N° 1432 tome VI - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)


I. LES CRÉDITS DES PROGRAMMES NOS 111 ET 155 DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » EN 2014 7

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME NO 111 « AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L’EMPLOI ET DES RELATIONS DU TRAVAIL » 8

1. La santé et la sécurité au travail 8

2. La qualité et l’effectivité du droit 10

3. Le dialogue social et la démocratie sociale 11

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 155 « CONCEPTION, GESTION ET ÉVALUATION DES POLITIQUES DE L’EMPLOI ET DU TRAVAIL » 12

1. Le support des programmes de la mission « Travail et emploi » 12

2. L’évaluation, les études et les statistiques 13

II. LES ADDICTIONS PENDANT LE TRAVAIL : SORTIR DE L’IRRESPONSABILITÉ COLLECTIVE 15

A. UN PHÉNOMÈNE INQUIÉTANT MAIS ENCORE MAL ÉVALUÉ 16

1. L’évolution contrastée des consommations d’alcool et de drogue 16

2. Des niveaux de consommations variables selon les milieux de travail 17

3. Des causes multiples, entre vie privée et professionnelle 18

4. Des dommages sanitaires et sociaux très graves 20

B. DES EMPLOYEURS CIVILEMENT ET PÉNALEMENT RESPONSABLES MAIS AUX MOYENS D’ACTION LIMITÉS 21

1. Une obligation de sécurité de résultat très stricte 21

2. Un règlement intérieur encadré 22

3. Les débats autour du dépistage de l’usage d’alcool et de drogue 23

4. Le document unique d’évaluation des risques, un outil de prévention collective 25

C. UN RÔLE DES REPRÉSENTANTS DES SALARIÉS RESTANT À DÉFINIR 27

1. Les risques importants encourus par les salariés 27

2. L’absence de compétence spécifique du CHSCT 28

D. UNE MISSION DE PRÉVENTION DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL À L’ÉPREUVE DES FAITS 29

1. Une nouvelle mission de prévention de l’usage d’alcool et de drogue 29

2. Une mise en œuvre difficile en pratique 31

E. UNE ACTION PUBLIQUE À RENFORCER 32

1. Un risque addictif en milieu de travail jusqu’à présent peu pris en compte 32

2. Le plan de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47

INTRODUCTION

La mission « Travail et emploi » constitue l’un des principaux budgets d’intervention de l’État : ses crédits de paiement s’élèvent à 10,9 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014. Elle comporte quatre programmes, dont deux fondent le présent avis : le programme n° 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail », rassemblant les moyens consacrés à la politique du travail, et le programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », support de la mission (1).

Comme l’an dernier, votre rapporteur pour avis ne peut que constater l’absence d’impulsions nouvelles données à ces deux programmes, dont les priorités demeurent celles fixées par la précédente majorité mais avec des moyens réduits concernant les interventions pour la santé au travail, la qualité et l’effectivité du droit, et le dialogue social, pourtant centrales pour l’avenir du marché de l’emploi.

Le présent avis n’a pas pour objectif l’analyse détaillée de l’ensemble des crédits des programmes nos 111 et 155, cet objet étant imparti prioritairement au rapport spécial établi au nom de la Commission des finances. Après un rappel des principales actions de ces deux programmes de la mission « Travail et emploi », votre rapporteur pour avis souhaite proposer une étude sur les addictions pendant le travail, afin d’attirer l’attention de l’ensemble des acteurs du monde professionnel et des pouvoirs publics sur cette question, qui fait aujourd’hui l’objet d’une véritable irresponsabilité collective.

Il lui apparaît urgent de procéder à l’évaluation de ce phénomène, inquiétant mais encore mal mesuré, au vu des dommages sanitaires et sociaux très graves qu’il cause, ainsi que de doter les employeurs, les représentants des salariés et les services de santé au travail, de moyens efficaces pour prévenir et lutter contre le risque addictif en entreprise.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Votre rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 1er octobre 2013.

À cette date, 55,3 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 80,9 %, et au 21 octobre, de 100 %. Votre rapporteur pour avis souhaite remercier l’ensemble des services du ministère du travail, de lemploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour ce résultat remarquable et la qualité des réponses reçues.

Dans le projet de loi de finances pour 2014, le montant des crédits des programmes nos 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », s’élève à 857,44 millions d’euros de crédits de paiement et à 899,91 millions d’euros d’autorisations d’engagement (2).

L’architecture de ces deux programmes n’est pas modifiée par rapport à l’année dernière : ils comptent les dix mêmes actions et aucun changement de périmètre n’est à signaler. Le graphique qui suit permet d’apprécier le poids comparé et l’évolution des deux programmes depuis 2012.

MONTANTS COMPARÉS POUR 2012, 2013 ET 2014 EN CRÉDITS DE PAIEMENT
DES PROGRAMMES N° 111 ET 155 DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »

(En euros)

Source : Projet annuel de performances pour 2014.

En ce qui concerne les prévisions pour 2015, la programmation pluriannuelle fournie par le Gouvernement se borne à indiquer que la mission « Travail et emploi » serait dotée de 9,74 milliards d’euros l’année prochaine. Votre rapporteur pour avis regrette vivement que, cette année encore, le Gouvernement n’ait pas communiqué les données prévisionnelles pour chacun des programmes, alors qu’elles étaient systématiquement transmises au Parlement sous la précédente législature.

Le programme n° 111 se voit doté de 70,89 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2014, soit une diminution de 7,9 millions d’euros par rapport à 2013. Il a pour but d’améliorer la qualité de l’emploi et des relations de travail, c’est-à-dire de garantir aux 15,9 millions de salariés des conditions de travail conformes aux normes collectives et contrôlées, protégeant leur santé et leur sécurité, et reposant sur une négociation sociale dynamique.

La composition du programme n° 111 reflète ces objectifs. Il compte quatre actions, aux poids inégaux mais toutes affectées par une baisse de leurs crédits : « Santé et sécurité au travail » (36,5 % des crédits de paiement), « Qualité et effectivité du droit » (22,2 % des crédits de paiement), « Dialogue social et démocratie sociale » (41,2 % des crédits de paiement), et « Lutte contre le travail illégal ».

Cette dernière action ne se voit pas attribuer de crédits au titre du programme n° 111, car elle est financée par les crédits du programme n° 155, couvrant les moyens requis en personnel. Elle constitue cependant l’une des priorités de la politique du travail, mise en œuvre dans le cadre du Plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015, ce qui justifie qu’une action lui soit consacrée dans le programme n° 111. Votre rapporteur pour avis regrette, toutefois, la suppression, dans le projet annuel de performance pour 2014, des deux indicateurs mesurant la part des contrôles portant sur le travail illégal et la part des contrôles pour travail illégal donnant lieu à un procès-verbal, au profit de deux indicateurs beaucoup moins lisibles, relatifs au taux de participation de l’inspection du travail à des opérations de contrôles conjoints ayant donné lieu à procès-verbal et au nombre de procès-verbaux de l’inspection du travail dans lesquels le recours à la prestation de service internationale a été constaté.

S’agissant de l’exercice en cours, le taux d’exécution des crédits du programme n° 111 ouverts en loi de finances initiale pour 2013 atteignait 55 % au 30 juin dernier, soit un taux supérieur à celui de 53 % obtenu, pour l’exercice passé, au 31 juillet 2012.

L’action « Santé et sécurité au travail » bénéficie de 25,8 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2014, soit une diminution de 1,35 million d’euros par rapport à 2013. Elle est portée par deux opérateurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSÉS) et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT).

Votre rapporteur pour avis est profondément convaincu que la santé au travail constitue un défi central pour l’avenir proche du marché du travail et, pour cette raison, a retenu, comme thème d’approfondissement du présent avis, les addictions pendant le travail, après avoir produit, à l’automne 2009, une étude transversale sur cette question (3). À cet égard, il se réjouit de la prise en compte croissante de cette problématique dans le débat public et le monde professionnel, comme en témoigne la notoriété toujours plus grande du site internet www.travailler-mieux.gouv.fr, élaboré par le précédent Gouvernement, dont le nombre de visiteurs est passé de 802 800 à 1,2 million en 2012 et devrait atteindre 1,5 million fin 2013.

Les activités de l’ANSÉS

Premier opérateur du programme, l’ANSÉS reçoit une subvention de 9 millions d’euros au titre du programme n° 111 dans le projet de loi de finances pour 2014 (4), soit une dotation similaire à celle de 2013.

Responsable du déploiement de l’objectif n° 1 « Poursuivre la structuration et le développement de la recherche et de l’expertise en santé au travail » du Plan Santé au travail 2010-2014, l’ANSÉS a réalisé une cartographie des équipes de recherche travaillant dans ce domaine, achevée en 2011, et procède à la programmation et au soutien de la recherche en la matière, via l’appel à projet en santé-environnement-travail qu’elle anime. En 2012, ont ainsi été présentés 207 projets à l’Agence, qui en a sélectionné 31, dont 10 concernent directement la santé au travail, pour un financement total de 5,8 millions d’euros, soit une augmentation de 0,5 million d’euros par rapport à 2011.

En revanche, il faut souligner ici que les crédits globaux d’intervention du programme n° 111 destinés à financer des études sur les risques professionnels baissent d’un million d’euros cette année, passant de 4,61 millions en 2013 à 3,61 millions en 2014. D’après les informations transmises par le Gouvernement, cette diminution serait liée à la nature de cette ligne budgétaire, reposant sur des conventions pluriannuelles.

Les activités de l’ANACT

Second opérateur du programme, l’ANACT se voit dotée d’une subvention de 11 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2014, dont 40 % sont destinés aux agences régionales de son réseau. Elle avait reçu la même dotation en 2013.

En 2012, l’Agence a organisé ses activités autour de quatre priorités, en consacrant :

– 28 % de son temps opérationnel à des interventions en entreprise, composées essentiellement d’actions courtes de diagnostic et de conseil, dont 33 % dans des structures de moins de 50 salariés et 74 % de moins de 250 salariés ;

– 23 % de son temps opérationnel à des activités de transfert de connaissances pour l’amélioration des conditions de travail, à destination des petites et moyennes entreprises, par le biais d’actions de communication variées (colloques, publications, journées de sensibilisation…) ;

– 23 % de son temps opérationnel à la capitalisation des connaissances issues des expériences en entreprise ;

– 16 % de son temps opérationnel à l’animation de réseaux et de projets.

L’ANACT assume, de plus, la gestion du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (FACT), qui a pour objet d’aider les entreprises et les branches professionnelles, au moyen de subventions, à concevoir des projets visant à améliorer les conditions de travail. En 2012, l’Agence a retenu 96 demandes de subvention, contre 76 en 2011, pour un montant de 1,7 million d’euros, contre 2,2 millions d’euros l’année précédente. Près de 53 % des projets sélectionnés ont été présentés par des entreprises comptant entre 50 et 250 salariés et concernaient à 69 % des questions de santé, dont 31 % les risques psychosociaux et 24 % les troubles musculo-squelettiques. Dans le projet de loi de finances pour 2014, le FACT bénéficie d’une dotation de 2,2 millions d’euros, contre 2,5 millions en 2013.

S’agissant de la gestion de l’Agence, votre rapporteur pour avis remarque que celle-ci se trouve aujourd’hui toujours dépourvue de nouveau contrat de progrès, le dernier étant arrivé à échéance fin 2012. Suite à la première Grande conférence sociale de juillet 2012, avait été installé un groupe de réflexion sur la gouvernance, le pilotage et le cœur de métier de l’agence, chargé de rendre des conclusions devant servir de fondement au nouveau contrat. Toutefois, aucune information précise sur le contenu et le calendrier de ce processus n’a été portée à l’attention de votre rapporteur pour avis, ce qu’il regrette vivement.

 

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

PLF 2015

Crédits de paiement

100 000

1 000 000

10 680 000

7 627 000

48 488 883

 

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

Montant total des crédits de l’action

36,8

37,6

43,1

32,4

29,2

Audience syndicale

7,1

9,7

16

5,8

2,8

Formation syndicale

26,6

25

24,3

24

24

Négociation collective

3,1

2,9

2,8

2,5

2,4

Source : Projets annuels de performances de 2010 à 2014.

Ce processus a impliqué de forts investissements. Ainsi, le coût final du projet MARS, permettant l’agrégation des suffrages recueillis par les organisations syndicales au cours des élections professionnelles qui se sont déroulées entre 2009 et 2012 dans les entreprises d’au moins 11 salariés, s’élève à 8,8 millions d’euros, et celui du scrutin organisé en novembre-décembre 2012 auprès des salariés des très petites entreprises et employés à domicile à 19,9 millions d’euros.

Convaincu de la nécessité de bâtir une démocratie sociale solide et complémentaire de la démocratie politique, votre rapporteur pour avis avait formulé, dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2013 (6), des propositions fortes en la matière : créer un Conseil permanent du dialogue social, restructurer les branches professionnelles, renforcer le dialogue social territorial, procéder à la réforme de la représentativité patronale et à celle du financement des comités d’entreprise. Or, un an après, il ne peut que constater le manque d’ambition du Gouvernement : aucun de ces chantiers n’a été ouvert, mis à part celui de la réforme de la représentativité patronale qui donne actuellement lieu à des concertations. En particulier, le projet de révision constitutionnelle, visant à inscrire la règle de consultation préalable des partenaires sociaux dans notre texte fondamental, déposé en mars 2013, n’a toujours pas fait l’objet d’une inscription à l’ordre du jour.

Le programme n° 155 constitue le programme support des politiques publiques de la mission « Travail et emploi », regroupant l’essentiel de leurs moyens en personnel, fonctionnement, investissement et recherche. Le projet de loi de finances pour 2014 lui attribue 786,5 millions d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 0,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Cependant, selon les informations transmises par le Gouvernement, à périmètre constant et hors dépenses de personnel, les crédits de paiement du programme n° 155 diminuent de 1,6 %.

Au 31 août 2013, le taux d’exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2013 atteignait, pour les crédits hors dépenses de personnel, 51 %, soit un taux proche à celui obtenu en 2012 à la même date (52,3 %), et, pour les dépenses de personnel, un taux d’exécution de 65 %, identique à celui observé fin août 2012.

Le programme n° 155 porte les activités mutualisées d’encadrement et de soutien des politiques du travail et de l’emploi. Les trois actions de gestion des effectifs des programmes nos 102, 103 et 111 représentent le principal poste du programme n° 155 : le projet de loi de finances pour 2014 les dote de 487,1 millions d’euros de crédits de paiement, soit 61,9 % des crédits du programme. Elles regroupent les dépenses de personnels chargés de la mise en application de chacun des programmes.

À cet égard, à structure constante, le plafond d’emplois de la mission budgétaire a été réduit de 185 équivalents temps plein travaillé (ETPT), correspondant à un taux de non-remplacement des départs en retraite de 42 %, un effort de maîtrise des effectifs que note votre rapporteur pour avis.

Les fonctions d’état-major et de soutien de la mission budgétaire reçoivent 265,1 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2014, contre 262,7 millions en 2013. En revanche, le montant de la subvention versée à l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) demeure identique : il s’élève à 13,7 millions d’euros de crédits de paiement.

Dans le cadre de l’action n° 6 du programme n° 155, le projet de loi de finances pour 2014 consacre 34,2 millions d’euros de crédits de paiement à l’évaluation des politiques sociales et au développement d’études et de statistiques dans le domaine du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, contre 34,6 millions d’euros en 2013.

Cette diminution de crédits se trouve principalement supportée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), qui se voit attribuer 6,4 millions d’euros de crédits de paiement, contre 6,5 millions l’an dernier, et le Centre d’études de l’emploi (CEE), dont la dotation passe de 4 millions d’euros à 3,9 millions d’euros cette année. Par contre, la subvention accordée au Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) demeure identique, à hauteur de 1,1 million d’euros.

Sortir de l’irresponsabilité collective entourant aujourd’hui le problème des addictions pendant le travail, tel est l’objectif du présent avis. Après avoir mené de nombreuses auditions, votre rapporteur pour avis ne peut, en effet, que constater que celui-ci demeure encore un tabou dans les entreprises, bien que les questions de santé au travail aient émergé dans le débat public.

Ce problème comporte, de fait, une complexité réelle, puisqu’il se situe à l’interface de la vie privée et de la vie professionnelle, ce qui explique qu’une partie des acteurs du monde du travail considère qu’il s’agit avant tout d’une question de santé publique. Pourtant, en pratique, les employeurs, les représentants des salariés et les services de santé au travail sont confrontés à des situations très difficiles, alors qu’ils se trouvent dépourvus de moyens d’action efficace.

Selon la définition retenue par le Professeur Michel Reynaud (7), les addictions se caractérisent par, d’une part, l’impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne, et, d’autre part, la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives.

Votre rapporteur pour avis a choisi de s’intéresser à la consommation d’alcool et de drogues, en raison de l’altération de la vigilance et de la conscience qu’engendrent ces produits, contrairement au tabac par exemple, pourtant source d’addiction, ainsi que du caractère contraint de l’exercice de l’avis budgétaire parlementaire.

La consommation de substances psychoactives pendant le travail constitue aujourd’hui un phénomène inquiétant, mais encore mal évalué. Or, au vu des dommages sanitaires et sociaux très graves que cause l’usage de l’alcool et des drogues en entreprise, votre rapporteur pour avis considère qu’il est urgent de procéder à sa mesure, pour y apporter une réponse adaptée. En effet, la situation actuelle n’apparaît pas satisfaisante à de multiples égards : les employeurs se trouvent soumis à de très fortes obligations et responsabilités, sans disposer de réels outils pour réagir, le rôle des représentants des salariés reste à définir, la mise en œuvre de la mission de prévention des addictions dont sont chargés les services de santé au travail ne semble pas résister à l’épreuve des faits, et l’action publique, jusqu’à présent très limitée, doit être renforcée.

Votre rapporteur pour avis invite le Gouvernement et le Parlement à se saisir de ce problème, sans attendre qu’un drame n’endeuille notre pays, et à engager une réflexion sur la création de nouveaux dispositifs de prévention et de contrôle, dans le respect de la vie privée des salariés.

Pour l’ensemble de la population, l’évolution de la consommation d’alcool et de drogue apparaît contrastée. En effet, la diminution globale de la consommation d’alcool masque une augmentation des consommations problématiques. De même, si la consommation de certaines drogues, comme le cannabis ou l’ecstasy, semble en recul, elle progresse pour d’autres, comme la cocaïne et l’héroïne.

Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) (8), la consommation d’alcool s’établit ainsi, en 2011, à 12 litres d’alcool pur par personne âgée de plus de 15 ans. Elle a donc réduit de moitié depuis cinquante ans, puisqu’elle s’élevait à 26 litres en 1961. Cette diminution s’explique surtout par la baisse de la consommation de vin, comme l’indique le graphique ci-dessous.

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL CHEZ LES PLUS DE 15 ANS,
EN LITRES D’ALCOOL PUR, DE 1961 À 2011

Source : Drogues et addictions, Données essentielles, OFDT, 2013.

Plus précisément, on constate une forte diminution de la consommation régulière et quotidienne d’alcool chez les adultes depuis le début des années 2000 : la proportion de buveurs quotidiens, âgés de 18 à 75 ans, est passée, chez les hommes, de 31 % en 2000 à 18 % en 2010, et, chez les femmes, de 12 % à 6 %.

En revanche, les consommations problématiques d’alcool progressent. Ainsi, en 2010, parmi les personnes âgées de 18 à 75 ans, la part des « buveurs à risques chroniques » s’élève à 9 %, soit une augmentation de 7,6 % depuis 2005, et la part des « buveurs à risque de dépendance » à 1,2 % contre 0,9 % en 2005 (9).

S’agissant de la consommation de drogue, les évolutions divergent selon les produits. En effet, entre 2005 et 2010, parmi les personnes âgées de 18 à 64 ans, on observe une stabilisation de la consommation régulière de cannabis, concernant 2,1 % de cette catégorie de population, un recul du nombre annuel d’usagers d’ecstasy, passé de 200 000 à 150 000, mais une augmentation du nombre annuel de consommateurs de cocaïne, passé de 0,6 % à 0,9 %, et d’expérimentateurs de l’héroïne, passé de 0,8 % à 1,2 %. Comme l’indique le tableau ci-dessous, le cannabis constitue, en 2011, le produit le plus consommé.

NOMBRE DE CONSOMMATEURS DE DROGUE ET D’ALCOOL PARMI LES 11-75 ANS EN 2011

 

Cannabis

Cocaïne

Ecstasy

Héroïne

Alcool

Expérimentateurs

13 400 000

1 500 000

1 100 000

500 000

44 400 000

– dont usagers dans l’année

3 800 000

400 000

150 000

41 300 000

– dont usagers réguliers

1 200 000

8 800 000

– dont usagers quotidiens

550 000

5 000 000

Champ : France métropolitaine. Source : Drogues, Chiffres clés, OFDT, 2013.

Le problème des addictions concerne l’ensemble des milieux de travail et des catégories socioprofessionnelles, mais il affecte davantage certains secteurs d’activité. Ainsi, en 2010, comme le démontre l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), la consommation d’alcool s’avère plus fréquente dans les secteurs de l’agriculture (30,7 %) et de la construction (32,7 %), celle de cannabis dans les secteurs des arts et spectacle (16,6 %) et de la construction (13 %), et celle de cocaïne dans les secteurs des arts et spectacle (9,8 %) et de l’hébergement et de la restauration (9,2 %).

Toutefois, les analyses par secteurs d’activité doivent être nuancées, du fait de la surreprésentation d’hommes ou de femmes dans certains d’entre eux, le secteur de la construction étant, par exemple, composé à 90 % d’hommes. Or les surconsommations d’alcool ou de drogues observées chez les hommes ne se retrouvent pas nécessairement chez les femmes exerçant le même métier. On relève ainsi d’importantes différences de niveaux de consommation dans le secteur de la construction ou de l’agriculture, comme l’indique le tableau ci-dessous.

USAGES D’ALCOOL ET DE DROGUE PAR SECTEURS PROFESSIONNELS

(en %)

 

Consommation ponctuelle importante d’alcool / mois

Consommation de cannabis / année

Consommation de cocaïne / vie

Ensemble

Homme

Femme

Ensemble

Homme

Femme

Ensemble

Homme

Femme

Ensemble

19,2

30,2

7,2

6,9

9,6

3,8

3,8

5,4

2

Agriculture, sylviculture et pêche

30,7

36,9

10,4

6,2

7,0

3,5

2,9

3,4

1,4

Construction

32,7

35,8

4,6

13,0

13,9

4,5

5,6

5,8

3,2

Commerce

17,6

28,4

8,1

7,4

9,5

5,6

3,5

5,3

2,0

Transport, entreposage

24,2

30,1

5,8

5,0

5,8

2,7

2,7

2,8

2,3

Hébergement, restauration

26,9

39,7

14,2

12,9

17,6

8,1

9,2

15,6

2,9

Information, communication

22,6

28,7

8,6

10,7

12,8

5,6

6,9

8,2

4,1

Administration publique et défense

17,8

26,6

6,3

3,6

4,7

2,2

2,5

3,7

1,1

Enseignement

10,9

22,9

5,7

5,2

8,9

3,5

2,9

4,2

2,2

Santé humaine, action sociale

8,5

22,5

5,7

4,0

8,3

3,1

2,6

6,9

1,7

Arts, spectacle et services récréatifs

23,0

32,5

9,8

16,6

24,6

5,5

9,8

12,4

6,1

Services des ménages

14,0

36,5

11,3

0,7

3,0

0,4

0,5

3,0

0,2



Source : Baromètre santé 2010, INPES. Secteurs de forte consommation Secteurs de moindre consommation

De l’avis général des personnes auditionnées, il semble difficile de déterminer précisément et exhaustivement les causes présidant aux addictions, mêlant souvent vie privée et professionnelle. Un rapport de l’IGAS de juin 2013 (10) souligne ainsi que « ces déterminants sont très divers et liés : à l’offre de produits, justifiant la loi, la réglementation et la répression du trafic ; aux facteurs de vulnérabilité et aux facteurs psychologiques de protection, ainsi qu’aux éventuels troubles mentaux ; au développement psychologique et donc à l’âge ; aux représentations sociales et culturelles ».

S’agissant du lien entre travail et addiction, un double constat s’impose : le travail peut jouer un rôle dans la consommation d’alcool et de drogues, mais il demeure un facteur global de protection contre le risque addictif. En effet, la consommation de produits par les salariés peut revêtir une dimension de soutien contre le stress ou de dopage pour accroître concentration et créativité. Selon l’INPES, près de 9 % des usagers d’alcool et 13 % des usagers de cannabis ont augmenté leur consommation en raison de problèmes liés à leur situation professionnelle en 2010 (11). À cet égard, les déterminants professionnels susceptibles d’initier, de favoriser ou de renforcer la consommation de substances psychoactives apparaissent multiples, comme l’indique une étude publiée en 2013 dans la revue Alcoologie et Addictologie reproduite ci-dessous.

Typologie des facteurs professionnels déterminant
les conduites de consommation de substances psychoactives

Tensions psychiques : conflit, souffrance, isolement, désœuvrement, anxiété, vigilance, activités interrompues, charge émotionnelle, manque d’expérience, mésestime de soi, exclusion, surinvestissement, manque de reconnaissance, âge, perte de sens, injonction contradictoire, écueil éthique, usure mentale.

Tensions physiques : temps de travail, horaires atypiques, gardes, activité répétitive, intensité des gestes, bruit, odeurs, chaleur, douleur, troubles musculo squelettiques, âge.

Pratiques culturelles et socialisantes : genre du métier, habitudes conviviales, relation hiérarchique, bizutage, support de communication non verbale, image de marque, réseau, démarche commerciale, cohésion d’équipe, âge, ancienneté.

Précarité professionnelle : statut, rémunération, image de marque du métier, évolution professionnelle, reclassement, formation, projet d’entreprise peu clair.

Disponibilité et offre des produits liées au milieu professionnel : offre d’alcool sur le lieu de travail, métiers de production, de vente ou de contrôle liés aux produits psychoactifs métiers de la santé … .

Pauvreté des liaisons sociales : absence de reconnaissance, manque de soutien, isolement, relations hiérarchiques de mauvaise qualité, opacité managériale, manque de soutien syndical, manque de temps pour les transmissions, manque de réunion de travail, absence de supervision, absence de débats professionnels, absence d’évolution professionnelle, absence ou excès de contrôle, exclusion, désinsertion sociale… .

Source : Alcoologie et Addictologie, Recommandations pour la pratique clinique, 2013.

Cependant, on constate également que les personnes au chômage ont une consommation de drogues illicites en particulier supérieure à celle des personnes en activité. L’OFDT observe ainsi que « chômage et consommation de produits psychoactifs apparaissent très fortement associés, particulièrement parmi les hommes » et que « l’entrée dans le monde du travail semble être l’occasion d’un abandon pour une majorité d’individus » (12).

Au-delà de la question de l’impact du travail sur la consommation, se pose celle de l’impact de la consommation sur le travail, puisque les addictions sont source de dommages sanitaires et sociaux très graves.

Selon le rapport du Professeur Michel Reynaud de juin 2013 (13), la mortalité chez les adultes attribuable à l’alcool s’élevait à 49 000 morts en 2009, soit 13 % de la mortalité annuelle, principalement suite à des cancers (15 000), des maladies cardiovasculaires (12 000) et des pathologies digestives (8 000). Entre 175 et 190 décès annuels seraient imputables à une conduite sous l’emprise du cannabis, une drogue dont la consommation chronique peut provoquer des difficultés de concentration et un déclin des capacités d’apprentissage et se trouver impliquée dans les cancers pulmonaires et des voies aérodigestives supérieures. La cocaïne se trouverait à l’origine de dommages cardiaques, vasculaires, infectieux et psychiatriques, avec un risque de crise suicidaire multiplié par cinq, et, en 2010, sont intervenus 392 décès par surdose d’héroïne.

En matière de dommages sociaux, l’alcool se révèle impliqué, chaque année, dans 40 % des violences familiales et conjugales, 25 % des faits de maltraitance à enfants, 30 % des viols et agressions sexuelles et 30 % des faits de violences générales. En 2011, ont été constatées près de 75 000 infractions d’ivresses publiques et manifestes et prononcées plus de 150 000 condamnations pour conduite en état alcoolique, 1 800 condamnations pour blessures involontaires et 187 condamnations pour homicide involontaire par conducteur en état alcoolique. S’agissant des drogues illicites, d’après l’OFDT, ont eu lieu, en 2010, plus de 122 000 interpellations pour usage de cannabis, 7 200 pour usage d’héroïne et 4 600 pour usage de cocaïne ou de crack.

Si les dommages sanitaires et sociaux liés à la consommation de produits psychoactifs font l’objet d’évaluations récurrentes et précises, il n’en va pas de même pour les dommages causés aux entreprises par les pratiques addictives. L’une des rares données disponibles en la matière résulte d’une étude menée par l’INSERM en 2003 (14), qui estime que « l’alcool serait directement responsable de 10 % à 20 % des accidents de travail, toutes les catégories socioprofessionnelles étant touchées » et que, au niveau international, « les chiffres communément avancés varient de moins de 10 % à près de 25 % ». Une étude de l’INPES de 2009 indique par ailleurs que « la part des coûts induits pour une entreprise (absentéisme, retards sur les postes de travail, dysfonctionnements sur le poste de travail…) est de 1 à 2 % de la masse salariale » (15).

Or le problème des addictions pendant le travail constitue un problème récurrent et transversal, dont il conviendrait de prendre la réelle mesure afin d’y apporter une réponse adaptée. Votre rapporteur pour avis recommande donc de mettre en place une mesure de veille sanitaire, sous la forme d’une enquête menée par les médecins du travail, dans le respect du secret médical.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » et, en particulier, mettre en œuvre des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, en s’appuyant sur le document unique d’évaluation des risques. Il se trouve donc tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés, qui constitue une obligation de résultat selon la jurisprudence. En effet, dans un arrêt du 28 février 2002, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu’« en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ».

En cas de manquement à cette obligation et d’accident du travail, la faute inexcusable de l’employeur peut être reconnue par la voie judiciaire, lorsque, selon l’arrêt du 28 février 2002 précité, « l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». Dans un arrêt d’assemblée plénière du 24 juin 2005, la Cour de cassation a ensuite précisé « qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais qu’il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage », telles que l’imprudence ou la négligence du salarié. En particulier, l’état d’ébriété du salarié n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité en cas d’accident (16).

En cas de reconnaissance de sa faute inexcusable, l’employeur voit alors sa responsabilité civile engagée et peut se trouver condamné à la réparation intégrale des préjudices subis par le salarié victime de l’accident du travail et non pris en compte par la majoration de rente accordée à ce dernier.

Au-delà, même s’il ne cause pas d’accident du travail, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que le manquement de l’employeur à l’une de ses obligations en matière de sécurité ou le non-respect de ses engagements pris conventionnellement ou unilatéralement, engage sa responsabilité civile (17).

Par ailleurs, en cas d’infraction à la législation en matière de santé et de sécurité, l’employeur peut voir sa responsabilité pénale engagée, notamment s’il en résulte une mise en danger d’autrui, ayant provoqué des blessures involontaires. Enfin, il faut rappeler que l’employeur demeure responsable des dommages que ses salariés pourraient causer à des tiers, en vertu de l’article 1384 du code civil. Il pourrait donc voir sa responsabilité engagée si l’un de ses salariés sous l’emprise de drogue ou d’alcool provoquait, dans l’exercice de ses fonctions, un accident lié à son état.

L’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur apparaît donc très stricte. Pour la remplir, celui-ci dispose de plusieurs outils, dont le principal constitue le règlement intérieur, et s’appuie sur la législation en vigueur restreignant ou interdisant la consommation de produits psychoactifs.

Obligatoire dans les entreprises de plus de 20 salariés, le règlement intérieur « fixe exclusivement », aux termes de l’article L. 1321-1 du code du travail : les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise, les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, et les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur. Il ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Dans l’édiction des mesures relatives à l’alcool et à la drogue, l’employeur s’appuie sur la législation en vigueur, qui prévoit notamment :

– qu’aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail et qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse (art. R. 4228-20 et R. 4228-21 du code du travail) ;

– que sont interdits le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants (art. 222-37 du code pénal) ainsi que la consommation de substances ou plantes classées comme stupéfiants (art. L. 3421-1 du code de la santé publique).

Le champ du règlement intérieur se trouve donc limité par la loi, de même que la portée des mesures qui y sont inscrites. En effet, l’article L. 1321-3 du code du travail énonce que celui-ci ne peut contenir « des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Sur le fondement de cet article, dans un arrêt du 12 novembre 2012, le Conseil d’État a ainsi jugé que l’employeur ne pouvait prendre des mesures d’interdiction totale de l’alcool dans l’entreprise, lorsque celles-ci ne sont pas « fondées sur des éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque », car, dans ce cas, elles excèdent « par leur caractère général et absolu, les sujétions que l’employeur peut légalement imposer ».

En revanche, il peut toujours mettre en place des mesures de limitation de la consommation d’alcool, comme l’encadrement des pots d’entreprise, ainsi que de contrôle de l’usage de drogue et d’alcool, dans les conditions exposées ci-dessous.

Au cours des auditions menées par votre rapporteur pour avis, a été longuement débattue la question du dépistage de la consommation d’alcool et de drogues au travail, qui pose des problèmes à la fois juridiques et pratiques.

Aujourd’hui, le contrôle de l’alcoolémie des salariés, qui n’est pas considéré comme un acte médical, est autorisé sous quatre conditions précisées par la jurisprudence : il doit être prévu par le règlement intérieur, la contestation des résultats doit être possible et définie, il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir, et l’état d’ébriété du salarié doit présenter un danger pour les personnes ou les biens (18).

Le contrôle de la consommation de drogue revêt, en revanche, le caractère d’acte médical, du fait du prélèvement d’un échantillon biologique (salive, urine, sang…). Il ne peut donc être réalisé que par un médecin et les résultats obtenus sont couverts par le secret médical. Il existe aujourd’hui un relatif « flou » juridique en la matière, auquel se trouvent confrontés les employeurs.

A minima, l’instauration d’un dépistage des drogues doit obéir aux quatre conditions applicables au contrôle de l’alcoolémie, décrites ci-dessus. Plus précisément, dans un avis de mai 2011 (19), le Comité consultatif national d’éthique estime que ce dépistage apparaît « justifié » pour des « postes ou fonctions de sûreté et de sécurité ». Selon le Comité, il s’agit des postes « où une défaillance humaine, ou même un simple défaut de vigilance, peut entraîner des conséquences graves pour soi-même ou pour autrui ». Cette définition ne se trouve toutefois pas inscrite dans le code du travail.

Afin de remédier à l’insécurité juridique constatée en la matière, votre rapporteur pour avis recommande d’instaurer une obligation de recenser les postes de sûreté et de sécurité, en imposant que leur liste figure au règlement intérieur. Ce recensement pourrait être effectué en concertation avec les partenaires sociaux et, éventuellement, les services de santé au travail.

Au-delà de ces difficultés juridiques, le dépistage des drogues pose des problèmes pratiques. En effet, les services de santé au travail ne sont que rarement équipés des matériels permettant de procéder aux examens de dépistage, tels que les alcootests et les kits de prélèvements salivaires, dont la réalisation présente par ailleurs un réel coût. De fait, selon une étude de l’INPES de 2009, seuls 17,2 % des médecins du travail déclarent avoir pratiqué des éthylotests au cours des douze derniers mois, 20,2 % des alcoolémies, et 19,7 % des tests urinaires de dépistage de la toxicomanie (20).

S’agissant de la détection de drogue, la fiabilité des résultats produits a été remise en cause par plusieurs intervenants auditionnés par votre rapporteur pour avis, dont certains ont souligné qu’il existait un marché de la falsification de ces tests. De plus, la présence dans l’organisme de certaines substances peut durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines dans le cas du cannabis, alors même que leurs effets se sont dissipés.

Pour l’employeur, le premier problème réside cependant dans le fait que sa responsabilité demeure engagée en cas de mise en évidence de la consommation par un salarié de substances psychoactives, présentant un danger, alors qu’il ne peut pas se prévaloir de dispositions réglementaires spécifiques permettant le retrait du salarié de son poste, comme l’a mis en lumière une étude de mars 2013 de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) (21).

Votre rapporteur pour avis s’interroge donc sur l’opportunité de créer une forme de droit de retrait pour l’employeur, lui permettant de prendre une mesure conservatoire d’urgence. Cette mesure pourrait s’appuyer sur la mise en œuvre de tests comportementaux, à l’instar de ceux pratiqués dans le cadre des contrôles routiers dans différents pays tels que le Canada, l’Australie, l’Allemagne, la Norvège et la Suède.

À cet égard, la Belgique constitue un exemple intéressant. Les partenaires sociaux belges ont, en effet, signé le 1er avril 2009 la convention collective de travail n° 100, concernant la mise en œuvre d’une politique préventive en matière d’alcool et de drogues dans l’entreprise. L’article 4 de cette convention est consacré aux tests de dépistage non médicaux, à savoir les tests d’haleine ou psychomoteurs, qu’il autorise à sept conditions :

– l’employeur doit d’abord avoir mis en place une politique de prévention, conformément aux prescriptions de la convention collective ;

– les tests peuvent uniquement être utilisés dans un but de prévention, c’est-à-dire afin de vérifier si un travailleur est ou non apte à exécuter son travail ;

– l’employeur ne peut utiliser le résultat du test d’une manière incompatible avec cette finalité. Plus particulièrement, la poursuite de cette finalité ne peut avoir pour conséquence que d’éventuelles décisions de sanctions par l’employeur soient uniquement basées sur des données obtenues par le biais de ces tests ;

– le test de dépistage d’alcool ou de drogues doit être adéquat, pertinent et non excessif au regard de cette finalité ;

– un test de dépistage d’alcool ou de drogues ne peut être appliqué que si l’intéressé y a consenti conformément aux dispositions légales en vigueur, les modalités des tests devant, en particulier, figurer au règlement intérieur et faire l’objet d’une information et consultation des représentants du personnel ;

– la possibilité d’appliquer des tests de dépistage d’alcool ou de drogues ne peut donner lieu à aucune discrimination entre travailleurs. Cette disposition laisse ouverte la possibilité de limiter les tests de dépistage d’alcool ou de drogues à une partie du personnel de l’entreprise concernée, pour autant qu’elle soit respectée ;

– le traitement des résultats de tests de dépistage d’alcool ou de drogues en tant que données personnelles dans un fichier est interdit.

Pour remplir son obligation de sécurité de résultat, l’employeur dispose d’un second outil important : le document unique d’évaluation des risques. Aux termes de l’article R. 4121-1, tout employeur est tenu de transcrire dans un document unique, les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3 du même code. Cette évaluation doit comporter un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement.

L’employeur doit mettre à jour le document unique chaque année, lors de tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie. Le document unique doit, par ailleurs, être mis à la disposition des salariés, des membres du CHSCT, des représentants du personnel, ainsi que des médecins et inspecteurs du travail.

À partir du document unique, l’employeur peut déployer une politique de prévention active des risques professionnels dans l’entreprise, en associant l’ensemble des acteurs concernés. En matière d’addictions, de nombreuses entreprises se sont dotées de chartes de prévention, souvent avec la participation de consultants extérieurs spécialisés dans ce domaine. Votre rapporteur pour avis estime qu’il y a lieu de développer les initiatives en ce sens, et d’encourager la diffusion de ce type de démarche au sein des PME et TPE, là où l’employeur est le plus souvent, sinon démuni, tout au moins en attente d’informations ou d’exemples de bonnes pratiques transposables.

En particulier, votre rapporteur pour avis a reçu en audition l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui a mis en place, depuis novembre 2006, une mission dénommée « Fides » dédiée à la prévention des addictions (22). Avec le soutien du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) central et la collaboration de l’ensemble des acteurs institutionnels, a pu être élaboré puis déployé un plan d’action en trois axes. Le premier axe porte sur la prévention et a donné lieu à la mise en œuvre d’un plan de formation pour les professionnels concernés, comme les médecins du travail, à la rédaction d’une charte, à la création de groupes locaux dédiés et à la tenue de journées d’information pour sensibiliser les personnels à la question de l’addiction. Le deuxième axe est consacré à la gestion des risques, avec la rédaction de procédures sur les conduites à adopter en cas de crise, la formation des encadrants pour les aider à mieux aborder les personnels en difficulté et l’édition d’une plaquette sur l’automédication et ses dangers. Le troisième axe traite, enfin, de l’amélioration de l’accompagnement des personnes en difficulté, avec la mise en place d’une ligne téléphonique dédiée et l’édition d’une plaquette regroupant les contacts de toutes les consultations d’addictologie.

L’article L. 4122-1 du code du travail impose une obligation de sécurité au salarié, auquel il incombe « de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

En cas de manquement à cette obligation, notamment s’il en résulte un accident lié à l’usage d’alcool ou de drogue, le salarié encourt une sanction disciplinaire, allant du blâme à la mise à pied, voire au licenciement. La Cour de cassation a, en effet, admis que des licenciements pour faute grave puissent être prononcés dans le cas d’un salarié en état d’ébriété provoquant un accident mortel après s’être emparé du véhicule mis à disposition par son employeur pour le raccompagner (23) et d’un salarié ayant consommé du cannabis sur le lieu de travail (24).

Il faut rappeler, cependant, que l’article L. 1132-1 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’état de santé d’un salarié pour justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement. Dans un arrêt du 9 octobre 1987, le Conseil d’État a ainsi jugé que « la soumission à l’épreuve de l’alcootest prévue par le règlement intérieur ne [peut] avoir pour objet que de prévenir ou de faire cesser immédiatement une situation dangereuse, et non de permettre à l’employeur de faire constater par ce moyen une éventuelle faute disciplinaire ».

En plus de subir des sanctions disciplinaires, le salarié consommateur de substances psychoactives peut voir sa responsabilité pénale engagée en cas d’accident.

Applicable au salarié consommateur, l’obligation de sécurité s’étend également à ses collègues, comme le prévoit l’article L. 4122-1 précité, qui peuvent donc voir leur responsabilité pénale engagée. Dans un arrêt du 5 juin 2007, la chambre criminelle de la Cour de cassation a, en effet, validé la condamnation pour non-assistance à personne en danger, de salariés qui ont laissé un collègue, en état manifeste d’ébriété, quitter les lieux de travail au volant de sa voiture puis étant décédé d’un accident de la route.

En matière d’addictions pendant le travail, si les obligations et responsabilités des salariés et des employeurs sont clairement identifiées, le rôle des représentants du personnel reste à définir.

Les questions de santé au travail relèvent de la compétence du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dont l’institution est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, ou, à défaut, des délégués du personnel, qui en tiennent lieu.

L’article L. 4612-1 du code du travail confie au CHSCT trois missions générales : contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement ; contribuer à l’amélioration des conditions de travail ; veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières. Pour accomplir ces missions, il procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés, propose des mesures de prévention, donne son avis sur les documents se rattachant à sa mission, qui doivent être tenus à sa disposition, et doit être informé et consulté sur les décisions affectant la santé et la sécurité dans l’entreprise. Il peut procéder à des inspections périodiques des lieux de travail, et, en cas d’accident du travail, à une enquête. En cas de danger grave et imminent, il peut également mettre en œuvre une procédure d’alerte de l’employeur.

S’agissant des addictions, le CHSCT est appelé à jouer un rôle dans deux cas :

– il doit être consulté lorsque l’employeur inscrit dans le règlement intérieur des mesures restreignant la consommation de produits psychoactifs, aux termes des articles L. 1321-4 et L. 4612-12 du code du travail, faute de quoi les clauses concernées seront considérées comme nulles et sans effet (25) ;

– il peut faire appel à un expert lorsque l’employeur projette de mettre en place un dispositif de contrôle et de dépistage de produits psychoactifs (26).

Il ne dispose toutefois pas de compétence spécifique, ce qui constitue la première limite de la législation en vigueur. Par ailleurs, il faut rappeler que la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques professionnels par les entreprises est loin d’être généralisée : en 2010, seuls 54 % des salariés étaient couverts par un CHSCT, seuls 51 % bénéficiaient d’un document unique d’évaluation des risques à jour et seuls 35 % d’un double dispositif associant document unique et plan de prévention (27).

De manière générale, la question des addictions pendant le travail ne fait pas l’objet de négociations sociales, bien qu’elle soit désormais régulièrement évoquée dans le débat public. L’accord du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail ne contient, par exemple, aucune disposition en la matière. De plus, comme l’ont indiqué plusieurs intervenants auditionnés par votre rapporteur pour avis, l’analyse des contestations en justice de dispositions des règlements intérieurs d’entreprise relatives aux problématiques de prévention des risques liés à des consommations d’alcool ou de drogues, amène au constat d’un positionnement délicat des représentants du personnel sur ces thématiques, entre la prévention des risques professionnels, le respect des libertés individuelles des salariés, la confidentialité de l’état de santé des salariés et le risque de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

Au regard toutefois de la diversité de ces facteurs intervenant, voire interférant, avec la question des addictions pendant le travail, au regard également des risques pesant tant sur l’employeur que sur les salariés, votre rapporteur pour avis estime utile que le dialogue social se saisisse d’une telle question, pour favoriser une approche encadrée dans le cadre d’objectifs partagés : l’exemple belge de la convention collective n° 100 évoquée plus haut est à ce titre instructif.

Aux termes de l’article L. 4622-2 du code du travail, les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur activité professionnelle. À cette fin, ils sont chargés de :

– conduire les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des salariés tout au long de leur parcours professionnel ;

– conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir le harcèlement sexuel ou moral, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;

– assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;

– participer au suivi et contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.

Les services de santé au travail disposent donc d’une compétence propre en matière de prévention de l’usage d’alcool et de drogue en entreprise. Il s’agit d’une compétence nouvelle, qui leur a été octroyée par la loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, à l’initiative de la Commission des affaires sociales du Sénat. Lors de l’examen de ce texte en première lecture, cette dernière avait, en effet, estimé, que cet ajout était « indispensable » car « trop souvent encore, ces questions demeurent taboues au sein des entreprises » (28).

Au sein des équipes pluridisciplinaires, deux catégories de personnels peuvent particulièrement être mobilisées afin de remplir cette mission : les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) et les médecins du travail.

Les intervenants en prévention des risques professionnels disposent de compétences techniques ou organisationnelles en matière de santé et de sécurité au travail. Il peut s’agir, en particulier, d’addictologues, d’alcoologues et de toxicologues. Ils doivent assurer des missions de diagnostic, de conseil, d’accompagnement et d’appui, et communiquer les résultats de leurs études au médecin du travail.

C’est toutefois sur ce dernier que reposent la charge du suivi de l’état de santé des salariés et la responsabilité du dépistage éventuel de la consommation de produits psychoactifs. En effet, le médecin du travail est tenu de réaliser les visites obligatoires d’embauche, de préreprise et de reprise, afin d’examiner l’aptitude des salariés à exercer leurs fonctions. Au-delà, le salarié doit bénéficier d’examens médicaux périodiques, tous les 24 mois au moins en principe et au plus dans le cadre de la surveillance médicale renforcée, et d’examens supplémentaires, à sa demande ou à celle de son employeur.

S’il pense qu’un salarié souffre d’un problème d’addiction, l’employeur peut ainsi demander au médecin du travail de l’examiner. Toutefois, l’employeur ne peut lui imposer de réaliser un test de dépistage, car le médecin du travail jouit d’une indépendance dans la prescription des examens qui lui apparaissent nécessaires, dont les résultats demeurent couverts par le secret médical.

En pratique, la mise en œuvre de la mission de prévention de la consommation d’alcool et de drogue en entreprise, confiée aux services de santé au travail, se heurte à de nombreuses difficultés.

La première d’entre elles réside dans la démographie critique des médecins du travail. D’après les données transmises par le ministère du travail, plus de 29 % des professionnels sont âgés de plus de 60 ans, 61 % de plus de 55 ans, 78 % de plus de 50 ans, et seuls 5 % ont moins de 40 ans. Ce constat inquiète votre rapporteur pour avis, car, à court terme, les employeurs risquent de se trouver confrontées à une impossibilité de remplir leurs obligations légales, faute de praticiens disponibles, alors même qu’ils assument d’importantes responsabilités en matière de santé et de sécurité des salariés. Il faut rappeler, par ailleurs, que les médecins du travail suivent un grand nombre de salariés : 1 412 dans les services autonomes et 3 285 dans les services interentreprises en moyenne en 2011.

De plus, plusieurs intervenants auditionnés par votre rapporteur pour avis ont souligné la diversité des pratiques adoptées par les médecins du travail s’agissant de l’usage d’alcool et, en particulier, de drogue. En effet, de nombreux médecins estimeraient que le contrôle des salariés ne relèverait pas de leur mission, tournée vers la prévention, et seraient gênés par le caractère illicite de ces produits, participant de la commission d’infractions pénales et présentant un risque judiciaire. De ce fait, ils ne poseraient pas systématiquement des questions à ce sujet aux salariés, ni assureraient un suivi en la matière. Ainsi, selon une étude de 2009 de l’INPES (29), seuls 17 % des médecins du travail renseigneraient systématiquement le dossier médical sur la consommation de cannabis, 26 % souvent, 45 % parfois et 12 % jamais. Au vu de ce contexte, deux sociétés savantes, la Société française d’alcoologie (SFA) et la Société française de médecine du travail (SFMT) ont publié, en avril 2013, à destination des médecins du travail, une recommandation de bonnes pratiques pour le dépistage et la gestion du mésusage de substances psychoactives susceptibles de générer des troubles du comportement en milieu professionnel.

Les médecins du travail se sentiraient, en outre, relativement démunis dans l’orientation et la prise en charge des personnes souffrant d’addiction. Ainsi, de l’avis général des intervenants auditionnés, les interactions entre médecins du travail et médecins traitants demeurent aujourd’hui trop dépendantes d’initiatives individuelles et des dispositifs de coordination mériteraient d’être mis en place. En matière d’addictions, selon l’étude précitée de l’INPES, seule la moitié des médecins du travail déclare collaborer avec une structure spécialisée et 28 % des médecins du travail être en relation avec un Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Or ces structures permettent une prise en charge globale des patients, puisqu’elles sont chargées de les accueillir, de les informer, de réaliser leur diagnostic médical et de les orienter au besoin. À l’inverse, selon la même étude, près de 54 % des médecins du travail déclarent n’être jamais sollicités par les médecins généralistes pour des problèmes de conduites addictives.

Enfin, se pose un problème de formation des médecins du travail. En effet, selon l’étude précitée de l’INPES, seuls 34 % d’entre eux ont été formés en addictologie.

La question des addictions pendant le travail a, jusqu’à ce jour, été peu prise en compte dans les différents dispositifs de prévention et lutte contre les consommations problématiques d’alcool et de drogues mis en œuvre par les pouvoirs publics.

Ainsi, le plan gouvernemental 2007-2011 relatif à la prise en charge et la prévention des addictions ne comportait aucune mesure dédiée au monde de l’entreprise. De même, le plan Santé au travail 2010-2014 n’intègre pas la lutte contre les addictions parmi ses axes prioritaires. Néanmoins, certains plans régionaux de santé au travail (PRST) ont retenu la lutte contre le tabagisme et la consommation d’alcool au titre de leurs actions prioritaires. C’est notamment le cas de l’Alsace, dont le PRST comprend une action visant à renforcer les mécanismes de lutte contre les conduites addictives.

Les structures publiques compétentes en matière de recherche ou d’action en santé au travail n’ont pas mené de projets portant sur les addictions ces dernières années. Ainsi, ni l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSÉS), ni l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), ni le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P), ni les observatoires régionaux de santé au travail (ORST) n’ont recueilli de données ou déployé des programmes d’intervention en ce domaine. Le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) avait élaboré un projet d’avis « Prévention au travail et toxicomanie » en septembre 2011, qui n’a finalement pas fait l’objet d’une publication, faute de consensus, ce qui souligne le caractère sensible de cette question.

Le Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011 prévoyait toutefois deux actions destinées à la prévention en entreprise :

– organiser des états généraux avec tous les partenaires concernés sur la question des conduites addictives en milieu professionnel ;

– promouvoir le dépistage comme l’un des outils du médecin du travail dans sa démarche d’élaboration d’une politique globale de prévention au service de la santé et de la sécurité de l’entreprise et des personnes.

Ces deux actions ont été réalisées par le ministère du travail. Deux forums régionaux préparatoires ont ainsi été organisés en juillet et en novembre 2009, pour définir le programme des Assises nationales. Celui-ci a été articulé autour des problématiques et constats suivants : le besoin de données relatives à la consommation de drogues illicites en milieu professionnel, le questionnement quant à l’usage des tests salivaires de dépistages, le positionnement d’une politique de prévention et des aspects disciplinaires, la définition des postes à risques, et les modalités de prises en charge des salariés concernés.

Les Assises nationales « Drogues illicites et risques professionnels » se sont tenues en juin 2010 et ont réuni plus de 500 participants. Elles avaient pour objectif d’apporter des réponses à tous les acteurs concernés pour prévenir l’usage des drogues en milieu de travail, de faire régresser le niveau de consommation, de mieux aider les personnes en souffrance, de diminuer le nombre d’accidents professionnels et les risques liés à la prise de substances psychoactives.

Suite aux Assises nationales, afin de remédier à l’absence de données statistiques sur les addictions en milieu de travail, l’INPES a enrichi son Baromètre Santé, dont l’édition 2010 présente des résultats en la matière. La Direction générale du travail (DGT) a, de plus, piloté un groupe de travail pour élaborer un guide « Repères pour une politique de prévention des risques liés à la consommation de drogues », publié en janvier 2012 et diffusé à plus de 36 000 exemplaires. Il s’agit d’un outil pratique, qui vise à éclairer concrètement, à travers des exemples, la place et les modalités d’action de chacun (employeur, salarié, représentant du personnel, service de santé au travail…) pour l’élaboration d’une politique collective de prévention, réponse non stigmatisante à ce risque particulier, ainsi que pour la gestion des situations individuelles éventuellement rencontrées.

Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017, adopté en septembre 2013, vise à poursuivre la dynamique engagée autour de trois objectifs.

Le premier objectif tend à faciliter la mise en place d’une politique de prévention collective des conduites addictives en matière de drogues et d’alcool, dans les milieux de travail, au moyen de six actions :

– en favorisant une double approche de prévention des risques et de protection globale de la santé au travail, conformément à l’esprit de l’article L. 4121-1 du code du travail qui prévoit que tout employeur est tenu de prendre des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;

– en modifiant les dispositions du code du travail relatives à la réglementation de l’alcool en entreprise, afin de permettre aux employeurs de mettre en place, dans le règlement intérieur, des mesures globales de limitation de consommation de boissons alcoolisées, voire d’interdiction ;

– en diffusant une circulaire à l’attention des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) relative à la prévention des risques professionnels liés à l’introduction et la consommation de drogue et d’alcool dans l’entreprise ;

– en s’appuyant sur la loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, pour former des médecins du travail à la pratique de repérage précoce et d’intervention brève, qui permettent de détecter les consommations problématiques d’alcool ;

– en faisant de la prévention de la consommation de produits psychoactifs l’un des axes importants de la politique de santé et sécurité au travail dans la fonction publique ;

– en proposant de façon plus systématique une formation sur les conduites addictives dans le monde professionnel, destinée aux membres des CHSCT, aux médecins du travail et à l’encadrement.

Le deuxième objectif réside dans l’amélioration de la connaissance des effets de la consommation de drogues et dalcool sur la sécurité et la santé au travail ainsi que sur les relations de travail, au moyen de cinq actions :

– en favorisant les études et recherches sur les conséquences de la consommation de produits psychoactifs sur les différents aspects de la vie au travail : l’absentéisme, les inaptitudes, les problèmes relationnels au travail, les situations conflictuelles, la qualité du travail ;

– en proposant aux médecins du travail de participer à des enquêtes de consommation par questionnaires anonymes, sur la base du volontariat, dispensés lors des visites médicales périodiques ;

– en permettant de mieux identifier et quantifier les accidents du travail graves ou mortels dus à la consommation de drogue et d’alcool, sur le modèle de l’enquête « Stupéfiants et accidents mortels », réalisée en 2002 dans le champ de la sécurité routière ;

– en développant pour les autres accidents du travail et les maladies professionnelles, des enquêtes dans certains secteurs professionnels ou pour certaines populations de salariés ;

– en engageant une réflexion sur la mise en place de nouveaux outils de connaissance (baromètre santé auprès des médecins du travail, expertise collective sur les consommations de drogue et d’alcool sur les lieux de travail).

Le troisième objectif vise, enfin, à diffuser les connaissances acquises dans le monde du travail, par trois biais :

– en développant des actions de communication avec l’appui des fédérations professionnelles, des ministères, de la branche AT/MP de la CNAMTS et des assurances complémentaires ;

– en développant des actions d’information en direction des salariés des secteurs les plus à risque identifiés par la dernière enquête de l’INPES des dangers liés à la consommation d’alcool et de drogue ;

– en encourageant l’inscription d’actions de sensibilisation aux risques liés à la consommation d’alcool et de drogue dans les cursus de formation professionnelle (formation en alternance, apprentissage…).

Votre rapporteur pour avis estime qu’il s’agit d’une première avancée positive dans le traitement du problème des addictions pendant le travail, mais se montrera très attentif à la rapidité et à la qualité de la mise en œuvre de ce plan.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (30), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2014 de la mission « Travail et emploi » sur le rapport de M. Jean-Patrick Gille sur les crédits relatifs à l’emploi, sur le rapport de M. Francis Vercamer sur les crédits relatifs au travail, et sur le rapport de M. Gérard Cherpion sur les crédits relatifs au compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », lors de sa séance du 30 octobre 2013.

Mme la Présidente Catherine Lemorton. Avant de demander l’avis de nos rapporteurs pour avis sur les crédits 2014, il nous faut examiner plusieurs amendements. Nous sommes tout d’abord saisis de trois amendements de crédits pouvant faire l’objet d’une discussion commune et portant sur les maisons de l’emploi. Le premier n’est pas défendu, Mme Lévy étant absente, nous examinons donc les amendements II-7, présenté par MM. Vercamer et Richard, et II-A56, présenté par Mmes Le Callennec et Louwagie.

M. Arnaud Richard. Je vais tenter d’être concis. Le ministre a produit une réponse habile, et nous le prendrons au mot, mais le choix du Gouvernement de réduire de 50 % les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 ne nous paraît pas un choix judicieux pour les maisons de l’emploi. C’est le meilleur moyen de les tuer, comme cela a été dit à l’instant. Nous proposons donc d’extraire 26 millions d’euros de la ligne de crédits des contrats de génération, qui totalise 1 265 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 390 millions d’euros de crédits de paiement, pour les réaffecter aux maisons de l’emploi et retrouver l’étiage du budget précédent.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Tous les ans, nous avons un long débat sur les maisons de l’emploi, comme ça a été le cas lors de la discussion générale tout à l’heure. Il me semble dommage que le débat ne porte que sur les crédits de ces maisons, car il s’agit d’un débat de fond sur les choix à effectuer pour organiser la coordination et le pilotage des politiques de l’emploi dans les territoires entre l’État, Pôle emploi, les régions, compétentes en matière de développement économique et de formation, et les communes, très sollicitées par les demandeurs d’emploi.

Ce dispositif, d’initiative locale, reçoit un financement de l’État. Il existe aujourd’hui 170 maisons de l’emploi, tous les territoires ne sont donc pas couverts. L’État n’a pas bien défini les objectifs à poursuivre, d’où la difficulté de mener un travail d’évaluation, comme c’est rappelé chaque année. Le rapport établi par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) démontre d’ailleurs la diversité des structures existantes.

Sont également implantés dans les territoires, les missions locales, les plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), qui récemment se sont rapprochés des maisons de l’emploi, les Cap emploi, qui accompagnent les travailleurs handicapés. Comme l’a souligné Monique Iborra dans son rapport d’information sur Pôle emploi et le service public de l’emploi de juin dernier, nous devons accomplir un travail de rapprochement de ces différents dispositifs de coordination, d’expertise, de diagnostic et reposer la question de l’accompagnement au plus près des territoires, car c’est l’échelon le plus efficace pour aider les publics en difficulté.

Nous en venons à la question, posée chaque année au sein de ce « club » des maisons de l’emploi : qui doit payer cette coordination territoriale ? Si les pouvoirs locaux en prennent la charge, l’État et Pôle emploi ont tendance à se retirer. Si l’État assume cette charge, cela démobilise les territoires. Le ministre l’a affirmé : celui qui décide, paie. Or, on ne peut pas réfléchir dans ces termes pour la question qui nous occupe : il s’agit, au contraire, de rapprocher les structures et de les coordonner.

Chaque année, ce débat nous agite. Si l’on reconduit les crédits, rien ne va changer. Je pense que nous devons avoir le courage d’ouvrir la discussion de fond. Le ministre a fait une ouverture, en indiquant que les crédits relatifs à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) seront renforcés, bien qu’il nous faille obtenir des garanties à ce sujet. Sur les territoires d’implantation des maisons de l’emploi, il me semble que le travail de GPEC doit être accompli par celles-ci. Ces crédits supplémentaires ne doivent pas servir à financer des consultants.

À mon sens, nous devons suivre cette piste de réforme et faire bouger les choses, plutôt que de reporter encore ce débat de fond, comme je le constate, chaque année, en tant que parlementaire, après l’avoir vécu pendant 30 ans, au niveau professionnel, dans le secteur de la formation. Nous devons progresser sur la question de savoir comment nous organisons le service public de l’emploi dans les territoires.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement de MM. Vercamer et Richard, et demande que l’on travaille sur les questions de fond sous-tendant notre débat et que l’on explore la piste ouverte par le ministre ce soir sur les crédits de GPEC.

M. Jean-Marc Germain. Le débat sur l’efficacité du service public de l’emploi dans les territoires constitue un débat important. J’ai entendu le ministre affirmer qu’il souhaitait, d’une part, une évolution des crédits différenciée selon les maisons de l’emploi et, d’autre part, un nouveau partenariat avec l’État, par le biais de l’attribution de crédits de GPEC, mais nous avons besoin de davantage de précisions. Nous avons, en particulier, besoin de savoir, quelles maisons de l’emploi verront leur budget maintenu et lesquelles verront leurs moyens diminuer, sur le fondement d’une évaluation de leur fonctionnement. Nous devons également étudier les modalités de contractualisation pour l’attribution de crédits de GPEC aux maisons de l’emploi, qui pourraient permettre de pallier les réductions de budget. À titre personnel, je voterai contre l’amendement présenté, mais je souhaite que l’on puisse avancer sur ce sujet d’ici l’examen en séance publique de la mission « Travail et emploi ».

Mme la Présidente. Nous examinons maintenant un amendement présenté par Mme Louwagie. Madame, vous avez déposé un autre amendement, dans le même esprit, que nous examinerons juste après, peut-on considérer que votre prise de parole vaut présentation des deux amendements ?

Mme Véronique Louwagie. Bien sûr, j’allais vous le proposer. En termes d’emploi, on ne peut s’exonérer de la situation actuelle qui impose de partir des territoires et des bassins de vie pour déterminer les besoins d’emploi présents, avec les offres non pourvues, et à venir, avec les postes appelés à se libérer suite à des départs en retraite par exemple. Il est fondamental d’établir des cartographies de l’emploi et des besoins à venir, au plus près des entreprises et des bassins de vie. Les maisons de l’emploi répondent à cet objectif, et leur disparition nous placerait devant une grande difficulté. La réponse du ministre, autour de la GPEC territoriale, souligne le rôle des maisons de l’emploi.

Certes, comme en fait état le rapport de l’IGAS, coexistent des situations très différentes, mais pourquoi ne pas réfléchir à ce que les maisons de l’emploi qui ne fonctionnent pas puissent améliorer leur fonctionnement et leur accorder des crédits, car elles apportent un service réel aux territoires. Je ne crois pas que les missions locales ou Cap emploi aient vocation à remplir le rôle aujourd’hui joué par les maisons de l’emploi. Leur action ne se fonde pas sur un diagnostic des besoins économiques et d’emploi réalisé auprès des entreprises.

Par ailleurs, je pense que l’année 2014 ne constitue pas le bon moment pour cesser les financements, car les cahiers des charges ont été établis pour la période 2011-2014. Il me semble regrettable de mettre fin aux crédits des maisons de l’emploi au cours de la dernière année du cahier des charges. Il aurait fallu au moins les maintenir jusqu’en 2014 et mener un travail de réflexion pour 2015. Retenir une diminution cette année n’est pas judicieux.

M. Christophe Cavard. On comprend l’émotion de certains parlementaires qui défendent leurs maisons de l’emploi, issues du plan de cohésion sociale, soutenu par plusieurs députés ici présents, mais tous les acteurs sont unanimes quant au constat de l’hétérogénéité des situations.

Comme le soulignaient le ministre et notre collègue Jean-Marc Germain, à quoi sert d’accorder de manière uniforme des crédits à des territoires, parfois à vide, et dont certains connaissent des doublons ? Le budget présenté pour 2014 renforce les moyens de Pôle emploi, en finançant 4 000 postes supplémentaires en 2013 et 2014, ce dont on ne peut que se réjouir, dont une partie du personnel mène ces politiques de coordination.

Nous pouvons prendre acte aujourd’hui que le budget des maisons de l’emploi doit être revu à la baisse, tout en tenant compte des analyses démontrant le bon fonctionnement ou la nécessaire réorientation de la structure étudiée, en lien avec les différents acteurs de l’emploi et les collectivités territoriales.

Comme je l’ai dit souvent dans les réunions de l’association des départements de France (ADF), le plan de cohésion sociale comportait déjà des dispositifs qui donnaient le sentiment que le coût de la politique publique de l’emploi était renvoyé aux collectivités territoriales, alors que la compétence demeurait du ressort de l’État.

On ne peut pas défendre un amendement de principe visant à maintenir le budget à son niveau actuel, mais nous devons ouvrir le débat sur le rôle des maisons de l’emploi dans le service public de l’emploi aujourd’hui, autour de diagnostics précis.

M. Michel Liebgott. Sous le précédent Gouvernement, les crédits des maisons de l’emploi avaient connu une forte baisse, de 30 millions d’euros, et, lorsque nous la dénoncions, nous n’obtenions pas de réponse. Aujourd’hui, la diminution des crédits proposée par le Gouvernement est inférieure à celle votée par la précédente majorité, et le ministre nous a donné un début de réponse, même s’il n’est pas totalement satisfaisant.

Sous la précédente législature, nos amendements étaient purement et simplement rejetés et les ministres n’accomplissaient aucun effort de proposition. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, et cela tombe plutôt bien car les crédits GPEC augmentent de 20 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014. Il existe donc un vrai potentiel à mobiliser, au travers d’appels à projet pour sélectionner les maisons de l’emploi justifiant de bénéficier de cet engagement de l’État, en partenariat avec les collectivités territoriales. La procédure proposée est intelligente, reste à analyser le niveau des crédits nécessaires d’ici l’examen de la mission « Travail et emploi » en séance publique.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis sur le travail. J’ai entendu les propos du ministre, qui affirme que les diminutions de crédits n’affecteront pas toutes les maisons de l’emploi, et qu’elles ne s’appliqueront pas de manière uniforme. Nous avons déjà entendu ce discours à maintes reprises. Chaque année, le ministre affirme ce principe, et, ensuite, l’administration applique une diminution uniforme, car c’est la solution la plus simple. Je ne crois donc plus à ce discours : toutes les maisons de l’emploi connaitront une diminution de crédits de 50 % l’année prochaine.

En effet, aucun travail n’a été accompli en amont : nous aurons besoin d’un certain temps pour définir les axes de développement de la GPEC et de mise en œuvre des préconisations du rapport de juin dernier de Mme Iborra. Nous allons donc devoir entériner cette diminution de 50 % des crédits, qui va par ailleurs tuer quelques maisons de l’emploi, et, comme il en restera moins, le Gouvernement augmentera peut-être le budget l’année prochaine.

Ce matin j’assistais à la commission élargie sur la mission dédiée aux politiques de la ville. J’ai interrogé le ministre de la ville à propos des structures en faveur de l’emploi, dont les missions locales et les maisons de l’emploi, situées dans les quartiers en difficulté. Le ministre m’a répondu qu’il avait signé plusieurs conventions, dont une avec le ministre chargé de l’emploi, pour que ces structures reçoivent davantage de crédits l’année prochaine. Je m’interroge donc sur la mise en œuvre concrète de cette convention, puisque M. Michel Sapin ne l’a pas évoquée dans son intervention toute à l’heure.

Sur la coordination des structures, je préside moi-même une maison de l’emploi. Nous avons créé un groupement d’intérêt public, regroupant trois entités, ce qui a produit d’importantes économies de gestion. J’invite le Gouvernement à inciter l’ensemble des maisons de l’emploi à appliquer cette démarche permettant des économies d’échelle et une réduction des budgets. Mais demander aux maisons de l’emploi de licencier du personnel, car ce sera la traduction concrète de la baisse aujourd’hui proposée, alors que nous vivons une période difficile en matière sociale et économique, me semble un mauvais signal envoyé aux territoires.

J’ai apprécié l’intervention de M. Marsac tout à l’heure : effectivement les maisons de l’emploi constituent d’abord un lieu de coordination des structures locales, avec les élus locaux, car, même si Pôle emploi a procédé à la fusion de l’ANPE et des Assédic, de très nombreuses structures concourent encore à la politique territoriale de l’emploi et requièrent une véritable coordination de l’État, des régions, des intercommunalités, des communes et de Pôle emploi.

M. Arnaud Richard. Je ne comprends pas que l’on mégotte pour accorder 26 millions d’euros sur les 3 691 millions d’euros du programme 103 à un dispositif qui fonctionne, peut-être pas partout très bien, mais qui a le mérite d’exister dans une période où le Gouvernement fait de l’emploi une priorité. M. Vercamer a très bien expliqué que l’administration centrale, quel que soit l’engagement pris par le Gouvernement applique, en cas de baisse des crédits de subventions, un coup de rabot identique à toutes les structures. M. Liebgott a indiqué que la baisse appliquée par la précédente majorité était plus forte. C’est faux. Nous en sommes à une baisse de 50 % alors que j’avais obtenu, avec votre soutien, alors que j’étais rapporteur à la place de Jean-Patrick Gille, une diminution, au cours du débat parlementaire sur la loi de finances pour 2012, de la baisse comparable des subventions des maisons de l’emploi proposée par le précédent Gouvernement. Les propos du ministre sur la spécialisation des maisons de l’emploi dans la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) sont intéressants. Mais ils laissent supposer une prime à la vertu pour les maisons locales efficaces et peu coûteuses qui ne verra pas le jour. Le budget des maisons de l’emploi qui coûtent très cher, peut-être trop cher, sera raboté comme celui des autres, nous le savons très bien. Ces dernières coûtent tellement cher que l’on n’arrive pas à les raboter davantage que les autres.

Mme Monique Iborra. Je suis surprise de la place que prennent les maisons de l’emploi dans nos réunions d’élus nationaux qui sont encore dominé par des « intérêts locaux », qui seront moins présents lorsque nous auront un mandat unique. Mme Dalloz et M. Richard confirmaient que les maisons de l’emploi font avant tout de la GPEC. En réalité, comme nous l’avons vu sur place au cours de notre mission d’information, les grandes maisons de l’emploi, qui ont des frais de structures énormes, assument les compétences que leur confient les agglomérations qui les financent, c'est-à-dire le recrutement des bénéficiaires des clauses d’insertion. Or ces agglomérations ne sont pas les structures territoriales qui ont le plus de problèmes de financement. Si les communautés urbaines ou d’agglomération veulent confier à ces maisons de l’emploi les missions de développement économique qui vont leur être reconnues par la loi, qu’elles adaptent les financements qu’elles leur versent en conséquence. Ce n’est plus à l’État de les soutenir depuis la création de Pôle Emploi, bien que vous ne vouliez pas le reconnaître. Les petites maisons de l’emploi, beaucoup moins nombreuses, peuvent faire de la GPEC territoriale si elles ont en les compétences, bien qu’il s’agisse d’une tâche compliquée.

Mme Véronique Louwagie. Nous ne défendons pas les maisons de l’emploi installées dans nos circonscriptions mais celles qui fonctionnent bien. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, souvent cité à leur propos, indique que certaines sont des portes d’entrée vers l’emploi. Pourquoi ne pas faire de la dernière année d’exécution du cahier des charges qui leur a été fixé en 2009 par un arrêté du ministre, une année d’amélioration de leur fonctionnement et de réorganisation des maisons les plus coûteuses au lieu de leur porter un coup fatal en diminuant de moitié leurs crédits budgétaires ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. On peut demander au Gouvernement de définir les objectifs attendus des maisons de l’emploi en contrepartie du financement apporté par l’État et les critères permettant de vérifier si ces objectifs sont atteints, comme cela les règles du jeu seront claires. Il ne s’agit pas de tuer les maisons de l’emploi. Je milite pour l’approche territoriale de l’emploi à laquelle les maisons de l’emploi ont apporté leur contribution. Nous devons prendre nos responsabilités d’élus en construisant un service public local de l’emploi qui sollicite davantage les agglomérations et les régions qui seront responsables du développement économique et de la formation. J’émets un avis défavorable sur les deux amendements en attendant les précisions qui seront apportées par le Gouvernement avant la séance publique.

La commission n’adopte pas les deux amendements II-AS 7 et II-AS 6.

La commission est saisie de deux amendements sur l’insertion par l’activité économique, l’un n° II-AS 10 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi, l’autre n° II-AS 5 de M. Christophe Cavard, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Mon amendement complète la réforme proposée par le Gouvernement qui ajoute 15 millions au budget de l’insertion par l’activité économique qui avait été relevé de 10 millions d’euros, sur ma proposition, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013. La substitution budgétaire des financements du Fonds Social Européen (FSE) par des crédits de l’État, qui va s’étendre jusqu’à la fin de l’année 2014, est une bonne chose parce que les entreprises peinaient à remplir tous les critères d’éligibilité imposés pour les obtenir aides du FSE. Dans l’attente de l’indexation de l’aide au poste sur le SMIC en 2015, les entreprises d’insertion pourraient cependant être confrontées à des difficultés financières. C’est pourquoi je propose de majorer de 15 millions d’euros leurs crédits de paiement afin de sécuriser cette substitution. Cette majoration est gagée par une économie sur les crédits de paiement des contrats de génération.

M. Christophe Cavard. Mon amendement concerne la même ligne budgétaire mais il a un tout autre objet que le précédent puisqu’il concerne non pas les entreprises d’insertion mais les chantiers d’insertion. La transformation, à laquelle nous sommes favorables, des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) accomplis en chantiers d’insertion, en contrats à durée déterminée d’insertion (CDDI) entraînera un surcoût de frais de fonctionnement pour les chantiers qui utilisent ces mécanismes. Comme ces CDDI, qui rapprochent heureusement leurs bénéficiaires du droit commun du travail, sont pris en compte dans les effectifs et la masse salariale des chantiers d’insertion, ces structures vont franchir les seuils légaux de 10 salariés pour passer à 30 ou 40 salariés. Mon amendement propose de donner à ces chantiers les moyens d’accompagner le changement de structure impliqué par cette hausse des effectifs pris en compte.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. M. Cavard a fait part au ministre du risque qu’il évoque par un amendement d’appel. Le surcoût, pour les chantiers, d’un franchissement des seuils légaux d’effectifs, lors de la réforme de l’insertion par l’activité économique, pourrait être pris en charge dans le cadre d’une modulation de l’aide au poste prévue par cette réforme. Nous avons du temps pour étudier cette compensation. Puisque l’appel lancé par M. Cavard a été entendu, je lui propose de retirer son amendement.

M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement. Nous aurons à nouveau ce débat en séance publique. Je rappelle cependant que les contrats d’accompagnement pour l’emploi étaient pris en charge à 95 % par l’État, voire à 105 % du SMIC horaire brut dans certains cas et bénéficiaient d’un accompagnement social de 1 000 euros par poste. La réforme prévoit une enveloppe globale de 20 500 euros par poste, moindre que l’aide précédente.

L’amendement II-AS5 est retiré.

La commission adopte l’amendement n° II-AS10.

La commission est saisie d’un amendement II-AS9 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. L’amendement abonde la dotation de l’État aux missions locales de 12 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement pour arriver à une enveloppe budgétaire de 200 millions d’euros. Le financement par l’État du fonctionnement des missions locales est gelé depuis plusieurs années alors que ces structures sont mises en difficultés par la hausse régulière de leurs charges de personnel, équivalente à un glissement vieillesse-technicité (GVT). Leur budget global a certes été relevé par la dotation de financement des emplois d’avenir mais l’accompagnement de ces emplois a exigé des renforts d’effectifs. Tout le monde a souligné le travail accompli par les missions dans le dispositif des emplois d’avenir mais je remarque que les crédits de ce dispositif qui devaient couvrir la charge de leur accompagnement ne sont pas non plus suffisants. Dans l’immédiat, je propose de relever leur budget de fonctionnement régulier.

La commission adopte l’amendement n° II-AS9.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits, ainsi modifiés, de la mission Travail et emploi figurant à l’état B de l’article 44.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » figurant à l’état D de l’article 46

Articles rattachés à la mission Travail et Emploi

La commission est saisie d’un amendement n° II-AS8 à l’article 77 rattaché à la mission Travail et Emploi de M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis, sur le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». Cet amendement suit le propos que j’ai tenu au ministre. Les entreprises de plus de 10 salariés seront exclues à terme du bénéfice de la prime d’apprentissage. 60 % des entreprises de moins de 11 salariés ont des apprentis. 80 % des entreprises de moins de 20 salariés en ont aussi. L’article 77 du projet de loi de finances pénalise ces entreprises qui forment des apprentis et développent l’apprentissage. Je souhaite que cette prime leur soit accordée, en relevant à 20 salariés le seuil prévu par l’article 77.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Il est trop tard pour demander à M. Cherpion comment il compte financer le surcoût sur plusieurs années, pour les régions et donc pour l’État qui leur compense ce coût, d’une prime d’apprentissage dont le seuil d’octroi serait relevé. Sa remarque est cependant pertinente. Les entreprises de moins de 11 salariés représentent 64 % des apprentis. Celles de moins de 20 salariés en emploient 80 %. Accorder à toutes la prime d’apprentissage occasionnerait un surcoût important dont je ne vois pas comment le compenser dans le budget. Le ministre a cependant rappelé que la réforme de cette prime avait deux objectifs, le premier de faire des économies budgétaires, le second d’en renforcer l’efficacité en la réservant aux entreprises pour laquelle l’octroi de cette prime pèse dans la décision d’embaucher un apprenti. En relevant le seuil d’octroi, on n’atteint plus ces deux objectifs. Je propose à M. Cherpion de retirer son amendement en attendant que nous puissions revoir avec le ministère le seuil le plus pertinent avant la discussion en séance publique. À défaut de retrait, je donnerai un avis défavorable à l’amendement.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». Les régions consultées pensent que le seuil de 20 salariés est le plus pertinent car il englobe 80 % des apprentis. L’indemnité forfaitaire compensatoire actuelle qui est dénommée prime d’apprentissage n’est aujourd’hui pas ciblée. La nouvelle prime d’apprentissage proposée par l’article 77, accordée aux entreprises de moins de 20 salariés, n’occasionneraient donc pas un surcoût par rapport à l’indemnité actuelle mais une économie moindre que celle attendue. Dans l’attente de la réponse du ministre, je retire mon amendement.

L’amendement n° II-AS8 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 77 sans modification.

L’amendement n° II-AS1 sur l’article 78 n’est pas soutenu.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 78 sans modification.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2014 de la mission « Travail et emploi ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Philippe Maussion, secrétaire confédéral

Ø Force Ouvrière (CGT-FO) – M. Jean-Marc Bilquez, secrétaire confédéral, et M. Bertrand Neyrand, assistant confédéral

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Joseph Thouvenel, vice-président en charge du dossier emploi, et M. Michel Charbonnier, juriste

Ø Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Bernard Salengro, expert secteur Santé au travail, handicap, et M. Gilles Castre, juriste secteur Santé au travail, handicap

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Jean-Pierre Crouzet, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – Dr François Pellet, médecin-conseil, Mme Nathalie Buet, directrice de mission santé au travail à la direction de la protection sociale, Mme Ophélie Dujarric, chargée de mission senior à la direction des affaires publiques

Ø Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) Mme Patricia Coursault, chargée de mission politique de la ville - prévention

Ø Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) Dr Maud Pousset, directrice

Ø Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail (INRS) Dr Geneviève Abadia, chef du département Études et assistance médicale, et Dr Philippe Hache, expert sur le sujet des addictions

Ø Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) Mme Thanh Le Luong, directrice générale, Mme Colette Ménard, chargée d’expertise scientifique à la direction des affaires scientifiques, et M. François Beck, chef de département à la direction des affaires scientifiques

Ø Mme Astrid Fontaine, sociologue, auteur de l’ouvrage « Double vie. Les drogues et le travail. »

Ø Direction générale du travail (DGT) – M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, et Mme Clélia Delpech, chef du bureau conditions de travail n° 1

Ø Dr Michel Reynaud, chef du service addictologie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, auteur du rapport de juin 2013 sur les dommages liés aux addictions et les stratégies validées pour réduire ces dommages, accompagné de Mme Isabelle Chavignaud, coordonnatrice du dispositif de prévention et de prise en charge des addictions à l’APHP

Ø Direction générale de la santé (DGS) – M. Pascal Melihan-Chenin, adjoint à la sous-directrice de la santé des populations et de la prévention des maladies, et Dr Pierre-Yves Bello, adjoint au chef du bureau des addictions et autres déterminants comportementaux de santé

Ø Dr Damien Duquesne, médecin diplômé d’addictologie

Ø M. Patrick Buchard, ingénieur de sécurité du travail, ergonome, alcoologue, enseignant à la faculté de Médecine de Paris René Descartes (Paris V), intervenant auprès de la MILDT et fondateur et dirigeant du Cabinet Hassé-Consultants

Ø M. Marc Teyssier d’Orfeuil, directeur général de COM’PUBLICS

Ø Cabinet de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – M. Nicolas Grivel, directeur adjoint du cabinet, Mme Myriam Métais, conseillère budgétaire, et M. Xavier Geoffroy, conseiller parlementaire

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