N° 1430 tome II - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1430

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2014
(n° 1395)

TOME II

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

FORÊT

PAR M. André CHASSAIGNE

Député

——

Voir les numéros : 1395, 1428.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN BUDGET EN HAUSSE QUI MÉRITE D’ÊTRE SALUÉ 7

A. LE PROGRAMME 149 CONNAÎT UNE HAUSSE SUBSTANTIELLE DANS UN CONTEXTE CONTRAINT POUR LES FINANCES PUBLIQUES 7

B. ACTION 11 : GESTION DES FORÊTS PUBLIQUES ET PROTECTION DE LA FORÊT 8

C. ACTION 12 : DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA FILIÈRE ET GESTION DURABLE 10

D. ACTION 13 : FONDS STRATÉGIQUE DE LA FORÊT ET DU BOIS 11

1. Une initiative nécessaire 11

2. Un financement qui devra être complété 11

II. L’EXPORTATION DE LA MATIÈRE PREMIÈRE DANS LA FILIÈRE FORÊT-BOIS 13

A. LA FILIÈRE BOIS CONNAÎT UNE SITUATION PARADOXALE : MALGRÉ UNE EXCELLENTE DOTATION EN MATIÈRE PREMIÈRE, LA SITUATION DE NOS EXPORTATIONS EST EN FORTE DÉGRADATION 13

1. La forêt représente un atout remarquable pour la France 13

2. Mais sa sous-valorisation obère les performances de la filière à l’export 13

a. Une forêt morcelée 14

b. Un potentiel d’exploitation sous-utilisé 14

c. Une moindre demande du marché international pour les bois français 15

d. Des politiques douanière et sanitaire très favorables aux importations 16

e. Un manque d’investissement dans l’industrie de transformation 16

3. Le risque d’une concurrence entre les usages du bois 17

B. CE CONSTAT APPELLE UNE INTERVENTION VIGOUREUSE DES POUVOIRS PUBLICS, DANS UN CONTEXTE DE FORTE DÉGRADATION DE NOTRE COMMERCE EXTÉRIEUR 18

1. Une prise de conscience s’est fait jour depuis 2012 parmi les acteurs de la filière et les pouvoirs publics mais il conviendra de maintenir l’effort sur la durée 18

2. Comment aller plus loin 19

a. Renforcer et pérenniser les ressources de la filière 19

b. Développer les certifications 20

c. Favoriser la contractualisation 21

d. Relancer l’investissement en R&D dans les industries de deuxième transformation 22

EXAMEN EN COMMISSION 23

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 25

INTRODUCTION

La gestion de la forêt française est longtemps demeurée cantonnée à ses usages patrimoniaux : il importait de préserver et d’entretenir ce capital naturel loué dès l’Antiquité par César, qui a fait et fait toujours la fierté de notre pays.

Nous n’en sommes pas restés là. Avec la montée des préoccupations liées au changement climatique, la forêt s’est vue investie d’une nouvelle mission : elle devient un moyen d’action contre le réchauffement en raison de sa capacité à capturer le dioxyde de carbone issu de l’activité humaine, ainsi qu’une réserve précieuse de biodiversité.

Néanmoins l’une de ses fonctions, pourtant la plus ancienne, a tardé à être perçue, en France, comme composante à part entière des bénéfices rendus par la forêt. Je pense à sa fonction économique. Le potentiel productif de la forêt française demeure en effet sous-exploité.

Faut-il y voir le signe de modes de vie de plus en plus « urbains », qui auraient rendu la plupart d’entre nous aveugles au rôle productif de nos campagnes ? Qu’importe. Le principe de multifonctionnalité de la forêt est aujourd’hui inscrit dans notre droit depuis la loi de modernisation de l’agriculture du 27 juillet 2010. Il importe désormais de faire de ce principe une réalité, en organisant une exploitation raisonnée, responsable et durable de nos ressources forestières, source d’activité et d’emploi sur les territoires ruraux, tout en veillant à la bonne cohabitation entre les différents usages et usagers de l’espace forestier.

Certes, les dernières années ont vu se développer la consommation de bois pour de nouveaux usages : l’utilisation du bois comme source de production d’énergie au premier chef, qui est un élément essentiel de la transition énergétique, mais aussi la valorisation du bois dans le secteur de la construction, à des fins d’isolation notamment.

Mais la filière demeure peu organisée et le niveau de production limité au regard du potentiel de notre forêt. Plusieurs facteurs l’expliquent : la dispersion des parcelles, une organisation insuffisante des propriétaires, une structuration insuffisante des massifs, le moindre attrait du marché pour les feuillus, qui constituent les deux tiers de notre forêt, le manque d’investissement dans l’industrie de transformation également.

La conséquence en est que la France tend à se trouver, dans le domaine du bois, dans la situation d’un pays en voie de développement : en raison de l’insuffisance de notre appareil productif, nous exportons de plus en plus de matière première sans la transformer nous-mêmes. Conséquence, la filière bois est devenue le deuxième poste le plus déficitaire de notre commerce extérieur après l’énergie, avec un déficit de 6,9 milliards d’euros en 2012. À l’heure où le Gouvernement a fait du renforcement de la compétitivité de nos exportations une priorité, et du développement du « fabriqué en France » un levier du redressement productif et de la croissance, il est crucial de prendre conscience de la contribution que peut y apporter la filière bois.

Une prise de conscience se fait jour, en particulier depuis 2012, notamment pour les secteurs économiques qui pâtissent le plus de la faiblesse des soutiens et outils publics, et de l’absence de vision stratégique à long terme. À cet égard, je tiens à saluer les premiers jalons posés par les pouvoirs publics, en particulier par le ministre de l’Agriculture, pour revivifier notre filière bois, avec la création d’un Fonds stratégique du bois et de la forêt, innovation de ce budget, et l’élaboration d’un Plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois, co-signé par les ministres de l’Agriculture, de l’Écologie et du Redressement productif. Si la direction retenue est la bonne, il importera de veiller à une mise en œuvre rapide et déterminée des mesures proposées.

Je souhaiterais également insister sur certaines mesures qui peuvent être décisives et qui ne me paraissent pas tenir la place qu’elles méritent dans l’agenda retenu par le Gouvernement.

Il y a urgence à mieux valoriser le potentiel productif de notre forêt. Il en va de l’emploi, il en va de la position de notre pays dans le commerce mondial, et il en va de la vie de nos campagnes.

*

* *

Le programme budgétaire qui nous est présenté prend la mesure des enjeux auxquels sont confrontées la forêt et la filière bois françaises. Si des questions essentielles demeurent posées, votre rapporteur souhaite saluer l’effort accompli par le Gouvernement et émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Forêt ».

Numéro et intitulé du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI 2013

Demandées pour 2014

Ouverts en LFI 2013

Demandés pour 2014

149

Forêt

290 765 275

320 872 851

315 438 843

338 237 420

11

Gestion des forêts publiques et protection de la forêt

209 754 847

240 057 785

213 778 631

244 061 443

12

Développement économique de la filière et gestion durable

81 017 428

66 447 832

101 660 212

68 652 787

13

Fonds stratégique de la forêt et du bois (nouveau)

 

14 367 234

 

25 523 190

Le programme 149 définit la politique nationale en matière de forêt et de filière bois. Les dotations globales du programme s’élèvent à 320,87 M€ en AE (au lieu de 290,76 M€ en 2013) et à 338, 24 M€ en CP (au lieu de 315,39 M€ en 2013).

Cela représente une augmentation de 10 % en AE et de 7% en CP par rapport à la LFI 2013. Cette augmentation du budget s’inscrit en rupture avec la logique structurelle de baisse si l’on regarde les autorisations d’engagement sur le budget forêt depuis dix ans – les rares budgets en augmentation étaient essentiellement dus à la prise en compte, après 2009, des conséquences de la tempête Klaus.

Projet de loi de finances

Autorisations
d’engagement

2003

396 M€

2004

343 M€

2005

312 M€

2006

294 M€

2007

306 M€

2008

305 M€

2009

293 M€

2010

366 M€

2011

360 M€

2012

354 M€

2013

290 M€

Le programme repose sur trois grands objectifs : produire plus et mieux valoriser les ressources en bois, en développant en particulier la commercialisation ; gérer les forêts de manière durable et mieux préserver la biodiversité ; anticiper le phénomène du réchauffement climatique.

Il prend en compte également la gestion des risques : ses crédits ont visé ainsi à la reconstruction des forêts après les tempêtes de 1999 et 2009 ; ils portent aussi de manière structurelle sur la restauration des terrains en montagne comme sur la défense des forêts contre les incendies.

Les dotations du programme sont dorénavant réparties en trois actions :

– L’action 11 Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, où sont recherchées la pérennisation des régime et patrimoine forestiers et la prévention des risques ;

– L’action 12 Développement économique de la filière et gestion durable, qui vise la compétitivité de la filière bois et la gestion durable de la forêt ;

– L’action 13 Fonds stratégique de la forêt et du bois, qui a pour objectif de soutenir les actions de développement dans le domaine de la forêt et du bois pour répondre aux deux défis du secteur forestier : l’adaptation au changement climatique et le développement de la filière bois. Il est alimenté par le transfert d'une partie des crédits de l’action 12 (investissements forestiers, modernisation des scieries, animation de filières, études, recherche), renforcé par un versement de 3,7 M€ par les chambres d’agriculture sur le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti et par le produit de l’indemnité de défrichement qui sera rattaché par fonds de concours.

Les crédits de l’action 11 (74,8 % du programme) s’élèvent en 2014 à 240,06 M€ en AE (209,75 M€ en 2013) et à 244,06 M€ en CP (213,77 M€ en 2013).

Ils connaissent donc une augmentation significative de 14 % en AE et de 12 % en CP.

   

PLF 2013

PLF 2014

   

AE

CP

AE

CP

Action 11

Gestion des forêts publiques et protection de la forêt

209 745 847

213 776 631

240 057 785

244 061 443

11

ONF - Versement compensateur

120 400 000

120 400 000

140 400 000

140 400 000

12

ONF – MIG

21 262 632

21 262 632

22 316 232

22 316 232

13

ONF - autres subventions

43 800 000

43 800 000

53 400 000

53 400 000

14

DFCI cofinancée

1 886 168

2 916 952

1 836 532

2 840 190

15

RTM cofinancée

1 217 967

2 217 967

1 185 916

2 185 916

16

DFCI non cofinancée

11 800 000

13 800 000

11 800 000

13 800 000

17

RTM non cofinancée

7 716 580

7 716 580

7 500 355

7 500 355

18

Acquisition de forêts par l'État ou les collectivités territoriales

950 000

950 000

925 000

925 000

19

Classement et lutte phytosanitaire

712 500

712 500

693 750

693 750

Malgré les contraintes financières très fortes qui pèsent sur le programme 149, l’État fait un effort significatif en abondant les crédits versés à l’ONF de 30 M€ en AE et CP pour consolider sa situation financière face à la conjoncture difficile. La subvention pour charge de service public de l’ONF pour 2014 s’élève ainsi à 216,2 M€ (+16 % par rapport à la LFI 2013).

Le régime forestier concerne les forêts du domaine privé de l’État (forêt domaniale) et des collectivités. Ces forêts représentent seulement 25 % de la superficie des forêts françaises mais contribuent à près de 40 % de la récolte de bois. La gestion de ces forêts est assurée par l’Office national des forêts (ONF).

Les crédits affectés à la protection de la forêt sont quasi stables (-0,3 M€) en AE et CP. Ils concernent le financement :

– de missions d’intérêt général confiées à l’ONF : travaux d’investissement sur les dunes littorales, restauration des terrains en montagne (RTM), exercice des missions des services forestiers de l’État dans les DOM, protection des forêts contre les incendies en région méditerranéenne (DFCI) ;

– des transferts aux collectivités territoriales pour des travaux de RTM et d’entretien des forêts de montagne, le fonctionnement des équipes de forestiers sapeurs ;

– des dépenses d’investissement de l’État concernant la RTM.

Les crédits de l’action 12 représentent 20,7 % des moyens du programme ; ils poursuivent deux objectifs : le développement économique de la filière forêt-bois et la gestion durable des forêts.

   

PLF 2013

PLF 2014

   

AE

CP

AE

CP

Action 12

Développement économique de la filière et gestion durable

81 002 428

101 645 212

66 447 832

68 652 787

21

Investissements forestiers cofinancés

4 994 822

11 710 857

0

0

22

Chablis Klaus

44 000 000

51 104 235

41 693 620

42 898 575

23

Mécanisation cofinancée

1 520 000

2 304 292

0

0

24

Modernisation des scieries

1 600 000

2 849 185

0

0

25

Centre National de la Propriété Forestière (CNPF)

16 356 379

16 356 379

16 050 000

16 050 000

26

Soutien aux organismes, études, recherche

10 293 588

10 293 588

8 704 212

8 704 212

27

Animation des filières régionales

2 237 639

5 026 676

0

0

28

Prêts bonifiés

0

2 000 000

0

1 000 000

Cette action présente une baisse de 18 % (14,6 M€) en AE et 32 % (33,1 M€) en CP qui résulte principalement du changement de rythme des engagements et paiements du plan Klaus et du redéploiement sur l’action 13 des crédits d’intervention destinés à la filière forêt-bois (investissements forestiers, modernisation des scieries, animation de filières, études, recherche).

Les crédits chablis Klaus sont en baisse de 5 % (2 M€) en AE et 15 % (8 M€) en CP. Toutefois, l’accès désormais ouvert aux cofinancements communautaires permet la revalorisation des enveloppes destinées à la reconstitution des forêts landaises principalement touchées. Les crédits consacrés aux conséquences de la tempête Klaus, survenue dans trois départements du Sud-Ouest en janvier 2009, concernent le nettoyage et la reconstitution des parcelles. Initialement, le plan Klaus avait une durée de 8 ans et s’étendait sur la période 2009-2016. Son montant initial était de 415 M€, et fin 2012, les ouvertures de crédits décidées en loi de finances s’élevaient à 304 M€, l’accent ayant été mis sur les premières années du plan. Il restait donc à ouvrir 111 M€ d’AE pour les années 2013 à 2016 soit 28 M€ par an en moyenne. En 2012, le Gouvernement a décidé d’attribuer une dotation complémentaire de 12 M€ par an sur cinq ans. Le niveau de la dotation budgétaire accordé au plan Klaus en 2014 est donc de 41,7 M€ en AE et de 43,9 M€ en CP.

Les crédits d’investissements forestiers, de mécanisation, de modernisation des scieries, d’études et d’animation des filières sont globalement en baisse de 57,8 % en AE et de 72,9 % en CP, en raison du transfert de l’essentiel de ces charges vers le Fonds stratégique de la forêt et du bois (action 13).

Enfin, la subvention versée au Centre National de la Propriété Forestière diminue de 1,9 % et passe à 16,05 M€.

Comme le soulignait votre rapporteur pour avis dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2013, « la forêt française souffre de sous-investissement. Le maintien des surfaces boisées occulte les graves difficultés auxquelles est confrontée la filière forestière, évoquées dans la seconde partie du présent rapport. Sans soutien, la filière continuera à péricliter alors même que le bois devient incontournable dans les développements des énergies thermiques et que la forêt est un élément essentiel du maintien de la biodiversité et de la lutte contre le changement climatique. »

La filière avait donc besoin d’un fonds stratégique pour financer des investissements d’avenir. Il faut signaler à cet égard qu’un fonds dédié à la forêt a existé de 1946 à 1999. En effet, après la fin de la seconde guerre mondiale, dans le cadre du Conseil National de la Résistance, il avait été décidé de créer un Fonds forestier national (FFN) destiné à accorder des aides aux reboisements aux particuliers et aux communes afin d’augmenter la production de bois pour la reconstruction du pays et l’industrie de la production papetière. Le FFN fut supprimé en 1999, d’une part au regard de la complexité de la perception de ses ressources et parce qu’elles augmentaient les charges des professionnels concernés, mais aussi parce qu’il n’était pas conforme à la réglementation communautaire. Sur ce dernier aspect, il convient de préciser que la France aurait pu demander, et peut-être obtenir, une dérogation, ce qu’elle n’a pas fait.

Le fonds stratégique créé par le PLF 2014 prend la forme d’une nouvelle action du programme 149 : l’action 13 « Fonds stratégique de la forêt et du bois ».

Le PLF 2014 prévoit que le fonds est alimenté par le transfert d'une partie des crédits de l’action 12 (investissements forestiers, modernisation des scieries, animation de filières, études, recherche), renforcés par un versement de 3,7 M€ par les chambres d’agriculture sur le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti et par le produit de l’indemnité de défrichement qui sera rattaché par fonds de concours, qui devrait s’élever à 18 M€.

Comme l’indique le projet annuel de performance, le fonds stratégique est destiné aux interventions de développement et d’accompagnement de l’investissement dans les filières amont et aval.

   

PLF 2013

PLF 2014

   

AE

CP

AE

CP

Action 13

Fonds stratégique forêt-bois

-

-

14 367 234

25 523 190

31

Investissement forêt et filière bois

-

-

10 473 116

21 629 072

32

Animation, études, recherche et innovation

-

-

3 894 118

3 894 118

Votre rapporteur regrette toutefois, comme plusieurs des professionnels qu’il a entendus, la modestie de l’effort consenti au regard des enjeux de la filière bois, et propose des pistes pour renforcer l’abondement du Fonds stratégique de la Forêt et du Bois (FSFB) en deuxième partie du présent rapport.

Les forces de notre forêt sont nombreuses : la France abrite la quatrième forêt européenne par sa taille, après la Suède, la Finlande et l’Espagne, et la troisième en incluant la forêt guyanaise. Composée pour les deux tiers de feuillus et pour un tiers de résineux, elle contient des essences variées et bénéficie d’un entretien globalement satisfaisant, grâce notamment à l’action de l’Office national des Forêts (ONF), qui gère directement 25 % de la surface forestière.

Bien entretenue, la forêt française est également productive : la production biologique est estimée à 80 Mm3 en 2011, chiffre très satisfaisant compte tenu des retombées de la tempête Klaus de janvier 2009.

Malgré ces atouts, les performances de la filière forêt-bois française demeurent très décevantes. Le déficit total de la filière forêt-bois se chiffre aujourd’hui à 6,9 Mds €. Sur ce total, 4,7 Mds € concernent le papier et le carton, 1,7 Mds € le mobilier et 0,36 Mds € les grumes. Elle représente le deuxième poste le plus déficitaire du commerce extérieur après l’énergie.

À cette situation extérieure dégradée s’ajoute une diminution, en termes absolus comme relatifs, de la valeur ajoutée créée par la filière. Selon le constat dressé par le récent « Plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois », « en 2001, la valeur ajoutée [créée] par le secteur forestier et le secteur de la transformation du bois et des produits papetiers s’élevait à 20,4 Mds €, soit une contribution égale à 5,0 % de la valeur ajoutée créée en France, hors activités tertiaires, (ou à 1,3% de la valeur ajoutée totale). En 2008, soit au début de la crise, elle ne s’élevait plus qu’à 15,2 Mds €, soit une contribution ramenée à 3,9 % (ou à 0,9 % de la valeur ajoutée totale). »

Il en découle une situation dégradée de l’emploi dans la filière : « dans le même temps, l’emploi dans la filière est passé de 343 000 équivalents temps plein à 254 000 ».

Les auditions conduites par votre rapporteur ont confirmé ce diagnostic et fait ressortir les causes suivantes de cette situation dégradée :

La pleine exploitation du potentiel productif de la forêt est obérée par son morcellement. La surface boisée française se répartit comme suit :

– La forêt domaniale représente 9 % des surfaces boisées en France ;

– Les forêts relevant des collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes, en constituent 16 % ;

– Enfin, 75 % sont possédés par des propriétaires privés, dont les trois quarts possèdent moins de 4 ha.

À l’exception d’exploitations, notamment les plus importantes, les propriétaires privés sont insuffisamment organisés et ne planifient pas leurs coupes. S’y ajoute, dans certaines communes, la problématique des « biens sectionaux », dont la mobilisation des bois est parfois freinée par des raisons diverses : absence d’habitants, remise en cause des droits des ayants droit, volonté locale de sanctuarisation…

La multiplicité des propriétaires, conjuguée à l’organisation insuffisante de la filière et aux handicaps du relief, diminue les possibilités d’exploitation et la mise en commun des dessertes, qui pèchent particulièrement en montagne. En conséquence, la forêt publique continue d’assurer 40% des approvisionnements en bois pour seulement 25% de la surface boisée.

La fiscalité des produits de la forêt privilégie une approche conservatoire plutôt que productive, ce qui contribue à expliquer que la production effective de la forêt française demeure bien inférieure à son potentiel.

Les usages de la forêt sont pourtant complémentaires : une gestion raisonnée et prospective des bois ne nuit pas mais participe au contraire au bon entretien de ceux-ci.

Ce fait est dû également à une gestion par à-coups de leur patrimoine forestier par certains propriétaires privés. Il en résulte un déficit d’approvisionnement en termes de quantité et de prévisibilité pour l’aval de la filière. Donner à la profession les moyens nécessaires pour conduire une politique d’animation performante auprès des propriétaires privés est un enjeu décisif. Le but étant de favoriser l’exploitation raisonnée à l’échelle des massifs plutôt que les coupes réalisées en fonction de besoins de financement ponctuels. Cette ambition doit s’inscrire dans le cadre d’actions collectives, associant tous les acteurs de la propriété privée (Interprofession, scieurs, associations de sylviculteurs et de propriétaires, Centre régional de la propriété forestière…). Ces actions sont des pistes potentielles pour répondre au défi récurrent de la sous-exploitation, laquelle ne trouvera pas de réponse adaptée avec l’implantation d’unités industrielles surdimensionnées. En effet, ce type d’exploitation fait peser le risque d’un épuisement de la ressource et d’un impact négatif sur la biodiversité et le patrimoine forestier dans la mesure où, pour des raisons de rentabilité, les prélèvements se concentreront sur la ressource immédiatement exploitable.

À l’opposé, une politique d’animation efficace doit s’attacher à rendre « exploitable » les nombreux massifs qui, souffrant d’une topographie pénalisante et d’une insuffisance de dessertes, restent inexploités. De plus, ces choix offriraient des débouchés pour l’ensemble des petites unités (entrepreneurs de travaux forestiers, scieries) dont la pérennité et le développement sont des enjeux essentiels pour la filière.

Enfin, des mesures incitatives à l’attention des propriétaires dont la ressource est difficilement exploitable et valorisable doivent être envisagées. Elles permettraient une meilleure gestion de la forêt en dynamisant l’exploitation des massifs enclavés et des vieux bois qui présentent des risques sanitaires.

Par ailleurs, s’agissant de la forêt publique, les forêts communales sont parfois sous-exploitées. Ici encore, certaines communes, dont la situation financière n’appelle pas de recettes urgentes, ne s’inscrivent pas dans des plans de valorisation tenant compte de l’impact des approvisionnements sur l’industrie.

Au total, une partie significative de la production biologique de la forêt n’est pas utilisée. Ce constat avait déjà été souligné par le Conseil économique, social et environnemental dans son rapport sur « La valorisation de la forêt française » d’octobre 2012 : « Environ 40 Mm3 de bois destinés à la filière ont été prélevés en 2010 dont 60 % de feuillus et 40 % de résineux. Il faut y ajouter les prélèvements pour autoconsommation (chauffage individuel d’appoint), difficiles à quantifier avec précision, mais qui, selon certaines estimations, pourraient atteindre 20 Mm3 par an. La production biologique annuelle, serait comprise entre 80 et 100 Mm3 ». Seuls 50 % à 60 % sont donc prélevés sur l’accroissement annuel de bois disponible.

Il en résulte un approvisionnement trop faible de l’industrie française et un recours croissant à des bois importés.

Le marché mondial affiche une préférence de longue date pour les bois résineux, qui ne constituent que 33% de la forêt française. Cela n’est pas seulement lié aux propriétés intrinsèques des essences concernées. Si le marché privilégie les bois résineux, c’est aussi et surtout parce que ceux-ci bénéficient de procédures de normalisation et de certification établies de longue date. Ces procédures permettent d’identifier l’origine et/ou les propriétés et la qualité du bois, renforçant la lisibilité des produits proposés. À l’inverse, les feuillus ne disposent pas de standards largement reconnus, ce qui rend leur production moins fiable et moins lisible.

La politique douanière européenne, qui impose peu ou aucune barrière aux importations, est également un handicap pour nos exportations de bois. Par comparaison, la Chine taxe précisément les importations de produits issus de la transformation du bois à la mesure de leur position dans la chaîne de valeur : 8% pour les grumes, 18 % pour les sciages et les planches, 40 % pour le parquet et 100 % pour les meubles. À ce titre, il faut noter l’augmentation de 16 % du volume de grumes résineux, exporté vers la Chine, au premier semestre 2013. Dans ces conditions, une évolution des règles sur le marché international doit être réfléchie avec la perspective d’introduire des critères de réciprocité commerciale. Ainsi, la quantité de bois exporté en grumes pourrait être progressivement conditionnée à un volume correspondant exporté en sciage.

De plus, les contraintes sanitaires insuffisantes sur les bois exportés peuvent introduire une concurrence déloyale. Le renforcement des contrôles doit être une priorité avec l’objectif de déboucher sur des attestations certifiant que le bois est écorcé et que le traitement est réalisé dans le cadre de règles précisément définies et débouchant sur un contrôle administratif strict.

Les scieries constituent le maillon le plus vulnérable de la filière bois française : leur petite taille rend périlleux, voire impossibles, les investissements indispensables à leur modernisation. Constituée pour l’essentiel de petites et moyennes entreprises, la filière peine à faire émerger des projets collectifs, permettant de se regrouper pour réaliser les investissements décisifs nécessaires pour mieux répondre aux attentes des gros clients, notamment les acheteurs étrangers.

En conséquence, nos scieries pâtissent de systèmes de séchage insuffisants et d’un manque de procédures de calibrage et de certification des bois, qui permettraient pourtant de mieux valoriser leurs opérations.

De plus, l’industrie française du sciage est mal adaptée aux ressources des forêts françaises : elle est dotée pour l’essentiel d’outils conçus et fabriqués en Europe du nord pour le traitement des bois résineux, minoritaires en France. Faute d’équipements adaptés, les bois feuillus sont plus chers à traiter et subissent une décote à la transformation.

Cette inadaptation de l’appareil productif explique que les grumes constituent le poste le moins déficitaire de la balance commerciale de la filière : il représente 0,36 Mds d’€, soit 4 % du déficit total.

Si ce chiffre témoigne des difficultés de la filière à valoriser la matière première, il faut cependant relativiser les constats alarmistes, parfois entendus, concluant au pillage de la forêt française par l’exportation. De fait, la croissance des exportations de grumes apparue depuis 2008, particulièrement vers la Chine, a réveillé des inquiétudes légitimes sur la capacité de l’industrie française à valoriser le bois produit sur le territoire national et des interrogations sur la volonté politique de limiter ces exportations.

Mais il faut tenir compte des retombées de la tempête Klaus, intervenue en janvier 2009, qui a brusquement accru le volume de bois brut disponible contribuant à la saturation de l’industrie de transformation nationale et à l’accroissement de la part exportée de la production. De plus, malgré cet afflux subit de matière première, seuls 15% du bois produit sont exportés, et la part de la Chine dans ces exportations reste limitée à 15%, ce qui représente 2,25% du bois produit, quand 80% de nos exportations de bois sont à destination de nos partenaires européens.

Reste que ce bois devrait trouver à être valorisé sur le territoire français même, où il pourrait être source de valeur ajoutée et d’emploi.

À la suite des mesures prises lors du Grenelle de l’environnement, une quantité croissante de bois est utilisée pour la production d’énergie. Il en résulte des approvisionnements insuffisants en bois d’industrie et en bois d’œuvre, accentuant par contrecoup le recours croissant aux importations de bois « nobles ».

Il importe de prendre conscience du gâchis potentiel que recèle la montée du recours au bois énergie pour la forêt française. Si la consommation de bois pour produire de l’énergie doit être développée dans le cadre de la transition énergétique, cela ne doit pas se faire au détriment des autres usages du bois, en particulier quand il est d’une qualité suffisante pour être valorisé dans l’industrie. Les utilisations du bois doivent rester conformes à la hiérarchie des essences et des usages.

Au cours des années 2012 et 2013, le bois énergie est particulièrement entré en concurrence avec le bois de trituration, utilisé pour la production de pâte à papier et de panneaux. Le déficit d’approvisionnement a appelé le recours à des bois plus gros, par nature plutôt destinés à la construction. Des parcelles boisées sont rasées, au détriment du sciage de produits de qualité, pour faire de la plaquette forestière ou fournir des usines de granulation.

En outre, le bois utilisé pour la production d’énergie est plutôt du bois jeune. Cet usage accru ne devrait pas faire perdre de vue la nécessité de préserver l’avenir en maintenant des massifs suffisants pour assurer les besoins en bois industrie et en bois d’œuvre des générations futures.

Aujourd’hui, la volonté se fait jour au sein du Gouvernement de renforcer la structuration et la compétitivité de la filière dans son ensemble.

Il convient de saluer l’approche globale qui a été retenue pour aborder les difficultés de la filière bois : la mobilisation du bois doit être traitée conjointement aux enjeux liés à sa transformation et à ceux de l’export. Votre rapporteur se félicite tout particulièrement de l’implication nouvelle du ministère du redressement productif, car l’aval du secteur bois avait singulièrement manqué de vision et d’investissement politiques.

Marqueur de cette ambition, un « Plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois » a été cosigné en octobre 2013 par la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et le ministre du Redressement productif. Le principe de multifonctionnalité de la forêt, contenu dans la loi, se traduit donc désormais concrètement dans une politique publique globale.

Des mesures proposées par ce Plan, les suivantes méritent d’être particulièrement saluées :

– La création d’un Fonds stratégique de la Forêt et du Bois (FSFB). Les moyens du fonds se concentreront sur l’amont de la filière, en complément du Fonds Bois et du Comité stratégique de filière dont la mission sera de favoriser une organisation de son aval ;

– La création d’un nouveau Fonds Bois au sein de la Banque publique d’investissement (BPI), qui remplacera celui créé en 2009, sous la forme d’un Fonds commun de placement. Il contribuera aux besoins de financement en fonds propres des entreprises, particulièrement nécessaires en raison de leur taille réduite, en coopération avec les organisations professionnelles. L’abondement prévu est de 40 M€, dont la moitié apportée par des investisseurs privés ;

– La constitution d’un Comité stratégique de filière au sein du Conseil national de l’industrie. Placé sous la double tutelle du ministre chargé de l’industrie et du ministre chargé de la forêt, il doit regrouper des représentants des groupements professionnels, des organisations syndicales et les pouvoirs publics pour arrêter les objectifs prioritaires de la filière et assurer une utilisation concertée de la ressource entre les différentes parties prenantes. Cette stratégie s’appuiera sur le programme national de la forêt et du bois, conçu par le Conseil supérieur de la forêt et du bois, dont une réforme est annoncée.

Néanmoins, ces initiatives resteront infructueuses si elles ne s’inscrivent pas dans une perspective de long terme. Il incombera à notre Assemblée de veiller à une mise en place rapide de ces mécanismes, de contrôler leur efficacité et, s’agissant des fonds, de s’assurer de leur abondement régulier.

Dans cette optique, le Comité stratégique de filière devrait être effectivement installé à la fin de l’année 2014. S’agissant du FSFB, une mise en place opérationnelle s’impose au plus vite pour relever les défis actuels. De plus, ces initiatives devraient être animées par la nécessité de susciter chez l’ensemble des acteurs forestiers une prise de conscience de la solidarité entre les usages de la forêt.

La création d’un fonds dédié aux enjeux de la filière bois s’imposait, a fortiori depuis la suppression du Fonds forestier national en 1999, et va incontestablement dans le bon sens. Pourtant, on peut regretter la modestie de l’effort consenti au regard de l’ampleur des transformations qui s’imposent. Le Gouvernement a lancé un programme ambitieux pour la forêt et la filière bois. Mais l’abondement initial du fonds et les recettes qui lui sont affectées sont à l’évidence insuffisants pour reconstruire la filière.

Or, comme votre rapporteur l’avait proposé dans son rapport pour 2013, le fonds pourrait bénéficier d’un financement provenant d’une partie du produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre telle que prévue aux article 3 quinquies et 10 de la directive 2003/87 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61 du Conseil. Il pourrait ainsi financer des projets de développement forestier respectueux de l’environnement.

La filière bois est en effet un acteur majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. On estime aujourd’hui que les émissions nationales sont compensées à 22 % par l’impact du secteur sur le bilan carbone de la France : captation et stockage du carbone au moyen de la photosynthèse, stockage à long terme du carbone dans les produits bois et issus du bois, substitution du bois à d’autres matériaux plus énergivores, substitution du bois aux énergies fossiles.

À cet égard, votre rapporteur ne peut que déplorer le choix du Gouvernement d’affecter en totalité le produit de ces quotas, dans la limite de 590 M€ par an, à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) afin de financer son budget d’intervention. Certes, renforcer les moyens consacrés à la qualité et à la performance énergétique, ainsi qu’à l’amélioration des logements des personnes modestes sont des objectifs tout à fait louables et respectables mais les arbitrages auraient pu prévoir par exemple l’affectation des surplus éventuels à un fonds pour la forêt, surtout dans le contexte de la suppression du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » (1).

Ce nouveau fonds exige des ressources constantes dans le temps. Pour partie, il peut être alimenté par les surplus du produit de la vente des quotas au-delà du seuil de 590 M€, voire par un Fonds Forestier Stratégique Carbone aux ressources constantes (dans leur « Projet forêt-bois pour la France », France Bois Forêt et France Bois Industries Entreprises proposent l’attribution de 25 % des montants annuels de la mise aux enchères des quotas carbones). La forêt a en effet besoin d’une politique de long terme qui exige des dotations financières pérennes.

Sur la contribution de la nouvelle taxe sur le défrichement, destinée à alimenter le FSFB, votre rapporteur voudrait mettre en garde contre l’incitation paradoxale au défrichement qu’elle constitue : le fléchage de cette ressource vers un Fonds au demeurant mal pourvu pourrait encourager le défrichement à la seule fin de maintenir ses ressources.

Enfin, s’agissant du choix du véhicule dans la loi de finances, il est regrettable que le FSFB fasse l’objet d’une ligne budgétaire ordinaire. Un compte d’affectation spéciale aurait permis de garantir plus sûrement un financement pérenne du Fonds.

Le développement de démarches volontaires de certification des bois apparaît comme un outil essentiel d’une meilleure reconnaissance et valorisation des ressources forestières, et des pratiques d’exploitation. Ces démarches participent d’ailleurs très souvent de façon conjointe à l’élaboration de véritables prospectives pour les filières locales, tant en matière foncière et d’exploitation, qu’en termes de stratégie commerciale et de transformation. À l’aval, il s’agit également d’éléments d’identification de la qualité et de l’origine des bois que sollicitent de plus en plus les consommateurs.

Les bois résineux présentent davantage de propriétés communes, uniformité qui favorise leur standardisation. Mais les feuillus gagneraient beaucoup à être dotés de procédures comparables, quand la production actuelle est dispersée et insuffisamment lisible.

Des premiers pas en ce sens ont été accomplis : le syndicat mixte du pays d’Épinal a créé la marque « Terres de hêtre », et le Comité français d’accréditation a reconnu la certification « Bois des Alpes » en octobre 2013. Mais cet effort doit être intensifié.

Outre qu’elle permet aux acheteurs de localiser l’origine d’une production et qu’elle oblige à une uniformisation de l’offre, la certification permet également de mieux faire reconnaître les qualités d’un bois. Ainsi, la qualité des planches issues des bois des Alpes est réévaluée à la hausse lorsqu’elle est mesurée par un système sonore, et non uniquement « à l’œil » comme c’est l’usage, ce qui permet de revoir leur prix et d’élargir leurs domaines d’utilisation, en particulier pour le bois de construction. La certification contribue également à l’effort de maîtrise des émissions de carbone en facilitant le choix de circuits courts de production et de transport.

Dans le cadre d’une véritable prospective économique pour la filière bois de demain, le rôle de l’État dans la promotion et l’accompagnement de ces démarches volontaires de certification devrait être renforcé, en lien étroit avec les acteurs de la forêt, producteurs, transformateurs, institutionnels, et organismes français de certification.

Sur ce sujet, il convient de préciser qu’il s’agit de développer des certifications dans un cadre national ou local, afin de valoriser la matière première française et de favoriser les utilisations en circuit court. Les certifications internationales, si elles peuvent permettre d’accroître les débouchés de la filière bois française à l’export, ne remplissent pas à elles seules ces objectifs. De plus, si elles concernent une faible surface forestière nationale, elles peuvent de fait être un incitateur à l’importation de bois sciés aux dépens de nos entreprises de transformation.

La filière forestière privilégie traditionnellement les ventes de bois en bloc et sur pied : un propriétaire confie à un exploitant la coupe du bois sur une parcelle, pour une somme forfaitaire, sans préjuger du volume et de la qualité de la matière première qui sera prélevée.

Ce mode de vente présente l’inconvénient de privilégier les ventes sur une base ad hoc, laissant les industries de l’aval dans l’incertitude sur les approvisionnements à venir.

À l’inverse, le recours à la contractualisation sécurise les approvisionnements en renforçant leur prévisibilité. Ce faisant, il autorise une gestion plus rigoureuse des flux et la réduction des coûts de production.

L’ONF joue un rôle pionnier dans le développement de la contractualisation : celle-ci couvre 20 % de ses ventes de bois en 2012, et l’Office prévoit d’en faire passer la proportion à 35%.

Il serait opportun de stimuler le recours aux contrats, y compris dans la forêt privée, qui recouvre la plus grande part de la forêt française, et la moins exploitée. Une expérimentation autour de contrats simplifiés à destination des petits propriétaires pourrait sans doute permettre d’ouvrir des perspectives nouvelles de valorisation de la forêt privée, de sécurisation des propriétaires et des approvisionnements pour la filière.

Les résineux ont historiquement bénéficié d’efforts de recherche et développement bien supérieurs aux feuillus. C’est ce qui explique, pour partie, la préférence des acheteurs du marché mondial.

À l’inverse, les feuillus sont traités sur des machines inadaptées, plutôt conçues pour le traitement des résineux. Il en résulte des pertes importantes de matière première – bien regrettables alors que l’usage de la biomasse se développe.

Les organismes spécialisés dans ce domaine, notamment l’Institut technologique Forêt, cellulose, bois-construction et ameublement (FCBA), devraient voir leurs moyens renforcés pour développer des technologies adaptées au traitement des feuillus.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la Commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Marie-Lou Marcel (agriculture et alimentation) et de M. André Chassaigne (forêt), les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 6 novembre 2013, sur le site internet de l’Assemblée nationale (2)).

*

* *

À l’issue de la commission élargie, la Commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

La commission, suivant les avis favorables de Mme Marie-Lou Marcel et de M. André Chassaigne, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR)

M. Alain Lesturgez, directeur

Mme Françoise Alric, directrice adjointe

M. Yves Lessard, conseiller politique

France Bois Industrie Entreprise

Mme Emmanuelle Bour, directrice

Fédération des Forestiers privés

M. Luc Bouvarel, directeur

Office national des forêts (ONF)

M. Pascal Viné, directeur général

M. Patrick Soulé, secrétaire général

Fédération nationale du bois

M. Nicolas Douzain-Didier, délégué général 

Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)

M. Guy Fradin, président de la section « Forêt, eaux et territoires »

Direction générale des politiques agricole, agro-alimentaire et territoriale (DGPAAT)

M. François Moreau, chef du service de la forêt, de la ruralité et du cheval

Mme Florence Verrier, chef du bureau des programmes budgétaires et des établissements publics

M. Julien Massetti, chargé de mission au bureau du développement économique de la sous-direction de la forêt et du bois, au service de la forêt et de la ruralité et du cheval

M. Jean-Luc Guitton, adjoint au sous-directeur de la forêt et du bois

© Assemblée nationale