N° 1429 tome IV - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)


N° 1429

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2014,

TOME IV

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Par Mme Julie SOMMARUGA,

Députée.

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Voir le numéro : 1395, 1428 (annexe n° 26).

SOMMAIRE

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Pages

I. UN BUDGET 2014 AU SERVICE DE LA REFONDATION ET AMORÇANT LA REVALORISATION DU MÉTIER D’ENSEIGNANT 6

A. LES MOYENS DE LA REFONDATION SONT LÀ 6

1. Les crédits 6

2. Les emplois et les concours 6

a. L’évolution des emplois de la mission entre 2008 et 2014 6

b. Les mesures du projet de loi de finances 7

3. Les personnels appuyant l’inclusion et la vie scolaires 8

4. L’outil numérique 9

B. L’AMÉLIORATION DE LA CONDITION ENSEIGNANTE EST ENGAGÉE 9

1. Une indemnité créée pour les professeurs des écoles 9

2. Une Éducation nationale qui maîtrise ses coûts 10

II. DONNER LE GOÛT DES SCIENCES À L’ÉCOLE ET AU COLLÈGE ET DÉVELOPPER LA CULTURE SCIENTIFIQUE DES ÉLÈVES 11

A. DES DISCIPLINES EN SOUFFRANCE 11

1. Des résultats qui stagnent ou qui baissent 12

2. Des fragilités structurelles 14

a. Un enseignement « inaccessible » 15

b. Un déficit préoccupant de formation initiale et continue des enseignants 17

c. Des problèmes propres à chaque niveau et une entrée en sixième particulièrement déstabilisante 20

3. Des expérimentations riches d’enseignements 23

B. LES VOIES ET LES MOYENS D’UN ENSEIGNEMENT RÉNOVÉ DES SCIENCES 26

1. Un enjeu décisif pour la compétitivité, la citoyenneté et l’égalité des réussites 26

2. Réformer les contenus et la pédagogie 27

a. Les programmes et l’évaluation des acquis 27

b. Les équilibres à construire 28

c. Les mesures à adopter au niveau de la formation initiale 30

3. Rompre l’isolement des professeurs en agissant sur trois leviers 31

a. Assurer un accompagnement des professeurs pendant les deux premières années d’exercice du métier 31

b. Investir dans la formation continue 32

c. Encourager les partenariats avec les associations et développer les activités scolaires et périscolaires « scientifiques » à certaines conditions 34

4. Faciliter la transition école-collège et l’interdisciplinarité en s’appuyant sur l’enseignement scientifique 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

AUDITION DU MINISTRE 39

EXAMEN DES CRÉDITS 39

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 59

INTRODUCTION

Le présent rapport pour avis porte sur le premier budget de l’État
– l’enseignement scolaire – pour lequel 63,4 milliards d’euros, en crédits de paiement, sont demandés pour l’année 2014.

Le premier budget de l’État est aussi celui de la refondation de l’école de la République, dont le cadre a été défini par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation. Il intègre, à cet effet, les moyens nécessaires à la transformation pédagogique du système éducatif, qui repose sur deux piliers : la réforme de la formation initiale des enseignants et la priorité enfin donnée au primaire.

L’évolution des emplois et des crédits étant examinée, en détail, par la rapporteure spéciale de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Mme Carole Delga, la rapporteure pour avis a choisi de centrer son travail sur l’enseignement des sciences au primaire et au collège.

La désaffection des jeunes pour les études scientifiques, qui pèse sur notre effort de recherche et d’innovation, est un phénomène mondial, attesté par de nombreux rapports. Or, celle-ci semble se jouer assez tôt dans notre pays, les mathématiques et les sciences expérimentales étant souvent perçues comme des matières élitistes, qui servent à trier les « bons » des « mauvais » élèves, au bénéfice d’une hiérarchie scolaire dominée par la série S du lycée général.

Quel est donc « l’état » de cet enseignement, aux principaux paliers de la scolarité obligatoire, lorsque se nouent les destins scolaires ? Force est de constater que celui-ci s’avère préoccupant, au point d’affecter non seulement notre compétitivité, mais surtout notre capacité à « faire » société et nation.

Donner le goût des sciences, tel devrait être l’objectif d’un enseignement moins formel, moins dogmatique, qui donne toute sa place à l’expérimentation en complémentarité de l’indispensable acquisition des fondamentaux. La mise en ordre de marche de la refondation de l’école devrait d’ailleurs être, aussi, appréciée à l’aune de cette ambition. C’est cette conviction qui a conduit la rapporteure pour avis à choisir cette problématique et à recueillir l’avis de nombreux experts et praticiens, quarante-huit au total, pour nourrir sa réflexion.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, seules 23,3 % des réponses étaient parvenues.

Les crédits des cinq programmes de la mission relevant du ministère de l’éducation nationale s’élèveront à 63,424 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2014, soit une progression de + 1,19 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. À lui seul, le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel (titre 2) représentera 59,358 milliards d’euros, soit 93 % du total et, hors compte d’affectation spéciale (CAS) pensions, ces programmes mobiliseront 46,269 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 45,689 milliards en 2013, soit une hausse de 1,27 %, représentant 580 millions d’euros.

Par ailleurs, dans le cadre du deuxième volet des investissements d’avenir, le gouvernement a décidé la création d’un programme 408 « Internats de la réussite », pour lequel 150 millions d’euros seront alloués. Cette dotation est destinée à créer 6 000 nouvelles places d’internat afin d’améliorer la réussite d’élèves motivés, ne disposant pas d’un environnement propice aux études (1).

Entre l’exercice 2008 et le projet de loi de finances 2014, le plafond d’emplois, sur le périmètre de la mission enseignement scolaire, aura diminué de 45 135 équivalents temps plein (ETP).

Cependant, au cours de cette période, l’année 2012 constitue une année charnière. En effet, entre 2008 et 2012, 66 788 suppressions en ETP ont été réalisées, dont 62 590 ETP d’enseignants. Puis, la loi du 16 août 2012 de finances rectificative a augmenté du plafond d’emplois de 4 068 ETP au 1er septembre 2012, dont 2 505 ETP d’enseignants. Depuis lors, entre ce texte et le projet de loi de finances pour 2014, 21 653 ETP auront été créés, dont 19 090 ETP d’enseignants, ce volume permettant de respecter le volet « programmation » de la loi du 8 juillet 2013 relative à la refondation de l’école de la République qui prévoit la création, sur cinq ans, de 54 000 emplois à l’Éducation nationale.

Au total, 8 804 emplois, enseignants et non enseignants, seront créés en 2014, ce qui portera le plafond de la mission à 934 373 ETP :

– Le budget 2014 permet d’appuyer la montée en charge de la réforme de la formation initiale des enseignants au sein des écoles supérieures du professorat et de l’enseignement (ESPE), le nouveau format des concours devenant effectif à compter de la session qui sera organisée au printemps 2014. Ainsi, à partir de la rentrée 2014, les enseignants stagiaires, payés à temps plein, consacreront la moitié de leur temps au suivi d’une formation à l’ESPE et l’autre à enseigner en classe. Ce dispositif implique donc la création de 10 247 ETP de stagiaires (4 042 dans le premier degré public, 4 854 dans le second degré public et 1 183 dans l’enseignement privé du premier et du second degrés), qui viennent s’ajouter aux 11 476 postes créés en 2013. Inversement, en raison de la mise en place de ce système de recrutement rénové et pérenne, 2 183 emplois de contractuels disparaîtront en 2014, qui correspondent à des décharges créées à titre transitoire, afin de permettre aux enseignants stagiaires ayant pris leurs fonctions en septembre 2013 de suivre une formation complémentaire hebdomadaire de trois heures (2).

– 800 ETP d’enseignants du premier degré public seront par ailleurs créés à la rentrée 2014, qui s’ajouteront aux 295 ETP résultant du solde positif d’entrées et de sorties de l’exercice 2013. Ces moyens seront consacrés, dans les secteurs les plus fragiles, à l’objectif « plus de maîtres que de classes ».

Les concours de recrutement 2013 et 2014 : des crus exceptionnels

La priorité donnée au premier degré public s’est traduite par une augmentation très importante du nombre de postes proposés en 2013 aux concours, tous recrutements externes confondus : 8 413, soit + 73 % par rapport à la session 2012. La session exceptionnelle de 2014 s’inscrit dans la continuité, en proposant un total de 8 611 postes. Quant au nombre de candidats présents, il est passé de 16 273 en 2011 à 19 016 en 2013 et à 23 962 pour la session exceptionnelle, signe que le métier est redevenu attractif.

Dans le second degré public, l’offre de postes offerts aux concours externes, restée stable à 8 600 entre 2008 et 2012, a été portée à 11 000 en 2013 (+ 27,9 %). Le volume proposé à la session exceptionnelle (10 750 postes) traduit une nouvelle augmentation de 15 %, la hausse atteignant 21 % pour le CAPES. La session 2014 de « droit commun » propose, quant à elle, un volume stable de 10 800 postes. En ce qui concerne les candidats présents, on observe une augmentation de 13 % entre les sessions 2012 et 2013 et une progression remarquable de plus de 44 % entre la session 2013 et la session 2014 exceptionnelle.

Dans l’enseignement privé, on rappellera que, toutes voies de recrutement confondues, 2 100 postes ont été ouverts au titre de la session exceptionnelle 2014. Pour la session 2014 « ordinaire », le nombre de postes offerts aux concours sera de 4 190, soit 1 350 pour le premier degré et 2 840 pour le second degré.

– Par ailleurs, 350 postes d’auxiliaires de vie scolaire consacrés à l’accueil individualisé des élèves en situation de handicap (AVS-i) et 150 ETP de personnels médico-sociaux et administratifs, dédiés à la politique de santé des élèves, seront mis en place à la rentrée 2014.

– Enfin, 16 000 étudiants boursiers se destinant au métier d’enseignant bénéficieront, d’ici 2014, au titre des « emplois d’avenir professeur », d’un parcours professionnalisant et d’une aide de l’ordre de 900 euros mensuels pour poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. Le coût de ce dispositif s’élèvera à 28,2 millions d’euros l’année prochaine et permettra de financer le recrutement de 6 000 emplois supplémentaires à la rentrée 2014, qui viendront ainsi s’ajouter aux 4 000, puis 6 000 emplois recrutés respectivement en janvier et en octobre 2013.

L’école continuera d’améliorer l’accueil des élèves en situation de handicap. Dans ce but, outre les 350 postes d’AVS-i déjà évoqués, le budget 2014 permettra de rémunérer 2 466 AVS collectifs (AVS-co) intervenant en classe, pour un coût total de 64,9 millions d’euros, et 4 300 AVS apportant une aide mutualisée (AVS-m), dont le financement est évalué à 113,3 millions d’euros. En outre, entre la rentrée 2013 et la prochaine rentrée, 8 000 contrats aidés seront recrutés pour une durée de 24 mois pour couvrir les besoins d’accompagnement individuel des élèves en situation de handicap. Enfin, le ministère de l’éducation nationale proposera, l’année prochaine, un contrat à durée indéterminée aux 2 800 AVS employés sous statut d’assistant d’éducation (AED) qui arriveront au terme de leurs six années de contrat.

Les personnels d’assistance éducative, recrutés prioritairement parmi les étudiants, apportent, dans différents domaines, un soutien indispensable à l’équipe éducative, en particulier pour l’encadrement et la surveillance des élèves. Le budget 2014 permettra de rémunérer 48 300 AED en moyenne, au coût unitaire annuel de 26 300 euros environ, pour un total de 1,270 milliard d’euros, et de maintenir, l’année prochaine, le niveau d’emplois de la rentrée 2013.

Pour améliorer le climat dans les établissements, 12 000 contrats aidés, regroupés sous l’appellation « emplois vie scolaire » (EVS) et exerçant des missions d’appui administratif et éducatif aux écoles, permettront de renforcer la présence des adultes dans les établissements. Ainsi, en 2014, une dotation de 239,3 millions d’euros permettra de rémunérer, en comptant les emplois de vie scolaire assurant des fonctions d’accompagnement des élèves en situation de handicap, un effectif moyen annuel de 53 600 contrats aidés.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS D’ASSISTANTS D’ÉDUCATION (AED) DEPUIS 2008

(en ETPT)

 

Exécution

Prévision(1)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

AED hors AVS

48 100

48 925

49 114

48 708

48 396

49 741

48 300

AVS-i

7 333

9 141

8 954

8 698

9 077

10 811

10 967

AVS-co

1 894

2 072

2 265

2 404

2 465

2 734

2 466

AVS-m

288

1 976

3 525

4 300

Total

57 327

60 138

60 333

60 098

61 914

66 811

66 033

(1) Les prévisions 2013 et 2014 n’intègrent pas les mesures de pérennisation et de professionnalisation des AED arrivant à l’issue de 6 ans de contrats, difficilement mesurables à ce stade.

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure pour avis.

Une enveloppe de 10 millions d’euros est destinée à soutenir, l’année prochaine, des projets de développement des usages du numérique dans les établissements scolaires ainsi que la mise à disposition de ressources pédagogiques numériques pour les enseignants. Par ailleurs, des actions spécifiques sont prévues en faveur des personnels : 5 millions d’euros pour des actions de formation au numérique en direction des personnels enseignants et cinq autres millions pour les enseignants du réseau éducation prioritaire via la mobilisation des heures supplémentaires.

Par ailleurs, le nouveau programme d’investissements d’avenir sera mobilisé pour favoriser le développement d’une filière économique pour le numérique éducatif via l’action « Usages et technologies du numérique » dotée de 215 millions d’euros. Une enveloppe de 50 millions d’euros permettra ainsi de financer des appels à projets dans le domaine des usages éducatifs du numérique.

Contrairement à leurs homologues du second degré, les professeurs du premier degré, dans leur ensemble, ne bénéficient pas d’indemnités particulières, et ce alors même que leurs obligations réglementaires de service sont plus lourdes.

Le gouvernement a décidé de mettre fin à cette différence de traitement, d’autant plus incompréhensible, aujourd’hui, que les professeurs des écoles sont des acteurs essentiels de la réforme des rythmes scolaires.

Le décret n° 2013-790 du 30 août 2013 instituant une indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) au bénéfice des personnels enseignants du premier degré a donc pour objet de reconnaître l’exercice de missions spécifiques – notamment l’évaluation pédagogique des élèves, les temps de concertation et de travail en équipe et le temps consacré au dialogue avec les familles. Cette prime annuelle sera versée aux professeurs des écoles, ainsi qu’aux directeurs d’écoles, au taux de 400 euros en deux fractions de 200 euros, la première avant le 31 décembre 2013 et la seconde d’ici le 30 juin 2014. Son coût estimé est de 151 millions d’euros.

Une telle mesure prouve que l’actuelle majorité, contrairement au précédent gouvernement, a la volonté, malgré la crise et en plus des créations de postes, d’assurer budgétairement la revalorisation du métier d’enseignant.

La reconnaissance professionnelle qu’elle traduit revêt, en tout cas, une importance historique, comparable à la création, le 1er août 1990, du corps de professeurs des écoles.

En outre, le taux de promotion des professeurs des écoles à la hors classe, qui est de 2 %, sera porté à 3 % à compter du 1er septembre 2013, puis à 4 % en 2014 et 4,5 % en 2015.

Ces mesures constituent la première traduction du protocole sur les mesures catégorielles signé le 30 mai 2013 avec des organisations syndicales, dont les orientations visent à commencer à rapprocher les niveaux de rémunération et les perspectives de carrière des professeurs des écoles et des conseillers principaux d’éducation et à améliorer les niveaux de rémunération des personnels percevant les salaires les moins élevés.

La mise en place de l’ISAE n’empêchera pas l’Éducation nationale d’apporter sa contribution à l’effort collectif de maîtrise des finances publiques. En effet, le budget de fonctionnement et d’intervention du ministère diminuera de 1,6 %, notamment grâce aux mesures suivantes : diminution du volume d’achats grâce à la standardisation et à la mutualisation des commandes ; rationalisation du parc immobilier administratif (les surfaces utilisées ont diminué de 12 % de 2008 à 2013, tandis que le nombre d’implantations des services du ministère a diminué de 17 %) ; réduction du plafond d’emplois global des opérateurs (Centre d’études et de recherches sur les qualifications, Centre international d’études pédagogiques, Centre national d’enseignement à distance, Office national d’information sur les enseignements et des professions) de 32 ETP, soit une économie de 1,3 million d’euros, et des frais de structure à hauteur de 4 %, etc. Une mesure d’économie exceptionnelle de 20,5 millions d’euros sera également appliquée sur les subventions versées aux collèges, l’acquisition de manuels scolaires étant limitée aux compléments de collections dans la perspective de la mise en place de nouveaux programmes d’enseignement.

II. DONNER LE GOÛT DES SCIENCES À L’ÉCOLE ET AU COLLÈGE ET DÉVELOPPER LA CULTURE SCIENTIFIQUE DES ÉLÈVES

La désaffection des jeunes à l’égard des sciences et, par conséquent, des carrières scientifiques est attestée depuis plus de quinze ans. Les études sur le sujet sont, en effet, « convergentes et pessimistes » (3), le problème étant, en réalité, « mondial » selon le constat établi en 2006 par M. Jean-Marie Rolland (4).

Ce « désamour » résulte de plusieurs facteurs, en particulier la réputation de difficulté de ces études, la faible attractivité des rémunérations de la recherche publique, le caractère ambivalent d’une science à la fois source d’inquiétudes et de progrès et l’image peu enthousiasmante qu’en donne l’enseignement scolaire.

Ce dernier aspect a retenu l’attention de la rapporteure pour avis, d’autant que la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a conforté la place de l’enseignement scientifique (5). Ainsi, son article 9 érige la lutte contre « l’innumérisme » en priorité nationale, aux côtés de lutte contre l’illettrisme (article L. 121-2 du code de l’éducation), tandis que son article 45 dispose que l’école élémentaire dispense les éléments d’une « culture scientifique et technique », une nouveauté par rapport au droit antérieur, qui insistait sur l’expression orale ou écrite, la lecture et le calcul (article L. 321-3 du même code). Le rapport annexé à cette loi précise que la diffusion de cette culture doit « permettre à la France de conforter son avance scientifique, son tissu industriel, son potentiel économique, sa capacité d’innovation et sa compétitivité en formant les techniciens, chercheurs, ingénieurs, entrepreneurs de demain ».

Au regard des objectifs fixés par la représentation nationale, quelles sont donc les faiblesses de l’enseignement des sciences, au primaire et au collège où s’enracine la faible appétence des jeunes à l’égard de ces matières ? Et quels pourraient être les voies et moyens qui permettraient de rénover celui-ci, ce défi devant être relevé, avant tout, au nom de l’égalité des réussites ?

L’enseignement scientifique dispensé au primaire et au collège est en souffrance, voire en crise, ce que traduisent les résultats des élèves, qui par ailleurs manifestent peu d’intérêt pour les matières concernées. Cette situation résulte de facteurs structurels.

● Les évaluations nationales

L’an dernier, le Comité sur l’enseignement des sciences de l’Académie des sciences s’est alarmé, dans un contexte où « l’on en est maintenant, avec les mathématiques, à un problème aussi grave que l’illettrisme », du fait qu’ « en France, le phénomène d’inculture mathématique s’étend » (6).

Deux enseignements principaux, également inquiétants, peuvent être tirés des évaluations conduites par le ministère de l’éducation nationale.

D’une part, en calcul, les performances des élèves du primaire baissent ou stagnent, comme le montre l’enquête Lire, écrire, compter de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), effectuée en fin de CM2 en 1987, 1999 et 2007. Les scores obtenus entre 1987 et 1999 ont en effet diminué de manière importante, soit une diminution du score moyen d’environ deux tiers d’écart-type. De 1999 à 2007, il s’est opéré un tassement des résultats, avec un score moyen en légère baisse, mais de manière peu significative au regard des marges d’erreur inhérentes à ce type d’étude (7). En revanche, le collège, surtout s’il relève de l’éducation prioritaire, semble accroître mécaniquement le nombre d’élèves en difficulté. La comparaison des proportions d’élèves qui maîtrisent les compétences de base en mathématiques est, à cet égard, éclairante : elle est de 92 % en fin de CM2, mais de 87 % en fin de 3ème ; en outre, elle chute brutalement si l’établissement relève de l’éducation prioritaire : dans ce dernier cas, dans les établissements concentrant les difficultés, labellisés ÉCLAIR, cette part baisse à 77 % en fin de CM2 et à 63 % en fin de 3ème (8).

D’autre part, au primaire, comme au collège, on constate la persistance d’un « noyau dur » d’élèves en grande difficulté dans les sciences expérimentales. Les évaluations dites CEDRE montrent ainsi qu’en fin d’école élémentaire, si plus de la moitié des élèves atteint un premier niveau de conceptualisation et peut exploiter des données organisées, 15 % des élèves ne peuvent répondre qu’à des questions en lien avec leur expérience quotidienne. En 3ème, ce même dispositif indique qu’environ 85 % des élèves savent extraire des informations de documents habituellement utilisés en classe et un peu plus de la moitié – seulement – des élèves sait exploiter et traiter ces données. Par ailleurs, si 10 % des élèves se montrent très compétents dans les différentes étapes de la démarche scientifique, 15 % des élèves ne maîtrisent aucune de ces étapes.

● PISA

En 2003, l’évaluation PISA (Programme for International Student Assessment), conduite tous les trois ans par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour mesurer et comparer les compétences des élèves de quinze ans (9), indiquait, pour la France, un score de 511 en culture mathématique, situant notre pays significativement au-dessus de la moyenne de cette organisation (500). Ce score a chuté en 2006 à 496 (498 pour la moyenne de l’OCDE), puis a « stagné » en 2009 à 497 (499 pour l’OCDE). Cependant, plus d’un élève sur cinq se situait, en 2009, au premier niveau de l’échelle de compétences, qui en comporte sept, ou en-dessous (10). De surcroît, les élèves français sont toujours les plus nombreux à s’abstenir de répondre quand les questions appellent des réponses rédigées, et aussi les plus nombreux à ne pas terminer les épreuves, ce qui signifie, en creux, que notre système éducatif ne valorise pas l’initiative et la prise de risque et considère l’erreur commise comme une « faute » qu’il faut sanctionner. Ce constat corrobore le fait que la démarche d’investigation occupe une place trop faible dans notre enseignement scientifique.

● L’égalité filles-garçons

Sur le plan des résultats scolaires, les filles sont à égalité avec les garçons en mathématiques. En effet, la proportion d’élèves qui maîtrisent les compétences de base dans cette discipline est, en CM2, de 90 % pour les filles et de 91 % pour les garçons. En 3ème, ces proportions sont, respectivement, de 87 % et 88 %.

Et pourtant, en 2011, seulement 50,1 % des filles choisissent, en seconde générale et technologique, des enseignements d’exploration à profil scientifique ou technologique, contre 71 % de garçons – et, en ce qui concerne les sciences de l’ingénieur, on tombe dans la caricature, cet enseignement étant choisi par 1,9 % de filles contre 11,6 % de garçons (11).

Le terme « caricature » est utilisé à dessein ici car c’est bien de cela dont il s’agit : à résultats comparables, les filles souffrent d’une inégalité d’orientation et – pour reprendre l’expression employée devant la rapporteure pour avis par l’association Femmes et mathématiques – « s’autocensurent » par rapport aux carrières scientifiques ou d’ingénieurs, les emplois correspondants n’étant pas perçus comme « féminins ». Cela n’a rien d’étonnant, hélas, dans la mesure où ces représentations biaisées sont entretenues par le milieu familial, les médias et, trop souvent, l’institution scolaire elle-même. Sur ce dernier point, il suffit, pour s’en convaincre, de relever les stéréotypes véhiculés par les manuels scolaires, comme l’a fait, en 2008, une étude réalisée pour le compte de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE). À titre d’exemple, pour la classe de 4ème, un manuel de SVT marquait très nettement une « sexualisation » des métiers, en concluant chaque chapitre par un encadré métier présentant un ingénieur-géologue, un vulcanologue, etc. (12).

C’est la raison pour laquelle la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République dispose que l’enseignement élémentaire transmet « l’exigence » de l’égalité entre les femmes et les hommes (article L. 321-3 du code de l’éducation), tandis que le rapport annexé à ce texte préconise que l’orientation et les formations proposées aux élèves « favorisent la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les filières de formation ».

Dans cet esprit, la convention interministérielle pour l’égalité des filles et des garçons, des femmes et des hommes dans le système éducatif de 2013-2018, qui définit, en la matière, le cadre général d’action de l’Éducation nationale, insiste sur l’intégration de cette thématique dès l’école primaire, ce qui s’est traduit par la mise en place, à la rentrée 2013, d’un outil numérique d’éducation à l’égalité, offrant des ressources et des séquences pédagogiques téléchargeables, l’ABCD de l’égalité.

Il est incontestable qu’afin de s’adapter à l’âge des élèves, l’enseignement scientifique présente une « disciplinarisation » progressive de la maternelle au collège, ainsi que le montrent les deux tableaux ci-après.

LA SITUATION DE L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES AU PRIMAIRE ET AU COLLÈGE

École maternelle

École élémentaire

Collège

 

CP - CE1

CE2-CM1-CM2

6ème- 5ème - 4ème - 3ème

Découvrir le monde


Approcher les quantités et les nombres


Mathématiques


Mathématiques

Mathématiques


Découvrir les objets, la matière, le vivant, les formes et les grandeurs


Découverte du monde (découvrir le monde du vivant, de la matière et des objets)


Sciences expérimentales et technologie



(8 grandes thématiques, le ciel et la terre, la matière, le fonctionnement du vivant …)

Sciences de la vie et de la Terre

Physique-chimie (à partir de la 5ème)

Technologie

 

École élémentaire

Collège

Heures annuelles d’enseignement

CP

CE1

CE2

CM1

CM2

6ème

5ème

4ème

3ème

Mathématiques

180

180

180

180

180

144

126

126

144

Sciences de la vie et de la Terre

         

54

54

54

54

Physique-Chimie

~40

~40

78

78

78

 

54

54

72

Source : direction générale de l’enseignement scolaire, 4 octobre 2013.

Par ailleurs, la démarche d’investigation est préconisée par l’ensemble des programmes concernés. Cependant, en dépit des textes officiels, l’enseignement scientifique souffre de réelles fragilités.

● Des programmes réduits à leur fonction sélective

La grande majorité des interlocuteurs de la rapporteure pour avis ont critiqué les programmes de sciences du primaire et du collège, en soulignant leurs objectifs trop ambitieux et leur caractère élitiste et formel. Ainsi, pour le Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs des écoles et PEGC-FSU, ceux du primaire, adoptés en 2008, se déclinent en « accumulation de savoirs », ceux-ci n’étant pas, de ce fait, « construits ». Cela se traduit, pour le Groupe de réflexion interdisciplinaire des programmes (GRIP), par un « empilement hétéroclite de sujets scientifiques ambitieux » et un enseignement « dogmatique, détaché de toute possibilité de compréhension », les formules ou concepts étant souvent « livrés » aux élèves, sans cheminement ou démonstration. Au collège, selon l’association Femmes et sciences, l’enseignement des sciences recourt à des notions et à des exercices qui mobilisent le « par cœur » et des compétences littéraires : l’apprentissage et l’étayage progressifs ont disparu. Au final, pour reprendre l’analyse du Syndicat des enseignants-UNSA, les programmes sont « inaccessibles pour les élèves et irréalisables pour les professeurs » et constituent, de ce fait, une « impasse », l’écart étant maximal entre le « curriculum prescrit » et le « curriculum réel », appliqué en classe.

Cette situation s’explique par le fait que cet enseignement, à commencer par celui des mathématiques, est conçu comme un outil de sélection scolaire. C’est l’un des effets pervers d’un système éducatif ultra-hiérarchisé, au sein duquel l’apprentissage des sciences est vécu, par les élèves, comme une course d’obstacles et non comme un jeu intellectuel et un moyen de découvrir et de comprendre le monde. Ce constat n’est pas neuf, puisqu’il rejoint celui établi, en 2006, par le rapport d’information de M. Jean-Marie Rolland : comme l’enseignement des disciplines scientifiques est « exagérément » piloté par les épreuves du baccalauréat, voire par celles des concours d’entrée dans les écoles d’ingénieurs, « les programmes sont conçus du haut vers le bas en privilégiant dès le primaire les moyens de faire émerger une élite à la fin du parcours » (13).

La désaffection à l’égard des sciences est, de ce fait, « programmée » par l’institution scolaire, un phénomène qui, au final, se retourne contre elle et que traduit, de manière spectaculaire, la crise du recrutement des professeurs de mathématiques. Le tableau ci-après en est la parfaite illustration.

EFFECTIF DES CANDIDATS AU CAPES DE MATHÉMATIQUES

 

Postes

Présents aux deux épreuves écrites

Admissibles

Admis

Présents / postes

Admis / présents

1999

945

7 332

2 274

945

7,8

13 %

2000

890

6 750

2 067

890

7,6

13 %

2001

990

5 676

2 109

990

5,7

17 %

2002

1 125

4 948

2 213

1 125

4,4

23 %

2003

1 195

4 428

2 328

1 195

3,7

27 %

2004

1 003

4 194

2 040

1 003

4,2

24 %

2005

1 310

4 074

2 473

1 310

3,1

32 %

2006

952

3 983

2 043

952

4,2

24 %

2007

952

3 875

2 102

952

4,1

25 %

2008

806

3 453

1 802

806

4,3

23 %

2009

806

3 160

1 836

806

3,9

26 %

2010

846

2 695

1 919

846

3,2

31 %

2011

950

1 285

1 047

574

1,4

45 %

2012

950

1 464

1 176

652

1,5

45 %

2013

1 210

1 613

1 311

817

1,3

51 %

Source : Rapport de jury du concours 2013 au CAPES externe de mathématiques.

● Des conditions d’enseignement difficiles

Cet enseignement s’exerce, depuis plusieurs années, dans des conditions matérielles parfois éprouvantes pour les enseignants. En effet, les classes ont souvent des effectifs pléthoriques, qui peuvent comprendre trente élèves ou plus, un phénomène qui a été aggravé par la politique de suppression de postes mise en œuvre sous le précédent quinquennat. Or un tel environnement pédagogique ne peut faciliter le recours à l’expérimentation, à l’investigation et au travail en petits groupes. Ainsi que l’ont souligné de nombreux interlocuteurs de la rapporteure pour avis, cette situation peut amener les professeurs concernés à « sacrifier » la partie expérimentale de l’enseignement scientifique.

Par ailleurs, les dépenses d’achat ou d’entretien du matériel nécessaire à la réalisation des manipulations sont soumises à de fortes tensions budgétaires (14). Les crédits pédagogiques ont en effet diminué drastiquement ces dernières années.

Dans les écoles et collèges et particulièrement en éducation prioritaire, les opérations qui permettent aux élèves de « découvrir le monde » reposent, de surcroît, sur des bases précaires, puisque la sortie dans un musée ou l’organisation d’un forum « sciences » sont souvent financées non pas par l’Éducation nationale, mais par la coopérative de l’école, la caisse d’allocations familiales ou la bonne volonté des partenaires extérieurs, notamment les collectivités locales ou les associatifs. Ce contexte creuse les inégalités entre les établissements et n’aide évidemment pas les écoles et les collèges concentrant le plus de difficultés à adopter des projets d’école ou d’établissement dotés d’un volet scientifique digne de ce nom, malgré la volonté des équipes enseignantes. Il faut également noter que les conseillers pédagogiques qui ont la volonté de trouver des partenaires gratuits afin de permettre aux élèves de bénéficier de sorties, consacrent à ce type de recherche une grande partie de leur temps de travail.

● Une démarche d’investigation délaissée

La démarche d’investigation est préconisée par l’ensemble des programmes concernés du primaire et du collège. Il faut s’en réjouir, car celle-ci est indispensable à l’acquisition des fondamentaux.

Cependant, en dépit des textes officiels et de la volonté des enseignants, plusieurs facteurs « conspirent » à minorer ce volet essentiel de l’enseignement scientifique, en particulier les conditions d’exercice du métier, qui se sont dégradées, comme cela a déjà été souligné, et la formation initiale et continue insuffisante des professeurs, point qui sera développé plus loin.

Il faut déplorer ce « climat » délétère, car ce sont – précisément – les activités pratiques qui concourent à l’égalité des réussites, en profitant aux élèves les plus en difficulté, souvent issus de milieux défavorisés. Ce fait est corroboré par les analyses du ministère de l’éducation nationale : « la réussite des élèves, en ce qui concerne les gestes manipulatoires ou le suivi d’un protocole, ne dépend pas, ou très peu, de la catégorie socio-professionnelle » (15).

C’est ce qu’a souligné, avec force, le Syndicat des enseignements du second degré-FSU : renoncer à ce volet de l’enseignement, c’est « enfoncer définitivement » dans la difficulté les élèves issus de milieux éloignés de la culture scolaire.

Pour le président de la Fondation La Main à la pâte, M. Pierre Léna, le « cœur du sujet » en matière d’enseignement scientifique est celui de la formation des professeurs. En effet, il faut leur donner les outils nécessaires pour susciter, chez les élèves, de la curiosité et du goût pour l’investigation et le raisonnement : c’est ainsi, cette condition étant toutefois nécessaire mais pas suffisante, comme on le verra plus loin en évoquant la refonte indispensable des programmes, que notre pays sera capable de susciter un plus grand nombre de vocations scientifiques.

Or, tant la formation initiale que continue des enseignants de sciences laisse aujourd’hui à désirer.

● La formation initiale : un lourd passif à résorber

La formation initiale des enseignants a été lourdement mise à mal par la réforme dite de la « mastérisation », mise en œuvre 2010 et qui a conduit à affecter directement en classe les lauréats des concours, sans qu’ils aient effectué, au préalable, de stage en alternance entre l’établissement et l’université.

On rappellera que cette mesure a été décidée pour des raisons purement budgétaires – la suppression de l’année de stage a permis de « récupérer » 9 500 postes et 700 millions d’euros au titre du budget 2010. Or, cette économie à courte vue ne permettait pas de sensibiliser les futurs professeurs à l’hétérogénéité des élèves, alors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental pour la prise en charge de la difficulté scolaire, notamment dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire.

En effet, pour apprendre, ne serait-ce qu’une règle mathématique, ces élèves doivent emprunter ce que M. Denis Butlen, professeur à l’université de Cergy-Pontoise, a appelé des « chemins cognitifs particuliers », c’est-à-dire passer par des étapes intermédiaires. Cela implique, pour le professeur, de travailler en petits groupes, tout en organisant des temps de synthèse, au niveau de la classe, afin que les élèves en retard puissent être initiés à des procédures de plus en plus complexes. Inversement, un professeur qui ne maîtrise pas, faute d’avoir été formé, ces gestes professionnels naviguera, selon M. Butlen, entre deux « cercles vicieux » : d’une part, gérer la complexité de la tâche à la place de l’élève et, d’autre part, « occuper » la classe, en multipliant les activités, sans s’assurer de la réalité des apprentissages.

Les défis en matière de formation initiale des enseignants sont, de ce fait, considérables et il appartiendra aux nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) de les relever. Prévues par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, ces « écoles d’application » devront apprendre aux futurs enseignants à combiner leurs savoirs disciplinaires aux savoirs didactiques et pédagogiques.

À cet égard, la rapporteure pour avis se félicite que l’arrêté du 1er juillet 2013 définissant le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, qui a pour but de définir un cadre pour les formations organisées par les ESPE, fixe, en la matière, des objectifs précis : en effet, afin que leur enseignement « favorise et soutienne les processus d’acquisition de connaissances, de savoir-faire et d’attitudes », les professeurs devront prendre en compte « les concepts fondamentaux relatifs au développement de l’enfant et de l’adolescent et aux mécanismes d’apprentissage ainsi que les résultats de la recherche dans ces domaines ».

● Une formation continue sinistrée

Les ESPE ne pouvant corriger, dans l’immédiat, les défauts du précédent système de recrutement, la formation continue aura un rôle essentiel à jouer dans l’amélioration de l’enseignement scientifique. En outre, ces matières étant, par nature, évolutives, cet outil est le seul qui permettra d’actualiser les connaissances des enseignants.

Cette double exigence est encore plus vraie dans le primaire où, comme on le verra plus loin, la polyvalence des professeurs des écoles, qui est un atout pour l’interdisciplinarité des enseignements, ne les prépare pas assez à enseigner les disciplines scientifiques. Or, cet enjeu dépasse celui de la « simple » acquisition de compétences professionnelles par les maîtres dès lors que ceux-ci, comme l’a souligné une conseillère pédagogique du premier degré, Mme Maryvonne Audren, doivent être « outillés » pour répondre aux questionnements des élèves.

Par ailleurs, seule la formation continue est à même de diffuser, auprès des enseignants, notamment ceux du secondaire, les éléments d’interdisciplinarité qui sont devenus incontournables dans le domaine des sciences. C’est ce qu’a souligné l’Académie des sciences dans un avis publié il y a trois ans : « si l’excellence disciplinaire demeure une valeur à préserver, on ne peut oublier que la science contemporaine n’est plus disciplinaire au sens ancien : pas de biologie sans physique, chimie ou mathématiques par exemple. En outre, les élèves sont exposés aux grandes questions de l’époque (climat, énergie, environnement, développement), dont les aspects scientifiques relèvent d’une démarche globale, pluridisciplinaire, et de capacités de synthèse que doivent mettre en œuvre les professeurs » (16).

Or, face à ces besoins, force est de constater que, ces dernières années, l’éducation nationale a fait de la formation continue une variable d’ajustement budgétaire. Les inspections générales ont parlé, à cet égard, d’un véritable « effondrement » des crédits : entre 2006 et 2011, les dépenses de personnel consacrées à cette action sont passées, dans le premier degré, de 826 à 276 millions d’euros et, dans le second degré, de 642 à 90,2 millions d’euros (17).

En outre, ce cadre contraint a conduit le ministère de l’éducation nationale a recentré massivement les formations organisées dans les académies sur la prise en charge, groupée, des enseignants stagiaires et l’accompagnement des réformes ministérielles. La pédagogie, la didactique, la mise à niveau ont donc presque disparu du paysage. Ainsi, dans le premier degré, si les enseignants doivent théoriquement consacrer dix-huit heures annuelles à l’animation et à la formation pédagogiques, ils ne peuvent, s’agissant de la seconde obligation, y donner suite, puisqu’il n’existe plus ou presque plus de plans d’actions de formation ouvertes à des candidatures individuelles (18) et que les frais de transport ne sont plus remboursés, une mesure de restriction budgétaire aux effets dissuasifs.

En outre, un professeur ne peut partir en formation sans être remplacé. Or ce besoin est, le plus souvent, couvert par des « titulaires mobiles », qui, de leur côté, sont prioritairement mobilisés pour faire face aux congés-maladies. La suppression, sous le précédent quinquennat, de 5 000 postes de remplaçants dans le premier et le second degré n’est évidemment pas étrangère à cette regrettable désorganisation du dispositif de formation continue. À titre d’illustration, dans le département des Hauts-de-Seine, cela fait trois ans que le stage inter-degré d’une semaine, axé sur la culture scientifique, ne peut plus être organisé…

À ces problèmes généraux s’ajoutent, au primaire et au collège, des difficultés spécifiques liées à l’enseignement des disciplines scientifiques aux deux niveaux, la « liaison » CM2-6ème constituant un problème en soi.

● Au primaire : un enseignement de sciences expérimentales qui ne serait pas assuré dans près de la moitié des classes

À l’école primaire, la mise en œuvre de l’enseignement scientifique se heurte à deux grands obstacles.

Le premier résulte d’un paradoxe : bien qu’étant polyvalents par « nature », les professeurs des écoles sont plutôt, en raison de leur formation initiale, « spécialisés ». En effet, ces enseignants sont très majoritairement (75 % environ) issus des filières littéraires et de sciences humaines, qui subissent en outre, aujourd’hui, l’impact de la réforme du lycée menée par M. Luc Chatel, laquelle a fait disparaître les sciences des classes de première et de terminale de la série littéraire. À titre d’illustration, dans les académies de Créteil et de Versailles, selon M. Philippe Claus, inspecteur général de l’éducation nationale, moins de 10 % de ces professeurs ont suivi un parcours scientifique, que ce soit en mathématiques, en physique-chimie ou en sciences de la vie et de la terre. Par conséquent, ils peuvent manquer de confiance en eux-mêmes dans ces domaines, ce qui les conduit à délaisser, malgré eux, les aspects des programmes consacrés à la démarche scientifique. On peut d’ailleurs penser que notre culture scolaire, qui déprécie l’erreur, ne les incite guère à se lancer. Les représentants du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC, ont évoqué, à ce sujet, le « sentiment d’insécurité » de certains enseignants, qui hésitent, de ce fait, à travailler avec leurs élèves sur des phénomènes scientifiques.

Le second obstacle tient aux programmes de 2008 et à la mise en œuvre de la semaine de quatre jours. L’enseignement des sciences a en effet perdu une heure par semaine en cycle 3 (CE2, CM1 et CM2), tandis que la répartition des heures de classe sur huit demi-journées préconisée par M. Xavier Darcos a « écrasé » le temps scolaire et rendue singulièrement difficile l’organisation d’activités qui permettent aux élèves d’acquérir une culture scientifique. Or, pour être en mesure de « faire de la science », les enseignants ont besoin de temps pour préparer et mettre en œuvre des séquences expérimentales.

En outre, la mise à l’écart du volet « investigation » a pu être encouragée par l’insistance mise par les programmes sur les savoirs dits fondamentaux – le « lire, écrire et compter ». En éducation prioritaire, ces facteurs se combinent de telle manière que, selon le témoignage d’un professeur des écoles, M. Olivier Rebena, l’enseignement est principalement axé sur l’apprentissage du français et que les horaires consacrés aux sciences servent, de fait, de variable d’ajustement.

Dans ces conditions, on peut comprendre pourquoi l’Académie des sciences a estimé, dans sa contribution à la concertation sur la refondation de l’école, qu’« environ une moitié encore des classes primaires françaises ne respectent sans doute pas les obligations d’enseignement des sciences expérimentales et d’observation, obérant par là-même la qualité de leur étude au collège » (19). Ce chiffre, aussi inquiétant soit-il, constitue déjà un progrès, puisque, comme l’a rappelé à la rapporteure pour avis l’astrophysicien Pierre Léna, en 1995, seules 3 % de ces classes appliquaient les programmes, un constat qui a conduit au lancement de l’initiative La Main à la pâte.

Ne pouvant rester indifférente à ce constat de carence, l’Éducation nationale y a apporté, outre le développement de modules de formation à distance, point qui sera abordé plus loin, trois types de réponses, qu’il convient de saluer, mais qui ne pourront pas résoudre, dans l’immédiat, les difficultés structurelles précédemment relevées.

– En premier lieu, des inspecteurs « ressources » pour l’enseignement des sciences ont été désignés dans le premier degré, un par département. À terme, ils pourront jouer un rôle de levier dans la diffusion de la culture scientifique auprès des professeurs des écoles, à condition d’être visibles – peu d’interlocuteurs de la rapporteure pour avis connaissaient d’ailleurs leur existence – et de s’appuyer sur les compétences de leurs collègues inspecteurs du second degré.

– En deuxième lieu, un dispositif baptisé « accompagnement en sciences et technologie à l’école primaire » (ASTEP) a été mis en place en 2009, dont l’objet est de développer un enseignement scientifique reposant sur la démarche d’investigation. S’appuyant sur la Fondation la Main à la Pâte et la présence de scientifiques et d’étudiants pour seconder les professeurs des écoles, il a concerné, en 2012-2013, 2 573 classes (1 734 en 2009-2010), dont 26 % en éducation prioritaire.

– En dernier lieu, le nouveau concours de recrutement de professeur des écoles est de nature à attirer d’avantage de profils scientifiques, puisque le candidat peut choisir la discipline de la première épreuve orale. Il reste que l’option « sciences et technologie » en côtoie six autres, ce qui ne permet pas de penser que les recrutements de professeurs des écoles « mathématiciens » ou « physiciens » seront massifs. Cette réforme reste néanmoins intéressante, car elle permettra au professeur polyvalent des écoles de bénéficier d’une certaine « coloration » disciplinaire, laquelle pourrait favoriser la mise en place du nouveau cycle CM1-CM2-Sixième (20).

● Au collège : le passage de la culture de la polyvalence à celle de la discipline

Le passage de l’enseignement primaire à l’enseignement « disciplinaire » dispensé au collège marque une triple rupture. Culturelle, d’abord, pour l’élève, qui, sans préparation, passe d’un professeur unique, polyvalent, à une succession de onze spécialistes. De plus, ceux-ci, à l’inverse de la démarche pédagogique privilégiée au primaire, transmettent « le savoir tel qu’il est » (21), avec l’apparition des professeurs de mathématiques, de physique-chimie, de sciences de la vie et de la terre (SVT) et de technologie. Horaire, ensuite, l’élève passant de 78 heures d’enseignement scientifique en CM2 à 108 heures en 6ème, 162 heures en 5ème-4ème et 198 heures en 3èmeScientifique, enfin, les cours de physique-chimie ne commençant que tardivement, en cinquième.

La rapporteure pour avis ne conteste ni la légitimité de ces deux cultures, ni leur succession dans le temps – de telles ruptures aident en effet l’enfant à grandir –, mais force est de constater que la transition entre le « monde de la polyvalence » et le « monde des disciplines » n’est ni pensée ni organisée.

Ainsi, l’interdisciplinarité disparaît presque du collège, et ce malgré les textes officiels. Certes, les programmes de ce niveau d’enseignement sont les seuls à être coordonnés avec la notion de « socle commun » (22) et à inclure des thèmes de convergence pour établir des liaisons entre les différentes matières. Cependant, selon le Syndicat national des enseignements du second degré-FSU, ceux-ci n’ont qu’un effet « artificiel » en termes d’interdisciplinarité entre les programmes de sciences. Surtout, dans les faits, l’enseignement scientifique reste « saucissonné » – pour reprendre l’expression de M. Pierre Léna – d’une manière telle que l’élève, à moins d’être aidé, n’est pas en mesure d’opérer la « synthèse cognitive » des cours.

Bref, les modalités de l’enseignement scientifique au collège sont bien la preuve que celui-ci reste, selon l’expression de Mme Catherine Chabrier, membre de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, un « petit lycée ».

Par ailleurs, la démarche d’investigation est de moins en moins présente au collège, ne serait-ce qu’en raison des classes surchargées et de la quasi-disparition, à ce niveau, des personnels de laboratoire. En outre, la mise en place, ces dernières années, des itinéraires de découverte (IDD) et de l’accompagnement personnalisé s’est faite systématiquement au détriment des heures consacrées aux sciences expérimentales. De plus, les heures devant être consacrées aux travaux pratiques ne faisant pas l’objet d’un « fléchage » national – à l’exception de la classe de sciences de la vie et de la terre de sixième, qui bénéficie d’une heure de cours et d’une heure d’expérimentation –, celles-ci sont à la merci des arbitrages des chefs d’établissement en matière d’emploi du temps. Enfin, selon le Syndicat des enseignants-UNSA, les professeurs du second degré ne sont pas suffisamment formés pour mettre en œuvre la démarche d’investigation préconisée par les instructions ministérielles, celle-ci étant de toute manière battue en brèche par la priorité du « traiter le programme ».

Quant aux opérations à caractère ludique, qui permettent d’appréhender différemment les sciences – les sorties par exemple –, le séquencement horaire du collège, soit un alignement de cours de 55 minutes, les rend difficilement praticables : une après-midi mobilisée, c’est l’emploi du temps tout entier de l’établissement qui est bousculé…

L’attention de la rapporteure pour avis a été attirée, au cours de ses auditions, sur deux expérimentations en cours : l’enseignement intégré de science et de technologie (EIST), d’une part, qui a été initié par l’Académie des sciences, et le projet pour l’acquisition de compétences par les élèves en mathématiques (PACEM), d’autre part, qui est un dispositif de formation destiné aux professeurs. Ces deux dispositifs présentent des avantages, mais leur généralisation s’avère, de fait, problématique.

● L’EIST

Comme le précise l’encadré ci-après, l’EIST consiste à associer en classes de 6ème et de 5ème les disciplines scientifiques expérimentales (physique-chimie et sciences de la vie et de la terre) à la technologie.

Commencée à la rentrée scolaire 2006 dans 19 collèges volontaires, cette expérimentation a concerné 131 établissements en 2012-2013 et sera maintenue cette année, les collèges les plus en difficulté, dénommés ECLAIR, étant plus particulièrement incités à y participer. Sur ce dernier point en effet, à la rentrée 2012, la part des établissements relevant de l’éducation prioritaire représentait la moitié des collèges participant à l’EIST, tandis que la circulaire n° 2011-089 du 14 juin 2011 précisait que « les collèges du dispositif ECLAIR sont prioritairement invités à mettre en œuvre l’EIST », une orientation contestée par plusieurs interlocuteurs de la rapporteure pour avis, car elle laisse à penser que « l’expérimentation, c’est pour les autres », sous-entendu, les élèves les moins favorisés.

Les modalités de mise en œuvre de l’EIST

En classe de 6ème, l’horaire hebdomadaire « traditionnel » est de 1 h 30 dans chacune des deux matières au programme, à savoir la technologie et les sciences de la vie et de la terre (SVT). Il passe, dans le cadre de l’EIST, à 3 heures 30 par élève, composé d’1 h 30 de technologie, d’1 h 30 de SVT auxquelles est ajoutée 0,5 h de physique-chimie, discipline non enseignée en classe de 6ème. En classe de 5ème, le volume horaire n’est pas modifié par rapport au volume horaire officiel, soit 4,5 heures.

Les modalités de mise en œuvre sont les suivantes : les élèves de deux classes de 6ème ou de 5ème sont répartis en trois groupes identiques en nombre d’élèves. Chaque groupe reçoit 3,5 heures d’enseignement de « science et technologie » pour la 6ème et 4,5 heures pour la 5ème, en intégrant les trois disciplines. Ce cours, construit à partir des thèmes de convergence des programmes, est assuré par un seul enseignant tout au long de l’année.

Des moyens en heures supplémentaires effectives (HSE), soit 3 700 HSE, ont été attribués en 2012-2013 pour soutenir cette action, un effort qui devrait être poursuivi pour l’année 2013-2014.

Selon le président de la fondation La Main à la pâte, M. Pierre Léna, ce dispositif a pour principal mérite de permettre au professeur « d’installer une vision cohérente de la science ». De son côté, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) a conclu, avec une certaine prudence, « qu’avec le temps, grâce à leur expérience en EIST, les professeurs semblent amenés à développer lors de leur enseignement disciplinaire l’intuition, la réflexion, la créativité, la curiosité et l’imagination des élèves » (23). Du côté des élèves, l’inspection générale de l’éducation a fait état, dans les classes, de « yeux pétillants et d’une observation soutenue », d’un « effet positif » – pourvu que l’EIST soit mis en œuvre pendant un temps suffisant – sur le « comportement des élèves face au raisonnement scientifique demandé » et du fait que les professeurs signalent que « certains élèves trouvent dans ce dispositif, plus que dans les enseignements scientifique et technologique traditionnels, une voie de succès ». Dans le même temps, « il n’y a pas, ou il n’y a que très peu, d’effet de l’EIST sur l’acquisition de connaissances par les élèves » (24). La DEPP a récemment confirmé ce point en indiquant que les premières analyses ne font pas ressortir d’effet significatif associé au fait d’avoir bénéficié du dispositif (25). Le directeur général de l’enseignement scolaire, M. Jean-Paul Delahaye, a toutefois relativisé ces bilans, car ils n’ont été effectués que sur des périodes courtes, de trois à six mois, insuffisantes pour tirer des conclusions plus définitives.

De plus, l’intérêt de l’EIST ne réside pas dans son « rendement » scolaire, mais bien dans le fait qu’il permet aux élèves de se réapproprier la science et cela représente un atout non négligeable : selon le président de l’Association des professeurs de biologie et de géologie, M. Serge Lacassie, « les élèves sont enchantés, car ils manipulent ».

La crise de l’enseignement scientifique est donc bien réelle si des élèves ne peuvent « manipuler » que dans le cadre d’une expérimentation – et non dans le cadre des horaires ordinaires !

En outre, l’expérimentation EIST, souvent présentée comme une voie possible de réforme de l’enseignement scientifique, est difficilement généralisable. En effet, cet enseignement est un dispositif budgétairement et « politiquement » fragile. Il a bénéficié à ses débuts de moyens importants, puisqu’il reposait sur une équipe pluridisciplinaire composée de trois professeurs. C’est donc son extension qui a conduit, pour des raisons de coût, à recourir aux services d’un professeur unique. Or, ce fonctionnement a par la suite accrédité chez certains professeurs l’idée selon laquelle l’EIST était en réalité un prétexte pour imposer, de manière insidieuse, la bivalence – l’enseignement de deux disciplines – aux enseignants du second degré. Par ailleurs, la mise en cohérence des enseignements, qui constitue un exercice difficile, suppose de longues heures de concertation, lesquelles sont de moins en moins accordées par les rectorats en raison du contexte budgétaire, ainsi qu’une certaine stabilité de l’équipe pédagogique, mise à mal dès qu’un enseignant est muté.

● Le PACEM

Menée en 2010-2012 dans des classes de CM1, CM2, 6ème et 5ème des académies de Marseille et de Créteil, l’expérimentation PACEM repose sur un diagnostic sur les acquis des élèves, effectué en début d’année scolaire, et une action de formation qui vise à favoriser la compréhension de leurs difficultés par les enseignants et la mise en œuvre de stratégies adaptées pour les traiter.

Elle apporte la preuve – irréfutable – que le simple fait de prévoir une action de formation continue conséquente, organisée sur six demi-journées réparties sur l’année scolaire et s’appuyant sur une plate-forme documentaire en ligne, a un effet « coup de pouce ». Analysant les résultats obtenus en 6ème, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance a mis en évidence un « effet significativement positif » du dispositif sur les élèves des professeurs formés. Ainsi, entre septembre 2010 et mai 2011, le score de ces élèves augmente de plus de treize points d’écart-type au cours de l’année par rapport aux autres élèves, un écart qui se maintient la seconde année (26).

L’académie de Créteil a donc souhaité étendre l’expérimentation à l’ensemble de ses collèges publics, en testant cette généralisation, dans un premier temps, sur trois territoires en 2013-2014. Cette initiative suscite néanmoins des interrogations, puisqu’elle suppose, à court terme, la participation des professeurs à toutes les formations et implique par conséquent un coût en ce qui concerne leur remplacement.

La France ne peut se priver des vocations scientifiques dont dépend sa compétitivité. Pour que la série dite « S » du lycée et, au-delà, les formations universitaires attirent d’avantage de profils scientifiques, il convient d’agir sur les deux grands « blocs » de la scolarité obligatoire, qui rassemblent la quasi-totalité d’une classe d’âge, à savoir l’école primaire, entendue ici comme englobant la maternelle et l’élémentaire, et le collège, une attention particulière devant être accordée à la classe de sixième et à la « rupture » que celle-ci induit. À ces deux niveaux, l’enseignement des sciences devrait être substantiellement rénové, en réformant les programmes et la pédagogie, par le biais d’une meilleure formation, et en mobilisant les partenaires du service public de l’éducation. L’objectif ne devrait pas être d’imposer, de manière homogène, la démarche scientifique sur tout le territoire, mais de créer des conditions adaptées pour que l’engagement et la bonne volonté des enseignants de sciences trouvent enfin à s’exprimer.

La rénovation de l’enseignement scientifique devrait non seulement permettre d’accroître la compétitivité de notre pays, mais constituer aussi un enjeu de citoyenneté.

En effet, les sciences enseignées à l’école devraient contribuer à former le citoyen d’aujourd’hui et les enseignants souhaiteraient pouvoir bénéficier des outils nécessaires pour atteindre cet objectif. En « faire » en classe devrait ainsi permettre à chaque enfant de dépasser l’apprentissage « par cœur », mécanique, de concepts et de connaissances pour acquérir et développer un rapport à l’erreur, à l’incertitude, au questionnement et à l’expertise scientifiques, une qualité indispensable pour exercer sa liberté dans un monde submergé par les écrans et les flux d’information.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’enseignement des sciences, comme celui de la technologie, devrait être lié aux enjeux socio-économiques et éthiques actuels. Ainsi que l’ont souligné, à titre d’exemple, les représentants du Syndicat des enseignants-UNSA, la pandémie de grippe H1N1 et la campagne de vaccination de 2009 auraient dû être, pour les collégiens, l’occasion de réfléchir sur la signification d’un tel épisode et sur la manière de chercher une information pertinente sur le sujet…

La rapporteure pour avis se félicite, en conséquence, que la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation de la refondation de l’école de la République ait pour ambition, parmi d’autres, de développer la culture scientifique et technologique « qui prépare le futur citoyen à comprendre le monde qui l’entoure et à appréhender les défis sociétaux et environnementaux », cet objectif figurant, en toutes lettres, dans le rapport annexé.

Enfin, la rénovation de l’enseignement scientifique devrait aussi favoriser l’égalité des réussites. La culture scolaire dominante est, en effet, une culture littéraire, dont les codes, souvent implicites, peuvent créer une réelle distance entre les enfants issus de milieux défavorisés et l’école. À l’inverse, les mathématiques et les sciences expérimentales, surtout si elles accordent une part importante au jeu et à la démarche d’investigation, peuvent être des matières qui « font aimer » l’école, en mettant ces élèves en confiance et en situation de réussir.

La rénovation de l’enseignement scientifique devrait passer, d’abord, par une réforme ambitieuse de ses contenus et de sa pédagogie. C’est d’ailleurs ce que préconise, sur ce dernier point, le rapport annexé à la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour l’école de la République : « par l’évolution des pratiques pédagogiques, une attention particulière sera portée au renforcement de l’attractivité des enseignements scientifiques et technologiques pour susciter un plaisir d’apprendre et de pratiquer ces disciplines ».

Prévu par la loi du 8 juillet 2013 et installé le 10 octobre 2013, le Conseil supérieur des programmes, aura, par son pouvoir de proposition, un rôle clef à jouer dans ce domaine, puisqu’il doit formuler des suggestions sur la « conception générale des enseignements » et leur « cohérence et leur articulation en cycles » (article L. 231-15 du code de l’éducation) (27).

Les programmes de sciences de l’école primaire et du collège devraient être, à cette occasion, « allégés » et fixer des objectifs plus « modestes », un point souligné aussi bien par le Syndicat national des enseignements du second degré-FSU, l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public ou l’Union des professeurs de physique-chimie.

En outre, ces nouveaux outils de formation devraient être construits autour d’« objets communs » pour décloisonner les apprentissages. Ces objets d’études permettraient ainsi aux élèves de faire le lien entre les différentes disciplines – comme le gaz, selon l’exemple donné par le Syndicat national des enseignements du second degré-FSU, une notion qui est aujourd’hui abordée, de manière disparate, en 5ème en classe de sciences de la vie et de la terre et en 4ème en classe de physique-chimie.

Dans tous les cas, les programmes devraient être plus souples, en laissant plus de latitude aux professeurs. Certains interlocuteurs de la rapporteure pour avis sont allés plus loin en proposant, comme le Syndicat des enseignants-UNSA, que les nouvelles instructions ministérielles fixent les niveaux de maîtrise à atteindre et les compétences clefs à acquérir, les programmes devenant alors de simples « ressources ».

Les nouveaux programmes devraient par ailleurs accorder une place plus importante à l’histoire des sciences, « l’anecdote » pouvant être parfaitement profitable aux apprentissages : ainsi que l’a souligné le Comité sur l’enseignement des sciences de l’Académie des sciences, « la mise en situation historique est une manière d’humaniser l’enseignement » (28).

Enfin, grâce à ces nouveaux programmes, les « éducations à » (à l’environnement, à la santé, à la sécurité, etc.) devraient être davantage liées aux connaissances et aux procédures propres à l’enseignement scientifique.

Ce travail sur les contenus d’enseignement devrait être complété par la refonte des modalités d’évaluation : le diplôme national du brevet (DNB), qui combine aujourd’hui contrôle continu, examens finaux, oral de l’histoire des arts et évaluation par compétences, et le Livret personnel de compétences, entré en vigueur en 2010, sont devenus des instruments illisibles pour les enseignants et les familles et qui, de surcroît, ne permettent pas d’évaluer les acquis des élèves.

Pour mener à bien ces chantiers, les enseignants de terrain devraient être associés à la conception des programmes et leur mise en œuvre ultérieure devrait être facilitée par l’institution d’observatoires académiques permettant de faire état des avancées de la discipline et des difficultés éventuellement rencontrées dans l’enseignement des nouveaux contenus.

La rénovation de l’enseignement scientifique devrait s’attacher à équilibrer l’apprentissage des fondamentaux et la démarche expérimentale. Il s’agit donc de conforter également les démarches qui ne sont pas liées qu’à l’apprentissage strict des règles, des notions et des concepts.

Il n’est bien évidemment pas question ici de sacrifier ce qu’on appelle communément les « fondamentaux », mais de considérer que ceux-ci ne sauraient résumer, à eux seuls, les savoirs enseignés à l’école. L’objectif est de faire vivre la part ludique, déductive et expérimentale de l’enseignement scientifique et d’éviter de renforcer la dimension « utilitariste », aujourd’hui destinée à sélectionner les meilleurs élèves.

Par ailleurs, substituer une priorité à une autre, dans le but de laisser en permanence l’enfant dans le « tâtonnement », sous le regard bienveillant de l’enseignant, serait également une erreur. Il conviendrait plutôt de construire un équilibre entre les « fondamentaux » et la démarche d’investigation, la « règle » ne devant jamais être mise en avant au détriment de la compréhension. Les deux approches se complètent et s’enrichissent mutuellement.

C’est ce que préconise, pour l’enseignement des mathématiques au primaire, le Comité sur l’enseignement des sciences de l’Académie des sciences : cette matière est d’abord un « dépaysement » et il est donc souhaitable que celui-ci soit « agréable », en recourant au jeu, tout en mettant en évidence les rapports entre les nombres, les opérations et les pratiques de la vie courante.

Il faudrait par conséquent créer les conditions adéquates pour permettre aux enseignants de mettre en place des apprentissages progressifs qui partent « du connu et du familier vers l’inconnu et les conceptuel », comme l’a souligné, devant la rapporteure pour avis, le Groupe de réflexion interdisciplinaire des programmes (GRIP). C’est là tout l’intérêt du « tâtonnement expérimental » pratiqué dans le primaire où, selon l’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM-pédagogie Freinet), l’enfant est acteur, mais aussi « auteur d’hypothèses », avec l’aide de l’enseignant, qui lui propose différentes pistes.

Cet aspect est d’ailleurs indispensable dès l’école maternelle afin que l’élève, puisse « problématiser » en découvrant un phénomène, en travaillant sur ses effets et en établissant des relations entre différents phénomènes. Cette initiation précoce est utile à la construction des savoirs et plus particulièrement pour les élèves scolarisés en réseau d’éducation prioritaire, qui peuvent parfois préférer la restitution « brute » de savoirs, a priori plus simple à leurs yeux, avec une démarche d’investigation qui, au départ, pourrait les déstabiliser. Elle permet en outre de lutter contre la constitution précoce des stéréotypes : en manipulant ensemble, garçons et filles peuvent ainsi constater que la science est faite pour tous.

Plus en avant dans la scolarité, l’école élémentaire et le collège devraient, pour reprendre l’expression du Syndicat des enseignants-UNSA, « garantir » les démarches pédagogiques basées sur l’expérimentation, car elles permettent de donner du sens aux apprentissages, tout en faisant acquérir aux élèves des connaissances et des compétences.

Peut-être faudrait-il, afin de « sanctuariser » ce volet de l’enseignement scientifique, que les programmes du primaire définissent des activités considérées comme étant incontournables. Quant au collège, il pourrait être avantageux, ce point devant être expertisé, d’instituer un double « fléchage » de l’horaire des sciences expérimentales, afin que l’heure de cours soit doublée d’une heure, voire un peu plus, de travaux pratiques.

Le but ultime de ce rééquilibrage devrait être la construction d’une culture scientifique et technique, intégrant la culture numérique, telle qu’elle est postulée par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation de la refondation de l’école de la République. Celle-ci permettrait aux élèves d’acquérir des ressources et de les mobiliser dans des situations variées, en les confrontant à d’autres ressources, tout en consacrant, au sein de l’école, le « droit à l’erreur ».

Pour faire évoluer les pratiques enseignantes, la formation initiale des maîtres devrait être renforcée selon deux axes.

D’une part, ainsi que l’a déjà souligné la rapporteure pour avis, et en conformité avec le référentiel précité des compétences professionnelles des professeurs (29), les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) devraient former l’ensemble des étudiants préparant un master « enseignement » aux concepts fondamentaux de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, ainsi qu’aux processus et aux mécanismes d’apprentissage.

D’autre part, s’agissant des étudiants qui se destinent au concours de recrutement de professeur des écoles, dont a vu qu’ils sont très majoritairement issus des filières « lettres et sciences humaines », il conviendrait de s’assurer qu’ils suivront, dans les ESPE, des compléments de formation scientifique.

S’il n’est pas possible de prévoir un cadrage national en la matière, les écoles étant instituées au sein d’établissements universitaires autonomes, le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de l’éducation devraient regarder de près les volumes horaires de ces modules de formation, étant précisé, que, d’après plusieurs interlocuteurs de la rapporteure pour avis, un volant de 16 heures semble insuffisant. En outre, cet enseignement devrait porter sur la didactique des mathématiques et des sciences expérimentales. Enfin, à l’instar de ce qui est pratiqué par l’ESPE de Rennes, des mallettes thématiques, comprenant quelques accessoires indispensables (pailles, fonds de bouteille en plastique, etc.) devraient être généralisées pour permettre aux professeurs et aux enseignants stagiaires de pratiquer des expériences.

Par ailleurs, afin d’étoffer la formation scientifique des futurs professeurs des écoles, la série littéraire du lycée devrait être, à terme, réformée, afin de mettre fin à cette anomalie que constitue la disparition, dans les classes de première et de terminale de cette filière, de tout enseignement scientifique.

Ainsi que cela a déjà été souligné, l’enseignement des sciences peut susciter l’appréhension tant des élèves, rebutés par son caractère abstrait et élitiste, que des professeurs, en particulier ceux du premier degré, qui n’osent pas se lancer dans des expérimentations pour lesquelles ils n’ont pas été formés. Ces conditions peuvent rendre, dans les domaines considérés, le « face-à-face » enseignant-élèves presque stérile. Aussi, pour contourner cet écueil, les enseignants devraient-ils être confortés dans l’amélioration de leur pratique professionnelle en développant les démarches « coopératives ».

Il est évident que les futurs enseignants ne pourront pas être formés, pendant les deux années de master permettant de préparer les concours de recrutement, à l’ensemble des méthodes pédagogiques qui leur permettraient de traiter les difficultés d’apprentissage, multiples et variées, auxquelles ils seront confrontés.

En revanche, une fois entrés dans le métier, les professeurs, en particulier ceux du cours préparatoire, du cours moyen et de sixième, devraient bénéficier, pendant les deux années suivant leur prise de fonction, d’un accompagnement renforcé, qui pourrait s’adresser, plus particulièrement, aux enseignants des écoles et collèges de l’éducation prioritaire (30).

En effet, les professeurs débutants de ces établissements, s’ils ne sont pas épaulés par l’institution, peuvent être tentés de laisser certains élèves, notamment les plus fragiles, « s’enfermer » dans le tâtonnement ou les exercices les plus faciles, alors qu’il faudrait les faire progresser, aux côtés de meilleurs éléments, vers l’acquisition d’un savoir partagé.

Pour toucher le plus grand nombre de professeurs, cet accompagnement devrait mobiliser une large palette d’instruments, à condition que le « menu » ainsi proposé soit validé par le ministère de l’éducation nationale : formation à distance, tutorat, recours à des partenaires institutionnels tels que les universités, les grandes institutions scientifiques, les sociétés savantes, etc.

Le réseau des inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) « sciences », déjà évoqué, devrait être mobilisé à cet effet, une fois son pilotage renforcé, car ces femmes ou hommes « ressources » semblent se caractériser par une certaine discrétion. Plus largement, la mise en place de cet accompagnement renforcé devrait être l’occasion de réfléchir à un nouveau positionnement des corps d’inspection, qui pourraient effectuer moins d’évaluations individuelles pour aider davantage les équipes pédagogiques.

Ainsi que le montre, avec éclat, l’expérimentation « projet pour l’acquisition de compétences par les élèves en mathématiques » (PACEM), la qualité de l’enseignement scientifique pourrait être rapidement améliorée par des actions de formation continue. Il faudrait, dans ce but, agir sur trois leviers.

● Renforcer le budget et la politique de la formation continue

La formation continue étant le principal gage de l’efficacité d’un système éducatif, les deux inspections générales de l’éducation nationale ont estimé indispensable de « sanctuariser » celle organisée au niveau des académies et d’« offrir à chaque enseignant une formation significative financée par l’institution », en se fixant « à terme le plus court possible un objectif de trois jours annuels de formation par professeur » (31). La politique de formation continue devrait être en outre davantage « institutionnalisée » et pilotée par la création d’un conseil national de la formation continue enseignante, se réunissant deux fois par an et associant notamment la direction générale de l’enseignement scolaire, la direction générale des ressources humaines, le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), l’École supérieure de l’éducation nationale (ESEN), etc.

● Développer la formation en ligne et la dimension partenariale de la formation continue

Créé par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation de la refondation de l’école de la République, le service public du numérique éducatif doit proposer aux enseignants « une offre diversifiée de ressources pédagogiques, des contenus et des services contribuant à leur formation » (article L. 131-2 du code de l’éducation). Tel est l’objet de la plate-forme de formation continue, tutorée et interactive, M@gistère, qui met en ligne des outils variés destinés aux inspecteurs de l’éducation nationale, aux conseillers pédagogiques et aux professeurs des écoles. À titre d’exemple, le premier module « scientifique » développé dans ce cadre porte sur l’énergie. Les inspections générales proposent d’aller plus loin en préconisant la création d’un office central dédié, résultant de la coopération entre le Centre national d’enseignement à distance (CNED) et le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), qui serait notamment chargé de la validation de l’offre nationale et académique (32).

Parallèlement, la dimension partenariale de la formation continue devrait être davantage exploitée, à l’instar des coopérations mises en place dans le cadre de l’« accompagnement en science et en technologie à l’école primaire » (ASTEP), un dispositif déjà présenté. Dans ce but, des réseaux d’appui aux actions de formation continue en sciences devraient se structurer autour des laboratoires de recherche, des associations spécialisées, mais aussi des établissements d’enseignement supérieur, grandes écoles ou universités, pour bénéficier du concours qui pourrait être apporté par des doctorants ou des futurs ingénieurs.

C’est ici l’occasion de saluer le travail des cinq Maisons pour la science – soit, un centre national et quatre maisons en région (à Clermont-Ferrand, Nancy, Strasbourg et Toulouse), parties intégrantes d’une université scientifique – mises en place à la rentrée 2012 et qui ont reçu le soutien des investissements d’avenir à hauteur de cinq millions d’euros. Leur objectif est de faire évoluer, avec l’aide de chercheurs, les pratiques d’enseignement à l’école primaire et au collège. Le Président de La Main à la pâte, M. Pierre Léna, a précisé à la rapporteure pour avis qu’en cas d’évaluation positive, au bout de cinq ans, ces structures pourraient intégrer des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

De même, les grands organismes de recherche (Commissariat à l’énergie atomique, Centre national d’études spatiales, Centre national de la recherche scientifique, Institut national de recherche agronomique, etc.) devraient s’impliquer davantage dans le dispositif de formation continue des enseignants, sur le modèle de ce qui se pratique aux États-Unis. En effet, dans ce pays, de grands programmes publics, comme celui de la NASA, ont l’obligation d’utiliser un pourcentage de leur budget pour des actions en direction du public, notamment des enseignants, afin de vulgariser les découvertes et de produire des ressources pédagogiques.

Enfin, les plans académiques ou départementaux de formation devraient s’appuyer sur l’expertise des associations de professeurs spécialistes d’une discipline.

● Créer de nouvelles certifications ou fonctions et les valoriser

Ainsi que l’a souligné, devant la rapporteure pour avis, le professeur Denis Butlen, la position de « formateur » devrait être systématiquement développée au sein de l’institution scolaire, car c’est en multipliant le nombre d’enseignants susceptibles d’assumer cette fonction que la culture scientifique des professeurs pourrait être renforcée « sur place », en évitant ainsi de leur donner le sentiment que leurs difficultés ne peuvent être comblées que par des apports extérieurs.

Dans ce but, les inspections générales de l’éducation nationale proposent d’élaborer des certifications professionnelles nouvelles pour les professeurs du second degré, à l’instar du certificat d’aptitude aux fonctions d’instituteur ou de professeur des écoles maître formateur, qui n’a pas d’équivalent au collège et au lycée, et de créer des fonctions nouvelles, « valorisées professionnellement » : professeur référent de discipline, professeur tuteur, formateur académique, formateur associé, etc. (33).

● Sanctuariser les crédits pédagogiques et généraliser les « mallettes sciences »

Par ailleurs, les crédits pédagogiques devraient être sanctuarisés et, à terme, augmentés pour que les écoles et collèges puissent continuer à acheter le matériel indispensable à la démarche d’investigation. Celle-ci devrait être également confortée par la généralisation des mallettes « sciences » qui, en circulant des écoles supérieures du professorat et de l’éducation aux établissements, permettent aux professeurs et aux élèves de manipuler et d’expérimenter.

À plusieurs reprises, au cours de ses auditions, la rapporteure pour avis a pu mesurer l’intérêt pédagogique des initiatives qui associent l’enseignement scientifique « traditionnel » aux activités périscolaires. Celles-ci devraient être amplifiées, au profit des élèves comme des enseignants.

● Un effet valorisant et une exigence du législateur

Les interlocuteurs de la rapporteure pour avis ont cité de nombreux exemples de réussite en matière d’activités « hors classe » ou périscolaires à caractère scientifique : les forums « sciences » des classes maternelles et élémentaires de Bagneux, qui leur permettent de s’approprier une notion scientifique et de présenter ce travail, de manière ludique, devant d’autres élèves ; les « classes en fac » de l’académie de Reims, qui rendent possible l’observation, par des élèves du primaire, d’un scientifique au travail dans son laboratoire ; le dispositif « Maths en jeans » qui fait concourir deux classes, avec l’aide d’un chercheur, les résultats étant présentés à l’occasion d’un congrès, etc.

Ces activités donnent aux élèves le goût de sciences et valorisent l’élève en difficulté, car elles permettent à l’institution scolaire de mettre en évidence le fait que celui-ci a participé à telle ou telle réalisation, au lieu de le catégoriser et de le stigmatiser comme « mauvais », à l’aune d’une notation exclusivement chiffrée. Elles permettent en outre de surmonter les représentations biaisées des métiers, en faisant intervenir des femmes scientifiques. À ce titre, ces activités devraient, selon le Syndicat des enseignants-UNSA, faire l’objet de « portfolios », qui permettraient de conserver les projets et les réussites des élèves.

Ces manifestations devraient donc être encouragées, en particulier dans les écoles et les collèges relevant de l’éducation prioritaire. Cet objectif a d’ailleurs été inscrit, grâce à un amendement présenté par la rapporteure pour avis, dans le rapport annexé de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui reconnaît qu’il « importe de développer à l’école, pendant le temps scolaire et périscolaire, une politique de promotion de la science et de la technologie » et qu’en conséquence « tout au long de la scolarité, seront développées les relations entre le milieu scolaire et les acteurs du monde scientifique et technologique (laboratoires de recherche, ingénieurs, entreprises, musées, monde associatif...) ».

L’association les « Petits Débrouillards »

Cette association nationale de jeunesse et d’éducation populaire créée en 1986 est le premier réseau national d’éducation populaire « à la science et par la science » et le premier réseau national d’éducation au développement durable. Elle travaille avec plus de 4 000 collectivités territoriales et structures socio-éducatives partenaires et 700 000 jeunes environ bénéficient de ses activités, de la maternelle à la terminale. Elle encadre des activités de pratique de la culture scientifique, en faisant appel à tous les moyens pédagogiques et en privilégiant la démarche participative, expérimentale et ludique.

● Des conditions et des « bonnes pratiques » à respecter

Pour qu’elles aient du sens, les activités scientifiques organisées en dehors de l’enseignement traditionnel devraient respecter certaines conditions, à commencer par la nécessité d’assurer un continuum éducatif entre les deux « temps » – scolaire et périscolaire.

En effet, la complémentarité des activités scolaires et périscolaires devrait être assurée, tandis que les secondes devraient être adaptées à l’âge de l’élève, en étant centrées, par exemple, sur l’éveil ou le jeu en primaire et des expérimentations ou des exercices plus structurés au collège.

Dans le premier degré, l’instrument que constitue le projet éducatif territorial (PEDT), prévu par la loi du 8 juillet 2013 et qui a pour finalité de permettre aux collectivités territoriales et à leurs partenaires de proposer, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, un « parcours éducatif cohérent et de qualité » (34), devrait être mobilisé à cet effet. Or, pour l’heure, selon le ministre de l’éducation nationale, M. Vincent Peillon, sur les 1 100, environ, PEDT mis en œuvre, un « petit 10 % » seulement seraient centrés sur des activités scientifiques, ce qui l’a conduit, en réponse aux interrogations de la rapporteure pour avis, a estimé qu’il existait, dans ce domaine, des « marges de progression » (35).

Au collège, l’organisation d’allers-retours fructueux entre l’enseignement classique et les activités périscolaires devrait conduire l’Éducation nationale à revoir la structure horaire morcelée de cet établissement, en lien avec la réécriture des programmes. Dans un cas comme dans l’autre, ces partenariats et ces interventions devraient toujours être construits autour du professeur, celui-ci devant rester le maître d’œuvre du volet pédagogique de l’activité péri-éducative.

De « bonnes pratiques » devraient être également respectées, comme, par exemple, le recours au contrat pour définir un cadre partagé, l’appel à des institutions ou à des associations bénéficiant d’un label de qualité, qu’elles soient spécialisées ou qu’elles fassent partie des mouvements d’éducation populaire, et la présence de scientifiques ou d’intervenants formés. De même, les parents des élèves devraient être, autant que possible, associés à ces activités, car ils seraient ainsi amenés à changer leur regard sur leur enfant et à « élargir » leur horizon, notamment en fréquentant des institutions dont ils peuvent penser qu’elles ne sont pas « faites pour eux ». Pour Mme Maryvonne Audren, conseillère pédagogique, cet aspect revêt une importance particulière dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire, où il faut toujours « en faire plus ».

Sur ce dernier point, la rapporteure pour avis tient à préciser que l’enseignement scientifique doit évidemment être le même en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. En revanche, dans les écoles et les collèges des zones défavorisées, les moyens consacrés aux activités périscolaires et aux intervenants extérieurs devraient être renforcés.

Enfin, dans tous les territoires, les centres de ressources technologiques (CRT) et les communautés d’universités et établissements (CUE) pourraient, dans le cadre de conventions conclues avec l’Éducation nationale, apporter leurs ressources scientifiques et techniques aux écoles et aux collèges.

● Recourir à des financements diversifiés

L’organisation de ces activités ayant un coût, celui-ci devait être couvert par des financements diversifiés. Les subventions du ministère de l’éducation nationale ne pouvant y suffire – celui-ci a accordé 143 500 euros aux associations de culture scientifique en 2013 –, d’autres ressources devraient être mobilisées : crédits de la politique de la ville, notamment ceux des contrats urbains de cohésion sociale, fonds versés par des institutions scientifiques ou des entreprises (cas des Maisons de la science), etc.

La rapporteure pour avis est convaincue qu’en la matière, les responsables des associations partenaires de l’Éducation nationale (soit les douze réseaux historiques auxquels s’ajoutent, il ne faut pas l’oublier, 150 autres associations) et les élus locaux pourront, s’ils en ont la volonté, mobiliser les moyens et les savoir-faire nécessaires au déploiement, sur le terrain, d’une politique de promotion de la culture scientifique.

En principe placé sous le signe de l’investigation, l’enseignement des sciences est, en raison de la parenté que devrait créer cette démarche commune, celui qui se prête le mieux au renforcement des liens entre l’école et le collège.

Ainsi que cela a déjà été souligné, la refonte des programmes devrait renforcer le volet « expérimentation », afin de rendre l’élève « auteur » d’activités scientifiques et qu’il puisse construire ses apprentissages. Ce premier axe de travail devrait être toutefois complété par un second, qui consisterait à renforcer, de manière considérable, l’interdisciplinarité des enseignements scientifiques, afin d’atténuer la rupture que constitue le passage en sixième.

● Recourir aux instruments de la refondation

Parmi les compétences professionnelles qui, aux termes de l’arrêté précité du 1er juillet 2013, doivent être acquises par les professeurs, figure celle qui consiste au collège à « accompagner les élèves du passage d’un maître polyvalent à l’école élémentaire à une pluralité d’enseignants spécialisés de leur discipline ». Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation devront donc veiller au respect de cette exigence professionnelle.

En outre, conformément à la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation de la refondation de l’école de la République, le nombre et la durée des cycles qui organisent les enseignements à l’école élémentaire et au collège ont été modifiés par le décret n° 2013-682 du 28 juillet 2013, qui a institué un « cycle de consolidation » comprenant le CM1, le CM2 et la 6ème. Cette mesure devrait ainsi contribuer à assurer une meilleure continuité pédagogique entre l’école et le collège. Sur le même fondement et afin de développer et de structurer les relations entre ces deux niveaux d’enseignement, le décret n° 2013-683 du 28 juillet 2013 a instauré un conseil école-collège, réunissant un collège et toutes les écoles relevant de son secteur de recrutement.

Les équipes pédagogiques devraient s’emparer de ces instruments pour conforter, au primaire et au collège, la pédagogie fondée sur le questionnement. Le conseil école-collège devrait être, dans ce but, un lieu de dialogue professionnel, au sein duquel les professeurs des écoles et les professeurs certifiés ou agrégés pourraient concevoir des séquences communes, qui pourraient être organisées, par exemple, sur une journée dans les locaux du collège. De plus, cette démarche devrait conduire l’Éducation nationale, comme l’a préconisé le Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT, à adopter un « programme de cycle », couvrant le cours moyen et la 6ème, afin que les enseignants des classes concernées puissent travailler ensemble sur des objets ou des notions figurant dans les instructions ministérielles.

● S’appuyer sur l’expérimentation EIST et l’interdisciplinarité

Si la généralisation de l’enseignement intégré de science et de technologie (EIST) n’est pas matériellement praticable ni même souhaitable, à court ou moyen terme, l’extension de cette expérimentation devrait, en revanche, être favorisée, ne serait-ce que parce que, comme l’a observé l’inspection générale de l’éducation nationale, « élèves, parents et professeurs plébiscitent une forme d’enseignement riche en activités pratiques », en ajoutant que deux caractéristiques sont « particulièrement favorables à cette mise en œuvre : les groupes à effectifs allégés et les plages horaires assez longues ». En outre, ce dispositif est de nature à stimuler le travail en équipe, ce qui présente de nombreux avantages : « une harmonisation des vocabulaires, une meilleure mise en cohérence des concepts, une harmonisation des démarches et des pratiques d’évaluation » (36).

D’une manière générale, l’EIST montre qu’il est possible de décloisonner les apprentissages par l’étude d’objets ou de thèmes communs, ce qui permet de « fédérer », de manière dynamique, les disciplines. C’est la raison pour laquelle, au vu du caractère d’intérêt général de cette expérimentation et contrairement aux préconisations de la circulaire précitée du 14 juin 2011, elle ne devrait pas être réservée, en priorité, aux établissements ECLAIR.

D’autre part, la participation à ce dispositif devrait donner lieu à une « certification EIST », comme l’ont préconisé les inspecteurs généraux entendus par la rapporteure pour avis. Celle-ci permettrait de valoriser, sur le plan professionnel, l’engagement des professeurs dans un tel dispositif.

L’expérimentation de l’EIST pourrait de surcroît servir de point d’appui à une plus grande interdisciplinarité des enseignements au sein du collège, laquelle devrait être, comme cela a déjà été indiqué, confortée par les nouveaux programmes. La pédagogie de projet pourrait être, de cette manière, développée, ce qui impliquerait de créer, cette évolution étant aussi délicate qu’indispensable, des temps interdisciplinaires dans les emplois du temps des élèves et des professeurs.

Cette évolution impliquerait-elle de recourir, dans le second degré, à des professeurs bivalents, c’est-à-dire qui enseigneraient deux matières ? La rapporteure pour avis ne le pense pas, la question de la bivalence étant « piégée », puisqu’elle est aujourd’hui vécue par les syndicats comme une tentative d’agression contre leur identité professionnelle, laquelle est fondée sur la maîtrise d’une discipline. En revanche, rien ne devrait empêcher les professeurs certifiés d’acquérir une ou des certifications complémentaires, qui ne pourraient remettre en cause leur identité première.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DU MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède, le mercredi 23 octobre 2013, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, sur les crédits pour 2014 de la mission « Enseignement scolaire » (37).

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa première séance du mercredi 30 octobre 2013, les crédits pour 2014 de la mission « Enseignement scolaire » sur le rapport de Mme Julie Sommaruga.

M. le président Patrick Bloche. La commission élargie consacrée aux crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’est tenue le 23 octobre, en présence de M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, qui a répondu à de nombreuses questions – qui ne furent pas seulement d’ordre budgétaire. Vous avez reçu en début de semaine le projet de rapport pour avis de notre collègue Julie Sommaruga. Dans le prolongement du débat sur la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, notre rapporteure a souhaité conforter dès l’école primaire la place de l’enseignement scientifique et technique. Elle s’est donc intéressée plus particulièrement à l’enseignement des disciplines scientifiques à l’école et au collège et aux raisons de la désaffection des jeunes Français pour ces matières. Les auditions qu’elle a conduites lui ont permis d’identifier plusieurs difficultés et de formuler des propositions.

Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis. Ma collègue Carole Delga ayant déjà présenté le rapport spécial de la commission des finances la semaine dernière, en présence du ministre, je ne développerai que les principaux aspects budgétaires, avant de vous présenter la partie thématique de mon rapport pour avis.

Le projet de loi de finances pour 2014 donne à l’école les moyens de sa refondation. L’éducation se trouve ainsi élevée au rang de priorité de la nation. C’était un engagement fort du Président de la République, qui se traduit par un effort budgétaire sans précédent.

Le statut et le métier d’enseignant sont reconnus. Outre la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) dès la rentrée 2013 pour assurer la formation initiale et continue, le gouvernement a accordé une prime immédiate de 400 euros aux professeurs du premier degré. En outre, 8 804 nouveaux postes sont créés, principalement dans l’enseignement primaire, ce qui permettra également la scolarisation des moins de trois ans.

Je citerai aussi le recrutement de 6 000 « emplois d’avenir professeur » supplémentaires pour offrir à ceux qui se destinent à l’enseignement la possibilité d’appréhender progressivement leur métier en acquérant une première expérience professionnelle, et la création de 350 nouveaux postes d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour l’accompagnement individuel des élèves en situation de handicap – ce qui devrait réjouir mon collègue Michel Ménard, qui avait consacré son rapport pour avis à ce sujet l’an dernier.

De plus, 30 000 contrats aidés supplémentaires ont été créés à la rentrée pour soutenir la scolarisation des élèves en situation de handicap et répondre à d’autres besoins – l’assistance aux directeurs d’école dans le premier degré et le renforcement de la présence d’adultes au profit de l’amélioration du climat scolaire dans le second degré.

Cette année encore, l’enseignement agricole n’est pas oublié, avec la création de 150 postes.

Compte tenu du caractère prioritaire de la mission, les moyens budgétaires de celle-ci progressent. Le ministère de l’éducation nationale contribuera
néanmoins à l’effort de maîtrise des dépenses publiques en stabilisant ses dépenses hors personnel, hors contrats aidés et hors emplois d’avenir professeur.

La priorité accordée à l’enseignement scolaire est parfaitement retranscrite dans le projet de loi de finances : 63,4 milliards d’euros sont demandés, en crédits de paiement, pour l’année 2014. Ce budget intègre donc les moyens nécessaires pour réussir la refondation de l’école de la République.

J’en viens au thème de mon rapport pour avis : l’enseignement des sciences au primaire et au collège.

La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République conforte cet enseignement : elle inclut l’acquisition d’une culture scientifique et technique, et le rapport annexé préconise une évolution de la pédagogie pour renforcer l’attractivité des sciences.

Ces orientations doivent être saluées, car l’enseignement scientifique est en crise. Crise des résultats d’abord, qui baissent ou stagnent. En France, le phénomène d’inculture mathématique s’étend. Les difficultés liées aux mathématiques sont désormais aussi graves que l’illettrisme. Les performances des élèves du primaire en calcul baissent ou stagnent. Le nombre d’élèves en difficulté au collège s’accroît donc mécaniquement, plus sensiblement encore en zone d’éducation prioritaire (ZEP). En primaire comme au collège, on note la persistance d’un « noyau dur » d’élèves en grande difficulté dans les sciences expérimentales : en fin d’école élémentaire, 15 % des élèves – 17 % en ZEP – ne savent répondre qu’à des questions en lien avec leur expérience quotidienne.

Il existe aussi un problème de formation. Issus à 75 % des disciplines littéraires ou sociales, les professeurs des écoles ne sont pas toujours armés pour conduire une démarche scientifique, d’autant que les formations initiales et continues ont été sacrifiées ces dernières années.

Crise des contenus ensuite. Lors des auditions, le caractère inaccessible des programmes, qui accumulent les notions sans construction des savoirs a été unanimement dénoncé. Les sciences paraissent dès lors inaccessibles et réduites à leur fonction sélective.

Les moyens en termes de crédits pédagogiques sont un autre enjeu.

Enfin, l’enseignement scientifique souffre de la « rupture » liée au passage en sixième, du monde de la polyvalence à celui des disciplines. Les classes surchargées, la quasi-disparition des personnels de laboratoire et du fléchage des heures de travaux pratiques conduisent aussi à sacrifier la partie expérimentale des apprentissages au collège.

Ces difficultés concourent à expliquer le faible intérêt des élèves pour ces matières au moment où tout se joue, c’est-à-dire en primaire et au collège.

Comment donner le goût des sciences aux élèves et améliorer cet enseignement ? L’objectif est non pas d’imposer de manière homogène la démarche scientifique sur tout le territoire, mais de créer des conditions adaptées pour que l’engagement et la bonne volonté des enseignants – et celle-ci est forte – trouvent enfin à s’exprimer. Mon rapport formule donc plusieurs suggestions.

La première est la refonte des programmes. La refondation ne pourra se faire sans leur donner, à tous les niveaux, plus de cohérence et de continuité. Je salue à ce titre la mise en place du Conseil supérieur des programmes, qui proposera de nouveaux programmes selon son propre calendrier.

Permettez-moi cependant une remarque. La démarche d’investigation, préconisée par les programmes actuels du primaire et du collège, et qui complète intelligemment l’acquisition des fondamentaux, a été sacrifiée. Suite aux auditions, il semble indispensable de sanctuariser cette démarche et les travaux pratiques, en trouvant le bon équilibre avec les fondamentaux. La démarche expérimentale permet aux enfants issus de milieux très éloignés de la culture scolaire d’aimer l’école et d’acquérir le goût des sciences. Lorsque l’on manipule, on s’éloigne du sentiment d’échec. Il faut donc donner la possibilité aux enseignants de mettre cette démarche en place, dès la maternelle, afin de lutter également contre les stéréotypes fille/garçon – je sais ma collègue Maud Olivier très attachée à ce sujet.

Ma deuxième suggestion consiste à rompre l’isolement des enseignants face aux sciences, dont le caractère abstrait et élitiste insécurise les professeurs des écoles, qui n’osent pas se lancer dans des expérimentations pour lesquelles ils n’ont pas été formés. Donnons-leur les outils nécessaires pour susciter chez les élèves de la curiosité et du goût pour l’investigation et le raisonnement.

Concernant la formation initiale, je ferai trois propositions. Sachant que les futurs enseignants ne pourront être formés pendant les seules années de master préparant les concours de recrutement, il faut renforcer l’accompagnement des professeurs pendant les deux premières années d’exercice du métier. Cet accompagnement devrait s’appuyer sur une large palette d’instruments : formation à distance, tutorat, recours à des partenaires institutionnels. Enfin, le réseau des inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) « sciences » devrait être mobilisé à cet effet, une fois son pilotage renforcé.

Ainsi que le montre l’expérimentation « projet pour l’acquisition de compétences par les élèves en mathématiques » (PACEM), la qualité de l’enseignement scientifique pourrait être rapidement améliorée par des actions de formation continue. Il faudrait agir sur trois leviers : renforcer le budget et la politique de la formation continue ; développer la dimension partenariale et la formation en ligne – pour information, le service public du numérique éducatif créé par la loi du 8 juillet 2013 doit proposer des ressources pédagogiques et des contenus contribuant à la formation des enseignants ; créer de nouvelles certifications professionnelles et les valoriser, en développant par exemple la position de « formateur ». Cela permettrait de renforcer « sur place » la culture scientifique des professeurs, sans leur donner le sentiment que leurs difficultés ne peuvent être comblées que par des apports extérieurs.

Ma troisième suggestion vise à faciliter la transition école-collège et l’interdisciplinarité. L’enseignement scientifique se prête par essence à la jonction des disciplines. L’expérimentation de l’enseignement intégré de science et de technologie (EIST) met en œuvre cette interdisciplinarité ; elle permet de donner une vision cohérente de la science aux élèves et leur donne l’occasion de manipuler. Sa généralisation n’est matériellement pas envisageable, et les enseignants du second degré ne souhaitent pas rentrer dans la polyvalence – ce qui est justifié. En revanche, elle pourrait être un point d’appui pour mettre en œuvre une réelle interdisciplinarité, recherchée par le plus grand nombre, afin de décloisonner les apprentissages par l’étude d’objets scientifiques. La pédagogie de projet pourrait ainsi être développée, ce qui impliquerait de créer – cette évolution étant aussi délicate qu’indispensable – des temps interdisciplinaires dans les emplois du temps des élèves et des professeurs.

Ma quatrième suggestion concerne la sanctuarisation des crédits pédagogiques. Les écoles et collèges doivent disposer des crédits nécessaires pour acheter le matériel indispensable à la démarche d’investigation, a fortiori dans les ZEP. Il faut également conforter la généralisation des mallettes « sciences » qui permettent aux professeurs et aux élèves de manipuler et d’expérimenter.

Ma cinquième et dernière suggestion consiste à soutenir la mise en place d’activités périscolaires scientifiques. J’avais amendé le rapport annexé de la loi portant refondation de l’école de la République pour souligner leur intérêt. Le ministre nous a indiqué en commission élargie que moins de 10 % des activités périscolaires étaient aujourd’hui consacrés à des activités scientifiques. Nous avons donc une marge de progrès. Il faut mobiliser les compétences, les réseaux, les associations ; tous ceux qui sont chargés de cette question doivent être informés des ressources existantes. Il est par ailleurs primordial que ces activités périscolaires soient élaborées en étroite collaboration avec les équipes enseignantes.

Encore une fois, pour donner le goût des sciences et améliorer le niveau des élèves, il faut donner toute sa place à la démarche expérimentale. L’objectif est de trouver le bon équilibre avec l’acquisition des fondamentaux qui seront confortés par la manipulation. Atteindre cet objectif suppose de donner du temps aux enfants pour apprendre ; la demi-journée de classe rétablie dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires y participera.

En conclusion, la refondation de l’école ne saurait donc se faire sans un renforcement de la culture scientifique. C’est un enjeu non seulement pour notre compétitivité, mais aussi pour la République : pour exercer leur liberté et « faire Nation », nos enfants doivent acquérir et développer un rapport à l’erreur, au questionnement et au doute.

Par ailleurs, tous les moyens sont donnés à l’école pour réussir sa refondation. Dans ce contexte de crise économique, le gouvernement fait le choix de donner la priorité à l’avenir de nos enfants. C’est pourquoi je vous invite à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. le président Patrick Bloche. Nous vous remercions pour cet exposé passionnant sur une question que nous avions déjà évoquée lors de la discussion du projet de loi pour la refondation de l’école de la République et qui est en effet – et contrairement à nombre de nos voisins – souvent délaissée dans notre pays.

Je viens d’être interpellé sur le fait que la réunion que nous tenons ce matin ferait doublon avec celle de la commission élargie. Ceux qui y ont participé reconnaîtront néanmoins que les conditions dans lesquelles se déroulent les réunions des commissions élargies ne nous permettent pas d’avoir un débat approfondi sur les crédits des missions concernées, ni sur les thèmes choisis par nos rapporteurs pour avis. Cela vaut pour tous les députés de la Commission, puisque quatre des dix rapports budgétaires dont celle-ci est chargée sont confiés à des membres de l’opposition.

Le respect – de nos collègues et du travail fourni – est pour moi une valeur fondamentale. C’est la raison pour laquelle nous tenons cette réunion. Sachez que je soulève régulièrement la question de l’intérêt des commissions élargies en Conférence des présidents. Je suis très nostalgique du dispositif antérieur, qui nous permettait d’auditionner les ministres, puis de tenir une réunion du type de celle de ce matin, avant d’avoir un vrai débat en séance publique. À trop vouloir simplifier les choses, nous les avons finalement compliquées. Si nous ne tenions pas cette réunion, le travail d’examen des crédits et d’un certain nombre de thèmes de fond se trouverait pénalisé. La procédure peut certes paraître pesante, mais la conviction est souvent dans l’art de la répétition.

M. Frédéric Reiss. Le groupe UMP s’est en effet interrogé sur la tenue de trois réunions, qui semble une singularité de notre Commission, même si elle nous offre l’occasion d’examiner plus en détail les rapports pour avis.

M. le président Patrick Bloche. Les singularités peuvent être bienvenues. La réunion d’hier, consacrée à l’examen des crédits des missions « Sport » et « Action extérieure de l’État », nous a permis d’avoir un débat passionnant à partir du rapport de Marie-George Buffet et de celui de Claudine Schmid sur les résidences d’artistes, sujet qui n’avait aucune chance d’émerger lors de la commission élargie sur les crédits de l’action extérieure de l’État. Nous consacrons aujourd’hui une matinée à des sujets qui sont au cœur de nos préoccupations. L’enseignement scolaire n’est-il pas le premier budget de l’État ?

Je défends donc la singularité de notre Commission sur ce point, et je vais continuer à poser la question de l’intérêt des commissions élargies, qui ont été étendues cette année à toutes les missions budgétaires. Nous en reparlerons avec le bureau de la Commission, qui a décidé de la procédure mise en œuvre cette année.

Mme Martine Faure. Permettez-moi de vous rassurer, monsieur le président : enseigner, c’est répéter, et comme le plus souvent personne n’écoute, il est bon de le redire…

Avant tout, je voudrais remercier notre rapporteure, au nom du groupe SRC, pour son rapport lucide et ses propos synthétiques, qui apportent un éclairage sans concession sur la place des sciences à l’école et au collège et sont porteurs de propositions concrètes.

Ce rapport traduit les choix politiques forts du gouvernement, qui entend donner la priorité à l’école et à la jeunesse. L’enseignement scolaire est ainsi le premier budget de l’État. Il intègre les moyens nécessaires à la transformation pédagogique du système éducatif, qui repose elle-même sur la formation initiale des enseignants et la priorité donnée au primaire.

Au travers d’un effort sans précédent, le projet de budget pour 2014 donne les moyens de la refondation de l’école en termes d’emplois, de crédits nouveaux, de formation, de généralisation du numérique, de politique d’inclusion face au handicap et de priorité donnée au primaire.

Il assure la montée en charge de la réforme de la formation initiale des enseignants au sein des ESPE. Enseigner est certes une vocation, mais c’est aussi un métier : l’enseignant doit prendre en charge les élèves en difficulté comme les élèves en situation de handicap, différencier ses pédagogies, construire des projets individualisés, participer à des projets d’établissement, travailler en équipe, utiliser les nouvelles technologies et agir avec des acteurs extérieurs à l’école.

Je ne m’étendrai pas sur le nombre d’emplois nouveaux. Au-delà des créations de postes, le projet de budget pour 2014 prévoit le financement des mesures de revalorisation du métier d’enseignant dans le premier degré, le replaçant au cœur même de la refondation de l’école, avec la montée en charge de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) et l’augmentation des possibilités d’accès au grade de professeur des écoles hors classe.

Je voudrais moi aussi insister sur les engagements pris dans le cadre de la loi sur la refondation de l’école de la République en faveur du renforcement de l’enseignement scientifique. Les mathématiques, la technologie et les sciences expérimentales font partie de la culture, au sens où ils permettent de se construire une représentation globale et cohérente du monde et de mieux comprendre son environnement quotidien. Comprise comme une dimension fondamentale de la formation des élèves, la culture scientifique et technologique repose non seulement sur une connaissance des principes et des finalités du raisonnement scientifique, mais aussi sur une pratique effective de la démarche scientifique.

Le constat révèle pourtant une désaffection des jeunes pour les filières scientifiques. Les universités scientifiques ont perdu nombre d’étudiants ces dernières années, principalement dans les filières des sciences de la terre et de l’univers, des sciences de la matière et des sciences du vivant.

Le rapport annexé à la loi du 8 juillet 2013 rappelle que la diffusion de cette culture scientifique et technique doit permettre à la France de conforter son avance scientifique, son tissu industriel, son potentiel économique, sa capacité d’innovation et sa compétitivité.

Plusieurs facteurs expliquent la désaffection constatée. Ils sont notamment liés aux programmes, au manque de formation des enseignants et à la pénurie de moyens matériels pour conduire des expérimentations. C’est peut-être sur ce point que vous pourriez nous apporter un éclairage supplémentaire au vu du travail que vous avez conduit.

Dès le plus jeune âge, où peuvent s’installer des difficultés irréversibles, la spécificité pédagogique des sciences au travers d’expériences et de mises en situation permettra d’appréhender plus aisément ces matières, tout comme faciliter le tâtonnement expérimental et apprendre à problématiser en découvrant un phénomène et en travaillant sur ses effets. Ces expériences pourront se développer non seulement à la maternelle et à l’école primaire, mais aussi – préconisez-vous – au sein des activités périscolaires organisées dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires. Pouvez-vous nous éclairer davantage à ce sujet ?

La loi du 8 juillet 2013 a veillé à assurer les passerelles entre les cycles. Ces liaisons se traduiront aussi dans les enseignements scientifiques, car le passage de l’enseignement primaire à l’enseignement disciplinaire dispensé au collège marque aujourd’hui une vraie rupture. Comment optimiser les expérimentations allant dans ce sens et en faire un modèle général et adaptable ?

Un enseignement rénové par une réforme ambitieuse des contenus et de la pédagogie des sciences s’impose donc. Le groupe SRC se prononce bien sûr en faveur de l’adoption des crédits demandés pour 2014.

M. Frédéric Reiss. Le groupe UMP ne porte pas la même appréciation sur les deux parties de votre rapport, madame Sommaruga. Vous comprendrez aisément qu’il ne puisse partager le constat dressé par sa première partie, qui traite notamment de la revalorisation du métier d’enseignant. Je me contenterai ici, sans réitérer les propos que j’ai tenus en commission élargie, de vous faire part de quelques réflexions.

Tout d’abord, nous ne voyons aucune différence entre les internats de la réussite et les internats d’excellence. Les collégiens, lycéens et étudiants qui en bénéficient sont en effet les mêmes – ceux qui ne jouissent pas dans leur famille de conditions favorables pour poursuivre leurs études. Bref, il s’agit d’une mesure de promotion de l’égalité des chances. Pourquoi donc avoir changé sa dénomination ?

J’en viens aux emplois. Vous écrivez que l’éducation nationale apporte sa contribution à l’effort collectif de maîtrise des finances publiques. Permettez-moi d’en douter : les créations de postes conduisent inévitablement à des dépenses supplémentaires. Ce n’est pas de gaieté de cœur que la majorité précédente avait pris la décision de ne pas remplacer un enseignant partant à la retraite sur deux. J’observe que le rapport de la Cour des comptes intitulé « Gérer les enseignants autrement » va dans ce sens.

Je dénonce par ailleurs un transfert de charges vers les collectivités locales. Jusqu’à aujourd’hui, les dépenses de matériel pédagogique étaient assumées par l’État. Certes, nous allons vers le numérique, mais ce transfert est incontestable.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission.

J’en viens à la seconde partie du rapport, qui porte sur la rénovation de l’enseignement des sciences. Je salue le travail approfondi conduit par la rapporteure pour avis, dont le jugement parfois sévère est tempéré par des propositions qui confortent largement les conclusions de la mission d’information conduite en 2006 par Jean-Marie Rolland sous le titre « Réconcilier les jeunes et les sciences », dont je faisais partie. Nous pouvons certes regretter de ne pas avoir plus de Georges Charpak en France, mais l’expérience de la fondation La main à la pâte, aujourd’hui présidée par M. Pierre Léna, a tout de même permis de faire bouger les choses, notamment dans l’enseignement primaire. Il reste que les sciences ont toujours été considérées comme élitistes, voire comme un enseignement inaccessible pour certains. Il faut donc valoriser toutes les expériences qui vont dans le bon sens.

S’agissant de l’égalité entre les hommes et les femmes, il semble que les différences s’estompent, même si beaucoup reste à faire. Les bourses de la vocation scientifique et technique des femmes, pilotées par le ministère des droits des femmes, ont permis d’obtenir certains résultats. J’évoquerai aussi une expérience qui se poursuit depuis 1987 au Canada, celle de l’association les Scientifines, qui aide les jeunes filles des quartiers défavorisés à « s’en sortir » par un apprentissage ludique des sciences. Là encore, on arrive à certains résultats en suscitant chez elles la curiosité et la persévérance.

Nous ne pouvons en revanche accepter de vous entendre dire que la formation aurait été sacrifiée dans les dernières années. La masterisation, d’ailleurs souhaitée et acceptée par tous, n’a pas été remise en cause dans ce domaine, même si quelques perturbations ont été observées en 2010 et 2011.

Néanmoins, je souscris entièrement aux propos de Pierre Léna lorsqu’il dit que le cœur du sujet en matière d’enseignement scientifique est celui de la formation des professeurs. J’irai même plus loin : il y a un défaut de formation scientifique chez la plupart des directeurs d’école et des chefs d’établissement. C’est une faille qu’il nous faut combler. Vous avez évoqué les missions des ESPE ; acceptons-en l’augure.

Pour conclure, j’aimerais évoquer une expérience partie d’Alsace en 1990 : Mathématiques sans frontières. Ce concours – qui s’adresse aux CM 2 et aux sixièmes pour les épreuves junior, et aux troisièmes et aux secondes pour les épreuves senior – a aujourd’hui lieu dans de nombreuses académies ; il a même traversé les frontières, puisqu’il est également organisé en Allemagne. Nous devons promouvoir toutes ces initiatives. Bref, il y a encore beaucoup d’essais à transformer.

Mme Barbara Pompili. Le groupe écologiste partage les différents constats énoncés dans le rapport pour avis.

Pour redonner le « goût d’apprendre les sciences » à toutes et tous, il convient en effet de revoir la façon dont les sciences sont enseignées. Non seulement nous avons besoin de plus d’enseignements pratiques et d’expériences, mais il faut mieux former les enseignants et assurer davantage d’interdisciplinarité, ce qui suppose de revoir les programmes.

Le constat d’un enseignement trop théorique est partagé par les écologistes et vaut également pour d’autres enseignements, notamment les cours de langues où le manque de pratique est plus qu’avéré et concourt à expliquer le faible niveau des Français en langues vivantes étrangères.

Il faut aussi changer de paradigme dans les apprentissages : l’élève ne doit pas seulement écouter sagement les enseignements dispensés ; il doit aussi participer. Nous devons promouvoir les enseignements participatifs et le débat. Cela permettra aussi de changer l’image de l’enseignement scientifique, trop souvent perçu comme un outil de sélection scolaire, alors que l’objectif devrait être celui de la « réussite pour tous », quelle que soit la matière enseignée.

Concernant la culture scientifique et technique, il est fondamental que l’enseignement théorique soit accompagné par des expériences pratiques en classe, en laboratoire et à l’extérieur. Nous souhaitons d’ailleurs que les crédits consacrés aux innovations pédagogiques soient renforcés : ils s’élèvent à 55,6 millions d’euros, soit à peine 5 euros par élève !

Il faut également faire le lien avec les projets éducatifs territoriaux (PEDT). La culture scientifique et technique peut parfaitement faire l’objet de projets éducatifs. En effet, le lien entre le scolaire et le périscolaire ou entre l’intérieur et l’extérieur de l’école peut se faire via des projets relevant de la culture scientifique et technique. L’intérêt pour les sciences sera amplifié s’il est accompagné d’une démarche participative, expérimentale et ludique. De nombreuses associations sont d’ailleurs connues pour leur engagement au profit de la culture scientifique et technique pour tous. Je pense aux Petits Débrouillards, souvent cités dans le rapport, à la création de la Maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences destinée aux primaires, qui est en cours en Ile-de-France, ou encore aux Fêtes de la science, qui ont par exemple lieu à Amiens et qui connaissent un grand succès, notamment auprès des enfants.

Après les classes de mer et les classes vertes, pourquoi ne pas créer des « classes de sciences » ?

La formation des enseignants est un enjeu fondamental. Comme le souligne le rapport, les professeurs des écoles – mais aussi les directeurs d’école, comme l’a souligné M. Frédéric Reiss – sont majoritairement issus des filières littéraires ou sociales, et par conséquent insuffisamment formés à la démarche scientifique. Des associations comme La main à la pâte, qui a été auditionnée par la rapporteure pour avis, font déjà ce travail de formation à la culture scientifique et technique. L’objectif est d’aider les enseignants à découvrir et à enseigner la science et la technologie en mettant en œuvre une pédagogie d’investigation qui permette de stimuler chez les élèves esprit scientifique, compréhension du monde et capacités d’expression. Surtout, il faut que les ESPE intègrent un volet culture scientifique et technologique dans la formation des futurs enseignants.

Ce doit aussi être un enjeu pour la formation continue. Oui, il faut renforcer le budget dédié à la formation continue. L’idée d’intégrer les Maisons régionales des sciences dans les ESPE doit être regardée de près. Ces maisons ont pour vocation – dans le sillage de la Main à la pâte – d’accueillir des professeurs des écoles et des collèges pour actualiser leurs connaissances scientifiques. Cette évolution de leur pédagogie se ferait au bénéfice de tous les élèves.

S’agissant des contenus, nous attendons comme vous beaucoup du nouveau Conseil supérieur des programmes : c’est l’ensemble des programmes de 2008 qu’il convient de refonder.

Il faudrait aussi renforcer les liens entre disciplines et l’interdisciplinarité. Le décloisonnement des apprentissages est une bonne chose, et l’expérimentation des EIST est très intéressante.

Je partage également l’analyse de la rapporteure quant au problème des horaires au collège. Les successions d’heures morcelées et sans cohérence – une heure de mathématiques, puis une heure d’anglais, puis une heure de sport – sont problématiques.

Enfin, je souhaite insister sur la féminisation des sciences. L’école est un vecteur de reproduction des stéréotypes de genre, c’est-à-dire des comportements attendus en fonction de notre sexe biologique – par exemple, les formations littéraires pour les femmes et les formations scientifiques pour les hommes. Cela explique le faible nombre de femmes scientifiques et ingénieures en France. Il importe de s’attaquer très tôt à ces stéréotypes de genre ; je souhaiterais que cet aspect soit clairement mentionné dans les priorités gouvernementales.

En dépit de ces quelques remarques, ce budget va dans le bon sens. Nous voterons donc les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Rudy Salles. L’école de la République est la colonne vertébrale de notre société. Elle fait partie de notre idéal commun, de notre « ADN républicain », offrant à tous un accès à la connaissance et à la culture. Elle est porteuse d’émancipation – individuelle et collective – et doit avant tout instruire et porter au plus haut les citoyens français de demain. C’est en ces termes que nous voudrions tous pouvoir parler de l’école de la République.

Mais si l’idéal demeure, les faits sont bien plus durs : 15 à 20 % de nos enfants sortent de l’école primaire sans maîtriser correctement les savoirs fondamentaux de la lecture, de l’écriture et du calcul ; 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans détenir de diplôme du cycle secondaire. Enfin, 60 000 « sortants précoces » se retrouvent sans formation et livrés à eux-mêmes dans une société et sur un marché du travail qui n’autorisent aucune faiblesse et n’épargnent personne.

Dans un tel contexte, le groupe UDI considère les enjeux de l’éducation et de la formation comme fondamentaux. Nous nous sommes tous surpris à faire le rêve d’une école de la vraie égalité de chances, pas celle proclamée mais celle constatée, et nous souhaitons faire de l’école un lieu de récompense du mérite. L’heure est désormais non plus aux rêves, mais bien à l’action. Nous nous devons donc d’être intransigeants sur ces questions.

S’il est une mission où le gouvernement a choisi de donner un signal fort de mobilisation pour la jeunesse, c’est bien la mission « Enseignement scolaire ». Les moyens sont globalement en augmentation, en particulier pour les programmes relatifs à l’enseignement scolaire du premier et du second degré, avec un effort supplémentaire de 320 millions d’euros.

Le constat pourrait s’arrêter là. De nombreuses questions demeurent pourtant sans réponse, en particulier quant à la pertinence de certaines dépenses.

Si le gouvernement affiche volontiers sa « véritable refondation pédagogique », qui reposerait sur un socle de connaissances, de compétences et de culture renouvelé, un mystère perdure : voilà deux mois que la rentrée scolaire a eu lieu, et nul ne semble en mesure de nous informer un tant soit peu sur les travaux et les conclusions du Conseil supérieur des programmes, ni de nous indiquer si oui ou non, ce fameux socle commun a été redéfini, et en quels termes.

Concernant les internats d’excellence, il semble bien que l’on ait changé l’étiquette sans modifier le contenu. On nous amuse avec des formules creuses dénuées de sens, du type « des internats d’excellence à l’excellence de tous les internats ». Mais lorsqu’il s’agit de débattre et d’organiser l’éducation de nos enfants et l’avenir de notre société, il y a mieux à faire. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer les chiffres accablants que j’évoquais il y a quelques instants.

Je réitère donc la question que j’ai posée lors de la commission élargie et qui attend toujours réponse. Quelle cohérence pédagogique et quel niveau d’exigence existe-t-il entre la logique des internats d’excellence et l’élargissement de ce projet à un plus grand nombre de places ? À défaut de ne pas être totalement contradictoires, il semblerait que ces deux objectifs soient relativement peu complémentaires. Il s’agirait essentiellement d’engager une réduction des coûts de ces internats, ce dont chacun connaît la difficulté.

J’en viens à la diminution substantielle des crédits liés aux actions éducatives complémentaires aux enseignements, et donc à la réforme des rythmes scolaires si chèrement défendue par le ministre contre vents et marées, quitte à verser dans le déni de réalité. La question est simple : comment mettre en adéquation une baisse des crédits dans ces actions et la restructuration de ces rythmes scolaires, qui apparaît comme l’une des priorités de la politique gouvernementale en matière d’éducation ?

Certes, les moyens financiers de cette mission « Enseignement scolaire » sont globalement au rendez-vous, mais le groupe UDI est convaincu que la copie mériterait d’être revue. Il s’opposera donc fermement à ce budget en trompe l’œil.

M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP a déjà dit en commission élargie tout le bien qu’il pensait du projet de budget de l’enseignement scolaire et des orientations prises en ce domaine. Il votera donc en faveur de l’adoption de ces crédits.

J’aurais pu commencer mon propos en évoquant la RGPP, chers collègues de l’opposition. Mais vous le faites désormais vous-mêmes. Je remercie donc M. Reiss de sa lucidité, qui nous dispensera de rappeler les effets très négatifs qu’a eus la RGPP sur les effectifs de l’enseignement scolaire.

Notre rapporteure pour avis a choisi de se pencher sur le goût des sciences à l’école et au collège et le développement de la culture scientifique des élèves. Lors du débat sur le projet de loi de refondation de l’école de la République, nous avions mis en exergue la nécessité de l’enseignement d’une culture scientifique et technique. Selon le rapport, l’enseignement scientifique est aujourd’hui en souffrance, voire en crise. Cela ne peut que nous inquiéter au regard des données statistiques fournies. Le relatif rejet de l’enseignement scientifique est en partie dû à des programmes souvent jugés trop ambitieux, voire élitistes. Encore faut-il qu’ils soient enseignés ! J’ai été stupéfait d’apprendre qu’en primaire, l’enseignement des sciences expérimentales ne serait pas assuré dans près de la moitié des classes.

Le rapport parle d’un enseignement trop ciblé comme un outil de sélection scolaire, qui créerait une désaffection à l’égard des sciences, sans parler des conditions de travail parfois très critiquables des enseignants dans ces matières. Nous approuvons les pistes de réflexion proposées. La loi du 8 juillet 2013 offre des perspectives concrètes à cet égard, qu’il s’agisse de la refonte des programmes par le Conseil supérieur des programmes – qui vient à peine de se mettre en place, monsieur Salles – ou de la revalorisation de l’enseignement scientifique.

Je conclurai par une question. Tout en louant l’expérimentation des EIST, le rapport en fixe les limites. Faut-il en rester au niveau de l’expérimentation ou peut-on espérer une généralisation ?

Mme Marie-George Buffet. Je salue le travail de Mme la rapporteure pour avis et me félicite de l’augmentation, pour la deuxième année consécutive, du budget de l’enseignement scolaire, ce qui permet de créer de nouveaux postes. J’insiste sur ce point, car l’on nous rétorque souvent que la question c’est non pas la création des postes, mais leur gestion. J’observe que sans ces nouveaux postes, nous n’aurions pas pu faire en sorte qu’à la rentrée, chaque classe ait un maître devant elle – ce qui n’avait pas été le cas lors de la rentrée précédente. Cette création de postes permettra en outre d’accueillir 30 400 élèves supplémentaires dans près de 53 000 écoles et de commencer à mettre en place la loi pour la refondation de l’école – je pense plus particulièrement à l’un de ses piliers, à savoir la formation des maîtres. Pour autant, ces nouveaux postes ne pourront pas encore combler l’ensemble des besoins, accrus par des années de diète. De fait, il n’y aura devant les classes que 800 postes supplémentaires, 295 pour appliquer la mesure consistant à affecter un maître supplémentaire par école et seulement 72 pour les réseaux d’éducation prioritaire, ce qui est bien sûr très insuffisant par rapport aux difficultés que nous connaissons.

Mais au-delà de ces créations de postes, il conviendrait de valoriser la fonction des enseignants et cela passe par la résorption de la précarité dans les écoles où coexistent plusieurs statuts. Le gel du point d’indice sur les salaires de la fonction publique, qui s’applique depuis plusieurs années, avait déjà pénalisé ces personnels. Il faut maintenant travailler à la valorisation du métier et à la stabilisation des équipes. Dans le département de Seine-Saint-Denis, les jeunes enseignants, qui sont très nombreux, exercent dans des conditions difficiles. En outre, le turn over fragilise le travail de l’équipe éducative.

Madame la rapporteure pour avis, donner le goût de la science aux élèves est en effet un bel objectif, mais vous observez vous-même avec raison que de nombreux enseignants viennent de filières littéraires.

Nous allons renouer avec la formation professionnelle, mais vous insistez dans votre rapport – et je vous approuve – sur la nécessité de revenir sur la formation continue, et de rattraper celle dont les maîtres actuellement en poste n’ont pas pu bénéficier. Vous vous interrogez sur la façon de la financer. Pourriez-vous nous en dire plus à ce propos ?

Vous insistez également sur les programmes. Je pense que le Conseil supérieur des programmes va s’attaquer à ses dossiers. Encore faut-il lui laisser le temps de travailler.

Mon académie a mis en avant l’enseignement des sciences pour l’année scolaire 2013-2014, mais les écoles doivent se procurer les moyens pour financer les outils de l’expérimentation, et cela pose parfois des problèmes de moyens.

Je terminerai sur le temps périscolaire. J’entends bien que parmi les programmes éducatifs territoriaux, la question de l’approche des sciences peut être intéressante. Cela dit, les associations qui sont tournées vers les sciences et les techniques sont assez peu nombreuses. Quels seraient donc, selon vous, les intervenants possibles ?

M. Hervé Féron. L’appropriation d’une culture scientifique et technique est un facteur essentiel de la compétitivité économique et du rayonnement industriel d’une société. Or, lorsque l’on demande aux jeunes si les sciences les intéressent à l’école, ils répondent presque immanquablement par la négative.

L’élève est fréquemment dégoûté par les sciences à l’école. Sa curiosité diminue avec le niveau scolaire. Or, apprendre peut-être tout à la fois utile, nécessaire et source de plaisir. Il s’agit là d’un aspect trop souvent oublié. Pourtant, il ne devrait être en aucun cas négligé. Ne pensez-vous pas que les programmes, les méthodes, les cours de sciences n’atteignent pas les objectifs fixés car ils ne prennent pas suffisamment en compte le plaisir que la découverte peut procurer aux jeunes ? Redonner le goût aux mathématiques et aux sciences passe peut-être par des pratiques plus ludiques et par un enseignement scientifique plus concret pour les élèves.

Mme Sophie Dion. Après avoir félicité Mme Sommaruga pour son rapport, du moins pour sa deuxième partie, je reviendrai sur la question des internats, sur laquelle personne ne nous a répondu jusqu’à présent.

Les internats d’excellence ont été fortement critiqués, mais il semble bien que l’idée n’était pas si mauvaise. On parle maintenant des « internats de la réussite ».

Le Gouvernement a annoncé que le nouveau programme d’investissement d’avenir participerait à la construction d’internats – avec un objectif de 6 000 places nouvelles à partir de 2014. Mais dans le même temps, les moyens consacrés dans le budget à la politique de l’internat sont relativement faibles : 53 millions d’euros, soit une augmentation de seulement 1,2 % par rapport à 2013.

Nous sommes tous d’accord pour dire que l’école est le cœur de la République. Mais qu’il s’agisse des internats d’excellence ou, comme vous préférez, des internats de la réussite, on relève de nombreux facteurs d’inégalité, qui ne sont pas uniquement d’ordre social. On peut en effet s’interroger sur les moyens destinés à lutter contre les inégalités territoriales. Je pense plus particulièrement aux élèves des écoles rurales ou de montagne. On sait bien que l’internat est une réponse pour ces collégiens et leurs familles. La vocation de l’internat doit donc être élargie et concerner davantage les jeunes issus des territoires ruraux et de montagne.

L’action 05 – « Politique de l’internat et établissements à la charge de l’État » – dans le programme « Vie de l’élève », précise que les internats doivent pouvoir accueillir en priorité des élèves « socialement défavorisés ». Cette formulation me semble un peu restrictive et je souhaiterais que, dans le cadre de l’offre globale d’hébergement scolaire, des élèves issus des communes rurales et de montagne puissent bénéficier d’un accueil prioritaire en internat. Cette mesure participerait à l’amélioration de la santé et de la qualité de vie de ces élèves, ainsi qu’à la lutte contre les inégalités territoriales.

Mme Martine Pinville. Pour ma part, j’ai plus particulièrement travaillé sur la santé et sur la santé à l’école. La santé des jeunes est en effet une des grandes priorités inscrites dans la Stratégie nationale de santé. Il y est notamment question d’investir le champ de la promotion de la santé et de la prévention. Or, en France, les dépenses de prévention représentent 2,4 % des dépenses courantes de santé. À tous les âges, notre investissement dans la prévention est faible.

Je veux aborder ici la question de la santé à l’école, et plus particulièrement celle de la médecine scolaire. L’acquisition du socle des compétences nécessite une transmission des savoirs dans de bonnes conditions. Mais si un enfant n’est pas en capacité de recevoir ces savoirs, nous n’aurons pas fait tout notre travail.

L’école a pour responsabilité l’éducation à la santé et aux comportements responsables. Elle contribue au suivi de la santé des élèves, et il serait intéressant de préciser les champs d’intervention de la politique de santé à l’école en définissant trois axes : l’éducation, la prévention et la protection.

À l’occasion du rapport que j’ai présenté sur la médecine scolaire, j’ai constaté que de nombreux enfants dont les familles étaient en situation d’exclusion n’étaient plus suivis par des praticiens. Ce phénomène à tendance à se développer. Dans un tel contexte, la médecine scolaire doit être un outil majeur de lutte contre les inégalités sociales et de santé – et ce dès l’enfance. Elle a vocation à promouvoir la santé au sein de la population scolarisée, et à identifier les enfants les plus vulnérables afin de compenser le non-recours de ceux-ci au système de santé en ville.

Une autre des missions de la médecine scolaire est de mettre en place des actions de prévention et de dépistage, que ce soit – plutôt au collège – pour lutter contre les addictions, l’alcool, le tabac, ou les drogues, ou pour promouvoir l’éducation à la santé en luttant, par exemple, contre l’obésité.

Renforcer, clarifier et rénover les missions de la médecine scolaire : c’est ainsi que tous les enfants, dès leur plus jeune âge, pourront bénéficier d’actions de prévention efficaces et effectuer au mieux leur parcours scolaire.

M. Patrick Hetzel. Après avoir moi aussi remercié notre rapporteure pour avis, je reviendrai sur deux points.

Premièrement, s’agissant de la formation des enseignants, là encore, une rectification s’impose : lors de la précédente législature, non seulement il n’a jamais été mis fin à la formation des enseignants, mais le niveau de ces derniers a été amélioré. En effet, leur recrutement au niveau du master a été systématisé. Doit-on considérer qu’un master universitaire n’est pas une formation ? Ce serait insultant vis-à-vis des universitaires, qui ont d’ailleurs fait un très grand effort pour développer les stages et assurer la bonne insertion des enseignants en milieu professionnel. Et j’observe que si l’on a relevé la formation des enseignants au niveau du master, c’est parce que l’on fait confiance aux universitaires.

Deuxièmement, M. Peillon a publié un décret rendant obligatoire une nouvelle organisation de l’enseignement. Lorsque nous l’avons auditionné sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », il nous a indiqué qu’il s’occuperait de la partie scolaire et, qu’il laisserait aux communes le soin de s’occuper de la partie périscolaire. Les maires apprécieront ! Ce sera une question centrale du prochain Congrès des maires, car jusqu’à présent nous n’avons pas eu d’autre précision. Cela me semble incroyable de la part d’un ministre de l’éducation nationale.

Mme Dominique Nachury. Je voudrais réitérer les interrogations que j’ai exprimées lors de la commission élargie s’agissant de la méthode d’évaluation des besoins en enseignants, de la prise en considération du métier d’enseignant, des perspectives d’évolution de carrière, de la formation continue du personnel des premier et second degré, et du rôle des ESPE.

Sur le thème, approfondi excellemment par Julie Sommaruga, du goût des sciences à l’école et du développement de la culture scientifique, je voudrais rappeler que la démarche expérimentale, tout en étant essentielle, nécessite non seulement des équipements, des locaux adaptés, mais aussi des matériels et des formations. Se pose donc la question des financements, fréquemment renvoyés aux collectivités territoriales. Quelle réponse entend-on nous proposer ?

Mme Annie Genevard. Le rapport pour avis pointe la désaffection à l’égard des sciences, la progression de l’innumérisme, la persistance d’un noyau dur d’élèves en grande difficulté, et l’utilisation des sciences, notamment des mathématiques, comme outil de sélection scolaire.

J’invite mes collègues à réfléchir au fait qu’il y a un corollaire à cette situation, à savoir la désaffection, tout aussi préoccupante, à l’égard des disciplines littéraires. Ainsi, on observe au collège une désaffection à l’égard des sciences, et au lycée, une désaffection à l’égard des formations littéraires et la dévalorisation de celles-ci. On peut s’interroger lorsqu’un système scolaire échoue à former tant des bons scientifiques que des bons littéraires…

Barbara Pompili a proposé que l’on popularise les sciences à l’occasion de la réforme des rythmes scolaires et Marie-George Buffet s’est interrogée sur notre capacité à valoriser les sciences sur le temps périscolaire. De fait, il existe des associations, des centres régionaux très compétents en matière de culture scientifique. Pour autant, je ne peux pas imaginer, par principe, qu’un échec de l’institution trouve une solution hors institution. C’est à l’institution de se demander comment répondre à l’échec qu’elle constate.

Enfin, monsieur le président, madame la rapporteure pour avis, la Commissaire européenne à la culture a évoqué devant nous la question de la formation, en précisant que c’était une des préoccupations de l’Europe. J’ai alors soumis l’idée que l’on puisse prendre en compte, en miroir du socle commun de connaissances, de compétences et de culture qu’on attend de l’élève, un socle commun de connaissances, de compétences et de culture qu’on pourrait attendre de l’enseignant.

M. Guénhaël Huet. Mme la rapporteure pour avis nous a parlé de l’outil numérique, auquel le budget consacre 10 millions d’euros. C’est fort bien, mais il conviendrait de s’interroger sur les conditions d’utilisation d’un tel outil, notamment dans les classes maternelles. Personne ne prétendra que l’on peut s’en passer, mais il serait bon de procéder à des évaluations avant d’envisager de le généraliser.

Par ailleurs, avec plus de 63 milliards d’euros, l’enseignement scolaire est un budget incontestablement important. Mais l’État n’est pas le seul concerné, et à l’heure de la réforme des rythmes scolaires, il conviendrait de respecter ses partenaires, à savoir les collectivités territoriales. Notre collègue Rudy Salles a parlé de la baisse des crédits liés aux actions éducatives complémentaires aux enseignements. Le problème se pose à nouveau aujourd’hui à l’occasion de la mise en œuvre de cette réforme. Les contestations se multiplient au quotidien, et j’appelle l’attention des membres de la représentation nationale et du ministère sur l’urgence qu’il y aurait à revoir une telle réforme.

M. Benoist Apparu. Je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Hetzel. La majorité et le ministre répètent que nous aurions supprimé la formation des enseignants dans le précédent quinquennat. Or nous n’avons supprimé que le cadre national de formation des maîtres, ce qui n’est pas la même chose, et nous avons transféré aux universités la définition des contenus, y compris professionnels, de formation.

La mastérisation a consisté premièrement, à faire passer du niveau licence au niveau master le recrutement des enseignements et deuxièmement, à confier aux universités la définition des masters enseignants, chacune d’entre elles s’organisant comme elle le souhaite.

Contrairement à vous, nous ne considérons pas que la définition des masters par les universités se soit traduite par la suppression de toute formation. Nous remarquons simplement qu’avec les ESPE, vous recréez un cadre national, avec une définition nationale des maquettes de formation des maîtres – définition que nous avions confiée aux universités.

Le ministre nous demande d’avoir des débats apaisés sur l’éducation nationale. Alors autant éviter de nous envoyer à la figure ce type de contre-vérités !

Mme la rapporteure pour avis. S’agissant de la formation, je conseille à certains de nos collègues d’aller constater sur le terrain ce que pensent les enseignants. Vous dites que leur formation n’a pas été sacrifiée. Mais le décalage est grand entre vos affirmations et leur ressenti.

S’agissant de la formation dans les disciplines scientifiques, les enseignants, en particulier ceux du premier degré, ressentent un fort sentiment d’insécurité, d’abord, parce qu’il n’y a plus de formation initiale ; ensuite, parce qu’ils sont souvent issus de filières littéraires. Sans un apport fort sur les matières scientifiques, ces enseignants n’oseront donc pas assumer une telle démarche auprès des élèves.

S’agissant de la formation continue, les difficultés sont réelles et vous ne pouvez pas le nier. Celle-ci a été sacrifiée, parce que la suppression de postes opérée ces dernières années a été telle qu’il n’était pas possible de remplacer les enseignants qui souhaitaient se former. Nous sommes en train, dans ce domaine également, de redresser la situation.

Plusieurs de nos collègues de l’UMP ont évoqué la question des internats. Le dispositif des internats d’excellence consistait à repérer les meilleurs élèves, que l’on « sortait » de leur quartier. Nous n’avons pas voulu poursuivre une telle politique – conformément au souhait des inspections générales elles-mêmes. Par ailleurs, je considère que la création d’internats pour les élèves en difficulté est un investissement d’avenir. Le ministre vous a répondu très clairement à ce sujet la semaine dernière.

S’agissant des moyens pédagogiques, je suis d’avis que l’on consacre une ligne budgétaire à l’achat de matériels destinés à la mise en place d’expérimentations. Je préconise par ailleurs un partenariat avec les sociétés savantes et les institutions ou établissements scientifiques. Cela dit, la question des moyens se pose, d’autant qu’il y a de fait une inégalité territoriale. D’une part, certaines collectivités s’engagent davantage que d’autres, alors que ce ne sont pas forcément les plus riches – je peux vous citer l’exemple de la commune de Bagneux, qui a organisé le Forum des sciences et mis en place des activités pédagogiques autour des sciences. D’autre part, les équipes d’inspection et les enseignants que nous avons rencontrés sur le terrain ont déploré le temps qu’ils devaient consacrer à trouver des partenariats gratuits.

S’agissant du périscolaire, des partenariats existent. Certes, les associations ne sont pas très nombreuses, mais elles sont très compétentes – encore faut-il connaître leur existence ! Un certain nombre d’entre elles, qui ont noué des partenariats avec l’éducation nationale, sont subventionnées. Elles constituent un véritable vivier.

Enfin, les universités, et particulièrement les doctorants, peuvent intervenir dans le cadre du périscolaire, sachant que l’enseignant doit conserver la maîtrise du lien entre les activités périscolaires et les activités scolaires.

S’agissant de l’égalité hommes/femmes, il faut rappeler que le niveau des élèves est le même chez les garçons et chez les filles ; c’est l’orientation en fin de collège qui change la donne. Les filles « s’autocensurent » parce qu’elles estiment que certains métiers ne sont pas faits pour les femmes. Lorsqu’elles sont scientifiques, elles s’orientent plus facilement vers la médecine que vers les métiers d’ingénieur. Nous devons modifier de tels comportements.

Selon la loi pour la refondation de l’école, l’orientation favorise la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes parmi les filières de formation. Il faudrait inviter des femmes scientifiques dans les écoles, se préoccuper de ces questions dès la maternelle, sensibiliser les enseignants, travailler les manuels et réfléchir avec les parents. Nous avons auditionné des représentants de fédérations de parents d’élèves qui y sont tout à fait favorables.

Thierry Braillard a déjà répondu à Rudy Salles s’agissant du Conseil supérieur des programmes. J’ajoute que celui-ci n’a été installé que le 10 octobre dernier. Or tout le monde sait qu’il n’est pas possible de faire un bilan en quelques semaines. Laissons-lui donc le temps de réfléchir en toute indépendance. L’enjeu est trop important pour que l’on se précipite.

Marie-George Buffet a soulevé la question du recrutement. Je me suis effectivement demandé, au moment des auditions, s’il fallait que les professeurs des écoles aient un profil plus scientifique. Je ne le crois pas. Il faut d’abord aider les enseignants qui ont un profil littéraire à suivre une formation adéquate pour s’engager dans une démarche scientifique. Et peut-être faudrait-il également réfléchir à la place des sciences dans les baccalauréats littéraires ; celles-ci ont en effet été supprimées.

Je pense moi aussi que le budget de la formation continue doit être renforcé. Les inspections générales ont proposé d’instituer trois jours annuels de formation par enseignant. Il faudrait que, dans ce cadre, la culture scientifique soit appréhendée.

Enfin, je répondrai à M. Thierry Braillard sur l’EIST – l’enseignement intégré de science et technologie. Comme je l’ai indiqué dans le rapport, c’est une expérimentation très enrichissante. Si j’ai écrit que sa généralisation n’était pas envisageable, c’est en raison du coût que cela représenterait, et de la réaction des enseignants du second degré. Ceux-ci sont en effet pratiquement unanimes à ne pas vouloir entrer dans la polyvalence, ce que l’on peut comprendre. Reste que l’EIST constitue un levier vers l’interdisciplinarité, dont les enseignants sont par ailleurs plutôt demandeurs.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2014 de la mission « Enseignement scolaire ».

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

(par ordre chronologique)

Ø Fondation La main à la pâte – M. Pierre Léna, président, astrophysicien, membre de l’Académie des sciences

Ø Inspection générale de l’éducation nationale – M. Gilbert Pietryk, groupe physique-chimie, M. Dominique Rojat, doyen du groupe sciences et technologies du vivant, de la santé et de la terre, et M. Philippe Claus, doyen du groupe de l’enseignement primaire

Ø Université de Cergy-Pontoise – M. Denis Butlen, professeur de mathématiques

Ø Groupe de réflexion interdisciplinaire des programmes (GRIP) – M. Jean-Pierre Demailly, mathématicien, professeur à l’Université de Grenoble, président, Mme Isabelle Voltaire, professeur agrégée de mathématiques, et Mme Muriel Strupiechonski, professeur des écoles à Cannes-Écluse

Ø Femmes et sciences – Mme Véronique Ezratty, vice-présidente

Ø Association Femmes ingénieurs – Mme Suzanne Mathieu, trésorière et coordinatrice des actions de promotion du métier d’ingénieur dans les établissements scolaires

Ø Association Femmes et mathématiques – Mme Véronique Chauveau, vice-présidente

Ø Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) – Mme Claire Krepper, secrétaire nationale – secteur éducation, Mme Stéphanie de Vanssai, conseillère technique, et M. Anthony Lozac’h, conseiller technique

Ø Syndicat national des lycées et collèges (SNALC-CSEN) – M. François Portzer, président, et M. Jean-Remi Girard, secrétaire national

Ø Syndicat national des écoles (SNE-CSEN) – M. Pierre Favre, président, et M. Ange Martinez, vice-président

Ø Syndicat national des enseignements du second degré-FSU (SNES-FSU) – Mme Sandrine Charrier, secrétaire nationale en charge du secteur contenus, et M. Xavier Hill, membre du secteur lycée, responsable du groupe sciences de la vie et de la terre

Ø Table ronde avec les associations disciplinaires :

– Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public – Mmes Agnès Gateau (commission primaire) et Mme Catherine Chabrier (commission collège)

– Union des professeurs de physique-chimie – M. Vincent Parbelle, président, et M. Loïc Poullain, responsable de la formation des professeurs des écoles en physique-chimie à l’école supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) de Rennes

– Association des professeurs de biologie et de géologie – M. Serge Lacassie, président, et M. Gilbert Faury, secrétaire général

Ø Table ronde avec les associations de parents d’élèves :

– Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) – Mme Nathalie Gaujac, vice-présidente, et Mme Cécile Blanchard, chargée de mission

– Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – Mme Valérie Marty, présidente, Mme Hana Ben Azouz, membre conseiller

– Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves (UNAAPE) – Mme Anna Ang, secrétaire générale, et Mme Nadya Dengel, secrétaire générale adjointe

Ø Mme Maryvonne Audren, conseillère pédagogique du premier degré

Ø M. Olivier Rebena, professeur des écoles, et M. Francis Dufailly, directeur de l’école élémentaire Joliot-Curie de Bagneux

Ø Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs des écoles et PEGC (SNUipp- FSU) – M. Pierre Garnier et M. Claude Gautheron, secrétaires nationaux

Ø Association nationale des CEMEA – Mme Anne Sabatini, responsable nationale du secteur école, M. Guy Manneux et M. Bernard Gillot

Ø Institut coopératif de l’école moderne (ICEM-pédagogie Freinet) – Mme Catherine Chabrun, secrétaire générale

Ø Ministère de l’éducation nationale – direction générale de l’enseignement scolaire – M. Jean-Paul Delahaye, directeur général, Mme Marie-Claire Mzali-Duprat, chef du bureau des écoles, et M. Hervé Lesnard, chargé d’études

Ø Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN-CFDT) – M. Albert Ritzenthaler, secrétaire national, et Mme Annie Catelas, secrétaire nationale

Ø Syndicat national des directeurs, instituteurs et professeurs des écoles de l’enseignement public (SNUDI-FO) – M. Rémi Candeiller, secrétaire national

Ø Syndicat national Force ouvrière des lycées et collèges (SNFOLC) –M. Jean-Christophe Vayssette, secrétaire national

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