N° 258 tome IX - Avis de M. Jean-Michel Clément sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)


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N
° 258

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME IX

JUSTICE

PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR M. Jean-Michel CLÉMENT,

Député.

Voir le numéro : 251 (annexe 32).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2012, pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE POUR 2013 7

I. DES CRÉDITS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE EN HAUSSE SIGNIFICATIVE 7

II. UN PLAFOND D’AUTORISATION D’EMPLOIS EN HAUSSE POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 2008 10

DEUXIÈME PARTIE : LES MODES DE PLACEMENT DES MINEURS DÉLINQUANTS : LA NÉCESSITÉ D’UNE VRAIE DIVERSITÉ 12

I. LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER EN PERMANENCE L’OFFRE DE PLACEMENT AUX BESOINS NATIONAUX ET LOCAUX 13

A. Les différents modes de placement des mineurs délinquants : une richesse pour la prise en charge éducative des mineurs dans un cadre judiciaire 13

1. Le placement en famille d’accueil 14

2. L’hébergement individualisé 14

3. L’hébergement collectif non spécialisé 15

4. Le placement dans un centre de l’Établissement public d’insertion de la défense 15

5. Le placement en centre éducatif renforcé 16

6. Le placement en centre éducatif fermé 17

B. Une offre de placement devant être adaptée en permanence aux besoins nationaux et locaux 18

II. LA NÉCESSITÉ DE GARANTIR UN JUSTE ÉQUILIBRE DES MODES DE PLACEMENT 23

A. Développer le réseau des familles d’accueil et les modes d’hébergement individualisé 23

1. Améliorer l’offre de places en familles d’accueil 24

2. Redynamiser le secteur de l’hébergement individualisé 25

B. Développer l’offre de places en centre éducatif fermé en fonction des besoins et sans nuire à la diversité de l’offre de placement 27

1. Quelle place pour les centres éducatifs fermés dans l’équilibre général de l’offre de placement ? 27

2. Quel public pour les centres éducatifs fermés ? 28

3. Quel niveau d’encadrement pour les centres éducatifs fermés ? 30

4. Quelles solutions après le placement en CEF ? 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 61

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 63

MESDAMES, MESSIEURS,

Pendant la dernière campagne pour l’élection présidentielle, M. François Hollande avait placé la jeunesse et la justice au cœur de ses engagements pour la France. Élu président de la République le 6 mai dernier, il a fait de ces deux thèmes des marqueurs forts de sa politique et de celle du Gouvernement dirigé par M. Jean-Marc Ayrault.

Le projet de loi de finances pour 2013, premier budget de la nouvelle législature, traduit pleinement ce caractère prioritaire donné à la jeunesse et à la justice : au travers des moyens prévus pour l’Éducation nationale, tout d’abord, avec la création de 11 000 postes d’enseignants dès 2013 ; au travers d’un budget de la justice en hausse de 4,3 %, ensuite ; et au travers des moyens prévus pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », en augmentation de 2,4 %, enfin.

Votre rapporteur pour avis se réjouit, pour le premier budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dont il a la charge au nom de la commission des Lois, que les crédits de la PJJ soient accrus, tant l’action de cette administration apparaît décisive dans la lutte contre la délinquance des mineurs et la prise en charge de cette partie de notre jeunesse qui connaît des difficultés particulièrement aiguës d’insertion (première partie).

Dans le cadre de ce premier avis budgétaire de la nouvelle législature, votre rapporteur a estimé nécessaire de s’intéresser à la question de la diversité des modes de placement des mineurs dans un cadre pénal. S’il convient de rappeler que, en 2011, 93,4 % des mineurs pris en charge par la PJJ l’ont été en milieu ouvert, la question des modes de placement et de la prise en charge des 6,6 % de mineurs restants focalise souvent l’attention, car ce sont généralement ces derniers qui se trouvent dans les situations personnelles et familiales les plus difficiles et ont commis les actes les plus graves.

Depuis la fin des années 1990, différentes modalités innovantes de placement des mineurs délinquants ont été développées pour compléter le dispositif classique des foyers : centres éducatifs renforcés (CER) créés par le Gouvernement de M. Alain Juppé, centres de placement immédiat (CPI) (1) créés par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, centres éducatifs fermés (CEF) créés par le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin ou encore, depuis moins d’un an, placement dans un centre de l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) issu d’une proposition de loi de notre collègue Éric Ciotti adoptée sous la précédente législature (2).

Traditionnellement, et à très juste raison, les professionnels de la justice des mineurs sont très attachés au fait de pouvoir disposer d’une large palette de solutions éducatives, afin d’adapter au mieux la réponse pénale à la situation particulière de chaque mineur. Il importe donc que l’offre globale de placement
– que ce soit dans le secteur public de la PJJ ou le secteur associatif habilité (SAH) – soit à la fois diversifiée et adaptée aux besoins. Cependant, le précédent Gouvernement avait fait le choix (
3) de privilégier le développement de l’offre de places en centres éducatifs fermés au détriment des autres modes de placement. Il avait ainsi prévu de créer 20 CEF supplémentaires par transformation de foyers d’hébergement existants, afin de porter la capacité d’accueil des CEF de 540 à 800 places.

Si la question du nombre de places disponibles en CEF mérite indéniablement d’être posée, votre rapporteur pour avis considère qu’elle doit l’être sans idéologie ni a priori, en prenant en compte avant toute autre considération les besoins de places dans les différentes catégories de structures et l’importance de préserver un juste équilibre dans l’offre de places.

Afin d’aborder ce débat de la façon la plus sereine et la plus rationnelle possible, votre rapporteur pour avis s’est donc intéressé à la question de la diversité des modes de placement des mineurs délinquants, qui apparaît comme une véritable nécessité dans l’optique d’une prise en charge optimale et adaptée de ces mineurs (deuxième partie).

PREMIÈRE PARTIE :
LES CRÉDITS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE POUR 2013

En 2013, le projet de budget pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » traduit parfaitement le choix politique fait par le Gouvernement de donner la priorité à la jeunesse et à la justice : ainsi, pour la première fois depuis plusieurs années, tant les crédits (I) que le plafond d’autorisations d’emplois (II) de la PJJ sont-ils en hausse significative.

Alors que les crédits ouverts au titre du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » avaient très fortement diminué entre 2008 et 2010 et n’avaient augmenté, en 2012, que pour permettre la transformation de 20 foyers d’hébergement traditionnels en centres éducatifs fermés, le projet de loi de finances pour 2013 est le premier depuis celui de 2008 qui augmente réellement les moyens de la PJJ, comme le montre le tableau ci-dessous.

MONTANT DES CRÉDITS DE PAIEMENT OUVERTS EN LOI DE FINANCES POUR
LE PROGRAMME « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE » ENTRE 2007 ET 2013

   

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Montant des crédits de paiement ouverts
(en millions d’euros)

796

804

784

774

758

772

791

Évolution annuelle

 

+ 1,0 %

- 2,5 %

- 1,3 %

- 2,1 %

+ 1,9 %

+ 2,4 %

Si la précédente majorité aimait à clamer que la prise en charge des mineurs délinquants figurait parmi ses priorités, on doit constater que ce caractère prioritaire se traduisait davantage par des modifications incessantes du cadre législatif que par un quelconque effort budgétaire en faveur de la PJJ. Le nouveau Gouvernement ne se contente pas, quant à lui, d’affirmer que la PJJ est un « programme prioritaire de l’action gouvernementale » (4), mais traduit cette affirmation en actes budgétaires.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, la structure du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » avait été modifiée pour tenir compte du recentrage des missions de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants et de l’abandon de la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs. Depuis lors, la mission de la PJJ concernant l’enfance en danger est limitée à une mission d’investigation, la prise en charge de ces mineurs étant dorénavant assurée exclusivement par les départements dans le cadre de leur mission d’aide sociale à l’enfance (ASE). Sur le plan budgétaire, cette évolution des missions de la PJJ explique que l’action n° 02 « Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » ait été supprimée et remplacée par une nouvelle action n° 05 « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger », qui regroupe désormais l’ensemble des investigations, qu’elles relèvent du civil (ex-action n° 02) ou du pénal, jusque-là imputées sur l’action n° 01.

Depuis cette modification intervenue dans le projet de loi de finances pour 2011, la structure du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est demeurée identique. Ce programme comporte donc désormais deux actions opérationnelles (action n° 01, « Mise en œuvre des décisions judiciaires : mineurs délinquants » et action n° 05, « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger ») et deux actions d’appui (action n° 03, « Soutien » et action n° 04, « Formation »).

Les tableaux suivants présentent la ventilation des crédits par action ainsi que leur évolution sur un an.

En autorisations d’engagement

 

Crédits votés en LFI pour 2011

Crédits consommés en 2011

Crédits votés en LFI pour 2012

Crédits demandés pour 2013

Évolution 2012-2013

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

562

554

602

607

+ 0,70 %

Soutien (Action 03)

98

108

90

89

- 0,22 %

Formation (Ecole nationale de la Protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action 04)

34

32

31

31

- 0,45 %

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (Action 05)

64

69

69

74

+ 6,94 %

Total

758

764

792

801

+ 1,09 %

En millions d’euros

En crédits de paiement

 

Crédits votés en LFI pour 2011

Crédits consommés en 2011

Crédits votés en LFI pour 2012

Crédits demandés pour 2013

Évolution 2012-2013

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

562

554

582

602

+ 3,43 %

Soutien (Action 03)

98

110

90

88

- 2,12 %

Formation (Ecole nationale de la Protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action 04)

34

32

31

31

- 0,45 %

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (Action 05)

64

69

69

69

+ 1,03 %

Total

758

764

772

791

+ 2,42 %

En millions d’euros

Si les crédits ouverts dans le projet de budget pour 2013 pour les actions d’appui (« Soutien » et « Formation ») sont en baisse tant en autorisations d’engagement (AE) qu’en crédits de paiement (CP), traduisant les efforts de rationalisation demandés à la PJJ sur ces actions, les crédits ouverts pour les deux actions opérationnelles connaissent, quant à eux, une hausse significative, qui doit être appréciée à sa juste valeur compte tenu du contexte budgétaire général. Ainsi, pour l’action n° 01 (« Mise en œuvre des décisions judiciaires : mineurs délinquants »), les AE augmentent-elles de 0,7 %, tandis que les CP progressent de 3,4 %. Quant à l’action n° 05 (« Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger »), les moyens qui lui sont consacrés augmentent de 6,9 % en AE et de 1 % en CP.

Globalement, les moyens du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » sont donc en hausse de 1,1 % en AE et 2,4 % en CP.

Par ailleurs, on peut noter que le projet de budget de la PJJ pour 2013 prévoit d’affecter 10 millions d’euros en AE et en CP pour commencer à résorber la dette accumulée par la PJJ à l’égard du SAH au cours des dernières années, dont le montant s’élèverait au 1er octobre 2012 à 38 millions d’euros. En effet, en sus de la réduction excessive des moyens de fonctionnement des établissements du secteur public de la PJJ, la précédente majorité avait pris la fâcheuse habitude d’ouvrir des crédits nettement insuffisants pour financer les mesures confiées au SAH. Cette dette a eu pour effet de plonger dans de grandes difficultés financières de nombreuses associations œuvrant, notamment, dans le champ de l’hébergement individualisé. En engageant en 2013 le remboursement de cette dette à l’égard du SAH, le ministère de la Justice entre enfin dans une démarche vertueuse sur le plan financier et respectueuse de ses partenaires du monde associatif.

La PJJ a été particulièrement éprouvée, au cours des cinq années écoulées, par une restructuration administrative imposée de façon souvent brutale et précipitée, à l’image de nombre de réformes menées par le précédent Gouvernement dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). La PJJ a en effet connu une vaste réorganisation administrative, ses directions départementales ayant été remplacées par des directions territoriales compétentes sur le ressort de plusieurs départements (voire sur une région entière dans certains cas), tandis que ses directions régionales ont été regroupées au sein de 9 directions interrégionales. Toutefois, alors que la compression des effectifs de la PJJ, n’était censée toucher que les fonctions de soutien et ne pas « affecte[r] pas la capacité opérationnelle de la PJJ sur son cœur de métier qu’est la prise en charge des mineurs délinquants » (5), l’expérience a montré que le fonctionnement des services avait été en réalité largement déstabilisé par la baisse des effectifs. Ainsi, après une augmentation de 2,5 % en 2008, le plafond d’autorisation d’emplois de la PJJ n’a pas cessé de diminuer entre 2008 et 2012. Entre 2007 et 2012, le plafond d’autorisations d’emplois de la PJJ a diminué de 411 ETPT, soit 4,7 %, comme le montre le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DU PLAFOND D’AUTORISATION D’EMPLOIS DU PROGRAMME
« PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE » ENTRE 2007 ET 2012

   

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Plafond d’autorisation d’emplois (en ETPT)

8 806

9 027

8 951

8 618

8 501

8 395

Évolution annuelle
(en ETPT)

+ 221

- 76

- 333

- 117

- 106

Évolution annuelle
(en pourcentage)

+ 2,5 %

- 0,8 %

- 3,7 %

- 1,4 %

- 1,2 %

Le projet de budget pour 2013 inverse cette tendance. Comme les crédits ouverts pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », les effectifs de la PJJ connaîtront en 2013 une progression qui traduit la priorité donnée par le Gouvernement à la prise en charge de la jeunesse placée sous main de justice. Le plafond d’autorisation d’emplois sera augmenté de 0,9 %, soit 75 ETPT correspondant à 205 emplois en année pleine, avec une répartition par actions qui permettra de renforcer les actions opérationnelles de la PJJ, comme le montre le tableau ci-dessous.

Action

Plafond d’ETPT ouverts en LFI pour 2012

Plafond d’ETPT demandé pour 2013

Évolution 2012/2013

Évolution 2012/2013 en pourcentage

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

5 857

5 890

+ 33

+ 0,6 %

Soutien (Action 03)

1 305

1 263

- 42

- 3,3 %

Formation (Ecole nationale de la Protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action 04)

450

435

- 15

- 3,4 %

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (Action 05)

783

882

+ 99

+ 11,2 %

TOTAL

8 395

8 470

+ 75

+ 0,9 %

Cette augmentation des moyens financiers et humains est un signe fort adressé par le Gouvernement à une institution qui a été, au cours des dernières années, souvent décriée et malmenée par la précédente majorité, alors que son rôle est essentiel dans la lutte contre la délinquance des mineurs et que le dévouement de ses personnels confrontés à des missions dont chacun sait la difficulté mérite d’être souligné et salué.

DEUXIÈME PARTIE :
LES MODES DE PLACEMENT DES MINEURS DÉLINQUANTS :
LA NÉCESSITÉ D’UNE VRAIE DIVERSITÉ

La majeure partie des mineurs ayant commis une infraction pris en charge soit par le service public de la PJJ, soit par le SAH, le sont en milieu ouvert : sur 167 560 mesures exécutées en 2011, 48 748 étaient des mesures d’investigation (29,1 % du total des mesures), 107 735 étaient des mesures de milieu ouvert (64,3 % du total) et 11 077 étaient des mesures de placement judiciaire (6,6 %). Toutefois, la question des modalités de prise en charge des mineurs faisant l’objet d’un placement judiciaire retient davantage l’attention de nos concitoyens, car les mineurs qui en font l’objet sont souvent ceux qui ont commis les infractions les plus graves et se trouvent dans les situations les plus difficiles.

Dans le projet annuel de performances de la mission « Justice », le Gouvernement souligne qu’il se fixe pour objectif, en matière de justice des mineurs, « de développer et de diversifier les réponses en mutualisant tous les moyens utiles dans leur diversité et leur spécificité (secteur public, secteur associatif, dispositifs partenariaux) pour favoriser la construction de parcours adaptés pour les mineurs délinquants, y compris pendant l’incarcération. Il s’agit d’organiser la complémentarité des prestations des différents services et établissements ainsi que leur réactivité afin d’assurer la cohérence d’un parcours centré sur l’insertion, tout en évitant le fractionnement des prises en charge » (6).

La palette des différents modes de placement possibles pour les mineurs délinquants est aujourd’hui très large. Elle peut être présentée, du mode le plus souple au mode le plus contraignant, de la façon suivante :

—  placement en famille d’accueil ;

—  hébergement individualisé (solutions de placement recherchées au cas par cas : internats d’établissements scolaires, foyers de jeunes travailleurs…) ;

—  hébergement collectif non spécialisé (avec diverses appellations : établissements de placement éducatif, foyers classiques, lieux de vie…) ;

—  placement dans un centre de l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) ;

—  placement en centre éducatif renforcé (CER, qui propose une prise en charge éducative intensive et fonctionne généralement par sessions de trois à six mois) ;

—  placement en centre éducatif fermé (CEF, qui propose également une prise en charge éducative intensive mais fonctionne en accueil permanent, selon les besoins de placement).

Cependant, il apparaît que, au cours des dernières années, le développement de certains modes de placement a été privilégié au détriment de la diversité globale de l’offre de placement. C’est le cas en particulier de l’offre de places en CEF qui a été augmentée par le biais de la fermeture de places dans d’autres catégories de structures. Dans le cadre de la discussion du premier budget de la législature, votre rapporteur pour avis a estimé nécessaire de s’interroger sur la façon dont l’offre de placement des mineurs délinquants a été développée au cours des dernières années et sur la façon dont il est souhaitable qu’elle le soit dans l’avenir. Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis estime indispensable, afin que chaque situation particulière d’un mineur puisse recevoir la réponse la plus adéquate, que la PJJ relève un double défi : la nécessité d’adapter en permanence l’offre aux besoins nationaux et locaux, d’une part (I), et la nécessité de garantir un juste équilibre des différents modes de placement (II).

Après une présentation succincte de chacun des modes de placement des mineurs délinquants, dont la diversité constitue une richesse pour la prise en charge éducative dans un cadre judiciaire (A), votre rapporteur pour avis présentera une vision d’ensemble de l’offre de placement, qui apparaît globalement satisfaisante mais doit être en permanence adaptée aux besoins nationaux et locaux (B).

Le placement en famille d’accueil (1), l’hébergement individualisé (2), l’hébergement collectif non spécialisé (3) et le placement dans un centre de l’Établissement public d’insertion de la défense (4), en centre éducatif renforcé (5) et en centre éducatif fermé (6) sont autant de modes de placement qui font la richesse de la palette de solutions à la disposition des magistrats pour répondre à la situation particulière de chaque mineur.

Votre rapporteur pour avis ne traitera pas ici de l’incarcération des mineurs et ce, pour trois raisons : d’abord, parce que, formellement, elle ne constitue pas un mode de placement pouvant être mis sur le même plan que les modes précités ; ensuite, parce qu’elle n’est pas mise en œuvre par la PJJ mais par l’administration pénitentiaire – même si, fort heureusement, la PJJ y est présente ; enfin, parce que ses conséquences sur le parcours des mineurs sont sans commune mesure avec celles des modes de placement dont il sera ici question.

Le placement en famille d’accueil est une institution ancienne, à l’origine utilisée pour accueillir des enfants placés dans le cadre civil de l’aide sociale à l’enfance, mais aussi des adultes handicapés ou des personnes âgées. Le placement en famille d’accueil est de développement plus récent pour les mineurs délinquants, puisqu’il n’a commencé à être utilisé que dans les années 1970.

Le recrutement des familles d’accueil de la PJJ est assuré localement, à l’échelon des directions territoriales ou des unités d’hébergement diversifié qui ont la charge de les encadrer. Préalablement à tout placement, des entretiens et visites au domicile de la famille ont lieu avec le directeur, le psychologue et les éducateurs de l’unité qui sera en relation avec la famille et le mineur accueilli. Une convention individuelle établie entre la PJJ et la famille définit le cadre général de l’accueil des mineurs et organise les droits et obligations de chaque partie, en cohérence avec la décision judiciaire.

La famille d’accueil a pour mission de veiller à l’accueil matériel du mineur, à sa santé, à sa sécurité et à son développement intellectuel et physique. Les qualités requises par la PJJ pour exercer cette fonction sont « une disponibilité suffisante » et la capacité à « faire preuve de discrétion sur la situation du mineur » (7). Il est également demandé aux familles d’accueil de recevoir les éducateurs et psychologues de la PJJ chaque fois que cela est nécessaire et de les informer en cas d’incident ou de difficulté.

L’hébergement individualisé consiste à rechercher, en dehors du réseau de foyers ou d’établissements relevant de l’hébergement collectif spécialisé ou non spécialisé, une solution de placement individualisée destinée à répondre à la situation particulière d’un mineur. En effet, il peut apparaître qu’un mineur ayant commis une infraction risque d’être excessivement perturbé par un placement dans un foyer au contact d’autres mineurs auteurs d’infractions, par exemple parce qu’il présente une vulnérabilité particulière susceptible d’en faire le souffre-douleur des autres pensionnaires. Dans d’autres cas, un mineur peut être engagé dans une voie de formation ou d’apprentissage qu’il est nécessaire de ne pas interrompre, mais sa situation peut nécessiter un éloignement de son cadre de vie habituel dans un cadre moins contraignant que celui d’un foyer.

Dans ces situations, il incombe à la PJJ ou, par délégation, au secteur associatif habilité (SAH), de rechercher pour le mineur la solution la mieux adaptée à sa situation particulière. Selon les cas, ces placements peuvent avoir lieu en foyer de jeunes travailleurs, en résidence sociale ou encore en internat scolaire.

Dans le secteur public, la recherche de l’hébergement et l’accompagnement éducatif du mineur sont assurés par les unités éducatives d’hébergement diversifié (UEHD), qui sont rattachées aux établissements de placement éducatif (EPE). Dans le SAH, ces missions sont assurées par les centres d’hébergement diversifié.

L’hébergement collectif non spécialisé recouvre l’ensemble des lieux d’hébergement des mineurs délinquants qui ne sont pas régis par un cadre spécifique. Il s’agit de la catégorie qui comprend le plus grand nombre de structures (85 pour le secteur public et 741 pour le SAH) et offre le plus grand nombre de places d’hébergement. De ce fait, il s’agit aussi de la catégorie la plus diverse, chaque lieu d’hébergement présentant ses spécificités en termes de niveau d’encadrement, de règles de vie ou encore d’activités proposées aux mineurs placés.

Concrètement, l’hébergement collectif non spécialisé désigne l’ensemble des lieux d’hébergement qui n’ont le statut ni de CPI, ni de CEF, ni de CER et qui, sous des appellations diverses, assurent dans un cadre collectif des missions d’accueil (préparé ou en urgence), d’éducation et de surveillance des mineurs retirés temporairement de leur milieu de vie habituel.

Dans le secteur public, l’ensemble de ces lieux d’hébergement collectif est désormais regroupé sous l’appellation unique d’établissements de placement éducatif (EPE). Au sein de ces EPE, le rôle des éducateurs consiste à concevoir et animer des activités de jour dans le cadre d’un dispositif d’accueil et d’accompagnement, en particulier pour les jeunes « décrocheurs » des dispositifs scolaires et de formation professionnelle de droit commun.

Dans le SAH, ces lieux d’hébergement peuvent prendre la forme de foyers, de maisons d’enfants à caractère social (MECS), de lieux de vie ou encore de foyers de jeunes travailleurs. Au sein de cet ensemble, les lieux de vie sont certainement le mode de placement le moins connu et le plus original. Il s’agit de petites structures d’hébergement (généralement entre 3 et 7 places), créées et dirigées par des personnes ayant une activité professionnelle ou sociale qu’elles partagent avec les jeunes hébergés. Généralement, la profession exercée par les responsables du lieu de vie sert de base aux activités accomplies avec les jeunes accueillis (exploitation agricole, centre équestre…). Mieux connus du grand public, les foyers de jeunes travailleurs ont, quant à eux, pour mission d’accompagner les jeunes vers l’autonomie sociale et professionnelle.

Créé par la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense est une nouvelle mesure judiciaire pouvant être prononcée à l’encontre d’un mineur délinquant – mais après recueil de son consentement – dans le cadre d’une composition pénale, d’un ajournement de peine ou d’un sursis avec mise à l’épreuve (8).

Avant la loi du 26 décembre 2011, les 20 centres de l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE), créés en 2005 et caractérisés par un encadrement d’inspiration militaire, avaient pour mission de proposer à des jeunes volontaires de 18 à 25 ans, en très grande difficulté, une formation comportementale et professionnelle, destinée à favoriser leur insertion dans la société et le monde du travail.

Depuis le début de l’année 2012, les centres EPIDE assurent une nouvelle mission, celle d’accueillir des jeunes mineurs de 16 à 18 ans, dans le cadre d’un mandat judiciaire. Une convention a été signée au début de l’année 2012 entre la direction de la PJJ et l’EPIDE afin de permettre l’accueil permanent de 166 mineurs dans 15 des 20 centres existants.

Si votre rapporteur pour avis déplore la communication qui avait pu être faite par la précédente majorité autour la création de cette mesure et son exploitation à des fins largement électoralistes, il ne saurait contester son existence même dès lors qu’elle peut contribuer à la diversification des modes de placement des mineurs délinquants. L’auteur et rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, notre collègue Éric Ciotti, indiquait d’ailleurs s’inscrire dans cette perspective, en faisant valoir que la création de cette mesure avait « pour objet d’enrichir encore davantage la diversité des réponses pénales à la disposition des magistrats » (9).

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, seuls 73 mineurs ont fait l’objet d’un placement en centre EPIDE depuis la création de cette mesure. Il est donc beaucoup trop tôt pour tirer un bilan de cette nouvelle mesure, dont le fonctionnement et l’efficacité devront donner lieu à une évaluation, mais en la matière il ne saurait y avoir de droit à l’échec et le nombre de 15 centres EPIDE sur 20 apparaît trop élevé pour que les risques encourus ne soient pas avérés.

Les CER sont des établissements de placement destinés à assurer une prise en charge éducative renforcée par rapport à celle qui est mise en œuvre en hébergement collectif non spécialisé. Le nouveau cahier des charges des centres éducatifs renforcés, actuellement en cours de validation, prévoit deux modalités de fonctionnement possibles : soit en sessions, soit en « file active » ou accueil permanent. Les CER fonctionnant en sessions sont les plus nombreux, seuls 4 CER sur un total de 62 fonctionnant en accueil permanent.

Structures d’hébergement collectif destinées aux mineurs délinquants en grande difficulté ou en voie de marginalisation, les CER accueillent des mineurs qui ont besoin, pour un temps limité, d’être éloignés de leur milieu habituel. L’accueil y est organisé par sessions de trois à six mois autour d’activités éducatives et pédagogiques intensives, créant ainsi les conditions d’une rupture. Ce temps court a pour objet de permettre à l’équipe éducative d’évaluer les jeunes, leurs situations et les potentialités existantes en termes de solutions durables.

Des projets très originaux et motivants pour les jeunes sont développés dans le cadre juridique des CER, tels que des marches itinérantes de plusieurs semaines, des voyages en bateau ou encore la participation à la vie d’un cirque.

Créés par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) et encadrés par l’article 33 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, les CEF sont « des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État ». Les mineurs susceptibles d’y être placés sont les mineurs âgés de treize à dix-huit ans, placés soit dans le cadre d’un contrôle judiciaire, soit dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve (depuis leur création), soit à la suite d’une libération conditionnelle (10) soit dans le cadre d’un placement à l’extérieur (11). S’agissant du contrôle judiciaire, le III de l’article 10-2 de l’ordonnance précitée du 2 février 1945 permet de placer sous ce régime les mineurs de treize à seize ans poursuivis pour des faits de nature correctionnelle dans trois cas : premièrement, « si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et si le mineur a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs mesures éducatives (…) ou d’une condamnation à une sanction éducative ou à une peine » ; deuxièmement, depuis la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, « si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans » ; troisièmement, depuis la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, « si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans pour un délit de violences volontaires, d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences ».

La loi prévoit que les mineurs placés en CEF doivent faire « l’objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité ». Seuls peuvent être habilités les « établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service ». Une prise en charge permanente des mineurs placés, 24 heures sur 24 et tout au long de l’année, est assurée par 24 à 27 agents, conformément à la règle de continuité du service énoncée dans la loi.

La création des CEF poursuivait un double objectif : proposer aux magistrats une alternative crédible à la détention provisoire des mineurs, d’une part, et améliorer la lutte contre la récidive des mineurs les plus difficiles, engagés dans une spirale délinquante les ayant conduits à commettre en récidive ou en réitération des actes d’une particulière gravité. La création des CEF s’inscrivait donc dans une logique de diversification de l’offre de placement à la disposition des magistrats, en créant un nouveau type de structure comprenant une forte dimension éducative, tout en offrant un cadre suffisamment « contenant » (12) sans aller jusqu’à l’incarcération. Le caractère « contenant » des CEF résulte également de la possibilité d’incarcérer le mineur qui ne respecte pas le placement prononcé à son encontre.

Au 1er octobre 2012, 45 CEF étaient en fonctionnement, dont 11 appartenant au secteur public et 34 au SAH. Les CEF ont actuellement une capacité d’accueil comprise entre 10 et 12 places, mais une harmonisation de cette capacité à 12 places est prévue en 2013.

Les six catégories de modes de placement brièvement présentées ci-dessus montrent toute la richesse et la variété des solutions de placement censées se trouver à la disposition des magistrats lorsqu’un mineur a commis une ou plusieurs infractions. La diversité des réponses existantes doit permettre, en principe, de prendre la décision la plus conforme aux besoins du jeune en termes de prise en charge éducative, de taille de la structure, d’éloignement ou de proximité du lieu habituel de résidence et d’offres de formations.

Pourtant, il apparaît que l’offre de placement ne coïncide pas toujours avec la demande des magistrats et que trop de placements sont en réalité décidés par défaut, au détriment de la qualité de la prise en charge éducative et au risque d’incidents dans le déroulement de la mesure, en particulier lorsque le type de prise en charge est trop contraignant pour être bien supporté par le mineur. Il est donc essentiel que la PJJ s’efforce d’adapter en permanence l’offre de placement disponible aux besoins, non seulement au niveau national mais aussi local.

La recherche de cette adaptation passe, pour chacune des catégories de mode de placement, par la mise en place d’une offre de places disponibles suffisante pour que le délai de mise à exécution soit le plus bref possible, tout en garantissant un taux d’occupation optimisé dans un souci de bonne utilisation des deniers publics. La question des délais de mise à exécution des décisions de la justice des mineurs apparaît en effet comme une question centrale, comme avait pu le souligner sous la précédente législature la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les mineurs (13). La PJJ a d’ailleurs, depuis plusieurs années, fait de la recherche d’une célérité accrue dans la mise à exécution des décisions un de ses axes prioritaires d’action.

L’hébergement individualisé, l’hébergement collectif non spécialisé et le placement en CER ou en CEF sont susceptibles d’être assurés soit par le secteur public de la PJJ, qui dispose de 118 structures de placement, soit par le SAH, qui dispose de 873 structures de placement. Toutefois, ces dernières ne sont pas toutes dédiées exclusivement à l’accueil de mineurs délinquants et sont susceptibles d’accueillir également des mineurs placés par le département au titre de l’aide sociale à l’enfance.

Afin d’adapter l’offre nationale de placement aux besoins, le projet de budget de la PJJ doit donc prévoir des financements suffisants pour répondre aux besoins de placement, à la fois dans le secteur public et dans le SAH.

Le tableau suivant indique, pour chacun des modes de placement existants, le nombre de structures existantes et de places disponibles, le nombre de journées d’accueil effectivement constatées en 2011 et prévues en 2013, ainsi que le délai de mise à exécution des décisions judiciaires en fonction de la nature de la structure d’accueil.

MODES DE PLACEMENT DES MINEURS DÉLINQUANTS :
OFFRE D
E PLACES, JOURNÉES D’ACCUEIL EFFECTIVES EN 2011 ET PRÉVUES ET 2013
ET DÉLAI DE MISE À EXÉCUTION DES DÉCISIONS EN 2011

Modes de placement des mineurs pris en charge dans le cadre d’une mesure pénale

Nombre de structures

Nombre de places disponibles

Nombre de journées d’accueil effectives en 2011

Nombre de journées d’accueil prévues en 2013

Évolution du nombre de journées d’accueil entre 2011 et 2013 (en pourcentage)

Délai moyen entre la décision de placement et sa mise en œuvre en 2011 (en jours)


Familles d’accueil

Secteur public

Non défini

Non défini

74 386

85 261

+ 14,6 %

4,94

Hébergement individualisé

Secteur public

17

372

32 712

32 700

0,0 %

4,40

SAH

41

Non défini

32 666

27 454

- 16,0 %

32,81

Total

58

372

65 378

60 154

- 8,0 %

18,60

Hébergement collectif non spécialisé (établissements de placement éducatif, foyers classiques, lieux de vie, etc.)

Secteur public

85

1 001

231 679

240 353

+ 3,7 %

2,04

SAH

741

Non défini

225 890

189 845

- 16,0 %

13,68

Total

826

1 001

457 569

430 198

- 6,0 %

7,79

Établissement public d’insertion de la défense

15

166

Pas encore créé en 2011

Non défini

Non défini

Non défini

Centres éducatifs renforcés

Secteur public

5

30

4 934

4 284

- 13,2 %

0,76

SAH

57

424

101 401

98 604

- 2,8 %

5,76

Total

62

454

106 335

102 888

- 3,2 %

5,53

Centres éducatifs fermés

Secteur public

11

99

23 958

47 414

+ 97,9 %

1,81

SAH

34

391

107 305

116 972

+ 9,0 %

3,16

Total

45

490

131 263

164 386

+ 25,2 %

2,91

Ensemble des structures

Secteur public

118

1 502

367 669

410 012

+ 11,5 %

 

SAH

873

815

467 262

432 875

- 7,4 %

 

TOTAL

1 006

2 483

834 931

842 887

+ 1,0 %

 

Source : ministère de la Justice

De façon globale, la PJJ prévoit, entre 2011 et 2013, une augmentation de 1 % du nombre de journées d’accueil, qui passerait de 835 000 à 843 000. Mais, au-delà de cette légère augmentation, des transferts sont opérés entre les différents modes de placement, dans un double souci de rationalisation de l’utilisation des places disponibles et de diversification des modes de placement.

S’agissant tout d’abord du recours aux familles d’accueil, il n’y a aujourd’hui pas de problème de délai dans la mise à exécution des décisions de placement : le délai moyen de 4,94 jours correspond simplement au temps matériel de préparation de l’accueil du mineur par la famille. Cependant, il apparaît que ce mode de placement donne des résultats satisfaisants et qu’il gagnerait à être davantage utilisé, notamment pour des mineurs ayant du mal à supporter la vie au sein d’un collectif. Or, selon les personnels de la PJJ et les magistrats entendus par votre rapporteur pour avis, les magistrats renoncent aujourd’hui trop fréquemment à envisager une telle mesure de placement faute de famille d’accueil disponible. La prévision par le projet de budget pour 2013 d’un financement pour 11 000 journées d’accueil supplémentaires par rapport à 2011 (+ 14,6 %) répond donc pleinement à une juste préoccupation d’adaptation de l’offre de placement aux besoins exprimés.

S’agissant ensuite de l’offre d’hébergement individualisé, il apparaît que les délais de mise en œuvre par le SAH sont aujourd’hui, en moyenne, trop longs (32,81 jours). Parallèlement, les établissements d’hébergement collectif non spécialisé du secteur public sont aujourd’hui sous-utilisés, puisqu’ils ont connu en 2011 un taux d’occupation de seulement 69 % (14). Ces deux données expliquent que, pour l’année 2013, la PJJ ait fait le choix de concentrer ses moyens sur l’hébergement collectif non spécialisé en secteur public, avec une prévision de 8 500 journées d’accueil supplémentaires par rapport à 2011 (+ 3,7 %), d’une part, et sur le développement du recours aux familles d’accueil, avec une prévision du nombre de journées d’accueil en hausse de 14,6 % entre 2011 et 2013. La prévision de recours à l’hébergement individualisé du secteur public est, quant à elle, stable. Au total, le nombre de journées d’accueil en hébergement individualisé financées en 2013 baissera de 5 000 (- 8 %), mais cette baisse est plus que compensée par l’augmentation des financements pour les familles d’accueil (+ 11 000 journées) et pour l’hébergement collectif non spécialisé dans le secteur public (+ 8 500 journées).

Comme indiqué précédemment au sujet du placement en centre EPIDE, il est trop tôt pour tirer un quelconque bilan de cette nouvelle modalité de placement. L’on notera néanmoins que, pour 2012, une réserve de précaution d’un montant de 2 millions d’euros avait été appliquée sur les crédits de la mission « Justice » pour financer les placements en centre EPIDE, et que, pour 2013, des crédits d’un même montant sont prévus dans le projet de budget. Cependant, le nombre de placements effectivement décidés ayant été en 2012 plus faible que le nombre de placements que permettait de financer la réserve de précaution, il apparaîtrait juste que la PJJ obtienne la levée de cette réserve pour financer d’autres actions de fin d’exercice. De même, en 2013, si le nombre de placements effectifs reste inférieur aux prévisions, il serait souhaitable que la PJJ puisse disposer de la part des crédits initialement prévus pour la contribution au financement de l’EPIDE qui n’auront pas été utilisés.

S’agissant ensuite des placements en CER, l’on peut tout d’abord relever que le délai de mise à exécution des décisions de placement dans ces centres est en moyenne de 5,5 jours. Ce délai apparaît tout à fait satisfaisant pour un mode de placement le plus souvent préparé en avance compte tenu du fonctionnement de la majorité des CER en sessions. Le nombre de journées d’accueil en CER prévu pour 2013 connaîtra toutefois une légère baisse par rapport à 2011 (- 3 500 journées, soit  3,2 %), afin d’anticiper un probable report des demandes de magistrats vers des placements en CEF en raison de l’augmentation du nombre de places disponibles au sein de ces dernières structures.

Enfin, s’agissant des placements en CEF, le délai de mise à exécution particulièrement court (2,91 jours en moyenne) montre qu’il n’y a aujourd’hui pas de pénurie manifeste de places de CEF. Toutefois, comme l’ont relevé les personnes entendues par votre rapporteur pour avis tant dans le cadre de ses déplacements que lors des auditions qu’il a conduites, la localisation des CEF pose parfois difficulté. En effet, comme l’avaient relevé dans leur rapport d’information sur les CEF et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) les sénateurs Jean-Claude Peyronnet et François Pillet, « la  localisation des premiers CEF n’a absolument pas tenu compte des bassins de délinquance (…). Ainsi, alors que plusieurs CEF ont été rapidement implantés dans le quart sud-ouest de la France, la région parisienne n’a longtemps compté qu’un seul CEF. (…) Aujourd’hui encore, certaines régions, telles que la direction interrégionale du Sud-Est, apparaissent largement sous-dotées : cette région ne dispose que de deux CEF (Brignoles et Montfavet), alors qu’elle accueille près d’un quart de la population mineure française » (15)

Votre rapporteur pour avis relève que si tous les CEF ont une dimension nationale et sont donc susceptibles d’accueillir des mineurs venant de toute la France, et si l’éloignement d’un mineur de son lieu habituel de résidence est parfois souhaitable, certains placements dans des CEF très éloignés du lieu habituel de résidence posent de sérieuses difficultés, tant sur le plan de l’insertion que sur celui des liens familiaux. Sur le plan de l’insertion, la préparation de l’« après CEF » apparaît particulièrement importante pour que le CEF ait pu être une étape utile dans le parcours du jeune. Un projet d’insertion doit pouvoir être construit à l’endroit où le mineur vivra après son placement en CEF, l’éloignement du CEF pouvant alors nuire à la préparation de ce projet. Sur le plan des liens familiaux, lorsque le mineur n’est pas en rupture familiale ou lorsqu’il apparaît nécessaire pour l’équipe éducative du CEF de travailler à la restauration des liens familiaux, un placement dans un CEF situé à une grande distance du lieu de résidence des parents du mineur peut également être source de complication et nuire à l’utilité du placement.

Dès lors, si le nombre global de places de CEF n’était jusqu’à présent pas insuffisant pour répondre aux demandes de placement des magistrats, un effort devait être entrepris pour améliorer leur répartition sur le territoire national. L’ouverture de 3 nouveaux CEF en 2012 (dans les départements de l’Aisne, du Pas-de-Calais et de l’Essonne) et de 4 autres en 2013 (dans les départements des Bouches-du-Rhône, de la Charente, du Nord et de la Seine-Saint-Denis) devrait contribuer à une meilleure adéquation entre les besoins locaux et l’offre de placement en CEF. Le nombre de journées d’accueil prévues dans les CEF du secteur public est ainsi en hausse de 97,9 %, tandis qu’une augmentation de 9 % est prévue pour le nombre de journées d’accueil dans les CEF du SAH. Le nombre total de journées d’accueil en CEF pourra ainsi passer de 131 000 à 164 000, soit une augmentation de 25,2 %.

Mais au-delà de ces aspects budgétaires globaux, il apparaît nécessaire de garantir un juste équilibre des différents modes de placement, afin que le parcours judiciaire de chaque mineur puisse bénéficier pleinement de toute la richesse de l’offre de placement existante.

Le parcours judiciaire d’un mineur faisant l’objet d’une décision de placement doit être pensé de façon globale, avec une cohérence et une progressivité qui doivent permettre de conduire ce mineur à l’autonomie. Pour ce faire, il apparaît souhaitable de développer deux modes d’hébergement qui sont aujourd’hui insuffisamment utilisés, à savoir le placement en famille d’accueil et l’hébergement diversifié (A). S’agissant de l’offre de places en CEF, votre rapporteur pour avis estime qu’il convient de ne la développer qu’en fonction des besoins et sans nuire à la diversité de l’offre de placement (B).

A. DÉVELOPPER LE RÉSEAU DES FAMILLES D’ACCUEIL ET LES MODES D’HÉBERGEMENT INDIVIDUALISÉ

Le placement en famille d’accueil (1) et le recours à l’hébergement diversifié (2) sont deux modes de placement particulièrement intéressants que la précédente majorité n’avait pas suffisamment cherché à promouvoir, et qui méritent que des efforts soient faits pour les développer.

Au cours de son déplacement à l’EPE de Poitiers ainsi qu’au cours des auditions qu’il a menées, votre rapporteur pour avis a été frappé par la perception très favorable dont bénéficie le placement en famille d’accueil de la part de l’ensemble des acteurs de la justice des mineurs. La réussite du placement en famille d’accueil repose avant tout sur les qualités humaines d’une famille prête à partager son temps, son domicile et son expérience de la vie avec un mineur qui, au-delà de l’infraction qu’il a pu commettre, est souvent avant tout un mineur en souffrance. En cela, le dévouement des familles qui endossent cette fonction difficile mais extrêmement utile de famille d’accueil mérite d’être salué.

Le placement en famille d’accueil peut correspondre à plusieurs situations concrètes très différentes. Il peut tout d’abord s’adresser à des mineurs n’ayant jamais été placés auparavant, pour lesquels un éloignement du lieu habituel de résidence apparaît souhaitable mais dans un cadre ne comprenant pas les inconvénients de la vie en collectivité. Il peut ensuite être adapté pour permettre une « respiration » pendant une période d’hébergement collectif, que ce soit pour une fin de semaine ou des vacances, voire même à la suite d’un incident survenu à l’intérieur de la structure d’hébergement collectif. Il peut enfin servir de transition entre un placement collectif en EPE ou en CEF et le retour du mineur dans sa famille ou son accès à l’autonomie.

Au 1er octobre 2012, la PJJ disposait d’un vivier de 399 familles d’accueil en mesure d’accueillir un ou deux mineurs dans un cadre pénal. En 2011, ce nombre était de 350, ce qui traduit certains efforts réalisés récemment pour développer ce mode de placement. Lors de son audition par la commission des Lois, Mme la garde des Sceaux a indiqué qu’un objectif de 450 familles d’accueil avait été fixé pour 2013.

Toutefois, la recherche de ces familles d’accueil s’avère souvent difficile, en partie en raison des inquiétudes et réticences que peut susciter pour une famille l’accueil d’un mineur délinquant, mais aussi en raison d’un statut et d’un niveau d’indemnisation peu incitatifs.

En effet, à la différence des familles d’accueil accueillant des mineurs placés par le département au titre de l’aide sociale à l’enfance qui ont un statut salarié, les familles d’accueil de la PJJ ont un statut de « bénévoles collaborateurs occasionnels du service public ». De ce fait, elles ne sont pas rémunérées, mais seulement indemnisées à hauteur de 31 € par jour. En cas d’interruption du placement du mineur, notamment en cas de fugue, le versement de cette indemnisation est interrompu après un délai de carence d’une journée.

Au cours de son audition par la commission des Lois sur les crédits de la mission « Justice », Mme la garde des Sceaux a annoncé que le montant de l’indemnité journalière des familles d’accueil serait porté à 36 € en 2013. Mais au-delà de ce seul aspect indemnitaire, votre rapporteur pour avis estime qu’une réflexion plus large sur l’attractivité du statut de famille d’accueil de la PJJ doit être menée si l’on veut développer de façon conséquente le réseau des familles d’accueil. Une mission d’inspection sur les familles d’accueil, actuellement en cours au sein du ministère de la Justice, doit formuler d’ici à la fin de l’année 2012 des propositions pour développer le recours à ces familles. Votre rapporteur pour avis souhaite vivement que ces propositions permettent effectivement d’atteindre l’objectif d’une augmentation conséquente de l’offre de places en famille d’accueil.

Comme votre rapporteur pour avis l’a déjà souligné, le secteur de l’hébergement individualisé a été insuffisamment développé au cours des dernières années, pour deux raisons principales. Tout d’abord, le choix avait été fait de privilégier le développement de l’offre de places en CEF, au détriment de formules moins contraignantes pourtant nécessaires dans la palette de solutions éducatives. Ensuite, la dette accumulée à l’égard du SAH a fragilisé de nombreux acteurs associatifs de ce secteur, rendant plus difficile l’accès à ces formules pour les magistrats en raison de la diminution de l’offre.

Pourtant, votre rapporteur pour avis a pu constater, au cours des visites qu’il a effectuées à l’EPE de Poitiers (Vienne) et à l’unité d’hébergement diversifié « Tremplin 94 pour l’insertion » à Gentilly (Val-de-Marne), l’intérêt et la pertinence des formules d’hébergement individualisé.

Ainsi, l’unité d’hébergement diversifié « Tremplin 94 pour l’insertion » propose-t-elle à des mineurs ou à des jeunes majeurs, auteurs d’infractions ou pris en charge en tant que mineurs ou jeunes majeurs en danger, un hébergement dans des studios indépendants (24 places) ou en famille d’accueil (2 places). Les studios dans lesquels sont logés les jeunes sont situés dans le parc locatif privé de la ville de Gentilly. Un accompagnement éducatif destiné à favoriser leur autonomie et leur insertion socio-professionnelle, mais aussi à faire face à toute difficulté susceptible de survenir pendant la durée de l’accueil, est mis en place. Chaque jeune bénéficiant d’un hébergement en studio signe avec l’unité deux contrats : un contrat d’objectifs, par lequel il s’engage à respecter le cadre du projet d’insertion socio-professionnelle qui a été préalablement défini avec l’équipe éducative, et un contrat de mise à disposition temporaire d’un logement meublé. Cette démarche contractuelle permet de responsabiliser le jeune et de l’amener progressivement vers l’autonomie. Chaque jeune bénéficie chaque semaine d’une somme de 70 € destinée à ses dépenses alimentaires et à ses besoins courants, dont il doit justifier de la bonne utilisation.

L’association organise dans ses locaux un accueil de jour, destiné principalement aux jeunes nouvellement arrivés et dont le projet d’insertion est à définir. Dans une perspective d’acquisition de l’autonomie, des actions centrées sur la gestion d’un budget et l’organisation de la vie quotidienne (cuisine, ménage, etc.) sont mises en place. Un travail sur les problématiques de santé et, plus particulièrement, sur les conduites addictives est également effectué en partenariat avec les professionnels de santé.

Afin de garantir la sécurité du fonctionnement du dispositif et pour tenir compte des problématiques particulièrement lourdes dont peuvent être atteints les jeunes accueillis, une astreinte dite « active » est organisée, permettant l’intervention immédiate d’un membre du personnel de l’unité 365 jours par an et 24 heures sur 24 en cas de difficulté. Chaque jeune est appelé au téléphone au moins une fois chaque soir et les éducateurs effectuent des visites inopinées pour s’assurer de la présence des jeunes dans leur studio. Les jeunes ont la possibilité de recevoir dans leur studio une personne extérieure, à condition que l’équipe éducative en soit préalablement informée et que cette visite ne nuise pas au déroulement de la mesure, par exemple en entraînant un coucher trop tardif qui empêcherait le jeune de se rendre en formation le lendemain.

En amont de la fin de la mesure et en tant que de besoin, l’inscription dans les dispositifs de formation ou d’hébergement des jeunes majeurs est recherchée. Si une mesure de protection de jeune majeur apparaît nécessaire pour un jeune qui avait été accueilli dans un cadre pénal, l’association cherche à assurer un bon passage de relais entre la prise en charge au pénal et la mise en place d’une mesure de protection par le département. Lorsque le jeune ne peut ni bénéficier d’un hébergement par sa famille ni louer un logement, une orientation vers un foyer de jeunes travailleurs est recherchée.

Le travail mené au sein de cette structure, centré sur l’acquisition de l’autonomie et la responsabilisation des jeunes, est apparu particulièrement intéressant à votre rapporteur pour avis. Comme le placement en famille d’accueil, le placement dans des structures d’hébergement individualisé peut être adapté à des situations et des profils très différents, allant du mineur jamais placé auparavant au mineur précédemment incarcéré ou placé en CEF pour lequel un accompagnement progressif vers l’autonomie est nécessaire.

Des efforts sont actuellement entrepris par la PJJ pour redynamiser ce secteur de l’hébergement individualisé. Ainsi, dans le secteur public, plusieurs EPE – dont celui de Poitiers que votre rapporteur pour avis a visité – sont actuellement en cours de transformation en unités éducatives d’hébergement diversifié, qui comprendront 5 places d’hébergement collectif et 15 places d’hébergement diversifié. Les mineurs placés dans ce cadre pourront ainsi bénéficier du suivi des éducateurs et psychologues de l’EPE, tout en étant hébergés dans une structure correspondant au mieux à leurs besoins.

Mais au-delà de cet effort organisationnel, un effort budgétaire devra être entrepris dans les années à venir pour dynamiser l’hébergement individualisé et renforcer l’offre de places dans ce secteur. Si les crédits ouverts dans le projet de loi de finances pour 2013 ne permettent pas de mener cet effort, en raison de la concentration des moyens sur le développement du recours aux familles d’accueil et l’extension du parc de CEF justifiée par la nécessité de mieux répartir l’offre de places sur le territoire national, votre rapporteur pour avis invite le Gouvernement à chercher à développer, sur la durée de la législature, ce secteur de l’hébergement individualisé.

La précédente majorité avait décidé, à l’extrême fin de la XIIIe législature, de créer 20 nouveaux CEF, afin de permettre la mise en application de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs qui avait étendu les possibilités de placement en CEF à des mineurs de 13 à 16 ans n’ayant jamais fait l’objet d’une condamnation antérieurement. En 2012 et 2013, il est prévu que 7 nouveaux CEF ouvrent leurs portes et que le nombre de places au sein de chaque CEF soit fixé à 12, portant ainsi le nombre de CEF à 52 et l’offre totale de places à 624. Toutefois, Mme la garde des Sceaux a demandé, au mois d’août 2012, qu’une inspection soit menée par l’Inspection générale des services judiciaires et l’Inspection générale des affaires sociales pour examiner l’utilité et, le cas échéant, les modalités d’une nouvelle extension de la capacité du parc de CEF.

Certes, la question du besoin en places de CEF doit indéniablement être posée et ce, sans a priori idéologique, dans une perspective de mise en adéquation de l’offre et de la demande. Pour autant, plusieurs éléments tenant à la place du CEF dans l’équilibre général de l’offre de placement (1), à la question du public qui y est accueilli (2), au niveau d’encadrement (3) et à la nécessité de la préparation de l’« après CEF » (4) incitent votre rapporteur pour avis à penser que l’effort budgétaire des années à venir en faveur de la justice des mineurs ne devrait pas porter prioritairement sur une nouvelle extension de la capacité d’accueil des CEF.

Si le concept du CEF a pu susciter, lors de sa création et au cours des premières années qui ont suivi, certaines réticences, il est aujourd’hui considéré par la très grande majorité des professionnels de la justice des mineurs et du monde socio-éducatif comme une solution qui peut être intéressante et adaptée dans le parcours d’un mineur. Pour autant, le CEF ne saurait être considéré comme la solution « miracle », qui pourrait être utilisée indistinctement pour tous les mineurs : il n’est que l’une des solutions possibles au sein de la palette des différents modes de placement dont doivent disposer magistrats et éducateurs pour répondre aux situations des mineurs. Le CEF n’est un dispositif efficace que s’il est, au moment où le placement est décidé, la solution la mieux adaptée à la situation particulière du mineur.

Pour déterminer si le placement en CEF d’un mineur est adapté, il importe tout d’abord de déterminer si le mineur a besoin d’une structure « contenante » et, si la réponse est positive, si sa situation justifie le niveau de contenance proposé par les CEF. La réponse à la première question n’est pas nécessairement évidente : des mineurs ayant mis en échec des placements dans des structures moins encadrées que les CEF en y causant des troubles graves peuvent ne pas avoir besoin d’un niveau d’encadrement éducatif plus élevé mais, au contraire, d’une prise en charge plus individualisée, plus responsabilisante et plus sécurisante sur le plan affectif, par exemple en famille d’accueil ou dans un lieu de vie.

S’il apparaît que la situation du mineur nécessite bien un cadre « contenant » et une prise en charge éducative intensive, il convient de ne pas surestimer l’importance de cette dimension dans les CEF, mais aussi de ne pas sous-estimer le caractère « contenant » d’autres structures telles que les EPE ou les CER. En effet, il convient de ne pas oublier que la fermeture des CEF est avant tout juridique et consiste dans la menace d’une incarcération en cas de non-respect des obligations inhérentes au placement. Par ailleurs, comme l’ont souligné les personnels appartenant à la direction territoriale Poitou-Charentes de la PJJ entendus par votre rapporteur pour avis lors de son déplacement à Poitiers, les placements en EPE sont de plus en plus souvent adossés à une mesure judiciaire, qu’il s’agisse d’un sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou d’un contrôle judiciaire. Dans ces cas, le non-respect de la décision de placement peut aussi avoir pour conséquence une incarcération du mineur si aucune autre solution ne peut être envisagée. Le placement en CEF n’est donc pas l’unique réponse judiciaire susceptible d’offrir le cadre « contenant » que peut appeler la situation d’un mineur.

Comme l’avait souligné la Défenseure des enfants dans un rapport présenté en juin 2010, « la prévention de la récidive résulte d’un processus éducatif global qui ne peut être limité aux seuls CEF en termes d’efficacité » (16). En conséquence, votre rapporteur pour avis considère que le CEF doit s’inscrire dans une offre globale de placement aussi diversifiée que possible et qu’un placement en CEF ne doit être décidé que lorsqu’il apparaît comme la solution la mieux adaptée à la situation particulière du mineur.

Bien que la LOPJ de 2002 ait, dès l’origine, prévu la possibilité que des mineurs n’ayant jamais fait l’objet d’une mesure éducative ou d’une peine puissent être placés en CEF, la philosophie de ces centres était en 2002 de répondre prioritairement à la situation des mineurs dits « multiréitérants ». Le rapport annexé à la LOPJ de 2002 est, sur ce point, dénué d’ambiguïté : « Le placement au sein des centres éducatifs fermés répondra ainsi à la nécessité d’une prise en charge renforcée des mineurs multiréitérants » (17).

Cependant, très rapidement, une modification du profil des jeunes accueillis en CEF est intervenue, comme l’avait fort justement relevé la Défenseure des enfants. Ce glissement semble s’être opéré pour plusieurs raisons, dont les principales tiennent au « profil psychologique des adolescents ainsi placés », à la « volonté de marquer symboliquement la gravité de l’acte par une réponse ferme immédiate », à la « modification du seuil de tolérance des autres types d’établissement d’accueil » mais aussi à un « manque d’alternative en termes de placement » (18). Ce dernier motif apparaît comme le plus préoccupant : penser qu’un mineur puisse être placé en CEF par défaut, alors que ce type de placement collectif peut se révéler extrêmement difficile à supporter pour un mineur qui n’a jamais été placé auparavant, ne saurait satisfaire ni le législateur dont la volonté est ainsi trahie, ni le citoyen soucieux d’une prise en charge adaptée et efficace des mineurs délinquants.

Ce dévoiement de l’objet des CEF présente un danger majeur qu’avait dénoncé la Défenseure des enfants, celui du « processus d’escalade institutionnel » (19). En effet, un mineur jamais placé auparavant, mais dont le premier placement a lieu en CEF, encourt le risque d’être directement incarcéré, en cas de nouvelle infraction mais aussi en cas de mauvais comportement au sein du CEF ou de fugue liés à ses difficultés à supporter ce mode de placement contraignant. Conçu comme une alternative à l’incarcération – ce qu’il est d’ailleurs parvenu à devenir au fil des années (20) –, le CEF peut alors dans ce cas précis devenir un accélérateur d’incarcération pour des mineurs qui, au départ, n’auraient pas dû y être placés.

Ce dévoiement dans les faits de l’objet initial du CEF s’est doublé, depuis un an, d’un dévoiement dans le droit, puisque la loi précitée du 10 août 2011 a instauré la possibilité de placer en CEF, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, des mineurs poursuivis pour des délits de violences volontaires, d’agression sexuelle ou pour tout délit commis avec la circonstance aggravante de violences dès lors que la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans. Or, l’on sait que, par le jeu des circonstances aggravantes, ce niveau de peine peut être très rapidement atteint. Par exemple, des violences ayant entraîné une incapacité de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail – une gifle ou une bousculade pouvant être qualifiées de violences – sont punies de cinq ans d’emprisonnement dès lors qu’elles sont commises par deux personnes dans un établissement scolaire ou dans un moyen de transport, voire de sept ans d’emprisonnement si la victime est un mineur de quinze ans (21). Une bagarre de cour d’école peut ainsi désormais conduire ses protagonistes en CEF, même si personne n’y est blessé.

Cette extension a pour effet que, dorénavant, peuvent être placés en CEF des mineurs qui ne correspondent plus du tout au public ciblé au départ. Or, ce n’est pas parce que la qualification pénale entraîne, par le jeu des circonstances aggravantes, des peines lourdes, que l’infraction peut être objectivement qualifiée de grave, de la même façon que le fait pour un mineur d’être poursuivi sous une telle qualification ne saurait en faire de facto un mineur dont la situation justifie un placement en CEF. Compte tenu de l’effet pervers d’un placement trop rapide en CEF, à savoir le risque d’être incarcéré en cas d’incident dans le déroulement de la mesure, la modification de la loi du 10 août 2011 apparaît très largement inopportune, comme cela avait été alors dénoncé.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, cette modification législative a eu pour effet d’accroître la demande de placements en CEF d’environ 10 %. La suppression de cette disposition permettrait donc de limiter le besoin de nouvelles places de CEF.

Afin de réaliser des économies et de financer l’extension du parc des CEF, la précédente majorité avait prévu d’abaisser de 27 à 24 le nombre d’ETPT prévu par le cahier des charges des CEF. Si cette décision a été mise en œuvre dans les 11 CEF du secteur public, son application a été, depuis plus d’un an, source de fortes crispations entre les associations gérant les 34 CEF du SAH et le ministère de la Justice. En effet, comme l’ont fait valoir les représentants de l’association Nouvel Horizon lors de la visite de votre rapporteur pour avis au CEF du Vigeant (Vienne), l’abaissement à 24 ETPT pose de sérieux problèmes pratiques dans le fonctionnement de l’établissement. Tout d’abord, compte tenu des incidents susceptibles de survenir à toute heure au sein de ces centres, les volumes légaux d’heures supplémentaires peuvent être assez vite dépassés. Ensuite, les agents, déjà soumis à rude épreuve du fait même de l’exercice de leur mission dans un cadre très particulier au contact de jeunes en grande difficulté, peuvent se trouver rapidement en situation de surmenage physique et psychologique, engendrant une instabilité de l’équipe éducative préjudiciable au bon fonctionnement de la structure. Enfin, la tension sur les effectifs peut entraver la possibilité pour la direction du CEF de libérer du temps pour permettre à ses agents de se former, alors que l’on sait que la qualité de la formation des agents est l’une des clés de la réussite des CEF (22).

La question de la définition précise du juste niveau d’encadrement d’une structure éducative ne saurait être envisagée in abstracto, car elle dépend de facteurs multiples : taille et moyens de l’association dont dépend la structure, niveau d’expérience et de formation de l’équipe éducative, adéquation de l’organigramme défini avec le projet éducatif de la structure. Pour autant, votre rapporteur pour avis estime nécessaire de rappeler que le niveau de 27 ETPT avait à l’origine été retenu avec l’objectif de garantir au sein des CEF un fort taux d’encadrement des jeunes, afin de donner corps à sa dimension « contenante » et de rendre possible une prise en charge éducative très intensive.

Dans ces conditions, la décision d’abaisser le taux d’encadrement des CEF dans le seul but de réduire les dépenses et indépendamment de toute considération d’efficacité et de qualité du service semble devoir être réexaminée. Dès lors, s’il apparaît que le bon fonctionnement des CEF nécessite plus de 24 ETPT et si un arbitrage budgétaire doit être opéré entre une extension de la capacité d’accueil en CEF et une sécurisation de leur fonctionnement par un maintien du taux d’encadrement le plus approprié, votre rapporteur pour avis estime que la priorité devrait être donnée à la seconde option.

Toutes les personnes entendues par votre rapporteur pour avis, que ce soit lors des auditions qu’il a menées ou dans le cadre de son déplacement au CEF du Vigeant, se sont accordées pour dire que le travail réalisé en CEF ne présentait un intérêt que si la transition entre le placement et le retour dans le milieu ouvert était suffisamment et correctement préparée. En effet, le placement en CEF ne saurait être qu’une étape dans le parcours du jeune, ne serait-ce que par sa durée nécessairement limitée à un an au plus (23), mais aussi et surtout en raison du fait que, comme tout placement, il a une finalité éducative consistant à amener progressivement le mineur sur le chemin de l’autonomie.

Malheureusement, en dépit des efforts des équipes éducatives pour préparer les sorties des mineurs placés en CEF, il est parfois difficile de trouver des solutions de placement pour les mineurs pour lesquels un retour dans leur milieu naturel immédiatement après le CEF n’apparaît pas possible. En particulier, lorsque le mineur sortant de CEF arrive au terme de la mesure pénale pour laquelle il avait été placé, mais que sa situation sociale, économique et familiale nécessiterait qu’il bénéficie d’une prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance ou en tant que jeune majeur, il arrive que certains départements refusent de jouer le rôle qui est le leur au prétexte que le mineur concerné, ayant été délinquant, ne pourrait être qualifié de mineur ou jeune majeur en danger. Pour prévenir ces difficultés, il apparaît nécessaire que chacun des acteurs de la protection de l’enfance – État et conseils généraux – joue pleinement son rôle sans chercher à se « défausser ». Pour votre rapporteur pour avis, la restauration d’un dialogue confiant et serein entre l’État et les collectivités territoriales et la relance d’une véritable dynamique partenariale sont à même d’améliorer la situation actuelle, dont les victimes sont aujourd’hui malheureusement les jeunes dont les difficultés d’insertion ne sont pas correctement prises en compte.

Par ailleurs, des difficultés dans la préparation de l’« après CEF » peuvent aussi survenir lorsque le CEF dans lequel le mineur est placé est très éloigné de la région dans laquelle il retournera vivre après son placement. En effet, la préparation d’un projet de sortie et de retour dans le droit commun suppose une bonne connaissance du tissu socio-économique local ainsi qu’un réseau de partenaires avec lesquels le projet peut être élaboré. Cette préparation doit aussi se faire, aussi souvent que possible, en lien avec la famille, en particulier lorsque le mineur doit retourner vivre au domicile familial à l’issue de son placement. Si l’éloignement du mineur peut, dans un certain nombre de cas, être une nécessité sur le plan judiciaire et relever d’un choix délibéré du magistrat, il peut aussi être subi et ne résulter que d’un manque de places dans des structures plus proches du lieu habituel de résidence du mineur. Dans ce cas, l’éloignement sera un facteur supplémentaire de difficulté dans la préparation de ce projet de sortie.

En conclusion, votre rapporteur pour avis considère que le développement de l’offre de placement en CEF ne saurait se faire au détriment de la diversité de l’offre globale de placement et qu’il conviendrait à l’avenir, en cas de création de nouveaux CEF, d’éviter de procéder à des créations de CEF par transformation d’autres structures collectives, comme l’avait fait la précédente majorité. En outre, il estime que l’efficacité du dispositif des CEF pourrait être améliorée par un effort budgétaire porté sur le niveau d’encadrement et la préparation de la transition avec le milieu ouvert.

Votre rapporteur pour avis invite donc le Gouvernement à prendre l’ensemble de ces éléments en considération dans les décisions qu’il sera amené à prendre dans les mois à venir s’agissant de la définition de l’offre de placement en CEF.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du jeudi 18 juillet 2012, la Commission procède d’abord à l’audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, sur les crédits de la mission « Justice », puis examine les crédits de cette mission.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Mes chers collègues, nous accueillons ce matin avec un grand plaisir Mme la garde des Sceaux, qui va nous présenter son budget pour 2013 dont nous sommes impatients de connaître la teneur. En effet, il y a déjà bien longtemps que, dans cette maison, nous sommes nombreux à nous plaindre à l’unisson du peu de crédits alloués à la Justice. Si j’en crois le Conseil de l’Europe, nous sommes la Cendrillon du continent puisque, sur les trente-huit pays pris en compte, la France se situe au dix-huitième rang. Quant à la dépense exprimée en proportion du PIB par habitant, notre pays est classé par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) au trente-septième rang sur quarante-trois États. C’est dire si le défi est immense pour améliorer l’efficacité de notre système !

Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux. Merci d’être si nombreux ce matin. Le président Urvoas vient d’évoquer le classement européen établi par la CEPEJ, sans doute pour créer un peu d’ambiance !

S’agissant de la présentation de mon budget, j’ai bien conscience de ne pas m’adresser ce matin à une assemblée de comptables mais à une commission d’élus responsables, parfaitement rompus à ces questions et j’ai donc choisi de vous exposer mes priorités politiques et leur traduction budgétaire, tout en étant prête à répondre à toutes vos questions.

Le budget de la Justice est prioritaire, pluriannuel et politique. Il est prioritaire dans la mesure où il traduit l’engagement du président de la République de faire de l’Éducation nationale, de la Sécurité et de la Justice les trois priorités de son quinquennat. Cela se traduit pour la Justice par une progression des crédits de 4,3 % qui lui permet d’atteindre 7,7 milliards. Cet effort est à apprécier au regard de la stabilité du budget global de l’État.

La priorité donnée à la Justice s’exprime aussi dans l’effort en matière d’effectifs avec la création de 500 postes dès 2013. Il s’agit d’une augmentation appréciable, conforme à l’engagement du président de la République de créer un millier d’emplois par an au cours du quinquennat au profit des ministères de l’Intérieur et de la Justice. Réserver la moitié de ces postes à la Justice trace une orientation claire, particulièrement remarquable dans le contexte actuel de stabilisation des effectifs de la fonction publique – laquelle tranche déjà avec les nombreuses suppressions de postes découlant, au cours de la précédente législature, de la révision générale des politiques publiques.

En vue de renforcer nos capacités d’anticipation, le budget de la Justice se décline sur trois exercices. Cela procure une certaine souplesse, car les efforts accomplis la première année peuvent être modulés par la suite afin de satisfaire plusieurs engagements. La progression budgétaire pour les trois exercices à venir peut sembler relativement modérée – plus 4,3 % en 2013, plus 1,6 % en 2014 et plus 0,3 % en 2015 – mais elle restera toujours positive. Il est légitime que la Justice prenne sa part dans l’effort de redressement des finances publiques. S’agissant des emplois, l’effort sera par contre continu : 500 postes créés chaque année, soit 1 500 dans la période triennale de référence.

Ce budget est politique dans la mesure où il va servir des priorités clairement définies. J’ai du reste déjà eu l’occasion de les exposer en plusieurs circonstances : devant votre Commission au tout début de la législature, devant le groupe de travail sur les zones de sécurité prioritaires, lors de l’installation du comité d’organisation de la conférence de consensus – à laquelle plusieurs d’entre vous ont participé –, devant le Sénat à l’occasion d’un débat sur la carte judiciaire, devant les magistrats de la famille et devant l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM).

Conformément aux engagements du président de la République, la première priorité de la mission « Justice » pour 2013, c’est la jeunesse. L’année qui vient sera celle de la jeunesse, et des efforts tout particuliers seront accomplis en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Alors que la PJJ a perdu 600 postes au cours des cinq dernières années, nous allons en créer 205, d’éducateurs et de psychologues, afin de réduire à cinq jours, à compter de 2014, le délai de prise en charge suivant une décision judiciaire et ce, conformément à la loi. En partenariat avec l’Éducation nationale, ces éducateurs et psychologues seront aussi présents dans les classes relais au titre de la prévention. La rapidité de la réponse apportée vise à permettre au jeune de bien mesurer la portée de ses actes.

Je m’attacherai aussi à diversifier les solutions offertes aux juges : familles d’accueil, foyers « classiques » et centres éducatifs fermés (CEF). Quatre centres ont été créés en 2012 par la transformation d’anciens foyers. Il était prévu de faire évoluer dix-huit foyers en CEF, mais je n’ai pas souhaité donner suite à l’ensemble du projet car je considère que la création de tels centres ne doit pas se faire au détriment des autres solutions mises à la disposition des magistrats. En 2013, quatre autres CEF verront cependant le jour, dont trois par création pure et un – à Marseille – par la transformation d’un foyer.

Le moment venu, je vous rendrai compte des conclusions de la mission d’inspection des services judiciaires que j’ai diligentée au sujet des CEF. Sur les quarante-deux centres existants, trente-trois sont gérés par des associations habilitées. Le service associatif habilité est fragilisé depuis plusieurs années par une créance de 35 millions d’euros, que je vais alléger par l’injection de 10 millions dès 2013. Cela donnera du souffle à la trésorerie des associations, qui pourront ainsi mieux assurer les missions de service public qui leur sont confiées.

Compte tenu de la priorité donnée à la jeunesse, le budget de la PJJ va donc augmenter de 2,4 % alors que les autres crédits de fonctionnement enregistrent une baisse globale de 7 %.

Une autre priorité consiste à améliorer la justice civile, laquelle représente 70 % de l’action de la justice, même si la justice pénale fait infiniment plus de bruit. Nous avons d’ores et déjà travaillé à la redéfinition des périmètres de contentieux, en vue d’optimiser l’efficacité globale du système et de raccourcir les délais de réponse. La réforme de la carte judiciaire ayant entraîné la suppression de plus d’un tiers des tribunaux d’instance, des adaptations des modes de fonctionnement locaux sont souvent nécessaires.

Les crédits consacrés à l’informatisation doublent, ce qui va permettre de redéployer des postes, de rendre plus fluides certaines procédures et d’exempter les personnels de certaines tâches par trop fastidieuses.

La loi prévoyait la suppression des juridictions de proximité à compter de 2014 mais il ne me semble pas souhaitable de maintenir cette échéance. Compte tenu notamment de la réforme de la carte judiciaire, la surcharge de travail qui en découlerait pour les tribunaux d’instance serait difficilement supportable et les délais de réponse aux demandes des justiciables en pâtiraient. La mise en extinction des juridictions de proximité sera donc différée, de manière à permettre aux tribunaux d’instance de mieux anticiper l’augmentation de leur charge de travail.

La justice civile bénéficiera du recrutement de 142 magistrats, auxquels s’ajouteront les redéploiements rendus possibles par l’informatisation.

J’en viens aux frais de justice, essentiels dans la mesure où ce sont eux qui permettent aux magistrats d’accomplir leur mission, en recourant à des experts, à des tests ADN, à des psychiatres, etc. Tout ce qui est indispensable à la manifestation de la vérité doit pouvoir être financé et c’est pourquoi les frais de justice augmenteront de 15 %. Souvent alertés sur ce point dans vos circonscriptions, vous savez que les frais de justice représentent un énorme problème. Au cours des dernières semaines, j’ai dû obtenir des compléments budgétaires et des dégels de crédits pour éviter que certaines juridictions ne se retrouvent en cessation de paiement. C’est aussi à cause des frais de justice que le ministère a acquis sa réputation de très mauvais payeur et il est donc urgent de redorer son image. L’augmentation de 15 % correspond à 62 millions d’euros, ce qui fait passer l’enveloppe de 415 à 477 millions.

Conformément à la lettre de cadrage du Premier ministre, les frais de fonctionnement vont baisser de 7 %. Cette mauvaise nouvelle doit cependant être nuancée car, au cours des dernières années, les budgets de fonctionnement avaient été ponctionnés à hauteur de 15 millions d’euros pour couvrir les besoins de frais de justice et de 6 millions au titre de la réforme de la carte judiciaire. En 2013, nous n’aurons pas à prélever ces 21 millions et la baisse de 7 % sera donc compensée, d’autant que nous allons faire des efforts en matière de commande publique et d’organisation.

L’aide juridictionnelle progresse aussi, puisqu’elle passe de 232 à 271 millions d’euros, soit une augmentation de 16 %.

Parmi mes priorités figure la réflexion sur le sens de la peine, grâce notamment à l’installation du comité d’organisation de la conférence de consensus de prévention de la récidive. Au plan budgétaire, cela se traduira par 120 recrutements, dont 70 juges de l’application des peines (JAP), une dizaine de parquetiers et une quarantaine de greffiers. 63 recrutements sont également prévus dans les services d’insertion et de probation, dont le travail en amont est indispensable à celui des JAP.

Les placements extérieurs seront étendus, sous la forme notamment du placement sous surveillance électronique (PSE). L’objectif est de doubler le nombre de PSE au cours du quinquennat, de manière à passer de 8 000 à 16 000. On constate un certain tassement des travaux d’intérêt général (TIG) mais cela reste très variable d’une région à l’autre et j’entends bien remobiliser les collectivités territoriales à ce sujet. Enfin, nous créons 220 places dans les quartiers de semi-liberté.

Telles sont nos principales orientations en matière de prévention de la récidive et d’accompagnement des personnes détenues.

S’agissant de l’aide aux victimes, je vous ai indiqué tout à l’heure que l’aide juridictionnelle augmentait. Parallèlement, le nombre de bureaux d’aide aux victimes, présents dans une cinquantaine de tribunal de grande instance, sera progressivement étendu à la totalité d’entre eux. Plusieurs parlementaires de tous les groupes, dont le président Urvoas et Mme Nieson, ont déjà travaillé sur des propositions de loi en faveur de l’aide aux victimes et je pense donc que nous aurons l’occasion d’y revenir.

Parallèlement au recrutement de nouveaux agents, des efforts sont nécessaires en matière de revalorisation salariale et d’amélioration du régime indemnitaire des personnels en place. Il convient de respecter la parole de l’État envers les magistrats puisque nous allons entrer dans la troisième et dernière année de revalorisation prévue par décret. Cet engagement sera tenu. S’agissant de l’administration pénitentiaire, les actions engagées seront poursuivies en 2013, cependant que la PJJ bénéficiera d’un effort beaucoup plus modeste.

Au-delà de 2013, j’entends remédier au fait que les personnels de catégorie C n’ont bénéficié d’aucune revalorisation depuis une dizaine d’années. Je n’ai malheureusement pas été en mesure de faire un effort dès cette année, hors le maintien du budget de l’aide sociale (à hauteur de 24 millions d’euros), dont les catégories les plus modestes sont les premières à bénéficier. En 2015, je me pencherai sur la situation des greffiers, en notant toutefois que s’ils n’ont pas bénéficié d’une forte revalorisation salariale au cours des dernières années, leurs conditions de travail ont été améliorées par des recrutements.

Le présent quinquennat sera un quinquennat de construction. S’agissant de l’immobilier judiciaire, une vingtaine de villes sera concernée : onze chantiers sont déjà plus ou moins engagés et il y aura neuf mises en construction. Trois partenariats publics-privés (PPP) étaient prévus, à Caen, Lille et Perpignan. Celui de Caen sera maintenu, car il correspond à une réelle urgence, celui de Perpignan sera reconsidéré au cours des dix-huit prochains mois – je renonce au PPP défavorable à l’État et je dispose des moyens budgétaires pour 2014-2015 – et celui de Lille – où se pose un problème de terrain – n’est pas assez mûr pour être traité en 2013.

Le budget de l’immobilier pénitentiaire augmente de 7,8 %. Les opérations de rénovation les plus emblématiques concerneront La Santé, les Baumettes et Fleury-Mérogis. Quant au budget d’entretien courant du patrimoine, il passe de 55 à 66 millions d’euros, soit une augmentation de 20 %.

La vétusté de certains établissements est criante et insupportable. Au titre d’un programme de substitution, plusieurs constructions vont permettre de remplacer des structures extrêmement vétustes par des constructions neuves. Parallèlement, seront poursuivis des programmes de restauration et de réorientation, en vue notamment de privilégier les modules à taille humaine. Les personnels ont appelé notre attention sur les difficultés particulières que pose la gestion des gros établissements, de 600 à 800 places, et je suis résolue à en tenir le plus grand compte.

Telles sont, brièvement présentées, les grandes orientations de notre politique et leur traduction budgétaire. Bien entendu, je me tiens à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis pour les crédits de la « Justice administrative et judiciaire ». Au cours de la série d’auditions que j’ai conduites dans le cadre de la préparation de mon rapport, je n’ai pas rencontré un seul interlocuteur qui ne se réjouisse de la priorité donnée à la Justice. Dès lors, qu’il s’agisse de la conduite de votre politique ou de la traduction budgétaire des priorités que vous avez rappelées, vous pouvez, madame la ministre, compter sur le soutien de la majorité.

Au regard de la situation actuelle, je n’hésite pas à dire que nous sommes au bord du sinistre dans nombre de juridictions. Il y a, dans les personnels des greffes, chez les acteurs de la Justice, beaucoup d’attente pour essayer de réparer les choses et j’avoue que je ne mesurais pas l’ampleur de leur désarroi.

Sur la suggestion de notre président, j’ai concentré mon analyse sur un thème bien précis : la justice d’instance.

Permettez-moi d’aborder en premier lieu des questions générales.

Constatant la situation de quasi cessation de paiement de certaines juridictions, vous faites progresser les frais de justice de 15 %. Avez-vous bien conscience que cela sera totalement insuffisant pour rétablir le processus normal de gestion annuelle de ces prestations ? Qu’est-il prévu pour les prochaines années ? Il semble que le contrôle de l’utilisation de ces fonds soit souvent défaillant et que les régies des tribunaux ne soient pas toujours en mesure de vérifier le bien-fondé de certaines dépenses. Comment peut-on peser davantage dans les négociations avec les grands opérateurs, notamment de télécommunications ?

La contribution de 35 euros est souvent perçue comme un moyen de réduire l’accès à la justice des familles modestes et certaines juridictions enregistrent une baisse de leurs saisines. Certains la considèrent aussi comme une absurdité dans la mesure où elle crée un report sur l’aide juridictionnelle, finalement plus coûteuse pour la collectivité.

Ma troisième question porte sur la collégialité de l’instruction, censée intervenir dès 2014. Nous confirmez-vous cette date ?

S’agissant du fonctionnement, je ne puis concevoir que l’on reste englué dans le « purisme de la mouise ». Pas de chauffage dans certaines juridictions ! Une qualité de papier tellement insuffisante qu’elle « fusille » les imprimantes et empêche la reprographie ! Il faut se battre sur ces différents fronts car l’on ne peut se résoudre à laisser les personnels supporter de telles conditions de travail.

Les personnels non magistrats nous font part d’une certaine amertume. Vous avez clairement indiqué que vous assumiez les engagements triennaux traduits par décret qui conduisent à une dernière année de revalorisation des indemnités des magistrats. Certains considèrent que cela est injuste et que l’on aurait dû faire un effort immédiat en faveur des catégories C, ainsi que des greffiers. Cela entretient l’idée que notre Justice donne toujours la priorité aux plus éminents de ses serviteurs, qui sont les magistrats. Or il y a aussi de très grands serviteurs parmi les greffiers et les assistants administratifs. Sans compter les vacataires recrutés pour trois mois, qui quittent les juridictions une fois achevée leur période de formation car l’on ne veut pas assumer les responsabilités liées à leur précarité.

Les crédits alloués à l’École nationale de la magistrature (ENM) diminuent de 5,2 % : sera-ce compatible avec le besoin de magistrats que nul ne conteste ?

Si, au départ, les juges d’instance ont été hostiles à l’arrivée des juges de proximité, ceux-ci ont acquis une véritable légitimité et les « faire remonter » dans les tribunaux de grande instance en tant qu’assesseurs des juridictions correctionnelles collégiales serait la pire des solutions.

La réforme de la carte judiciaire a créé des difficultés d’accès aux juges d’instance et d’organisation des effectifs. Un tsunami va déferler sur nos juridictions avec la question des majeurs protégés. À compter de janvier 2014, tous les dossiers en stock devront avoir fait l’objet d’une révision et cela semble totalement impossible. Comment allons-nous faire alors que la vague des mesures de protection des majeurs postérieures à la loi va également arriver ? Au tribunal de Nogent-sur-Marne, où je me suis rendu, les personnels concernés travaillent à flux tendus, sans parvenir à résorber le stock.

Le retour du contentieux du surendettement devant les juges d’instance pose également problème et plusieurs juridictions sont aujourd’hui complètement bloquées.

Il y a enfin un problème d’affectation des personnels d’instance, magistrats et greffiers. Le recours trop massif aux vacataires est catastrophique car il entraîne une déperdition des compétences et déstabilise les effectifs.

Madame la garde des Sceaux, vous avez du pain sur la planche et une œuvre colossale à mener à bien. Les choix pertinents opérés dans votre projet de budget traduisent une volonté politique. Ne décevons pas l’incroyable attente de ceux qui servent la justice au quotidien.

Mme la garde des Sceaux. Oui, monsieur le rapporteur, certaines juridictions sont en état de sinistre ; j’y ai été confrontée et j’en suis profondément contrariée. Je connais la situation et j’ai sollicité les chefs de cour pour qu’ils fassent remonter les besoins. La direction des services judiciaires n’a pas chômé au cours des dernières semaines et nous avons trouvé quelques solutions. Toutefois, nous ne règlerons pas tout en un seul exercice. Et je ne me contenterai pas de répondre aux besoins matériels, car j’ai aussi le souci d’améliorer l’ensemble de l’environnement de travail. Il est plus insupportable encore d’être confronté à des conditions de travail compliquées si le rôle du juge a été embrouillé ou si les effectifs sont insuffisants. Cela forme un ensemble et il est urgent de créer des conditions de travail plus acceptables pour nos personnels.

S’agissant des frais de justice, vous trouvez l’augmentation de 15 % insuffisante, mais permettez-moi de vous dire que cela n’est pas négligeable non plus. Quant à la question de la maîtrise des frais de justice, je ne sais pas si quelqu’un dans cette salle a une réponse. Doit-on affecter un budget en début d’exercice et considérer que, quoi qu’il arrive, il faut s’en tenir là ou faut-il tenir compte des circonstances particulières qui peuvent jouer sur la mission des magistrats ? Vous avez cependant raison de dire que certains progrès sont possibles, comme dans le domaine de la téléphonie et des télécommunications où nous engageons une renégociation avec les principaux opérateurs. Il existe un projet bien avancé de plateforme téléphonique auquel nous ne renonçons pas et l’effort sera continu.

Pour que puisse s’exercer un véritable contrôle des frais de justice, il faut aussi que l’État soit bon payeur. Sinon, les magistrats sont parfois conduits à commander les frais de justice dans des conditions qui ne sont pas optimales. Des affaires douloureuses rappellent d’ailleurs que les difficultés liées à la négociation des frais de justice ont parfois été à l’origine de graves erreurs judiciaires.

Vous avez rappelé les échéances fixées dans la loi au sujet de la collégialité de l’instruction. Il est prévu de recruter dix juges d’instruction, ce qui me semble correspondre aux besoins. En effet, au cours des dernières années, il y a eu bien plus d’enquêtes préliminaires maintenues au Parquet que d’informations judiciaires portées par les juges d’instruction. Il ne semble donc pas que nous soyons confrontés à une situation d’engorgement au stade de l’instruction.

Le président de la République et le Premier ministre ont rappelé que le juge d’instruction ne serait pas supprimé et qu’on allait lui donner les moyens de travailler et améliorer ses méthodes. L’échéance de la collégialité sera respectée, mais les magistrats eux-mêmes considèrent qu’elle doit être aménagée. Il semble que l’instauration d’une collégialité systématique sur tout dossier n’emporte la préférence de personne ; en revanche, la collégialité à certains moments de la procédure, sur certains types d’affaires, sur certains dossiers plutôt que sur chaque acte recueille un a priori plus favorable.

Comme vous, j’ai été taraudée par la réflexion sur la revalorisation du régime indemnitaire des magistrats et j’ai harcelé les membres de mon cabinet pendant trois nuits pour qu’ils échafaudent toutes sortes de simulation. Ayant reçu les organisations syndicales et présidé un comité technique ministériel, je trouve insupportable qu’il ne soit pas possible de faire un geste en faveur des catégories C. Malheureusement, je ne disposais que de 4 millions d’euros. Si l’engagement à l’endroit des magistrats n’avait été que verbal, j’aurais pris sur moi de les consulter pour leur demander s’ils acceptaient de renoncer à cette dernière tranche de revalorisation de 0,5 % pour me permettre de faire un effort pour les catégories C. Mais il se trouve qu’il y a un décret et que je me sens tenue par la parole de l’État.

S’agissant des échéances fixées dans la loi sur les tutelles, nous sommes parfaitement conscients du risque d’engorgement. Nous recherchons des solutions et des aménagements mais il s’agit à l’évidence d’un véritable casse-tête dont la résolution ne saurait être différée.

Enfin, en ce qui concerne le contentieux du surendettement, il est impératif d’améliorer les délais en résorbant les stocks, mais il y a aussi un volet qualitatif à prendre en compte car 83 % des dettes sont des dettes bancaires. Je sais que vont intervenir des réformes sur le crédit revolving mais il est urgent de desserrer l’étau qui étrangle certaines familles modestes.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis pour les crédits de l’« Administration pénitentiaire ». Le premier budget d'une législature constitue un acte politique important puisqu’il permet au Gouvernement de donner une traduction budgétaire aux priorités qu'il affiche. À cette aune, le budget de la justice pour 2013 – tout particulièrement celui de l'administration pénitentiaire – apparaît comme extrêmement décevant car il y a entre les paroles et les actes budgétaires un écart immense. En effet, l'affirmation du caractère prétendument prioritaire du budget de la justice ne trouve aucune traduction budgétaire.

Le budget de l'administration pénitentiaire est, pour 2013, en hausse de 6 % pour les crédits de paiement, mais en baisse – ou plutôt, devrais-je dire, en chute libre ! – de 38,5 % pour les autorisations d'engagement. Le plafond d'autorisation d'emplois est en hausse de 189 ETPT, soit une progression de 0,5 %.

Ces chiffres démontrent s’il en était besoin que l'ambition du nouveau Gouvernement se limite à achever l'exécution du programme immobilier « 13 200 » lancé par la précédente majorité, en abandonnant l'essentiel du programme « Nouveau programme immobilier pénitentiaire » et l'intégralité du programme inscrit dans la loi du 27 mars 2012 de programmation pour l'exécution des peines. L'objectif est de porter la capacité d'accueil du parc pénitentiaire à 63 500 places en 2018, alors que 67 300 personnes sont aujourd'hui incarcérées, soit 4 000 de plus que le nombre de places prévues par le nouveau Gouvernement. On est donc bien loin de l'ambition que s'était donnée la précédente majorité d'adapter le parc pénitentiaire aux besoins réels du pays en matière d'exécution des peines, avec une capacité portée à 80 000 places.

La hausse des crédits de paiement et la légère augmentation du nombre d'emplois ne correspondent en réalité qu'aux crédits et aux emplois nécessaires pour l'armement des nouveaux établissements dont la construction a été lancée par la précédente majorité. Comment le Gouvernement justifie-t-il ce virage ? Il affiche sa volonté de réduire les incarcérations et de développer les aménagements de peine. Mais, à y regarder de près, ni la volonté de réduire le nombre d'incarcérations ni celle de développer les aménagements de peine ne se traduisent en actes concrets.

S'agissant de la volonté de réduire le nombre d'incarcérations, si la poursuite de cet objectif à tout prix – y compris celui de la sécurité de nos concitoyens – est en lui-même très discutable, la baisse du nombre de détenus que le Gouvernement appelle de ses vœux n'est rendue crédible par aucune évolution qu'il aurait engagée.

Mme la garde des Sceaux nous dira certainement qu'elle a, par sa circulaire de politique pénale, demandé aux magistrats du parquet de tenir « le plus grand compte » de la situation individuelle de chaque prévenu. Au passage, j’observe que cette demande paraît pour le moins surprenante par le message de défiance qu'elle adresse aux magistrats du parquet : Mme la garde des Sceaux doute-t-elle du fait que les magistrats tenaient déjà « le plus grand compte » de la situation de chaque prévenu ? Au-delà, il n’est pas inutile de rappeler que les juridictions sont souveraines dans leurs décisions et qu'elles ont toujours la possibilité d'écarter le prononcé de peines plancher. Lorsqu'une décision d'incarcération est prise, c'est donc que la juridiction estime n'avoir pas pu faire autrement, et je vois mal ce qui pourrait amener demain à une autre décision en l'absence de l’abrogation ou d’une modification de la loi sur les peines plancher.

Alors, Mme la garde des Sceaux nous dira sans doute aussi qu'elle réfléchit à la création d'une nouvelle peine de « probation ». Fort bien, mais beaucoup d'inconnues entourent la création de cette nouvelle modalité : quel sera son champ d'application ? Sera-t-elle applicable aux récidivistes ? Dans la pratique judiciaire, ne risque-t-elle pas de « mordre » sur la population qui bénéficie aujourd'hui d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un TIG, plutôt que sur la catégorie de celle qui est incarcérée ? Enfin, quel sera le calendrier de discussion et de mise en œuvre ? Face à toutes ces interrogations, invoquer la possible création de nouvelles peines pour anticiper une baisse de la population carcérale à court terme semble pour le moins hasardeux.

Par ailleurs, le Gouvernement justifie la remise en cause des programmes immobiliers décidés par la précédente majorité par des critiques adressées aux modes de financement qui avaient été retenus – autorisations temporaires d’occupation-locations avec option d’achat (AOT-LOA) ou partenariats public-privé (PPP). Or il convient de rappeler que la Cour des comptes n'a pas mis en cause le principe même de ces modes de financement, pas davantage que la qualité des prestations des partenaires privés, mais qu’elle s’est contentée de formuler des observations tendant à mieux évaluer les coûts des différents modes de construction et de gestion. En effet, le soi-disant surcoût du PPP n'est absolument pas vérifié
– ni du reste vérifiable – via les seules données dont dispose actuellement le ministère de la Justice, sachant que le coût des loyers inclut non seulement la construction et les services à la personne, mais aussi la maintenance des établissements pendant trente ans, maintenance que l'État a souvent eu du mal à assurer pour les établissements qu'il a construits en gestion publique, comme j’ai eu l’occasion de le vérifier au cours de mes visites de différents établissements.

Surtout, si le Gouvernement ne souhaite pas utiliser des modes de financement recourant au secteur privé, rien ne lui interdit de mener une politique immobilière de conception et de gestion publiques. Au vrai, votre critique des modes de financement est un prétexte pour justifier votre refus d'étendre la capacité d'accueil du parc pénitentiaire et ce, pour des raisons totalement dogmatiques.

Quant à la volonté du Gouvernement de développer les aménagements de peine, j'y suis naturellement favorable pour toutes les personnes pour lesquelles un tel aménagement semble possible, soit celles qui manifestent une réelle volonté de s'engager dans la voie de la réinsertion. Je rappelle qu'aucune autre majorité que celle ayant dirigé notre pays au cours des dix dernières années n'a fait autant pour développer les aménagements de peine, tant sur le plan des outils juridiques que sur celui des moyens. N’oublions pas que les effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont passés de 2 260 ETPT en 2002 à 4 080 ETPT en 2011, soit une augmentation de 80 %.

Dans la mesure où le Gouvernement délaisse le milieu fermé, je pensais qu'un réel effort serait fait en faveur du milieu ouvert, en cohérence avec l'objectif de développement des aménagements de peine. Las, quelles ne furent pas ma déception et mon inquiétude en découvrant que le Gouvernement ne prévoyait que 63 nouveaux ETPT pour l'insertion et la lutte contre la récidive !

Au final, le budget pour 2013 de l'administration pénitentiaire, c'est un milieu fermé abandonné et un milieu ouvert absolument pas renforcé, avec, au bout de la chaîne, la sécurité des Français, hélas sacrifiée.

J'en viens aux questions que je souhaite poser à Mme la ministre.

Madame la garde des Sceaux, dans le projet annuel de performances pour la mission « Justice », vous affirmez vouloir « centrer la politique pénitentiaire sur la réinsertion, en lançant un programme immobilier pénitentiaire de construction et de réhabilitation qui réponde aux situations de vétusté ». Pourtant, vous avez remis en cause 22 des 36 décisions de fermeture de prisons qui avaient été annoncées sous la précédente législature parallèlement à la création de nouveaux établissements. Ces 22 établissements que vous avez renoncé à fermer présentent un âge moyen de 146 ans et un taux d'occupation de 125 %. Croyez-vous répondre valablement aux situations de vétusté et de sur-occupation en maintenant en service des établissements surpeuplés datant du XIXe siècle ? Dans mon avis, figurera un tableau édifiant sur la situation de ces prisons.

Parmi les 36 établissements dont la précédente majorité avait considéré qu'ils ne pouvaient demeurer en service dans leur état actuel, tant pour des raisons de dignité des conditions de détention qu’au titre de la qualité de l'exécution des peines, figure la maison centrale de Poissy, que j'ai visitée pour préparer l’examen de ce budget. En remettant en cause la décision de fermeture, vous avez plongé les personnels dans une situation de doute extrêmement pénible à vivre. Certes, la fermeture décidée par la précédente majorité les aurait contraints à changer d'affectation, ce qui n'est pas forcément agréable mais ressortit aux contraintes inhérentes au statut d'agent public. Votre indécision est pire encore, puisqu'en maintenant ces personnels dans l'incertitude, vous les empêchez de se projeter dans l'avenir. Combien de temps comptez-vous encore repousser une décision de fermeture ou de réhabilitation, laquelle s'impose d’évidence ?

Dernière question, vous affirmez vouloir donner plus de moyens aux services d'insertion et de probation. Or, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ce budget ne prévoit que 63 nouveaux ETPT au profit de l'insertion. Certes, il convient dans cette période de crise d'être mesuré dans la création d'emplois publics, mais cette augmentation très modérée contraste avec un autre secteur que votre Gouvernement présente également comme prioritaire, celui de l'éducation, où sont créés 11 000 postes d'enseignants. Si le nombre d'enseignants recrutés est démesurément élevé, celui des personnels d'insertion et de probation est ridiculement bas. Comment expliquez-vous un tel écart entre des missions présentées toutes deux comme prioritaires par le Gouvernement ?

Madame la ministre, j’attends de vraies réponses de votre part, pas de la démagogie ni des considérations politiciennes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Chacun aura compris que Mme la ministre n’est adepte ni de la démagogie ni des réponses superficielles, comme elle l’a montré lors de précédentes auditions. Il me semble que la liberté de ton qu’on peut observer dans cette Commission tranche avec ce qui peut se passer ailleurs.

Mme la garde des Sceaux. Les procès que vous me faites, monsieur le rapporteur pour avis, manquent de crédibilité. Mais l’interpellation directe est une marque de courtoisie et de courage.

Selon vous, l’affirmation du caractère prioritaire de la justice ne trouverait pas de traduction budgétaire. Je vous renvoie à mon exposé liminaire. Vous relevez que les crédits de paiement augmentent, mais que les autorisations d’engagement diminuent. Gonfler les autorisations de paiement était une pratique de l’ancien Gouvernement ! Mon prédécesseur, M. Mercier, avait ainsi prévu 1,8 milliard d’euros d’autorisations d’engagement en 2012 sans aucun crédit de paiement correspondant. Nous avons une pratique différente : nous augmentons les crédits de paiement, c’est-à-dire la dépense effective de l’État ; nous ne nous contentons pas d’afficher des autorisations d’engagement dénuées de toute portée pratique.

Vous me reprochez d’avoir abandonné le nouveau programme immobilier (NPI). On n’abandonne pas ce qui n’a qu’une existence virtuelle ! Le NPI a été inscrit dans la loi de programmation de mars 2012 sans que le moindre euro ait été budgété pour le mettre en œuvre.

La volonté du Gouvernement de réduire le nombre d'incarcérations et de développer les aménagements de peine ne se traduirait par aucun acte concret. Je vous renvoie, là encore, à ce que j’ai dit sur les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Vous estimez que 63 ETPT pour les SPIP ne sont pas suffisants. Nous avons pourtant stabilisé et même augmenté ce nombre, ce qui tranche singulièrement avec la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Vous semblez vous étonner que, dans ma circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012, j’aie donné instruction aux parquets généraux d’aménager les peines – et votre étonnement est dans la ligne de certaines déclarations publiques de certains orateurs de l’UMP. J’ai en effet demandé que le recours à l’incarcération soit strictement limité aux cas prévus par la loi pénitentiaire de 2009. Dois-je en déduire, monsieur le rapporteur pour avis, que vous contestez le contenu de cette loi ?

Un sénateur UMP a reconnu que la majorité précédente avait fait preuve de schizophrénie en multipliant, d’un côté, les lois sécuritaires et les procédures qui aboutissent à l’incarcération et – j’ajoute – à l’engorgement des juridictions, et en adoptant, de l’autre, cette loi pénitentiaire, qui contient de bonnes dispositions. Nous allons d’ailleurs en publier les décrets d’application manquants.

Vous me donnez des leçons en rappelant que les décisions des magistrats sont souveraines. On ne peut pourtant pas me reprocher de méconnaître ce principe. J’espère que vos collègues qui m’accusent d’être laxiste, de rendre des jugements insuffisamment sévères, de vider les prisons et d’être responsable de l’acte de tel ou tel auteur d’infraction, tiendront compte de votre rappel !

S’agissant de la nouvelle peine de probation, dont la création serait, selon vous, entourée de nombreuses inconnues, je rappelle qu’un comité d’organisation a été mis en place et qu’une conférence de consensus se tiendra en février 2013.

Toujours selon vous, la Cour des comptes n’aurait pas remis en cause le principe des partenariats public privé (PPP). Elle estime pourtant qu’ils consistent à faire appel à des opérateurs privés qui empruntent à des taux beaucoup plus élevés que l’État et qu’ils reviennent donc à reporter dans le temps une dépense publique tout en la multipliant par trois. Certains contrats de PPP signés en février ou en avril 2012 vont donner lieu à des investissements que l’État va payer cinq fois trop cher. Il faudra l’expliquer aux générations futures.

Enfin, vous prétendez que nous mettons en danger la sécurité des Français. Tel est, en réalité, le résultat des politiques que vous avez menées ces dernières années. La multiplication des procédures conduisant à l’incarcération, notamment pour les courtes peines ; la surpopulation carcérale qui en découle ; l’insuffisance des effectifs – personnels d’insertion et de probation, juges d’application des peines, psychologues – chargés d’accompagner les détenus dans leur projet de réinsertion ; la proportion accrue – 80 % aujourd’hui – de sorties « sèches », sans accompagnement, sont autant de facteurs qui favorisent la récidive. Différentes études le montrent. Le procès sur la sécurité des Français, c’est nous qui sommes fondés à vous le faire.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis pour les crédits de la « Protection judiciaire de la jeunesse ». Après plusieurs années pendant lesquelles la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a payé un lourd tribut à la RGPP, le projet de loi de finances pour 2013 inverse la tendance et redonne espoir aux acteurs de la PJJ. C’est ce qui ressort des auditions et des visites de terrain que nous avons effectuées.

Entre 2008 et 2011, les crédits de la PJJ n'avaient cessé de diminuer. En 2012, ils avaient légèrement augmenté, mais seulement pour permettre la transformation de vingt foyers traditionnels en centres éducatifs fermés (CEF), l'ensemble des autres services – en particulier ceux qui sont responsables de la prise en charge en milieu ouvert – étant à nouveau sommés par l'ancienne majorité de faire toujours plus avec toujours moins de moyens.

Sur cette même période, la PJJ a perdu 600 emplois. Une partie des suppressions a pu être absorbée par la réorganisation administrative – les fonctions » supports » –, mais l’autre a affecté son cœur de métier : la prise en charge des mineurs délinquants.

Le président de la République et le Gouvernement ont décidé de faire de la jeunesse et de la justice deux axes prioritaires de leur action, conformément aux engagements pris par M. François Hollande pendant la campagne présidentielle. La PJJ se trouvant à l’intersection de ces deux priorités, ses crédits augmenteront très logiquement en 2013 de 1 % en autorisations d'engagement et de 2,4 % en crédits de paiement. Le plafond d'autorisations d'emplois augmentera de 75 ETPT, soit 205 emplois en année pleine, ce qui représente un effort important pour une administration de taille relativement modeste, dont le budget s’établit à 800 millions d’euros.

J’approuve donc pleinement les crédits de la PJJ pour 2013. Dans cette période budgétaire difficile où les moyens doivent nécessairement être concentrés sur un certain nombre de secteurs prioritaires, je salue l'effort consenti en sa faveur.

Mes questions concernent la diversité des modes de placement des mineurs délinquants, thème que j'ai choisi de traiter cette année dans le cadre de mon avis budgétaire.

Au cours des dernières années, l'ancienne majorité a focalisé l’attention sur les mineurs faisant l'objet d'un placement – qui ne représentent, rappelons-le, que 5 % des mineurs pris en charge par la PJJ – et tenté de faire croire à nos concitoyens qu'il existait une recette miracle pour traiter leur cas : les CEF.

Certes, le CEF est une solution désormais acceptée par la plus grande partie de la communauté éducative et judiciaire et par la majorité des élus de droite comme de gauche. Certaines conditions doivent néanmoins être remplies : chaque centre doit être doté d’un projet éducatif cohérent, être pourvu d’une direction et d’une équipe éducative soudées et expérimentées et faire l’objet – j’y insiste – d’un contrôle effectif.

Pour autant, le CEF ne sera jamais la solution miracle, qui pourrait être utilisée indistinctement pour tous les mineurs : il n'est que l'une des solutions possibles au sein de la palette des différents modes de placement dont doivent disposer magistrats et éducateurs pour répondre aux situations des mineurs.

La précédente majorité avait étendu la possibilité de placement en CEF aux mineurs de 13 à 16 ans non récidivistes. Pour permettre cette évolution, elle avait prévu de transformer vingt foyers d'hébergement traditionnel en CEF. Elle avait ainsi soulevé une question intéressante, celle du nombre de places nécessaires dans chaque type de structure et de l’équilibre entre elles, mais en lui apportant une mauvaise réponse, celle du « tout CEF » au détriment des autres modes de placement.

En effet, les professionnels de la justice des mineurs sont traditionnellement très attachés, avec raison, au fait de disposer d'une large palette de solutions éducatives, afin de pouvoir adapter au mieux la réponse pénale à la situation particulière de chaque mineur. L’éventail des différents modes de placement va en effet de la famille d'accueil au CEF, en passant par l'hébergement individualisé, l'hébergement collectif traditionnel, le centre éducatif renforcé ou le placement dans un centre de l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE).

Or, chacun de ces modes de placement a sa spécificité, son utilité et son public. Chacun doit bénéficier d'un nombre de places et de financements à la hauteur des besoins. Dès lors, privilégier un mode de placement au détriment d'un autre – comme la précédente majorité aurait voulu le faire avec les CEF – serait une erreur, qui porterait préjudice à la recherche de la bonne réponse éducative.

Ma première question porte sur les familles d'accueil. Ce mode de placement est particulièrement intéressant pour les mineurs ayant des difficultés à vivre au sein d'un collectif ou qui souffrent de carences affectives. Cependant, le statut des familles d'accueil de la PJJ n'est pas assez attractif, dans la mesure où elles ne sont indemnisées qu’à hauteur de 31 euros par jour, alors que celles qui travaillent pour les départements bénéficient d’un statut salarié. En conséquence, la PJJ ne disposait en 2011 que d’un vivier de 350 familles d'accueil.

Il est sans doute difficile, dans le contexte budgétaire actuel, d'envisager une évolution significative du statut des familles d’accueil de la PJJ. Néanmoins, quelles mesures comptez-vous prendre, madame la garde des Sceaux, pour rendre ce statut plus attractif et étendre le vivier de familles disponibles ?

Ma deuxième question concerne l'hébergement diversifié. Au cours des dernières années, la PJJ a accumulé à l'égard du secteur associatif habilité une dette importante, qui révèle toute l'absurdité de l'étranglement budgétaire subi par la PJJ et dont le présent projet de budget prévoit heureusement de commencer le remboursement. Cette dette a plongé dans de grandes difficultés financières de nombreuses associations œuvrant dans le champ de l'hébergement diversifié. Je pense en particulier aux petites associations qui ont créé des lieux de vie et rendent de réels services sur un territoire donné. Certaines associations ont même dû cesser leurs activités, faute de paiement par l'État. En privilégiant certains modes de placement, on a en sacrifié d’autres qui avaient fait leurs preuves ; nous en avons tous été témoins dans nos circonscriptions. Quelles mesures entendez-vous prendre au cours de cette législature pour revitaliser le secteur de l'hébergement diversifié ?

Mes deux dernières questions portent sur les CEF.

Vous avez demandé, madame la garde des Sceaux, une inspection sur les besoins de places en CEF et sur les modalités d'une éventuelle extension du parc. J’estime pour ma part, au terme des échanges que j'ai eus dans le cadre de la préparation du présent avis budgétaire, que le nombre de places en CEF est globalement satisfaisant – 7 nouveaux CEF devant ouvrir en 2012 et 2013 – et que les éventuelles difficultés tiennent moins au nombre de places qu’à la répartition géographique des CEF.

En outre, je le rappelle, la loi du 10 août 2011 a étendu la possibilité de placement en CEF aux mineurs de 13 à 16 ans non récidivistes. Cette évolution a éloigné les CEF de leur vocation initiale, à savoir la prise en charge renforcée de mineurs ancrés dans la délinquance pour lesquels d'autres solutions ont déjà été tentées. Elle peut également avoir des conséquences lourdes : un mineur dont le premier placement a lieu en CEF risque désormais, en cas de nouvelle infraction – mais aussi d'écart de conduite au sein du CEF qui peut être lié à la difficulté à supporter ce mode de placement contraignant –, d'être directement incarcéré, ce qui peut s’avérer très préjudiciable dans son parcours. Envisagez-vous, madame la garde des Sceaux, d'abroger cette disposition ?

Enfin, pour réaliser des économies et financer l'extension du parc des CEF, la précédente majorité avait prévu d'abaisser de 27 à 24 le nombre d'ETPT prévu par le cahier des charges des CEF. Or, leur efficacité réside précisément dans le fort taux d'encadrement des jeunes et l'abaissement à 24 ETPT pose de sérieux problèmes pratiques : dépassement des volumes légaux d'heures supplémentaires, fatigue excessive des équipes, difficulté à dégager du temps pour la formation continue, pourtant essentielle. Au lieu d'envisager une extension importante du nombre de CEF, ne serait-il pas préférable de rechercher une solution de compromis sur le nombre d'ETPT, afin de réaliser des économies qui ne fragilisent pas le fonctionnement de ces centres ?

Mme la garde des Sceaux. Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, de cet exposé précis et lucide. Je partage votre analyse de la situation de la jeunesse en difficulté.

Je rappelle que les départements sont également compétents en matière de protection de l’enfance en danger et d’accompagnement de la primo-délinquance. Nous devons donc articuler notre action avec la leur, lorsque nous mettons des outils à la disposition des magistrats.

Je suis très attachée à la diversité des modes de placement, qui correspond d’ailleurs à une demande unanime des magistrats. Elle relève du bon sens : la réponse doit être adaptée à la situation du jeune – son parcours, sa personnalité, les circonstances de son acte, le processus postérieur à l’infraction.

En outre, il est essentiel que la prise en charge intervienne très rapidement, car les réitérations – l’observation le montre – se produisent généralement peu de temps après le premier acte commis. La sanction délivre un premier message au jeune. La prise en charge peut permettre, elle, d’interrompre le parcours de délinquance. Le recrutement d’éducateurs et de psychologues supplémentaires que nous avons décidé doit permettre d’en réduire les délais.

Vous avez raison, monsieur le rapporteur pour avis, de rappeler que les CEF – qui ont fait l’objet d’une sorte de fixation – n’accueillent que 5 % des jeunes pris en charge par la PJJ. Je ferai part à la représentation nationale du rapport d’inspection sur les CEF. J’invite les députés de la majorité et de l’opposition qui le souhaitent à participer à un groupe de travail pour en exploiter au mieux les conclusions. Nous verrons alors si l’abrogation de l’extension décidée en 2011 se justifie ou non. Il n’en reste pas moins que l’implantation des CEF sur le territoire demeure déséquilibrée. C’est d’ailleurs le constat qui m’a amené à demander une inspection.

Les familles d’accueil constituent en effet une réponse très intéressante pour une catégorie de jeunes dits « immatures », selon l’appréciation portée par les psychologues. Ce mode de placement concerne pas moins de 600 mineurs. Les résultats en sont très encourageants : 80 % ne commettent pas de récidive. Il est donc important de maintenir cette offre. L’objectif est de passer de 399 familles d’accueil en 2012 à 450 en 2013.

Vous avez soulevé avec raison, monsieur le rapporteur pour avis, la question de l’indemnisation de ces familles, qui sont bénévoles. Nous allons faire passer l’indemnité de 31 à 36 euros la journée dès 2013, afin de l’aligner sur le salaire versé par les services d’aide sociale à l’enfance. De plus, une mission d’inspection a été chargée d’évaluer la possibilité de leur attribuer un statut, étant entendu que nous devons contenir les coûts qui découleraient d’une telle décision.

Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis pour les crédits de l’« Accès au droit et à la justice et l’aide aux victimes ». Le ministère de la Justice a consacré des crédits supplémentaires à l’expérimentation prévue par la loi de répartition des contentieux en matière de médiation. Quels sont les tribunaux de grande instance concernés ?

Les associations d’aide aux victimes souffrent d’un manque de moyens – les crédits ont diminué depuis deux ans – et d’un manque de visibilité sur leur avenir. Elles souhaiteraient que les engagements de l’État soient pluriannuels.

Dans votre circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012, vous envisagez, madame la garde des Sceaux, de financer des permanences des associations à partir du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), alors que ce dernier a plutôt été utilisé, ces dernières années, pour développer la vidéosurveillance. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette réorientation ?

Par ailleurs, je vais présenter un amendement proposant l’instauration d’une « contribution pour l’aide aux victimes » : il serait demandé à toute personne déclarée coupable d'une infraction de verser une contribution additionnelle de 1 % à l'amende pénale, dont le produit serait affecté au financement des services d'aide aux victimes. Cette idée est soutenue par l’Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM), qui fédère une grande majorité des associations. Ce dispositif répondrait à une logique de justice réparatrice, qui responsabilise les auteurs d'infractions en les associant aux conséquences de leurs actes pour autrui. Il s'inspire de l'exemple du fonds spécial d'aide aux victimes de la criminalité (FAVAC), créé au Québec en 1988. Plusieurs propositions de loi ont déjà été déposées en ce sens, en particulier par Mme Martine Carrillon-Couvreur et l'ensemble des membres du groupe SRC le 24 janvier 2012. Quelle est votre appréciation sur l’idée d’instaurer une telle contribution ?

Enfin, vous avez annoncé que vous alliez étendre le réseau des bureaux d’aide aux victimes (BAV) à l’ensemble du territoire. Malheureusement, la subvention annuelle de 20 000 euros attribuée à chaque BAV ne semble pas suffire pour payer un juriste à temps complet et assurer une véritable permanence dans ces bureaux. Prévoyez-vous de moduler les enveloppes en fonction du niveau d’activité des tribunaux de grande instance ? Quelle coordination envisagez-vous entre le dispositif des BAV et celui des maisons de justice et du droit (MJD), qui apparaissent à mes yeux très complémentaires ? Pouvez-vous nous rassurer sur le financement des MJD ?

D’une manière générale, la Cour des comptes a relevé, dans son rapport public pour 2012, la « faiblesse du pilotage du réseau associatif » par le ministère de la Justice et les juridictions. Une réflexion est-elle en cours pour y remédier ?

Mme la garde des Sceaux. La loi de 2011 a retenu les tribunaux de grande instance d’Arras, Bordeaux, Niort, Paris et Saint-Pierre – à La Réunion – pour l’expérimentation de la médiation dans les contentieux familiaux. À ce stade, l’expérimentation est financée dans les tribunaux de grande instance d’Arras et de Bordeaux.

Je suis consciente que 60 % des associations d’aide aux victimes, connaissent, selon l’INAVEM, de grandes difficultés financières. Cependant, nous ne pouvons pas conclure avec elles d’engagements pluriannuels, compte tenu des règles de la comptabilité publique. Pour autant, nous avons fait un effort budgétaire et le travail que nous conduisons avec elles leur donne de la visibilité. De plus, je m’engage à améliorer le pilotage du réseau associatif par le ministère de la Justice. Le ministère et les associations en tireront mutuellement avantage, en termes budgétaires pour le premier, en termes de professionnalisme pour les secondes.

S’agissant des BAV, je confirme que nous allons en installer dans tous les tribunaux de grande instance dans un délai d’un an, ce qui correspond à un triplement de leur nombre. Ce sera un vrai progrès pour les victimes. La dotation de 20 000 euros permet de financer une permanence à mi-temps, ce qui nous paraît correspondre aux besoins. Nous verrons ensuite si une montée en charge est nécessaire dans certains tribunaux de grande instance.

Dans ma circulaire de politique pénale, j’ai demandé aux parquets généraux et aux parquets de veiller à accueillir correctement les victimes, à les informer des audiences, en particulier en cas de comparutions immédiates, à les orienter vers la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, à leur fournir toutes les informations qui les aident à surmonter le moment de détresse qui suit de près les faits et marque le début du processus judiciaire.

Je rappelle que les collectivités territoriales interviennent également dans le financement des associations d’aide aux victimes et des actions menées en faveur de ces dernières. Au cours des années récentes, elles se sont désengagées, à la suite de l’État. Je m’en suis entretenu avec M. Claudy Lebreton, président de l’Association des départements de France, et avec une délégation du Conseil national des villes. Nous devons nous concerter avec les collectivités pour examiner l’ensemble des problèmes et procéder à une réorganisation, de sorte que chacun s’implique à nouveau dans le financement de l’aide aux victimes. Il nous faudra notamment apporter des réponses à leurs interrogations sur le périmètre de leur action, les zones d’intervention, le mode de recrutement des permanents.

Pour ce qui est de la contribution pour l’aide aux victimes, la réflexion mérite d’être approfondie. Les premières séances de travail que j’ai organisées sur le sujet ont permis de faire ressortir des interrogations, dont certaines de principe, et d’identifier quelques risques. Le dispositif doit avoir un sens, en particulier pour les victimes. L’instauration de la contribution ne doit pas servir de prétexte à un désengagement des financeurs publics. Il conviendra de déterminer précisément le parcours de la recette en identifiant notamment une structure intermédiaire, le produit de l’amende ne pouvant être versée directement aux associations. Il faudra anticiper la réaction des assurances et des mutuelles, qui ne manqueront pas de s’inviter dans le débat. Le Sénat vient de nommer deux rapporteurs – un de la majorité, un de l’opposition – sur l’aide aux victimes. Nous pourrons aborder à nouveau ce sujet en séance publique.

Quant au FIPD, il a été piloté ces dernières années par le ministère de l’Intérieur et, dans les territoires, par les préfets. Ses crédits ont financé à 75 % le développement de la vidéosurveillance. Il doit désormais redevenir un instrument interministériel. J’ai alerté mon collègue ministre de l’intérieur sur ce point dès le mois de juin. Des réunions interministérielles se tiennent en ce moment. La dotation du FIPD est passée de 50 à 46 millions d’euros, mais il est en effet envisageable d’en consacrer une partie à l’aide aux victimes.

Mme Cécile Untermaier.  À la justice pénale traditionnelle répressive, reposant sur la sanction de l’agresseur, peut s’ajouter une justice réparatrice, qui se concentre sur la réparation de l’acte par le dialogue entre la victime et l’auteur. Il n’est pas question, naturellement, de nier l’agression ou l’acte délictueux : cette démarche est organisée par le juge en marge du procès pénal.

Ce concept, largement mis en œuvre en Afrique du Sud après l’apartheid, mais également au Canada, fait son chemin en France. Une expérimentation a été lancée en matière civile avec le développement de la médiation. Que pensez-vous de cette démarche en matière pénale ? Envisagez-vous des actions dans ce domaine en 2013 ?

M. Philippe Goujon. Souffrez, madame la garde des Sceaux, qu’un membre de l’opposition s’exprime en usant – et non en abusant – de son droit d’opposition sans déclencher votre colère et votre indignation.

En matière pénale, votre ligne directrice est à l’évidence de défaire tout ce qu’ont fait vos prédécesseurs. À cet égard, votre circulaire pénale du 19 septembre dernier fera date. J’y vois la confirmation de ce que vous nous avez dit lors de votre première audition : la sécurité n’est pas la mission de votre ministère.

Sous un certain angle, toutefois, ce budget s’inscrit dans la continuité de ceux de vos prédécesseurs puisque jamais les crédits de la justice n’ont autant augmenté que ces dix dernières années, où cet effort, conjugué à d’autres, s’est traduit pas une baisse de la délinquance sans précédent.

Comme l’a montré Sébastien Huyghe, la politique pénitentiaire n’est pas, loin s’en faut, votre priorité, étant donné que vous ne considérez plus la prison comme la sanction de référence. La construction des places prévues se poursuit, certes, mais les 20 000 places supplémentaires que nous proposions ne seront pas réalisées. Les détenus en pâtiront les premiers puisque nombre d’établissements vétustes ne seront pas abandonnés.

Par ailleurs, votre politique repose sur le principe qu’il y a trop de condamnés à des peines de prison. Nous considérons pour notre part que l’on ne peut abandonner ainsi, par simple idéologie, la détention.

Bien que la décision de la sanction appartienne aux seuls juges, vous vous prononcez par exemple contre les courtes peines. Vous savez pourtant que 82 000 peines de prison ferme restent inexécutées en France, ce qui nous amène à considérer que notre pays ne souffre pas d’un excès d’emprisonnement mais d’un manque de places de prison. Il faudrait porter le parc carcéral à 80 000 places, tout en privilégiant la construction de structures allégées, moins coûteuses, pour les détenus qui ne nécessitent pas un niveau maximal de sécurité, et tout en permettant les peines alternatives à la prison – qui du reste n’ont jamais été prononcées en aussi grand nombre qu’aujourd'hui. Peut-on inférer de l’insuffisance du budget consacré à la construction que vous êtes favorable au numerus clausus en matière de peines de prison ?

Par ailleurs, comment améliorer la lutte contre l’islamisme radical dans les établissements pénitentiaires ? Vous comptez augmenter le nombre des imams, ce qui est une bonne chose, mais cela ne peut être la seule mesure. Bien que des dispositions aient déjà été prises par le passé, il reste certainement à faire !

En matière d’exécution des peines, la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 visait à développer la capacité de sanction – objectif que nous partageons tous, quelle que soit la sanction infligée – par la création de bureaux d’exécution des peines, dont les premiers ont été mis en œuvre il y a quelques années. Quand atteindra-t-on la généralisation de ces structures, si tout au moins vous en avez l’intention ?

Pourriez-vous également nous apporter des précisions sur les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Le taux d’occupation de celle de Lyon dépasse les 80 %. Deux autres unités sont en service et il est prévu d’en ouvrir neuf d’ici à 2014, dont une de 440 lits à Villejuif. Quel est l’état d’avancement de ce programme. Quand l’UHSA de Villejuif verra-t-elle le jour ? La capacité de 440 lits sera-t-elle respectée ?

Où en est-on dans le transfert des escortes de prisonniers à l'administration pénitentiaire ?

Quel est le calendrier des travaux prévus à la prison de la Santé ? Quelle sera la date de livraison ? Confirmez-vous qu’un établissement d’environ 350 places en région parisienne permettra de reconstituer la capacité initiale de 1 300 places de l’établissement, sachant que les places rénovées ne seront plus que 1 000 ?

Prévoit-on de créer un nouveau centre éducatif fermé en région parisienne ?

Enfin, vous n’avez pas parlé du nouveau tribunal de grande instance de Paris. Vous êtes, je crois, hostile aux partenariats public-privé. Quel est dès lors l’avenir de ce projet ?

M. Georges Fenech. L’organisation de nos travaux ne nous laisse pas le temps de poser toutes nos questions et je le regrette. Je me contenterai, madame la garde des Sceaux, de vous soumettre des réflexions d’ordre général.

Si l’on peut saluer la hausse de 4,3 % du budget pour 2013, il ne faut pas s’en satisfaire : la justice reste déshéritée. Un retard considérable a été pris pendant des dizaines d’années. Malgré les rattrapages budgétaires des précédentes mandatures, nous sommes, pour reprendre l’expression du président Urvoas, « la Cendrillon de l’Europe », au trente-septième rang pour ce qui est du ratio des crédits de la justice rapportés au PIB par habitant. Il n’y a pas lieu de donner dans l’autosatisfaction. Après les photocopieurs mentionnés par M. Le Bouillonnec, je pourrais citer les fientes de pigeons qui s’abattent à travers les toitures de certaines cours d’assises ! Bref, même s’il est épargné par la rigueur qui atteint d’autres ministères, ce budget est loin de répondre à toutes les attentes du monde judiciaire et de nos concitoyens.

Il s’agit somme toute d’un projet traditionnel – en dépit de différences d’appréciation en matière de lutte contre l’insécurité, de parc pénitentiaire, etc. – où l’on ne perçoit pas le souffle qui pourrait provoquer l’indispensable « choc de modernité ». La redéfinition des périmètres de contentieux, que vous avez rapidement évoquée, me semble être la clé de l’avenir de notre Justice. Je parlerais plus volontiers de recentrage des missions du juge : il est grand temps d’aborder de façon sereine la place et le rôle du juge dans notre société, de redéfinir et de recentrer ses missions, d’inventer des moyens différents de règlement du contentieux, et de réserver l’intervention du juge aux cas où il est le dernier recours.

Il faut en même temps donner au juge de vrais moyens de rendre la justice. À cet égard, je me réjouis de la création d’un corps d’assistants de justice dont la mission serait d’apporter aux magistrats une aide à la décision. Imagine-t-on un parlementaire travailler sans assistants ? Imagine-t-on la commission des Lois fonctionner sans administrateurs ? Les magistrats des chambres régionales des comptes disposent de tels assistants, mais pas les autres. La rationalisation du travail du juge et du parquetier ainsi permise leur permettrait de rendre la justice dans de meilleures conditions.

Une remarque au sujet du bracelet électronique. En juin 2012, on dénombre seulement 51 PSEM – placements sous bracelet électronique mobile – en France, alors qu’il y en a des dizaines de milliers en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Pourquoi un tel retard, alors que nous avions voté ce dispositif de façon assez consensuelle ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je précise que la discussion de ce matin ne solde pas nos échanges sur les crédits de la Justice. À mes yeux, l’essentiel du travail parlementaire se fait en Commission. C’est pourquoi je ne veux pas limiter le temps de parole comme cela se fait parfois dans d’autres commissions. Je compte sur une certaine autodiscipline et j’espère que nous trouverons le rythme adéquat pour éviter des frustrations qui, en fin de compte, ne font que des perdants. Précisons toutefois que la discussion des crédits de la Justice en séance publique est prévue pour les 30 et 31 octobre. Les groupes et les parlementaires pourront s’y exprimer.

M. Dominique Raimbourg. J’ai trois motifs de satisfaction et trois sujets d’inquiétude.

Premier motif de satisfaction : la réflexion sur le sens de la peine, qui se traduit par la création de la conférence de consensus et qui limitera le recours à l’emprisonnement. Le recentrement de la peine de prison est une des réponses à la délinquance, sachant que ces réponses doivent être immédiates. La généralisation des bureaux d’exécution des peines constitue également un signe encourageant à cet égard. La limitation du parc pénitentiaire à 63 500 places en 2015 nous placera dans la moyenne européenne et mettra fin à la fuite en avant du « tout carcéral ».

Deuxième motif de satisfaction : l’attention que vous portez, madame la garde des Sceaux, à la justice civile, qui est la justice du quotidien.

Troisième motif de satisfaction : dans cet ensemble de mesures, la place des victimes est sauvegardée, avec notamment la réorientation du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

J’en viens aux sujets d’inquiétude. Nous héritons d’une situation difficile. La politique néfaste menée pendant dix ans en est la cause, mais pas seulement. La sous-administration et la sous-dotation de la Justice sont anciennes. Il en résulte trois urgences.

D’abord, la surpopulation pénale, mesurée à 132 % dans les maisons d’arrêt. La conférence de consensus doit aboutir au plus vite à des solutions où la prison ne sera plus l’élément central.

Ensuite, la résorption des délais de traitement des dossiers. Votre rapport nous apprend qu’il s’écoule un peu plus de 12 mois entre la commission d’une infraction et son jugement par le tribunal correctionnel, et 16,3 mois entre la commission d’une infraction par un mineur et la décision rendue par la justice des mineurs. Nous devons donc simplifier le plus possible la tâche des tribunaux. En particulier, je crois nécessaire de revenir sur la création des tribunaux correctionnels pour mineurs, qui n’aura été qu’un effet d’annonce : sur les 33 000 mineurs poursuivis, seuls 630 sont concernés et la procédure qui leur est appliquée complique la tâche des tribunaux pour enfants. Il faut aussi revenir sur les peines plancher, qui ne sont prononcées que dans 10 000 cas sur les 600 000 dossiers jugés chaque année par les tribunaux correctionnels mais qui compliquent et ralentissent les procédures.

Enfin, la frustration des personnels. Jean-Yves Le Bouillonnec a souligné à juste titre que les agents de l’administration et les greffiers attendent une reconnaissance, alors que la gestion par les primes engendre des rivalités d’un corps à l’autre. Les personnels judiciaires reprochent aux pénitentiaires d’être mieux payés, tandis que les pénitentiaires font valoir leurs sujétions particulières. On gagnerait en sérénité en mettant à plat le système et en consentant un effort budgétaire important en direction de ces catégories.

Mme la garde des Sceaux. Le dispositif que vous évoquez, madame Untermaier, est d’autant plus intéressant que son initiative revient à l’INAVEM, la fédération nationale des associations d'aide aux victimes. Les expériences menées à Poissy et à Meaux sont en cours d’évaluation. Notre appréciation est sans doute moins précise qu’en Afrique du Sud et au Canada, où l’on a du recul et où le projet relève d’une politique publique. Mais j’en retiens le principe : poser la réalité du dommage et amener les auteurs à prendre conscience de la gravité des actes qu’ils ont commis, de manière à instaurer une relation différente avec les personnes qui en ont été les victimes. La Fédération protestante est particulièrement mobilisée en la matière. Il nous faudra mesurer de façon plus rigoureuse et plus systématique l’impact de ces expériences. Quoi qu’il en soit, je suis très sensible à ces sujets et à la générosité des associations d’aide aux victimes.

Lorsque je parlais d’« orateurs de l’UMP », monsieur Goujon, c’est précisément parce que je me refuse à globaliser. Mais le fait est que, depuis le mois de mai, on profère à mon égard des inexactitudes, des contrevérités, des mensonges, des horreurs, et que l’on me fait des procès d’intention. Ces propos ne sont pas tenus en conclave mais sur les médias, et par des personnes qui ont l’étiquette UMP. Je préfère que l’on m’adresse des critiques en face – comme l’a fait M. Huyghe – pour pouvoir y répondre en face !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis. C’était le cas, et mon intervention était très respectueuse.

Mme la garde des Sceaux. Je vous en donne volontiers acte. Vous n’êtes nullement en cause. Je dis les choses avec franchise et j’entends que vous les disiez avec la même franchise. Mais, lors de ma précédente audition, un de vos collègues a repris une calomnie qui circulait sur moi, parfois sur papier à en-tête de l’UMP !

M. Goujon estime que ma ligne directrice est de défaire ce que l’ancienne majorité a fait, tandis que, pour M. Fenech, je ne fais rien d’original, me contentant de poursuivre ce qui était déjà en place. Il vous faudra trouver un peu de cohérence entre vous, messieurs les députés, car je n’ai pas l’intention de devenir schizophrène ! Je choisis un chemin, je l’identifie, je le décline et je l’assume, ainsi que tous les désaccords auxquels il peut donner lieu. J’assume mes choix parce c’est ma responsabilité. Je doute que vous puissiez tenir tout le quinquennat en m’accusant de toujours défaire. Cela n’a du reste pas grande importance, sauf si vous illustrez cette assertion de façon précise. Je ne défais pas pour vous déplaire mais parce vous avez pris des mesures qui, de l’avis quasi unanime des magistrats, apportent des complications dans le fonctionnement des juridictions. Ce sont les chefs de cour eux-mêmes qui affirment que les tribunaux correctionnels pour mineurs engorgent leurs juridictions et provoquent des retards considérables dans les calendriers d’audiencement. En l’espèce, je répare plus que je ne défais !

Au reste, lorsque l’on dénonce la lenteur de la Justice, peut-être veut-on être désagréable envers la garde des Sceaux mais en réalité on met en cause les magistrats ! La Justice est lente parce qu’elle doit prendre son temps, mais elle est ralentie par des mesures malheureuses qu’il est de notre responsabilité de rectifier.

La sécurité ne serait pas pour moi la mission de la Justice, dites-vous. Par cette formulation, vous continuez le procès en irresponsabilité, en laxisme et en mise en cause de la sécurité des Français que l’on me fait. Je vous donne rendez-vous à la fin du quinquennat. Vous verrez que nos chiffres seront tout autres et que nous aurons amélioré la sécurité des Français !

Ce que je disais lors de la dernière audition, c’est que le ministère de l’Intérieur a la responsabilité de l’ordre public et que le ministère de la Justice prend sa part dans la sécurité des Français par la prévention de la récidive. Je le maintiens. La Justice est une mission régalienne et constitutionnelle. Ce n’est pas moi qui en définis le contenu ! Quant à la responsabilité qui nous incombe s’agissant de la sécurité des Français, nous la prenons pleinement. J’ai défini la prévention de la récidive comme une priorité : non une priorité de principe ou de pétition, mais une priorité d’action qui se traduit par des choix de recrutement, par la conférence de consensus et par toute une série de mesures.

Vous évoquez aussi la hausse continue et spectaculaire du budget de la Justice ces dix dernières années. Mais le résultat est que l’emprise de la pénitentiaire est passée de 30 à 40 % tandis que la protection judiciaire de la jeunesse perdait 600 emplois...

Et que signifie la « chute spectaculaire de la délinquance » dont vous vous prévalez ? Tout dépend de ce que l’on entend par « délinquance » ! Tout récemment, j’ai entendu M. Estrosi expliquer que les violences faites aux personnes avaient augmenté de façon spectaculaire.

M. Philippe Goujon. C’est la seule exception. Et la hausse a été beaucoup moins forte que sous le gouvernement Jospin.

Mme la garde des Sceaux. Pas du tout. L’amélioration était très nette avant que votre sensibilité n’arrive au pouvoir en 2002.

Nous avons déjà débattu du nombre de places de prison supplémentaires. Je ne me suis pas prononcée contre les courtes peines ou contre la détention. Mon rôle n’est pas celui d’un avocat. En tant que ministre de la Justice, je rappelle que le code de procédure pénale prévoit des aménagements de peine et que la loi pénitentiaire de 2009, adoptée par la précédente majorité, non seulement les prévoit mais, de plus, incite à les privilégier et porte à deux ans le quantum de peine d’emprisonnement susceptible de faire l’objet d’un aménagement. Alors cessez d’affirmer que je suis contre les courtes peines ! Ce n’est ni moi qui juge ni moi qui défends !

Je précise également que je ne me suis jamais prononcée sur le numerus clausus.

L’islamisme radical est à prendre très au sérieux. Il faut néanmoins se garder de le surestimer dans les établissements pénitentiaires, car on risque alors de le sous-estimer dans les autres endroits où il prospère. Dans l’affaire de l’attentat à Sarcelles, qui a donné lieu à des interpellations à Strasbourg et à Cannes notamment, seules deux des huit personnes interpellées avaient eu un parcours judiciaire et pénitentiaire. Il s’agissait, dans tous les cas, de conversions récentes et de radicalisation très rapide. Nous ne ménagerons pas nos efforts pour combattre ce phénomène dans les établissements, mais cela ne dispense pas les pouvoirs publics de l’identifier et de le contrer partout ailleurs.

Par ailleurs, ce budget permettra d’augmenter le nombre de vacations d’imams. Nous couvrirons une trentaine d’établissements supplémentaires en 2013 et le même nombre en 2014. Le ministère dispose également d’un bureau de renseignement pénitentiaire qui permet de repérer les imams autoproclamés et les leaders qui, souvent, prennent en charge matériellement des détenus indigents non seulement dans l’établissement mais aussi à leur sortie de prison. Ce bureau a été renforcé récemment par le recrutement d’officiers. Les surveillants, pour leur part, bénéficient de formations à l’École nationale de la magistrature. Vous le savez, nous sommes intraitables : dès qu’un détenu faisant du prosélytisme est identifié, il est transféré dans un autre établissement – et ainsi de suite s’il recommence – de manière à casser son action.

Il existe 80 bureaux d’exécution des peines à l’heure actuelle et nous allons en créer une quarantaine.

Par ailleurs, 704 places sont prévues en UHSA. Un premier programme sera financé par le ministère de la Santé et remboursé par le ministère de la Justice. En 2014-2015, 440 places seront créées.

La question du transfert des escortes avait été mal évaluée. Elle fait l’objet d’une nouvelle évaluation qui sera portée à votre connaissance en janvier 2013.

Il n’y a pas de projet de nouveau CEF en région parisienne pour l’instant.

Le rapport consacré au tribunal de grande instance de Paris m’a été remis récemment et je vous informerai de son contenu. L’opération est très coûteuse. Le contrat signé en février 2012 ne prévoit pas de clause de négociation, ce qui complique les choses. Le projet représente environ 600 millions d’euros, mais, en 2043, il aura coûté 2,7 milliards d’euros, avec un loyer annuel moyen de 90 millions d’euros. Il faut savoir que les opérateurs privés empruntent au taux élevé de 11 %. Si le projet est maintenu, l’État aura donc remboursé 2,7 milliards d’euros. Parmi les options possibles, il y a soit la poursuite du projet en l’état, soit l’étude des marges éventuelles de négociation dans le partenariat public-privé, soit l’abandon. Rien n’est tranché et je tiens à votre disposition toutes les informations nécessaires.

Il est exact, monsieur Fenech, que la justice est déshéritée. Vous citez à cet égard les chiffres de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ). Si je voulais être perfide, j’invoquerais votre bilan. Mais mon sens des responsabilités me l’interdit. Il nous faut avant tout bien identifier les faiblesses et les défauts de notre justice de façon à les corriger. Je ne saurais me réjouir du constat de l’insuffisance du nombre de magistrats et de greffiers et de la faiblesse des dotations. L’important est de prendre la mesure du travail à accomplir et de s’atteler à trouver rapidement les bonnes réponses.

En outre, j’ai le sentiment que l’opposition au sein de la commission des Lois, même si elle cherche le défaut de la cuirasse pour m’atteindre, a malgré tout le profond souci que nous réussissions au service de notre justice. J’accepte la dose de mauvaise foi inhérente à l’exercice de l’opposition – tant qu’elle reste à un niveau acceptable ! –, mais je crois que nous partageons ce souci. Comme vous, je suis très préoccupée de la situation de certaines juridictions : pas de chauffage, moquettes élimées, installations électriques défectueuses, peintures écaillées... L’environnement est pénible, c’est une raison de plus pour être attentive aux conditions de travail.

Vous avez parfaitement raison d’estimer que l’essentiel est la mission du juge. À telle enseigne que j’ai chargé l’Institut des hautes études sur la justice de mener une réflexion sur ce thème précis. Les magistrats eux-mêmes en sont demandeurs. Et le législateur doit lui aussi réfléchir aux éléments qui encombrent ou perturbent le juge dans l’accomplissement de sa mission.

Sur le plan de l’organisation du travail, vous soulignez très justement l’importance des équipes d’assistants et d’assistants spécialisés, qui apportent aux juges une collaboration directe. À Marseille, par exemple, j’ai pris des dispositions pour placer auprès des magistrats des assistants et des assistants spécialisés. Ces derniers, je le précise, sont spécialisés dans différents métiers. Selon le type de contentieux que le magistrat doit traiter, il peut faire appel à un médecin, à un ingénieur, etc.

Vous n’ignorez pas que le PSEM en est encore au stade expérimental, monsieur Fenech.

M. Georges Fenech. Depuis 2008, quand même !

Mme la garde des Sceaux. Et vous n’en ignorez pas non plus le coût.

M. Georges Fenech. Il est très faible.

Mme la garde des Sceaux. Non, c’est le coût du PSE qui est faible – environ 20 euros par jour. En raison de la géolocalisation, le PSEM revient à 100 euros.

M. Georges Fenech. Aux États-Unis, le PSEM coûte 15 dollars par jour depuis longtemps.

Mme la garde des Sceaux. Nous monterons en puissance et réduirons les coûts au fur et à mesure des décisions de justice en ce sens. Je ne peux néanmoins vous promettre que je rédigerai une circulaire pour demander la multiplication des prononcés de PSEM !

M. Georges Fenech. C’est pourtant un très bon outil de peine alternative, qui évite la désocialisation et qui permet un contrôle permanent.

Mme la garde des Sceaux. Il revient aux juges d’en décider !

Je prends acte de vos motifs de satisfaction, monsieur Raimbourg.

La moyenne de la surpopulation carcérale est en effet de 132 %, sachant que dans certains établissements, à La Roche-sur-Yon par exemple, le taux s’élève à 240 % et qu’il atteint même 328 % outre-mer.

Dans les maisons d’arrêt, la cohabitation entre des prévenus passibles de courtes peines et des grands bandits en détention provisoire est lourde de dangers.

En ce qui concerne le traitement des dossiers, mieux vaut, je le répète, ne pas accumuler les dispositifs qui provoquent des retards. La circulaire de politique pénale demande aux parquets de travailler à la résorption des stocks et à la réduction des délais d’audiencement. Cet objectif s’accompagne d’un accroissement des moyens, notamment en termes de recrutement et d’informatisation. Même si certaines procédures comme la comparution immédiate – qui implique, à l’instar des tribunaux correctionnels, une formation collective – engendrent des encombrements, les mesures prises devraient permettre de résorber les stocks et de réduire les délais.

Je vous remercie enfin, monsieur Raimbourg, d’avoir eu le courage d’évoquer les difficultés provoquées par les peines plancher et par le tribunal correctionnel pour mineurs.

Je suis reconnaissante à tous les commissaires de leurs questions, de leurs interventions et de la grande qualité de leurs rapports. Ils me permettent d’affiner considérablement mon analyse et d’améliorer ainsi les décisions que je suis amenée à prendre pour la justice.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Merci, madame la garde des Sceaux. D’autres collègues souhaitaient poser des questions. Ils devraient avoir priorité pour le faire dans l’hémicycle.

Après le départ de la ministre, la Commission examine les crédits de la mission « Justice ». Conformément aux conclusions de M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour la « Justice administrative et judiciaire », de M. Jean-Michel Clément pour la « Protection judiciaire de la jeunesse » et de Mme Nathalie Nieson pour l’« Accès au droit et à la justice et l’aide aux victimes », mais contrairement à l’avis de M. Sébastien Huyghe pour l’« Administration pénitentiaire », elle donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2013.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

—  M. Jean-Louis DAUMAS, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse

SYNDICATS :

●  CGT Protection judiciaire de la jeunesse

—  M. Alain DRU, secrétaire général

—  M. Yoann CHAUVIN, coordinateur national hébergement

●  Syndicat national des personnels de l’éducation et du social

—  M. Michel FAUJOUR, co-secrétaire national

—  M. Carlos LOPEZ, membre du bureau national

●  Syndicat des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (UNSA)

—  M. Laurent HERVÉ, secrétaire général

—  Mme Catherine BERTHÉ, secrétaire générale adjointe

MAGISTRATS :

●  Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)

—  Mme Evelyne MONPIERRE, vice-présidente

—  Mme Marie-José MARAND-MICHON, vice-présidente

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Établissement de placement éducatif de Poitiers (Vienne)

—  Mme Hélène GRESLIER, directrice territoriale Poitou-Charentes de la Protection judiciaire de la jeunesse

—  Mme Cathy MUNSCH-MASSET, directrice territoriale adjointe Poitou-Charentes de la Protection judiciaire de la jeunesse

—  Mme Manon FAUCHEUX, directrice de l’établissement de placement éducatif de Poitiers

—  Mme Christine CHESNÉ, responsable d’unité éducative de l’établissement de placement éducatif de Poitiers

—  Mme Gaëlle TRONSCORFF, psychologue

—  Mme Alexandra BEN BOUBAKER, « famille d’accueil » pour le Conseil général de la Vienne et la Protection judiciaire de la jeunesse

Centre éducatif fermé Nouvel horizon du Vigeant (Vienne)

—  M. Christian LÉGERON, président de l’association Nouvel horizon

—  M. Sylvain VISEUR, directeur du centre éducatif fermé

—  M. Jean-Rolland MALEJAC, cadre administratif

—  Mme Amandine GODARD, monitrice-éducatrice

Unité d’hébergement diversifié « Tremplin 94 pour l’insertion », groupe SOS, Gentilly (Val-de-Marne)

—  M. Maxime ZENNOU, directeur général de l’association Insertion et alternatives, groupe SOS

—  Mme Marie-Josée CHAHBOUB, directrice de l’unité

—  Mme Bich Hou NGUYEN, assistante de direction

—  Mme Laëtitia AFRIDI, monitrice éducatrice

—  Mme Yamina FOUAL, maîtresse de maison

—  Mme Marie-Line DI FILIPPO, éducatrice spécialisée

—  M. Badr HOUABRIM, éducateur spécialisé

—  Mme Nathalie SAGET, psychologue clinicienne

—  Mme Catherine MATHIEU, directrice territoriale de la PJJ du Val-de-Marne

—  Mme Stéphanie CASALTA, responsable du secteur associatif à la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du Conseil général du Val-de-Marne

—  Mme Marie-Claude PLOTTU, conseillère technique à la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du Conseil général du Val-de-Marne

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