N° 1430
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2014 (n° 1395)
TOME III
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
PÊCHE
PAR Mme Annick LE LOCH
Députée
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Voir les numéros : 1395, 1428 (annexe 14).
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. DES CRÉDITS QUI ÉVOLUENT EN FONCTION DE LA NOUVELLE POLITIQUE COMMUNE DE PÊCHE (PCP) 7
A. DE NOUVELLES PRIORITÉS POUR UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DURABLE DE LA PÊCHE FRANÇAISE 7
B. UN BUDGET DE TRANSITION 8
II. LE FONDS POUR LES AFFAIRES MARITIMES ET LA PÊCHE (FEAMP) : UN ENJEU STRUCTURANT POUR LES PÊCHEURS FRANÇAIS 13
A. LE SUCCESSEUR DU FONDS EUROPÉEN POUR LA PÊCHE (FEP) S’INSCRIT DANS LA NOUVELLE POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE (PCP) 13
B. LE COMBAT POUR LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR 14
1. Initiative gouvernementale et vote du Conseil européen 15
2. Le rapport de la commission des pêches du Parlement européen 16
3. Le vote du Parlement européen 17
C. UN CALENDRIER DE MISE EN œUVRE INCERTAIN 18
Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit, pour les crédits de l’action n° 6 consacrée à la gestion durable des pêches et de l’aquaculture au sein du programme 205 (sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture) de la mission « écologie, développement et aménagement durables », une enveloppe de 49,5 M€ pour les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Toutes actions confondues, ces crédits sont en légère baisse (4,5 %) par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2013 qui s’élevaient à 51,8 M€.
Votre rapporteure tient à rappeler que l’importance du secteur économique de la pêche et de l’aquaculture ne se résume pas à son enveloppe budgétaire, mais découle bien davantage de l’activité de toute une filière, du pêcheur au consommateur.
Pour resituer l’importance du secteur de la pêche, rappelons qu’au 1er janvier 2013, la flotte de pêche française comptait 7 153 navires (totalisant une puissance de 1 000 000 de kilowatts) dont 4 578 navires en métropole et 2 575 navires dans les départements d’outre-mer (DOM).
La flotte de pêche métropolitaine se compose de :
– 105 navires de pêche industrielle et semi-industrielle (plus de 25 mètres) ;
– 795 navires de pêche artisanale et hauturière (de 12 à 25 mètres) ;
– 3 678 navires de petite pêche côtière (moins de 12 mètres).
Depuis 1995, la flotte française a diminué de 30 %, cette baisse atteignant près de 50 % pour les navires de plus de 12 mètres qui représentent, en 2013, moins de 20 % du nombre total des navires.
La moyenne d'âge des navires de métropole s’élevait à 25 ans en 2010. En raison de l’extrême difficulté à construire de nouveaux bateaux, cette moyenne d’âge risque désormais s’élever à 28 ans avec les problèmes de sécurité qui en découlent. Le secteur de la pêche a donc besoin de mobiliser tous les soutiens afin de s’inscrire de manière raisonnée dans les objectifs de durabilité et d’efficience.
Par ailleurs, même si cette question n’est pas directement de nature budgétaire, votre rapporteure tient à souligner, que sont ressorties des auditions, des incertitudes fortes concernant le devenir de la flotte hauturière française. En effet, la vente de nombreux navires à des armateurs étrangers, notamment espagnols, constitue un risque d’amputation irréversible de nos droits à produire. Il y a, à l’évidence, un travail de fond à mener – et il est d’ores et déjà amorcé – pour redéfinir le cadre juridique des droits à produire et de l’indispensable gestion collective des quotas. Au-delà, seule l’obligation qu’existe un lien économique réel entre l’exploitation des navires et le territoire français permettra de maintenir la capacité de notre flottille de pêche.
Les réformes de la politique commune de la pêche (PCP) et de l’organisation commune de pêche (OCM) constituent la toile de fond de ces crédits en faveur de la pêche. Le fonds européen pour la pêche (FEAMP), doté de 6,5 milliards d’euros et véritable bras armé de cette nouvelle politique commune, revêt donc une importance cruciale. Aussi, il apparaît opportun de lui consacrer un développement particulier.
La nouvelle PCP a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des parlementaires français. La proposition de résolution européenne adoptée par notre commission (1) en constitue une illustration très claire, comme le rappelle ces principales conclusions :
« Considérant que le secteur de la pêche doit être aidé par la puissance publique pour adapter l’outil de pêche aux nouvelles contraintes environnementales, économiques et sociales, pour améliorer la sécurité et les conditions de travail sur les navires et pour assurer de meilleurs débouchés sur le marché aux produits de la mer ;
….
6. Conteste la clé de répartition des enveloppes du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche entre les États membres sur le seul critère historique, qui désavantage la France d’une manière inacceptable et incompréhensible, demande à ce que cette répartition se fonde également sur les critères environnementaux et sociaux et regrette l’absence de soutien à la construction de navires neufs, plus sûrs, plus économes en carburant et assurant de meilleures conditions de vie à bord ;
…
8. Souhaite que la politique commune de la pêche contienne un volet social prévoyant l’harmonisation par le haut des conditions de travail des marins-pêcheurs à bord des navires et de leur protection sociale ; »
Il semble que ces positions prises unanimement par les élus nationaux et européens et les autorités françaises aient permis de faire évoluer assez sensiblement les positions initiales de la Commission européenne. Pour autant le constat partagé de la nécessité d’une pêche durable et responsable se traduit par des évolutions budgétaires significatives.
Comme l’indique le bleu budgétaire du programme 205, la mise en place de la nouvelle politique commune des pêches (PCP), adoptée en 2013, va entraîner des changements majeurs dans les politiques économiques des pêches maritimes et de l’aquaculture, mais aussi – et c’est le sens de la réforme – améliorer la protection de la ressource. Cette réforme va en effet modifier de façon notable les actions de la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA), renforcer les obligations existantes et en créer de nouvelles. Les secteurs de l’aquaculture et de la pêche vont s’engager encore davantage dans la voie du développement durable alliant préservation des ressources halieutiques et développement de l’aquaculture.
L’année 2014 sera donc une période de transition, dernière année d’engagement du fonds européen pour la pêche (FEP), même si des engagements résiduels seront encore possibles en 2015, et première année d’engagement du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), dont à ce stade les mesures concrètes restent à déterminer dans la mesure où le règlement communautaire n’est pas définitivement adopté comme nous le verrons dans la deuxième partie.
Depuis 2013 la maquette du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes », a été modifiée par l’intégration dans sa nomenclature de l’ancienne action 16 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ce changement budgétaire reflète l’intégration de la direction des pêches maritimes et aquaculture (DPMA) au ministère chargé de l’écologie (elle dépendait auparavant du ministère chargé de l’agriculture).
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||
En euros |
Ouvertes en LFI pour 2013 |
Demandées pour 2014 |
Ouverts en LFI pour 2013 |
Demandés pour 2014 |
Action n° 6. Gestion durable des pêches et de l’aquaculture |
51 880 507 |
49 500 000 |
51 880 041 |
49 500 000 |
FDC et ADP |
7 000 000 |
3 000 000 |
7 000 000 |
3 000 000 |
Total |
58 880 507 |
52 500 000 |
58 880 041 |
52 500 000 |
Source : Documents budgétaires
Le budget du secteur de la pêche se répartit entre, d’une part, les interventions économiques qui représentent l’essentiel de la dotation affectée au secteur (91,8 % soit 45,45 M€ en AE et en CP), et, d’autre part, les dépenses de fonctionnement autres que celles de personnels (8,2 % soit 4,04 M€ en AE et en CP). La mise en œuvre de cette action est en partie assurée par FranceAgrimer pour soutenir l’organisation économique des marchés et améliorer la valorisation des produits de la pêche et de l’aquaculture.
Les crédits alloués au secteur de la pêche et de l’aquaculture répondent aux objectifs de la PCP, soit que les crédits de l’État viennent en contrepartie de l’Union européenne (Fonds Européen pour la Pêche jusqu’à fin 2013 et Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche à compter de 2014), soit que l’Union participe aux dépenses engagées par l’État pour la mise en œuvre de certains règlements (contrôle des pêches), soit au cas par cas par le biais de la validation des aides d’État notifiées à la Commission européenne. Pour 2014, coexistent donc les derniers crédits liés aux actions dans le cadre du FEP (sorties de flotte, contrats bleus) à hauteur de 10,91 M€, et les premiers crédits pour les actions dans le cadre du FEAMP qui ne sont pas encore précisément définies, à hauteur de 5 M€.
Les nouveaux objectifs de la PCP se traduiront dès 2014 par des actions nouvelles en vue de la gestion des stocks au rendement maximal durable (RMD), de l’interdiction progressive des rejets, de l’utilisation de navires plus économes et d’une valorisation accrue des produits.
En contrepartie, deux dispositifs parmi les trois qui concentrent habituellement près de la moitié des crédits nationaux en faveur de la pêche sont en diminution en 2014 puisqu’ils ne correspondent plus, ou de façon moindre, à ces objectifs nouveaux :
– les plans de sortie de flotte (PSF), passent de 7 M€ en 2013 (13 % des crédits de la mission), à 2,6 M€ en 2014 (5,2 %) ;
– les contrats bleus passent de 10 M€ (19 %) en 2013, à 6 M€ en 2014 (12 %), en raison de l’extinction de la mesure ;
– la participation de l’État aux caisses de chômage pour intempéries et avaries gérées par le comité national des pêches maritimes et élevages marins (CNPMEM), pour un montant équivalent à celui des marins-pêcheurs cotisants, soit 6,84 M€, montant inchangé par rapport aux exercices précédents (16,3 %).
Par ailleurs, dans le cadre des prochains contrats de projets État-Régions (CPER) 2014-2020, une enveloppe stabilisée de 5,7 M€ est prévue pour 2014.
Parmi les autres postes budgétaires importants pour la filière, il importe de souligner l’effort en matière de suivi statistique et scientifique ainsi que le soutien aux organismes scientifiques spécialisés.
En matière de suivi statistique et scientifique, les crédits (4,35 M€ au total) sont consacrés à la recherche sur la surmortalité des naissains d’huîtres creuses (0,3 M€), aux programmes d’observations scientifiques en mer concernant par exemple les pêcheries profondes et la protection des coraux ou l’évaluation des espèces à vie courte dans les zones de production importantes (anchois du golfe de Gascogne) à hauteur de 2,8 M€ (+ 40 % par rapport à 2013), ou encore à la campagne d’évaluation de la légine dans les terres australes et antarctiques françaises (0,4 M€). S’y ajoute pour l’exercice 2014 le financement d’une étude pilote pour la mesure de l’activité de pêche des navires de moins de 12 mètres en France métropolitaine (0,85 M€).
Quant au soutien aux organismes scientifiques spécialisés, il concerne en premier chef les crédits versés à l’IFREMER, à un niveau identique à celui de l’exercice précédent, dans le cadre d’une convention qui recouvre la collecte, la saisie et le traitement des données relatives à l’activité des navires ainsi que la réalisation des travaux d’expertise sur la gestion des ressources halieutiques (1,85 M€).
Le contrôle des pêches maritimes constitue un poste important, il recouvre des crédits de fonctionnement à hauteur de 1,66 M€ et des dépenses d’intervention en faveur du développement et de la mise en œuvre d’applications informatiques et de l’équipement des navires en journaux de bord électroniques et caméras (4,30 M€). Le poste principal concerne l’application du système d’information opérationnel dont le coût est estimé à 3,2 M€, il correspond à la mise en œuvre des règlements communautaires relatifs au contrôle des pêches. Votre rapporteure souligne le niveau élevé de ces investissements pour un meilleur contrôle afin de satisfaire aux obligations européennes.
Le muséum national d’histoire naturelle bénéficie quant à lui d’une dotation de 750 000 euros, en augmentation par rapport à 2013, dans le cadre de la gestion des pêcheries des zones économiques exclusives des terres australes et antarctiques françaises (TAAF : Kerguelen, Crozet, St Paul et Amsterdam), la préservation des intérêts des pêcheurs dans les zones Natura 2000 en mer et les aires marines protégées (AMP), et l’identification et l’échantillonnage des élasmobranches (raies, requins et chimères) capturés accidentellement au cours des opérations de pêche. Une nouvelle action va être conduite dans le cadre de cette convention d’expertise sur la zone SIOFA (South indian ocean fisheries agreement) afin de déterminer les antériorités des armements français dans cette zone et fournir les données nécessaires à l’évaluation des stocks.
C. LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES SUR LES AIDES À LA PÊCHE : DES CONCLUSIONS À RELATIVISER
La Cour a procédé, sur la base des articles L. 111-1, L. 111-3, L. 111-7 et L. 133-1 du code des juridictions financières, à une enquête sur les aides de l’État à la pêche de 2000 à 2009.
Il convient tout d’abord de saluer l’importance du travail de la Cour pour améliorer la connaissance d’une politique publique assez mal connue. Il est certain que les aides à la pêche ont trop souvent par le passé souffert d’un manque de pilotage et d’expertise puisqu’elles entendaient le plus souvent répondre à un problème immédiat, l’augmentation du prix des carburants, en affichant d’autres objectifs plus structuraux comme la sélectivité ou la sécurité des navires.
On sait également que de tels dispositifs peuvent aboutir à une demande de remboursement de la partie communautaire de ces aides, les prêts au titre du « Fonds de prévention des aléas de la pêche » (FPAP) et les premiers « contrats bleus » en sont l’illustration.
C’est bien entendu l’affirmation selon laquelle la pêche serait subventionnée à hauteur de 100 % qui a déclenché les plus vives réactions et qu’il convient d’analyser ici.
En réalité le rapport de la Cour comporte le développement suivant (2) :
« Le volume des aides à la pêche, tel que leur montant dépasse l’excédent brut d’exploitation des entreprises aidées, oblige à s’interroger sur les mécanismes de marché qui aboutissent à des prix d’achat inférieurs au prix de revient. Une phrase résume les choses : " le pêcheur ne vend pas son poisson, on le lui achète ". »
En premier lieu ce constat a pour but de mettre en lumière le rôle dominant de la grande distribution sur le marché de la pêche et la conséquence de l’impossibilité pour les pêcheurs de répercuter les hausses du gazole dans leurs prix. C’est en effet elle qui constitue le débouché principal des entreprises de pêche, et c’est à elle qu’est « transféré le bénéfice des aides à la pêche par le truchement de prix placés à la limite de viabilité des entreprises, voire inférieur au coût de revient » (3).
L’audition de membres de la Cour, menée conjointement avec la rapporteure spéciale, Mme Annick Girardin, a permis de relativiser les données parues dans la presse. Tout d’abord comme l’ont indiqué les magistrats, le calcul aboutit à un pourcentage plus proche de 60 % que de 100 %. Surtout, cette présentation repose sur un amalgame entre des subventions à caractère social (subvention pour l’équilibre de l’ENIM), à caractère administratif (statistiques, contrôle des pêches) et subventions à caractère économique qui connaissent des augmentations ponctuelles comme cela a notamment été le cas en 2008 avec le plan pour une pêche durable et responsable (PPDR).
La principale critique de la Cour porte en réalité sur le défaut d’évaluation de l’impact de ces aides et un pilotage trop souvent focalisé sur le court terme. Ce champ d’action devra visiblement être davantage travaillé.
II. LE FONDS POUR LES AFFAIRES MARITIMES ET LA PÊCHE (FEAMP) : UN ENJEU STRUCTURANT POUR LES PÊCHEURS FRANÇAIS
Née en 1983 d'une adaptation de la politique agricole commune au secteur halieutique, la politique commune de la pêche (PCP) s'efforce aujourd'hui de conjuguer l'exploitation durable des ressources de la mer, le maintien de la biodiversité marine et l'assurance d'un revenu décent aux professionnels du secteur. Cette politique commune dispose d’un outil financier pour mettre en œuvre ses orientations, l'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) lancé en 1994 en a constitué la première mouture. Il a été remplacé en 2007 par le Fonds européen pour la pêche (FEP) qui a permis d’octroyer une aide financière au secteur européen de la pêche au cours de la période 2007-2013. Pour la France, cette aide s’est élevée à 216 M€, soit le même montant que pour la Roumanie.
La nouvelle mouture du cadre financier pluriannuel européen pour la période 2014-2020, le fonds pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) fait l’objet d’intenses discussions dans un contexte d’évolution importante du secteur et de prégnance du discours environnementaliste sur la surpêche.
A. LE SUCCESSEUR DU FONDS EUROPÉEN POUR LA PÊCHE (FEP) S’INSCRIT DANS LA NOUVELLE POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE (PCP)
Rappelons que les députés européens français n’ont pas voté la réforme de la PCP notamment à cause de l’objectif de zéro rejet.
Le FEAMP réunira au sein d’un même fonds les actions structurelles qui relèvent actuellement du FEP, des actions régaliennes relevant d’autres fonds communautaires (collecte des données, action de contrôle), ainsi que de nouvelles actions telles que les mesures spécifiques pour les régions ultrapériphériques (RUP) et les mesures d’accompagnement de l’organisation commune du marché des produits de la mer (OCM), qui relevaient d’autres dispositifs communautaires (FEAGA). Mais sa mission est élargie et il devra aussi servir à financer la politique maritime intégrée (PMI), qui absorbera environ 7 % de l'enveloppe totale (432 millions d'euros).
Ce nouveau fond vise à :
– aider les pêcheurs à adopter des pratiques de pêche durables ;
– aider les populations côtières à diversifier leurs activités économiques ;
– financer des projets afin de créer des emplois et d'améliorer la qualité de vie le long du littoral européen ;
– faciliter l'accès au financement.
Selon plusieurs personnes auditionnées, l’enveloppe accordée à la France devrait être significativement rehaussée par rapport au FEP pour lequel elle ne bénéficiait que de 4 % des crédits. Cette estimation de la part respective due aux différents États repose sur plusieurs critères tels que le nombre de navires et le nombre d’emplois directs dans la filière.
Le FEAMP s'inscrit dans la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, et doit respecter le cadre stratégique commun (CSC) défini pour l'ensemble des fonds structurels.
La proposition de règlement (4) contient un catalogue de mesures pouvant être financées par le FEAMP, et éventuellement cofinancées par les États membres. De ce point de vue, le FEAMP est plus restrictif que le FEP. La proposition de la Commission européenne consiste en effet à mettre fin à l'aide européenne aux plans de sortie de flotte ou encore à l'aide à l'installation des marins. De même, les aides à l'investissement y sont strictement limitées : seuls les investissements destinés à améliorer la sécurité à bord, à mieux protéger l'environnement, à améliorer la sélectivité ou encore à favoriser la transformation à terre des prises accessoires peuvent être soutenus, cette dernière action bénéficiant d'une enveloppe de 45 millions d'euros. Elle prévoit que le FEAMP puisse aussi soutenir les initiatives des organisations de producteurs en matière de plans de production et de commercialisation, à hauteur de 3 % de la valeur de la production commercialisée. L'aide au stockage doit être progressivement réduite pour être supprimée en 2019. Il est prévu de soutenir les initiatives locales de diversification ainsi que diverses mesures en faveur de l'aquaculture. Enfin, une enveloppe de 477 millions d'euros sur la période doit être consacrée au contrôle des pêches, et une autre enveloppe de 358 millions d'euros à la collecte de données et avis scientifiques, tandis que 105 millions d'euros sont sanctuarisés en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union (RUP).
Cette proposition était clairement en contradiction avec la volonté française de promouvoir une pêche durable dans un secteur compétitif. Elle a donc été combattue de manière unanime par les représentants français.
Il convient de souligner que la position française sur ce sujet est très claire : elle critique le constat sur la surcapacité de la flotte, l’introduction de concessions de pêche transférables, l’absence de volet social ambitieux permettant de créer des emplois de qualité et la suppression programmée de l’aide au stockage. Plusieurs initiatives ont permis de faire évoluer le texte dans le sens d’une meilleure prise en compte de la réalité économique de la pêche et de la nécessité d’accompagner les pêcheurs dans la démarche responsable qu’ils ont entamée depuis plusieurs années.
Il convient tout d’abord de rappeler l’initiative de M. Frédéric Cuvillier ministre délégué auprès de la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche qui a fédéré sept États autour de la France pour l’envoi d’une lettre adressée à la commissaire européenne chargée des affaires maritimes, Mme Maria Damanaki.
Cette lettre signée par la France, l’Espagne, la Pologne, Malte, l’Irlande, le Portugal, la Slovénie et la Lituanie demandait le maintien des subventions pour la modernisation et le retrait des navires, que la Commission proposait de supprimer.
Les signataires indiquaient que le nouveau Fonds de la pêche devait « intégrer pleinement la nécessité de soutenir la modernisation des navires de pêche, sans augmentation des capacités ». Selon eux, « la réduction de l’impact environnemental des activités de pêche passe par une amélioration de l’efficacité énergétique qui peut se traduire par le remplacement ou la modernisation des systèmes de propulsion et le choix d’engins plus sélectifs ». Ils prônaient également l’amélioration des conditions de vie et de sécurité des pêcheurs à bord des navires et le renforcement de la dimension sociale de la PCP.
Dans la nuit du mardi au mercredi 24 octobre 2012, les ministres européens de la pêche ont adopté un accord sur l’instrument financier pour 2014-2020. Le bras de fer a porté sur les aides à la flotte, que la Commission voulait supprimer. L’Espagne et la France sont parvenues à les maintenir. L’orientation générale a repris nombre de propositions constructives faites par la France et défendues par le ministre depuis plusieurs mois.
Le compromis prévoyait que les États puissent consacrer 15 % de leur enveloppe nationale à la casse de navires (jusqu’en 2017), aux arrêts temporaires d’activité ou à la modernisation des bateaux vers plus de confort, de sécurité, de sélectivité et d’économies d’énergie. Il prévoyait également de soutenir l’installation des jeunes, l’aquaculture, le contrôle, la collecte de données et l’outre-mer.
La commission de la pêche du Parlement européen a été ensuite saisie du projet de règlement et a nommé M. Alain Cadec (PPE) comme rapporteur. Lors de son audition commune avec Mme Annick Girardin, rapporteure spéciale de la Commission des Finances pour la mission Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture, M. Alain Cadec a expliqué son long travail de renversement des propositions initiales de la Commission.
Son rapport (5) qui proposait notamment de réintroduire des aides au renouvellement de la flotte, à la motorisation et à la sélectivité ainsi qu’au stockage a suscité le dépôt de quelque 2 000 amendements. Il a été adopté par la commission de la pêche le 10 juillet 2013.
Ses principales recommandations sont les suivantes :
Le FEAMP devrait avoir pour objectifs de : promouvoir une pêche, une aquaculture et des activités de transformation et de commercialisation qui soient durables sur le plan écologique, viables sur le plan économique et responsables sur le plan social ;
Surcapacité de la flotte : alors que la Commission justifie sa proposition de réforme de la politique commune de la pêche (PCP) par l'affirmation d'une surcapacité de la flotte de pêche européenne, les députés attirent l'attention sur le caractère discutable de ce constat en indiquant la surcapacité n'est pas définie par la Commission à ce jour, donc difficile à avérer.
Concessions de pêche transférables : les députés sont opposés à l'introduction de concessions de pêche transférables, qui constitue la mesure centrale proposée dans le règlement de base pour limiter la prétendue surcapacité. Selon eux, ce dispositif conduirait à la monétarisation des droits de pêche et mettrait en danger la pêche artisanale et côtière.
Renouvellement de la flotte : afin de renouveler et de moderniser la flotte européenne vieillissante, le FEAMP devrait contribuer à l'investissement dans de nouveaux navires de pêche en contrepartie de la démolition de navires vétustes ou de leur réaffectation à des activités autres que la pêche. Ces investissements devraient garantir un niveau supérieur de sécurité à bord, d'efficacité énergétique et de sélectivité des engins de pêche et ne devraient pas avoir pour conséquence une augmentation de la capacité de pêche.
Collecte et transmission des données : le rapport insiste sur le caractère primordial du financement de la collecte des données, pierre angulaire de la PCP et pré-requis essentiel à la définition d'objectifs précis à atteindre, notamment en ce qui concerne l'atteinte du rendement maximal durable (RMD) et une meilleure gestion de la pêche.
Fonds de mutualisation : afin de préserver les revenus des pêcheurs, le FEAMP devrait contribuer à des fonds de mutualisation couvrant les pertes dues à des catastrophes naturelles, à des phénomènes climatiques défavorables, à des accidents environnementaux ou sanitaires ou à des hausses brutales et conjoncturelles du prix du carburant.
Dialogue social : le FEAMP devrait soutenir le dialogue social aux niveaux européen, national, régional et local en impliquant les partenaires sociaux et en renforçant la capacité d'organisation de ces derniers.
Politique maritime intégrée : les ressources budgétaires affectées à la politique maritime intégrée ne devraient pas dépasser 6 % des ressources budgétaires totales du FEAMP.
À cette occasion, le rapporteur M. Alain Cadec a indiqué : « l'adoption de mon rapport est une étape essentielle dans la protection d'un modèle européen de pêche durable et compétitive ».
L’étape suivante a consisté dans la discussion du rapport d’Alain Cadec en séance plénière du Parlement européen. Ce débat qui s’est tenu les 22 et 23 octobre derniers a été précédé aux dires du rapporteur d’une importante campagne de la part des opposants à son rapport. Ainsi a-t-il déclaré en séance (6) :
« Certaines de ces propositions font l'objet d'une campagne de lobbying intense de la part de certaines ONG. Beaucoup de fausses informations ont circulé sur l'amendement 587, relatif au renouvellement de la flotte et à la réduction de la capacité. Ajoutons à cela l'ingérence inadmissible de la Commission européenne, qui a entrepris de téléphoner aux parlementaires. Le rôle de la Commission, c'est l'initiative législative, mais en aucun cas d'intervenir directement dans le processus parlementaire et de s'employer à influencer la position des députés. »
Cet amendement proposait de renouveler les navires de pêche de plus de 35 ans à la condition que la capacité et l'effort de pêche du nouveau navire soient de 40 % inférieurs à ceux de l'ancien. Seuls étaient concernés les navires de moins de 12 mètres utilisant des arts dormants. Le vote final a permis d’adopter le rapport de la commission de la pêche mais a supprimé la possibilité d’aider au renouvellement des navires. Il s’agit donc d’un texte de compromis entre la proposition initiale de la Commission et le « contre-rapport » Cadec.
M. Alain Cadec va désormais pouvoir commencer le trilogue avec la Commission et le Conseil, pour adopter une version définitive du troisième volet de la Politique commune de la Pêche. Mais il est clair que le nouveau dispositif ne sera pas applicable au 1er janvier 2014.
À ce stade des négociations, l’avancée des travaux sur le FEAMP ne permet pas encore de définir précisément les mesures qui seront finançables et leurs modalités de financement.
Lors des étapes suivantes, chaque pays se verra attribuer une part du budget total du fonds, en fonction de la taille de son secteur de la pêche. Il préparera ensuite un programme opérationnel pour la période, en indiquant la destination des fonds qui lui ont été alloués. Une fois le programme approuvé par la Commission, les autorités nationales décideront des projets à financer. Elles seront responsables, avec la Commission, de la mise en œuvre du programme.
Comme l’indiquent les documents budgétaires (7), sous réserve du contenu du FEAMP qui sera in fine adopté, un certain nombre d’actions du FEP seront sans doute poursuivies (modernisation des entreprises et ports de pêche, amélioration de la qualité et de la valorisation des produits, soutien à la production aquacole…). Avec le FEAMP, le soutien aux opérations visant à l’amélioration de la gestion durable des ressources biologique de la mer sera accentué, notamment pour tenir compte de la nouvelle interdiction des rejets en mer des captures indésirées. Les crédits destinés à l’aquaculture seront renforcés (aides aux entreprises, à l’installation, à la recherche et l’innovation, à la préservation de l’environnement, à la gestion des risques notamment) en cohérence avec la politique communautaire et gouvernementale d’incitation au développement durable de cette activité. De même, les crédits destinés au développement durable des zones côtières (actuel axe 4 du FEP) actuellement limités, seront augmentés.
La préparation des actions dans le cadre du FEAMP génère un important travail administratif pour la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA). La première phase concerne la stratégie globale inter-fonds européens. Elle est matérialisée par la rédaction de l’accord de partenariat qui comprend le diagnostic national, les objectifs thématiques, l’architecture des programmes, ainsi qu’un plan détaillé sur l’approche du développement territorial intégré et les conditions d’une mise en œuvre efficace de l’Accord. Cette phase est pilotée par la DATAR à l’échelon national.
Après validation de l’accord de partenariat par la commission européenne, la DPMA devra définir un « programme opérationnel national » ; un groupe de travail spécifique État-Régions sur le FEAMP sera mis en place par la DPMA à cette fin.
Le retard pris dans l’adoption du FEAMP, qui devait à l’origine entrer en vigueur au 1er janvier 2014 mais qui ne sera pas en réalité effectif avant le mois d’avril 2014, génère un certain nombre d’incertitudes aussi bien pour l’administration que pour les différents acteurs du monde de la pêche. Lors des auditions menées par votre rapporteure, des interrogations se sont fait jour sur l’avenir des contrats bleus notamment. Il conviendra de les réécrire, de repenser le dispositif afin de le sécuriser durablement. Il est clair que la plus grande prudence s’impose dans la définition des premières actions à mener pour ne pas s’exposer à leur annulation par la Commission.
Selon les documents budgétaires (8), l’accompagnement des nouvelles exigences communautaires, le respect des nouveaux objectifs de la PCP en faveur d’une pêche et d’une aquaculture durables, jugés à bon droit très ambitieux, nécessiteront le renforcement de certaines actions et la mise en place de nouvelles, en particulier dans les domaines détaillés ci-après :
– gestion de l’ensemble des stocks au rendement maximal durable (RMD), (le nouveau règlement sur la PCP prévoit que tous les stocks halieutiques communautaires parviennent au RMD en 2015, au plus tard en 2020) : adaptation de la flotte française, par des aides à l’équipement en engins de pêche plus sélectifs, mesures d’ajustement de la capacité de la flotte et de préservation de la ressource, renforcement des partenariats scientifiques/pêcheurs ;
– interdiction progressive des rejets pour une interdiction totale en 2014 ou 2016 selon les espèces : projets de recherche et développement (R&D) et équipements des navires pour accroître la sélectivité, adaptation des navires pour le stockage des volumes supplémentaires à bord, soutien à des investissements à terre pour valoriser ces prises non commerciales, mise au point de nouveaux produits (conditionnement et transformation) ;
– environnement : mise en place d’expérimentations et de projets pilotes pour des navires plus économes en énergie, accompagnement des pêcheurs et des aquaculteurs par des mesures « halio-environnementales », notamment dans le cadre de la mise en place d’aires marines protégées et de zones Natura 2000 de plus en plus nombreuses, développement des partenariats scientifiques/pêcheurs ;
– gestion et valorisation des produits : mise en place de plans de production et de commercialisation par les organisations de producteurs afin d’améliorer l’adaptation de l’offre à la demande ;
– renforcement de la recherche et innovation pour l’ensemble de ces domaines.
Compte tenu du délai de mise en œuvre de ces nouvelles mesures, il apparaît probable que les engagements qui pourront être réalisés dans le cadre du FEAMP ne seront pas supérieurs à 5 M€ en AE et en CP, dans le courant du deuxième semestre 2014.
Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Annick Le Loch (pêche) et de Mme Marie-Noëlle Battistel (énergie), les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 7 novembre 2013, sur le site internet de l’Assemblée nationale9).
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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
La commission, suivant l’avis favorable de Mme Annick Le Loch et de Mme Marie-Noëlle Battistel, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Association nationale des organisations de producteurs (ANOP)
M. Antoine Dhellemmes, président
M. Julien Lamothe, secrétaire général
Comité national des pêches maritimes (CNPMEM)
M. Hubert Carré, directeur général
Mlle Émilie Gelard, juriste
Fédération des organisations de producteurs de la pêche artisanale (FEDOPA)
M. José Jouneau, président
Mme Julie Rigaud, secrétaire générale
FranceAgrimer
M. Hervé Jeantet, président du Conseil spécialisé Produits de la mer, de l’aquaculture et de la pêche professionnelle en eau douce
M. Dominique Defrance, délégué filière pêche et aquaculture
France Filière Pêche
M. Gérard Higuinen, président
Ifremer
M. Jacques Bertrand, directeur adjoint au sein du département Ressources biologiques et environnement
M. Patrick Vincent, directeur général délégué
Auditions communes avec la rapporteure spéciale sur le programme Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture, Mme Annick Girardin
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux transports et à l’économie maritime
Cour des comptes
M. Jean-Marie Le Méné
M. Jean-Pierre Lafaure
Direction des pêches maritimes et de l’Aquaculture.
Mme Cécile Bigot, directrice
Direction des affaires maritimes
Mme Régine Bréhier, directrice