N° 1431 tome III - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1431

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2014 (n° 1395),

TOME III

AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

PAR M. Hervé Gaymard

Député

——

Voir le numéro 1428 (annexe n° 5).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. RETOUR SUR UNE ANNÉE RICHE EN ÉVÉNEMENTS 9

A. « UN AN DE CHANGEMENT POUR LE DÉVELOPPEMENT » 9

1. Les orientations et les moyens d’une politique 9

a. Les orientations politiques 9

b. Les moyens de la politique 10

2. Les Assises du développement et de la solidarité nationale 11

a. Un processus participatif apprécié 11

b. Les résultats de la concertation 11

3. Le CICID du 31 juillet 14

a. Une réunion longtemps attendue 14

b. Plus de confirmations que de réelles innovations dans les décisions 14

B. UN CONTEXTE PARTICULIÈREMENT DIFFICILE 16

1. La France reconnaît son incapacité à respecter ses engagements 17

a. Un objectif toujours reporté 17

b. La pause annoncée par le Président de la République… et des projections artificiellement optimistes 20

2. Le contexte international et l’impératif du développement du Sahel 22

a. L’engagement de la France et des principaux bailleurs pour le développement du Mali et du Sahel 22

b. Sera-ce suffisant ? Des critiques et des doutes 25

II. POLITIQUES SECTORIELLES ET DONNÉES BUDGÉTAIRES : REPRENDRE LA DISCUSSION SUR LA COHÉRENCE DE NOTRE AIDE 29

A. RETOUR SUR QUELQUES GÉNÉRALITÉS 29

1. La persistance du déséquilibre entre les dons et les prêts 29

a. « Des efforts, mais peut mieux faire » 29

b. L’analyse des données les plus récentes 30

2. Géographie de l’aide française 32

a. Les modifications apportées au plan géographique 32

b. Les commentaires que ces révisions appellent 34

B. FOCUS SUR DEUX POLITIQUES SECTORIELLES D’IMPORTANCE MAJEURE 36

1. L’aide en matière de santé : un engagement fort mais pour quel rôle sur la scène internationale ? 36

2. La stratégie santé actuelle de la France et son application en regard des besoins des pays bénéficiaires 38

a. Le resserrement progressif des objectifs de notre politique sectorielle 39

b. La réalité des besoins sanitaires 40

c. Des financements très importants et excessivement concentrés 42

d. L’action remarquable de GAVI Alliance 45

e. Deux poids deux mesures, ou comment illustrer l’incohérence de certaines décisions 47

3. Les déséquilibres de notre politique d’aide à l’éducation 48

a. Des évolutions en marge des stratégies définies 49

b. La question des financements et de leur évolution 49

c. Et si les États-Unis défendaient mieux la francophonie que la France ?… 53

III. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » 55

A. DE PARENTHÈSES EN CHANGEMENTS DE PARADIGMES 55

1. La fin de l’additionnalité des financements innovants 55

2. Vers l’introduction de nouvelles conditionnalités à l’allocation de l’aide de la France ? 58

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 110 : AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT 60

1. Quelques données générales 61

2. L’action économique et financière multilatérale 63

3. Les crédits bilatéraux du programme 66

4. La dette des pays pauvres 70

C. LES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE : LE PROGRAMME 209 70

1. Données générales 71

2. Les crédits de la coopération bilatérale 72

3. L’action multilatérale (action n° 5) 75

4. Les crédits versés au canal européen 76

5. L’action n° 8 78

6. L’extinction progressive du codéveloppement 79

CONCLUSION 81

TRAVAUX DE LA COMMISSION 83

EXAMEN DES CRÉDITS 83

ANNEXES 85

1. Liste des personnalités auditionnées. 85

2. Traduction intégrale de l’éditorial de Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, 3 août 2013 86

3. Ventilation de l'APD bilatérale française  89

INTRODUCTION

Incontestablement, l’année écoulée depuis le dernier avis budgétaire aura été importante pour notre politique publique d'aide au développement.

Pour la première fois depuis longtemps, une véritable concertation a été ouverte, qui a associé les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs de la solidarité internationale ; pour la première fois aussi depuis plus de quatre ans, le CICID a été réuni au cours de l’été.

D’un autre côté, l’aggravation soudaine de la crise malienne au début de l’année a entraîné l’intervention militaire de la France. Si, comme le dit l’adage populaire, à quelque chose malheur est bon, le succès de l’opération Serval aura permis de déboucher sur la prise de conscience de la communauté internationale de l’impératif du développement et de son articulation avec les problématiques sécuritaires régionales, qui nous affectent directement.

L’année 2013 aurait pu être celle au cours de laquelle des inflexions, plus ou moins importantes, ont commencé d’intervenir dans la politique d'aide au développement, ses objectifs, ambitions et moyens. Le PLF aurait à cet égard constitué l’occasion idéale pour traduire dans les faits de nouvelles orientations concrètes et fortes.

On verra qu’il n’en est malheureusement rien. De sorte que 2013 donne à votre rapporteur l’impression d’une occasion d’autant plus manquée que l’ambition du début d’année était forte.

Avant d’examiner le détail des crédits de la mission, votre rapporteur vous propose de revenir en premier lieu sur ce qui s’est passé sur le terrain de notre politique d'aide au développement et d’analyser aussi plus particulièrement deux des politiques sectorielles prioritaires pour la France, la santé et l’éducation, sur lesquelles un certain nombre de critiques doivent être plus particulièrement portées.

Dès la conférence des ambassadeurs d’août 2012, le Président de la République avait eu l’occasion d’insister sur quelques thématiques fortes. Celle des financements innovants en premier lieu, et notamment de la taxe sur les transactions financières, pour laquelle, constatant les fortes résistances qu’elle suscitait, il indiquait avoir « choisi d'aller de l'avant dans le cadre européen d'une coopération renforcée notamment avec l'Allemagne ». Il précisait que c’était « un acquis du Conseil européen du 28 juin » et que « cette taxe sera définie et mise en œuvre dès le début de 2013 » et que notre pays allait continuer « de plaider pour son adoption au niveau international, avec l'affectation d'une partie de ses recettes pour le développement et pour la lutte contre le sida. »

S’agissant de la relation de la France avec l'Afrique, François Hollande indiquait vouloir « établir une nouvelle donne », à savoir une politique « fondée sur la transparence dans nos relations commerciales et économiques (…), la vigilance dans l'application des règles démocratiques et le respect aussi des choix souverains. » Le Président de la République soulignait le fait que la responsabilité de la France était de travailler à l'intégration de tous les pays dans le jeu mondial pour éviter la marginalisation de certaines populations qui ne parviennent pas à sortir de la pauvreté, et qu’il s’agissait de l’une des missions assignées à notre politique de développement, non seulement comme enjeu de solidarité, mais aussi « de sécurité par rapport à un certain nombre de menaces. »

Plus récemment, lors de la clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale, le 1er mars, François Hollande précisait sa pensée en assignant trois objectifs à la politique d’aide au développement de la France : tout d'abord, sans surprise, la contribution au développement économique, selon des critères et des conditions politiques et économiques ; ensuite, la sécurité : car « il ne peut y avoir de sécurité sans développement, ni de développement sans sécurité » ; enfin la préservation de la planète, pour laquelle la France veut jouer un rôle moteur, entre autres en accueillant la conférence sur le climat en 2015 et, au-delà de cet événement, en orientant l’action de l'AFD vers les énergies durables, secteur sur lequel l’agence investira entre 5 et 6 Mds€ sur trois ans dans les pays du Sud.

Pour la mise en œuvre de cette politique, comme il l’a rappelé dans son discours du 1er mars, le Président de la République entend utiliser « tous les moyens qui sont aujourd'hui à notre portée : les dons qui doivent demeurer, les prêts, les financements de projets, l'assistance technique, l'expertise, le volontariat et parfois, dans les conditions les plus extrêmes, l'aide humanitaire d'urgence. »

Cela étant, compte tenu de la contrainte budgétaire, François Hollande a admis que l’objectif d’une aide au développement correspondant à 0,7 % du PIB ne pouvait être réalisé. C’est la première fois que l’exécutif admet officiellement l’impossibilité pour la France de respecter cet engagement et il faut saluer cet effort de franchise qui rompt avec le déni qui prévalait jusqu’alors. Cela étant, le Président de la République rappelait que pour 2013 la LFI « a préservé les crédits pour la politique du développement et a testé de notre volonté de maintenir un bon niveau d'engagements » et que la France continuera de faire un plaidoyer actif pour la mobilisation de tous les moyens possibles au niveau européen et pour le développement indispensables des financements innovants, dont la taxe sur les transactions financières.

À cet égard, François Hollande a notamment rappelé que 10 % de la taxe française avaient été affectés depuis cette année au financement de la lutte contre le sida et pour la politique de l’eau, notamment au Sahel. Le Président de la République a également annoncé la nécessité de réactualiser la taxe sur les billets d'avion, dont le taux n’a pas été revu depuis son lancement en 2005, afin de permettre de disposer de moyens supplémentaires. Le Président de la République a également marqué sa confiance dans le fait que la taxe sur les transactions financières européenne serait prochainement mise en place : « au niveau européen, onze pays - sans doute demain davantage - se sont engagés à créer une taxe, toujours sur les transactions financières, dont l'assiette sera plus large que notre taxe nationale et donc les recettes seront forcément plus importantes puisque onze pays vont contribuer. » Pour autant, l’affectation d’une partie de son produit à la politique d’aide au développement n’était pas encore acquise, compte tenu des contraintes budgétaires pesant sur de nombreux États membres. Votre rapporteur aura l’occasion de revenir ultérieurement sur la question des financements innovants et notamment de la taxe sur les transactions financières et de son affectation.

Le 5 novembre le ministre délégué au développement ouvrait les « Assises du développement et de la solidarité internationale », clôturées quatre mois plus tard, le 1er mars dernier, en présence du Président de la République. Durant cette période, les élus locaux, les responsables d'ONG, les chercheurs, les représentants des syndicats, des entreprises, de fondations, des parlementaires aussi, dont votre rapporteur, ont été invités à débattre de diverses thématiques retenues, en compagnie de représentants de pays du Sud, officiels ou membres d’ONG.

De nombreuses tables rondes ont été organisées qui ont permis de débattre de cinq axes : les liens entre développement et développement soutenable dans la perspective de l’après-2015, la transparence et l'efficacité, la cohérence des politiques publiques avec l'objectif de développement, thématique cruciale, traitée sous la triple approche de l'agriculture, du commerce et de la finance. D’autres sujets, comme celui de la relation de l'État avec l'ensemble des acteurs du développement et de la solidarité internationale et celui de l’innovation ont complété l’ensemble. Au total, une quinzaine de séances ont été organisées.

Les Assises ne se sont pas limitées à renouer le dialogue. Elles ont aussi prétendu lancer « la rénovation de la politique française de développement. » À cet effet, deux décisions ont été prises.

En premier lieu, l’élaboration d’un projet de loi d'orientation et de programmation sur le développement ; c’est une réponse opportune à une demande ancienne exprimée tant par les ONG que par le parlement. Le projet de loi a été élaboré ces dernières semaines, une adoption en conseil des ministres étant prévue pour la mi-novembre, avant soumission au parlement en début d’année prochaine. En second lieu, la création d'un « Conseil national du développement et de la solidarité internationale », CNDSI, qui réunira l’ensemble des acteurs du secteur pour maintenir actif le dialogue sur les orientations et la mise en œuvre de la politique de développement. Il faut rappeler à ce sujet que depuis la suppression du Haut conseil de la coopération internationale, HCCI, en 2008, il n’y avait plus d’instance de concertation entre les pouvoirs publics et la société civile pour débattre des politiques de développement.

Selon les avis recueillis par votre rapporteur, ce processus participatif a été mené jusqu’à aujourd'hui à la satisfaction de tous ; il a permis de combler une attente forte des acteurs de la solidarité internationale et l’instauration d’une instance permanente de concertation est également opportune en ce qu’elle garantit le maintien d’un dialogue ouvert.

• La meilleure prise en compte dans la mobilisation de nos moyens du respect des exigences démocratiques, de la lutte contre la corruption, du renforcement de l’État de droit et des institutions protégeant les personnes et les biens, de la promotion des femmes.

• La confirmation de la concentration de notre effort de solidarité sur les pays et les populations les plus pauvres, ainsi que sur la lutte contre les inégalités sociales, tout en se fixant des objectifs universels.

• La préservation de la planète comme priorité de notre politique de développement.

• La nécessaire convergence des agendas du développement (OMD) et du développement durable (ODD) dans tous leurs aspects économiques, sociaux et environnementaux, dans le cadre des négociations internationales, le document de position française sur les ODD intégrant les remarques consensuelles des participants.

• La tenue d’un CICID avant l’été 2013 pour permettre une meilleure vision du rôle de l’État, et améliorer la coordination entre les acteurs publics.

• Le fait que le futur CNDSI veillera à la cohérence des actions de tous les acteurs du développement et que la loi pourrait prévoir des dispositifs institutionnels plus structurés permettant par exemple au Parlement de suivre et évaluer la cohérence des politiques publiques.

• L’identification de priorités d’action dans les différentes tables rondes, notamment quant à l’action des ministères concernés par les accords de pêche UE-ACP, les agro-carburants, la lutte contre la corruption et les biens mal acquis, le principe de transparence pour les industries extractives ; le respect des normes sociales et environnementales dans les appels d’offres internationaux.

• La nécessité de continuer à agir, au-delà du G8 et du G20 où ces sujets sont maintenant une priorité, sur les processus de régulation et de transparence fiscale.

• La réforme du dispositif d’expertise français sera engagée.

• L’élaboration d’une charte spécifique par les représentants de l’État et des institutions de recherche en association étroite avec la société civile, pour renforcer le lien indispensable entre les acteurs de la recherche et les autres acteurs de développement,

• La confirmation de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) comme un élément essentiel de la politique de développement.

• Le renforcement du soutien de la France et de l’UE aux innovations sociales et solidaires et aux acteurs de l'économie sociale et solidaire.

• Le meilleur soutien aux actions en faveur du commerce équitable.

• Le développement de mécanismes de garantie des risques au niveau international pour soutenir le développement de certaines technologies comme les énergies renouvelables.

Tous les observateurs, entre autres la représentation nationale et la Cour des comptes en 2010 dans son rapport public sur la politique française d’aide au développement 1, dénonçaient depuis longtemps le fait que le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, CICID, ne soit jamais convoqué, analysant cette situation comme un manque de pilotage interministériel de la politique d’aide.

Aux termes du décret du 4 février 1998 qui l’a institué, le CICID, qui doit être réuni au moins une fois par an, « définit les orientations de la politique de coopération internationale et de l’aide publique au développement ", détermine les pays bénéficiaires de l’aide, recherche l’équilibre entre ses dimensions bilatérales et multilatérales et veille à la cohérence de ses priorités géographiques et sectorielles, " en particulier par l’établissement annuel des orientations d’une programmation globale " ». Le CICID devait aussi assurer le suivi et l’évaluation de la conformité de la politique aux objectifs fixés et aux moyens assignés.

Les deux dernières réunions du CICID ayant eu lieu en 2006 et en 2009, le fait que le Premier ministre l’ait convoqué le 31 juillet dernier est en soi un élément positif ; ainsi l’ont bien perçu les organisations de la société civile 2. Ça l’est aussi par le nombre de décisions qui ont été prises : 28.

Parmi les décisions qui ont été prises 3, certaines sont indéniablement importantes. Les principales décisions sont les suivantes :

• La zone de solidarité prioritaire, devenue obsolète, est supprimée, les zones géographiques de l’aide sont redéfinies, et la concentration de l’effort financier de l'État vers les pays d’Afrique subsaharienne et de la Méditerranée est portée à 85 % (décision n° 2).

• Le champ géographique d’intervention de l'AFD est étendu à l’ensemble des pays éligibles à l'APD au sens du CAD de l'OCDE, le gouvernement s’accordant sur la nécessité de donner à l’AFD les capacités financières d’exercer pleinement ses missions dans le cadre de ces nouvelles priorités (décision n° 3)

• L’adoption d’une stratégie genre et développement est annoncée (décision n° 5)

• L’intégration de la responsabilité sociale et environnementale dans la politique d’APD est décidée (décision n° 9)

• L’adhésion formelle à l’Initiative sur la transparence des industries extractives (décision n° 10)

• La taxe sur les billets d’avion est augmentée (décision n° 12)

• La priorité de la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre de la politique d’APD est réaffirmée (décision n° 16)

• Une stratégie pour l’aide multilatérale sera élaborée d’ici à fin 2014 (décision n° 23)

• La présentation d’un rapport public tous les deux ans sur les évaluations des résultats est décidée (décision n° 27)

• L’effort en faveur de la transparence de l’aide est confirmé (décision n° 28).

Nombre des décisions qui ont été prises s’apparentent plus à des confirmations d’orientations prises antérieurement, voire à la réaffirmation de principes définis dans le cadre des différentes conférences internationales qui se sont tenues au cours de la dernière décennie, sans qu’elles apportent plus qu’un élément de formalisation supplémentaire.

Ainsi en est-il de la décision n° 26 qui confirme l’engagement de la France à mettre en œuvre les principes d’efficacité de l’aide au développement agréés, au niveau international, ou de l’appel aux collectivités territoriales à amplifier leur action d'aide au développement (décision n° 21). Dans le même esprit, peut surprendre la décision n° 18 selon laquelle « le Gouvernement décide d'engager une étude de faisabilité sur un dispositif d’allocation de l’aide qui permette de tenir compte des besoins des pays partenaires ainsi que de leurs efforts en matière de performance économique et de gouvernance » : que l’on sache, l’adéquation de l’offre aux besoins des pays récipiendaires est le principe sur lequel se fonde depuis longtemps la politique d'aide au développement.

Cette initiative opportune a surtout accouché d’un catalogue de priorités et de déclarations de bonnes intentions et d’évidences. Un certain nombre de sujets prioritaires ne semblent pas figurer au rang de nos préoccupations. La question de la croissance démographique dans les pays du Sahel, d’une ampleur telle qu’elle efface les effets de la croissance du PIB des pays de la région, n’est ainsi pas mentionnée. Il est évidemment positif de souligner le soutien à la croissance économique que notre politique apporte dans les pays bénéficiaires ; il le serait certainement autant de mettre en exergue une approche audacieuse sur les problématiques de maîtrise de la natalité dans cette région qui en font probablement aujourd'hui la région africaine de tous les dangers.

Ces impasses ou insuffisances ne retirent rien au fait que cette réunion est venue clore la série de temps forts pour la politique d’aide au développement de notre pays qui aura jalonné cette première année du quinquennat du Président Hollande. Il faut bien admettre que la période antérieure n’avait pas été pilotée avec autant de sagacité.

Récemment, le ministre du développement en faisait la synthèse 4 en soulignant qu’il s’était agi de rénover la politique d’aide au développement : le changement de nom du ministère et les modifications institutionnelles internes qui avaient été décidées marquaient tout d'abord la volonté de réviser les relations avec les partenaires de notre pays ; au plan national, la concertation devenait un élément central de la politique ; de nouveaux axes étaient définis pour une politique en premier lieu plus transparente et plus redevable, assainie et mieux orientée vers les enjeux de préservation de la planète, moyennant une réorientation de l’action de l'AFD en faveur de solutions durables prenant notamment en compte la promotion des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Cette séquence doit être mise en perspective avec l’analyse la plus récente de notre politique : après plusieurs évaluations réalisées quasi simultanément ces deux dernières années, notamment celle de la Cour des comptes, et celle commandée par le MAEE et le ministère des finances, c’était au tour du CAD de l'OCDE d’effectuer une nouvelle revue des pairs, cinq ans après la précédente, en 2008. Votre rapporteur en présentera plus loin les principales conclusions après avoir rappelé les éléments de contexte, tant internationaux que budgétaires, dans lesquels s’inscrit aujourd'hui la politique d'aide au développement.

Jusqu’à aujourd'hui, notre pays s’est toujours défendu de ne pas les respecter. Tout dernièrement encore, dans son mémorandum au CAD de l'OCDE, le gouvernement soulignait précisément qu’« atteindre d’ici 2015 l’objectif de 0,7 % d’APD/RNB dédiés à l’aide au développement constitue un objectif particulièrement exigeant dans le contexte budgétaire et économique actuel qui n’a pas permis l’élaboration de la feuille de route souhaitée par le CAD » dans les recommandations qu’il avait formulées en 2008.

C'est la raison pour laquelle, préfigurant des décisions à venir, la France argumente aujourd'hui sur le fait que le taux de 0,7 % ne doit finalement pas être l’alpha et l’oméga de l'APD, la seule aune à laquelle évaluer son action. D’autres critères que les financements devraient être examinés pour juger sa politique d'aide au développement. Elle tend à resituer son effort dans un cadre plus général, argumentant sur le fait que l’atteinte des objectifs de l’aide au développement passe aussi par un effort d’accroissement de l’efficacité de l’aide et par la promotion d’une approche globale du développement. Ainsi, la France propose de recourir à l’aide au développement en synergie avec d’autres sources de financement, pour utiliser notamment l’effet de levier de l’aide pour accroître les investissements privés et contribuer à une croissance durable, sans oublier son plaidoyer sur la promotion des financements innovants permettant de générer des ressources stables, prévisibles et complémentaires de l’APD. On comprend que c’est sur cette vision autant quantitative que qualitative de l’aide, qui mobilise la société civile et les acteurs de la coopération, que la France souhaite être désormais jugée, plus que sur la seule réalité des chiffres qu’elle annonce.

La sanctuarisation des crédits budgétaires décidée dans le cadre du triennum budgétaire 2011-2013, par exception à la réduction imposée de 10 % en valeur des dépenses d’intervention, représente « un effort remarquable dans un contexte économique et budgétaire fortement contraint » ajoute le mémorandum. Il rappelle enfin que dans le cadre du triennum en cours, l’effort a dû être accru, l’ensemble des budgets est orienté à la baisse, et « seules les actions identifiées par les ministres comme les plus importantes au sein de leur enveloppe sont stabilisées en valeur ».

On sait que, sans avoir remis en cause ses engagements, notamment celui d’atteindre un taux d’APD de 0,7 % de son PIB, notre pays n’a cessé ces dernières années d’avoir les plus grandes difficultés ne serait-ce qu’à respecter une trajectoire continûment croissante sur cette question. On a constaté des taux fluctuants à la hausse ou à la baisse selon les années, comme le rappelle le tableau ci-dessous. L’année 2012, qui ne figure pas sur ce tableau, a confirmé le tassement, avec un taux officiel de 0,45 %.

APD française nette en valeur et en % de 2000 à 2011 5

Cette situation inconfortable pour l’image qu’elle donne de notre pays a suscité nombre de critiques de la part des ONG, de certains de nos partenaires aussi, dont certains, et non des moindres, prennent les mesures nécessaires pour le tenir, malgré une conjoncture budgétaire tout aussi difficile que celle que notre pays traverse. Le Royaume-Uni tout particulièrement, aujourd'hui deuxième donateur du CAD en volume, avec une APD de 13,7 Mds$ en 2012, qui représente désormais 0,56 % de son RNB. Le gouvernement britannique ne cesse de montrer sa détermination à atteindre l’objectif de 0,7 % dès cette année, soit deux ans plus tôt que la date initialement fixée, objectif aujourd'hui consacré dans une loi de programmation. Le ministère du développement britannique, le DFID, gère 85 % de l’APD britannique et devrait par conséquent voir augmenter son budget de 35 % d’ici à 2015 en termes réels. Tout en étant l’objet de contestations politiques régulières, notamment au sein de la Chambre des Lords, l’APD constitue donc une « exception budgétaire » au sein d’un Etat soumis par ailleurs à de sévères coupes budgétaires.

D’exception budgétaire en faveur de l'aide au développement, il n’est évidemment pas question en France. Comme le disait Pascal Canfin à votre rapporteur 6, une APD de 0,7 % représenterait pour notre pays un surcoût de 5 Mds€, inenvisageable aujourd'hui. La courbe ci-dessous permet de visualiser l’effort correspondant que cela représenterait.

Prévisions de l'APD française à moyen terme 7

La France n’est pas le pire élève de la classe, et le tableau ci-dessous montre que notre pays n’a pas à rougir de son le positionnement par rapport aux principaux contributeurs de l'APD mondiale sur les six dernières années. Il s’agit simplement pour lui de tenir un discours correspondant aux réalités, au risque de voir sa parole perdre de sa crédibilité internationale.

Effort d’APD en % du RNB de la part des membres du CAD 8

Le Président de la République n’a pas caché lors de son discours du 1er mars que, sans qu’il soit officiellement abandonné, l’objectif d’une APD correspondant à 0,7 % de notre PIB était temporairement écarté car hors de notre portée.

A l’instar de tous les budgets, celui de l'APD dans le PLF 2014 est appelé à contribuer durement à l’effort d’assainissement budgétaire. Ainsi, non seulement la mission APD verra ses budgets diminuer, comme votre rapporteur l’analysera en détail en étudiant les crédits consacrés aux programmes 110 et 209, mais l’ensemble des moyens qui contribuent à notre politique d'aide au développement seront aussi affectés.

La meilleure illustration de cette réalité est donnée par le document de politique transversale, DPT, selon lequel l’aide publique au développement résultant des crédits budgétaires devrait être de 6,938 Mds€ en CP en 2014. Cette enveloppe budgétaire globale souffre d’une diminution de 575 M€ par rapport à 2013, soit une baisse de 7,65 %. Comme on le constate à la lecture du tableau ci-dessous, toutes les rubriques sont orientées à la baisse : les crédits de la mission APD perdant notamment 202 M€ en 2014 par rapport à 2013 (- 7,16 %). Le DPT précise que cette baisse serait compensée par des annulations de dette plus importantes qu’en 2013 et par la montée en charge progressive, mais néanmoins prévue depuis son institution, de la taxe sur les transactions financières (60 M€ en 2013, 100 M€ en 2014, 160 M€ en 2015), dont l’affectation est prévue au Fonds de solidarité et de développement, logé à l'AFD ; la revalorisation à 12,7% de la taxe de solidarité sur les billets d’avion a en outre été prévue, pour tenir compte de l’inflation depuis 2006, et cette hausse rapportera +23 M€ en 2014.

Trajectoire d’APD de la France 9

Malgré ces conditions, comme on le voit sur le tableau précédent, les projections tablent sur une APD représentant 0,48 % du RNB dès l’an prochain. Loin d’être dans une situation de pause dans la trajectoire vers le taux de 0,7 %, comme l’a annoncé le Président de la République, la France serait d'ores et déjà repartie sans plus tarder vers le respect de ses engagements, malgré les effets de la contrainte budgétaire ! Après 0,45 % en 2012, elle devrait atteindre un taux de 0,47 % cette année et de 0,48 % en 2014, maintenu en 2015, selon les indications fournies à votre rapporteur. En fait, cette hypothèse est pour le moins fragile et repose sur des projections d’annulations de dette dont on reconnaît la très grande marge d’incertitude.

C’est cette hypothèse-là que le ministre présentait à votre rapporteur lors de son audition, qui lui indiquait que l'APD de la France devrait reprendre dans les prochaines années une trajectoire ascendante malgré la conjoncture. Faut-il rappeler les craintes exprimées par la Cour des comptes qui soulignait dans son rapport public, que la simple stabilisation de l’aide à hauteur de 10 Mds€ par an, préconisée par le co-secrétariat du CICID en mai 2010, « n’empêchera pas une baisse de la part du revenu national brut aux alentours de 0,41 % en 2015. » 10

Stoppée en 2012 au lendemain du coup d'Etat par l’ensemble des bailleurs l'aide au développement au Mali a donc repris en février dernier. La conférence internationale de donateurs « Ensemble pour le renouveau du Mali », réunie le 15 mai à Bruxelles à l’initiative de la France et de la Commission européenne, a permis de définir le cadre stratégique sur lequel les pays européens s’appuieront désormais pour leur programmation conjointe, qui devrait être pleinement effective en 2016. Treize chefs d’État et plus d’une centaine de délégations étaient à Bruxelles, traduisant la forte mobilisation de la communauté internationale pour le rétablissement de la sécurité au Mali et dans la région, pour son développement, pour lequel le gouvernement de Bamako a élaboré un plan national, dont les axes prioritaires sont retracés dans le tableau récapitulatif ci-dessous.

La réouverture du bureau de l'AFD a été décidée, et des mesures prises pour soutenir le rétablissement des services publics de base (eau, santé, éducation, électricité…), en coordination notamment avec les services de l’UE. Le ministre a également souhaité renforcer la mobilisation des collectivités locales et de la société civile, profitant à la fois de la coopération décentralisée bilatérale, qui concerne une ville sur six au Mali, et de l’importante diaspora malienne en France. Une journée de mobilisation a été organisée en ce sens à Lyon le 19 mars.

Les promesses de contributions recueillies le 15 mai sont considérables, 3,2 Mds€, dont 280 M€ pour la France à titre bilatéral, en plus de sa contribution transitant via les institutions multilatérales ou européennes. Comme on le voit, l’ensemble des promesses représente des fonds nettement supérieurs aux besoins identifiés.

Domaines prioritaires identifiés et répartition de leurs coûts respectifs 11

Avant même cet engagement dans ce nouveau cadre, notre pays était un acteur important au Sahel, depuis longtemps, où son action de développement a couvert six principaux pays d’Afrique de l'Ouest : Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Sénégal et Tchad, pour ce qui concerne la partie ouest-africaine de l’arc sahélien. La France était ainsi le deuxième bailleur bilatéral de la région, après les États-Unis, avec près de 337 M€ d’aide versés en 2011 dans ces six pays.

L’APD déclarée, d’aide programmable et de dons en 2011 au Mali et au Niger, par les principaux bailleurs bilatéraux est la suivante et permet de situer la part qu’occupe notre pays.

APD bilatérale des bailleurs du CAD au Mali et au Niger 12

Le tableau récapitulatif ci-dessous présente par ailleurs les montants d’aide bilatérale, multilatérale et européenne, dans l’ensemble des six pays d’intervention de la France au Sahel en 2011, en M€, et montre que les pays de la région ne sont pas des « orphelins » de l'aide au développement.

2011

(M€ courants)

Aide bilatérale française

Aide multilatérale

(hors UE)

Institutions européennes

Burkina Faso

56

275

103

Tchad

26

78

81

Mali

53

248

101

Mauritanie

41

111

60

Niger

34

146

98

Sénégal

128

245

79

Total Sahel

338

1104

522

Les engagements de l’Agence française de développement (AFD) ont atteint 1,5 Md€ sur 2008-2012, essentiellement sous forme de subventions, dans les secteurs des infrastructures, le développement urbain, l’eau et assainissement, l’éducation et la santé. Le MAEE est présent dans le domaine de la gouvernance, par l’intermédiaire de son réseau de plus de 60 experts techniques internationaux. Des ressources sont également allouées au niveau régional, puisque l’AFD subventionne l’UEMOA, la Banque ouest-africaine de développement, la CEDEAO et l’ensemble des organismes de bassin transfrontaliers, dans les secteurs de l’énergie, de la sécurité alimentaire et de l’eau. En mai dernier, le lancement d’une initiative pour l’accès aux soins des enfants du Mali et des autres pays du Sahel, financée à hauteur de 30 M€ par une partie de la taxe française sur les transactions financières, gérés par l'AFD, a été annoncée.

La mobilisation européenne est également très importante puisque les moyens consacrés aux six pays sahéliens représentent plus de 2,7 Mds€ d’euros dans le cadre du 10ème FED, faisant de l’Union européenne le premier bailleur dans la région. Afin de coordonner son aide avec son action diplomatique, l’Union européenne s’est dotée d’une stratégie intégrée pour le Sahel en 2011, demandée par la résolution 2056, à notre initiative, principalement centrée sur le Mali, la Mauritanie et le Niger et articulée autour de plusieurs axes : le développement, la bonne gouvernance et le règlement des conflits internes ; la politique et la diplomatie ; la sécurité et l’État de droit ; la prévention et la lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisation. Cette stratégie doit permettre la mise en cohérence de l’action des différents acteurs des Nations Unies.

L’Union européenne, soutenue par la France, a également lancé en décembre 2012 l'initiative AGIR, partenariat qui regroupe des États, des agences onusiennes, la Banque mondiale, la BAD, l’Organisation de coopération islamique, la CEDEAO et l’UEMOA. Il s’agit de renforcer la capacité des populations vulnérables à faire face aux crises alimentaires. Dans ce cadre, l’Union européenne contribue notamment, à hauteur de 38 M€ sur l’enveloppe du programme régional en Afrique de l’ouest, au projet pilote de réserves alimentaires d’urgence porté par la France dans le cadre de sa présidence du G20. Une feuille de route régionale a été adoptée en avril dernier. De leur côté, les principaux acteurs internationaux en matière de santé sont des intervenants importants dans les pays sahéliens : le FMSTP est ainsi intervenu à hauteur de 677 M€ depuis 2002 dans les différents pays sahéliens, l'Alliance GAVI à hauteur de 300 M€ depuis 2001 et UNITAID de 17 M€, depuis 2006. Le partenariat mondial pour l'éducation, PME, est intervenu de son côté pour 231 M€.

Enfin, parmi les institutions au chevet du Mali et du Sahel, la Banque mondiale, via l’AID, définit aussi une stratégie régionale pour un programme de stabilisation et de développement répondant aux enjeux particuliers des pays concernés, dans une perspective régionale.

Des critiques s’expriment qui méritent, aux yeux de votre rapporteur qu’on s’y arrête pour une raison très simple : comme on l’a vu, avant qu’il ne bascule dans le chaos, le Mali n’avait jamais été un orphelin de l’aide, loin s’en faut. Il recevait, selon les données du CAD, en moyenne 1 milliard de dollars par an. Il s’agit donc aujourd'hui d’éviter la répétition des mêmes erreurs, de réviser ce qui a pu être inefficace et renforcer ce qui a été insuffisant.

En premier lieu, on sait que la question de la corruption au Mali a été un facteur crucial de déperdition de l’aide sur le terrain, dont l’impact a été atténué d’autant. Consécutivement, le contrôle social de l’aide, par les bénéficiaires directs, à savoir les populations maliennes, est devenu une préoccupation première. En ce sens, le MAEE a entendu innover et à la mi-septembre dernier, a inauguré à cet effet une page Internet 13 avec une carte interactive qui permet, en cliquant sur les différentes icônes, de connaître le descriptif des projets mis en œuvre par notre pays au Mali, les moyens consacrés à leur réalisation, les parties prenantes et l’état d’exécution.

Celui qui se donne la peine de naviguer sur cette page risque d’être à la fois déçu et dubitatif. Les informations données sont parfois des plus parcellaires, mais la jeunesse du site explique peut-être cela, un certain nombre de fiches détaillées étant annoncées comme en cours d’actualisation.

En second lieu, et cela est a priori plus problématique, certains des projets présentés sont en fait anciens, lancés il y a plusieurs années, pour certains parfois même en phase d’achèvement 14. Il semble qu’en fait une part des 280 M€ annoncés par la France ne soit pas réellement additionnelle, et que l’on ait mêlé des projets en cours à de nouvelles actions. Coordination SUD, entre autres observateurs, s’est étonnée de la forme prise par cette initiative de transparence et en a souligné les insuffisances, entre autres dans son analyse du PLF 2014, soulignant que la France pourrait avantageusement adopter le standard de l’IATI qui permet une information plus exigeante en matière de transparence, en précisant que « Un signal fort serait donné par la France si elle décidait de déclarer pour commencer sa part d’APD destinée au Mali sous ce standard. » 15 Votre rapporteur partage cette analyse, tout comme la presse internationale commence également à le faire de son côté. 16 Cela sera d’autant plus opportun que, selon le dernier Indice annuel de la transparence de l’aide, publié par l’organisation Publish What You Pay, les institutions françaises présentent des résultats en termes de transparence très nettement en dessous de la moyenne des autres grands donateurs bilatéraux tels que l’Allemagne, les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni, étant précisé que « ces mauvais résultats sont dus au fait que les trois agences – l’AFD, le MAE et le MINEFI – ont publié très peu d’informations au niveau des activités. Aucun de ces organismes ne publie de données financières ou de performance de manière systématique concernant ses activités. » 17

En outre, comme les représentants de Coordination SUD l’ont observé devant votre rapporteur lors de leur audition 18, on peut aussi et légitimement s’étonner que l’engagement de 280 M€ en faveur du Mali ne fasse l’objet d’aucune ligne budgétaire spécifique dans les documents budgétaires du PLF 2014. Or, Haïti en bénéficiait d’une jusqu’à cette année. On aurait donc pu s’attendre à ce que cet effort conséquent, bien plus important que celui en faveur d’Haïti, fasse l’objet d’une identification particulière qui en aurait renforcé la visibilité et la lisibilité. Il n’en est rien et cet ensemble d’indices laisse finalement l’impression d’un simple effet d’annonce. Si aucune ligne budgétaire n’est prévue, dans la mesure où les crédits des programmes sont fortement orientés à la baisse, honorer cet engagement supposera logiquement des réductions de crédits ouverts sur d’autres destinations. Votre rapporteur aurait aimé que les documents budgétaires l’en informent.

Enfin, un certain nombre d’experts s’interrogent sur la véritable efficacité de notre politique d’aide dans la région sahélienne et s’inquiètent du risque de voir la région basculer dans une situation telle que celle qui prévaut aujourd'hui en Afghanistan, qui résulte avant tout de l’inadéquation de la réponse donnée par la communauté des bailleurs internationaux depuis une ou deux décennies.

Si, comme des experts tels Serge Michailof ou Olivier Lafourcade, l’affirment, c’est d'ores et déjà le cas 19, des solutions devraient urgemment être aisément mises en place pour les contrer. Le rapatriement de crédits budgétaires mobilisables de manière bilatérale par la France lui permettrait surtout de mieux faire entendre sa voix dans une région où, par nature, il importe que ce soit elle qui ait le leadership, compte tenu de sa relation historique avec les partenaires locaux et de sa connaissance unique des réalités sociales, culturelles, politiques et économiques, garante du succès.

D’autres idées sont émises, telle la création d’un fonds fiduciaire multi-bailleurs qui, piloté par la France, se concentrerait essentiellement sur les problématiques de développement rural et d’aménagement du territoire dont on connaît l’importance dans le pays depuis son indépendance. La centralisation des ressources disponibles provenant de l’ensemble des bailleurs permettrait d’assurer une cohérence dans les approches, les stratégies et les programmes, un niveau de coordination que le gouvernement malien ne peut aujourd'hui assumer correctement et de garantir la prévisibilité nécessaire dans la disponibilité des ressources.

Votre rapporteur ne peut que recommander ici qu’une attention particulière soit portée à ces propositions qu’il estime pour sa part des plus pertinentes.

L’effort que le gouvernement a fait sous le pilotage du ministre délégué a contribué à recentrer dans le débat les problématiques d’aide au développement et à redonner leur place aux collectivités territoriales et autres acteurs de la société civile. Pour autant, cela n’a pas suffi jusqu’à aujourd'hui à rééquilibrer les choses et à les réorienter dans le sens souhaité depuis longtemps par la représentation nationale.

Certes, l’APD est probablement l’une des politiques publiques dans laquelle, compte tenu de la diversité des instruments en jeu, de la multilatéralité des problématiques et des financements, les pesanteurs sont particulières et facteurs de grandes inertie. Il n’empêche : certains grands bailleurs savent prendre des décisions rapides dont les effets se font sentir à très court terme, tel le Royaume-Uni, quant à la révision de leurs contributions ou à la réorientation de leur aide, que ces décisions soient mues par des raisons d’efficacité sur le terrain ou de redéfinition de leurs priorités, géographiques ou sectorielles.

Inversement, la France se montre moins habile sur ce terrain, quelles que soient les critiques et recommandations qui lui sont adressées année après année par le parlement, la société civile ou les pairs. Les décisions qu’elle prend ne portent pas, ou très modérément et bien lentement, sur la dispersion de son aide quoi qu’elle en dise ou fasse. Après avoir présenté les commentaires du CAD sur cette question, votre rapporteur analysera deux politiques sectorielles qui, de son point de vue, illustrent particulièrement cet état de fait.

La dernière revue des pairs du CAD s’est félicitée de certains efforts réalisés, notamment ces deux dernières années, qui ont eu pour but de relancer la dynamique de la politique d'aide au développement de notre pays.

Au-delà des satisfecit exprimés quant à la prise en compte de ses recommandations, le CAD pointe cependant un certain nombre d’aspects encore critiquables. Ils tiennent à l’insuffisance de mécanismes institutionnels de suivi des résultats, au manque de vision stratégique en ce qui concerne la coopération multilatérale, qui nuit à la répartition qui pourrait être faite des ressources entre institutions comme à la bonne articulation entre aide bilatérale et multilatérale.

Ainsi en est-il de l’autre déséquilibre majeur, souligné une fois de plus, celui de la répartition entre prêts, en augmentation, et dons, en diminution constante. La tendance est telle pour le CAD que « la baisse des dons, en valeur absolue et relative, menace sérieusement la capacité d’intervention de la France dans les pays pauvres ou en crise (par exemple les pays du Sahel) et réduit les possibilités d’appui dans les secteurs sociaux et dans les domaines concourant à la stabilité et à l’État de droit, qui sont pourtant considérés comme des enjeux stratégiques de la coopération. » Le CAD s’alarme ainsi du fait que « la part des prêts dans l’aide bilatérale a fortement progressé depuis 2008, au point de représenter 40 % des engagements en 2011. » 20 Cette critique du CAD n’est pas nouvelle. Les pairs ont la même approche que celle de l’ensemble des observateurs, et il serait heureux que le gouvernement tienne enfin compte de ces perceptions.

Les perspectives immédiates, telles qu’elles découlent du PLF pour 2014, ne laissent pas augurer de correctif de ce côté-là ni d’apaisement aux inquiétudes, tout au contraire.

L’analyse des données communiquées par les administrations à votre rapporteur, est édifiante et l’on ne peut que s’inquiéter de nouveau de la situation présente. Ainsi, le tableau suivant présente la répartition des subventions de la France au niveau mondial, au niveau de l'Afrique subsaharienne et des 17 pays prioritaires, sur les trois dernières années, et par secteur d’intervention.

Répartition des subventions de l'AFD par secteur 21

Il montre en premier lieu que l’essentiel, voire la totalité dans certains secteurs d’intervention, des subventions que reçoit l'Afrique subsaharienne, sont à destination des pays prioritaires. Il faut s’en féliciter. Cela étant, on relèvera une fois de plus que les sommes en jeu sont faibles : chacun des 14 pays pauvres prioritaires (PPP) aura reçu en moyenne 10 millions en 2011, réduits à 8,5 millions seulement en 2012. On espère que seuls les rythmes de décaissements au cours de l’année expliquent le montant moyen de 1,875 M€ que représentent les 30 M€ de subventions donnés entre janvier et août aux pays pauvres prioritaires, au nombre de 16 aujourd'hui.

Si l’on se penche sur la répartition sectorielle de ces subventions, la dilution est telle que l’on peut s’interroger sur leur véritable pertinence : ainsi, hormis le secteur santé, sur lequel votre rapporteur insistera plus loin, en matière d’éducation, l'AFD n’avait-elle les moyens que de répartir 39 M€ de subventions entre 14 pays prioritaires en 2011, soit mois de 2,8 millions par bénéficiaire, réduits à 2,4 M€ en 2012 ; dans le secteur de l’agriculture, dont on a vu l’extrême importance s’agissant des pays sahéliens avec l’exemple du Mali, l’enveloppe disponible a permis d’allouer moins de 1,6 million à chaque pays prioritaire, somme réduite à 0,6 M€ l’année suivante ; cela pour ne pas parler des questions également essentielles que sont le développement urbain ou le secteur productif, pour lesquels 700 000 euros chacun en moyenne en 2011, également en diminution en 2012, ou bien sûr, l’eau et l’assainissement, secteur pour lequel chacun des pays prioritaires aura reçu moins de 300 000 euros en 2011 ; ce dernier secteur étant le seul pour lequel la part reçue par chaque pays augmente, et même fortement en 2012, à 1,12 M€. Sans nier qu’il faille tenir compte du cycle des projets, et de la variation que cela induit inévitablement dans les décaissements, force est de constater l’indigence des moyens mis en œuvre, qui fait douter de la réelle priorité qu’ont finalement les pays que l’on déclare considérer comme tels. Nous sommes ici face au résultat d’une politique qui n’a cessé année après année de réduire la part des crédits disponibles pour les subventions.

Cela est d’autant plus problématique qu’il en est de même si l’on examine non plus les seules subventions, mais l’ensemble des engagements de l'AFD, dont la répartition géographique confirme les conclusions du CAD : l’éloignement progressif de l'APD de la France d’une action en faveur de la lutte contre la pauvreté ou des pays les plus pauvres.

Répartition par secteur des engagements de l'AFD sur trois ans 22

Comme on le constate, en 2011 près de la moitié, 49,4 %, des engagements de l'AFD ont concerné l'Afrique subsaharienne ; cette proportion est toutefois tombée à un peu plus du tiers, 34,5 %, en 2012. La répartition sectorielle de ces engagements est fort variable : elle est notamment très forte dans le secteur de la santé, 50 M€ sur 62 en 2011, et dépasse les deux-tiers pour ce qui concerne l’agriculture et la sécurité alimentaire ainsi que l’éducation, et en représente la moitié ou à peu près, en « eau et assainissement », « infrastructures et développement urbain » et « secteur productif ». C’est surtout la part des infrastructures qui chute en 2012 par rapport à l’année précédente puisque les engagements dans ce secteur en Afrique subsaharienne ne représentent alors moins d’un cinquième du total des engagements de l'AFD, lesquels ont dans le même temps augmenté de plus de 30 %.

Il est satisfaisant de voir que plus des deux-tiers (60 M€ sur 86) des engagements de l'AFD en Afrique subsaharienne dans le secteur de l’éducation le sont dans les 14 PPP en 2011, de même que 72 % de ceux dans le secteur productif ou la quasi-totalité (47 M€ sur 50) en santé. On ne saurait en revanche se contenter de la modestie des engagements réalisés dans certains autres secteurs : en 2011, l’agriculture et l’eau et assainissement ne reçoivent que 12 % de ceux que faisait l’agence en Afrique subsaharienne, l’environnement en recueillant à peine plus. Les données relatives à 2012 laissent la même impression : les trois quarts des engagements de l'AFD en matière d’éducation et de formation professionnelle sont certes effectués en Afrique subsaharienne, mais le quart seulement de cette part africaine, 44 M€ sur 174, est en direction des PPP.

La question de la dispersion géographique de l’aide de la France est une constante qui revient année après année sous la plume de tous les observateurs, évaluateurs et autre rapporteurs parlementaires : l’aide de notre pays n’est pas assez concentrée, elle s’éparpille sur un grand nombre de bénéficiaires et perd de ce fait en efficacité. Toutes choses égales par ailleurs, elle pourrait être comparée à notre réseau diplomatique : elle semble prétendre à la même universalité. Le CAD relevait ainsi dans sa dernière revue que l’aide de la France concernait encore quelque 138 pays ! Malgré les annonces récemment faites, il n’est pas certain que l’on s’oriente réellement vers une concentration de notre effort sur les pays les plus prioritaires. En ce sens, l’extension du champ géographique du mandat de l'AFD décidée par le CICID, peut soulever des inquiétudes.

Certes, des priorités géographiques ont été définies depuis longtemps pour l’allocation de cette aide : « Zone de solidarité prioritaire », aujourd'hui supprimée ; « pays pauvres prioritaires », catégorie révisable annuellement par le CICID, au nombre de 14 dans un premier temps, puis de 17, désormais de 16. Mais cette priorisation s’est aussi accompagnée d’une extension géographique du champ d’intervention de l'AFD à mesure, notamment, que l’orientation thématique de notre politique d'aide au développement prenait de plus en plus en compte les « biens publics mondiaux », plus récemment des questions environnementales et de changement climatique, orientation officialisée lors du dernier CICID. Dans la perspective de les associer au dialogue nécessaire à la préservation de la planète, à la gestion commune de ces problématiques mondiales, le mandat de l'AFD a été étendu dans un passé récent à plusieurs émergents. Autant qu’un instrument au service du développement et de la lutte contre la pauvreté, l'AFD est devenue aussi l’un des premiers outils de diplomatie d’influence.

Cette logique d’universalité est centrale dans les critiques émises par le CAD à l’encontre de la politique française : les pairs estiment en effet que cette stratégie ne permet plus à l’AFD de remplir son premier objectif de réduction de la pauvreté et conduit l’agence à augmenter la part de ses prêts, qui sont passés de 14 % en 2005 à 40 % en 2011. On n’insistera pas ici de nouveau sur la question de l’inadéquation des prêts aux besoins des pays les moins avancés sur des projets d’accès aux services de base. Comme d’autres, il s’agit d’un thème maintes fois rebattu par la représentation nationale pour qu’il soit besoin de réitérer les mêmes arguments avancés année après année. Simplement, comme le rappelle le CAD, « cette structure de l’aide française et l’extension géographique du mandat de l’AFD expliquent la dispersion accrue du programme et le fait que moins de 10 % de l’APD bilatérale nette (hors allègements de dette) étaient destinés aux 17 pays pauvres prioritaires en 2011. Ce pourcentage est en baisse constante depuis 2008, même si les dons vont prioritairement à l’Afrique sub-saharienne et, en son sein, aux 17 pays prioritaires, conformément aux directives du Document-cadre. Quant aux pays en crise, ils ont reçu 10 % des subventions de l’État, soit 4 % de l’APD bilatérale nette. » En d'autres termes, la réorientation de notre politique n’a pas été sans effets pervers en regard de l’essence-même de l'aide au développement.

C'est la raison pour laquelle les dernières décisions du CICID posent quelques questions. D’un côté, la ZSP a été supprimée, considérée comme obsolète. Le gouvernement fonde désormais « l’attribution des aides sur des partenariats différenciés, reposant en particulier sur le niveau de revenu et la proximité géographique, culturelle et linguistique avec la France ». Ces partenariats différenciés ne sont pas une nouveauté puisqu’ils ont été introduits en 2009 et ont coexisté avec la ZSP jusqu’à aujourd'hui. Ils sont désormais les seuls sur lesquels s’articulent les modalités d’allocation de l'APD française. Quatre zones sont définies en fonction du degré de priorité qu’elles représentent :

« Un nombre limité de pays pauvres prioritaires », sur lesquels « la France concentrera ses subventions », concrètement, « au moins la moitié des subventions de l’État et les deux tiers de celles mises en œuvre par l'AFD ».

La priorité donnée à l’Afrique subsaharienne et dans les pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée, pour lesquels « le Gouvernement décide de consacrer au moins 85 % de l’effort financier de l’État en faveur du développement ». Le CICID précise que « les pays d’Afrique subsaharienne demeurent la priorité de la France », laquelle « interviendra dans tous les secteurs opportuns et mobilisera toute la gamme des instruments dont elle dispose - dons, aides budgétaires, prêts bonifiés ou non, souverains et non souverains, prises de participations, garanties et autres financements innovants - pour répondre de manière adaptée aux besoins de ces pays. » En parallèle, les interventions de la France dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée s’inscriront dans une logique euro-méditerranéenne d’intégration régionale. Dans ce cadre, ce sont prioritairement des prêts qui seront mobilisés, « complétés par des actions dans les domaines culturel, scientifique et technique, et de la formation », « la mise à niveau des tissus productifs, la création d’emplois et l’aménagement du territoire » constituant les cibles principales des actions engagées.

Les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité, tel Haïti, « bénéficieront d’une attention particulière » de la part de la France dont les interventions « répondront prioritairement à leurs besoins en matière de développement humain, économique, et d’approfondissement de l’État de droit », moyennant « principalement des subventions ».

• Enfin, dans le reste du monde, le CICID précise sans changement que « la France y interviendra pour promouvoir une " croissance verte et solidaire " en y favorisant notamment des partenariats économiques », son objectif étant de rechercher des solutions partagées à des défis communs et « d’associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres », étant entendu que cette coopération avec les « très grands émergents » est à coût nul pour l’État.

S’il est heureux de voir réserver l’essentiel de l’effort financier de l'État aux pays pauvres prioritaires, on observera tout d'abord que le fait d’en consacrer désormais 85 % au moins à l'Afrique subsaharienne et aux pays méditerranéens n’est pas une véritable nouveauté, ni fondamentalement différent de la situation antérieure : le document-cadre, suivant le CICID de 2009, avait fixé à au moins 60 % la part réservée à l'Afrique subsaharienne et à 20 % celle aux pays méditerranéens, soit, globalement, 80 % au moins. Il n’y a donc pas grand changement sur ce plan.

Dans le même temps, on relève aussi que ce qui était jusqu’alors distinct est aujourd'hui fusionné de manière indiscriminée dans ce « pot commun » de 85 %. En d'autres termes, comme l’ont bien fait remarquer les ONG auditionnées par votre rapporteur, prévalait jusqu’à aujourd'hui un objectif spécifique pour l’Afrique subsaharienne, celui d’une proportion assurée d’au moins 60 % de l’effort financier de l’État. Cet objectif a disparu, s’est dilué dans l’ensemble. Il ne faudrait donc pas que, à la faveur de l’importance géopolitique aujourd'hui prise par les pays du Maghreb et du pourtour méditerranéen, on s’aperçoive d’ici peu que les allocations ont finalement été faites au détriment des pays d'Afrique subsaharienne.

Par ailleurs, la troisième décision du CICID du 31 juillet mérite aussi qu’on s’y arrête, en ce qu’elle correspond aux préoccupations mentionnées plus haut : « Pour mettre en œuvre cette stratégie renouvelée, le Gouvernement considère que l’AFD a vocation à intervenir dans l’ensemble des pays en développement (éligibles à l’aide au sens du CAD). »

Or, comme le rappelle la revue des pairs, « en 2008, le CAD avait pourtant recommandé à la France de veiller à assurer un équilibre approprié de dons et de prêts. Plus récemment, dans son rapport de juin 2012, la Cour des comptes constatait que le poids des prêts pesait sur les orientations géographiques de l’aide française ». De ces avertissements, le gouvernement n’a de toute évidence pas tenu le moindre compte. Non seulement, le déséquilibre entre les prêts et les dons est aujourd'hui flagrant, révélé par le graphique ci-dessous qui montre la singularité de la France par rapport aux autres pays donateurs, mais la décision du CICID ne peut que le conforter.

Évolution de la part des dons dans les engagements bilatéraux 23

Car cette décision du CICID ne peut évidemment que se traduire par une augmentation nouvelle du volume des prêts, au profit des mêmes bénéficiaires, pour la même politique, éloignée de facto de la réduction de la pauvreté et de la satisfaction des besoins des pays les plus pauvres. Le déséquilibre des instruments mis en œuvre par la France dans sa politique d'aide au développement est tel que, volens nolens, il tend à orienter son action vers des partenaires solvables aux dépens des pauvres.

Certes, selon les personnalités que votre rapporteur a auditionnées, la nouvelle extension géographique ne devrait concerner qu’un très petit nombre de pays pré-émergents. Indépendamment du fait que cela restera à démonter sur la durée, on ne peut que regretter le fait que d’une part le gouvernement reste sourd aux recommandations qui lui sont faites depuis longtemps et de tous horizons quant à la nature de son aide, quant aux réorientations qu’il devrait introduire alors même qu’il est déjà « en marge des efforts de la communauté internationale qui ciblent la lutte contre la pauvreté », pour reprendre les termes mêmes employés par le CAD. Votre rapporteur espère se tromper lorsqu’il indique craindre que cette extension géographique ne s’apparente à une fuite en avant pour maintenir un niveau d’APD conséquent grâce aux futurs prêts qui seront consentis, à l’heure où les remboursements de ceux en cours viendront l’impacter négativement et fortement, comme en témoigne le tableau ci-dessous. La croissance de l’activité de l'AFD a été telle ces dernières années que, au-delà de 2015, cette tendance se maintiendra inévitablement.

Remboursements de prêts en M€

2013

2014

2015

AFD

699

814

974

RPE

382

349

321

FMI

40

154

168

Total

1 121

1 317

1 463

Montant des remboursements à prévoir pour les trois prochaines années en déduction de l’APD brute 24

La France est « une nation qui apporte une contribution matérielle massive, mais méconnue, à la santé dans le monde. Ainsi le mois dernier, la France annonçait une participation de 1,4 milliard de dollars américains aux ressources du Fonds mondial pour 2014-2016. Depuis la création du Fonds en 2002, la France a ainsi versé 3,8 milliards de dollars et se classe au deuxième rang des contributeurs par ordre d’importance, derrière les États-Unis. S’agissant de GAVI Alliance, la contribution totale française aux programmes de vaccination est à ce jour de plus de 1,7 milliard de dollars. Mais sa contribution la plus originale à la santé mondiale est sans doute UNITAID, ce mécanisme de financement qui permet de globaliser la solidarité par le prélèvement d’une taxe sur les billets d’avion. Lancé en 2006, ce mécanisme aide à remédier aux défaillances du marché dans l’offre de produits permettant de prévenir, diagnostiquer et traiter le sida, la tuberculose et le paludisme. Et ce n’est pas tout ; d’autres exemples de l’investissement de la France dans la santé mondiale complètent le tableau : le réseau international des Instituts Pasteur français, le leadership de la société civile via des organisations comme Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde, entre autres, la défense de la couverture maladie universelle et enfin, une nouvelle initiative en faveur de la solidarité et de la santé dans la région africaine du Sahel. Alors, pourquoi la France reste-t-elle en marge du leadership sur la scène de la santé mondiale » 25

Tout est dit. Ces quelques phrases sont tirées d’un éditorial récent de Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, la plus prestigieuse des revues scientifiques  et médicales. Elles mettent en évidence ce que nombre d’observateurs, notamment au sein de la représentation nationale, ne cessent de regretter depuis fort longtemps : l’invisibilité de notre effort, le manque de leadership mondial de la France en matière de politique sanitaire, alors même que notre pays est probablement par habitant, toutes interventions confondues, le contributeur n° 1.

La politique de la France en la matière passe aujourd'hui en quasi exclusivité par le canal multilatéral. Ce choix a été fait en son temps pour des raisons d’efficacité, d’effet de leviers possibles, eu égard à l’ampleur des moyens nécessaires à la lutte contre certaines pandémies qui ont justifié la mutualisation des efforts, l’unicité des stratégies et l’addition des ressources disponibles.

Aujourd'hui, il est sans doute temps de faire le bilan de cette stratégie, en fonction certes de l’efficacité, indéniable, qu’elle a permis sur le terrain ; en fonction aussi, de ce que notre pays en a lui-même retiré. A cet égard, force est de constater que le compte n’y est pas : s’agissant de la reconnaissance légitime de notre effort, de la visibilité de notre pays, de la prise en compte de nos priorités et de nos intérêts par des acteurs dont les décisions nous échappent en grande partie, le compte est sans doute loin d’y être. Il y a quelques années, un fort intéressant rapport au ministre de la santé 26 avait parfaitement mis en évidence cette réalité, en soulignant les avantages que notre pays aurait à réviser son engagement multilatéral s’il savait mieux valoriser ses atouts. On permettra à votre rapporteur d’en citer un extrait un peu long mais particulièrement pertinent : « La France demeure réticente à s’impliquer dans les politiques et stratégies sanitaires internationales, par crainte de perdre de sa suprématie et son identité dans le domaine. De manière plus précise, elle est attendue et demandée dans les pays de la ZSP du fait de sa contribution passée et historique dans ces pays et il lui est difficile de se retirer, elle perdrait de sa visibilité et de sa crédibilité. D’autre part, le canal bilatéral est LE moyen pour la France de se positionner et de distinguer ses avantages et son savoir-faire. Elle a privilégié jusqu’en 2004 l’aide bilatérale dans les pays de sa zone d’influence. Pourtant, ses contributions, tant stratégiques, techniques, politiques que financières ne seraient que bénéfiques à l’élaboration des politiques de santé internationale. En effet, ses longues expériences de coopérations bilatérales développées par le passé lui ont permis d’acquérir un savoir-faire reconnu et recommandé (notamment par les pays concernés eux même, en particulier les partenaires africains), lui conférant des atouts certains pour pouvoir aujourd’hui s’affirmer et se positionner comme leader dans ce champs. D’autre part, le système de santé français et sa politique hospitalière originale potentialisent cette expérience du terrain et ne font que renforcer ses avantages pour se mettre en avant quant à la conception des politiques de santé à l’international. La France pourrait ainsi exercer son influence au sein de la communauté internationale en imposant ses idées, ses stratégies, ses politiques tout en conservant sa singularité, à la condition bien évidemment que son concours soit relayé27. S’imposer ainsi, en articulant implication bilatérale et contribution aux programmes internationaux lui permettrait de valoriser encore davantage sa position particulière et son héritage (expertise variée, spécifique et de haut niveau, connaissance et pratique du terrain, assistance technique, formation, stratégie et management hospitaliers, formation, recherche, ressource humaines, implication dans la lutte contre le sida) tout en enrichissant le contenu des politiques sanitaires internationales. »

Très récemment, la revue de l’action du Fonds mondial que la DGM a commandée ne disait pas autre chose, qui concluait en ces mêmes termes : « on peut cependant regretter la discrétion de la France dans sa politique de communication et le manque de visibilité de cette forte contribution. » 28 Elle mettait notamment en relief le fait que notre pays ne savait pas assurer un suivi suffisant des activités du Fonds mondial, faute notamment de disposer des ressources nécessaires, notamment dans les postes diplomatiques, dans l’incapacité souvent d’exercer un rôle pertinent, faute de moyens et de préparation, de directives émises par l’administration centrale aussi.

Comment s’étonner, dans ces conditions, que les opérateurs français, ONG ou entreprises, voire même certaines institutions de recherche, peinent à se positionner sur les projets financés par le Fonds selon les conclusions mêmes de cette évaluation ? Ces approches diverses coïncident avec celles du CAD, qui, au fil de ses recommandations, énumérait un certain nombre de critiques, d’incohérences sur les objectifs poursuivis, la principale critique résidant dans le manque de vision stratégique en matière de coopération multilatérale, qui empêche les instances concernées de clarifier la répartition des ressources entre institutions et ne favorise pas l’articulation entre aide bilatérale et aide multilatérale.

En d'autres termes, il serait temps pour notre pays de repenser une stratégie santé qui en soit véritablement une, qui prenne en compte les besoins et les moyens que l’on entend y consacrer.

Cette stratégie se donne huit objectifs en précisant qu’elle « cible prioritairement la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, en particulier les objectifs relatifs à la santé maternelle et infantile (OMD 4 et 5) et à la lutte contre le VIH/sida, le paludisme, la tuberculose et d’autres maladies (OMD 6). Elle vise également à renforcer la lutte contre les maladies infectieuses émergentes et réémergentes, susceptibles de compromettre la sécurité sanitaire internationale (grippes pandémiques, zoonoses, infections multirésistantes, etc.). Elle intègre, enfin, le poids croissant des maladies non transmissibles sur l’équilibre des systèmes de santé, en mettant l’accent sur la nécessité de politiques multisectorielles de prévention au niveau des facteurs de risques communs et des déterminants sociaux et environnementaux. La stratégie promeut le renforcement des systèmes de santé les plus fragiles (extrême pauvreté, situations de crise), notamment en Afrique francophone, via l’appui au financement durable et solidaire de la santé, la formation de ressources humaines compétentes et motivées, et le développement de systèmes d’information sanitaire fiables. Elle encourage également la coopération scientifique et universitaire dans l’ensemble des pays en développement, notamment avec les pays émergents où la demande de partenariats en santé est forte. »

En d'autres termes, en matière d’aide dans le secteur de la santé, la France s’inscrit explicitement dans la réalisation des OMD tels qu’ils ont été définis en 2000 et vise précisément à participer à l’effort international en faveur des OMD 4,5 et 6.

Pour autant, un resserrement de notre action tend à se faire depuis plusieurs années, que le dernier CICID a confirmé : les orientations prises tendent à en effet à centrer notre effort sur un seul de ces trois OMD, le sixième. Rappelant que « La France met un accent particulier sur l’aide au développement dans le domaine de la santé », la huitième décision du CICID précise que « le gouvernement français réitère son engagement pour combattre les trois grandes pandémies, notamment via le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour lutter contre les maladies négligées, améliorer la santé des mères et des enfants et pour promouvoir la couverture sanitaire universelle. La France entend maintenir son engagement parmi les tout premiers contributeurs mondiaux à l’aide au développement en matière de santé. »

Votre rapporteur avait déjà insisté dans son précédent avis budgétaire sur l’indispensable adéquation de nos instruments avec nos priorités, d’une manière générale et dans le secteur de la santé en particulier. Les décisions qui ont été récemment prises l’amènent à réitérer ses recommandations compte tenu des nécessités de terrain.

Parmi les multiples éléments qui sont à prendre en compte dans ce secteur complexe, les données épidémiologiques de l'OMS figurent en première place. Elles révèlent que les trois pathologies sur lesquelles notre pays a choisi de centrer son action représentent ensemble un fléau sanitaire à l’échelle mondiale et causent aujourd'hui encore de terribles ravages : toutes catégories d’âge confondues, le paludisme a en effet tué en 2010 660 000 personnes dans le monde, la tuberculose a fait 1,4 million de victimes et le sida 1,7 million. Ce sont donc près de 3,8 millions de morts qui sont dus chaque année à trois maladies. Indiscutablement, l’OMD 6 est une cible de première importance.

En parallèle, pour compléter ce tableau, il faut également indiquer que selon l’Organisation mondiale de la santé 29, en 2011, entre 6,8 et 7,4 millions d’enfants de moins de cinq ans sont morts, soit quelque 19 000 par jour 30. Ne serait-ce qu’en nombre de victimes, les OMD 4 et 5 restent également aujourd'hui encore d’une brûlante actualité.

Cela étant dit, il est essentiel d’entrer dans le détail statistique, pour terrible qu’il soit ici. Ainsi que le montre la figure reproduite ci-dessous, toujours selon les données de l’OMS, les deux-tiers, 65 % exactement, des décès d’enfants de moins de cinq ans sont dus soit à des maladies infectieuses, au premier rang desquelles la pneumonie, qui tue 5 % des enfants de moins d’un mois, et 13 % des enfants âgés de un mois à 5 ans, soit à des causes néonatales, prématurité, suites d’accouchements ou autres. Après les décès dus à des naissances prématurées (14 %), ce sont la diarrhée et les complications lors de l'accouchement (10 %) qui viennent en troisième position, suivies par le paludisme (7%).

ttp://www.who.int/entity/gho/child_health/mortality/child_health_004.jpg

Causes de mortalité des enfants de moins de 5 ans 31

A elles seules, les diverses pathologies infectieuses recensées sont à l’origine du tiers 32 de la mortalité infantile dans le monde et sont au total responsables de quelque 2,5 millions de décès d’enfants par an, dont plus de la moitié, 1,3 million, du seul fait de la pneumonie.

En outre, si des améliorations régulières interviennent heureusement, des tendances restent préoccupantes : si le taux global de mortalité infantile diminue, en revanche, « la proportion des décès ayant lieu durant la période néonatale, le premier mois après la naissance, est en augmentation »,  au point que « la part des décès néonatals parmi les décès des moins de 5 ans dans le monde a augmenté d’environ 37 % en 1990 à un peu plus de 40 % en 2010 »33. La situation est variable, mais dans certaines régions, telle l’Asie du Sud, les décès néonatals représentent aujourd'hui la moitié des décès des enfants de moins de 5 ans. Il est même prévu que cette tendance se poursuive, la mortalité des moins de cinq diminuant de son côté.

Le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme ne sont pas, loin s’en faut les premiers facteurs de mortalité infantile quels que soient les segments d’âges pris en compte.

Ainsi, la question peut être posée de savoir si le problème de santé publique que représentent ces trois pandémies justifie la priorité quasi exclusive aujourd'hui que lui donne notre pays, par rapport aux causes principales de la mortalité des enfants de moins de cinq ans ?

En d'autres termes, il ne paraîtrait pas illogique à votre rapporteur que la politique de notre pays soit rééquilibrée et se donne comme objectif premier la lutte contre les pathologies les plus mortifères pour les jeunes enfants et concentre par conséquent ses efforts, à tout le moins, procède à un rééquilibrage conséquent, sur ces questions qui sont celles dont l’évolution est la moins favorable. Ce serait d’autant plus opportun que la situation dans les 16 pays pauvres prioritaires définis par le CICID n’est sur ce plan pas meilleure qu’ailleurs, tout au contraire : ainsi, selon les données de l'OMS, 27 % des décès des enfants de moins de cinq ans au Bénin sont dus à deux pathologies seulement, la diarrhée ou la pneumonie ; c’est aussi le cas de 30 % des causes de mortalité infantile au Burkina Faso, de 33 % aux Comores, de 34 % au Burundi ou au Mali, et jusqu’à 36 % au Niger, qui n’est surpassé en Afrique dans cette réalité sinistre que par la Somalie.

Il n’en est cependant rien. L’évolution des moyens que l’on consacre à notre aide en santé montre un glissement sans cesse plus resserré en faveur d’un nombre plus réduit d’instruments et d’objectifs.

C'est la raison pour laquelle notre priorisation en faveur du traitement des trois pandémies énumérées, ainsi que la concentration des moyens sur les instruments qui les traitent, appellent des remarques de la part de votre rapporteur. Ce fort déséquilibre de notre action nuit à l’efficacité recherchée en ce sens que certains des objectifs stratégiques annoncés se voient, de facto, beaucoup moins dotés, voire même aujourd'hui privés d’une part des moyens qui leur avaient été promis.

Quelque 90 % des moyens que la France consacre au secteur de la santé transitent par le multilatéral. Le graphique ci-dessous suffit à mettre en relief la concentration de ces contributions multilatérales qui se dirigent essentiellement vers deux organismes : le Fonds mondial et UNITAID, en d'autres termes, en faveur de la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.

Contributions de l'APD française à la santé par mécanisme de financement et en % de RNB 34

Les principaux bailleurs de fonds du Fonds mondial, à la fin 2012 35

Depuis la création du Fonds mondial, la France lui a apporté une contribution totale s’élevant à ce jour à 2,7 Mds€ (3,5 Mds$). Elle est, et de très loin, le premier contributeur européen. Elle a porté sa contribution annuelle à 360 M€ en 2011, soit une augmentation de 20 % par rapport à la contribution antérieure ; cette augmentation, décidée par le Président Nicolas Sarkozy pour une période de trois ans, a été pérennisée par François Hollande qui, en juillet dernier, en a annoncé le maintien pour le nouveau triennum budgétaire, soit quelque 1,08 milliard pour la période 2014-2016 36. Votre rapporteur reviendra sur les conditions dans lesquelles cette augmentation est financée.

Il ne s’agit évidemment pas pour votre rapporteur de remettre en question le rôle et l’efficacité de ces deux instances qui ont indéniablement répondu aux attentes qui ont été mises en eux, n’étaient quelques critiques et crispations récentes s’agissant du Fonds mondial quant à quelques problèmes de gouvernance.

On ne saurait non plus passer sous silence que le rapport d’évaluation commandé par la DGM a aussi mis en évidence un certain nombre de problèmes sérieux qui amènent à s’interroger sur la qualité de la gestion du Fonds mondial : ainsi ne faut-il pas sous-estimer les mentions faites quant aux procédures de gestion complexes et instables, aux délais excessifs de décaissement, aux goulots d’étranglement identifiés au niveau de la gestion des approvisionnements et des stocks ou encore à l’insuffisant travail fait par le Fonds sur le volet pourtant essentiel du renforcement des systèmes de santé. Ces critiques viennent après d’autres, plus anciennes, par exemple quant à l’utilisation exclusive de l’anglais dans les procédures d’appel d’offre, y compris dans les pays francophones, et l’on sait avec quelle insistance il avait fallu que notre pays s’en émeuve pour que les choses évoluent. Ce sont, aux yeux de votre rapporteur, autant de sujets sur lesquels une attention particulière doit être portée : l’exigence de la France doit être à la hauteur de sa contribution et de son soutien.

Cela étant, on ne peut contester en parallèle que, aujourd'hui, 56 % des personnes pouvant prétendre à une thérapie antirétrovirale en ont bénéficié contre moins de 5 % en 2000. Sur le terrain de la tuberculose, 67 % des 8,7 millions de cas estimés sont désormais diagnostiqués et 85 % des patients concernés ont guéri ; les chiffres étaient respectivement de 43 % et 67 % il y a seulement dix ans. Enfin, 53 % des ménages exposés au risque de paludisme en Afrique subsaharienne possèdent aujourd'hui au moins une moustiquaire imprégnée, contre seulement 3 % en 2000 et l’on sait aussi qu’environ 90 % des personnes disposant d’une moustiquaire imprégnée l’utilisent 37.

Les graphiques ci-dessous 38 montrent ainsi la progression parfois spectaculaire du nombre de malades pris en charge grâce à l’action du Fonds mondial.

Nombre de patients sous ARV

Nombre de moustiquaires

Nouveaux cas de tuberculose à frottis positifs détectés et soignés

Ne pas contester la réalité de ces résultats et les perspectives extrêmement positives qu’ils ouvrent ne doit pas conduire à s’interdire de souligner une certaine incohérence de notre politique qui, à trop privilégier deux instruments, cible un éventail très restreint de pathologies et se prive, comme on le verra, des moyens de soutenir d’autres mécanismes, qui précisément interviennent plus spécifiquement sur le quatrième des OMD, celui de la mortalité infantile.

Parmi les instruments multilatéraux que la France soutient depuis les origines, GAVI Alliance, partenariat public/privé, est l’un des plus importants et aujourd'hui des plus reconnus.

Depuis sa fondation en 2000, GAVI Alliance finance des campagnes de vaccination dit « de routine » dans les pays en développement, dans lesquels vivent 85 % des enfants non vaccinés dans le monde. En douze ans d’existence, GAVI Alliance aura vacciné 370 millions d’enfants contre des maladies infectieuses comme la diarrhée, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la rougeole, ou d’autres comme l’hépatite B, la fièvre jaune, etc., et permis, selon l’OMS, d’éviter quelque 5,5 millions de décès prématurés dans les 72 pays les plus pauvres du monde dont 28 pays francophones. D’ici à 2015, son action pourrait prévenir la mort de 3,9 millions d’enfants supplémentaires. Ses financements et les partenariats qu’elle a noués avec l’industrie pharmaceutique ont contribué à la baisse considérable du prix des doses de vaccins, et son action a également été importante en faveur du renforcement des systèmes de santé.

La qualité de son travail a été reconnue par les bailleurs les plus exigeants en matière d’efficacité des organisations auxquelles ils contribuent, comme le montre la revue de l’aide que le Royaume-Uni a faite il y a deux ans, ou celle que le MOPAN a réalisée de son côté l’an dernier 39.

Les évaluations des organisations internationales en regard des objectifs

Notre pays, reconnaissant le caractère essentiel des campagnes de vaccination, a d’emblée joué la carte GAVI Alliance dans le cadre de sa politique d'aide au développement en santé. Elle lui a tout d'abord octroyé des financements bilatéraux avant de s’engager sur le long terme à travers la Facilité financière internationale pour l’immunisation (IFFIm), mécanisme de financement innovant, à hauteur de 1,24 Md€ pour la période 2006-2026. En outre, en 2011, la France avec d’autres membres du G8 et du G20, s’est engagée à mobiliser 100 M€ additionnels d’ici 2015 en vue de contribuer efficacement à la réalisation de l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) 4, visant à réduire la mortalité infantile.

La part de la contribution française aux ressources de GAVI s'est élevée à 10,3 % entre 2000 et fin 2010. L’apport de la France a ainsi permis l'immunisation de près de 30 millions d’enfants à travers ses financements qui représentent aujourd'hui 6,7 % des ressources après qu’elle se soit engagée pour 383 millions d’euros sur la période 2011-2015. La France se place au cinquième rang des bailleurs derrière le Royaume Uni, la Fondation Gates, la Norvège et les Etats-Unis, ainsi que le montre le tableau ci-dessous.

Pays donateur

Contributions directes (MUSD)

Contributions innovantes (MUSD)

TOTAL

AMC

IFFIM

Matching Fund

Royaume –Uni

1 398

463

631,6

75

2 448

Fondation Gates

1 240

30

0

50

1 320

Norvège

634,6

47,9

102,6

 

785,1

Etats-Unis

539,8

0

0

 

539,8

France

129,6

0

362

 

491,6

Italie

0

266,2

172,1

 

438,3

Suède

230,6

0

12,3

 

242,9

Australie

209,5

0

33,2

 

242,7

Pays Bas

154,6

0

80,1

 

234,7

Canada

74,9

85

0

 

159,9

Les dix principaux contributeurs de GAVI Alliance sur 2011-2015 40

Votre rapporteur a présenté ces deux institutions pour mieux illustrer l’incohérence des décisions prises par l’exécutif en matière de contributions et peut-être pire, de respect de ses engagements.

En effet, d’un côté, s’agissant du Fonds mondial, comme on l’a vu, le Président de la République a décidé de pérenniser un engagement déjà exceptionnellement haut : l’augmentation de 20 % de la contribution française portée de 300 M€ à 360 M€, initialement prévue pour trois ans en 2011, que les documents budgétaires de l’an dernier avaient annoncée comme ne devant pas être reconduite 41 l’est finalement pour une période équivalente, malgré les difficultés budgétaires.

On peut s’interroger sur les raisons de fond ou d’image qui poussent notre pays à continuer d’investir autant dans un seul instrument, au détriment d’autres, tels ceux du système des Nations Unies par exemple pour lesquels notre niveau de participation est très loin d’être à la hauteur du statut de membre permanent de la France, au détriment aussi de la cohérence de notre action et de notre stratégie. Car, concrètement, le programme 209 ne contribuera plus qu’à hauteur de 217 M€ au Fonds mondial, contre 300 M€. En conséquence, les 360 M€ d’engagements ne seront respectés que moyennant la mobilisation des financements innovants : la taxe sur les billets d'avion sera ainsi mise à contribution à hauteur de 83 M€ et la taxe sur les transactions financières continuera d’alimenter le Fonds pour 60 M€, sans changement, par rapport à ce qui avait été antérieurement décidé par le président Sarkozy. En d'autres termes, malgré les difficultés à maintenir le budget du programme 209, la France fait le choix envers et contre tout de l’effort en faveur de l’OMD 6.

Ce choix ne manque pas de surprendre si on le met en regard d’une autre décision concomitante, plus difficile à comprendre. Car, s’agissant de GAVI Alliance, dont a vu l’importance pour l’OMD 4 qui est son cœur de cible, décision a en revanche été prise de réduire de 10 M€ les engagements qui avaient été promis, qui devaient également être honorés sur le programme 209. La différence est, que dans ce cas, il n’est pas prévu de compenser cette réduction conséquente par une participation de l’un ou l’autre des financements innovants que le gouvernement sait mobiliser pour le Fonds mondial.

Le ministre en a fait récemment l’annonce au directeur général de GAVI et cela a été confirmé à votre rapporteur par la directrice générale de la mondialisation lors de son audition 42. En d'autres termes, se confirme que la priorité affichée par notre pays en faveur de l’OMD 4 a de facto moins de poids que celle en faveur de l’OMD 6, et que, à la réduction de la mortalité infantile via la lutte contre les maladies infectieuses est préférée la lutte contre trois maladies.

On dira que GAVI Alliance n’est pas le plus mal doté des instruments financiers qui interviennent dans le secteur de la santé. Cela est vrai et la France a montré qu’elle soutenait l’initiative de manière importante et durable. Il n’empêche que 10 M€ qui avaient été promis lui feront défaut.

On comprendra que votre rapporteur s’interroge sur la logique qui préside aux décisions du gouvernement, dont la cohérence de la politique en matière de santé semble surtout refléter l’efficacité de certains lobbies. C'est la raison pour laquelle, quand bien même il n’y aurait d’autre solution que de donner une compensation légèrement inférieure au Fonds mondial, il lui demande instamment de revenir sur sa décision afin de respecter l’engagement pris envers l'Alliance GAVI.

L’éducation est une priorité de notre politique d’aide au développement. La stratégie a été adoptée par le CICID de 2009, qui couvre les années 2010-2015 et s’articule autour de deux objectifs : l’accès à une éducation primaire de qualité pour l’ensemble des filles et des garçons et la promotion d’une vision intégrée de l’éducation, qui inclut l’enseignement et la formation professionnelle pour répondre aux défis de la jeunesse.

Telle qu’elle a récemment été présentée au CAD en prévision de la revue des pairs, cette stratégie a deux objectifs majeurs : la scolarisation primaire universelle et la parité d’accès à l’éducation filles/garçons, comprenant les enseignements primaire et secondaire, la formation professionnelle et l’enseignement supérieur, pour répondre aux défis de l’avenir de la jeunesse dans une nouvelle stratégie élargie à l’ensemble du secteur éducatif. Le mémorandum adressé au CAD précisait en outre que « la réalisation de ces objectifs s’adosse à une politique de promotion du français, langue d’accès aux savoirs, en particulier en Afrique francophone où le français est langue d’enseignement. Pour ce faire, la France actualise et rénove les instruments et les dispositifs utilisés jusqu’à présent et renforce la formation des enseignants et les capacités des pays bénéficiaires à piloter leurs systèmes éducatifs » 43

Pour autant, dans ce secteur comme dans celui de la santé, des évolutions semblent intervenir qui s’écartent de la stratégie adoptée. Ainsi, la décision n°7 du dernier CICID ne mentionne-t-elle pas la problématique de l’éducation de base, pourtant centrale. L’accent semble désormais davantage mis sur l’enseignement supérieur, l’articulation entre politique d’enseignement et formation professionnelle, et l’éducation de base tend à s’effacer du propos.

M€

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Total

EdSbv

19.60

31.75

9.00

74.43

51.15

61.05

13.15

25.47

15.85

15.50

83.5

400.45

EdPrêt

         

4.61

50.00

20.00

     

74.61

FPSbv

 

7.40

10.55

7.26

9.68

6.00

2.52

1.00

0.50

24.25

8.50

77.66

FPPrêt

26.00

   

7.00

 

22.50

4.70

15.05

41.00

235.42

21.72

373.39

C2D

9.76

     

16.20

40.00

50.00

 

9.29

18.14

110.00

253.39

Codev

           

10.00

 

7.80

   

17.80

Total

55.36

39.15

19.55

88.69

77.03

134.16

130.37

61.52

74.44

293.31

223.72

1197.3

Octrois de l’AFD pour l'éducation et la formation professionnelle entre 2002 et 2012, en M€44 

Entre 2008 et 2012, onze projets financés sur le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) ont participé, au Maghreb et en Afrique subsaharienne, au développement de formations professionnelles supérieures courtes adaptées aux besoins des employeurs (15 millions d'euros). Le montant total des projets sur FSP contribuant à la promotion de la langue française en Afrique subsaharienne s’élève à 21 millions d’euros en 2012.

Cela étant, une certaine distorsion perdure entre l’ambition politique annoncée et sa traduction dans les faits. La représentation nationale a eu l’occasion de soulever cette question à plusieurs reprises ces dernières années. Plusieurs rapports de l'Assemblée nationale l’ont abordée, les ONG spécialisées sur les politiques d’éducation, en premier lieu Solidarité laïque, membre de la Campagne mondiale pour l’éducation, ont fait de même, tout comme le Sénat. Aujourd'hui, la revue des pairs du CAD tire à son tour les mêmes conclusions en soulignant que « l’éducation reçoit la part la plus importante de l’APD bilatérale : 17 % en moyenne pour 2010-2011, soit 1 600 millions USD par an. Cette aide est pour une très large part consacrée à l’enseignement supérieur, et notamment aux frais d’écolage - 918 millions USD en 2011. Seulement 10 % des fonds alloués à l’éducation (166 millions USD) financent l’éducation de base en 2010-2011. » 45

Pour Solidarité laïque, en 2011, ce sont exactement 10,96 % de son aide à l’éducation qui sont consacrés par la France à l’éducation de base, comme le traduit la figure ci-dessous.

L’aide à l’éducation française en 2011 46

La France déclare par ailleurs les frais d’écolage d’une manière qui ne correspond pas strictement aux recommandations du CAD et ce qui lui permet de « gonfler » artificiellement ses dépenses, et partant, d’augmenter son taux d’APD déclarée. Ce sont plus de 700 M€ qui sont désormais pris en compte à ce titre.

De son côté, le DPT 2014 47 montre sans ambiguïté non seulement la distorsion entre ces deux axes mais aussi la diminution forte en 5 ans des sommes allouées : de 36,2 % en 2008, les dépenses consacrées à l’éducation de base ne représentant plus que 10 % des dépenses d’éducation ; elles ont de fait diminué de 57,8 %, perdant quelque 246 M€ sur une enveloppe en 2008 de 426 M€.

Par ailleurs, la France indiquait dans son mémorandum que « les subventions sont prioritairement affectées aux secteurs de l’éducation et de la santé, pour lesquels la mobilisation de prêts, même très concessionnels, est moins aisée. Les subventions peuvent cependant être utilisées de façon raisonnée dans d’autres secteurs, pour des activités difficilement finançables sur prêts. » 48 Après avoir précisé qu’elle privilégiait le canal bilatéral pour cette politique, le mémorandum ajoutait que « la France utilise également le canal multilatéral pour intervenir dans certains secteurs stratégiques prioritaires : dans le secteur de la santé en premier lieu, où l’APD française est quasi exclusivement multilatérale ; et, dans une moindre mesure, dans le soutien à l’éducation de base ou à l’environnement ».

Dans cet ordre d'idées, votre rapporteur souhaite attirer suffisamment tôt l’attention sur le Partenariat mondial pour l'éducation. Comme le rappelait les documents budgétaires de l’an dernier, cette initiative de mise en œuvre accélérée de l’éducation pour tous, créé en 2002 suite au Forum mondial sur l'éducation (Dakar, avril 2000), vise à appuyer la réalisation de l’objectif du millénaire pour le développement de la scolarisation primaire universelle (OMD 2), d’ici 2015. Notre pays s’était engagé pour 50 M€ lors de la dernière reconstitution, pour laquelle les derniers crédits, de 16,7 M€ ont été versés en 2013 ; la France a acquitté l’intégralité de sa promesse en trois ans et il faut s’en féliciter.

Les résultats obtenus par le PME sont remarquables, chacun en convient. Grâce à l’allocation de plus de 3 milliards de dollars au soutien à l’éducation dans certains des pays les plus pauvres de la planète, il a permis la scolarisation de 22 millions d’enfants supplémentaires. Ses actions permettent notamment que de plus en plus de filles, 70 % en 2011 contre 55 % en 2002, achèvent le cycle primaire dans les pays concernés et l’on sait aussi que cet appui contribue à l’augmentation moyenne de 10 % des financements intérieurs consacrés à l’éducation en proportion du produit intérieur brut dans les pays qui ont rejoint le Partenariat mondial. Tout cela est d’autant plus positif que l’on sait les bienfaits annexes des actions sur l’éducation de base, en termes de réduction de la pauvreté : ce sont plus de 170 millions de personnes qui pourraient sortir de la pauvreté si l’ensemble des élèves des pays à faible revenu quittaient l’école avec des compétences de base en lecture (soit un recul de la pauvreté mondiale égal à 12 %). En termes d’amélioration de la santé : au cours des quatre dernières décennies, les progrès dans l’éducation des femmes à l’échelle de la planète ont évité plus de 4 millions de décès d’enfants, un enfant né d’une mère sachant lire ayant 50 % de chances en plus de survivre au-delà de ses 5 ans. L’impact sur légalité hommes-femmes est également forte, tout comme le fait que chaque année de scolarisation supplémentaire fait progresser le PIB annuel de 0,37 %.

Récemment, la directrice générale du PME indiquait à New York lors d’une réunion appelant à l’augmentation des financements pour l’éducation en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies que « sur la seule année 2013, nous avons reçu des demandes de financement s’élevant à 1,2 milliard de dollars de la part des presque 60 pays en développement membres du GPE, qui affichent un fort engagement en faveur de l’éducation. » 49

Eu égard à son engagement antérieur, la France ne peut pas ne pas maintenir son engagement au moins à la hauteur de ce qu’il a été jusqu’à aujourd'hui. Votre rapporteur estime qu’une annonce inférieure lors de la conférence de Bruxelles serait un très mauvais signal donné à la communauté internationale. Si d’aventure la contrainte budgétaire rendait difficile la poursuite d’un financement uniquement budgétaire, l’affectation d’une part des financements innovants à cette cause serait une nécessité pour que notre pays continue de mener une action résolue envers l’un des défis les plus importants des politiques d'aide au développement.

Pays

2008

2009

2010

2011

Mali

       

France

0,8

5,5

0,7

1,2

Etats-Unis

15,4

9,6

2,4

12

RDC

       

France

0,9

7,7

0,7

0,6

Etats-Unis

11,6

12,6

11,5

20,7

Sénégal

       

France

3,4

1,6

2,3

3,1

Etats-Unis

13

11,5

11,4

11,8

Engagements de la France et des Etats-Unis en éducation de base,

au Mali, en RDC et au Sénégal, de 2008 à 2011, en M$ 50

Dans ces pays, les Etats-Unis, en soutenant l’éducation de base, et partant, l’enseignement en français, contribuent à la francophonie avec des moyens nettement supérieurs à ceux que nous-mêmes mettons en œuvre…

Cela amène votre rapporteur à conclure que, malgré le travail effectué ces derniers mois, la question de nos priorités, tant sectorielles que géographiques, de nos instruments, et des moyens que l’on met en œuvre, reste posée. La réflexion stratégique reste à faire, urgente.

Les difficultés budgétaires imposent des arbitrages, sur la base des options politiques qu’il appartient à l’exécutif de définir et sont en ce sens peu discutables. On ne sera pas surpris, par exemple, de voir dans le PLF 2014 fortement réduits les crédits destinés au codéveloppement. Comme Pascal Canfin l’a confirmé à votre rapporteur, il s’agit de la traduction budgétaire de la décision politique prise au début du quinquennat par le Président Hollande qui avait refusé l’articulation entre aide au développement et gestion des flux migratoires, initiée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Comme on l’a vu, cette position a été entérinée lors des Assises. 

Cela étant, d’autres décisions sont prises en ce moment qui traduisent des infléchissements autrement plus contestables. Ainsi en est-il de la question des financements innovants sur laquelle on assiste à des changements majeurs, ou de l’introduction de nouvelles conditionnalités dans l’allocation de l’aide, comme le Président de la République l’a annoncé dans son discours du 1er mars.

Le contexte budgétaire semble ainsi provoquer des changements profonds, qui vont bien au-delà de la seule diminution de crédits.

Le premier de ces changements porte sur les financements innovants que la France a toujours promus et défendus, considérant qu’ils représentaient des gisements de recettes additionnelles, mobilisables, prévisibles et stables pour le développement.

Sur le site du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement dont la France assure le secrétariat permanent, à la rubrique « De quelques idées reçues sur les financements innovants », on peut encore lire ceci : « "Les financements innovants sont un prétexte pour ne pas respecter les engagements des États en matière d’aide publique au développement" » FAUX ! Les financements innovants ont au contraire depuis l’origine été conçus comme des ressources complémentaires pour le développement, non comme un substitut à cette dernière, comme le précisent les déclarations adoptées aux Nations Unies et les différentes conclusions des travaux du Groupe pilote. La logique de " niche " dans laquelle s’inscrivent les financements innovants par rapport à l’APD traditionnelle (intervention dans des secteurs ou selon des logiques économiques insuffisamment pris en compte par l’aide " traditionnelle ") constitue aussi en pratique une garantie. La question de la comptabilisation en aide publique au développement (qui pose la question du périmètre retenu par le CAD de l’OCDE pour cet agrégat, par nature hétérogène) doit en outre être distinguée de la question de l’additionnalité (i.e. les financements innovants mis en place viennent-ils bien en complément des financements " traditionnels "). » 51

La page d’où est extraite cette note a beau avoir été actualisée à la date du 7 juin 2013, il est difficile de ne pas voir dans les orientations les plus récentes de notre pays un changement radical de paradigme. En effet, comme le ministre a eu l’occasion de le reconnaître devant votre rapporteur, c’est désormais uniquement grâce à la taxe sur les transactions financières et à l’augmentation de la taxe sur les billets d'avion que la construction du budget pour 2014 permet de maintenir une enveloppe relativement stabilisée à – 3% pour le périmètre de la mission.

L’additionnalité des financements innovants à l’effort budgétaire consenti pour l'aide au développement a vécu, et cette position sur laquelle notre pays n’a jamais dévié ressort aujourd'hui clairement du passé. Certes, cette évolution était en cours depuis quelques temps déjà, la présentation des documents budgétaires ayant changé dès le PLF 2010. C’est en effet à cette occasion que, discrètement, une ligne « Taxe sur les billets d'avion » s’est glissée dans le tableau de synthèse des prévisions d’APD publié dans le DPT 52, contribuant ainsi à la surestimation de l’APD en % de RNB ; aucun commentaire ne venait justifier le changement par rapport à l’année précédente, où il était en revanche explicitement précisé que les prévisions « ne prennent pas en compte les recettes de la contribution de solidarité sur les billets d’avion, qui devraient s’élever à environ 160 M€ en 2007, 2008 et 2009 (soit 0.01% du RNB) et sont considérées comme additionnelles à l’APD. » 53

La parenthèse ouverte en 2010 est désormais loin de se refermer avec le choix politique du gouvernement de l’utilisation de ces deux taxes pour maintenir à peu près stables les recettes prévues dans quelques secteurs prioritaires : la trajectoire vers le doublement, sur la durée du quinquennat, de la part de l'APD affectée aux ONG ; la sanctuarisation de l’aide alimentaire pour pouvoir répondre aux urgences humanitaires ; l’augmentation des fonds versés en soutien à la coopération décentralisée, et surtout, le maintien intégral de la contribution de notre pays au Fonds mondial, réévaluée de 20 % en 2011 pour atteindre 360 M€ annuels.

Cela est si vrai que les moyens consacrés à ce seul instrument vont capter à partir de 2014 une part très importante des recettes fournies par les financements innovants. Ce sont en tout quelque 143 M€ de recettes innovantes qui seront versées au seul Fonds mondial.

La contrainte est en effet telle que les crédits budgétaires du programme 209 consacrés au Fonds mondial sont réduits de manière drastique dans le PLF 2014, puisqu’ils passent de 300 M€ l’an dernier à 217 M€ ; toutefois, cette diminution de 83 M€ est intégralement compensée par un abondement du même montant sur les recettes de la taxe de solidarité sur les billets d’avions, revalorisée, ainsi que le CICID du 31 juillet l’a décidé. En d'autres termes, le Fonds mondial se voit désormais bénéficier de recettes provenant des financements innovants dans des proportions considérables : ce sont près de 40 % de son financement qui lui seront ainsi apportés. Les contributions budgétaires sur le programme 209, initialement les seules à supporter la cotisation de la France, ne représentent donc aujourd'hui plus que 60 %.

Cet exemple montre clairement que la doctrine en matière de financements innovants que notre pays a toujours défendue avec force au niveau international, au sein du groupe pilote notamment, a plié sous le poids des nécessités. Il s’agit par conséquent d’un moment important.

Il l’est d’autant plus important qu’il risque d’avoir un impact négatif sur notre capacité de plaidoyer international : on ne saurait oublier en effet que certains pays, le Royaume-Uni par exemple, refusent résolument de s’engager sur des instruments tels que la taxe sur les transactions financières au motif que, malgré leurs propres difficultés budgétaires, eux ne regimbent pas à poursuivre leur effort pour respecter leurs engagements internationaux. Si aujourd'hui, non seulement la France diffère le sien mais revient sur des principes qu’elle a initiés et portés depuis toujours avec force, l’effet sur sa parole politique pourrait être dévastateur. Sans doute serait-il donc opportun que, ici comme ailleurs, le discours s’accorde à la pratique.

Ces questions sont bien sûr à appréhender dans le cadre de l’effort global demandé aux dépenses budgétaires comptabilisables en APD. Quoi qu’on en dise, dans le contexte actuel, la réduction de 7,7 %, - 577 M€ sur 7515 M€ votés en 2013, qui leur est imposée suppose l’augmentation d’autres sources de financement, si l’on entend maintenir le taux d’APD sur une trajectoire ascendante, car la sanctuarisation dont naguère encore le mémorandum de la France au CAD se félicitait 54 est elle aussi désormais derrière nous : les divers budgets qui concourent à l’effort d'APD sont également pour la plupart en baisse, au mieux stabilisés. On verra dans quelques instants dans le détail ce qu’il en est précisément des deux programmes de la mission, qui sont ceux qui supportent l’impact le plus fort.

Le tableau ci-dessous montre les prévisions par rapport à la LFI 2013, étant entendu que l’exécution budgétaire se traduira par des dépenses inférieures à ces plafonds et que la baisse des dépenses budgétaires sera par conséquent plus proche de 8 % que ce qui est envisagé à ce jour.

Dépenses budgétaires comptabilisables en APD, prévisions pour 2013-2014, en M€ 55

Sur un autre aspect, la France tient désormais un discours qui marque également une inflexion importante, sans doute en rupture avec d’autres engagements internationaux, en tout cas en contradiction avec les objectifs qu’elle se donne.

Depuis plus d’une décennie, les grandes conférences internationales qui ont été réunies pour faire de l'aide au développement une politique publique plus efficace en faveur des populations bénéficiaires des pays du Sud, se sont conclues sur un certain nombre de déclarations et autres plans d’action : la Déclaration de Rome sur l’harmonisation de l’aide a été adoptée en février 2003 ; un programme d’action a été défini à Accra en septembre 2006 pour accélérer et d’amplifier la mise en œuvre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide approuvée le 2 mars 2005. La rencontre de Busan en décembre 2011 a enfin débouché sur l’élaboration d’un partenariat pour une coopération efficace au service du développement.

Un fil conducteur a couru le long de cette décennie de rendez-vous internationaux : celui selon lequel l’efficacité de l’aide était fortement conditionnée par son appropriation par les pays receveurs ; qu’en conséquence, autant que faire se pouvait, les programmes d’aide devaient respecter et prendre en compte les plans de développement définis au niveau national ; que les procédures de gestion devaient autant que possible utiliser les mécanismes nationaux de gestion publique ; que les donneurs harmoniseraient de plus en plus leurs politiques et leurs approches, afin que, notamment, la prévisibilité de l’aide soit mieux garantie. En d'autres termes, que les politiques d'aide au développement résulteraient de processus de dialogue.

Le 1er mars, en clôture des Assises du développement, le Président de la République a étonnamment ajouté des critères de conditionnalité supplémentaires lorsqu’il a indiqué, tirant argument de la pression budgétaire : « Si nous voulons mobiliser ces moyens nous devons avoir des critères, des conditions. D'abord des critères politiques, c'est-à-dire l'exigence démocratique, qui est d'ailleurs une condition du développement et pas simplement son aboutissement. Ensuite la lutte contre la corruption, qui est un fléau qui concerne aussi bien les pays pauvres que les pays riches. La corruption s'entretient mutuellement, pour qu'il y ait des corrompus, il faut qu'il y ait des corrupteurs. Ça va dans les deux sens. Et puis un autre critère, qui est le renforcement de l'Etat de droit, d'institutions capables de protéger les personnes et aussi de garantir aux entreprises que leurs biens seront protégés. »

Jusqu’alors, la France prenait naturellement en compte les questions de gouvernance, d'État de droit, de corruption, mais comme axes sectoriels prioritaires de sa politique d'aide au développement. Tout autre chose paraît être le fait de poser désormais des critères politiques comme conditionnalités préalables. Si la bonne gouvernance des États récipiendaires de l'aide de notre pays devient désormais une condition de l’allocation, se pose la question du respect par notre pays des principes de partenariats et d’appropriation : l’imposition de conditionnalités, en d'autres termes, de critères conduisant à réserver le bénéfice des moyens engagés par notre pays à ceux qui les respecteront, contrevient clairement à la logique-même de l'aide au développement, vue aujourd'hui comme relation entre partenaires égaux. Récemment, la Commission européenne avait d’ailleurs adressé une communication aux institutions européennes dans laquelle cet aspect était traité. Elle estimait que « Dans le cas où un pays relâcherait son engagement en matière de droits de l'homme et de démocratie, l'UE devrait renforcer sa coopération avec les acteurs non étatiques et les pouvoirs locaux et recourir à des modalités d'aide qui garantissent aux pauvres le soutien dont ils ont besoin. Dans le même temps, l'UE devrait maintenir un dialogue avec les autorités et les acteurs non étatiques. Un durcissement des conditions sera parfois justifié. » 56 Les propos présidentiels semblent aller plus loin que la sélection des interlocuteurs de la France au sein des pays bénéficiaires et, loin d’entrer dans l’alternative vers un renforcement du dialogue avec les acteurs non étatiques et les pouvoirs locaux, tendent bien plutôt à fermer la porte. On ne peut y voir que la manifestation d’une conception surannée, déséquilibrée de la relation entre donateurs et bénéficiaires, qui ne correspond pas à ce sur quoi la communauté internationale s’est accordée ces dernières années.

Il semble donc y avoir un infléchissement qui préfigure peut-être un changement de doctrine. Cela n’est pas anodin, dans la mesure où cette évolution ne manquera évidemment pas d’avoir une incidence sur la géographie de notre aide et la cohérence de nos politiques. En ce sens, il s’agit d’un sujet qui devra appeler des précisions de la part des pouvoirs publics : on se souvient ainsi des propos du Président de la République lors de son déplacement en RDC en octobre 2012 à l’occasion du sommet de la francophonie de Kinshasa. L’accent mis alors sur la question des Droits de l'Homme dans ce pays, sur les manquements démocratiques, doit-il être considéré comme annonçant une révision de notre politique d’aide bilatérale, et si oui, dans quelle mesure ? Quoi qu’il en soit, à l’heure où l'aide au développement se met plus que jamais sous le projecteur des évaluations et du dialogue permanent avec les acteurs de la solidarité internationale, l’introduction de nouvelles conditionnalités pour déterminer l’allocation de l’aide, ne peut manquer d’être discutée, tant dans son principe que dans son application.

Enfin, on peut aussi estimer que cette question est également en contradiction avec la conception du gouvernement qui donne de plus en plus à l'aide au développement la dimension d’une politique globale, dans laquelle la question de la préservation de la planète, la lutte contre le changement climatique, occupent une place sans croissante. Cet axe suppose par nature le partenariat de tous, autour d’un objectif commun. Annoncer réserver le bénéfice de notre aide à ceux qui répondraient aux critères définis à Paris revient sans doute à se couper d’une part importante des acteurs potentiels dans cet enjeu majeur.

Le premier point à souligner porte sur la participation du programme à l’effort budgétaire, ce qui n’étonnera pas, qui se trouve mise en évidence par la demande de CP, en diminution constante et forte pour au moins la troisième année consécutive, comme le résume le tableau reproduit ci-dessous : après une baisse de 3,1 % en 2013, la diminution de 69,97 M€ de CP demandés représente -8,1 %. En d'autres termes, entre l’exécution du budget pour 2012 et le PLF 2014, la diminution constatée s’agissant des CP est de 10,89 %.

Le programme 110 : aide économique et financière au développement 57

Les tableaux suivants présentent les AE et CP qui sont demandés pour 2014 par action.

Le premier commentaire que ces tableaux appellent conduit à souligner que les CP demandés pour les actions 1 et 2 sont en baisse par rapport à ceux qui avaient été ouverts dans la LFI pour 2013 : elles diminuent respectivement de 5,5 % et de 15,1 %.

Toutes les dépenses d’intervention comme de fonctionnement sont en baisse en ce qui concerne les CP, de -3,92 %, quand bien même les AE pour les dépenses d’intervention sont-elles en augmentation conséquente, compte tenu notamment de la reconstitution de l'AID de la Banque mondiale, sur lequel votre rapporteur reviendra en analysant le détail des crédits, action par action. Cette baisse des CP intervient après celle enregistrée l’an dernier, -2,5 % par rapport à l’année précédente, et confirme par conséquent, que ce programme prend sa part de l’effort, comme les responsables de la direction générale du Trésor l’ont indiqué à votre rapporteur, estimant cependant que les engagements de la France pouvaient continuer d’être honorés grâce aux contributions multilatérales ou aux annulations de dette.

Une analyse transversale des secteurs auxquels contribue ce programme met en évidence le soutien aux politiques de croissance en premier lieu, suivi par ordre d’importance, du soutien à la stabilité macro-économique. Le développement durable et le changement climatique est le troisième axe du programme, à hauteur de près de 75 M€, devant la santé, auquel l’IFFIm apportera quelque 32,5 M€. Le tableau ci-dessous reflète ces répartitions de crédits par grands axes.

Cette première action représente dans le PLF 2014 66,8 % des AE demandées. Près des trois quarts, 74,3 %, des 1581,2 M€ demandés permettront à notre pays d’honorer sur les trois ans à venir son nouvel engagement envers le guichet concessionnel de la Banque mondiale, l'Association internationale de développement, l’AID, reconstitué pour la 17e fois. Avec une part de financement de 4,88 %, la France en est le cinquième contributeur, loin derrière le Royaume-Uni (12,08 %), les États-Unis (11,36 %), le Japon (10,41 %) et l’Allemagne (6,01 %).

Notre pays a prévu de décaisser son don de 1094,5 M€, en trois années maximum. Notre participation au principal instrument de la Banque mondiale diminue, puisqu’elle était de 1,1Md€ environ dans le cadre de la 16e reconstitution. Selon les indications qui ont été données à votre rapporteur, en l’état actuel des informations, on ne sait quelles seront les orientations des autres principaux contributeurs, les négociations n’étant pas achevées, les annonces définitives devant être faites en décembre prochain.

En revanche, notre contribution au Fonds africain de développement, FAD, est stabilisée au montant qui était antérieurement le sien. La Banque africaine de développement, BAD, procède à la 13e reconstitution de son fonds concessionnel et la France y contribuera à hauteur de 380,92 M€, qui sont demandés en AE et correspondent à ce que notre pays a acquitté au titre de sa participation à la reconstitution antérieure : celle-ci avait été fixée à 400 M€ en 2010, mais notre pays, en accélérant les rythmes de ses décaissements, a bénéficié d’un bonus qui a réduit sa contribution d’une vingtaine de millions d’euros, puisqu’elle n’a eu à acquitter que 380,91 M€ en tout. C’est donc sur cette base que les AE pour la 13e reconstitution sont demandés, ce qui permettra à notre pays de conserver son rang de quatrième contributeur. En revanche, une évolution intervient quant aux CP : alors que jusqu’à présent, les décaissements au FAD se faisaient sur la base de trois tranches égales, une possibilité de modulation est désormais offerte par le fonds, aux termes de laquelle les CP pour un montant seulement de 101,47 M€ sont nécessaires, le solde étant versé les deux années suivantes. En d'autres termes, la diminution, forte, des CP demandés cette année, par rapport au PLF 2013, ne traduit pas un moindre effort de notre pays vis-à-vis du FAD.

Ces deux contributions appellent un commentaire de la part de votre rapporteur.

On peut certes se réjouir de la stabilité de notre engagement envers le FAD qui traduit la priorité de notre pays envers l'Afrique, comme il a pu être indiqué à votre rapporteur lors de ses auditions. Toutefois, cela doit être relativisé avec le fait que, en parallèle, d’autres contributeurs tendent a priori à augmenter le leur. D’après les indications recueillies, ce pourrait notamment être le cas du Royaume-Uni, du Japon, peut-être de l’Allemagne, ainsi que de certains émergents. Dans ces conditions, alors que la France est actuellement assez bien positionnée à la Banque mondiale, où il faut reconnaître qu’elle a vu certaines de ses priorités prises en compte ces dernières années, quant au Sahel ou aux problématiques climatiques par exemple, la stagnation de son effort, alors même que d’autres accroissent le leur, tout en traversant les mêmes difficultés budgétaires, n’est-elle pas de nature à fragiliser son influence ? Ne peut-on ainsi craindre que de nouvelles priorités soient imposées à terme à la Banque mondiale de la part des autres États contributeurs, en position renforcée face à la réduction proportionnelle de notre effort ? Sur un autre terrain, mais néanmoins connexe, dans la mesure où dès l’année prochaine, devra être rediscutée la question de la gouvernance et des droits de vote, la France qui a maintenu son statut au sein de la BIRD lors de la dernière négociation en 2010, à parité avec le Royaume-Uni, le pourra-t-elle encore longtemps ? Ce ne sont là que des réflexions qui viennent sous la plume de votre rapporteur, sur lesquelles il n’a pour l’heure aucune certitude, ne serait-ce que parce que les négociations ne sont pas achevées, mais elles lui semblent d'ores et déjà suffisamment importantes pour mériter que toute l’attention nécessaire y soit portée.

Répartition géographique des interventions (dons et prêts) vers les pays à faible revenu des principaux guichets concessionnels multilatéraux auxquels la France participe58

Cette question est d’autant plus importante que, si le soutien de notre pays au FAD de la Banque mondiale marque, certes, sa priorité au continent, l'AID de la Banque mondiale est un instrument également en grande part dédié à l'Afrique et aux PMA comme le montre le tableau ci-dessus, précisément grâce à l’influence que la France a su y jouer. Certes, le FAD de la BAD est exclusivement dédié à l'Afrique, à la différence de l'AID. Néanmoins, il convient de ne pas oublier leur poids respectif : le FAD, comme le précise le site Internet de la banque africaine de développement « A titre de référence, la reconstitution du 12e FAD a atteint 9,5 milliards de dollars EU, dont les 2/3 pourvus par les donateurs et 1/3 prélevé sur les ressources internes de la BAD ». Face à ces 9,5 Mds$ disponibles sur le triennum 2011-2013, en comparaison, l'AID a procédé entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2012 à 158 nouveaux engagements qui ont représenté 14,8 Mds$, dont 49 % en Afrique subsaharienne, cependant que 52 % des décaissements qui ont représenté 11,1 Mds$ cette même année, se sont destinés à l'Afrique.

En d'autres termes, s’il est politiquement très important pour notre pays de maintenir notre engagement et notre soutien à la BAD et à son instrument concessionnel, il l’est sans doute tout autant de ne pas relâcher l’effort en faveur de l'AID de la Banque mondiale, compte tenu de l’orientation résolument africaine de son action, qu’au demeurant la France lui a demandée.

Pour mémoire enfin, on mentionnera enfin les crédits demandés pour deux autres fonds concessionnels, de moindre importance, en ce qui concerne la participation de notre pays qui contribue à hauteur de 23,13 M€ de CP au Fonds asiatique de développement, piloté par la BAsD, ainsi que le Fonds des opérations spéciales de la BID.

Les autres dépenses d’intervention qui figurent au titre des crédits de l’aide économique et financières multilatérale sont bien plus modestes. Pour la plupart, le PLF prévoit une stabilité par rapport à ce qui avait été demandé en 2013, tant en AE qu’en CP. C’est par exemple le cas des crédits pour les fonds fiduciaires au profit des pays en sortie de crise, maintenus à 4 M€ en AE=CP, du Fonds pour l’environnement mondial, inchangé à 33,99 M€ en CP, sur la base d’AE demandées en 2010 ; il s’agit cette année de la 4e et dernière échéance, les négociations étant en cours pour la prochaine reconstitution qui sera déterminée dans le courant de 2014. De même en est-il pour le Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal, pour lequel une troisième annuité de 7,5 M€ est prévue, sur la base d’AE demandées en 2012.

D’autres actions, plus modestes, sont également maintenues : les contributions au METAC, à l’AFRITAC, au FIAS, programme d’appui à l’amélioration du secteur privé en Afrique, au Fonds Doha pour les PMA, etc., sont sans changement, tout comme la contribution au FIDA, Fonds international de développement agricole, pour lequel les 11,7 M€ de CP demandés correspondent à la deuxième tranche de l’engagement de la France.

A un titre ou à un autre, l’action n° 2 du programme 110 concerne essentiellement l'AFD. C’est tout d'abord sur les crédits prévus ici que la rémunération de l’agence est prévue pour la couverture des opérations qu’elle mène pour le compte de l'État, à savoir : aides budgétaires globales, ABG, opérations de conversions de dettes et autres financement des facilités de prêt concessionnels du FMI, ou programme de renforcement des capacités commerciales. Tant les AE que les CP sont ici en légère diminution par rapport à ce qui était fixé dans la LFI 2013. Les AE comme les CP prévus pour le financement des opérations d’évaluation de l'aide sont stables par rapport à l’année dernière, à 480 000€. Natixis est le second opérateur rémunéré sur l’action n° 2 du programme, au titre de la gestion de la RPE et du FASEP, qu’elle exerce pour le compte de l'Etat. 3,31 M€ en AE=CP sont prévus à ce titre.

L’essentiel des crédits de cette action est destiné à financer des interventions d’aide bilatérale relevant de l'AFD. De manière résiduelle, subsiste tout d'abord un reliquat de 17 M€ de CP pour le financement des bonifications de prêts outremer. Ces crédits, en baisse, concernent des engagements antérieurs à 2010, année durant laquelle leur financement a été transféré au ministère de l’outremer.

Cela étant, deux postes résument quasi à eux seuls les dépenses couvertes par cette action : les bonifications de prêts dans les Etats étrangers et les ABG. 365,5 M€ en AE sur un total de 379,5 M€ au titre des dépenses d’intervention sont prévus. Concrètement, les AE demandées sont identiques à celles des deux dernières années, s’agissant des bonifications de prêts au profit de l'AFD, qui sont destinées à permettre d’abaisser le taux d’intérêt proposé par l'AFD à ses clients publics ou parapublics dans les pays où elle intervient au moyen de prêts à taux concessionnels ou nul. Cela traduit en conséquence le même niveau d’engagement de l’agence ; probablement l’extension de la zone géographique de l'AFD qui a désormais vocation à intervenir dans tout pays bénéficiaire de l’APD au sens du CAD se traduira-t-il dans l’avenir pas une nouvelle augmentation des besoins. Comme votre rapporteur l’a rappelé plus haut, le gouvernement a supprimé la ZSP, dans laquelle l’essentiel de l’action de l'AFD se déroulait autrefois et l’action de l’agence sera articulée sur les partenariats différenciés selon la grille d’analyse définie par le CICID.

A la différence des AE, les CP demandés diminuent pour la première fois depuis trois ans, à 174 M€ contre 188 M€ en 2013, mais correspondent, selon ce qui est précisé dans les documents budgétaires, à des engagements antérieurement pris.

Les aides budgétaires globales sont le second poste important de cette action et concernent des pays d'Afrique subsaharienne bénéficiant d’un programme du FMI. Selon les précisions obtenues par votre rapporteur, en 2011, 97 M€ de crédits ont été engagés ou octroyés en faveur d’Etats d’Afrique subsaharienne et de l’Océan indien sous forme d’ABG, pour appuyer des politiques de stabilisation macroéconomique, au Niger et au Togo, à raison d’une enveloppe globale de 12 M€. 5 M€ ont été octroyés au Mali pour la réduction de la pauvreté en faveur du Mali ; 80 M€ pour les Commissions de l’UEMOA et de la CEMAC, en appui aux programmes économiques régionaux. Une aide budgétaire globale de 17 M€ a en outre été octroyée à Haïti, conformément aux engagements pris par la France à la suite du tremblement de terre de janvier 2010. Au total, la part de l’aide budgétaire française, inscrite dans un processus harmonisé entre les bailleurs de fonds et/ou dans un cadre régional s’est élevée à près de 85,1 %, soit une réalisation supérieure aux prévisions du fait notamment de l’aide exceptionnelle accordée à Haïti. En 2012, les ABG ont porté sur 97,9 M€ d’AE et 84,9 M€ de CP. 40 M€ de CP ont été octroyés à la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) et à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). 44,9 M€ l’ont été sous forme d’aides bilatérales à divers pays : 6,5 M€ au Burkina-Faso, 3 M€ aux Comores, 10 M€ au Niger, 5 M€ à la Guinée, 6,4 M€ à la Mauritanie, 6 M€ à la Centrafrique et 8 M€ à Haïti. Ce rappel permet de regretter la disparition d’Haïti de cette enveloppe sans que des indications soient fournies.

C’est le moment de procéder à une analyse des instruments mis en œuvre par l'AFD en fonction de leur ventilation géographique, même si elle empiète nécessairement un peu sur des développements qui concerneront le programme 209 et présenteront les perspectives inscrites dans le PLF.

Le tableau ci-dessous 59 montre tout d'abord que les dons projets de l'AFD qui avaient été orientés à la hausse sur les trois dernières années ont marqué une pause sévère en 2013 en ce qui concerne les PMA, le « réalisé » en 2012 étant d’ailleurs légèrement inférieur à ce qui avait été envisagé.

Ventilation géographique des engagements de l'AFD (en M€)

 

Dons projets

ABG

Conv. dettes (dont C2D)

Prêts concess.

Prêts non concess et garanties

Autres mandats spécifiques

ONG

Total

Réalisations 2010

               

Afrique subsaharienne

112

72

94

983

473

5

17

1756

Dont pays pauvres prioritaires

62

22

64

141

136

3

5

433

Réalisations 2011

               

Afrique subsaharienne

153

52

249

1741

154

0

25

2374

Dont pays pauvres prioritaires

140

34

0

418

45

0

8

644

Réalisations 2012

               

Afrique subsaharienne

163

50

201

895

232

2

13

1556

Dont pays pauvres prioritaires

145

50

7

329

73

2

4

609

Programme d’activités 2013

               

Afrique subsaharienne

164

50

500

1262

403

113

25

2517

Dont pays pauvres prioritaires

111

30

0

638

60

80

20

939

En outre, les prêts concessionnels de l'AFD en Afrique subsaharienne et dans les PMA ne suivent pas exactement la tendance prévue : les prévisions du programme d’activité étaient de 1500 M€ en 2012 pour l'Afrique subsaharienne et de 392 M€ pour les PMA ; les prêts octroyés n’ont été respectivement que de 895 M€ et de 329 M€. Raison pour laquelle le volume d’activité de l’agence en Afrique subsaharienne a finalement été de 1556 M€ contre les 2511 M€ annoncés dans le programme d’activités. On relève aussi que les prêts concessionnels dans le programme 2013 sont très fortement orientés à la hausse tant vis-à-vis des pays d’Afrique subsaharienne que des PMA : on prévoit quelque 638 M€ de prêts concessionnels pour les pays les moins avancés sur une enveloppe globale de 1262 M€. Cela, à l’heure où les dons projets diminuent pour ce qui est de l’année en cours et où les demandes d’AE inscrites dans le PLF 2014 ne laissent pas augurer une diminution du rythme des prêts, quand bien même les demandes de CP sont légèrement inférieures.

D’autres rubriques sont également à la charge de cette action. La bonification pour l’initiative de lutte contre le changement climatique, la participation de la France aux fonds d’investissement pour le climat gérés par la Banque mondiale ayant pris la forme d’un prêt très concessionnel de l'AFD d’une durée de 20 ans apporté en 2010. Les CP représentent la part annuelle du coût pour l’agence de ce prêt, pour un total de 76 M€. Les CP demandés à ce titre sont identiques à ceux de l’an dernier : 5,16 M€. Pour le Fonds français pour l’environnement mondial, qui finance des projets de développement économique et social innovants par subventions, seuls des CP pour 28 M€, + 3 M€ par rapport à l’an dernier, sont demandés.

A ce sujet, il convient de rappeler que les questions climatiques, à l’ordre du jour des principales rencontres internationales ont justifié le lancement d’initiatives spécifiques, qui ont compris la création de deux Fonds d’Investissement pour le Climat (Climat Investment Funds, CIF) administrés par la Banque mondiale. L’un, le Fonds pour les Technologies Propres (Clean Technology Fund, CTF) a pour objectif principal d’aider les pays émergents à catalyser les investissements publics et privés requis pour déployer à grande échelle sur leur territoire des technologies économes en carbone. Le Fonds Stratégique Climat (Strategic Climate Fund) vise quant à lui à financer des approches nouvelles à fort potentiel de transformation et d’effet d’échelle pour lutter contre le changement climatique, et recouvre trois programmes : lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, risque climatique et résilience, développement des énergies renouvelables dans les pays pauvres.

La France siège ainsi au Comité du CTF, dont elle a assuré la co-présidence entre mai 2010 et juin 2011, et a participé à l’élaboration de l’ensemble des politiques et règles de fonctionnement du Fonds, avec l’aide des pays récipiendaires et des bailleurs qui participent aussi à sa gouvernance. Se met peu à peu en place une architecture financière internationale plus globale, et notamment dans la constitution du nouveau Fonds vert pour le climat. Avec une contribution annoncée à hauteur de 500 M$, sur un total de 8 milliards de dollars, la France se place au 5e rang des contributeurs aux CIF. Cette contribution se décline en deux volets : un prêt très concessionnel d’un montant de 300 millions de dollars octroyé par l’intermédiaire de l’Agence française de développement (AFD) d’une part, et 200 M$ de cofinancements de projets par l’AFD d’autre part. Ce choix a permis à la fois de limiter le coût pour les finances publiques dans un contexte budgétaire contraint et de valoriser les compétences de l’AFD ainsi que ses capacités de financement.

Des actions de coopération technique et d’ingénierie sont enfin financées dans le cadre de l’action 2 du programme. Sont concernés le GIP ADETEF de la Direction générale du trésor pour 4,2 € en AE=CP, stables (+0,1 M€) ; le FASEP est crédité de 23,2 M€ en AE et de 26,82 M€ en CP, cependant que le programme de renforcement des capacités commerciales, géré par l'AFD, requiert 3,3 M€ en CP.

La dernière action du programme 110 retrace les compensations à l'AFD des annulations de dettes par la France. Sont globalisées dans une même action les annulations de dettes tant bilatérales que multilatérales.

Au titre des annulations de dettes bilatérales, la Cour des comptes ayant recommandé une provision pour la totalité des montants connus, celles du Club de Paris ainsi que les annulations « Dakar », plus de 637 M€ ont été budgétés en 2009. Les AE demandées, un peu moins de 50 M€ correspondent à des engagements nécessaires à l’indemnisation de l'AFD du fait d’annulations qui seront décidées par le Club de Paris, les CP, pour un montant de 102 M€ pour 2014, permettront d’assurer les échéances d’annulations antérieurement décidées.

En ce qui concerne les dettes multilatérales, il s’agit de compenser l’annulation de celles que les pays pauvres très endettés, PPTE, avaient envers le FAD. Cette annulation intervient dans le cadre de l’Initiative d’annulation de la dette multilatérale, IADM, pour laquelle la France s’est engagée, comme les autres bailleurs internationaux à compenser le coût de l’annulation pour la BAD. Les premières AE nécessaires ont été engagées en 2006 pour une période courant jusqu’à 2015, puis rouvertes à diverses reprises, la dernière en 2012. Pour des raisons de visibilité, le FAD a demandé aux bailleurs de prendre des engagements supplémentaires, ce qui justifie la demande de nouvelles AE pour un montant de 91,94 M€ qui portera jusqu’en 2026. Les CP correspondent par conséquent aux engagements antérieurs, et se montent pour 2014 à 18,93 M€.

Comme le montre le tableau ci-dessous, les CP diminuent de 6,8 % par rapport à ce qui avait été inscrit en LFI en 2013, et perdent 132,7 M€. Les AE diminuent de 93,6 M€, soit une baisse de -4,8 %.

Les crédits du programme 209 depuis 2012 60

L’examen des crédits affectés à chacune des actions du programme montre que, à l’exception des dépenses prévues pour la coopération communautaire, toutes sont orientées à la baisse.

PLF 2014, autorisations d’engagement demandées

En LFI 2013, avaient été inscrits 609,97 M€ au titre des AE pour la coopération bilatérale et 414,73 M€ au titre de la coopération multilatérale, soit -21,9 %. Comme il a déjà été indiqué, la forte diminution des AE demandées pour les actions de codéveloppement s’explique par un changement d’approche politique, le gouvernement se refusant désormais à lier aide au développement et politique migratoire. Il en est logiquement de même au niveau des CP demandés pour cette action.

PLF 2014 : crédits de paiement demandés

En revanche, votre rapporteur détaillera plus loin les raisons qui expliquent la diminution forte des CP demandés tant pour la coopération bilatérale que multilatérale : d’une année sur l’autre, les CP de l’aide bilatérale perdent 36,45 M€, soit -6 %, et ceux pour l’aide multilatérale 107,49 M€, soit -24,6 %. Seuls les crédits de la coopération européenne sont en augmentation, à +22,16 M€, soit +3,2 %.

Lors de son audition par votre rapporteur, le ministre Pascal Canfin a insisté sur l’importance de la dimension qualitative de ce budget, dans la mesure où il traduisait une concentration des moyens sur les priorités géographiques identifiées par le CICID, c'est-à-dire les 16 pays pauvres prioritaires, PPP, l’élargissement du mandat géographique de l'AFD ainsi que l’orientation accrue en faveur d’une croissance verte et solidaire. La démarche s’inscrivait aussi dans le cadre de la disparition de la ZSP et dans une logique de partenariat économique avec les grands émergents.

Les crédits de la coopération bilatérale représentent cette année 32,5 % des AE du programme 209. Il semble opportun de se concentrer sur quelques aspects centraux sur lesquels la représentation nationale s’est plus particulièrement penchée depuis quelques années.

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, l’essentiel concerne deux opérateurs qui voient les crédits qui leur sont attribués à ce titre diminuer : le GIP ESTHER voit sa dotation passer de 6,84 M€ en AE=CP à 3,66 M€ de même l'AFD voit sa rémunération réduite de 1 M€ en AE=CP pour atteindre 27 M€ contre 28 en 2013 pour l’ensemble des actions qui lui sont confiées, étant entendu qu’il est annoncé que les modalités de calcul seront revues à compter de 2014, dans le cadre de la révision de la convention cadre liant l’agence à l'Etat.

Cela étant, s’agissant des dépenses d’intervention, se pose en premier lieu la question de la part de plus en plus résiduelle faite aux subventions. Votre rapporteur ne partage pas l’appréciation du ministre pour lequel il y a sanctuarisation des crédits de l’aide projet. La lecture du tableau présenté ci-dessous ne permet pas un tel satisfecit.

Certes, les AE sont tendanciellement orientées à la hausse depuis au moins 2011, mais de quelle utilité sont-elles si, comme c’est précisément le cas, en parallèle les CP sont en baisse constante depuis la même date ?! Au total, ils ont diminué en quatre ans de 83,39 M€, soit -21,4 %. Après une première baisse forte entre 2012 et 2011, le glissement est continu ; la perte est de 6,51 M€ en 2014 par rapport à l’an dernier, soit -2 %.

D’une manière plus générale, l’ensemble de la coopération bilatérale hors gouvernance (total sous-action, dans le tableau) perd 103,5 M€ en CP en quatre ans, soit -16,6 % et de -6,21 % par rapport à l’an dernier, -34,39 M€.

Rubriques de JPE

AE

CP

2011

2012

2013

2014

2011

2012

2013

2014

Dons projets AFD, FSP, ONG

311,83

324,31

321,25

330,25

389,33

321,09

312,45

305,94

AFPAK

20

20

20

15

15

15

14

10

Haïti

30

--

--

 

20

10

10

 

CDD

78,32

129,13

102,64

89,98

78,32

129,13

102,64

89,98

Fonds de coopération Pacifique

2

2

1,86

1,5

2

2

1,86

1,5

AB post conflit, sorties de crises

25

25

23,25

23,25

25

25

23,25

23,25

Coopération décentralisée

9,84

9,84

9,15

9,25

9,84

9,84

9,15

9,25

Volontariat

21,59

21,59

20,08

19,21

21,59

21,59

20,08

19,21

Canal France international

15,39

14,98

13,94

12,84

15,39

14,98

13,94

12,84

Aide alimentaire

37,12

37,12

37,12

37,12

37,12

37,12

37,12

37,12

Fonds d’urgence humanitaire

8,9

8,9

8,9

9,9

8,9

8,9

8,9

9,9

Total sous-action

559,99

592,88

558,18

548,30

622,49

594,65

553,38

518,99

Coopération hors gouvernance, années 2011 à 2014, en M€ 61

La situation sur cette rubrique est d’autant plus critique que les documents budgétaires précisent que les CP pour les subventions projets de l'AFD diminuent bien plus fortement. Il est ainsi prévu 157,47 M€ de CP à ce titre, alors que 167,25 M€ étaient inscrits en 2013 ; en d'autres termes, l'AFD voit ses moyens perdre 9,78 M€, soit une baisse de 5,9 %. De même, le FSP, déjà peu abondé, perd-il 7,39 M€, soit -13,4 % : il sera doté de 47,65 M€ contre 55,04 M€ demandés en 2013. Tout prioritaires que soient les axes stratégiques du FSP, ce que le ministère ne cesse de rappeler, rien ne semble devoir s’opposer à la contraction de ses moyens que traduit aussi le tableau ci-dessous qui en retrace l’évolution depuis 2010. Le sursaut de 2011 par rapport à 2010 a été de courte durée et la parte des CP est de 25,41 M€, soit de -34,8 % en quatre ans !

Évolution des crédits affectés pour des projets FSP, 2010-2014 62

Pour le reste, s’agissant des crédits destinés à la coopération bilatérale, votre rapporteur relève la diminution des crédits demandés pour la zone AFPAK, qui perd 5 M€ en AE et 4 ME en CP, par rapport à l’an dernier. Les crédits destinés au Fonds pacifique, modestes, perdent 0,36€ en AE=CP et sont réduits à 1,5 M€, soit -19,35 %. Les crédits destinés aux bourses aux échanges d’expertise, les dotations pour opérations aux EAF dans le domaine de la gouvernance, et autres moyens d’influence bilatéraux du MAEE sont inchangés, tant en AE qu’en CP. Les C2D, contrats de désendettement et de développement, reçoivent dans le PLF 2014 89,98 M€ en AE=CP, soit une dotation légèrement inférieure à celle de l’an dernier, mais ces prévisions de décaissement tiennent compte des contrats signés et en cours d’exécution ; il est précisé à ce sujet que sont « en cours d’exécution à la date d’établissement du projet de loi de finances (Mozambique, Tanzanie, Mauritanie, Ghana, Cameroun, Congo, Malawi, Honduras, Liberia, Côte d’Ivoire, Guinée et République Démocratique du Congo) » et qu’il a été tenu « compte des besoins estimés par anticipation des nouveaux contrats qui seront signés d’ici la fin de l’année 2013 ou au cours de l’année 2014 (dernier contrat Bolivie, dernier contrat Mauritanie). »

On relève encore que si les crédits, en AE=CP, destinés aux ABG ou à l’aide alimentaire sont stables d’une année sur l’autre, ceux pour le financement du volontariat international diminuent : de 20,078 M€ en AE=CP en 2013, ils passent à 19,214 M€, AE=CP, soit une baisse de près de 0,9 M€, -4,3 %. En revanche, ceux destinés à appuyer la coopération décentralisée sont en légère augmentation : de 9,147 M€, ils passent dans le PLF 2014 à 9,253 M€, soit 0,11 M€ de plus en AE=CP. Il en est de même des subventions aux ONG pour lesquelles sont prévues 63 M€ en AE, soit une nouvelle hausse de 9 M€, identique à celle de l’an dernier.

Comme on l’aura remarqué dans le tableau précédent, le Fonds d’urgence humanitaire est doté de 1 M€ supplémentaire en AE=CP ; cela concerne la mise en œuvre de l’engagement du Président de la République d’augmenter sur la durée du quinquennat la part de l’aide au développement qui transite par les organisations de la société civile. Enfin, Canal France international, opérateur de France télévisions et d’Arte pour la coopération audiovisuelle du MAEE se voit amputé de 1,1 M€ : il reçoit 12,836 M€ en AE=CP contre 13,936 M€ prévus dans le PLF 2013. Cela correspond à une baisse de 7,89 %.

La coopération multilatérale à la charge du programme 209 représente cette année 17,6 % des AE. Les crédits diminuent comme il a été annoncé en entrée de chapitre, en AE comme en CP.

Votre rapporteur ne reviendra pas ici sur la dotation au profit du Fonds mondial sida, dont il a déjà amplement parlé. Les CP inscrits dans le PLF 2014 sont de 217 M€ contre 300 M€ et l’on a vu qu’ils étaient intégralement compensés par l’affectation de recettes tirées de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d'avion.

Au titre des dépenses de fonctionnement, le loyer annuel de la maison de la francophonie apparaît pour 5,5 M€.

Les 112,3 M€ de CP restants sur cette action n° 5 sont répartis entre trois autres rubriques, et servent à alimenter des dépenses d’intervention. Deux de ces axes dominent très nettement le troisième. Les crédits destinés au soutien de la francophonie ainsi que les contributions au système des Nations Unies y sont inscrits et représentent ensemble plus de 100 M€. Par ordre d’importance, ce sont ceux pour la francophonie qui sont les plus importants, quasi à égalité cependant. Ils consistent en une enveloppe de quelque 50,4 M€ en AE=CP dans le PLF 2014. Ce sont ici de contributions volontaires de la France dont il s’agit ; elles ont en baisse, avec -1,6 M€, soit -2,86 %. Cette année comme les années antérieures, cette contribution se réduit et l’on ne s’étonne pas, dans ces conditions, que notre pays ne soit pas considéré parmi la communauté des Etats francophones comme celui qui soit le plus allant dans la défense et la promotion de notre langue commune.

Dans le même esprit, les contributions volontaires de notre pays au système des Nations Unies continuent elles aussi de perdre en importance : de 51,377 M€ en 2013, année qui faisaient suite à plusieurs autres de déclin sur ce plan, elles ne sont désormais plus que 50,377 M€. En d'autres termes, l’ONU est amputée de 1M€ et notre positionnement, pour concentré qu’il soit aujourd'hui sur quatre institutions essentiellement, s’en voit affaibli d’autant. Peu à peu, le glissement de notre pays dans les profondeurs du classement des bailleurs volontaires de l’ONU se poursuit. La France n’est ainsi aujourd'hui que le 15e contributeur du PNUD, ce qui se passe de commentaire.

On regrettera aussi que la rubrique des jeunes experts associés, qui vise à renforcer l’expertise de notre pays au sein des principales organisations internationales, tant du système des Nations Unies que hors du système, auprès de la Banque mondiale, par exemple, soit également amputé de 1,3 M€, soit une perte de 17,9 % par rapport à 2013. Cela étant évidemment à mettre en relation avec le constat récurrent de la perte d’influence de notre pays au sein des organisations internationales, à commencer par la question de l’emploi du français comme langue de travail ; encore une fois, même si ce sujet a été maintes fois souligné pour qu’il soit nécessaire de beaucoup insister, la question du placement des jeunes experts au sein des institutions multilatérales auxquelles nous participons est un enjeu crucial pour l’influence que l’on peut y exercer en interne. Objectivement, à la différence de nombre de nos partenaires, nous nous privons peu à peu d’un investissement indispensable, ce dont notre pays constatera les effets d’ici peu.

A titre de précision finale, le tableau ci-dessous globalise l’ensemble des principales contributions nettes de la France aux organisations multilatérales comptabilisables en APD.

L’action n°7 concerne les crédits de la coopération communautaire. Ils sont en augmentation de 16,83 M€ en AE=CP. Cela étant, eu égard à l’importance considérable de ce poste dans notre APD, quelques informations et commentaires ne sont pas superflus.

Il faut tout d'abord rappeler que le Conseil européen du 8 février dernier a fixé le montant global du 11e FED à 26 984 M€ en prix constants 2011, soit 30 506 M€ à prix courants pour la période 2014-2020. Ce maintien de l’effort à destination de la zone ACP est satisfaisant pour la France puisqu’elle recouvre l’ensemble des pays pauvres prioritaires de notre aide bilatérale.

Les discussions sur la budgétisation, demandée par la France, ont été repoussées à 2020, date de la fin des perspectives financières 2014-2020 et de l’arrivée à échéance de l’accord de Cotonou sur lequel est fondé le FED. Toutefois, comme on le sait, un alignement progressif des clefs de contribution du FED sur celle du budget européen est en cours, qui a fait baisser la clef française de 19,55 % pour le 10e FED à 17,81 % pour le 11e FED, celle de l’Allemagne, premier contributeur au FED, restant stable à 20,5%.

Selon les indications qui ont été données à votre rapporteur, compte tenu du volume des fonds qui seront appelés, de la période sur laquelle doivent s’étaler les appels à contribution et de la clef de contribution française, la moyenne annuelle théorique de la participation française au 11e FED est de 776 M€ contre 739 M€ pour le précédent. Cette évolution ne prendra pas effet avant le prochain triennum, probablement en 2017. De plus, des travaux sont en cours en vue de lisser les appels à contribution et faciliter la budgétisation du programme 209 grâce à une prévisibilité accrue des besoins.

S’agissant de la répartition sectorielle des engagements du FED, le tableau suivant montre la destination des CP en 2012 et l’importance des principaux secteurs de concentration de la Commission, qui en zone ACP sont : la gouvernance démocratique et financière (lutte contre la corruption, bonne gestion des finances publiques, promotion des droits de l’homme et des principes de l’état de droit, sécurité et maintien de la paix) ; le développement humain (santé, éducation, assainissement, emploi, formation de la jeunesse) ; les infrastructures (routières essentiellement, pour faciliter le commerce et l’intégration régionale) ; le développement rural (eau et agriculture), sans oublier la protection de l’environnement.

En terme de répartition géographique, les priorités de la France sont respectées, dans la mesure où plus de 4,8 Mds€ d’AE ont été faits sur l'Afrique en 2012, les CP représentant plus de 4,4 Mds€. En d'autres termes, l’Afrique concentre le plus gros de l’aide européenne avec un volume représentant 47% du total des engagements, dont l’essentiel, 3956 M€ pour l’Afrique subsaharienne, qui devrait demeurer la priorité de l’aide européenne, la nouvelle politique de développement mise en œuvre par la Commission encourageant un ciblage sur les Etats les plus pauvres et les plus dépendants de l’aide extérieure ainsi que sur les Etats fragiles ou sortant de conflits, lesquels, majoritairement, se trouvent en Afrique subsaharienne.

Répartition de l’aide bilatérale européenne au développement dans le monde en 2012

Les dépenses qui figurent dans cette action sont celles relatives aux dépenses de personnels qui concourent au programme. Comme on le constatera à la lecture du tableau reproduit ci-après, à l’instar des autres rubriques, elles sont également très nettement orientées à la baisse, en AE=CP.

Ces crédits concerneront désormais 2162 ETP qui rassemblent des personnels relevant de la DGM en poste à Paris, ainsi que ceux travaillant dans les 112 SCAC à l’étranger, dans les 62 établissements dotés de l’autonomie financière à vocation pluridisciplinaire, dans les centres de recherche, au nombre de 19. Un certain nombre de personnels expatriés sont également affectés dans le réseau des Alliances françaises ; les effectifs de l’expertise technique sont également comptabilisés ici.

Comme le montre le tableau ci-dessus, au total, le plafond des ETP concourant au programme 209 diminue de 105, soit une perte de -4,6 %, qui intervient après une baisse de 10 % des effectifs employés sur les deux années antérieures. Ce sont cette fois-ci 5 agents de l’administration centrale qui sont supprimés ou non remplacés, ainsi que 10 agents titulaires en poste à l’étranger. Surtout, ce sont 90 agents en CDD ou volontaires internationaux qui ne sont pas reconduits.

On ne peut que vivement regretter que sur les 190 agents supprimés au sein du MAEE en 2014, l’essentiel, 70 soit 36,8 % soient des personnels œuvrant dans le secteur de l'aide au développement, et notamment sur le terrain, puisque à près de 80 %, (55 sur 70) ce sont des agents travaillant à l’étranger. On n’imagine pas que cette évolution ne puisse être sans conséquence sur la qualité concrète de notre aide, que ce soit dans l’instruction des dossiers, ou dans l’exécution des projets.

Comme il a été aussi indiqué précédemment, les crédits destinés au codéveloppement sont désormais résiduels. Les documents budgétaires rappellent que la nouvelle stratégie dans le domaine des migrations et du développement vise à mobiliser le potentiel des migrants, à titre individuel ou collectif, pour soutenir le développement économique et social de leur pays d’origine. Parmi les actions concernées, sont en particulier mentionnées la relance du codéveloppement avec le Mali (3,4 M€), alors même que ce pays avait toujours refusé de s’engager dans la signature d’un accord bilatéral avec la France, un programme cofinancé avec le Sénégal (2,5 M€), un programme franco-comorien de codéveloppement déjà en cours, (1,9 M).

Les crédits prévus sur l’exercice 2014 permettront notamment de poursuivre les engagements en faveur de ces pays. Au total, en 2014, il est proposé de doter cette action du montant prévu par le triennal 2013-2015, soit 2 M€ en AE et 11,5 M€ en CP. Les montants de CP pour couvrir les projets engagés antérieurement à 2014 représentent 9,12 M€ intégralement imputé sur 2014.

CONCLUSION

On aura compris que le projet de budget pour la mission aide publique au développement que le gouvernement propose cette année ne peut être considéré comme satisfaisant à bien des égards.

Certes, la conjoncture budgétaire est difficile et les marges de manœuvre dont l’exécutif peut disposer sont réduites et il ne s’agit pas pour votre rapporteur de les nier ici. Mais un certain nombre de points appellent des critiques de fond et, après que le dialogue avec la société civile ait été relancé au début de l’année, après que des conclusions en aient été tirées, objet de consensus avec les participants des Assises, après enfin, que le CICID se soit réuni pour la première fois depuis quatre ans, on aurait aimé constater et pouvoir se féliciter que le gouvernement tire parti du débat budgétaire pour traduire en action ce qui s’est dessiné dans ces instances tout au long de l’année.

On doit constater avec regret qu’il n’en est rien, que la politique d'aide au développement semble comme sous pilotage automatique, imperturbable : année après année, quelles que soient les critiques et suggestions formulées de tous horizons, les choses suivent leur cours, comme si de rien n’était, si ce n’est avec des moyens sans cesse plus contraints : ainsi, le discours du gouvernement ne change-t-il pas alors même qu’il renonce à des principes que la France a défendus de tous temps ; ainsi les moyens bilatéraux d’une politique ambitieuse, urgente entre toutes, envers le Sahel et notamment le Mali, manquent-ils, au mieux sont-ils noyés dans une masse indistincte dans laquelle on serait bien en peine de déterminer clairement quel est l’apport réel et le leadership de notre pays ; ainsi, les recommandations non seulement de la représentation nationale mais aussi des acteurs de la société civile, des experts les plus reconnus, quant au rééquilibrage de nos instruments, ne sont-elles en aucune manière prises en compte. En d'autres termes, on peut se demander quelle fin a poursuivi la concertation si au final, rien ne doive jamais changer.

Votre rapporteur pourrait poursuivre encore sur ces aspects qu’il a amplement développés au long de son avis. On comprendra que, pour sa part, il ne puisse que s’abstenir sur le projet de budget qui est proposé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de M. Pascal Canfin, Ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du Développement et de M. Benoît Hamon, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation 63, le jeudi 24 octobre 2013, la Commission des affaires étrangères examine, pour avis, les crédits pour 2014 des programmes 110 et 209 de la mission « Aide Publique au Développement », sur le rapport de M. Hervé Gaymard.

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Je vous propose de donner un avis sur un amendement que le Gouvernement a déposé et qui sera examiné lors de la discussion en séance.

Cet amendement vise à rétablir un article du projet de loi de finances relatif à la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

Je rappelle que la taxe sur les billets d'avion vient abonder le fonds de solidarité pour le développement, le FSD, qui géré par l'AFD, et qu’elle est destinée à financer des programmes internationaux de santé et d’accès aux médicaments, UNITAID en premier lieu et aujourd'hui en partie le Fonds mondial.

L’amendement vise à revaloriser la taxe de 12,7 % au 1er avril 2014. Elle ne l’a pas été depuis son introduction en 2006 et il s’agit d’une mesure de rattrapage de l’inflation, qui permettra de continuer à soutenir les engagements internationaux de la France dans le secteur de la santé. Le Président de la République s’y était engagé le 1er mars lors de son intervention en clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale

Je demande au rapporteur quel est son avis.

M. Hervé Gaymard, rapporteur. A titre personnel, je m’abstiendrai. Je suis bien sûr tout à fait d’accord sur le principe de la taxe sur les billets d'avion puisque je rappelle que je faisais partie de l’équipe qui l’a instaurée, autour des présidents Chirac, Lula et Lagos en 2004 lors du sommet de Genève. Je peux même témoigner que lorsqu’il a fallu plaider à Bruxelles en janvier-février 2005, les choses n’étaient pas faciles : tout le monde convient aujourd'hui que c’est un sujet important, mais il soulevait beaucoup de moqueries à l’époque.

Si je suis toujours résolument en faveur de la taxe, je m’abstiendrai néanmoins pour marquer mon désappointement sur l’évolution à laquelle on assiste et sur le fait que, aujourd'hui, les financements innovants ne sont plus additionnels. La France et le Royaume-Uni de Gordon Brown avaient fortement plaidé en ce sens.

Les financements innovants viennent désormais se substituer à l’effort budgétaire, nous le voyons avec cette augmentation, comme avec celle de la part de la taxe sur les transactions financières, qui vient suppléer la diminution des crédits budgétaires. Je regrette cette évolution et je m’abstiendrai.

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La commission donne un avis favorable à l’amendement du Gouvernement puis contrairement aux conclusions du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide Publique au Développement », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 44.

ANNEXES

A Paris :

M. Pascal Canfin, ministre délégué, chargé du développement, en compagnie de Mme Sandrine De Guio, directrice-adjointe du cabinet, Mme Élise Beretz, conseillère parlementaire, et M. Vincent Dalmais, chef de la mission des programmes, service des programmes et du réseau, direction générale de la mondialisation ; MAEE.

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, en compagnie de M. Frédéric Bontems, directeur du développement et des biens publics mondiaux, M. René Troccaz, chef du service des programmes et du réseau, M. Vincent Dalmais, chef de la mission des programmes, Mme Stéphanie Seydoux, chargée de mission auprès de la directrice générale ; MAEE.

M. Anthony Requin, chef du service des affaires multilatérales et du développement, direction générale du trésor, accompagné de M. Frédéric Glanois, chef du bureau de l'aide au développement et des institutions multilatérales de développement (MULTIFIN 3), M. Pierre-Emmanuel Beluche, adjoint, chargé de l'AFD ; MINEFI

M. Jean-Michel Severino, ancien vice-président de la Banque mondiale, ancien directeur général de l'AFD, directeur général de Investisseurs et partenaires.

M. Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Sénégal.

M. Serge Michailof, ancien directeur à l'AFD, ancien directeur à la Banque mondiale, professeur associé à l’IEP de Paris, consultant.

M. Olivier Lafourcade, ancien directeur à l'AFD, ancien directeur à la Banque mondiale, président de Investisseurs et partenaires.

M. Jean-Louis Vielajus, président de Coordination SUD, accompagné de Mme Catherine Gaudard, CCFD-Terre solidaire, M. Christian Reboul, Oxfam France, M. Bruno Rivalan, Avocats pour la santé dans le monde et Mme Flore Tixier, chargée de mission Animation du plaidoyer "APD et Coopération au développement".

A Genève :

M. Denis Broun, directeur exécutif, M. Philippe Duneton, directeur exécutif adjoint, et Mme Sophie Genay-Diliautas, responsable des organes exécutifs ; UNITAID.

M. David B. Evans, Directeur, département « Financement des systèmes de santé » et M. Eric Bertherat, officier médical, département « Pandémies et épidémies » ; OMS.

M. Marc Doisnel et M. Vincent Sciama, conseillers santé ; Représentation permanente de la France auprès de l’office des Nations Unies.

M. Stefan Emblad, chef du bureau des relations avec les donateurs et Mme Nelly Comon, adjointe ; Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Mme Marie-Ange Saraka-Yao, directrice du département de la mobilisation des ressources, M. Pascal Barollier, directeur de la communication et Mme Violaine Messager, département de la mobilisation des ressources ; Alliance GAVI.

Contestation de l’hégémonie américaine dans la santé mondiale

Le H8 (Health-Eight) est un groupe informel et officieux aux manettes de la santé mondiale. Constitué en 2007, il rassemble des agences de l’ONU (OMS, UNICEF, ONUSIDA, Fonds des Nations Unies pour la population – FNUAP) et des institutions de financement de la santé (Banque mondiale, Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et GAVI Alliance), ainsi que la Fondation Bill & Melinda Gates (BMGF). L’objectif du H8 est d’améliorer la coordination entre ses membres, aux intérêts divers et parfois antagonistes. Le H8 est un groupe puissant et pourtant, en dépit de son pouvoir, aucun procès-verbal de ses réunions n’est rendu public. Il n’existe pas non plus de site web du H8 présentant les travaux ou les questions en cours de discussion. Le H8 est l’antithèse de la transparence : lorsque l’on interroge ses membres sur la finalité du H8, la réponse est invariablement qu’il s’agit d’un simple groupe de partenaires de même sensibilité, qui se réunissent pour échanger des idées en privé sur la manière de travailler ensemble plus efficacement. Il existe beaucoup d’avantages à un groupe informel de cette nature. Tant il est vrai que la bureaucratie des instances dirigeantes de l’OMS, par exemple, freine trop souvent les avancées dans le domaine de la santé. Le leadership de l’OMS est entravé par les limites qu’imposent ses États les moins ambitieux. L’énergie et les ressources qu’absorbent son Conseil exécutif et l’Assemblée mondiale de la Santé accaparent trop souvent l’attention de cette agence et la détournent de sa véritable mission : parvenir à des résultats dans les pays. Quand bien même et même si l’idée du H8 est intéressante, ce mécanisme de gouvernance mondiale échoue au test de l’équité. Pourquoi ? Parce que cinq de ses huit dirigeants sont originaires d’un pays qui domine déjà la scène politique mondiale : les États-Unis. Seuls l’OMS, l’ONUSIDA et le FNUAP sont dirigés par des non-Américains. Il n’est point exagéré de dire que les États-Unis occupent une position hégémonique dans la santé mondiale. Il était temps de contester cette hégémonie.

La France, quant à elle, joue un rôle tranquille dans la santé mondiale d’aujourd’hui. Mais à y regarder de plus près, on voit une nation qui apporte une contribution matérielle massive, mais méconnue, à la santé dans le monde. Ainsi le mois dernier, la France annonçait une participation de 1,4 milliard de dollars américains aux ressources du Fonds mondial pour 2014-2016. Depuis la création du Fonds en 2002, la France a ainsi versé 3,8 milliards de dollars et se classe au deuxième rang des contributeurs par ordre d’importance, derrière les États-Unis. S’agissant de GAVI Alliance, la contribution totale française aux programmes de vaccination est à ce jour de plus de 1,7 milliard de dollars. Mais sa contribution la plus originale à la santé mondiale est sans doute UNITAID, ce mécanisme de financement qui permet de globaliser la solidarité par le prélèvement d’une taxe sur les billets d’avion. Lancé en 2006, ce mécanisme aide à remédier aux défaillances du marché dans l’offre de produits permettant de prévenir, diagnostiquer et traiter le sida, la tuberculose et le paludisme. Et ce n’est pas tout : d’autres exemples de l’investissement de la France dans la santé mondiale complètent le tableau : le réseau international des Instituts Pasteur français, le leadership de la société civile via des organisations comme Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde, entre autres, la défense de la couverture maladie universelle et enfin, une nouvelle initiative en faveur de la solidarité et de la santé dans la région africaine du Sahel. Alors, pourquoi la France reste-t-elle en marge du leadership sur la scène de la santé mondiale ?

L’une des raisons tient à l’incapacité de la France à jouer de ses atouts pour mieux faire entendre sa voix et au-delà, exercer son pouvoir d’influence (son « soft power »). Cette incapacité tranche avec les États-Unis ou le Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, par exemple, nos cercles universitaires sont quasiment nos ambassadeurs nationaux dans les forums mondiaux sur la santé. Une autre raison tient peut-être au fait que la notion même de santé mondiale ne cadre pas bien avec les modèles français de coopération au développement. Peut-être faut-il aussi tout simplement que le leadership politique français rattrape son retard sur ses engagements financiers ? Autre hypothèse encore : la culture et la langue en seraient-elles la raison ? La France oppose des résistances bien compréhensibles à l’homogénéisation globale. Dans la politique de santé mondiale, la conception culturelle unique de la France et son rayonnement dans toute l’Afrique ont des conséquences importantes. Faire fi des différences culturelles peut être néfaste. Lorsque Nkosazana Dlamini-Zuma a été élue présidente de la Commission de l’Union africaine en 2012, l’Afrique francophone a protesté contre ce qu’elle considérait être comme une mainmise de la nouvelle présidence sur la « Francosphère » africaine. En revanche, y prêter une attention formelle peut être bénéfique. La France donne la priorité aux pays francophones dans sa stratégie de financement de la santé mondiale (5 % des contributions françaises au Fonds mondial sont affectées à des nations francophones). L’approche suivie par la France dans ce domaine diffère bel et bien de celle des États-Unis et de bien d’autres pays. Les valeurs distinctives de la politique étrangère française reposent à la fois sur la solidarité, les droits de l’homme et la sécurité. Cette conception cadre parfaitement avec l’agenda du développement de l’après-2015, défini par une interdépendance entre les hommes dans un monde sans frontières. François Hollande pourrait faire plus pour réclamer la place qui revient de plein droit à son pays à la table des dirigeants de la santé mondiale. Quant aux États-Unis, ils pourraient reconnaître qu’une organisation unipolaire de la santé dans le monde ne servira durablement les intérêts de personne, les leurs encore moins.

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