord des collectivités principales sur le site de Lyon, à savoir la Région Rhône-Alpes, la Communauté urbaine Grand Lyon et le Conseil général, soit un accord de financement à hauteur de 150 Millions € pour les trois collectivités.

En janvier 2009, le projet a été définitivement validé par l’Etat, avec une annonce le 16 janvier d’une dotation en capital de 575 Milllions €, un capital non consommable, avec un taux d’intérêt de 4,25%, c'est-à-dire que notre disponibilité financière était d’un peu plus de 24 Milllions € par an. Nous avons été le premier site qui a connu la dotation.

À partir de cette dotation et de l’engagement des collectivités, l’ensemble des établissements, collectivement, ont défini les priorités. Pendant un an, on a fonctionné dans un dispositif très collectif. Pourquoi l’a-t-on fait aussi facilement ? Depuis plusieurs années, on travaillait avec le Grand Lyon à l’élaboration d’un schéma de développement universitaire global sur la métropole lyonnaise, qui s’insert dans le Schéma de cohérence territoriale (SCOT). Donc c’est un document officiel qui définit pour les vingt ans à venir le développement de l’université sur la métropole lyonnaise.

Deux campus, ou deux sites, sont impactés : au nord de la métropole, un campus périurbain Lyon tech-La Doua, et le campus Charles Mérieux complètement intégré dans la ville. [Slide 6] Cela représente 350 000 m2 de réhabilitation et 133 000 m2 de construction quasi exclusivement consacrés à la vie étudiante, c'est-à-dire le logement, parce que notre métropole est très en retard sur le logement, et bien sûr ce qui va avec, la restauration et les équipements sportifs.

Le budget de 575 Milllions € a eu finalement un taux d’intérêt de 4,02% et non pas 4,25% comme on nous l’avait annoncé au départ. On a donc perdu à peu près 1,5 Milllions € par an sur 25 ans dans le cadre d’un partenariat public-privé. 3 résidences étudiantes ont disparu. En termes de chambres étudiantes, j’ai perdu 200 chambres minimum.

Par contre, les collectivités ont maintenu leurs engagements. Cela concerne directement 8 établissements du site : les trois universités, Science Po Lyon, l’École Normale Supérieure de Lyon, l’INSA de Lyon, l’Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique, et Vet Agro Sup qui est le nouveau nom que s’est donné l’École vétérinaire de Lyon.

Première complexité, les principes de financement : le partenariat public-privé imposé par l’Etat sur sa dotation, et sur le site de Lyon, on nous a demandé de tester le montage innovant, alternative au partenariat public-privé, proposé par la Caisse des Dépôts. L’Etat a priorisé ses financements sur les réhabilitations du patrimoine. Pas de mètre carré supplémentaire, mais réhabiliter le patrimoine existant, ce qu’on a tout à fait suivi.

Par contre, les collectivités ont refusé de rentrer dans le partenariat public-privé. Pour elles, les opérations devaient se faire obligatoirement dans ce qu’on appelle la loi MOP, c'est-à-dire le montages en maîtrise d’œuvre publique, classique dans le cadre des contrats de projets Etat-Région. Chaque collectivité avait des priorités spécifiques : le développement autour de la thématique Chimie pour le Conseil général, le logement étudiant et un peu d’économique pour la Région, le développement économique pour le Grand Lyon.

Entre temps, comme les opérations prenaient du temps, l’Etat a accepté de consacrer une partie des intérêts de la dotation des fameux 5 Millliards € à des opérations qu’on pouvait engager tout de suite. On a donc bénéficié de 23 Milllions € supplémentaires en 2011, un peu plus de 7 Milllions € en 2012, qui viennent s’ajouter au budget précédent, mais avec une contrainte. En effet, on apprend en janvier 2012 la liste des opérations que l’on peut financer sur 2012, mais qu’on doit lancer à partir de maintenant, marchés et travaux, et signer avant la fin de l’année. Si vous avez déjà traité des opérations immobilières, lancer des études et obtenir les marchés de travaux en moins de douze mois, si vous savez faire, vous viendrez nous expliquer à Lyon. On a donc quelques problèmes pour arriver à tourner avec ces opérations.

Le bilan pour cette opération Campus, c’est avant tout la génération d’une dynamique. C’est clair, cela a été l’acte fondateur du PRES, parce que le projet a été retenu, les établissements travaillent réellement ensemble au sein de ce projet. Et pourtant, ni le patrimoine, ni la stratégie immobilière, ni l’aménagement n’avaient été prévus dans le décret quelques mois avant. Dieu merci, le PRES a su être réactif et s’est occupé de quelque chose pour lequel il n’avait pas été conçu.

Par contre, incontestablement, le montage est complexe, sûrement trop complexe. Sur le site de Lyon, avec les contraintes que je vous ai données, on en est à 36 opérations immobilières séparées, pour un total d’investissement de l’ordre de 450 Milllions €.

Et surtout, le cadrage financier est un peu ambigu. Vous l’avez vu, on est passé d’un intérêt à 4.25% à 4.02%. Pour cet intérêt à 4,02%, le texte officiel n’existe que depuis juillet 2010, deux ans et demi après le début de l’opération. Notre budget étant global, on a pu l’arrêter définitivement sur la liste d’opérations qu’on pouvait faire qu’en juillet 2010, et non pas en 2008, quand on nous a dit : oui, vous pouvez y aller.

Il y a aussi les intérêts intermédiaires. C’était potentiellement une bonne chose, car ils permettaient d’anticiper quelques opérations. Ce sont des opérations immobilières qui pour nous représentent 10 opérations supplémentaires, pour un total de 30 Milllions €. Mais une opération, indépendamment de son budget, cela demande un coût incompressible d’ingénierie et d’investissement humain. Cela a donc mis les équipes un peu sous l’eau, d’autant plus qu’on a encore des incertitudes sur ce que représente réellement notre taux d’intérêt sur notre capital sur une durée de 25 ans, puisqu’il ne tient pas compte de l’inflation ni de l’évolution des coûts de construction. Dans le jargon des financiers, quand vous perdez 250 points de base (de 4,25% à 4,02%), ça fait drôle sur les opérations. Malgré tout, on est très contents, parce qu’on est l’un des rares sites où l’on peut se permettre de se plaindre d’avoir à investir 450 Milllions €.

Le PAI est arrivé dans la foulée. Je ne sais pas si c’est parce que le projet Campus a été retenu, mais j’ai aussi été parachuté chef de projet sur les investissements d’avenir. L’avantage, c’est qu’on avait fait nos preuves. L’Université de Lyon a donc de nouveau été instaurée en ensemblier de tous les projets qui concernaient réellement l’enseignement supérieur, et puis comme interlocuteur naturel. [Slide 11] Vous voyez les différents projets : tous les appels d’offres IRT, et bien sûr l’IEED, où l’on est partenaire. Pour tout ce qui est laboratoire d’excellence, équipement d’excellence, c’est l’Université de Lyon qui a déposé les projets. Aucun établissement d’enseignement supérieur sur le site de Lyon Saint-Étienne n’a déposé de projet individuellement. Tout est passé par le PRES.

Et bien sûr, on est le porteur de l’Initiative d’Excellence, qui donnera de la cohérence — je peux reprendre mot à mot ce qui a été dit tout à l'heure — à ce qui est notre bilan actuel : un site qui s’est repositionné, grâce aux investissements d’avenir, autour de deux grandes thématiques. Les gommettes que vous voyez [Slide 12] représentent les 8 LabEx, 6 EquipEx, 2 IHU prometteurs, la cohorte, l’IRT, l’IEED, les instituts Carnot, etc. D’ores et déjà, plus de 30 projets sont validés, pour un budget acquis et validé de plus de 600 Milllions € de capital et 150 Milllions € de consomptible.

Comme nos collègues de Saclay, on a demandé 1,2 Millliards €. On espère être validés et on espère avoir plus de la moitié, pour que le projet soit réellement un vrai projet d’investissements d’avenir.

J’insiste sur le fait que cela a permis, avec cette notion de périmètre d’excellence, de restructurer le site sur son approche. Vous voyez que du côté des sciences et ingénierie du développement durable, on a notre partenaire qui est l’Institut en énergies décarbonées ; de l’autre côté, on a l’IRT ; on a des LabEx et des EquipEx des deux côtés. Tous les objets validés sont inscrits dans ce périmètre d’excellence. Il y a eu un très gros travail d’ensemblier.

Je vais donner juste deux exemples. « L’intelligence des mondes urbains », l’un des LabEx, ne s’est pas contenté de réunir deux UMR autour d’une micro-thématique. Ce LabEx a réuni plus de 20 disciplines autour d’un objet qui est la thématique de la ville et des mondes urbains. Très fortement soutenu par la collectivité Grand Lyon, c’est la naissance, grâce au LabEx, d’une nouvelle communauté. Il ne s’agit pas de détruire les UMR et les unités de recherche qui sont derrière. Il s’agit de permettre à une communauté de se créer, avec des thèmes de recherche partagés, très pluridisciplinaires, autour d’un objet.

Autre exemple, « Manutech » est une démarche intégrée d’un consortium qui relie à la fois la formation, la recherche, des entreprises, autour du concept de la manufacture du futur. Il se décline sur : un projet de LabEx d’ores et déjà validé ; un projet EquipEx validé ; un projet de formation innovante, toujours sous la bannière Manutech, en cours d’évaluation. Tout cela a été déposé par l’Université de Lyon. Cela ne veut pas dire qu’on est l’opérateur derrière, mais on est le porteur naturel de tous ces projets. Systématiquement derrière, comme pour Manutech, il y a énormément d’établissements et de chercheurs.

La dernière brique, c’est l’Initiative d’Excellence, la refonte du site universitaire. Ce n’est pas un problème d’universitaires, avec les universitaires, pour les universitaires. C’est un peu ça de temps en temps, mais c’est aussi un projet conçu, élaboré, en partenariat avec les organismes de recherche, CNRS et INSERM, les deux pôles de compétitivité mondiaux et à vocation mondiale que sont AXELERA et Lyonbiopôle, l’institut Carnot Ingénierie@Lyon, le CHU de Lyon, le Centre Léon Bérard qui est un centre de recherche sur le cancer. L’objectif est de donner une cohérence à ce site.

Pour l’instant, notre approche est très française. On a rajouté beaucoup de sigles, notre millefeuille commence à être très gros, il vient s’ajouter aux 3 CTRS, aux RTRA et aux x pôles de compétitivité. Je n’ai pas de glossaire, il prendrait plusieurs pages. C’est le mal français.

Avec l’Initiative d’Excellence, on espère avoir l’outil qui permettra de donner la cohérence à tout ce dispositif pour que ce périmètre d’excellence donne le maximum de sa capacité, mais surtout qu’il se régénère. Le périmètre d’excellence en 2011 ne sera pas le même qu’en 2020. Lyon, ce n’est plus seulement le textile et la chimie. Ce sera sûrement quelque chose d’autre dans 10, 15 à 20 ans. Cela se travaille en amont, même si cela n’empêche pas pour l’instant de miser sur le périmètre d’excellence actuel. On a le vote de tous les CA d’établissements. Cela passera par un établissement public de grande taille, et surtout très visible, qui réunira en son sein des universités, des écoles d’ingénieur, des écoles comme l’École nationale supérieure, qui relèvent à l’heure actuelle du public, du privé, et de cinq ministères différents. On ne rentrera sûrement pas dans les clous et le cadre législatif classique actuel. À nous d’inventer le statut d’une grande université à visibilité mondiale, sur le site d’une métropole Lyon Saint Etienne, qui représente bien plus de 2 millions d’habitants.

M. Claude Birraux. Ce que je vais vous dire va peut-être vous choquer, mais traduit d’une manière très triviale : quand on mange du caviar tous les jours, on peut parfois en contester la qualité. Je reconnais que c’était très trivial.

INSTITUTS HOSPITALO-UNIVERSITAIRES : (PROJET IMAGINE)

Professeur Alain Fischer, professeur des universités, praticien hospitalier à l’hôpital Necker- enfants malades, directeur de l’Institut des maladies génétiques "IMAGINE". On va changer d’échelle. Les projets d’instituts hospitalo-universitaires se situent sur des fractions de sites hospitalo-universitaires. Notre projet englobe en totalité 800 personnes, dont environ 500 équivalent temps plein.

Un mot d’histoire. Ensuite j’évoquerai notre projet et je me permettrai de faire une analyse de type caviar, c'est-à-dire de faire une analyse un peu critique, même si nous sommes relativement privilégiés. Pourquoi des IHU ? Au départ, en 2008, sous l’égide du Président de la République, il y a eu la mise en place de la Commission Marescaux qui a réfléchi sur la situation des centres hospitalo-universitaires, cinquante ans après la réforme portée par Robert Debré, qui a donné naissance aux CHU à travers l’élaboration de l’Ordonnance du 30 décembre 1958. Cela a été absolument essentiel au développement d’une médecine à temps plein à l’hôpital, d’une recherche à l’hôpital, et de la possibilité d’une innovation à l’hôpital.

Mais le constat partagé cinquante ans plus tard, c’est que, aussi bonne que fut cette réforme, elle est aujourd'hui dépassée. Les structures de recherche ont évolué, la médecine a évolué, les individus ne peuvent plus faire toutes les missions pour l’enseignement et la recherche, telles qu’elles étaient définies en 1958. Il est donc nécessaire de faire bouger les CHU.

Dans cette réflexion, une proposition a été faite, non sans intérêt, c’est celle des instituts hospitalo-universitaires. Sur des fragments de site, et sur une thématique donnée du monde médical, se développe un institut fondé sur une Fondation de coopération scientifique. Cet outil souple, partagé avec les autres établissements liés aux investissements d’avenir, permet de faire mieux, d’aller plus vite et d’intégrer les activités de recherche, de soins et d’enseignement, avec une volonté naturellement d’innover et de pouvoir valoriser les travaux de ces recherche.

Le point de départ évident de tout cela, c’est qu’aujourd'hui, l’innovation médicale dans le système hospitalo-universitaire, c'est-à-dire le système académique, c’est de pouvoir réunir sur le même site, autant que faire se peut, l’ensemble des forces et des talents nécessaires, d’avoir la masse critique nécessaire de cliniciens experts qui soient associés à des activités de recherche. Cette recherche est expérimentale et clinique, dans tel ou tel domaine de la médecine, les maladies génétiques dans notre contexte. Je dirai un mot rapide des cinq autres IHU créés en 2011.

Contrairement à ce qui était le cas en 1958, l’ensemble de ces activités de recherche nécessitent des plateformes, qui sont parfois aussi complexes que celles qu’on voit dans des instituts de recherche fondamentale. Par exemple, les animaleries deviennent assez complexes et lourdes. Nous avons tous un gros besoin d’un minimum de souris. Les structures de recherche clinique se sont sophistiquées à juste titre, et donc elles doivent être présentes sur ces sites. Et il faut une masse critique de gens qui savent faire tout cela, qui savent se parler, et qui ont, pour au moins un certain nombre d’entre eux, une double culture médicale et scientifique, de manière à ce que l’ensemble soit cohérent, et que l’on puisse, à partir de là, développer un cercle vertueux d’enrichissement mutuel entre la clinique et la recherche ; partir des malades, aller au laboratoire, revenir au malade, dans un dialogue incessant mené par beaucoup de personnes dans la mesure du possible.

L’appel d’offres sur les IHU a été vraiment fondé sur ce principe, laissant montrer, derrière cela, une capacité potentielle de développer des outils qui permettent aussi de former, de développer de nouvelles formations, y compris des métiers dans le domaine de la santé au sens large — je n’ai pas le temps d’aller dans le détail —, et puis d’être capable de valoriser, d’établir des partenariats avec des industriels, de créer éventuellement des petites entreprises, etc.

6 projets ont été retenus en France. 3 sont à Paris, dont 2 sont situés sur le campus de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, l’un dans le domaine des neurosciences, l’autre dans le domaine de la cardiologie et du métabolisme. Le troisième projet, c’est le nôtre, à l’hôpital Necker, sur les maladies génétiques. 3 projets son en région, l’un à Strasbourg autour de la chirurgie robotique, l’autre à Marseille autour de la microbiologie, et le troisième à Bordeaux autour de certains aspects de la cardiologie. Ces six instituts essaient de fonctionner, de débuter.

Pour ce qui nous concerne, nous existons légalement depuis trois mois, et nous avons reçu nos premiers financements il y a un mois. Pour vous donner un ordre de grandeur, à partir du budget consacré aux IHU dans le cadre des investissements d’avenir, en principe 150 Milllions € sont prévus pour chaque IHU, dont 80 Milllions € en capital non consomptible. En pratique, cela signifie pour nous, et c’est à peu près pareil pour les autres à quelques nuances près, que nous recevrons environ 64 Milllions € sur exactement 9 ans, en moyenne 6 à 7 Milllions € par an, pour développer des activités nouvelles qui s’ajoutent à celles qui sont les nôtres actuellement.

Dans notre bilan financier, si l’on intègre tout, nos activités de recherche et de soins du domaine de la recherche clinique et des enseignements associés, les bâtiments, les salaires, les activités, notre budget consolidé actuel est de l’ordre de 30 Milllions €. On va donc passer de 30 Milllions € à 36 Milllions € voire 37 Milllions € par an. Ce n’est pas une révolution, mais c’est significatif, dans la mesure où cet argent est plus souple d’emploi. En fonctionnant à travers une fondation de coopération scientifique, cela nous donne une rapidité d’intervention et de flexibilité très supérieure aux outils dont nous disposons classiquement dans le domaine de la recherche médicale.

Grâce à cela, nous essayons de développer des plateformes dont nous avons absolument besoin dans nos recherches. Pour nous, les plateformes, ce sont tous les outils de la recherche clinique, en partie en lien avec Serge Amselem qui va intervenir après moi sur des cohortes, comment mieux informer sur les données de cohortes de patients, en l'occurrence ceux qui sont atteints de maladies génétiques. C’est le domaine de la génomique, de la bioinformatique, et d’autres domaines. Ils permettent d’avoir tout le parcours, en essayant d’enlever tous les goulots d’étranglement à tous les stades du parcours, en partant des projets de recherche fondés sur des cohortes de patients, jusqu'au retour du malade, idéalement pour définir de nouveaux outils diagnostics, de nouveaux biomarqueurs et de nouvelles thérapeutiques. L’objectif, in fine, le plus important, est d’améliorer la santé des patients, et si possible, d’avoir une activité de développement économique à travers des partenariats qui sont en cours d’élaboration. Les choses ne sont pas totalement simples, mais certains se sont aujourd'hui établis.

Nous avons là un outil d’accélération potentiel. Il est encore trop tôt pour juger son efficacité. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il a été mobilisateur pour les équipes concernées, même si transitoirement, cela nous a fait beaucoup travailler, un peu trop. Cela a été mobilisateur, parce que, plus qu’avant, nous avons été amenés à réfléchir ensemble et à élaborer un projet permettant de partager tout ce dont nous avons besoin en commun. Il y a beaucoup d’éléments communs aux différentes équipes de recherche impliquées. Pour l’instant, il y a 250 chercheurs proprement dits. À terme, il y en aura entre 350 et 400. Et nous avons une chance dans notre chance. À côté du projet de financement de notre institut hospitalo-universitaire, nous avons bénéficié de financements, essentiellement à travers le contrat plan Etat – Région et d’autres aides, la Ville de Paris, les fondations, etc., nous donnant la possibilité de construire un bâtiment de recherche. Notre IHU va donc être construit dans ce bâtiment. Le double financement nous donne les moyens d’avancer de façon très privilégiée dans le contexte du milieu hospitalo-universitaire français. C’est une chance, un atout, et à nous de le faire fructifier.

Pour finir, je vais essayer de faire un bilan a priori. Aujourd'hui, on ne peut pas faire le bilan d’une activité, puisqu’elle n’a pas encore vraiment eu lieu. À mon sens, les 6 IHU qui ont été créés en France apportent un certain nombre d’avantages et d’intérêts. Ce sont des accélérateurs indiscutables pour mener des activités de recherche qui sont a priori, dans un domaine de la santé donné, globales. Et je pense qu’il est très important qu’on puisse avoir une couverture globale, qui parte du patient avec l’idée de retourner au patient, mais qu’entre les deux, puissent être menées les activités les plus pointues, et nécessaires, qui peuvent de temps en temps être absolument fondamentales dans un domaine, et découplées de la réflexion sur les patients eux-mêmes.

C’est également très important d’avoir la capacité de former de jeunes médecins, de jeunes chercheurs, d’attirer des médecins vers la recherche, de favoriser le fait même qu’il y ait plus de personnes dans le monde de la santé, qu’il y ait une double culture scientifique et médicale.

Enfin, c’est très important de favoriser les projets de valorisation en interne et en partenariat extérieur. Tout ceci est absolument positif. Je pense qu’avec le système de fondation de coopération scientifique, nous disposons d’un outil qui devrait permettre d’aller plus vite et mieux dans ce sens.

Sur ce point, mon opinion est donc absolument positive. Je suis à peu près convaincu que les 6 IHU français rempliront cette mission, qu’ils seront un accélérateur pour eux-mêmes, et que dans une certaine mesure, ils pourront irradier un peu, de par les formations de jeunes chercheurs, de jeunes médecins, d’infirmières et d’autres types de personnels impliqués dans la santé, qui pourront aller travailler ailleurs. C’est l’aspect positif.

Néanmoins, j’ai quelques critiques a priori. Vous pouvez considérer qu’elles ne sont pas justifiées, mais j’ai mon opinion sur ces IHU. Les limites, à mon avis, sont de trois ordres. Première limite, le périmètre de la recherche médicale et des centres hospitalo-universitaires, qui est couvert par les 6 IHU, représente à peu près 2% du potentiel français de la médecine universitaire et de la recherche médicale. Ce n’est pas négligeable, mais par définition il en reste 98%.

Il n’est évidemment pas imaginable d’avoir un système qui couvre globalement l’ensemble, mais il y a un hiatus, qui peut poser souci, d’autant que sur un plan pratique, presque humain, en termes de relations humaines dans l’organisation d’un IHU, si l’on prend notre hôpital par exemple, qui est privilégié dans le système, l’IHU couvre à peu près un tiers du périmètre des structures cliniques et de recherche du campus de l'hôpital Necker- Enfants malades. Ce tiers bénéficie d’avantages, de moyens d’action, dont ne bénéficient pas les deux tiers restants, et il faut néanmoins vivre tous les jours avec ces deux tiers restants. Et nous avons besoin des deux tiers restants, pour des raisons d’activités de soins, de recherche et d’enseignement. Inversement, ils ont besoin de nous aussi. On va dire les choses sous forme de litote, il faut un minimum de doigté pour dire que ça passe, et que les gens ne se considèrent pas dans un système à deux divisions. Dans la première division, quand vous êtes dedans, tout va bien, quand vous êtes dehors, vous êtes en souci, et éventuellement vous rejetez le système. On y arrive, mais ce n’est pas facile.

Ce qui est vrai en interne peut également l’être à l’échelle nationale. C’est un souci qui doit amener réflexion, même s’il ne s’agit pas de saupoudrer les moyens ou d’imaginer qu’on a des moyens illimités. Néanmoins, cette question se pose.

Ma deuxième remarque porte sur l’équation économique. C’est un pari, mais un pari audacieux. Le financement de l’IHU sera achevé au bout de neuf ans. Les délais ont été un peu réduits, mais peu importe. À ce moment-là, nous perdrons le financement récurrent, qui pour l’instant est de l’ordre en moyenne de 6 à 7 Milllions € par an. L’idée, c’est qu’à terme on puisse espérer qu’il existe toujours une structure qui fonctionne éventuellement très bien, et qui soit extrêmement performante dans les missions qui sont les nôtres, et pareil pour les 5 autres IHU. L’équation économique, le pari, c’est qu’entre temps, on arrive à développer des activités, soit par la valorisation, soit par le mécénat, soit par toute autre source, des contrats de recherche ou d’autres types de contrats supplémentaires, qui permettent progressivement de se substituer à ce financement, et de perdurer. Notre hypothèse, c’est qu’on devrait avoir quelques revenus supplémentaires dès l’année 2, 3, et que donc, grosso modo en 2020, nous soyons capables de générer, par nos activités au sens large, de l’ordre de 8 à 9 Milllions €, pour tenir la route et que cet IHU ne périclite pas. C’est pareil pour les 5 autres IHU. Ce n’est pas déraisonnable, mais c’est un pari risqué. Cela n’aurait aucun sens d’essayer de chiffrer la probabilité de réussite, mais ce n’est pas évident.

Si l’on regarde à l’étranger le modèle économique de structures équivalentes dans le monde hospitalo-universitaire, y compris les plus brillantes, les meilleures universités américaines, Stanford University, etc., ou chez nos collègues européens, il n'y en a pas beaucoup qui vivent dans des conditions de ce type. Mais l’avantage est là.

Dernier point, peut-être le plus important, c’est la flexibilité. L’intérêt de cet IHU est d’avoir mis autour de la table tous nos partenaires. Les partenaires principaux sont l’administration des hôpitaux publics — pour nous, c’est l’AP-HP à Paris —, l’université — Pour nous, l’Université Paris-Descartes — , les organismes de recherche — pour nous, essentiellement l’INSERM et un tout petit peu le CNRS. Ces partenaires siègent au Conseil d’administration de la fondation, on discute avec eux régulièrement, mais ils restent nos partenaires. Ils ne sont pas fusionnés, intégrés en une seule structure.

Dans la vie au quotidien, il y a quelques difficultés à faire fonctionner ensemble des partenaires autour de l’organisation des soins, de la recherche et de l’enseignement. En théorie, ils ont la même vision, mais dans la pratique, pas toujours. Leurs objectifs peuvent être un peu divergents, ne serait-ce qu’en raison des contraintes économiques auxquelles ils sont confrontés. Même s’ils sont avec nous, même si l’on discute avec eux, ils sont quand même à côté de nous. Cela veut dire qu’on va devoir continuer régulièrement à devoir négocier avec eux toute une série de choses. On n’est pas dans une structure intégrée. On a rapproché les organisations, les entités, celles qui, en France, dans ce contexte, gèrent des soins, et des soins innovants, de l’enseignement médical et scientifique dans le domaine des sciences de la vie, et éventuellement un peu dans le domaine des sciences sociales aussi, et celles qui s’occupent de recherche dans ces différents domaines. Mais il sont à côté, et il faudra discuter, et je dirais négocier avec eux.

On reste donc dans un système à briques, plus ou moins bien imbriquées. Le millefeuille français a déjà été évoqué tout à l'heure. Ce n’est pas exclu qu’on puisse sortir de là. Il suffit de franchir les frontières et d’aller voir nos voisins, des gens pas très loin de chez nous, qui ont réussi, à mon avis, à mettre en place un système absolument remarquable de centres hospitalo-universitaires, non pas avec une vision de 1958, mais avec une vision de 2011 et pour le futur. Ce sont les Pays-Bas.

Si je peux me permettre de vous faire une suggestion, ce serait de faire une mission pour aller voir ce qui se passe dans les centres hospitalo-universitaires des Pays-Bas. À la fois financièrement et en termes de gouvernance, Ils ont complètement intégré les activités de soins, de recherche et d’enseignement. Ce n’est pas une petite affaire. Il y a 8 grands CHU aux Pays-Bas. Rapportés à l’échelle de la France en nombre d’habitants, cela correspondrait à 32, ce qui est à peu près le nombre de CHU en France. Nous ne sommes donc pas dans une vision très différente en termes de nombre. Mais si l’on envisage tous les critères, leurs 8 CHU travaillent en moyenne remarquablement bien, aux plans de la qualité des soins, y compris l’organisation des réseaux de soins, de la recherche, de l’enseignement, de l’innovation. Ils ont un stock de création d’entreprises et de valorisation qui est très appréciable. Et tout ceci, pas forcément avec des coûts globaux supérieurs aux nôtres. Je pense qu’ils ont réussi à monter une organisation et une gouvernance remarquables que nous n’avons pas en France. Les IHU sont une étape. À mon avis, c’est un progrès, mais on est loin du compte.

Je m’arrête là. J’ai fait un peu de critique de caviar...

M. Claude Birraux. Écoutez, c’était pour vous réveiller un peu. Je suis admiratif du travail que vous faites les uns et les autres. C’est quelque chose de tout à fait extraordinaire, toute cette énergie que vous consacrez les uns et les autres à faire bouger les choses.

Je ne suis pas allé aux Pays-Bas, mais nous sommes allés en Belgique. L’exemple de Leuven et de Louvain-la-Neuve doit être assez proche. En tout cas, Leuven a un système totalement intégré du point de vue de la recherche, des essais cliniques, des soins, et ensuite, du suivi des patients. On est à peu près dans la même configuration.

Professeur Alain Fischer. Au sens propre, vous êtes dans la bonne direction, puisque c’est sur le chemin des Pays-Bas. Je connais aussi l’exemple de Liège. Il y a des choses aux deux endroits. Mais ils ne sont pas allés aussi loin que les Néerlandais.

COHORTES (PROJET RADICO)

Professeur Serge Amselem, professeur des universités, praticien hospitalier à l’hôpital Armand Trousseau, chef du projet RADICO. Nous allons nous aussi changer d’échelle avec ce projet de cohortes de maladies rares qui a été retenu dans le cadre des investissements d’avenir.

Dans les grandes lignes, cet appel à projets visait à doter la France de grands instruments épidémiologiques, pour comprendre les déterminants de la santé, optimiser la prise en charge des patients, avec l’objectif de répondre à de grands défis de santé et de s’inscrire dans les stratégies des alliances nationales de recherche, notamment Aviesan, l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé. L’objectif est de participer à la constitution de grands instruments de recherche, tout en fédérant un certain nombre de partenaires publics, privés pour, in fine, améliorer la prise en charge des patients, voire la prévention de ces maladies.

Qu’appelle-t-on une cohorte ? Il s’agit du suivi d’un groupe de patients partageant un certain nombre de caractéristiques et de facteurs d’exposition susceptibles de modifier le risque de survenue de phénomènes de santé divers. Ces facteurs d’exposition sont environnementaux —ils comprennent aussi la prise de médicaments— ou génétiques. Il existe différents types de cohortes ; je passerai rapidement pour mentionner les dix cohortes qui ont été financées dans le cadre des investissements d’avenir. [Slide 4] Vous noterez l’hétérogénéité des thématiques d’une part, mais aussi l’envergure de ces programmes. Certains concernent l’établissement ou la consolidation de cohortes consacrées à une maladie particulière, une pathologie particulière : cancer du sein, sclérose en plaque, etc.

Parmi ces cohortes, la cohorte RADICO, acronyme de Rare Disease Cohorts, a pour objectif de consolider des cohortes existantes et de générer de nouvelles cohortes de patients atteints de maladies rares.

Je vous rappelle le contexte particulier des maladies rares, qui constituent un enjeu de santé publique. On décrit plus de 7 000 maladies rares ; elles concernent 1 individu sur 20 à 25 en population générale. Il s’agit donc un véritable problème de santé publique, ce d’autant que nombre de ces maladies est responsable de lourds handicaps (morbidité) et d’une mortalité élevée.

La France a une position très privilégiée dans le domaine. Il faut souligner les efforts qui ont été faits au cours des précédentes années à la fois sur la prise en charge de ces patients et sur l’investissement en recherche. Cette position est du reste largement reconnue à l’échelon international (européen ou même mondial). Parmi les dates et évènements clés [Slide 6], citons le premier plan national de maladies rares 2005-2008 qui a permis de reconnaître l’expertise clinique de plusieurs équipes et donc de labelliser un plusieurs centres de référence pour ces maladies. Aujourd'hui on dénombre 131 CRMR (Centres de référence maladies rares), auxquels sont affiliés 501 centres de compétences répartis sur l’ensemble du territoire. La mise en place du deuxième plan national de maladies rares débute cette année.

Le projet RADICO s’appuie sur un réseau clinique national, avec l’ensemble des 131 CRMR et des 501 centres de compétences. Dans le cadre du premier plan, il a été défini un certain nombre de filières, de groupes de pathologies, qui sont d’ailleurs actuellement revues dans le cadre du deuxième plan national maladies rares. [Slide 7] C’est sur cette expertise clinique, adossée à un grand nombre de laboratoire de diagnostic moléculaire, que va s’appuyer le projet RADICO.

L’objectif général de ce projet est d’améliorer la prise en charge des patients et des familles atteints de maladies rares. Plus spécifiquement, il s’agit de décrire très finement le phénotype des patients, c'est-à-dire la maladie qu’ils présentent. Aujourd'hui, nous parlons en fait de « phénomique », c'est-à-dire d’un phénotype étendu, comprenant non seulement le phénotype clinique, mais aussi l’imagerie, la biologie, avec toutes les avancées récemment acquises dans le domaine des « omics » (résultats de l’analyse globale du génome, des transcrits, des protéines, de voies métaboliques, et d’autres données biologiques). Il s’agit aussi d’établir des corrélations entre le phénotype et le génotype, c'est-à-dire les variations de séquence de l’ADN qu’il est possible d’identifier dans nos gènes. À plus long terme, nous avons deux autres objectifs tout aussi importants, qui sont de progresser dans la connaissance des mécanismes à l’origine de ces maladies, pour, in fine, valider ou découvrir de nouvelles pistes thérapeutiques.

Nous sommes d’autant plus conscients du caractère ambitieux de ces objectifs que nous sommes confrontés à d’importantes difficultés. D’une part, comme je viens de le rappeler, on dénombre aujourd’hui environ 7000 maladies rares, et là je rebondis sur ce que vient de dire le professeur Alain Fischer : il est clair qu’aujourd'hui, compte tenu des moyens actuellement disponibles, nous ne pourrons pas établir des cohortes pour l’ensemble de ces maladies. Nous devrons faire un choix. C’est une limite majeure à ce projet.

Deuxième difficulté : ces maladies sont extrêmement hétérogènes aux plans cliniques et génétiques, contrairement à un grand nombre d’autres maladies. Le schéma classique selon lequel les mutations d’un gène sont responsables d’une maladie est encore vrai, mais représente en fait l’exception qui confirme la règle. Nous savons que les mutations d’un même gène chez différents individus peuvent être à l’origine de symptômes différents, de sévérité variable, voire dans certaines situations ne donner aucun symptôme. Il peut arriver que des mutations d’un même gène soient responsables de maladies différentes. La situation la plus classique est en fait celle dans laquelle des mutations dans différents gènes sont responsables de la même maladie. Sur cette diapositive, j’ai pris l’exemple de 3 gènes différents dont les mutations conduisent à la même affection [Slide 9], mais le nombre de gènes impliqués peut être très supérieur. Il existe aussi des situations plus exceptionnelles, probablement parce que nous les connaissons encore très mal, dans lesquelles la mutation d’un gène A, associée à la mutation d’un gène B, voire d’un troisième gène, sont nécessaires pour la survenue d’une maladie.

Il faudra tenir compte de ces difficultés pour établir ces cohortes et des corrélations entre le phénotype et le génotype, ce d’autant que les maladies rares nécessitent une approche pluridisciplinaire, car elles touchent en général plusieurs organes, contrairement à d’autres pathologies que nous avons très rapidement citées plus haut.

D’autres difficultés sont liées aux moyens actuellement disponibles de la communauté maladies rares. En France, nous avons la chance d’avoir de très nombreuses équipes qui travaillent sur ces maladies. Cependant, ces équipes sont dispersées et, pour celles qui communiquent encore peu entre elles, il faudra favoriser les contacts et les rapprochements. Parmi les acteurs de la communauté maladies rares, on compte les acteurs de soins, ceux de la recherche, et les associations de patients qui jouent un rôle très important dans ce domaine.

Une autre difficulté majeure pour laquelle, aujourd'hui, nous, cliniciens ou chercheurs, n’avons pas de prise, est liée à l’hétérogénéité des moyens alloués aux maladies rares. Selon les maladies rares, les moyens alloués sont très différents ; aussi, pour une maladie donnée et pour une région donnée, les chances de bénéficier d’une prise en charge optimale sont très inégales. En revanche, un point important sur lequel nous pouvons agir est l’hétérogénéité des systèmes d’information. C’est là le cœur du projet RADICO. Établir une cohorte, c’est à dire suivre des patients au fil du temps, de façon prospective, nécessite de recueillir une somme d’informations diverses. Les systèmes d’information sont la clé du recueil d’information d’une part, de la communication entre les différents partenaires qui participent au projet d’autre part.

Les acteurs du programme RADICO sont les centres de référence, les centres de compétence, les associations de patients. Par ailleurs, 54 laboratoires de diagnostic moléculaire ont aujourd’hui adhéré à ce projet ; répartis sur l’ensemble du territoire, ce sont des laboratoires très spécialisés, impliqués dans le diagnostic d’une ou plus souvent plusieurs maladies rares. Ce sont également des centres de ressources biologiques (CRB), des laboratoires de recherche, un certain nombre de registres de maladies rares. Tous ces partenaires, tous ces acteurs, ont des programmes de recherche en cours. 49 sont financés par l’ANR, 158 par le PHRC. Nous avons dénombré 227 essais cliniques, dont 106 académiques et 121 industriels.

Le programme RADICO vise à leur offrir une plateforme commune de ressources pour organiser le recueil prospectif et longitudinal des données phénotypiques, pour lier ces différentes bases de données cliniques, d’imagerie, et biologiques, pour in fine stimuler la recherche dans le domaine des maladies rares. Un des objectifs spécifiques est aussi d’établir des cellules iPS, c'est-à-dire des lignées pluripotentes induites, à partir de cellules somatiques de patients ; ces lignées permettent d’une part d’aborder les mécanismes physiopathologiques à l’origine de ces maladies, et d’autre part, en lien avec les industriels, de développer de nouvelles pistes thérapeutiques. La gouvernance du programme RADICO est schématisée ici [Slide 13]. Il s’agit d’un programme du Grand Emprunt, lancé par le ministère de la recherche, dont le gestionnaire est aujourd'hui l’INSERM. Nous espérons pouvoir bientôt transférer la gestion de ce projet à la Fondation de coopération scientifique Maladies rares, qui devrait voir le jour d’ici quelques semaines, et ce pour certaines des raisons évoquées précédemment, c'est-à-dire cette souplesse, cette flexibilité de gestion, absolument indispensable dans le domaine de la recherche.

Le programme RADICO s’articule avec un autre programme intitulé BAMARA (Base de données Maladies rares), dont l’objectif est différent. Il s’agit pour BAMARA d’un objectif de santé publique, qui concerne cette fois-ci l’ensemble des maladies rares, et l’ensemble de patients atteints de maladies rares sur le territoire. Le programme épidémiologique BAMARA visera à recueillir un set minimal de données pour l’ensemble des maladies. Il intéresse nos tutelles, les médecins et un certain nombre de partenaires, dont des industriels qui sont susceptibles d’investir dans la recherche thérapeutique. [Slide 15] À gauche, cette pile colorée représente les centres de référence, numérotés de 1 à 131 et classés selon leur filière d’appartenance. Pour l’ensemble des patients suivis dans ces centres de référence, nous avons le projet, dans le cadre du projet BAMARA, d’établir ce set minimal de données. Certaines pathologies suivies dans telle ou telle filière seront alors choisies pour établir des cohortes sur un suivi longitudinal, mais extensif en termes de recueil de données phénotypiques.

Les acteurs du projet RADICO sont les mêmes que ceux du projet BAMARA. Nous avons donc décidé avec le professeur Paul Landais, responsable du projet BAMARA, de mutualiser les ressources qui ont été attribuées sur ces deux programmes, l’un dans le cadre du Grand Emprunt, l’autre dans le cadre du deuxième plan national maladies rares, avec des fonds gérés par la DGOS qui ont été transférés à l’AP-HP. Nous mutualiserons également les systèmes d’information, car ils représentent la clé, le cœur, des deux programmes. A cet égard, nous discutons aussi avec Alain Fischer des interactions possibles entre RADICO et le volet Cohortes du programme IMAGINE.

[Slide 15] Concernant les systèmes d’information, le maître mot est « interopérabilité », c'est-à-dire la possibilité de faire communiquer les bases de données existantes et mettre en place de nouveaux outils informatiques pour établir ces cohortes et lier le set minimal de données du projet BAMARA aux cohortes RADICO. Ces informations sont en lien avec le vaste corpus de connaissances qui existent déjà dans le domaine des maladies rares. De nombreuses bases de données sont disponibles pour la communauté scientifique. Nous allons les utiliser, mais aussi espérons contribuer à l’acquisition de nouvelles connaissances dans ce domaine.

Quel est le calendrier ? Nous avons débuté le recueil des besoins pour le projet BAMARA. Nous débutons le programme RADICO avec le même calendrier que celui qui vous a été présenté pour l’IHU IMAGINE. Une convention a été signée, il y a deux-trois mois, entre l’ANR et le coordinateur qui est aujourd'hui l’INSERM. Les financements sont disponibles depuis quelques jours. Une équipe est en cours de recrutement pour mettre en place le système d’information commun à RADICO et BAMARA, appelé ISy-Rare (Information system pour les maladies rares).

Enfin, travailler uniquement à l’échelle de la France dans le domaine des maladies rares, n’a pas de sens aujourd'hui. Les perspectives sont donc de promouvoir ou d’intégrer des programmes de recherche internationaux, mais aussi de transférer les connaissances acquises dans le domaine des maladies rares aux maladies communes. Nous connaissons en effet plusieurs exemples où la recherche dans le domaine des maladies rares a eu un impact important pour la prise en charge de maladies communes. L’impact socio-économique est aujourd'hui très difficile à évaluer, mais nous espérons une amélioration diagnostique, une meilleure prise en charge des patients et de leur famille, et une valorisation industrielle de cette recherche académique.

Le nombre de partenaires officiels est relativement limité, au regard de l’ampleur de ce projet et du nombre de sites concernés en France. [Slide 20] Cela reflète les difficultés que nous avons aujourd'hui, difficultés liées à cette dispersion des structures, à l’implication de différentes tutelles, alors que nous partageons tous le même objectif. Les partenaires sont l’INSERM, quelques universités, le LEEM et sa branche Recherche.

Enfin, concernant la gouvernance de RADICO [Slide 21], nous nous sommes dotés d’un conseil scientifique, d’un comité consultatif institutionnel (avec les représentants de différentes structures, dont la DGOS), des structures associées comme la Fondation de coopération scientifique des maladies rares, ORPHANET, les associations de patients, et l’Institut des maladies génétiques dont nous avons déjà parlé.

INITIATIVES D’EXCELLENCE (PÔLE PARIS SCIENCES ET LETTRES)

M. Laurent Batsch, président de l’université Paris Dauphine. Je voudrais aborder trois sujets. Le premier, c’est de dire pourquoi je pense qu’à l’expérience des initiatives d’excellence, mais pas seulement, le PIA est une politique publique plutôt exemplaire. Sur le deuxième point, j’en veux pour preuve le succès de PSL, qui était un projet improbable, mais que la procédure des investissements d’avenir a permis de reconnaître. Le troisième point sera de dire quel est l’effet transformant de PSL, notamment sur ses propres structures.

Premièrement, c’est une politique publique efficace pour un certain nombre de raisons. Je ne veux pas tenir un discours général mais le ramener à notre propre expérience. Première raison, I’immatériel est reconnu comme un investissement, et il ne l’est pas du bout des lèvres, il l’est par un engagement financier massif, sans lequel tout le levier de l’énergie qui a été déployée ne se serait pas manifesté. Cela me paraît être un tournant culturel majeur dans la classe politique de notre pays.

La deuxième raison pour laquelle cette politique me semble louable, c’est qu’elle assume la différenciation du système, non pas pour instituer deux vitesses, mais tout simplement pour concentrer les moyens, et non pas les saupoudrer, là où il y a de l’excellence, et il y a de l’excellence partout. Par conséquent, puisque l’excellence niche partout, l’argent peut être concentré sur des points d’excellence partout. Cela me paraît un sujet essentiel quand on aborde l’IDEX. L’IDEX n’est pas le découpage en deux du système, c’est un élément d’un dispositif plus global.

Troisième raison, l'excellence est répartie sur un certain nombre d’objets. On vient d’en voir depuis le début de l’après-midi, mais ces objets sont eux-mêmes répartis sur des territoires. On ne peut pas dire que cette politique ignorerait l’aménagement du territoire. Simplement, elle induit des conséquences sur l’aménagement du territoire en partant non pas d’a priori sur l’équilibre des régions, mais en partant de ce sur quoi il doit partir, c'est-à-dire une logique de politique universitaire, puisque c’est cela le sujet.

Quatrième raison, me semble-t-il, l’Etat s’engage, mais ne se substitue pas aux acteurs. Contrairement à ce que j’ai pu entendre dire, ce n’est pas le énième plan calcul. L’Etat fixe un cahier des charges, c’est son rôle, et en même temps, il demande aux acteurs d’offrir des solutions et de convaincre. C’est, je crois, ce qu’ils ont fait.

Le cinquième point, ils l’ont fait d’autant plus que leurs projets ont été soumis à des jurys internationaux, et que le politique a respecté la décision des jurys internationaux. Là encore, c’est un changement culturel, sans doute chez les politiques, mais aussi chez mes propres collègues, dont un certain nombre ont mis un certain temps avant de comprendre que les règles du jeu avaient véritablement changé.

Sixième point, la procédure consistant à fixer des délais courts, effectivement épuisants, comme je l’entendais dire de la part du Pr Alain Fischer, mais en fixant en même temps des cessions de rattrapage, est une politique remarquablement efficace. J’en veux pour preuve les initiatives d’excellence. Nous avons eu une première vague extrêmement sélective : 17 candidats, 7 admissibles, 3 admis. Je soutiens que la sélectivité de cette première vague expliquera sans doute que la deuxième vague sera vraisemblablement très large, parce que les critères sévères mis en première vague sont des facteurs d’accélération considérables pour le succès de la deuxième vague.

Enfin, je pense que cette politique-là est efficace, parce qu’elle a reposé sur un Commissariat à la fois indépendant et fort, ouvert sur des problématiques public-privé, jusque dans la procédure par laquelle il a composé ses équipes.

À l’aune de l’expérience des initiatives d’excellence telle que nous l’avons vécue, nous avons eu le sentiment que sur ce chemin-là nous avons été conduits, par nous-mêmes, non pas manipulés, à aller jusqu'à un point où peut-être, sans doute, sûrement, nous n’avions pas pensé aller. Mais nous y allons avec d’autant plus de conviction que l’élaboration du trajet nous a été confiée. Nous n’y serions pas allés s’il n'y avait pas eu ce processus d’incitation que j’ai décrit à l’instant. Voilà pourquoi je voulais dire que cette politique est, à beaucoup d’égards, exemplaire.

Le deuxième point que je souhaite aborder, c’est PSL, qui d’un certain point de vue, est la preuve de l’efficacité du process qui a été mis en œuvre. Rassurez-vous, nous avons bon moral, mais nous n’étions ni souhaités, ni pronostiqués, et c’est un euphémisme, parce que nous cumulions un certain nombre de défauts qui se sont avérés être en réalité des atouts. Ces défauts, c’est d’avoir tout d’abord une université de 15 000 étudiants et pas 200 000. Ce n’est pas fashion. Le deuxième défaut, c’est d’être composé d’établissements qui sont tous sélectifs. Là encore, ce n’est pas très tendance. Le troisième défaut, c’est que nous avions délibérément écarté toute perspective de fusion, et grand bien nous en a pris. L’enjeu n’était pas pour nous organisationnel, administratif, politique ou de pouvoir, il était autre. Il était un enjeu de politique d’établissement scientifique. Quatrième point, permettez-moi de le dire, c’est que non seulement nous n’étions pas désirés ni pronostiqués, mais nous étions voués à aller ailleurs. Normale Sup’ avec Pierre et Marie Curie, Dauphine avec Nanterre, etc. Et quand je dis que nous étions voués, c’est que nous étions voués, ces projets alternatifs, si je puis dire, étaient portés à des niveaux de responsabilité significatifs. Et puis, enfin, je n’évoquerai pas le microcosme.

Pour toutes ces raisons-là, je peux dire que le projet PSL était improbable, et pourtant, il est sorti du chapeau. Alors pourquoi ? Tout simplement parce que les handicaps que je viens d’évoquer se sont révélés des atouts. D’abord, nous avions une même vision de notre mission. Si je dis l'excellence, cela fera un peu passe-partout. D’autres diraient sur un ton plus péjoratif que nous sommes élitaires, mais enfin, l’ensemble des établissements, y compris les écoles d’art, surtout les écoles d’art et de création qui nous ont rejoints, sont des établissements hautement académiques et hautement sélectifs.

La deuxième raison, c’est que, parce que nous avons cette vision partagée, parce que nous avons le même code génétique, au risque que les médecins me reprochent une erreur médicale, nous avons en tout cas la même culture. Il s’est instauré entre nous de la confiance. Dans un processus de rapprochement, la question de la confiance est clé. Il n'y avait aucun doute, et il n'y a aucun doute, sur la qualité du partenaire. J’ignore tout des Arts décoratifs, j’ignore tout des Beaux-Arts, mais je suis sûr que dans ces domaines, nos partenaires sont les meilleurs. Et donc c’est la confiance qui soude les relations.

Nous n’avons pas non plus considéré que les identités de nos établissements, leurs marques, étaient des obstacles vers un processus de rapprochement, et qu’au fond, l’avenir serait fait de leur dépérissement. Nous avons considéré que l’histoire, l’identité, la marque, la tradition de nos établissements étaient un atout, et qu’un projet qui commencerait par les raboter, ou les éliminer, ne pourrait pas être un projet de progrès par rapport à l’existant. Par conséquent, nous avons assumé le fait que nous étions dans une logique d’intégration, de dépassement, et non pas dans une logique d’effacement et de reniement.

Enfin, nous n’avions pas de conflits de frontières disciplinaires. Nous sommes fondamentalement complémentaires.

À partir de là, et je le dis vraiment en toute simplicité et modestie, la dynamique nous a surpris nous-mêmes, elle est allée plus vite que ce que nous pouvions escompter. Tout simplement parce qu’en réalité, n’ayant pas de conflits de frontières, n’ayant pas d’enjeux organisationnels, administratifs, politiques ou de pouvoir, toute notre attention pouvait être focalisée sur les projets communs et sur le contenu scientifique de recherche et de formation de Paris Sciences et Lettres.

La dernière raison pour laquelle nos handicaps se sont révélé être des atouts, elle est peut-être tactique, mais elle n’est pas négligeable, c’est que nous partageons les uns et les autres une culture du concours. Cela signifie en particulier qu’il faut respecter le jury. Le jury a toujours raison, même quand il a tort.

Le troisième point que je souhaite évoquer, c’est l’effet transformant de PSL, en partant de l’idée qu’au fond, tout ce processus très éprouvant, très exigeant, que nous avons assumé les uns et les autres, est en fait le point de départ de la construction d’un nouveau système et de nouvelles institutions. PSL Research University : nous avons une nouvelle université. Nous changeons de frontière. C’est une nouvelle aventure. Nous sommes entrés étudiants à Dauphine, nous sortons étudiants de PSL. C’est cela que nous expliquons à nos équipes.

Alors quels effets transformants ? Premièrement, l’enjeu, c’est de faire en sorte qu’il y ait dans le top 30 mondial des universités, deux, trois, peut-être plus, grandes universités françaises. Pas simplement pour la gloriole, mais parce que l’attractivité générale du système, de l’ensemble du système, y compris de ceux qui ne sont pas dans le top 30, peut-être encore plus de ceux qui n’y sont pas, dépendra du fait qu’il y ait, dans le championnat du monde, quelques champions français. C’est également vrai en sport. Il faut donc réaliser ce défi-là, et PSL a l’ambition d’être l’une de ces deux ou trois, peut-être quatre, universités françaises dans le top 30 mondial.

Deuxième enjeu, cela a été beaucoup dit, c’est évidemment le décloisonnement des grandes écoles et des universités. D’un certain point de vue, Dauphine, université sélective, préfigure cette évolution-là. Mais je voudrais dire que nous accordons à PSL la plus grande importance au développement du cycle undergraduate. Cela pourrait paraître paradoxal, dans un établissement PSL très focalisé sur les masters, sur la recherche. Nous avons 11 LabEx, 7 EquipEx, je dirais que nous n’avons pas de preuve à faire dans le domaine scientifique. Peut-être pour cette raison nous sentons-nous attendus sur le domaine de la formation, notamment sur le cycle undergraduate. Et c’est sur ce cycle-là que nous allons faire la démonstration de notre capacité à dépasser le cloisonnement entre la voie des classes préparatoires et celle des universités.

Troisièmement, nous avons dit une gouvernance forte. Je disais tout à l'heure que nous avons écarté la voie de la fusion. On peut fusionner et avoir une gouvernance faible et molle. On peut ne pas fusionner et avoir une gouvernance forte. Nous avons choisi une gouvernance forte, et je crois que dans les critères du jury lors de la première vague, cela a été absolument déterminant. À ce titre, les questions du jury étaient d’ailleurs extrêmement concrètes. Nous avons un Conseil d’administration paritaire : 11 représentants d’établissements, 11 extérieurs représentant le monde économique, le monde scientifique, mais ce sont vraiment des extérieurs indépendants et si possible internationaux.

Nous avons également choisi d’avoir une présidence indépendante des établissements. Il n'y a pas de direction tournante, de sorte que chacun ait une chance à son tour de défendre ses intérêts au cas où il serait menacé. Non, nous confions à une présidence indépendante la direction de l’institution. Elle peut être, et ce sera le cas, une ancienne directrice d’établissement, mais à partir de ce moment-là, elle démissionne de ses fonctions de chef d’établissement.

Enfin, nous avons choisi une règle de décision à la majorité simple. Cela signifie que nous ne dépendons pas de l’établissement d’un consensus. Nous avons des instances qui sont là pour aligner et pour fabriquer du consensus, mais quand il faut décider, c’est la majorité simple, ce n’est pas le consensus.

La gouvernance est donc forte, et c’est, évidemment, peut-être par rapport à l’expérience de nos établissements, une transformation importante qui aura des effets en retour. Nous allons délivrer des diplômes PSL, des licences PSL, des masters PSL, des doctorats PSL. Nous avons constitué des équipes PSL, autour des laboratoires d’excellence, mais aussi autour de futurs projets et d’instituts PSL. Nous allons recomposer nos structures, elles vont évoluer. D’ores et déjà, les écoles d’ingénieurs ont annoncé leur souhait de promouvoir une School of Engineering ; vraisemblablement, les écoles d’art vont promouvoir une School of Fine Arts ; et nous allons recomposer progressivement et doucement nos structures, en sorte qu’apparaissent nos points de force à l'intérieur du périmètre de PSL. Et enfin, naturellement, nous allons développer toutes les fonctions d’une nouvelle Research University : relations internationales, vie de campus, sport, logement étudiant, communication, etc.

M. Claude Birraux. Merci beaucoup. C’est extrêmement intéressant, surtout dans votre cas, de voir comment des domaines qui paraissaient éloignés, tout d’un coup, ont surmonté ce qui était peut-être la plus grande difficulté, c'est-à-dire leur appréhension de se parler et d’avoir des projets communs. Et c’est sûrement la clé de l’évolution de l’ensemble des systèmes.

ÉQUIPEMENTS D’EXCELLENCE (PROJET DIME-SHS)

M. Laurent Lesnard, directeur du Centre de données sociopolitiques à Sciences Po (CDSP). M. le Président, je vous remercie d’avoir choisi, avec vos collègues, le projet DIME-SHS pour représenter les équipements d’excellence. Généralement, quand on pense aux équipements d’excellence, on pense plutôt aux accélérateurs de particules, à des télescopes, mais assez peu souvent aux sciences humaines et sociales. Pourtant, nous avons de grands besoins d’équipements en SHS. J’espère que ma présentation contribuera à une meilleure connaissance de ces besoins.

C’est d’ailleurs le point de départ du projet DIME-SHS. Cela a été souligné dès 1999 dans le rapport Silberman : « la France manque cruellement d’infrastructures pour les données en SHS. Elle accuse un très grand retard. » Pas de structure académique pour mener des enquêtes par questionnaire, encore moins pour archiver et diffuser les enquêtes qualitatives. Les chercheurs ne peuvent pas produire autant d’études qu’ils le souhaiteraient. Par exemple, les élections 2012, qui vont être abondamment couvertes par des enquêtes d’opinion assez superficielles, ne vont pas pouvoir bénéficier des analyses très détaillées et sociologiques qu’on peut faire lorsqu’on en a les moyens en France.

Ce manque d’équipements se traduit mécaniquement par une expertise méthodologique moins avancée en SHS en France qu’en Amérique du Nord, où les équipement spécifiques, qu’on appelle des « survey research centers », ont été créés justement pour pallier ces problèmes.

Un autre élément de contexte indispensable pour comprendre le projet DIME-SHS, ce sont les effets d’internet sur les données en SHS. Ils sont de trois ordres : sur la collecte de données, avec le développement des enquêtes par Internet ; sur la diffusion des données, qualitatives par exemple, qui proposent une nouvelle façon d’accéder, d’explorer les données ; sur les données elles-mêmes. En créant de nouvelles données, Internet devient en tant que tel un nouveau champ d’investigation pour les SHS. Savez-vous que pour mesurer la progression géographique des épidémies de grippe aux Etats-Unis, l’analyse des requêtes de Google permet d’avoir des résultats beaucoup plus fiables et rapides que les réseaux classiques de veille sanitaire ?

Ce contexte explique le projet DIME-SHS, qui est inscrit dans le projet EquipEx que je vais résumer brièvement. Le projet Équipements d’excellence vise à doter la France d’équipements structurants de haut niveau, je cite, de valeur intermédiaire entre 1 et 20 Milllions €, qui ne peuvent pas être financés ni dans le cadre des actions budgétaires sur les très grands équipements, ni par les organismes et les établissements de recherche sur leurs budgets récurrents.

Nous avons saisi cet appel à projets pour tenter de rattraper le retard français en matière de données en SHS. En quelque sorte, DIME-SHS sera le premier « survey research center » en France, mais il s’en différencie. Dès sa conception, il intègre et tire profit des changements apportés par l’Internet pour trois grands types de données en SHS : données quantitatives, données qualitatives, données du Web.

Sciences Po porte ce projet pour le PRES Sorbonne Paris Cité, en partenariat avec 6 institutions : INED, Université Paris Descartes, le groupe des écoles nationales d’économie statistiques (GENES), le GIS réseau Quetelet, EDF R&D et Telecom ParisTech. Peut-être trouverez-vous surprenant que Sciences Po soit le porteur d’un équipement de ce genre en SHS. Mais il faut savoir que cela s’inscrit dans la continuité d’un renouveau et d’un développement très important de la politique scientifique à Sciences Po. DIME-SHS est le prolongement d’un axe prioritaire développé à Sciences Po qui portait le nom de « DIM » (Données, infrastructures, méthodes). Il y a donc une logique à tout cela.

L’équipement DIME-SHS se décline en trois instruments. C’est un instrument pour les données qualitatives, qui consiste à archiver, documenter et diffuser des données qualitatives. Il y a une dimension patrimoniale, mais aussi de réutilisation, qui permet, par exemple, de mener des comparaisons dans le temps, et donc de développer la recherche qualitative. Il s’agit aussi d’utiliser l’Internet pour donner des outils d’accès et d’exploration à ces données.

C’est un instrument pour les données du Web, qui permet de constituer des corpus, et aussi, d’avoir de nouveaux outils nécessaires pour analyser ces corpus.

Enfin, c’est un instrument pour les données quantitatives, qui prend la forme d’un panel Web mobile, dénommé ELIPSS. C’est l’étude longitudinale par Internet pour les sciences sociales, un dispositif d’enquête par Internet. Ce panel est bien plus que les panels proposés par les instituts de sondage classiques, que l’on connaît parfois sous le nom d’access panel, pour deux raisons fondamentales. Premièrement, contrairement à ces panels, ELIPSS sera représentatif de l’ensemble de la population française, puisqu’il inclut les personnes qui ne disposent pas d’un accès à Internet, ce qui représente toujours 30% de la population française en 2011. La deuxième raison, ELIPSS prend en compte une transformation récente et fondamentale d’Internet, qui est le développement de l’Internet mobile avec les smartphones et les tablettes.

Jusqu’en 2007, les téléphones les plus avancés reprenaient l’ergonomie et la philosophie des systèmes d’exploitation conçus pour des actions de bureau. L’iPhone, et tous les outils qui ont suivi, ont profondément transformé le rapport à l’informatique et à l’Internet, en les rendant intuitifs et faciles d’accès, avec le succès que l’on sait. Selon l’ARCEP, en 2011, 1 connexion Internet sur 4 provient d’un téléphone mobile, soit deux fois plus qu’en 2010.

ELIPSS, à terme, est un échantillon de 6000 Français, tirés par l’INSEE, représentatifs de l’ensemble de la population française. Nous allons prêter à ces panélistes une tablette 3G en échange de leur participation régulière à une enquête de 30 minutes par mois environ. Cette tablette va permettre de donner accès facilement à Internet pour l’ensemble des panélistes. Plus intuitive qu’un ordinateur, plus lisible qu’un smartphone, c’est un avantage considérable, notamment pour les personnes les plus âgées. La tablette offre plus de souplesse pour répondre aux enquêtes, on peut le faire où et quand on le souhaite. Enfin, elle devrait constituer une incitation pour entrer dans le panel et y rester. On attend de très bons taux de participation. Nous visons un taux de 60 %, qui est actuellement le meilleur taux de réponse de l’INSEE. Pour certaines enquêtes réalisées sur des access panel, ce taux ne dépasse pas 5%. De plus, ces 5% sont biaisés, car ce ne sont que des personnes qui ont Internet.

ELIPSS s’inspire de projets similaires aux Pays-Bas ou aux Etats-Unis, où les personnes qui ne disposent pas d’un accès Internet reçoivent un ordinateur simplifié et une connexion. Néanmoins, le recours à des tablettes et à des abonnements 3G fait de ce projet une première mondiale.

Depuis bientôt un an, nous avons commencé à mettre en place le projet. Nous avons une première version de l’application, qui permettra aux panélistes d’accéder aux enquêtes. Dès le début, on a pensé à quelque chose qui soit plus accessible avec des dispositifs tactiles.

ELIPSS n’est qu’un des trois instruments de DIM-SHS. Ils ont été conçus conjointement, et c’est l’une des originalités de ce projet. Plusieurs instruments pourront être mobilisés pour un même projet de recherche. Par exemple, au moment de déposer le projet, on avait imaginé qu’avec DIM-SHS, il soit possible d’interroger régulièrement les Français sur le H1N1 — quelle est leur position par rapport au vaccin ? Sont-ils vaccinés ou souhaitent-ils le faire ? — tout en menant sur le Web des analyses des polémiques sur cette question, à travers par exemple, des entretiens qualitatifs. Avec cet outil, on dispose de nouveaux moyens pour mener des recherches multi-méthodes sur des questions complexes.

Les services liés à la collecte de données seront accessibles après examen des projets par le comité scientifique. Cela veut dire que c’est vraiment un service qu’on va offrir aux chercheurs. Pour le panel ELIPSS, ce sont les chercheurs qui vont venir avec leurs projets de recherche. Ces projets seront évalués par un comité scientifique afin que les chercheurs puissent mener les recherches qu’ils souhaitent sur le panel, qu’elles soient répétées dans le temps, avec une dimension barométrique, ou qu’elles soient plus ponctuelles. Cela pourra couvrir des termes très variés, qui porteront aussi bien sur des pratiques culturelles que sur des sciences politiques.

Lors de la phase d’expérimentation, ces services ne seront accessibles qu’à des projets des équipes du consortium DIM-SHS. Une fois fiabilisés, ils seront ouverts plus largement, toujours à des fins scientifiques, en échange d’une participation aux frais de fonctionnement et d’amortissement.

Cette ouverture sera progressive pour trouver un modèle économique viable. L’une des contraintes des EquipEx, c’est de s’auto-financer à terme, de trouver un modèle économique, en faisant participer les utilisateurs de ces services aux frais de fonctionnement et d’amortissement.

Presque un an après la publication des résultats à l’appel à projets et le début de la mise en place de cet équipement, on peut tirer un premier bilan. En un peu plus de deux mois, durant l’été 2010, nous avons réussi à réunir un consortium de 7 institutions pour bâtir l’ambitieux projet que je viens de vous présenter très brièvement. Sa qualité scientifique a été reconnue, puisqu’il a été classé premier ex-aequo toutes disciplines confondues par le jury international. Le budget alloué par le CGI s’élève à 10,4 Milllions €. C’est beaucoup pour un SHS, cela a même surpris, mais c’est 40% inférieur à ce que nous demandions pour créer et développer les trois instruments de DIME-SHS.

Ce qui nous a un peu peinés, c’est que ces ajustements budgétaires ont été extrêmement peu motivés dans la recommandation du CGI : une demi-page. Je défends l’idée, et c’était d’ailleurs ma volonté en présentant DIME-SHS, que nous avons besoin d’équipements en SHS. La France a pris beaucoup de retard en la matière, ce qui pénalise, outre les chercheurs, son rôle européen dans la mise en place des infrastructures de recherche européennes, les fameuses ESFRI (European Strategy Forum on research Infrastructures). M. Patrice Bourdelais, qui faisait le bilan pour les EquipEx en SHS, mentionnait ce matin les difficultés pour des dispositifs comme ESS ou SHARE.

Les équipements scientifiques peuvent coûter cher, très cher, et cela est également vrai pour les SHS. Ils coûtent cher, mais ils sont indispensables pour les chercheurs et pour la compétitivité de la recherche française, et cela est également vrai pour les SHS. Il est vrai que ce projet n’aurait jamais pu voir le jour sans le programme des investissements d’avenir. Mais je tiens à souligner que ces réalisations ont été indiscutablement dues à l’engagement des équipes déjà en place et au soutien des institutions de consortium, en premier lieu de Sciences Po, qui fournit les moyens administratifs nécessaires à la mise en place d’un équipement.

J’ai la chance de diriger une équipe de très grande qualité et très motivée par ce projet. Il a à cœur de maintenir l’ambition initiale du projet, même si son ampleur a dû être réduite en fonction du budget accordé. En SHS, un équipement, c’est avant tout des femmes et des hommes. Il est certain que la réduction de moitié du nombre de recrutements prévus initialement fragilise le projet. On peut le déplorer, puisque la vocation des équipements d’excellence, c’est justement d’offrir un soutien à la communauté scientifique. Ces équipements ne peuvent le faire qu’à condition d’être eux-mêmes suffisamment solides.

M. Claude Birraux. Merci beaucoup pour cette présentation. Ce qui pour moi est réjouissant, c’est que les SHS soient présentes dans les investissements d’avenir. Vous savez, pour les SHS, c’est peut-être pas toujours facile, surtout d’essayer de trouver sa place dans quelque chose qui est totalement nouveau. Pour ma part, je suis absolument convaincu, puisque cela fait trois ans que j’ai demandé à tous mes collègues d’inclure dans leurs comités de pilotage pour leurs études des représentants des SHS, que véritablement les SHS doivent intervenir sur l’ensemble des disciplines. On a toujours besoin de cette mise en perspective de la société par rapport à la science plutôt dure.

Je me réjouis donc de cet effort considérable qui a été fait par les SHS, même si vous trouvez que c’est encore un peu difficile.

On pourrait peut-être demander à M. Richard Descoings, lui qui a assisté à une partie de l’audition, de commenter et d’apporter un complément.

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Questions-Réponses

M. Richard Descoings, directeur de Sciences Po. D’abord, comme les différents intervenants l’ont montré, l’effort est considérable. Ce n’est jamais assez, mais l’effort est considérable. Et deuxièmement, la mobilisation des universités et des universitaires, des grands organismes de recherche, des chercheurs, a été tout aussi considérable, et à la hauteur de ce qui était attendu par l’Etat, notamment par le CGI, comme Laurent Batsch l’a très bien souligné.

Le deuxième élément qui me frappe, c’est que, tout en ayant une ligne directrice qui était d’essayer d’encourager la recherche d’excellence partout où elle est, il s’agissait d’accepter la diversité des formes d’organisation et la diversité des institutions, de leurs traditions et de leurs cultures. Autrement dit, il y a à la fois le souci de transformation, parce que nous avons une fragmentation, cela a été dit tout à l'heure, et en même temps, il n'y a pas de prétention à changer en deux ou trois ans un paysage d’enseignement supérieur et de recherche qui a mis 200 ans à s’installer. Je pense que ce souci d’enclencher, d’inciter, de faire émerger les projets les plus forts, les plus passionnants pour un jury, et en même temps de respecter la diversité des différents acteurs, c’est un point essentiel.

Alors bien sûr, on est tous au stade des interrogations. Ceux qui ont déjà été lauréats et ceux qui cherchent à l’être prochainement ont nécessairement des interrogations. Elles sont saines. Premièrement, c’est de dire : est-ce que nous allons durer ? Tous ces projets sont à dix ans. Ce sont des projets de transformation sur de la très longue durée, comme toujours dans l’enseignement supérieur et la recherche. Et donc il sera essentiel, quels que soient les gouvernements et les majorités parlementaires, de continuer cet effort. Je crois que nous avons, toutes et tous, dans les domaines politique, économique, social, et bien sûr dans le nôtre, besoin de temps long. Nous avons besoin de continuité parce que, comme il a été très bien dit, aussi bien dans les sciences médicales que dans les sciences de l’ingénieur ou dans la transformation des institutions, on ne fait pas les choses en trois mois, on ne fait pas les choses en deux ou trois ans. Il faut du temps.

Dernière observation, la mise sous tension d’un secteur entier de notre activité a mis en mouvement les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche comme jamais je n’avais vu de mouvement aussi ample, Laurent Batsch l’a dit, dans des délais courts, mais avec des séances de rattrapage. Il n'y a jamais eu une telle mobilisation. Et c’est le dernier point d’interrogation. Oui, les acteurs se sont mobilisés, pas seulement des présidents d’universités, pas seulement des chefs d’établissements, mais d’une façon beaucoup plus profonde, avec les chercheurs pour les laboratoires d’excellence, pour les équipements scientifiques, pour les instituts hospitalo-universitaires. Il ne faut pas que cette mobilisation soit déçue. C’est le rôle à la fois des institutions et des pouvoirs publics de faire en sorte que dans la durée, la confiance qui a été mobilisée et qui, je crois, a accompagné tous ces projets, se poursuive. C’est comme cela que notre pays récupérera l’influence qu’il doit avoir dans le monde.

M. Claude Birraux. Et au sujet du long terme, si vous me permettez de compléter votre intervention, j’ajouterais des auditions telles que celle-ci, parce que c’est bien le Parlement, qui dans son rôle de contrôle, doit contrôler comment les fonds publics sont mis à disposition, comment ils sont utilisés. Et c’est peut-être encore le meilleur aiguillon sur le temps long. C’est vrai que le temps scientifique et le temps politique sont très différents. Le temps long en politique, vous le savez mieux que personne, c’est cinq ans. Le temps scientifique, c’est du temps beaucoup plus long. L’effort doit se poursuivre dans la durée.

La recherche française, pendant trop longtemps, a trop souffert de systèmes de stop and go. Veillons, et je le dis à ceux qui viendront après nous, à ce qu’il y ait continuité de l’effort.

Je passe la parole à Mme Lucette Vanlaecke, qui représente M. Hubert du Mesnil, président directeur général de RFF, président de la Fondation de coopération scientifique RAILENIUM.

INSTITUTS DE RECHERCHE TECHNOLOGIQUE (PROJET RAILENIUM)

Mme Lucette Vanlaecke, directrice régionale de Réseau Ferré de France (RFF). Je vous prie d’accepter les excuses du président Hubert du Mesnil, qui est pressenti pour présider la Fondation de coopération scientifique RAILENIUM. Je suis moi-même j’allais dire un ovni, puisque je ne suis pas issu du monde de la recherche. En tant que directrice régionale de Réseau Ferré de France en Nord Pas-de-Calais Picardie, je suis une opérationnelle, je dirais même une industrielle du service public. C’est pourquoi ma compagne Elisabeth Dupont-Kerlan représente le ministère de l’écologie et du développement durable dans l’équipe de préfiguration RAILENIUM.

Ce projet, lui aussi, est en lui-même un ovni, parce qu’il représente une industrie qu’on a peu l’habitude de voir dans la recherche, à savoir le ferroviaire. Nous en discutions tout à l'heure avec Mme Courtelier, on était inattendus dans le paysage.

Le contexte ferroviaire est évolutif, d’abord par l’organisation. Pendant longtemps, le système ferroviaire a été perçu comme un domaine peu innovant. D’une part, la nationalité des systèmes ferroviaires était fort prégnante dans la mesure où chaque système était propre à un pays. C’est l’arrivée de l’Europe qui a bousculé toute cette organisation, d’une part, par ses directives qui ont voulu la création de RFF, mais aussi par le travail commun que l’ensemble de l’infrastructure a dû mener et doit mener encore dans les années à venir, avec une dimension fortement européenne dans la recherche dans les systèmes ferroviaires.

Ensuite, les marchés ferroviaires sont en forte croissance, surtout à l’international. En ce qui concerne le ferroviaire, notamment en France, il s’agit maintenant de se mettre en ordre de marche pour être compétitif à l’international face à l’industrie ferroviaire chinoise par exemple, qui elle aussi est en forte croissance. C’est pourquoi dans l’appel à projets des IRT, rapidement s’est constitué un consortium d’industriels complètement sensibilisés à cette dimension d’innovation et de nécessité d’innovation.

Troisième point dans le contexte, c’est le territoire. Le territoire du Nord Pas-de-Calais est fortement favorable au ferroviaire. D’abord, historiquement, c’est un territoire cheminot. Il a vu naître le pôle de compétitivité I-TRANS, là aussi, assez naturellement, puisque c’est en Nord Pas-de-Calais que se situe la plus forte densité d’industrie ferroviaire en France. Pour reprendre les propos du président du Conseil régional, il s’agit maintenant de faire du Nord Pas-de-Calais le Toulouse du ferroviaire, en accentuant fortement cette dimension d’innovation, de formation et d’industrialisation, qui sont les trois piliers des pôles de compétitivité. Le pôle de compétitivité I-TRANS a donc été fortement moteur dans la réponse à l’appel à projets d’IRT.

Lorsque cet appel à projets est arrivé à maturation et qu’il s’est agi d’y répondre, c’était pour nous une continuité. Il répondait à un besoin que portait le pôle I-TRANS, mais aussi à un besoin identifié d’un centre d’essais qui était par nature européen. En effet, ses concurrents avaient été identifiés, l’un à Pueblo (Colorado), l’autre en Russie. Ce projet préexistait, mais il ne trouvait pas sa faisabilité ni tout à fait sa dimension. J’y reviendrai.

RAILENIUM s’est construit comme étant un nouveau projet d’infrastructure ferroviaire au sens large. On est bien sur un centre d’essais et sur un projet de recherche qui concerne uniquement l’infrastructure ferroviaire au sens large. Il va associer des programmes de recherche, des programmes de formation, et aussi, des équipements de recherche.

Dans le cadre de l’appel à projets IRT, ce projet a été sélectionné en mai 2011. L’enjeu et l’apport essentiels de cet appel à projets a été de permettre de créer un pôle R&D de la filière infrastructure du ferroviaire, dans un territoire où la recherche n’est pas prégnante, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous ne sommes pas tout à fait dans les situations qui ont été déjà évoquées ici.

Grâce aux investissements d’avenir, ce projet est monté en compétence. On est passé à une dimension où la recherche a été beaucoup plus forte, beaucoup plus moteur et pilote du projet. C’est aussi grâce aux investissements d’avenir que ce projet a acquis une faisabilité qui n’était absolument pas envisageable jusque-là.

Le positionnement de RAILENIUM : son périmètre couvre la voie ferrée, pas seulement la voie, mais aussi la plateforme, dont les ouvrages d’art qui l’accompagne. Il s’agit aussi de travailler sur la fourniture de l’énergie, sur le contrôle-commande et les systèmes d’information, sur les pôles d’échange, ce qui est une dimension sociétale de l’infrastructure, et bien sûr sur toutes les interfaces avec le matériel roulant. Si le matériel roulant n’est pas lui-même concerné, l’interface fait partie du périmètre du projet.

Les marchés visés sont le développement de la voie ferrée et guidée, le développement des réseaux urbains, et surtout la maintenance et la régénération des réseaux ferrés, en relation avec les coûts afférents.

Cet écosystème qui s’est construit autour de RAILENIUM s’est bâti au premier chef sur les gestionnaires d’infrastructure : RFF, qui a été le moteur du consortium des industriels, et EUROTUNNEL. Dans ce sillage, les entreprises ferroviaires ont pris le train, tous les fournisseurs de l’infrastructure et les ingénieristes, les offreurs de technologie, les régulateurs, et tous les centres de recherche, avec les labos recherche qui sont très fortement impliqués dans RAILENIUM.

Le marché mondial de l’infrastructure ferroviaire était estimé à 45 Millliards € en 2010. On pense qu’il est en forte croissance. L’ensemble des projets qu’on voit éclore à l’international confirme à peu près l’estimation : 105 Millliards € à échéance 2020.

Pour cette filière française, on envisage un marché potentiel de 5 Millliards € en 2010, dont 3 Millliards € pour le marché intérieur, et de 16 Millliards € en 2020, dont environ 9 Millliards € pour le marché intérieur. Dans ces estimations, près de 80% sont dédiés à des chiffres d'affaires export.

En ce qui concerne l’effectif de la filière en France, sur l’infrastructure, c’est 22 000 personnes, avec une prévision de 28 000 à l’horizon 2020. Pour le marché intérieur, c’est 13 000 en 2010, 18 000 en 2020. Sur les effectifs qui sont directement liés à l’export, on a environ 60% de ces effectifs.

RAILENIUM affiche une ambition à la fois européenne et internationale, mais sur les infrastructures d’abord européennes. Il s’agit de se positionner comme un leader mondial de la R&D pour l’innovation, sans oublier l’ingénierie de formation. On sait que dans l’industrie ferroviaire, dans les systèmes ferroviaires, le capital humain est précieux, mais qu’il ne va pas en croissant. Il y a un véritable challenge en ce qui concerne la formation dans l’industrie ferroviaire.

Je ne vais pas relire la totalité des objectifs [Slide 6]. La feuille de route est à la fois stratégique et technologique. Il s’agit de rendre l’infrastructure plus durable. On connaît les chiffres qui sont associés aux coûts de l’infrastructure en France. Gagner 30% en durabilité, c’est extrêmement important en matière de fonds publics. C’est aussi rendre l’infrastructure plus performante, plus sûre, et aussi plus intelligente pour en faire un produit plus high tech que tel qu’il est perçu à ce jour. Il est perçu comme un produit technique, mais pas encore tout à fait high tech, et pourtant c’est aussi une industrie high tech. Il s’agira aussi d’avoir dans RAILENIUM des composants d’infrastructure ferroviaire plus aisément homologables, et c’est là toute la dimension européenne de l’homologation. Je vais y revenir. C’est un enjeu extrêmement fort de regrouper autour de RAILENIUM l’ensemble des gestionnaires d’infrastructure et des industriels de l’infrastructure en Europe.

Pour nous, en synthèse, il s’agit de construire le volet de la R&D de la filière ferroviaire dans sa dimension infrastructure au sens large, dans une démarche extrêmement collaborative qui va au-delà de la collaboration. C’est beaucoup plus de coopération dont il s’agit au sein de RAILENIUM, à la fois entre les centres de recherche et les industries.

Les membres et les partenaires de RAILENIUM sont tous des acteurs extrêmement coopératifs au sein de cette filière, avec d’abord et avant tout les organismes de recherche et de formation [Slide 8]. Le projet a été porté par le PRES Lille Nord-de-France, et donc par l’ensemble des universités et des grandes écoles du Nord Pas-de-Calais. On y retrouve l’École Centrale de Lille et l’École des Mines de Douai, mais aussi l’IFSTTAR dans sa globalité, l’ensemble de ses laboratoires de recherche, l’Université d'Artois et l’Université de Technologie de Compiègne. Vous voyez qu’on dépasse le Nord Pas-de-Calais en termes géographiques. L’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis est également fortement impliquée, puisque l’outil principal de recherche, c'est-à-dire le centre d’essais, est basé en Hainaut. Il va catalyser et mobiliser l’ensemble des chercheurs du Valenciennois, notamment dans le campus du transport durable, et bien sûr l’Université du Hainaut-Cambrésis. Enfin, on ne parle pas d’universités et de chercheurs en Nord Pas-de-Calais sans parler de l’Université des Sciences et Techniques de Lille.

Le catalyseur et l’acteur majeur de RAILENIUM a été le pôle de compétitivité I-TRANS. Sans son directeur scientifique, il n'y aurait pas eu toute cette coopération entre tous ces acteurs qui se sont tous serrés les coudes autour de l’appel à projets. Le premier, par ordre alphabétique, c’est ALSTOM Transport, mais on ne parle pas de transport ferroviaire sans parler d’ALSTOM. Ici, il intervient non pas dans sa dimension de matériel roulant, mais dans sa dimension infrastructure. Chez ALSTOM, 30% du chiffre d'affaires est réalisé en infrastructure ferroviaire. Dans la signalisation, on va retrouver des industriels tels ANSALDO et THALES 3S. On va retrouver SNCF INFRA, avec RFF et EUROTUNNEL. Je ne vais pas tous les citer. Les grands gestionnaires infrastructure, et les plus innovants d’entre eux, sont là, ainsi que tous les industriels. Parmi les collectivités locales, j’ai déjà cité le Conseil régional du Nord Pas-de-Calais en la personne de son président. Le Conseil régional de Picardie s’est bien sûr mobilisé, et toutes les collectivités, celles du sud du département du Nord, à savoir Valenciennes-Métropole, Maubeuge Val de Sambre, et les villes d’Aulnoye-Aymeries et de Bachant qui se sont portées candidates. Cela montre qu’on est vraiment sur une dimension d’un territoire ferroviaire, puisque ces deux villes se sont portées candidates pour accepter un centre d’essais. On sait que la dimension acceptabilité d’une nouvelle infrastructure est extrêmement dimensionnante dans sa faisabilité.

Je ne vais pas citer tous les principaux enjeux [Slide 9]. Dans sa dimension européenne, RAILENIUM sera le creuset de l’harmonisation des normes européennes, c'est-à-dire que c’est au sein de RAILENIUM que l’ensemble des gestionnaires d’infrastructures européens doivent se retrouver, saisir cette opportunité. Ils sont extrêmement intéressés, parce que tout l’enjeu des industriels pour réduire le time to market, c’est d’avoir des procédures d’homologation harmonisées sur l’ensemble du territoire européen. Il n'y aura pas de taille critique pour les innovations du système ferroviaire si l’on n’a pas cette harmonisation des homologations.

Un mot sur le montage de RAILENIUM [Slide 7]. Dans la Fondation de coopération scientifique se feront les prestations de recherche, les activités de formation, — l’idée est bien de centraliser au sein de RAILENIUM l’ensemble des formations à terme de la filière ferroviaire —, des activités de valorisation et de soutien à la valorisation. L’outil, c’est le centre d’essais, qui sera géré par une SAS. Cet outil est à but lucratif.

Les programmes de recherche balaient le génie civil. C’est pourquoi vous avez vu l’IFSTTAR et des sociétés qui sont parties prenantes dans les nouveaux PPP pour construire les lignes à grande vitesse. BOUYGUES et COLAS RAIL font partie du consortium. Je ne vais pas m’attarder sur l’ensemble des thèmes de recherche. Il y en a 7.

Nous en sommes maintenant à la finalisation du montage de RAILENIUM. Pour nous, ce qui est extrêmement important dans la construction de ce montage juridique, tant au sein des conventions à réaliser avec l’ANR, des protocoles à réaliser, mais aussi de la FCS, c’est de préserver la dynamique du consortium. Nous ne sommes pas là dans une boîte à projets de recherche. Ce sont des outils qui existent déjà. On est vraiment sur une reconstitution de la filière R&D du système ferroviaire. Le fait que dans ce consortium, des industriels ont accepté d’abandonner la propriété industrielle à la FCS, c’est un point essentiel. Cela prouve à quel point ils sont moteurs pour travailler sur la constitution de la R&D et de l’innovation dans le système ferroviaire, sans être sur des projets forcément collaboratifs dans lesquels ils seront plus directement impliqués de façon industrielle.

On est donc bien sur un consortium coopératif et collectif. C’est la spécificité du projet. Les industriels sont prêts à collaborer. L’abandon de la propriété industrielle a aussi été acté par l’ensemble des organismes de recherche. Vous en avez vu le nombre. Ils ont accepté d’abandonner la propriété industrielle au profit de la FCS. On voit bien toute cette dimension.

L’autre spécificité du projet RAILENIUM, c’est un investissement financier lourd dans le centre d’essais, d’où les difficultés que nous rencontrons à ce jour dans cette finalisation de montage et dans le conventionnement, notamment sur les formes juridiques et fiscales de l’ensemble du projet.

J’ai évoqué les investissements en équipements. Il s’agit par exemple du banc de contact roue-rail, et aussi principalement de cet anneau d’essais déjà cité.

Je pense avoir évoqué les points les plus importants de la spécificité de RAILENIUM, et surtout l’apport des investissements d’avenir, qui a permis à ce projet d’être ce qu’il est à ce jour, c'est-à-dire une dimension européenne, et aussi une dimension qui a vraiment été créée par les investissements d’avenir.

INSTITUTS CARNOT (INSTITUT CARNOT 3BCAR)

M. Paul Colonna, responsable de département au centre INRA de Nantes, directeur de l’Institut Carnot 3BCAR (Bioénergies, Biomolécules et Biomatériaux du Carbone Renouvelable). Avec mes deux collègues, Nathalie Turc, directrice adjointe INRA TRANSFERT, et Léa Sasportes, chargée d'affaires 3BCAR, je vais vous expliquer en quoi consiste cet institut Carnot qui ne relève pas, au sens premier du terme, des investissements d’avenir. Les instituts Carnot ont été créés en France en 2006. Le seul élément qui entrait dans les investissements d’avenir, ce sont les deux appels à projets PME international, et ils n’ont pas, à l’heure actuelle, d’issue claire.

3BCAR, c’est le remplacement du carbone fossile en partie par du carbone renouvelable, considéré comme neutre. Il s’agit plutôt d’une défossilisation de la chimie. Au lieu d’avoir une ligne fondée sur des champs de pétrole, de charbon, etc., et ensuite une chimie organique, on parle de carbone renouvelable présent soit dans de la biomasse agricole, soit dans des déchets qui sont d’une certaine manière un retour de biomasse agricole. Cela passe dans des bioraffineries, et derrière, on a la même logique qu’en chimie organique, avec une phase de conversion, une étape de formulation, et in fine, des produits d’usage qui répondent aux besoins essentiels des populations. On considère qu’il faut en gros 100 000 produits chimiques pour répondre aux besoins des sociétés considérées comme développées, les sociétés occidentales par exemple.

L’intérêt d’utiliser du carbone renouvelable, c’est qu’à l’issue des phases de décomposition organique, on peut envisager une économie circulaire de ce carbone renouvelable par la phase atmosphère, et ensuite le retour dans la partie photosynthèse.

L’objectif de l’institut Carnot 3BCAR, c’était, et c’est toujours, d’avoir un principe de guichet unique. 3BCAR, c’est 350 emplois équivalent temps plein, appartenant à 8 partenaires, dont deux CRITT (Centre régional d'innovation et de transfert de technologie), localisés sur trois sites, à Versailles, Toulouse, Montpellier. C’est donc un effort de mixité redoutable, renforcé par l’éloignement géographique. L’idée est d’avoir un guichet unique tout en respectant les particularités institutionnelles de chacun d’entre eux, de mettre en place un processus contractuel simplifié, pour que les partenaires industriels puissent facilement s’en emparer, et d’avoir une offre d’interaction scientifique centrée sur quatre axes.

Ces quatre axes sont : une composante Biotechnologies blanches « Enzymes et Fermentation » ; une composante Biotechnologies vertes qui regroupe l’ensemble des productions végétales, y compris les moyens d’amélioration des plantes ; une composante Bioraffineries avec les traitements de fractionnement physique et chimique ; enfin, l’analyse du cycle de vie pour pouvoir avérer la durabilité des propositions technologiques avancées, et non pas s’appuyer simplement sur le caractère renouvelables des végétaux mis en œuvre.

3BCAR arrive dans un paysage qui est relativement compliqué. Plusieurs conférenciers ont employé le mot « écosystème ». Effectivement, on peut espérer qu’un jour les lois de Darwin s’appliquent à nouveau et permettent de le simplifier, ou du moins de créer des solutions fonctionnelles entre différents éléments. J’ai distingué deux types d’acteurs. D’une part, il y a les pôles de compétitivité. Ils existaient depuis longtemps. Sur chacun des quatre axes, j’ai identifié sur une première ligne les pôles de compétitivité déjà opérationnels [Slide 7]. Ensuite, sur une deuxième ligne, j’ai fait figurer les objets, les outils créés par Investissements d’avenir. D’une manière ou d’une autre, ils recoupent les quatre axes autour du carbone renouvelable : biotechnologies blanches, biotechnologies vertes, bioraffineries et analyse des cycles de vie.

L’ensemble des outils sont couverts. Un certain nombre de propositions sont dans la vague 2 des investissements d’avenir. J’espère qu’ils viendront enrichir cette diapositive.

Quels sont les messages positifs ? L’intérêt des dispositifs Carnot, c’est qu’enfin la recherche technologique est reconnue, en lien avec le transfert technologique. Il s’agit effectivement d’une recherche, et cela, c’est nouveau dans le dispositif de recherche scientifique et technologique en France. Ce dispositif est fondé sur l’identification d’objectifs au départ très précis, y compris dans le mode de fonctionnement de la structure. Un soutien financier est apporté pour « professionnaliser » l’ensemble, puisqu’il faut parler à un moment d’espèces sonnantes et trébuchantes. 3BCAR représente un budget consolidé (comprenant les salaires des personnels publics) de 46 Milllions €, dont 17 Milllions € correspondent à des ressources contractuelles d’ordre divers, 4,5 Milllions € qui sont directement de la recherche partenariale, ce qui nous donne un éligible à 3,5 Milllions €. Mes collègues ont bien expliqué où était le caviar et quels étaient les moyens dont ils disposaient pour l’acheter. Je me dois aussi d’expliquer qu’à la fin, sur l’année 2012, nous disposerons dans le cadre de 3BCAR de 807 000 € pour faire fonctionner cette boutique de 350 ETP.

Il y a donc un soutien affirmé, important. Il y a un pilotage des instituts Carnot qui n’est pas fait dans le vide, institut Carnot par institut Carnot. Il y a un pilotage qui est fait en association avec d’autres instituts via l’association Carnot. L’intérêt justement de ce réseau Carnot est de pouvoir agréger la panoplie des compétences en fonction des questions qui sont posées, et non pas d’avoir a priori une armature de compétences dont on va supposer qu’elle va pouvoir aborder une question donnée. Il n'y a pas de bijection évidente. La bijection est dans ce cas-là une adaptation stricte. Dernier point, il y a une évaluation a posteriori pour les Carnot, puisqu’elle se place tous les quatre ans dans le cadre d’une contractualisation.

Par ailleurs, il y a un certain nombre de messages, qui ne sont pas nécessairement négatifs, mais sur lesquels je voudrais faire porter votre attention. Le paysage, l’écosystème, est très compliqué. Entre les pôles de compétitivité, le FUI (Fonds unique interministériel), les SATT, les CVT (Consortium de valorisation thématique), la Caisse des Dépôts et Consignations, l’AERES, on a tout un ensemble d’acteurs qui n’ont pas nécessairement une vision partagée de ce que sont les unités de recherche de base, c'est-à-dire les UMR, de ce qu’est l’évaluation d’un chercheur, et qui proposent même quelquefois, visiblement, des appels d’offres qui ont le même contenu.

La procédure qui a été mise en œuvre pour les Carnot est lourde. On espère qu’elle sera stabilisée. Après trois appels à projets Carnot, on aimerait bien qu’il y ait une stabilisation, y compris dans sa mission d’évaluation des projets.

Les instituts Carnot ont été mis en place en France sur le mode miroir des instituts Fraunhoffer en Allemagne. Depuis très longtemps, l’Allemagne a stabilisé ce dispositif. On pourrait espérer qu’en France aussi le dispositif ne va pas être balayé à l’issue d’un autre élément conjoncturel.

Dernier point, les Carnot, qui sont hors Investissements d’avenir, bénéficient dans Investissements d’avenir de deux appels à projets spécifiques qui concernaient les PME et l’international. Ces projets, lancés en avril 2011, ont été instruits en deux mois, et depuis, nous n’avons toujours pas de réponse compréhensible. La procédure d’évaluation a été relativement compliquée. Il y a un manque de clarté dans les informations données. On souhaiterait qu’à l’avenir les dynamiques mises en œuvre soient en accord avec les contraintes qui sont posées sur les chercheurs.

M. Claude Birraux. Merci beaucoup M. Colonna. Quelqu'un souhaite-t-il poser des questions ou s’exprimer ?

M. Denis Randet. Au point où nous en sommes, les projets sont partis, les jurys ont presque fini leur travail, les conventionnements sont déjà bien en route, sauf quelques points durs qui signalent des zones de difficulté. Quand on voit qu’il y a zéro conventionnement sur les IRT, cela veut dire qu’il y a un petit problème.

Au fond, j’imagine que dans une perspective parlementaire, vous allez vous intéresser autant à la suite qu’à ce qui est fait maintenant. Pour la suite, comme on a beaucoup parlé de retour sur investissement, et qu’il faut en parler d’une manière beaucoup plus subtile que d’aller compter des euros qui reviennent par des voies qui ne sont pas rémunératrices ailleurs, je pense aux redevances, les effets qu’on escompte sont en grande partie des effets de renforcement de la santé économique du pays, etc.

Je sais que le CGI travaille là-dessus. D’une certaine façon, tous les proposants ont fait un travail là-dessus aussi, puisque, tout en proposant leurs projets, ils ont proposé des moyens de suivre leur progression et leur parcours. Alors j’imagine que c’est quelque chose qui va vous intéresser particulièrement pour la suite, mais sur laquelle on pourrait peut-être déjà avoir des informations qui ne nous ont pas été données aujourd'hui.

Un autre sujet vient d’être mentionné. Vous l’aviez vous-même mentionné ce matin M. le Président. Il y a une dynamique formidable, mais on voit que c’est la superposition des maisons futures et des échafaudages qui servent à les construire. Vu de l'extérieur, un certain nombre de choses ne sont pas compréhensibles, parce qu’elles ne sont pas dans le système standard international.

Au fond, ce qui est intéressant aussi, c’est de regarder les investissements d’avenir comme un outil de convergence vers un état où le système français serait lisible de l'extérieur.

J’imagine que cela fait partie des critères de progression. Ne parlons plus de jugement. Encore une fois, les décisions sont prises. Parlons des critères d’appréciation de la marche des différents éléments qui ont été mis en place.

M. Claude Birraux. Chaque pays essaie de trouver sa propre voie. Je ne peux pas répondre à la place du CGI et de M. René Ricol, qui nous a quitté en fin de matinée. Je crois qu’il faut s’inspirer des modèles qui marchent à l'extérieur.

Il y a une question que l’on ne va pas aborder, c’est quid de l’Europe ? Comment la stratégie 2020 permet-elle aux Etats d’Europe de lutter avec les pays émergents, avec les Etats-Unis ? J’ai déjà posé la question à plusieurs reprises dans cette salle, y compris à des représentants européens. Ceux-ci me répondent : « le budget de la recherche de l’Europe, c’est 5%. Les 95%, c’est les pays. »

Ma réponse, c’est qu’à la limite, je ne cherche même pas à changer les 5%. Mais est-ce qu’on peut avoir un cadre européen qui soit favorable à la R&D et à la valorisation ? Parce qu’il a bien fallu trouver des systèmes innovants, et je pense que ce système est totalement innovant, pour échapper au jugement du Commissaire européen à la Concurrence pour distorsion de concurrence et aide d’Etat non autorisée. À un moment, il faudra quand même sortir de la naïveté ou alors de l’inconscience. Je n’ai pas fait le choix entre les deux qualificatifs pour ce qui est de l’Union européenne.

On parle de plus en plus de convergence sur le plan européen. Comment ne pas mettre l’innovation, la R&D et la valorisation ? Comment ne pas avoir un cadre européen qui soit favorable ? Comment ne pas penser à faire émerger des équipes européennes, des champions européens ? Dans d’autres réunions, j’avais parlé de systèmes pour la recherche qui s’apparenteraient à Eureka — les Euréka de la Recherche, et éventuellement du Développement et de la Valorisation —, pour avoir des champions européens.

La question reste posée. Mais il y aura encore des élus. Il faut leur laisser du travail à accomplir dans la prochaine législature.

Y a-t-il d’autres questions ? Non.

Je dois dire que j’ai passé un excellent moment. Je voudrais redire ce que j’ai dit tout à l'heure à M. Richard Descoings. Le Parlement, et singulièrement l’Office parlementaire, est dans son rôle lorsqu’il organise de telles réunions d’évaluation. C’est bien le rôle de contrôle du Parlement qui s’exerce. Je pense qu’il est sain qu’à intervalles réguliers sur ces projets, il y ait un regard de l’Office parlementaire et qu’il y ait les échanges que nous avons eus. Si l’on considère qu’aujourd'hui c’est le point zéro, ces échanges permettront de faire d’autres points pour voir comment les choses ont évolué.

Je reprendrais également les propos de M. Richard Descoings. Le temps scientifique, le temps du développement technologique, est un temps long. Et si l’on a trop souffert de stop and go dans le passé, il serait bon, quelle que soit l’issue des échéances à venir, qu’il y ait de la durée et de la durabilité.

Troisième point, je suis très heureusement surpris de la place que les SHS ont prise, et de l’implication des SHS. Ce n’était pas évident, mais c’est vraiment très bien que les SHS se trouvent aussi dans les investissements d’avenir. Je crois que c’est un gage pour l’avenir lui-même de notre système de recherche et d’innovation.

La simplification du paysage. O combien il la faut ! Mais je ne suis pas sûr qu’on y arrive d’une manière réglementaire ou décidée comme cela. Ce qu’il faut, je crois, c’est faire une évaluation des procédures, faire une évaluation des structures qui se sont mises en place, pour pouvoir en permanence apporter les correctifs, si des correctifs sont nécessaires, apporter des changements. M. le Président Laurent Batsch a parfaitement illustré que des gens venant d’horizons différents ont réussi à se fédérer. Si on leur avait dit : « vous allez vous fédérer », c’était le plus sûr moyen d’avoir une réaction… C’est la loi de l’action et de la réaction.

J’ai été impressionné par le travail considérable que les uns et les autres ont fait, même si je me suis permis quelques petites plaisanteries pour vous réveiller l’esprit et vous maintenir en éveil. Vraiment, c’est un travail extrêmement dense, en peu de temps, et qui a nécessité un investissement qui peut faire, et qui fait l’admiration.

Ce procédé nouveau qui est venu a conduit à un foisonnement d’idées, et finalement, je crois que vous avez tous fait preuve de courage. Qu’est-ce que le courage ? Le courage, c’est à un moment, aller plus loin que ce que l’on avait imaginé pouvoir faire, ou imaginé mettre en œuvre. Cela a été le courage de dépasser les cloisonnements habituels, le dépassement de soi pour aller vers des idées à mettre en commun, qui étaient à inventer, pour tendre vers cet objectif, et finalement, cela a été un accélérateur de décloisonnement que personne n’aurait pu imaginer.

C’est également un effet levier remarquable, en associant des partenaires d’horizons différents, de cultures différentes, qui se sont rassemblés. C’est magnifique. Une dynamique s’est instaurée, qui profitera, y compris aujourd'hui à ceux qui n’ont pas été désignés lauréats, ou qui ne le seront pas. Vous avez parlé, M. le Président Batsch, de la très grande sélectivité de la première vague, mais c’était en quelque sorte l’oral de rattrapage, car elle a permis à tous ceux qui préparaient déjà la deuxième vague de s’améliorer, parce qu’à ce moment-là ils savaient ce qu’ils avaient à faire pour répondre véritablement aux critères demandés. Ce critère, je le dis encore, c’est un dépassement de soi.

Finalement, il y a un grand gagnant dans cette affaire, c’est l’intelligence. Merci beaucoup. Merci d’avoir participé. Je pense que c’est ma dernière audition depuis que je préside. En tout cas, sur toutes les auditions, comme sur celle-ci, et dieu sait qu’il y en a eu beaucoup, j’ai toujours eu un immense plaisir à discuter, à échanger, avec les chercheurs. Merci infiniment.

EXTRAIT DE LA RÉUNION DE L’OPECST DU 22 FÉVRIER 2012 : PRÉSENTATION DES CONCLUSIONS DE L’AUDITION PUBLIQUE

M. Bruno Sido, sénateur, président de l'OPECST. Cette audition, qui s'est tenue le 17 janvier dernier, était particulièrement bienvenue pour compléter le premier bilan de cette action qui nous avait été présenté le 14 juin 2011 par M. Thierry Coulhon, directeur du programme « centre d'excellence ».

Il n'est pas utile de souligner que ces programmes se poursuivront dans la durée et que l'Office devra faire un point périodique sur leurs résultats.

M. Claude Birraux, député, premier vice-président de l'OPECST. L'audition publique du 17 janvier dernier consacrée aux investissements d'avenir a permis de constater la mobilisation remarquable des différents acteurs investis dans ce dispositif inédit et d'une ampleur inégalée. L'excellence a été le critère déterminant pour la sélection des projets et la pertinence des choix a été garantie par le recours à des jurys internationaux. En outre, la stratégie consistant à lancer deux vagues d'appels à projets a permis finalement de retenir des projets à fort potentiel mais qui avaient besoin d'être davantage structurés. A cet égard, l'Agence Nationale de la Recherche a contribué de manière significative à la réussite de ces projets qui ont ainsi bénéficié d'une seconde chance, grâce aux rapports détaillés établis par l'ANR à l'attention des candidats malchanceux de la première vague et cela a élevé le niveau global et fait émerger de nouvelles équipes. Par ailleurs, l'OPECST se félicite de la place non négligeable qui a été faite aux sciences humaines dont la dimension interdisciplinaire permet une mise en perspective salutaire des avancées scientifiques par rapport à la société.

Il apparaît nécessaire que les investissements d'avenir s'inscrivent dans la durée afin d'apporter de manière pérenne à la recherche et à l'innovation française l'impulsion et le soutien indispensables à leur développement. Or, les projets initiés sont à échéance de dix ans. Il convient donc de prévoir leur poursuite au-delà de cette échéance car le temps scientifique est un temps long.

Cela implique un suivi régulier et soutenu de l'ensemble de ces projets, afin de mesurer leur état d'avancement et la pertinence des dépenses engagées. L'évaluation permanente de ces derniers fait d'ores et déjà partie de la feuille de route aussi bien du Commissariat général à l'investissement que de l'Agence nationale de la Recherche. Le Parlement et tout particulièrement l'OPECST ont également un rôle important à jouer, dans le cadre de leur mission de contrôle, afin de servir d'aiguillon et d'assurer la continuité dans l'effort en faveur de la recherche. Un bilan d'étape, notamment en terme sectoriel, permettrait de vérifier a posteriori la pertinence d'ensemble et le cas échéant de réorienter les projets.

Pour faire face à la complexité du dispositif, son évaluation par des jurys internationaux, il importe que les partenaires se dotent de structures qui gèrent les interfaces et la mise en réseau des différents acteurs, préalablement à une fusion. La démarche est bien de bas en haut.

Pour garantir l'efficacité et la pérennité du dispositif, il est également vital de consolider le volet financier. A cet égard, il convient de rappeler que le financement accordé aux différents projets dans le cadre des investissements d'avenir aura des effets inopérants s'il s'accompagne par ailleurs d'une diminution régulière des subventions publiques. Pour ne prendre qu'un exemple, un des laboratoires d'excellence sélectionné, le LabEx LANEF, à Grenoble, a reçu une dotation de 850.000 euros au titre des investissements d'avenir mais dans le même temps sa dotation récurrente tend à diminuer (de 10% par an depuis deux ans, c'est-à-dire d'un million d'euros), ce qui ne fait que maintenir le niveau de financement et non l'améliorer. Or, les investissements d'avenir ont pour objectif de renforcer les moyens mis à la disposition de la recherche et de l'innovation et non de pallier la diminution des dotations récurrentes. Une attention vraiment très particulière doit être portée aux coûts complets, intégrant les frais de gestion qui ne doivent pas être sous-évalués.

Le passage de la recherche à l'innovation doit constituer une priorité majeure et il est important de veiller à la coordination entre les structures de valorisation, notamment entre les Sociétés d'accélération du Transfert de Technologies qui ont pour objet de contribuer à la maturation économique des projets et les organismes comme France Brevets qui ont pour rôle d'assurer le lien avec les entreprises. On pourrait utilement s'inspirer du mode de fonctionnement de clusters étrangers, sur le modèle belge de Leuwen et de Louvain la Neuve, pour aller de manière active et systématique à la rencontre des chercheurs et favoriser l'émergence des start-ups.

Enfin, le dispositif des investissements d'avenir s'inscrit dans la continuité de la stratégie nationale de recherche et d'innovation et a vocation à permettre l'intégration dans des projets de niveau européen, voire international, afin que les différents pays européens ne se trouvent pas distancés dans la course au progrès scientifique et technologique par les Etats-Unis ou les grands pays émergents qui soutiennent eux activement leur recherche nationale. Or, à quelques exceptions près, la grande majorité des projets retenus ne semble pas intégrer cette dimension européenne pourtant fondamentale pour l'avenir de la croissance et de l'emploi au sein des grandes nations européennes. Un certain nombre des projets retenus dans le cadre des investissements d'avenir sont néanmoins susceptibles de devenir l'instrument de projets communs de recherche, construits sur le modèle « Eureka » des coopérations étatiques, afin de favoriser l'émergence de pôles associant entreprises, centres de recherche et universités autour de projets innovants. Tel doit être l'objectif à moyen terme d'un nombre conséquent de projets labellisés investissements d'avenir et l'Europe, sans changer fondamentalement son budget, doit à la fois définir un cadre européen de l'innovation (directive) et faire émerger des clusters européens qui soient des leaders mondiaux.

L'Office a adopté à l'unanimité les conclusions de l'audition publique sur les investissements d'avenir.

ANNEXES

Ces annexes sont consultables sur le site internet de l’OPECST

http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-off/i4507.pdf


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