N° 1433 tome VI - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1433

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2014 (n° 1395)

TOME VI

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

AIR

PAR M. Serge GROUARD

Député

——

Voir le numéro : 1428 (annexe 11)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET 2014 DE L’ARMÉE DE L’AIR SOUS TENSION 13

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2014 INTERVIENT DANS UN CONTEXTE DE PLUS EN PLUS TENDU POUR L’ARMÉE DE L’AIR 13

A. LES CHOIX BUDGÉTAIRES FRAGILISENT LE MODÈLE DE L’ARMÉE DE L’AIR 14

1. La réduction tendancielle de l’effort budgétaire de défense de la France a tout particulièrement pénalisé l’armée de l’air, dans un contexte mondial où beaucoup de pays réarment 14

a. L’effort budgétaire de la France en matière de Défense se réduit 14

b. L’armée de l’air a été particulièrement affectée par les réductions budgétaires 15

c. Le désarmement de la France va à rebours d’une croissance forte des dépenses militaires dans d’autres régions du monde et de risques et menaces amplifiés par la mondialisation 16

2. Les contrats opérationnels de l’armée de l’air sont aujourd’hui imparfaitement tenus 17

a. Les contrats opérationnels permettant d’assurer la fonction stratégique de protection 18

b. La capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France 18

c. Le taux de satisfaction des contrats opérationnels permettant de circonscrire les crises 18

3. Le format et le contrat opérationnel de l’armée de l’air ont été revus à la baisse par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 19

a. Le Livre Blanc dessine un nouveau modèle pour l’armée de l’air 19

b. Le Livre blanc définit un nouveau contrat opérationnel pour l’armée de l’air 20

4. Le projet de loi de finances 2014 constitue la première annuité d’une LPM qui diminue les ressources disponibles pour les armées et repose sur des hypothèses fragiles 21

a. L’évolution en « zéro valeur » entraîne de facto une baisse des ressources pour les armées 21

b. La réussite des premières annuités de la LPM 2014-2019 repose sur des hypothèses qui demeurent fragiles 21

5. Des incertitudes sur la fin de l’exécution du budget 2013 hypothèquent l’exercice 2014 22

B. LES CRÉDITS DE L’ACTION 4 « PRÉPARATION DES FORCES AÉRIENNES » DU PROGRAMME 178 « PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES : AIR » 22

1. Les crédits du BOP « Air » par sous-actions 23

2. Les crédits du BOP « Air » par nature de dépenses 25

a. Les dépenses de personnels 25

b. Les dépenses de fonctionnement 27

c. Les dépenses d’investissement 28

II. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2014 LAISSE SUBSISTER DES INQUIÉTUDES SUR L’APTITUDE DE L’ARMÉE DE L’AIR À POUVOIR CONTINUER À REMPLIR SES MISSIONS DANS LES MEILLEURES CONDITIONS 29

A. LA POURSUITE D’UNE DÉFLATION IMPORTANTE DES EFFECTIFS IMPLIQUE INÉLUCTABLEMENT UNE NOUVELLE DIMINUTION DES STRUCTURES 29

1. Des efforts considérables en matière de déflation des effectifs ont déjà été effectués par l’armée de l’air 29

2. De nouveaux efforts de dépyramidage et de réductions des effectifs sont demandés 32

a. Le repyramidage a aujourd’hui atteint ses limites 32

b. La réduction des effectifs se poursuit 32

3. Une inéluctable réduction des structures 33

B. UN EFFORT INDISPENSABLE DOIT ÊTRE MENÉ SUR LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNEL DES MATÉRIELS 34

1. Les crédits d’EPM aéronautique augmentent faiblement en 2014 35

2. Les efforts pour accroître l’efficacité du MCO doivent être poursuivis 36

a. Un nouveau mode de gouvernance du MCO aéronautique a été mis en place 36

b. Des mesures de renforcement des compétences et de rationalisation des structures de soutien aéronautique ont déjà permis d’augmenter l’efficacité du dispositif chargé de l’EPM 37

c. D’autres réformes pourraient intervenir prochainement pour améliorer l’efficacité du MCO de l’aéronautique au sein de l’armée de l’air 38

C. UNE ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE QUI DEMEURE EN DESSOUS DES NORMES 38

1. Une activité opérationnelle insuffisante 38

2. Le PLF 2014 ambitionne de faire de l’activité opérationnelle une priorité 39

a. La préparation opérationnelle différenciée 39

b. Une formation des pilotes de chasse rénovée : le projet « Cognac 2016 » 41

c. Un objectif d’amélioration de l’activité opérationnelle qui demeure à horizon lointain 42

D. UNE MODERNISATION ET UN RENOUVELLEMENT DES ÉQUIPEMENTS ENCORE INSUFFISANT 43

1. Les livraisons de matériels 44

a. Les radars haute et moyenne altitude 44

b. L’avion SDCA rénové 45

c. Les Rafale et les autres avions de chasse 45

d. Les armements air-sol modulaires 46

e. La famille de systèmes sol-air futurs 46

f. Les avions A400M 46

2. Les commandes de matériels 47

a. Le système d’avion léger de surveillance et de renseignement 47

b. Le système de drone MALE 47

c. Les pods PDL NG 48

d. Le lancement de la réalisation du MRTT 49

e. Les avions de transport à long rayon d’action 49

DEUXIÈME PARTIE : L’AVIATION DE TRANSPORT MILITAIRE FRANÇAISE 51

I. LA FRANCE POSSÈDE UNE FLOTTE D’AVIONS DE TRANSPORT MILITAIRE DONT LES LACUNES L’ONT AMENÉE À DÉVELOPPER DES COOPÉRATIONS ET MUTUALISATIONS 53

A. L’AVIATION DE TRANSPORT MILITAIRE A JOUÉ UN RÔLE HISTORIQUE DÉTERMINANT DANS DE NOMBREUSES OPÉRATIONS ET PREND UNE IMPORTANCE CROISSANTE 53

1. Une création lente, riche d’un glorieux passé, qui contribue à l’exercice d’une véritable « diplomatie aérienne » 53

a. L’organisation de l’aviation de transport militaire intervient tardivement. 53

b. L’aviation de transport militaire a pris toute sa place dans les opérations menées par la France 54

c. L’aviation militaire de transport est également un instrument de « diplomatie aérienne » 54

2. L’aviation de transport militaire se caractérise par sa diversité d’utilisation et est amenée à jouer un rôle croissant 55

a. Une grande diversité d’utilisation 55

b. L’importance de disposer d’une aviation de transport performante apparaît de plus en plus clairement 55

B. LA FRANCE EST AUJOURD’HUI DOTÉE D’UNE AVIATION DE TRANSPORT STRATÉGIQUE ET TACTIQUE DONT LES FAIBLESSES SONT IDENTIFIÉES DE LONGUE DATE 56

1. L’aviation de transport militaire dispose d’une flotte nationale d’aéronefs stratégiques et tactiques et d’une organisation qui emploie des personnels relevant de nombreuses spécialités 56

a. La composition actuelle de la flotte française d’aviation de transport militaire 56

b. Les effectifs de l’armée de l’air composant l’organisation de l’aviation de transport militaire 58

2. Les lacunes de l’aviation de transport militaire françaises sont identifiées de longue date 59

a. Les formats ont été revus à la baisse 60

b. Le parc des avions de transport militaire est ancien et limité 60

c. Les indicateurs de performance de l’aviation de transport ne sont pas satisfaisants 61

d. Les retours d’expériences d’OPEX récentes ont mis en lumière la nécessité de recourir à l’aide ponctuelle d’alliés et à des solutions d’affrètements 62

e. L’état de la flotte fait peser une menace sur le maintien des compétences 63

C. POUR COMBLER SON DÉFICIT CAPACITAIRE EN MATIÈRE DE TRANSPORT MILITAIRE AÉRIEN, LA FRANCE A REJOINT PLUSIEURS STRUCTURES DE COOPÉRATION ET SIGNÉ DES ACCORDS OU MARCHÉS 63

1. La France participe à plusieurs structures de coopération dans le cadre du transport aérien militaire en Europe 63

a. Le Groupe aérien européen 63

b. Le commandement européen du transport aérien (EATC) 63

c. Le MCCE 64

d. L’EATF 65

2. La France a signé plusieurs accords et marchés pour pallier son déficit capacitaire dans le domaine de l’aviation militaire de transport 65

a. L’arrangement ATARES 65

b. Le marché SALIS 65

c. Le marché ICS 66

II. VERS UNE NOUVELLE ÈRE DE L’AVIATION DE TRANSPORT MILITAIRE FRANÇAISE ? 67

A. L’ARRIVÉE DE L’A400M : UN AVION HORS NORMES DONT LE CADENCEMENT DE LIVRAISON DEMEURE TROP LENT 67

1. Un projet ambitieux qui semble enfin aboutir 67

a. Une longue gestation commencée dans les années 80 67

b. L’armée de l’air a fourni des efforts importants pour s’adapter à l’arrivée de l’A400M 68

2. Un avion « tactégique » qui ouvre de multiples perspectives stimulantes 69

a. Un avion capable de remplir de multiples missions 69

b. Une capacité de transport impressionnante 70

c. Une opportunité de revoir le prépositionnement des forces françaises hors métropole ? 71

d. L’A400M offre l’opportunité de renforcer la coopération européenne dans le domaine du transport aérien militaire 71

3. Un cadencement de livraison lent et imprécis qui a impliqué des mesures correctives coûteuses 72

a. Un calendrier de livraison lent et imprécis au-delà de 2019 72

b. Des capacités opérationnelles qui ne seront effectives qu’à moyen terme 72

c. Les retards du programme A400M ont nécessité l’adoption de mesures correctives onéreuses 73

d. Le recours à l’affrètement d’avions très gros cargo restera en tout état de cause indispensable 74

B. UN COMPLÉMENT INDISPENSABLE DE L’A400M QUI TARDE À VENIR : LE MRTT 74

1. Le programme MRTT est un complément indispensable de l’A400M 75

a. Le programme MRTT 75

b. Le MRTT renforcera à double titre l’aviation de transport militaire française 75

2. Les retards dans l’acquisition du MRTT sont lourds de conséquences 76

a. Une fragilisation de la composante aéroportée et de la capacité à intervenir à distance 76

b. Des perspectives de coopération porteuses pour l’Europe de la défense qui s’éloignent 77

TRAVAUX DE LA COMMISSION 79

EXAMEN DES CRÉDITS 79

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis 83

La première journée des aviateurs a été officiellement célébrée le mercredi 26 juin 2013. Ceux-ci fêteront désormais chaque année l’anniversaire de la loi du 2 juillet 1934 fixant l’organisation générale de l’armée de l’air. Cette dynamique d’affirmation de l’identité de l’ensemble des militaires arborant des « charognards », quelle que soit sa catégorie, son statut ou son lieu d’affectation - en France où à l’étranger -, justifie à elle seule le choix de la commission de la Défense nationale et des forces armées de consacrer, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Défense », un avis spécifique à l’armée de l’air et aux hommes et aux femmes qui la servent avec dévouement et abnégation. Ils restent, pour reprendre leur belle devise inspirée de la réplique du célèbre As de l’aviation française, Georges Guynemer, « Unis pour faire face ».

C’est d’abord à ces personnels de l’armée de l’air, qui manifestent quotidiennement leurs fortes valeurs militaires, leurs grandes qualités combattantes et leur haute technicité aéronautique que le rapporteur voudrait rendre hommage. Sans eux, la puissance aérienne de la France ne serait pas.

L’année 2013 les a vus continuer à exercer quotidiennement, à partir de leurs bases aériennes, leurs deux missions de posture permanente de sûreté et de mise en œuvre de la composante aéroportée nucléaire, qui garantissent la souveraineté de l’espace aérien français et la défense des intérêts vitaux de la Nation. Ils sont parallèlement intervenus dans des opérations extérieures, dont l’opération Serval au Mali reste un exemple qui force l’admiration devant un engagement couronné de succès des capacités de notre armée de l’air.

Celle-ci a connu ces dernières années une succession de transformations de grande ampleur que très peu d’autres organismes de l’État ont eu à subir. L’armée de l’air a ainsi procédé à la fermeture de huit bases aériennes en métropole et de quatre dans les Outre-mer, connu une contraction d’ampleur de son format qui a réduit de 25 % ses effectifs par la dissolution de six escadrons de chasse et de trois escadrons de défense sol-air, vu le nombre de ses avions de chasse diminuer de trente pour cent et sa composante aérienne nucléaire diminuer d’un tiers.

Le rapporteur se doit, pour ceux qui ont accepté ces décisions avec la dignité et la réserve qui siéent à leur condition militaire, de dire ce que ces restructurations ont pu avoir de conséquences douloureuses sur le moral des aviateurs. Comment en effet ne pas ressentir une certaine insatisfaction devant des réformes successives et incessantes, alors que les autres administrations de l’État n’ont pas produit ces efforts et au moment où la Cour des comptes pointe dans un récent rapport public consacré aux finances locales le potentiel d’économies qui pourraient être engagées par les collectivités territoriales au service du redressement des comptes publics ? Comment ne pas voir ce que les restrictions budgétaires ciblées ont eu de conséquences dommageables en termes de moyens matériels, financiers et humains ? Comment ne pas mal supporter une mobilité de plus en plus subie par les aviateurs et leurs familles, dans une absence de visibilité sur leur avenir ?

Le rapporteur déplore tout spécialement l’état souvent excessivement vétuste des casernements d’hommes et de femmes qui accomplissent pourtant leur devoir au péril de leur vie pour le succès des armes de la France ; il demande en conséquence qu’un effort particulier soit porté à l’amélioration de la condition militaire, qui devrait notamment se traduire par une intégration de la réhabilitation des casernements dans les opérations du plan ANRU (1) 2.

Si le budget 2014 de la mission « Défense » a certes évité certains modèles de rupture un temps évoqués, le rapporteur se demande en définitive si l’évolution en cours n’est pas plus pernicieuse encore, avec son lent processus de déclassement fait d’ambitions réduites, de renoncements successifs et de réaménagements des calendriers de livraison de matériels pourtant indispensables.

Alors que l’armée de l’air a déjà réalisé courageusement les efforts exigés au-delà même des attentes, il lui est demandé aujourd’hui de consentir encore à des sacrifices dont chacun sent intuitivement qu’ils mènent à une « ligne de crête », même si la présentation retenue par la loi organique relative aux lois de finances, que d’aucuns ont pu soupçonner d’être un « rideau de fumée » (2), masque encore, pour un temps, le réel risque de déclassement militaire durable de la France.

En faisant ce constat (3), le rapporteur n’agit pas par esprit de polémique politicienne mais accomplit son devoir de vérité. Il connaît trop les leçons de l’histoire militaire pour ne pas voir les réels dangers auxquels nous nous exposons. Les majorités successives, de gauche comme de droite, sont bien entendu coresponsables de ce lent déclin résultant du refus d’arbitrer l’effort budgétaire en faveur de la Défense nationale. Les observateurs avisés, même les plus optimistes, ne peuvent pas ne pas percevoir la réalité de ce qui menace désormais de façon imminente l’état de notre armée de l’air et, en définitive, le rang de la France.

Quand le ministre de la Défense déclare que « nous avons atteint un équilibre tel que si l’on enlevait une brique de l’édifice, il s’effondrerait » (4), lorsque le chef d’état-major des armées affirme que « nous nous trouvons dans une situation d’équilibre instable avec très vraisemblablement – ne nous leurrons pas – la perspective de réductions temporaires de capacités (5) », quand le chef d’état-major de l’armée de l’air indique que « cette dernière évolution est la dernière marche pour que notre aviation de chasse reste encore en capacité de combat majeure capable d’être engagée sur tous les théâtres d’opérations extérieures et sur le territoire national » (6), l’heure est incontestablement grave.

Georges Pompidou déclarait en 1969 : « de même qu’un organisme vigoureux sécrète les armes contre ce que la médecine appelle les agressions, un peuple fort s’assure les moyens de détourner les périls qui guettent en permanence les nations, et c’est à la possession de ces moyens qu’on juge de sa vitalité et, en quelque sorte de sa santé ».

Pour combien de temps encore resterons-nous un peuple fort ?

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2013, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 72 réponses sur 83 lui étaient parvenues, soit un taux de 86,7 %.

Si les 11 réponses manquantes lui ont certes été adressées assez rapidement dans les jours suivants, le taux de réponses dans le délai imparti enregistre cette année une diminution sensible par rapport à l’année dernière où il était de 100 %.

La nomenclature budgétaire, issue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, scinde la mission « Défense » en quatre programmes – le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », le programme 178 « Préparation et emploi des forces », le programme 212 « Soutien de la politique de défense » et le programme 146 « Équipement des forces ». Elle est imprégnée d’une logique d’« interarmisation », qui substitue une approche par « milieux » à une logique d’armées, qui ne permet pas d’avoir une vision globale et synthétique des crédits affectés à l’armée de l’air.

À la différence d’autres commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat qui interviennent sur le même champ de compétence, le bureau de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a choisi de conserver un avis spécifique à chaque armée, au lieu de retenir, comme au Sénat par exemple, des périmètres d’avis budgétaire correspondant à un programme.

Ainsi, le présent avis procède à une analyse succincte des crédits budgétaires de l’action 4 « Préparation des forces aériennes », dit BOP (7) « Air », mais ambitionne également de donner une vision transversale de l’armée de l’air, qui permet in fine d’analyser de façon globale la situation de cette dernière.

Le rapporteur ne mésestime pas les difficultés de cet exercice et constate, par exemple, que le ministère de la Défense et les personnes qu’il auditionne éprouvent souvent une difficulté croissante à répondre aux questions chiffrées relatives à un périmètre qui s’étend au-delà du BOP « Air » stricto sensu. Les services doivent alors, dans le meilleur des cas, tenter de reconstruire des agrégats statistiques qui n’existent plus. Il est également pleinement conscient que l’examen, même succinct, des principales commandes et livraisons d’équipements à l’armée de l’air, comme le passage en revue des forces et des faiblesses de nos forces aériennes, peut parfois apparaître quelque peu redondant avec l’analyse budgétaire des crédits affectés aux actions et sous actions du programme 146 « Équipements des forces » concernant l’armée de l’air (8).

Toutefois, le rapporteur souscrit pleinement à ce choix d’un avis budgétaire consacré spécifiquement à l’armée de l’air, dans la mesure où il reste convaincu que si l’interarmisation est certes grandissante, les armées demeurent chacune très attachées à leur identité et à leurs modes de fonctionnement, comme le prouve notamment le fait qu’existent toujours des états-majors pour les trois armées. Dans le même esprit, le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, a indiqué, lors de son audition en date du 8 octobre 2013 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, que les 22 % d’aviateurs qui sont affectés dans des structures interarmées sont en quête d’une identité propre à leur armée d’origine. L’armée de l’air est ainsi en train de réaliser un projet de réseau social consistant à créer une « base aérienne virtuelle » qui permettra de recréer un sentiment de communauté en rapprochant les aviateurs où qu’ils soient.

De plus, le choix retenu pour le périmètre du présent avis présente l’avantage de permettre un découpage du programme 178 « Préparation et emploi des forces » (22,2 milliards d’euros en crédits de paiement en 2013), qui favorise un meilleur suivi des crédits.

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2013, la part du budget du ministère de la Défense (y compris le compte d’affectation spéciale – CAS – pensions) est de 13,8 % du budget général de l’État (9,1 % hors pensions). Si on ne considère que la mission « Défense », celle-ci représente 12,74 % du budget général de l’État (9).

Alors qu’un rapport stratégique de l’OTAN (10) publié par Mme Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d’État américaine, à l’occasion du sommet de l’OTAN de mai 2010, considérait le seuil de 2 % du PIB comme un critère minimum à respecter pour s’assurer d’un niveau crédible de sécurité collective, l’effort de défense de la France ne représentera plus que 1,5 % du PIB en 2014 (11).

EFFORT FINANCIER DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Source : ministère de la Défense, Direction des affaires financières, Observatoire économique de la Défense.

Le rapporteur juge particulièrement préoccupant que l’effort financier de la France en matière de défense, mesuré par ces deux agrégats (effort de défense en pourcentage du budget de l’État et en part du PIB), a enregistré au cours des dernières années une diminution très nette. En effet, comme le souligne très justement Martial Foucault (12), « les processus politiques de refinancement du secteur de la défense nécessitent de nombreuses années pour engager des programmes d’armement, disposer des matériels adéquats, et bénéficier d’une armée opérationnelle. Dès lors, chaque diminution de l’effort de défense en part du PIB ou en pourcentage du budget de l’État fragilise le modèle de défense français ».

La réduction de l’effort budgétaire de la France en matière de défense s’inscrit certes dans une tendance générale au désarmement des pays européens, mais demeure néanmoins inquiétante dans la mesure où d’autres nations investissent dans le même temps massivement dans leur appareil de défense.

Le Livre blanc souligne ainsi par exemple qu’« au cours des dix dernières années, les dépenses militaires des pays d’Asie ont doublé et le rythme de cette croissance s’est nettement accéléré depuis 2005. En particulier, la Chine a poursuivi l’effort de modernisation de sa défense à un rythme encore plus soutenu, notamment en ce qui concerne le développement et la modernisation de son arsenal nucléaire, de ses capacités de projection de puissance et de cyberattaques. En 2012, le total des budgets militaires des quatre premiers pays de la région - Chine, Corée du Sud, Inde et Japon - a dépassé pour la première fois celui de l’ensemble des pays de l’Union européenne ».

Le rapporteur estime inconséquent de ne pas consacrer suffisamment de ressources budgétaires à la défense de la Nation au moment où de nombreux pays augmentent leurs dépenses de défense et où le Livre blanc (13) de 2013 fait le constat que les menaces de la force et les risques de la faiblesse sont amplifiés par la mondialisation.

 

2012

Réalisation

2013

Prévision

Actualisée

(PAP (14) 2014)

2014

Prévision

Niveau de réalisation des contrats (alertes)

98,9

99

100

Niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance aérienne

75

75

75

Niveau de réalisation des interceptions

100

99

100

Source : ministère de la Défense.

Le niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance aérienne apparaît ainsi tout spécialement insuffisant.

 

2012

Réalisation

2013

Prévision actualisée

(PAP 2014)

2014

Prévision

Chasse

61

60

100

Transport

50

45

100

Soutien

58

65

100

Hélicoptères

53

65

100

Source : ministère de la Défense.

Ces données mettent en évidence un fort déficit actuel en matière de transport.

 

2012

Réalisation

2013

Prévision actualisée

(PAP 2014)

2014

Prévision

Chasse

79

65

100

Transport

55

55

100

Soutien

66

65

100

Hélicoptères

49

65

100

Source : ministère de la Défense.

Ces données illustrent le fait que la projection de forces par l’aviation de transport nécessite aujourd’hui un large recours à l’affrètement.

LE NOUVEAU FORMAT DE L’ARMÉE DE L’AIR

« Les forces aériennes continueront d’assurer, en permanence, la mise en œuvre de la composante aéroportée de la mission de dissuasion et la protection de l’espace aérien national et de ses approches. Elles poursuivront leur modernisation pour disposer de flottes d’avions polyvalents du meilleur niveau assurant des capacités d’entrée en premier, d’appréciation de situation, d’interopérabilité, de frappe dans la profondeur, de transport stratégique et tactique et d’appui de la manœuvre terrestre adaptées à un conflit majeur. Elles conserveront par ailleurs un nombre d’aéronefs suffisants, en prolongeant des avions plus anciens mais de haut niveau et spécialisés, notamment pour remplir les missions de protection du territoire ou de gestion de crise. La préparation opérationnelle sera différenciée, un effort particulier étant réalisé pour disposer d’un premier cercle de forces employables avec un très haut niveau de réactivité dans tout le spectre des opérations. Cette démarche sera soutenue en amont par une rénovation de la formation des pilotes de chasse. S’appuyant sur un centre de commandement et de conduite permanent et interopérable avec nos Alliés, les forces aériennes comprendront notamment 225 avions de chasse (air et marine), ainsi qu’une cinquantaine d’avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne, 12 avions ravitailleurs multirôles, 12 drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée ».

Source : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013, la Documentation française, mai 2013.

Le format de l’armée de l’air doit être mis en rapport avec le nombre d’avions de chasses d’autres pays.

NOMBRE D'AVIONS DE CHASSE PAR PAYS



 

Total forces aériennes et aéronavales

Forces aériennes

États-Unis

2 851

2 041

Royaume-Uni

179

179

Chine

1 455

1 269

Inde

614

584

Corée du Sud

430

430

France

288

243

Source : Flightglobal Insight | World Air Forces 2013

La France devra être capable de projeter une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes à 3 000 kilomètres du territoire national ou d’une implantation à l’étranger, dans un délai de sept jours. Avant ce délai, la France restera capable de mener une action immédiate par moyens aériens.

L’armée de l’air devra également être capable de remplir des missions non permanentes d’intervention à l’extérieur des frontières. À ce titre, elle pourra être engagée simultanément et dans la durée dans plusieurs opérations de gestion de crise. Elle devra pouvoir mener ce type d’opérations sur deux ou trois théâtres distincts, dont un en tant que contributeur majeur. Le total des forces engagées à ce titre sur l’ensemble des théâtres sera constitué, avec les moyens de commandement et de soutien associés, d’une douzaine d’avions de chasse, répartis sur les théâtres d’engagement.

Enfin, les forces françaises devront pouvoir être engagées dans une opération de coercition majeure, tout en conservant une partie des responsabilités exercées sur les théâtres déjà ouverts. Sous préavis suffisant (évalué aujourd’hui à environ six mois), après réarticulation du dispositif dans les opérations en cours et pour une durée limitée, les armées devront être capables de mener en coalition, sur un théâtre d’engagement unique, une opération à dominante de coercition, dans un contexte de combats de haute intensité. Elles pourront assumer tout ou partie du commandement de l’opération. La participation française à cette opération se fondera sur l’engagement d’une force interarmées, disposant d’une capacité d’appréciation autonome de situation, de la supériorité informationnelle, d’une capacité de ciblage et de frappes dans la profondeur. À ce titre, les forces françaises conserveront la capacité de participer à une opération d’entrée en premier sur un théâtre de guerre dans les trois milieux. La France pourra engager dans ce cadre, avec les moyens de commandement et de soutien associés, jusqu’à 45 avions de chasse incluant les avions de l’aéronautique navale.

En premier lieu, une part significative des ressources 2014 et 2015 de la mission Défense provient de ressources exceptionnelles extrabudgétaires. Les 29,61 milliards de crédits de paiement de la mission Défense, hors charges de pensions, doivent en effet être complétés par 1,77 milliard de ressources exceptionnelles. Or, comme l’a souligné la Cour des comptes en juillet 2012 (15), ces ressources sont incertaines dans leur montant et dans leur calendrier de réalisation, faisant peser un risque sur l’exécution de la loi de programmation militaire dès sa construction.

Le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon a fait valoir (16) que « l’incertitude subsiste pour 2015 : les recettes devaient provenir de la vente de fréquences de la TNT, mais il n’est pas certain que les opérateurs télécoms aient les moyens de participer à la compétition ; en raison de contraintes juridiques et administratives, il n’est pas acquis que l’on puisse percevoir cette manne avant 2016. Il faudrait donc trouver 1,6 milliard d’euros de crédits de paiement en recettes extrabudgétaires pour l’année 2015 : les ministères de l’Économie et des finances et de la Défense, sous l’autorité du Premier ministre, réfléchissent actuellement aux moyens de lever cette difficulté ».

Par ailleurs, l’équilibre financier est conditionné, comme pour la précédente LPM, par la réalisation d’hypothèses d’exportation, en particulier d’avions de combat Rafale, qui sont loin d’être acquises. Le rapport précité de juillet 2012 de la Cour des comptes a souligné les difficultés rencontrées par l’armée de l’air pour pallier les déficits d’exportation des Rafale.

La fin de gestion de l’année 2013 sera déterminante pour une bonne exécution du budget 2014. La situation est d’autant plus tendue que, comme l’a indiqué le délégué général pour l’armement M. Laurent Collet-Billon, « il n’existe pas de marges pour faire face à des aléas » (17).

Ainsi, si les sommes correspondant aux mises en réserve, « gels » et « surgels » n’étaient pas débloquées rapidement, le report de charge augmenterait mécaniquement et fragiliserait dangereusement les conditions de réussite de l’exercice 2014, le budget 2014 n’étant pas en capacité d’absorber de nouveaux reports de charges.

Le rapporteur espère en conséquence que le ministre de la Défense pourra obtenir rapidement du ministère du Budget la levée de ces mises en réserve, « gels » et « surgels ». À défaut, il ne serait pas loin de partager le constat de Jean d’Albion (18) selon lequel « le système militaire pousse devant lui un énorme boulet, celui de ses besoins en crédits qui pèse davantage chaque année et rend tous les discours prospectifs ridicules à force d’irréalisme ».

Dans ce contexte tendu, le rapporteur exprime sa vive préoccupation vis-à-vis de l’écart croissant qui se manifeste entre les légitimes ambitions de puissance de la France, qui s’appuient notamment sur son rang de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, de détentrice de l’arme nucléaire et sur sa réintégration dans le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, et les moyens budgétaires qu’elle se donne pour les accomplir.

En effet, l’impératif de redressement budgétaire et de maîtrise des finances publiques ne diminue pas pour autant les menaces et risques auxquels la France est exposée.

Les crédits de l’armée de l’air, hors prospective des systèmes de forces et études amont, qui relèvent du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », hors soutien, qui relèvent du programme 212 « Soutien de la politique de défense », et hors équipements, relevant du programme 146 « Équipement des forces », sont regroupés, au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission « Défense » dans l’action 4 « Préparation des forces aériennes ».

Cette action a pour objectif de maintenir l’aptitude de l’armée de l’air à assurer les missions qui lui sont confiées.

Avec 4,44 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014, soit une baisse significative de 6,6 % par rapport aux AE ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2013 (4,76 milliards d’euros) et 4,33 milliards d’euros de crédits de paiements (CP), soit une baisse de 0,56 % par rapport aux crédits de paiement (CP) ouverts en LFI pour 2013, les crédits de l’armée de l’air au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces » représentent environ 19,6 % du montant global des crédits de ce programme.

Numéro et intitulé des sous-actions

Titre 2

Dépenses de personnel

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

Titre 5

Dépenses d’investissement

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2

Commandement et activités centralisées des forces aériennes

   

11,96

11,96

   

11,96

11,96

3

Activités des forces aériennes

   

239,14

239,14

   

239,14

239,14

4

Activités des forces aériennes stratégiques

   

45,03

45,03

   

45,03

45,03

5

Ressources humaines des forces aériennes

2 509,3

2509,3

90,75

90,75

   

2 600,05

2 600,54

6

Entretien et équipements des forces aériennes

   

1 489,68

1 396,47

58,16

39,34

1 547,84

1 435,8

9

Service industriel aéronautique (SIAé) (personnel et fonctionnement)

               

Total

2 509,3

2 509,3

1 876,57

1 783,35

58,16

39,34

4 444,03

4 331,99

Source : projet annuel de performances pour 2014.

La sous-action 2 couvre le périmètre des organismes du niveau d’état-major d’armée en charge de mener le commandement de l’armée de l’air et de définir la conception et les modalités de réalisation de la préparation et de l’entraînement des forces aériennes. Elle regroupe ainsi le cabinet du chef d’état-major de l’armée de l’air, l’état-major de l’armée de l’air (EMAA), le bureau enquête accident de la défense air (BEAD-air), le service d’information et de relation publique de l’armée de l’air, la direction de la sécurité aéronautique d’État, les inspections et les commandants de bases aériennes, la gendarmerie de l’air, ainsi que le personnel de l’armée de l’air employé au sein d’organismes à vocation interarmées et participations Défense.

La sous-action 3 regroupe l’ensemble des unités du commandement des forces aériennes (CFA), dont la finalité consiste à préparer les forces aériennes à remplir leur mission, et du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), qui est un commandement opérationnel disposant de moyens dédiés à la chaîne C2 (commandement et conduite) et s’appuyant sur des moyens d’action (vecteurs et capteurs) qui ne lui sont pas organiquement rattachés. Elle intègre également quelques unités du centre d’expériences aériennes militaires (CEAM), dont la MEST A400M (Multinational Entry into Service Team) sur la base aérienne d’Orléans et le centre d’expertise de l’armement embarqué (CEAE), stationné sur la base aérienne de Cazaux.

La sous-action 4 regroupe l’ensemble des unités des forces aériennes stratégiques (FAS), dont la mission est de planifier, programmer et conduire les opérations nucléaires. Elle regroupe le commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS), composé principalement d’un centre d’opération, de deux escadrons de chasse, d’un groupe de ravitaillement en vol, d’escadrons de soutien technique et d’unités de transmission spécifique.

La sous-action 5 regroupe les crédits nécessaires à l’ensemble des actions de formation des personnels de l’armée, ainsi que les crédits indispensables aux fonctions de recrutement, de gestion et d’administration d’une population réunissant plus de cinquante métiers différents.

La sous-action 6 regroupe les crédits qui ont pour objet d’assurer la mise en œuvre technique ainsi que le soutien et la logistique des forces de l’armée de l’air et d’optimiser la disponibilité des aéronefs et des matériels aéronautiques associés. L’organisation de l’armée de l’air en matière de soutien des forces aériennes repose notamment sur le commandement du soutien des forces aériennes (CSFA) et la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD).

La sous-action 9 concerne le service industriel de l’aéronautique (SIAé), qui est un service de soutien à vocation interarmées relevant de l’armée de l’air, dont la mission est de contribuer, en réalisant la maintenance des matériels aériens et les rénovations nécessaires, à la disponibilité des moyens aériens des forces, garantissant l’autonomie d’action de l’État en matière de MCO aéronautique. Cette sous action n’est pas dotée en construction budgétaire mais utilisée en gestion.

 

AE

LFI 2013

CP

LFI 2013

AE

PLF 2014

CP

PLF 2014

Titre 2 (19) (personnel)

2 555,55

2 555,55

2 509,3

2 509,3

Titre 3 (fonctionnement)

2 152,62 (20)

1 748,11

1 876,56 (21)

1 783,35

Titre 5 (investissement)

51,61

52,72

58,16

39,34

Total

4 759,77

4 356,37

4 444,02

4 331,99

Source : ministère de la Défense.

On constate ainsi que les crédits de titre 2 sont en diminution de 1,8 %, que les crédits de titre 3 augmentent très légèrement de 2 % tandis que les crédits de titre 5 enregistrent une baisse très marquée de 25,4 %.

Il convient d’analyser plus finement la répartition par nature des crédits de paiement du BOP « Air » qui se décomposent de la façon suivante.

CRÉDITS DU BOP « AIR » PAR NATURE DE DÉPENSES





Source : projet annuel de performances pour 2014.

Les crédits de titre 2 représentent 2,51 milliards d’euros en AE et CP (soit une diminution de 1,8 % par rapport à 2013).

Les crédits relatifs aux rémunérations et charges sociales restent relativement stables par rapport à l’année précédente, en très faible diminution, et ce malgré la poursuite d’une déflation importante des effectifs (cf. infra). Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ce paradoxe d’une faible diminution des dépenses de personnel malgré une baisse conséquente des effectifs :

– les dépenses de rémunération dites « dépenses socles » (22) ont très faiblement diminué entre 2008 et 2012 (de - 0,3 %) mais les « dépenses hors socle » (23) ont fortement augmenté (de + 38,5 %), du fait des coûts de transition liés à la mise en œuvre des réformes (dispositifs d’accompagnement des restructurations, indemnisation du chômage, etc.). Cette tendance se poursuit ;

– 50 % des économies obtenues par les déflations ont financé, par décision gouvernementale, des mesures générales et catégorielles au profit du personnel restant en activité (grilles indiciaires, par exemple) ;

– un nombre important d’indemnités n’est pas directement concerné par la manœuvre de déflation (surcoût OME (24), indemnités opérationnelles, réserve, PHT (25), PQS (26), NBI (27), pensions…) et le poids de certaines de ces « charges fixes » augmente les coûts moyens per capita ;

– l’armée de l’air a dû faire face à des besoins nouveaux, comme la réintégration du commandement militaire intégré de l’OTAN, la création d’une base aux Émirats arabes unis ou encore la spécialisation de postes dans le domaine de la cyberdéfense ;

– toute manœuvre de déflation induit nécessairement des coûts immédiats, dont l’amortissement prend plusieurs années, qu’il s’agisse par exemple des « pécules » ou de l’aide à la mobilité du conjoint ;

– dans les économies attendues du fait de la déflation des effectifs, les dépenses de chômage, qui correspondent aux remboursements à l’URSSAF des indemnités de chômage pour les personnels contractuels ayant quitté le ministère de la Défense sans retrouver d’emploi, ont été insuffisamment prises en compte ;

– la Cour des comptes indique par ailleurs dans son rapport de juillet 2012 qu’« il est tout à fait possible que les économies soient moins importantes qu’envisagé au départ en raison d’un renforcement du poids des officiers et des cadres civils de catégorie A dans la structure des emplois du ministère ».

Pour l’armée de l’air, cette faible diminution des dépenses de personnels n’est en tout cas pas imputable au dysfonctionnement du système LOUVOIS (28). L’armée de l’air n’a en effet pas raccordé son système d’informations de ressources humaines (SIRH) Orchestra sur le système LOUVOIS, alors que ce raccordement devait initialement intervenir au mois de septembre 2012.

Le rapporteur espère que les mesures annoncées dans le rapport annexé du projet de loi de programmation militaire (29), consistant à renforcer le pilotage de la masse salariale par la rénovation de la gouvernance de la politique de ressources humaines et de son volet budgétaire, permettront enfin une meilleure maîtrise de la masse salariale et une plus forte visibilité de l’effet des déflations sur cette dernière.

Les crédits de titre 3 représentent 1,88 milliard d’euros en AE (soit une diminution de plus de 12,8 % par rapport à 2013) et 1,78 milliard d’euros en CP (soit une augmentation de 2 % par rapport à 2013).

Parmi ces dépenses de fonctionnement, figurent principalement :

– les crédits des activités opérationnelles qui s’élèvent à 417,03 millions d’euros en AE et CP, en diminution de près de 5 % par rapport à 2013. Ces crédits intègrent les ressources consacrées à l’ensemble des besoins en carburants opérationnels dont le montant est fixé à 308,82 millions d’euros, en cohérence avec la réduction du format des armées et la prévision d’activité aérienne et sur la base d’une hypothèse de volume de consommation de 370 100 m3 de carburéacteur (contre 442 700 m3 en 2013). Les crédits destinés à financer les carburants opérationnels sont ainsi en forte diminution par rapport aux lois de finances initiales des deux dernières années, alors que ceux-ci étaient jusqu’alors en hausse d’une année sur l’autre du fait du renchérissement du coût des hydrocarbures, et ce malgré la réduction de format de l’armée de l’air. Au total, ces ressources nécessaires à l’activité tiennent compte, d’une part, de la déflation du volume de personnel de l’armée de l’air, dont l’impact est direct sur les coûts d’alimentation et sur les activités d’entraînement, et d’autre part de l’évolution du nombre des heures de vol pour 2014 ;

– les crédits du fonctionnement et des activités spécifiques, qui s’élèvent à 34,07 millions d’euros en AE et CP, en diminution de plus de 10 % par rapport à 2013 (38 millions d’euros). Ces crédits tiennent compte de la déflation du volume de personnel de l’armée de l’air, dont l’impact est direct sur les coûts de formation et d’instruction ;

– les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) et dissuasion, qui s’élèvent à 1,38 milliard d’euros en AE (- 16,3 %) et 1,27 milliard d’euros en CP (+ 2,42 %). Ces crédits recouvrent les crédits d’EPM des matériels des forces aériennes stratégiques, c’est-à-dire les Mirage 2000N et leurs ravitailleurs C 135 (101,56 millions d’euros en AE et 100 millions en CP), les crédits d’EPM des flottes aériennes hors Rafale (983,35 millions d’euros d’AE et 875,16 millions d’euros de CP) et les crédits d’EPM des flottes aériennes Rafale (181,04 millions d’euros d’AE et 208,15 millions d’euros de CP), qui concernent tous les trois l’entretien du parc des aéronefs de l’armée de l’air. Ils englobent également les crédits d’EPM des munitions et missiles (96,42 millions d’euros d’AE et 67,02 millions d’euros de CP), qui concernent l’entretien des missiles air-air et des systèmes sol-air, ainsi que les crédits d’EPM des matériels terrestres (19,88 millions d’euros en AE et 23,52 millions d’euros en CP) ;

– les crédits d’entretien programmé du personnel (EPP), qui s’élèvent à 20,4 millions d’euros en AE (+ 12,7 %) et 20,08 millions d’euros en CP (+ 12,8 %). Ces crédits sont destinés à l’acquisition des matériels de soutien opérationnel (3,04 millions d’euros), à l’habillement et la protection des individus (8,12 millions d’euros), et à l’habillement du combattant (9,24 millions d’euros) ;

– les crédits des équipements d’accompagnement (EAC), qui s’élèvent à 22,82 millions d’euros en AE (+ 245 %) et 38,31 millions d’euros en CP (+ 222 %). Cette opération stratégique regroupe trois activités : les armements et munitions aéronautiques (15,82 millions d’euros d’AE et 34,43 millions d’euros de CP), les armements et munitions non aéronautiques (cinq millions d’euros d’AE et 1,89 million d’euros de CP) et l’entraînement des forces pour ce qui concerne les prestations des centres d’essais et de lancement des missiles dans le cadre des campagnes de tir air-air, air-sol et sol-air (deux millions d’euros d’AE et deux millions d’euros de CP).

Les crédits de titre 5 représentent 58,16 millions d’euros en AE (soit une augmentation de 12,7 % par rapport à 2012) et 39,34 millions d’euros en CP (soit une diminution de 25,4 % par rapport à 2012). Ces crédits, en très forte baisse par rapport à 2013, correspondent principalement à :

– des crédits d’entretien programmé des matériels qui concernent le démantèlement des matériels terrestres et aéronautiques, ainsi que le démantèlement des munitions et missiles (3,23 millions d’euros d’AE et un million d’euros de CP) ;

– des crédits des équipements d’accompagnement, parmi lesquels figurent des matériels aéronautiques d’environnement (11,13 millions d’euros d’AE et 6,3 millions d’euros de CP) destinés aux opérations relatives aux matériels terrestres concourant directement à l’activité aérienne tels que les moyens de mise en œuvre (groupes électrogènes, véhicules spécifiques, tracteurs d’aéronefs), moyens de maintenance (groupes hydrauliques, passerelles) et matériels dotés (remorques, outillages spécifiques) ; des matériels informatiques air, destinés notamment à l’intranet sécurisé des bases aériennes (6,3 millions d’euros d’AE et 7,86 millions d’euros de CP) ; des crédits associés à l’acquisition et au renouvellement de produits dans le domaine NRBC (30) (1,67 million d’euros d’AE et 4,02 millions d’euros de CP) ; des crédits liés à l’acquisition de matériels terrestres, hors matériels aéronautiques (17,48 millions d’euros d’AE et 6,6 millions d’euros de CP) et des crédits concernant l’acquisition et le renouvellement de matériels de télécommunications, radio et hertziens (5,38 millions d’euros en AE et 4,22 millions d’euros en CP).

Déflation Armée de l’Air
(PMEA 
(31) retranscris en ETPE)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Suppres.
Recrut. 2013

TOTAL

Militaires

-910

-1 934

-2084

-2008

-2090

-1991

-271

-11 288

Civils

-106

-320

-336

-307

-205

-313

-8

-1 595

TOTAL

-1 016

-2 254

-2 420

-2 315

-2 295

-2 304

-279,0

-12 883

DÉFLATION RÉALISÉE (PRÉVISIONNELS POUR 2013)
AU 31 DÉCEMBRE DE CHAQUE ANNÉE

Déflation (ETPE (32))

2008

2009

2010

2011

2012

2013

TOTAL

OFFICIERS

-155

-27

-44

-32

-127

-149

-534

SOUS-OFFICIERS

-1 482

-1 239

-1 371

-1 138

-1 156

-1 081

-7 467

MDRE

-332

-85

-673

-712

-927

-817

-3 546

VOLONTAIRES

-26

22

-155

-86

-110

-71

-426

TOTAL PM

-1 995

-1 329

-2 243

-1 968

-2 320

-2 118

-11 973

Catégorie A

44,85

2,37

66,7

22,97

78,44

8,3

223,63

Catégorie B

8,93

-50,37

-35,92

-50,31

-70,51

2,5

-195,68

Catégorie C

3,69

-109,23

-146,78

-352,34

-481,55

-57,2

-1 143,41

Ouvriers de l’État

43,96

-254,47

-385,93

-505,19

-406,85

-203,6

-1 712,08

TOTAL CIVILS

101,43

-411,7

-501,93

-884,87

-880,47

-250

-2 827,54

TOTAL

-1 894

-1 741

-2 745

-2 853

-3 200

-2 368

-14 801

Source : état-major de l’armée de l’air.

Le rapporteur constate que les objectifs de déflation fixés à l’armée de l’air ont été respectés et même dépassés.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, a fait valoir, lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées en date du 8 octobre 2013, que l’armée de l’air a ainsi procédé à « la diminution de nos effectifs de 15 900 personnes sur la période de la LPM précédente, ce qui correspond à un quart de nos effectifs ».

ÉVOLUTIONS DES EFFECTIFS DE L’ARMÉE DE L’AIR (TOUS BOP)
SUR LA PÉRIODE 2009 – 2014

(en ETPT)

 

2009

2010

2011

2012

2013

Officiers

7 512

7 372,5

7 042,5

6 837,00

6 739,00

Sous-officiers

32 154,5

30 730,5

29 156

27 564,00

26 302,50

MDRE (33)

15 507

14 886

14 371

14 097,00

13 476,00

Volontaires

565

531,5

514,5

505,50

276,00

TOTAL personnel militaire (PM)

55 738,5

53 520,5

51 084

49 003,5

46 794

Catégorie A

461

507

472

561,50

539,50

Catégorie B

1 008

951,5

813,5

648,50

694,50

Catégorie C

2 057

1 801

1 384

802,00

858,00

Ouvriers d’État (OE)

4 582

4 225,5

3 830

3 440,50

3 168,50

TOTAL personnel civil (PC)

8 108

7 485

6 499,5

5 452,50

5 261

TOTAL PM+PC

63 846,5

61 005,5

57 583,5

54 456

52 054

Source : état-major de l’armée de l’air.

Dans l’ensemble, les mesures de déflation ont permis de dégager des économies substantielles, évaluées à près de 519 millions d’euros sur la période 2009-2013, une fois défalqués les coûts des mesures de revalorisation de grilles indiciaires ainsi que les mesures d’incitations au départ et hors pensions. Le tableau ci-après en fournit le détail.

ÉVOLUTION DES ÉCONOMIES PERMISES APRÈS LES RÉDUCTIONS D’FFECTIFS

(en millions d’euros)

 

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014*

Total

Économie d’effectifs

(transferts et divers inclus)

-117,96

-105,41

-125,84

-234,06

-42,46

 

-625,73

Dont mesures de déflation des effectifs

-34,14

-46,15

-59,81

-55,46

-57,48

 

-253,04

Dont transferts inter-programmes

0,09

-4,96

-5,45

-17,92

-0,92

 

-29,16

Dont transferts intra-programme

-82,96

-53,5

-60,29

-160,39

17,83

 

-339,31

Dont divers

-0,95

-0,8

-0,29

-0,29

-1,89

 

-4,22

Mesures catégorielles

14,7

18,13

13,28

10,32

8,43

 

64,86

Plan d’accompagnement des restructurations

26,32

-1,61

16,23

-0,18

-1,02

 

39,74

Solde des mesures d’ajustement

-4,97

-7,63

11,7

2

1,49

 

2,59

Bilan des économies titre 2

(hors CAS)

-81,91

-96,52

-84,63

-221,92

-33,56

 

-518,54

Bilan des économies titre 2

(avec CAS)

-92,63

-143,71

-115,12

-280,46

-38,716

 

-670,64

Source : ministère de la Défense.

Ces économies doivent néanmoins être analysées avec une certaine prudence. En effet, une externalisation permet par exemple un transfert de charge du titre 2 (rémunération et charges sociales) vers le titre 3 (dépenses de fonctionnement) sans qu’il en résulte nécessairement une réelle économie. À cet égard, le rapporteur considère comme un progrès que le rapport annexé du projet de loi de programmation militaire dispose que « les gains en effectifs obtenus au titre des éventuelles externalisations seront comptabilisés, pour la part excédant le transfert de ressources de masse salariale nécessaire aux contrats d’externalisation ». En outre, la montée en puissance des structures interarmées absorbe des personnels, qui quittent formellement le titre 2 de l’armée de l’air, sans que les effectifs globaux du ministère de la Défense soient réduits pour autant. Enfin, la réforme des retraites pourrait également perturber les schémas de déflation en maintenant en poste les personnels pendant quelques années supplémentaires.

 

Total

Hors OSC/PN (34)

Officiers

15,1 %

13,4 %

Sous officiers

57,8 %

58,9 %

MTA (35) et Volontaires

27,1 %

27,7 %

Total

100 %

100 %

Source : état-major de l’armée de l’air.

La pyramide des grades de l’armée de l’air tend à se déformer au fur et à mesure des réformes car les réductions d’emplois inhérentes aux rationalisations et aux externalisations touchent principalement des postes de militaires du rang. Le rapporteur considère que le repyramidage entre catégories (officiers, sous-officiers et militaires du rang) a aujourd’hui atteint ses limites. Les emplois du « cœur de métier » de l’armée de l’air, c’est-à-dire ceux supportés financièrement par son budget opérationnel de programme, exigent de plus en plus un haut niveau de technicité

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit, dans son rapport annexé, une déflation totale des effectifs de la mission « Défense » de 33 675 postes au cours de la période 2014-2019, dont 7 881 au titre de 2014.

D’après les informations communiquées par le ministère de la Défense, la cible de déflation pour l’armée de l’air (aviateurs tous BOP) est estimée pour 2014 à - 2 051,5 ETPT, dont - 349 postes hors BOP « Air ».

Le rapporteur considère qu’il n’y a quasiment plus de réduction d’effectifs réalisables par des réorganisations fonctionnelles qui ont déjà été faites lors de la précédente LPM. Cette poursuite de la réduction des effectifs va donc nécessairement conduire à la mise en place de nouveaux plans de restructurations.

2009

Base aérienne 101 de Toulouse (31)

2010

Base aérienne 132 de Colmar (68)

2011

Base aérienne 112 de Reims (51)

 

Base aérienne 921 de Taverny (95)

 

Base aérienne de Dakar-Ouakam (Sénégal)

2012

Base aérienne 217 de Brétigny-sur-Orge (91)

 

Base aérienne 103 de Cambrai (59)

 

Base aérienne 128 de Metz (57)

 

Base aérienne 943 de Nice (06)

 

Base aérienne 190 de Tahiti-Faa’a (Polynésie française)

 

Base aérienne 181 de Saint-Denis de la Réunion (La Réunion)

 

Base aérienne 365 du Lamentin (Martinique)

Source : ministère de la Défense.

S’ajoutant à ces fermetures de bases, le ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, a annoncé, le 3 octobre 2013, que de nouvelles restructurations toucheraient, dans un premier temps, quatre sites de l’armée de l’air :

– la base aérienne (BA) 116 de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône) va perdre son escadron de défense sol-air (environ 200 hommes) qui sera dissous et connaîtra une baisse d’activité des Mirage 2000 qui y sont stationnés ;

– l’activité aérienne permanente de la BA 102 de Dijon (Côte d’or), qui abrite notamment un escadron d’entraînement sur Alpha Jet, sera arrêtée ;

– l’emprise du détachement air 277 de Varennes-sur-Allier (Allier) sera fermée entre l’été 2014 et l’été 2015 ;

– l’unité de commandement de la BA 279 de Châteaudun (Eure-et-Loir) sera transformée en un élément air rattaché à la BA 123 d’Orléans-Bricy, l’une des plus importantes bases du transport aérien.

Le rapporteur ne doute pas que de nouvelles restructurations seront annoncées après les élections municipales et appelle de ses vœux une information plus en amont des personnels concernés, de façon à ce qu’ils puissent les anticiper dans les meilleures conditions.

L’organisation des bases aériennes, lieux de stationnement et de mise en œuvre des forces et terrains de préparation opérationnelle, en fait un véritable outil de défense et de sécurité essentiel pour notre pays. Le rapporteur attache en conséquence une attention particulière au maintien d’un nombre suffisant de bases aériennes, sur le territoire national, mais également hors de l’Hexagone, pour préserver à l’avenir les exigences de réactivité et de souplesse d’emploi de l’arme aérienne.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) du matériel de l’armée de l’air désigne l’ensemble des moyens et interventions qui permettent à celui-ci, durant toute sa durée d’utilisation, de rester à tout moment apte à l’emploi qui lui est assigné, en corrigeant les effets du vieillissement (corrosion, obsolescences techniques), les défauts constatés ainsi que les effets liés à l’emploi (pannes, remplacement des produits consommables).

Le coût global du MCO est essentiellement constitué des dépenses d’entretien programmé des matériels (EPM) et des rémunérations et charges sociales (RCS) du personnel affecté à la maintenance. Le reste correspond à des dépenses de fonctionnement et de soutien initial qui sont financées par le programme 146. Dans le milieu aéronautique, l’EPM représente environ 60 % du coût total de la maintenance et les RCS 36 % (36).

Les crédits destinés à l’EPM conditionnent la bonne réalisation de la préparation et de l’activité opérationnelle et contribuent à la disponibilité technique des matériels.

Depuis plusieurs années, ces crédits d’EPM ont été sous-évalués par rapport aux crédits d’équipement. Cette insuffisance initiale de ressources a de plus été aggravée par un décalage entre les niveaux d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement alloués, qui a entraîné un report de charge élevé. Elle a progressivement conduit à une incapacité à réaliser l’activité garantissant la formation ou le maintien de savoir-faire de tous les équipages opérationnels et à une érosion de la disponibilité des flottes.

DISPONIBILITÉ (EN %) DES MATÉRIELS PAR RAPPORT
AUX EXIGENCES DES CONTRATS OPÉRATIONNELS.

 

2012

Réalisation

2013

Prévision

actualisée

2014

Prévision

Matériels aéronautiques de l’armée de l’air

64,9

61,7

70

Avions de combat

66,8

59,9

75,9

Avions de transport tactique

54,3

52,9

58,6

Avions d’appui opérationnel

nc

nc

62

Avions à usage gouvernemental

102,8

90

90

Hélicoptères de manœuvre et de combat

nc

nc

71

Source : ministère de la Défense.

Prog

Action

S/Action

Titre

Rubrique

AE
LFI 2012

AE
LFI 2013

AE
PLF 2014

 

CP
LFI 2012

CP
LFI  2013

CP
PLF 2014

178

4

70

3

EPM flottes aéronautiques – dissuasion

106,23

102,6

101,56

 

106,23

100,57

100

178

4

70

3

EPM flottes aéronautiques - hors dissuasion

1 083,91 (37)

1 111,90 (38)

1 004,1 (39)

 

942,90

975,73

969,38

178

4

70

3

EPM munitions et missiles

16,01 (40)

53,63 (41)

62,22 (42)

 

46,50

62,64

67,02

178

4

73

3

EPM SIC

72,16

98,54

103,1 (43)

 

65,74

86,54

113,93

178

4

73

3

EPM matériels terrestres

10,00

16,92

19,88

 

6,90

16,58

23,52

178

4

70

5

Démantèlement milieu aérien

1,25

1,73

3,12

 

1,31

3,83

0,9

178

4

70

5

Démantèlement milieu terrestre

0

0

0,10

 

0

0

0,10

Total

1 289,56

1 385,32

1 294,08

 

1 169,59

1 245,88

1 274,85

Source : ministère de la Défense.

Les crédits budgétaires de l’armée de l’air inscrits pour 2014 au titre de l’EPM et de la dissuasion sont ainsi en augmentation de 2,35 % par rapport à 2013.

Cette faible augmentation en valeur absolue doit cependant être mise en regard de la diminution du format de l’armée de l’air et donc du parc d’aéronefs soutenu, ce qui démontre finalement un effort louable pour augmenter l’EPM aéronautique.

Le rapporteur constate néanmoins que cette augmentation de 2,35 % de l’EPM de l’armée de l’air par rapport à 2013 est en retrait par rapport aux ambitions du projet de LPM 2014-2019 qui prévoit que les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3 % par an en valeur.

Le MCO revêt, dans l’optique de l’adoption de la prochaine loi de programmation militaire, une importance toute particulière dans la mesure où tout l’enjeu est d’en maîtriser le coût et d’améliorer sa performance. D’après le rapport public annuel de février 2013 de la Cour des comptes, les achats de maintenance du ministère de la Défense recèlent en effet « un fort potentiel d’économies ». D’après ce même rapport, « une économie de 10 % par comparaison avec les coûts actuels, représentant de l’ordre de 300 millions d’euros, apparaît comme un objectif que le ministère pourrait se fixer et que l’organisation actuelle du ministère ne permet pas d’atteindre ».

Le rapporteur estime toutefois que cet objectif d’économies est, pour le milieu aéronautique de l’armée de l’air, moins réaliste qu’ambitieux, dans une période de réduction des budgets consacrés à l’acquisition, qui pousse les industriels à reporter une partie de leurs coûts de développement sur le MCO.

L’organisation du MCO de l’aéronautique au sein de l’armée de l’air s’articule désormais autour de trois niveaux de responsabilité :

– une maîtrise d’ouvrage (MOA) confiée à l’état-major de l’armée de l’air. C’est lui qui définit l’objectif du projet, son calendrier et les ressources qui lui sont consacrées ;

– une maîtrise d’ouvrage déléguée (MOAd) : la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD). C’est l’entité qui reçoit la délégation de la MOA pour assurer la gestion du projet. Elle élabore la stratégie d’acquisition du MCO et est chargée d’assurer l’interface avec la maîtrise d’œuvre ;

– la maîtrise d’œuvre (MOE). Celle-ci se subdivise elle-même en trois types :

• une maîtrise d’œuvre opérationnelle et organique, en charge du soutien opérationnel des systèmes aéronautiques : le commandement des forces aériennes (CFA) et le commandement du soutien des forces aériennes (CSFA) ;

• une maîtrise d’œuvre industrielle étatique, en charge du soutien industriel des matériels aéronautiques : le service industriel de l’aéronautique (SIAé), qui assure, au sein de ses ateliers industriels aéronautiques (AIA), des prestations de maintenance et de rénovation à caractère industriel au profit des armées et de la direction générale de l’armement ;

• la maîtrise d’œuvre privée.

Parmi ces mesures, il convient de citer la rationalisation des structures de maintenance des forces de l’armée de l’air avec, par exemple, la création d’escadrons de soutien technique qui ont été substitués aux équipes de soutien de chaque escadron ou la création de la composante responsable du soutien en service (RSS) auprès des unités de management de la DGA, permettant une prise en compte du volet soutien très en amont dans les programmes.

De même, la réorganisation de la SIMMAD, sur laquelle repose essentiellement l’organisation de l’armée de l’air en matière de soutien des forces aériennes puisque c’est la SIMMAD qui élabore et conduit le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques des armées en fonction du besoin opérationnel exprimé par celles-ci, est de nature à améliorer l’efficacité de l’EPM. Ainsi, le rapprochement géographique du CSFA et de la SIMMAD à Bordeaux en 2012 a permis de faciliter les échanges entre ces deux entités. Pour ce qui concerne l’armée de l’air, le PLF 2014 prévoit d’affecter à la SIMMAD des crédits d’entretien programmé des matériels et dissuasion d’un montant de 1 345,60 millions d’euros d’AE et de 1 251,24 millions d’euros de CP au titre de l’EPM des munitions, des missiles et des diverses flottes mises en œuvre par l’armée de l’air.

Enfin, la création le 1er janvier 2008 du SIAé, service de soutien relevant de l’armée de l’air, à vocation interarmées, a permis de garantir l’autonomie d’action de l’État en matière de MCO aéronautique. Le SIAé, qui a pour mission de contribuer, en réalisant la maintenance des matériels aériens et les rénovations nécessaires, à la disponibilité des moyens aériens des forces, est un outil privilégié pour obtenir des sources d’économies pour la Défense. En effet, il a permis d’améliorer les opérations de maintenance et d’obtenir des gains financiers grâce à un effort de rationalisation des programmes de maintenance des aéronefs, de la fin de vie des flottes d’aéronef et du regroupement d’activités sur les sites.

Ainsi, une fusion du commandement des forces aériennes (CFA) à Dijon avec le commandement du soutien des forces aériennes (CSFA) à Bordeaux est envisagée, dont on peine encore à voir l’efficacité en terme de rationalisation de l’EPM, même si l’objectif de réduction des effectifs des états-majors apparaît clairement. Des options d’organisation de ce CFA rénové seront présentées au CEMAA en fin d’année 2013, avec une mise en œuvre envisagée dès l’été 2014.

Par ailleurs, les auditions menées par le rapporteur ont permis de mettre en évidence des divergences de vues sur la future organisation du MCO des forces aériennes entre la direction générale de l’armement, qui se propose de reprendre une grande partie des missions de la SIMMAD en faisant valoir son expertise dans la négociation de contrats avec les industriels, et l’état-major de l’armée de l’air, pour qui les activités de MCO ne relèvent pas d’une logique de contrats mais d’une logique d’activité, au plus près des forces.

Le rapporteur considère qu’une piste d’amélioration prometteuse serait d’améliorer l’efficacité du MCO par l’application de la démarche « supply chain » qui vise à rationaliser l’ensemble de la chaîne logistique et non chacun des maillons pris séparément. Il a été séduit par la proposition du chef d’état-major des armées de « mettre en place une véritable filière des achats au sein du ministère, au sein de laquelle les acheteurs suivraient des parcours variés, passant par la DGA comme par la SIMMAD » (44).

 

Norme LPM 2009-2014

2010

Réalisation

2011

Réalisation

2012

Réalisation

2013

(Prévision actualisée)

(PAP 2014)

2014

(prévision)

Norme LPM 2014-2019

Heures de vol par pilote de chasse

180

170

190

169

150

150

180

Heures de vol par pilote de transport

400

287

310

265

280

230

400

Heures de vol par pilote d’hélicoptère

200

170

190

199

190

160

200

Source : Rapport annuel de performances pour 2012, projet annuel de performances pour 2013.

En raison d’une disponibilité insuffisante des aéronefs, l’activité des pilotes reste donc très inférieure aux normes et fragilise encore l’équilibre entre la préservation des compétences et la formation des jeunes équipages.

Le projet annuel de performances pour 2014 souligne ainsi que le niveau d’activité « reste (…) inférieur aux normes nécessaires à l’acquisition et à l’entretien de certaines qualifications permettant la tenue dans la durée des nouveaux contrats opérationnels. De ce fait, le maintien des savoir-faire les plus complexes pourrait être fragilisé et les délais de rattrapage des déséquilibres organiques générés par l’opération Serval allongés » (45).

Le concept de préparation opérationnelle différenciée a été introduit, à l’initiative du chef d’état-major de l’armée de l’air, le Général Denis Mercier, dans le Livre blanc de 2013. Ce dernier dispose que « la préparation opérationnelle sera différenciée, un effort particulier étant réalisé pour disposer d’un premier cercle de forces employables avec un très haut niveau de réactivité dans tout le spectre des opérations ».

Il se traduit concrètement par la création de deux catégories de pilotes, ceux du premier et du deuxième cercle :

– les pilotes de premier cercle, qui regrouperont à terme environ 240 pilotes de chasse d’après les éléments d’information fournis par l’état-major de l’armée de l’air, effectueront une activité aérienne normale en unité de combat (180 heures de vol annuelles, complétées par une activité d’environ 60 heures sur simulateur). Ils seront très bien entraînés pour tout le spectre des opérations ;

– les pilotes de deuxième cercle, englobant environ 50 pilotes de chasse, seront issus de ce premier cercle et regrouperont des pilotes chevronnés affectés momentanément hors d’un escadron de combat comme moniteur en école de formation. Ils effectueront une activité sur chasseurs limitée à 40 heures de vol annuelles, complétée par une activité de 140 heures de vol sur des avions dont la configuration interne sera représentative des avions d’armes modernes et proche de celle du Rafale. Ce deuxième cercle de pilote est destiné à assurer la relève en opérations des équipages du premier cercle.

Il convient de souligner que ce principe de différenciation de la préparation opérationnelle est loin d’être une innovation majeure. Dès aujourd’hui, tous les pilotes aptes missions de guerre (AMG) ne maîtrisent pas, en raison de la complexité et de la polyvalence des nouveaux appareils, tout l’éventail des qualifications et aptitudes possibles. Seul un nombre restreint d’entre eux est en effet formé pour pouvoir remplir tous les contrats opérationnels nécessitant une forte réactivité, comme l’entrée en premier dans un environnement aérien hostile. Le rapporteur constate d’ailleurs que le Livre blanc de 2008 indiquait également que « l’activité et l’entraînement des forces revêtiront un caractère prioritaire » et précisait déjà que « la préparation opérationnelle sera différenciée » (46).

De plus, les effets positifs attendus de l’application ce principe de préparation opérationnelle différenciée sur l’augmentation de l’activité opérationnelle ont toutes les chances de ne pas se manifester rapidement, dans la mesure où sa mise en œuvre n’est prévue, d’après les informations communiquées par l’état-major de l’armée de l’air, qu’« à compter de l’horizon 2016-2017 ».

Le rapporteur constate que la contrainte budgétaire oblige l’armée de l’air à procéder ainsi mais redoute que la mise en œuvre de la préparation opérationnelle différenciée n’aboutisse en définitive à l’écueil d’une armée à deux vitesses, avec un risque de perte des savoir-faire et de fragilisation de la capacité à durer en cas de conflit long de haute intensité.

Le défi principal posé par le principe de préparation opérationnelle différenciée est en effet celui de la capacité à durer. Le chef d’état-major de l’armée de l’air l’a d’ailleurs implicitement reconnu, en admettant que les pilotes du deuxième cercle avaient « vocation à intervenir sur un espace aérien maîtrisé » au bout de quelques mois.

Cette hypothèse d’une maîtrise de l’espace aérien en quelques mois seulement, sur laquelle repose la pertinence du principe de préparation opérationnelle différenciée, suppose, comme l’a également admis le chef d’état-major de l’armée de l’air, une action en coalition, qui limite donc l’autonomie stratégique de la France. Rien n’assure en outre que les conditions d’un futur engagement de l’armée de l’air dans des combats de haute intensité laisseront le temps nécessaire aux pilotes du second cercle de redevenir rapidement opérationnels lors de leur retour en unité de combat. Comme le rappelle Francis Lenne, « c’est l’histoire qui peut encore nous rappeler ses leçons en ce domaine : en septembre 1939, l’armée de l’Air se trouvait en pleine carence de personnel, toutes les spécialités étaient déficitaires. Le 26 septembre 1939, une commission spéciale fut réunie par l’État-major de l’armée de l’Air pour résoudre le problème posé par l’application du plan de guerre qui exigeait alors la formation de 1 800 pilotes ! Il n’y eut aucun moyen de remédier à cette situation, appréciée trop tardivement. Le 18 avril 1940, moins d’un mois avant l’offensive allemande, le général commandant les opérations dans l’Est signala qu’en cas de crise, ses unités aériennes seraient incapables de soutenir un effort continu. On sait ce qu’il advint » (47).

Cette démarche de préparation opérationnelle différenciée est soutenue en amont par une rénovation de la formation des pilotes de chasse.

Le concept de préparation opérationnelle est étroitement lié à la mise en œuvre du projet « Cognac 2016 » visant à moderniser la formation des pilotes.

Le principe du projet « Cognac 16 » consiste en effet à utiliser les pilotes du deuxième cercle, destinés à assurer la relève en opération des équipages du premier cercle pour des missions moins exigeantes que celles du premier jour, comme instructeurs sur des « avions de complément ».

Ces avions de compléments, qui pourront être configurés comme des avions de combat, coûteront beaucoup moins cher à l’heure de vol. Le type d’avion, qui n’a pas encore été explicitement évoqué, pourrait être le PC-21 de la firme suisse Pilatus, qui a le coût d’exploitation d’un monoturbine avec une avionique moderne qui s’approche de celle des jets.

Lors de son audition en date du 18 septembre 2013 devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le chef d’état-major de l’armée de l’air a indiqué que deux options s’offraient pour l’acquisition de ces avions de complément : celle d’un partenariat public-privé et celle d’une acquisition patrimoniale des aéronefs avec une externalisation de la maintenance, des simulateurs et de l’infrastructure, qui semble avoir sa préférence.

Un comité ministériel d’investissement (CMI) examinera ces deux options au mois de novembre 2013 et le commandant de la SIMMAD, le général de corps aérien Guy Girier, a été chargé de développer un plan de rationalisation du maintien en condition opérationnel de ces avions de complément qui sera prochainement présenté au ministre de la Défense.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air a souligné lors de son audition devant la commission en date du 8 octobre 2013 combien il attachait d’importance au projet « Cognac 2016 » pour diminuer significativement les coûts de fonctionnement de la flotte école et espérait un lancement du projet « au plus tôt, pour être au rendez-vous de la livraison des appareils en 2017 ».

La réalisation de ce projet est une condition nécessaire à la mise en œuvre de la préparation opérationnelle différenciée.

Le rapporteur constate que l’objectif d’amélioration de l’activité opérationnelle demeure très limité dans ses ambitions.

Le point 3.2 du rapport annexé au projet de loi de programmation militaire indique en effet que les efforts engagés au cours de la période 2014-2015 ne permettront que « d’obtenir une stabilisation globale de l’activité à un niveau comparable à celui de 2013 (quinze pour cent environ en deçà des normes) ».

Ce résultat semble d’ailleurs largement sous-estimé, dans la mesure où l’activité se situera en 2014, d’après les données du projet annuel de performances pour 2014, à 16,6 % en dessous des normes pour les pilotes de chasse, 42,5 % en dessous des normes pour les pilotes de transport et 20 % en dessous des normes pour les pilotes d’hélicoptères.

Le même rapport annexé indique que la mise en œuvre de ces réformes ne permettra de tendre vers les normes de référence qu’« à partir de 2016 » seulement, ce qui reste très optimiste puisque l’acquisition d’avions turbopropulsés de dernière génération ne devrait pas intervenir avant 2017.

Le rapporteur estime en conséquence que ces objectifs, qui restent excessivement optimistes, demeurent en tout état de cause insatisfaisants pour disposer de capacités d’entraînement essentielles pour des équipages prêts à intervenir sans délais.

Il partage ainsi le constat du Général Mercier selon lequel « l’activité restera insuffisante (environ - 20 % par rapport aux normes d’entraînement). Elle ne pourrait être maintenue à ce niveau dans le temps sans dégradation considérable du niveau opérationnel. C’est pour moi une préoccupation majeure car le maintien de certaines compétences est dès à présent fragilisé » (48).

ÉQUIPEMENTS

NOMBRE

ÉQUIPEMENTS

NOMBRE

avions de combat

225

Avions de liaison

27

Rafale (polyvalents)

68

A330 Falcon 7X, Falcon 900 et Falcon 50 (avions à usage gouvernemental)

7

Mirage 2000 N (nucléaire et assaut conventionnel)

23

TBM 700 et DHC6 (avions de liaison)

20

Mirage 2000 D et M F1 CT (assaut conventionnel)

63

Avions de formation et d’entraînement

164

Mirage 2000-5 et M 2000 C (défense aérienne)

44

Grob 120, Epsilon, Cirrus SR20 et SR22 (formation initiale des pilotes)

81

Mirage F1 CR (reconnaissance tactique)

17

Alpha Jet (formation des pilotes de chasse)

60

Mirage 2000B et MF1 8 (transformation)

10

Xingu (formation des pilotes de transport)

23

Flotte d’expérimentation

16

équipes de présentation

15

Rafale

5

Alpha Jet (Patrouille de France)

12

Mirage 2000

8

Extra 300 (avions de voltige)

3

Alpha jet

3

hélicoptères

83

Avions de transport

84

Fennec (défense aérienne, mesures actives de sûreté aérienne)

41

A340 et A310 (transport stratégique)

5

 

C160 Transall et C130 Hercules (transport tactique)

52

Caracal et Cougar (recherche et sauvetage au combat)

12

CN235 Casa (cargos légers)

27

Super Puma et Puma (transport, recherche et sauvetage)

30

Avions de support opérations

20

Drones

4

C135FR et KC 135R (avions ravitailleurs)

14

Harfang

 

E-3F SDCA (détection, commandement et contrôle aéroportés)

4

Systèmes d’armes sol-air

20

 

Crotale NG

12

C160G (recueil de renseignement électromagnétique)

2

SAMP « Mamba »

8

Source : « Les chiffres clés de la Défense », ministère de la Défense, édition 2013.

En prévoyant l’acquisition ou le renouvellement de certains de ses équipements, le PLF 2014 poursuit la modernisation de l’armée de l’air. Comme le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, le rapporteur déplore toutefois qu’il s’agit d’« une modernisation qui se fera à un rythme moins rapide que nous l’avions souhaité initialement, une modernisation qui se fera sur des formats plus réduits (…) (49) ».

La structuration du budget par systèmes de forces retenue par la LOLF ne permet pas de distinguer, au sein des 10,3 milliards d’euros de crédits d’équipements du programme 146 « Équipement des forces » de la mission Défense, la part spécifique de ces crédits alloués à l’armée de l’air. Le rapporteur a néanmoins souhaité analyser succinctement(50) les principales livraisons et commandes de matériels pour l’armée de l’air en 2014.

PRINCIPALES LIVRAISONS ET COMMANDES DE MATÉRIELS
POUR L’ARMÉE DE L’AIR EN 2014

Commandes

Livraisons

1 système d’avion léger de surveillance et de renseignement (ALSA 2R)

1 système de drone MALE

lancement de la réalisation du MRTT

2 avions de transport (TLRA)

19 pods PDL NG

3 radars haute et moyenne altitude du système SCCOA

1 avion SDCA rénové

140 armements air-sol modulaires (AASM)

9 RAFALE

1 système de défense sol-air FSAF SAMP/T

7 missiles Aster 30

4 A400M.

Source : DGA.

La livraison en 2014 de trois radars haute et moyenne altitude (HMA) est destinée à permettre de continuer à assurer la sécurisation des approches et des espaces aériens. Elle s’inscrit, après la livraison de trois radars rénovés HMA en 2013, dans le cadre global de la rénovation de 10 radars HMA qui doivent être livrés entre 2013 et 2016.

Le rapporteur appelle l’attention sur le fait que deux radars HMA neufs (de type GM 406) doivent également être livrés à Nice et Lyon d’ici 2016 et sur la nécessité que le programme SCCOA (51) 4.2, dont la réalisation devrait être lancée prochainement, permette enfin le remplacement d’une quinzaine de radars moyenne / basse altitude ou de radars d’approche.

La rénovation de la couverture radar est en effet une priorité absolue.

Comme le chef d’état-major des armées, le général Denis Mercier, le rapporteur estime que « nous ne pouvons plus décaler les livraisons de ces radars, car les obsolescences profondes du parc actuel, à la disponibilité de plus en plus précaire, et aux coûts de maintenance élevés, fragilisent la protection du territoire national » (52).

Le rapporteur regrette également que les décalages dans le programme SCCOA ne permettent d’amener les centres d’opérations et les centres de contrôle de l’armée de l’air au standard ACCS (53) de l’OTAN qu’en 2015.

Les opérations en Libye et au Mali ont démontré le rôle crucial que les avions SDCA (54), dénomination française des AWACS (55), occupent en matière de traitement, de diffusion des informations opérationnelles et de prise des décisions. Souffrant d’une conception datant des années 70, il était en effet impératif de faire évoluer les capacités de la flotte de quatre appareils de ce type dont dispose la France.

La rénovation (radar, communications, etc.) d’un avion SDCA en 2014 constitue donc une étape nécessaire dans l’objectif de conserver ces avions jusqu’en 2035, compte tenu des insuffisances du système actuel et de la nécessité de conserver l’interopérabilité avec les alliés et avec les avions de combat français. Le rapporteur regrette néanmoins que cette rénovation se limite pour l’instant à un seul des avions de la flotte.

Appareil polyvalent susceptible d’effectuer de nombreuses missions (dissuasion nucléaire, pénétration et attaque au sol par tous les temps, attaque à la mer, défense et supériorité aérienne, intervention à long rayon d’action avec ravitaillement en vol, reconnaissance tactique et stratégique), le Rafale a été, après les opérations Agapanthe et Harmattan, largement employé dans le cadre de l’opération Serval, qui a confirmé la pertinence des choix de conception effectués à la genèse du programme.

Sur les 11 Rafale livrés en 2014, neuf seulement seront destinés à l’armée de l’air, les deux autres revenant à la marine. Ils seront équipés du nouveau radar à antenne active, ainsi que d’une nouvelle version du système SPECTRA de guerre électronique. En outre, un nouveau standard F3R sera déployé pour le Rafale qui contribuera au maintien de l’activité des bureaux d’études.

Comme l’a indiqué le chef d’état-major de l’armée de l’air, le ralentissement des livraisons de Rafale (de 11 à neuf par an) devrait être « compensé par la rénovation des Mirage 2000D et l’utilisation prolongée de flottes plus anciennes comme celle des Mirage 2000-5 » (56). Si le PAP 2014 prévoit certes la « préparation » de l’opération de rénovation des Mirage 2000D, le rapporteur déplore une grande imprécision sur la teneur de cette rénovation dans la mesure où, d’après la réponse apportée au questionnaire qu’il a adressé à l’état-major de l’armée de l’air, « les restrictions budgétaires successives et le format de l’aviation de chasse retenu dans le projet de LPM nécessitent la redéfinition précise du contour et de la cible de rénovation des M2000D et M2000-5 ».

La famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) a pour vocation d’assurer, outre l’autodéfense des bâtiments de la marine et la défense antiaérienne du corps de bataille, la défense des bases aériennes (SAMP/T). Le système SAMP/T peut traiter des cibles conventionnelles et des cibles balistiques rustiques.

La livraison, en 2014, d’un système SAMP/T et de sept missiles ASTER 30 s’inscrit dans l’avancement des activités de livraisons du SAMP/T, dont la cible actuelle, que le Livre blanc a ramené de 10 à huit systèmes, devrait être atteinte l’année prochaine. Le système SAMP/T a par exemple fait la preuve, en mars 2013, de son aptitude à être connecté au réseau opérationnel de défense antimissile balistique de l’OTAN et a été déployé dans le cadre du dispositif particulier de sûreté aérienne (DPSA) mis en place pour les cérémonies du 14 juillet 2013.

Il convient de souligner que la défense des bases aériennes n’est pas uniquement assurée par le système SAMP/T mais également par les systèmes CROTALE de l’armée de l’air et MISTRAL de l’armée de terre.

La crise sahélienne et l’opération Serval au Mali ont confirmé le besoin de disposer d’une capacité SA2R (surveillance, acquisition, reconnaissance et renseignement) sur des avions légers, afin de réaliser des missions de renseignement avec une empreinte très réduite. La commande en 2014 d’un avion léger de surveillance et de renseignement (ALSA 2R) se justifie donc pleinement.

Cette capacité, complémentaire des autres moyens mis en œuvre par les armées (drones, ATL2), permet, par les capteurs optroniques et électromagnétiques, de détecter des signaux faibles d’activité et d’identifier des menaces potentielles. Elle peut également appuyer les opérations conduites par les forces au sol par un renseignement en temps réel.

Le rapporteur regrette que cette commande d’un avion léger de surveillance et de renseignement ne s’explique que par le retard pris par la France à s’équiper de drones performants.

L’armée de l’air a acquis en 2013, en urgence opérationnelle, un système de drone MALE (57) de type Reaper selon la procédure FMS (58). Les accords FMS sont des accords d’État à État conclus entre le gouvernement américain et un gouvernement étranger et ayant pour objet l’acquisition de matériels militaires. Le gouvernement américain passe ensuite commande des matériels à un industriel américain ou fait appel aux stocks des armées. Il n’existe donc pas de relation contractuelle entre le client étranger et l’industriel constructeur. En raison de la sensibilité de la technologie des drones de surveillance, le contrat FMS est en effet le seul vecteur contractuel autorisé par le Département de la Défense pour l’acquisition de drones Reaper par un client étranger. Les deux drones commandés cet été ont été prélevés sur une chaîne de production destinée à l’US Air Force, permettant ainsi une livraison particulièrement rapide. Le contrat inclut trois années de soutien.

Équipé d’une motorisation turbopropulsée, le Reaper permet des vols plus haut et plus rapide que le Harfang. Plus endurant, il permet d’accroitre de 30 % le temps de présence sur zone. Doté de capacités radar et optronique de qualités très supérieures, le Reaper va améliorer sensiblement le renseignement d’origine image (ROIM). L’appui aux troupes au sol sera par ailleurs plus performant grâce à une capacité d’identification ou de pointage qui n’était pas possible en toutes circonstances sur Harfang.

L’acquisition de drones Reaper ouvrira également à l’armée de l’air des possibilités de coopération avec les Américains mais aussi avec les Britanniques et les Italiens en matière de formation, d’entraînement, d’exercices et de doctrine d’emploi. Par ailleurs, le rapporteur considère que des missions conduites en coopération et à vocation interministérielles pourraient utilement être développées dans des domaines tels que la participation à la lutte contre les trafics, la surveillance des approches maritimes ou le soutien des douanes et de la sécurité civile.

Le PLF 2014 prévoit l’acquisition d’un nouveau système de drone MALE, sans préciser s’il s’agira à nouveau de drones Reaper. La décision d’acquisition de ce nouveau système devra être prise courant 2014, en fonction des résultats d’une étude, réalisée avec l’appui de l’industrie française, de « francisation », c’est-à-dire d’adaptation du système Reaper au vol en France. Le rapporteur appelle toutefois l’attention sur le fait que le délégué général pour l’armement a précisé que cette demande de « francisation », voire d’européanisation, de capteurs, de moyens de transmission et d’outils de sécurisation des communications « n’a pas encore été acceptée » (59) par les États-Unis.

Par ailleurs, si trois industriels (Dassault Aviation, Finmeccanica et EADS Cassidian) ont déclaré être prêts à s’unir pour élaborer un drone MALE européen, un tel projet prendra vraisemblablement beaucoup de temps, alors même que l’objectif fixé par le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 est de disposer en 2019 de quatre systèmes de trois drones. Le chef d’état-major de l’armée de l’air a indiqué que, puisque les drones Harfang ne pourront pas être exploités après 2017, « le Reaper constitue ainsi une capacité indispensable dans l’attente d’un hypothétique drone européen » et que « si elle était décidée, la mise en place d’une véritable chaîne de drone MALE en Europe se projetterait à l’horizon 2023-2025 » (60).

La commande de 19 pods PDL NG (61) est de nature à apporter aux Rafale une capacité de frappe air-sol de grande précision adaptée aux besoins des nouveaux contextes opérationnels.

Ces pods permettront de répondre au retrait progressif des pods d’ancienne génération et aux limitations du parc de nacelles Damoclès. Ils apporteront des capacités accrues en termes de recherche et d’identification de cibles de petite taille, de jour comme de nuit et permettront de réaliser des missions de reconnaissance ou d’appui des forces terrestres.

Outre son utilité opérationnelle, le rapporteur estime que cette commande permettra également, d’un point de vue industriel, de maintenir les compétences optroniques nécessaires au soutien et aux évolutions des équipements du Rafale.

Après le retrait en service des DC8, la location de deux avions de transport à long rayon d’action (TLRA) de type A340 a été retenue en 2004 comme solution transitoire pour répondre, dans l’attente de l’acquisition de MRTT, au besoin de transport à long rayon d’action (transport de personnel lors des opérations de projection et transport de personnels, militaires et familles, vers les lieux de pré-positionnement).

La location de ces deux TLRA se terminant en 2015, il convenait de conserver une capacité d’assurer les missions de transport jusqu’à la mise en service opérationnelle des premiers MRTT, prévue seulement au second semestre 2019 d’après le projet de LPM 2014-2019.

La levée de l’option d’achat, prévue dans le contrat TLRA au plus tard en 2014, permettra ainsi de satisfaire ce besoin en évitant une rupture capacitaire en attendant l’arrivée des deux premiers MRTT.

En levant l’option d’achat et en lissant les coûts sur la durée de vie des A340, l’augmentation des coûts par rapport au contrat de leasing devrait être de 0,38 million d’euros par an et par avion.

Inévitable dans la situation actuelle pour conserver une capacité utile de transport, la commande de ces deux appareils apparaît néanmoins au rapporteur comme un pis-aller dû au retard du lancement de la réalisation du MRTT.

DEUXIÈME PARTIE :
L’AVIATION DE TRANSPORT MILITAIRE FRANÇAISE

« La guerre est une opération de transport. Le meilleur transporteur en sortira vainqueur » (62)

Winston Churchill

À l’automne 1946, tirant les conclusions d’un exercice de manœuvre aérienne dénommé « Hirondelle », destiné à tester la mobilité stratégique de l’armée de l’air française et son aptitude à projeter, en moins d’une semaine, une trentaine de chasseurs et une dizaine d’avions de transport au Sénégal, au Niger et en Côte d’Ivoire pour y exercer des missions de bombardement et de mitraillage, le chef d’état-major de l’armée de l’air de l’époque, le Général Girardot, déclara que « l’aviation de transport, qui permet de s’engager et de durer, est nécessaire à toute armée ».

Alors que l’aviation de transport militaire française, organisée tardivement après la création de l’armée de l’air en juillet 1934, jouit traditionnellement d’un prestige moindre que l’aviation de chasse, force est de constater que cette conclusion garde aujourd’hui encore toute sa pertinence. L’aviation de transport militaire française, qui comprend les hommes et les aéronefs dont la mission est de transporter et/ou de larguer par voie aérienne, de jour comme de nuit, par tous temps, et éventuellement sous la menace d’adversaires, des passagers et/ou du fret (équipements, véhicules, matériels, rechanges, vivres, munitions…), a en effet participé et participe encore à la construction de la riche histoire de l’armée de l’air au service de la Nation. Elle apparaît de plus en plus ostensiblement comme un instrument indispensable à une puissance militaire qui se veut réactive et mobile stratégiquement.

Considérée à ses débuts comme une composante secondaire de la stratégie aérienne, l’aviation de transport militaire française a progressivement démontré qu’elle est un élément essentiel dans la gestion des crises et des conflits militaires. Les « retours d’expérience » des récentes opérations extérieures menées par la France, qu’il s’agisse de l’opération Harmattan en Libye, dont le rapporteur avait mis en lumière certains enseignements dans son avis budgétaire de l’année dernière (63), ou de la récente opération Serval au Mali, ont confirmé toute l’importance de disposer d’une aviation de transport performante, tout en mettant parallèlement en évidence certaines de ses lacunes.

À l’heure où le Livre blanc de mai 2013 sur la sécurité et la défense nationale réaffirme la nécessité pour la France de disposer d’une autonomie stratégique et d’une capacité de projection et d’intervention pour faire face à des menaces et à des risques amplifiés par la mondialisation, à la veille du vote par le Parlement d’un projet de loi de programmation militaire 2014-2019 qui va déterminer pour les années à venir le format de l’armée de l’air et la place qu’y prendra l’aviation de transport, au lendemain de la livraison, le 2 août 2013, à l’armée de l’air sur la base d’Orléans-Bricy du premier avion A400M baptisé « Ville d’Orléans » et dans un contexte où le domaine de l’aviation de transport apparaît comme un rare exemple réussi de coopération et de mutualisation dans le domaine de la construction d’une Europe de la Défense, il a paru judicieux au rapporteur de retenir le thème de l’aviation de transport militaire français pour la partie thématique de son avis.

L’aviation de transport militaire est en effet une composante trop peu connue de l’armée de l’air, alors qu’elle est un élément indispensable pour une Nation qui entend continuer à jouer un rôle influent sur la scène internationale.

Le début du transport aérien militaire (TAM) remonte aux années 30, quand l’état-major des forces aériennes fait étudier des dérivés d’avions civils utilisés par Air France. Cependant, l’aviation de transport militaire reste considérée à ses débuts comme une composante secondaire de la stratégie aérienne.

Elle a de fait été très peu exploitée au cours de la seconde guerre mondiale, les préoccupations des états-majors étant plutôt orientées vers l’équipement et les concepts d’emploi de l’aviation de chasse et de bombardement. Une première tentative d’organisation de transport aérien militaire français apparaît le 28 août 1941 à Damas, avec la création des lignes aériennes militaires (LAM) par le Général de Gaulle, qui avait pris conscience de la nécessité de constituer un réseau de lignes aériennes pour relier les territoires de la France Libre. Ce sont ainsi les LAM qui ont ravitaillé en grande partie en vivres et en munitions la colonne de chars de la deuxième division blindée du général Leclerc.

Il faut attendre 1945 et les problèmes urgents de rapatriement au lendemain de la Libération pour que soit envisagée la création d’un dispositif adéquat avec la commande du Cormoran NC 210, avion quadrimoteur capable de transporter une charge marchande de 17 tonnes. Afin de rapatrier les prisonniers de guerre, les déportés et les personnes parties en Allemagne dans le cadre du service du travail obligatoire (STO) et dont l’état sanitaire ne permettait pas un retour par voie terrestre, le ministre de l’Air, Charles Tillon, met en place, le Groupement des moyens militaires de transport aérien (GMMTA), grâce auquel 16 000 prisonniers et 10 000 déportés regagneront la France.

Le rôle capital du TAM se révèle en Indochine. Sans lui, aucune opération aéroportée n’aurait été possible, ni aucun pont aérien de soutien et de renforcement des unités engagées. En outre, les unités de transport ont assuré le ravitaillement des postes, l’évacuation des civils et des militaires réfugiés, et même des opérations de bombardement.

Pendant la guerre d’Algérie, d’autres emplois tels que l’emport de postes de commandement volants, l’éclairage des champs de bataille ou le renseignement, élargiront la gamme des missions affectées aux avions de transport militaires.

Face à cette importance croissante qu’acquiert le TAM, celui-ci est promu à la fin de la guerre d’Algérie, le 19 février 1962, au niveau d’un grand commandement militaire spécialisé : le COTAM (commandement du transport aérien militaire).

Depuis sa création, l’aviation de transport militaire française et ses équipages ont participé à toutes les crises et à tous les conflits impliquant la France.

L’aviation de transport militaire s’est ainsi illustrée sur tous les théâtres d’opérations de nos forces et cette riche histoire a fait l’objet de nombreuses publications (64).

À titre d’exemple, peuvent être cités : le pont aérien sur Berlin (du 23 juin 1948 au 12 mai 1949), Dien Bien Phu (jusqu’à la chute du camp retranché, l’aviation de transport militaire maintiendra le lien avec Hanoï, malgré la DCA Viet-minh), la crise de Suez (1956), le conflit algérien, Kolwezi (1978), le pont aérien sur Sarajevo (1992-1995), les nombreuses évacuations de ressortissants en Afrique ou plus récemment au Japon, en Côte d’Ivoire et en Libye, mais aussi son engagement majeur lors des dernières opérations « Unified Protector » (Libye) et « Serval » (Mali).

Comme le souligne Éric Le Bras (65), l’objet de l’aviation de transport militaire n’est pas seulement de disposer de moyens de transport dans le cadre d’une action purement militaire, mais peut également être « un moyen (…) d’afficher ses ambitions de politique étrangère, qu’il s’agisse d’aide humanitaire, [ou] de réponse à une situation d’urgence (tsunami, tremblement de terre, nouveaux ponts aériens …) ».

Le pont aérien mis en place par les alliés à Berlin entre 1948 et 1949, comme l’opération Nickel Grass réalisée par les États-Unis en octobre 1973 pour soutenir leur allié israélien, sont deux exemples particulièrement emblématiques d’une projection de puissance réalisée grâce à l’aviation militaire de transport, qui sans mener à une intervention militaire directe des armées de l’air impliquées, a constitué un levier politique et diplomatique particulièrement efficace.

L’objectif de projection des forces devient en effet une des missions prioritaires de nos armées.

Si les moyens de projection ne reposent pas exclusivement sur la composante aérienne, comme l’a montré l’opération Serval au Mali au cours de laquelle des moyens terrestres et maritimes ont également été sollicités, cette opération a néanmoins vu les moyens de l’aviation de transport militaire française être engagés avec une grande réactivité, de jour comme de nuit en zone hostile, selon des modes d’action les plus divers, faisant appel à un large éventail de compétences et de capacités. Aux missions de projection inter-théâtre et intra-théâtre classiques, se sont ajoutées des missions d’aéroportage sur des terrains sommaires, des missions de largage de matériel à très grande altitude, des opérations aéroportées, des missions d’engagement de forces spéciales ou encore des évacuations sanitaires d’ampleur. Le rapporteur considère qu’il est de la plus haute importance de conserver ces capacités opérationnelles que peu de pays partagent.

Par ailleurs, alors que la conception de l’avion de transport C-160 Transall était clairement destinée à des interventions limitées au théâtre européen et en mer Méditerranée, le rapporteur considère que certains de nos engagements les plus récents, comme en Afghanistan par exemple, démontrent que notre défense et la prévention des répercussions sur le territoire national de la menace terroriste internationale peuvent désormais se jouer loin de nos frontières immédiates.

La flotte de transport stratégique a pour mission de transporter par la voie des airs, de jour comme de nuit, des passagers et/ou du fret sur de longues distances, en général sur des plateformes aéronautiques bien équipées et hors zone de menace. Ces avions, très souvent semblables à ceux des flottes commerciales, se caractérisent par un long rayon d’action, une charge offerte et un volume de soute importants. La flotte des appareils à usage gouvernemental (AUG) dispose également de longs rayons d’action, mais n’est pas comptabilisée dans les capacités de projection stratégique, du fait de son emploi spécifique.

Les moyens patrimoniaux destinés à la projection stratégique reposent sur les flottes de trois A310 et deux A340 de l’escadron ESTEREL implanté sur la BA 110 de Creil. Les A310 disposent d’une capacité d’emport de 28 tonnes à 5 000 kilomètres, tandis que les A340 peuvent emporter 41 tonnes à 9 000 kilomètres. Les trois A310 ont été acquis d’occasion et les deux Airbus A340 actuellement en service font l’objet d’une location avec option d’achat depuis 2005, financée par le programme 146 de la mission Défense, à hauteur de 30,5 millions d’euros en 2013. Le PLF 2014 prévoit l’acquisition de ces deux appareils.

Cette flotte Airbus (A310 et A340) dispose d’une bonne disponibilité technique, mais n’offre qu’une faible capacité d’emport de passagers (respectivement 185 et 279), de bagages et de fret en soute, dans des containers de type aviation commerciale. Elle ne permet donc ni l’emport de fret sur palette militaire standard, ni l’emport de véhicules.

Elle est occasionnellement complétée par quelques-uns des 14 C135 qui apportent des capacités de projection stratégique (25 tonnes à 8 000 kilomètres), notamment grâce à leur capacité cargo, mais dont la mission principale demeure la participation à la composante aéroportée de la dissuasion et le ravitaillement en vol. Cette flotte de 14 C135 offre des capacités limitées de transport de passagers mais permet l’emport de fret sur palette.

Même si la France y a souvent recours pour exécuter des missions de projection stratégique, la flotte de transport tactique a d’abord pour mission de transporter par la voie des airs, de jour comme de nuit, des passagers et/ou du fret vers ou à l’intérieur d’un théâtre d’opérations, voire dans la zone des combats, pour conduire ou appuyer des opérations conventionnelles ou spéciales, sur tous les types de théâtre, quelles que soient les conditions météorologiques, la menace ou l’état de l’infrastructure. Comme l’a souligné lors de son audition le général de brigade aérienne Pascal Chiffoleau, commandant de la brigade aérienne d’appui et de projection (BAAP), cela nécessite de maîtriser des compétences rares et longues à acquérir et de disposer également d’équipements spécifiques dans de nombreux domaines : navigation à basse altitude de jour comme de nuit, posé d’assaut sur terrain court et sommairement préparé, largage de personnel et/ou de matériel à diverses altitudes, vol de nuit sous jumelles de vision nocturne, ravitaillement en vol, autoprotection de l’aéronef, intégration dans un dispositif complexe de conduite des opérations aériennes ou conduite de dispositif complexe avec plusieurs avions de transport nationaux ou alliés par exemple.

La capacité de transport aérien tactique de l’armée de l’air repose actuellement sur le personnel des unités qui mettent en œuvre une flotte d’avions comprenant 33 C160 Transall (66), dont le nombre est en cours de réduction, 14 C130 et 27 CN 235, dont huit ont été acquis et livrés entre 2011 et 2013 pour limiter l’impact du retard de livraison de l’A400M.

Le C160 Transall, d’une capacité moyenne de transport de six tonnes à 3 000 km, reste le fer de lance des capacités de projection aérienne tactique des armées. Entré en service en 1967, son retrait a débuté en 2005 du fait d’une certaine vétusté, mais certains des plus récents sont toutefois prolongés pour faire face au décalage des livraisons de l’A400M. Il offre d’excellentes performances de navigation à basse altitude, de posé sur un terrain sommairement préparé et de largage de personnel et de matériel. Il permet le vol de nuit sous jumelles de vision nocturne et peut être équipé d’un système d’autoprotection.

Le C130 Hercules, dont la flotte a un âge moyen de 27 ans, présente également des capacités tactiques appréciables, une charge et un rayon d’action supérieurs à celui du Transall (12 tonnes à 3 600 kilomètres). Ses performances en posé sur un terrain sommairement préparé sont toutefois plus limitées que celles du Transall, et le niveau d’autoprotection n’est pas homogène sur la flotte. Moyennant l’utilisation d’un kit sommaire, il peut réaliser des vols de nuit sous jumelles de vision nocturne dans des conditions correctes.

Le CN 235 est un avion dont les capacités tactiques (trois tonnes à 3 000 km) et le coût à l’heure de vol nettement inférieur à celui du Transall et du Hercules rendent son emploi particulièrement intéressant pour le transport de faibles charges, en particulier pour les Outre-mer, mais n’apporte pas de capacités équivalentes à celles des C160 et C130.

Le 2 août 2013, l’armée de l’air a réceptionné son premier A400M Atlas. La mise en service de ce nouvel avion de transport tactique, qui offre également des capacités stratégiques, est prévue en septembre 2014.

Il convient de souligner que les hélicoptères moyens de l’armée de l’air (Puma, Super Puma et Caracal) n’ont normalement pas pour mission principale de participer au transport tactique. Néanmoins, dans des circonstances particulières, leurs capacités sont parfois utilisées pour transporter des personnes ou du fret, comme ce fut le cas avec les Caracal de l’armée de l’air lors des opérations en Afghanistan.

L’aviation de transport regroupe l’ensemble des unités navigantes opérationnelles (escadrons de transport) appartenant au commandement des forces aériennes (CFA) - dont une des quatre brigades, la brigade aérienne d’appui et de projection (BAAP), est responsable de tous les aéronefs de transport et de liaison -, les escadrons de soutien technique aéronautique (ESTA) réalisant le maintien en condition des appareils du niveau opérationnel, les unités « écoles » et d’instruction, spécifiques à l’aviation de transport, ainsi que les centres de conduite, opérationnels et organiques, qui s’y consacrent.

Les personnels relevant des unités propres aux forces aériennes stratégiques (FAS) notamment de ravitaillement en vol, le service industriel aéronautique (SIAé), responsable du maintien en condition opérationnelle (MCO) du niveau industriel, les écoles de formation initiale, les structures de commandement non spécialisées ainsi que les structures de commandement en opérations ne sont pas comptabilisés au titre des effectifs de l’armée de l’air concernés par l’aviation de transport.

Au total, les effectifs de l’armée de l’air concernés directement par l’aviation de transport sont de 2 966 personnes (dont 1 066 personnels naviguant) répartis en 732 officiers, 1 781 sous-officiers, 432 militaires du rang et 21 civils.

Effectifs de l’armée de l’air relevant de l’aviation de transport

Les escadrons de transport, localisés principalement sur les bases d’Évreux, Creil, Orléans, et dans une moindre mesure sur les bases de Mérignac, Dijon ainsi que dans les Outre-mer et à l’étranger (Guyane, Polynésie, Réunion, Nouvelle-Calédonie et Djibouti), représentent 1 411 emplois répartis en 438 officiers dont 402 PN (67) (pilotes et navigateurs transport) ; 771 sous-officiers, dont 269 PN (mécaniciens d’équipage) ; 198 militaires du rang, dont 89 PN (agents sécurité cabine et aides soutiers) et quatre civils.

* Les ESTA soutenant les unités navigantes représentent 1 082 emplois, dont 1 040 relèvent des corps et spécialités de mécaniciens, soit 43 officiers, 888 sous-officiers, 134 militaires du rang et 17 civils.

Les unités écoles et d’instruction, localisées à Avord, Evreux, Orléans et Villacoublay représentent 359 emplois, soit 181 officiers, dont 176 PN ; 84 sous-officiers, dont 38 PN et 94 militaires du rang, dont 42 PN.

Les centres de conduite opérationnels et organiques représentent 114 emplois :

– le commandement européen du transport aérien (EATC), unité interalliée située à Eindhoven, auquel l’armée de l’air affecte 36 emplois d’officiers (dont 22 PN) et 19 de sous-officiers (dont un PN) ;

– le centre multimodal de transport (CMT) à Villacoublay, entité interarmées, compte 19 emplois d’officiers (dont 12 PN), 15 de sous-officiers et six de militaires du rang ;

– la brigade aérienne d’appui et de projection (BAAP) à Dijon, entité organique de tutelle de l’aviation de transport pour l’armée de l’air comprend 15 emplois d’officiers (tous PN) et quatre sous-officiers.

Source : ministère de la Défense.

Depuis 2010, 356 postes ont été supprimés dans ce périmètre, soit 10,72 % des effectifs. Malgré la montée en puissance de l’EATC, qui est passé en 2013 de 43 postes à 55 postes, le volume global sur ce périmètre continue donc de diminuer sous l’effet conjugué de la déflation de la flotte C160, des rationalisations et des restructurations au sein des unités et de la dissolution de l’escadron de transport de la Martinique.

Dès après la guerre du Golfe (1990-1991), où la France fut confrontée pour la première fois à un conflit majeur loin de ses frontières lui imposant de recourir à des affrètements coûteux auprès de compagnie aériennes civiles, le Livre blanc de 1994 avait identifié l’importance du transport aérien militaire et du ravitaillement en vol.

En mars 2005, un rapport sur la fonction stratégique, publié par l’Inspection générale des armées, mettait également en exergue la nécessité d’améliorer l’approvisionnement logistique des forces françaises opérant ou stationnées hors de métropole, dans toutes ses dimensions (transport, transit, technique, infrastructure, munitions, soutien de l’homme, santé, carburant).

En 2009, le rapport annexé de la LPM 2009-14 faisait déjà de la résorption du déficit capacitaire en transport aérien stratégique et tactique une priorité, en indiquant que « le déficit capacitaire actuel sera progressivement comblé grâce au remplacement des aéronefs de transport tactiques C 160 Transall par des A 400M, et des avions ravitailleurs C 135 par des avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT). Les cadences d’acquisition seront fixées d’ici 2010 et présentées au Parlement. Un partenariat public privé est envisagé pour les MRTT. Le recours à des procédures d’affrètement (accord-cadre SALIS) contribuera à combler d’ici là une partie de cette lacune ».

Depuis cette date, la situation est pourtant loin de s’être améliorée.

Les deux flottes d’A310 et A340 sont âgées respectivement d’environ 30 et 20 ans et devront prochainement être remplacées.

La flotte de C135 montre par ailleurs des signes d’usure importants. Au cours de son audition en date du 8 octobre 2013 devant la commission de la défense nationale et des forces armées, le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, a indiqué que « l’âge avancé de ces 14 appareils, bientôt cinquante ans, fait peser un risque de rupture capacitaire constant et leur utilisation impose de nombreuses heures de maintenance ».

L’âge de ces flottes, qui implique des coûts de soutien élevés, le nombre réduit d’aéronefs disponibles et leur capacité d’emport en passagers et/ou en fret sont les principales lacunes qui affectent la capacité de projection d’équipements militaires (véhicules, fret sur palette…) des forces engagées sur les théâtres d’opérations et leur soutien.

Le renforcement des capacités nationales dans le domaine de l’aviation de transport stratégique reposera sur la complémentarité apportée par deux programmes emblématiques : l’A400M et le MRTT (cf. infra).

La disponibilité des C160 Transall, mis en service en 1967, est pénalisée par un âge moyen de la flotte de 36 ans. Par ailleurs, la dimension de sa soute et ses performances en charge offerte ne permettent plus de transporter certains équipements modernes des armées.

La flotte des C130 Hercules, mis en service en 1987, rencontre également des problèmes de disponibilité technique et doit prochainement faire l’objet d’une rénovation, dont l’objet sera de répondre aux besoins tactiques liés aux opérations spéciales.

Les capacités tactiques du CN 235 sont à la fois limitées par les caractéristiques de sa soute, qui ne permet pas d’emport de véhicules tactiques terrestres par exemple, et par l’absence de système d’autoprotection.

De façon générale, les capacités de transport aérien tactique ne répondent qu’imparfaitement à l’augmentation du gabarit et de la masse des matériels militaires modernes, au besoin de précision que permet l’évolution de la technologie des moyens de navigation, à celui de protection face aux systèmes de défense sol-air qui peuvent être rencontrés, ou encore au besoin de mise en réseau des plateformes que dictent les nécessités croissantes du temps réel caractérisant aujourd’hui les opérations. Par ailleurs, le nombre et la disponibilité des aéronefs en service concourent à la faiblesse de la capacité d’emport dont dispose la France, phénomène amplifié par la diminution en cours du nombre de C160 Transall, et des coûts de maintien en condition opérationnelle élevés

Le renforcement de l’aviation de transport tactique viendra essentiellement de la montée en puissance de la flotte de A400M et des capacités offertes par ce nouvel avion.

Les données issues du Rapport annuel de performances 2012, présentées dans la dernière loi de règlement (indicateur 6.3), font état en 2012 d’une disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels de seulement 54,3 % pour les avions de transport tactique de l’armée de l’air et de 42,2 % pour les avions de transport stratégique.

Les indicateurs de performances retenus pour l’armée de l’air dans le PAP 2014 n’incitent pas davantage à l’optimisme. Ainsi, la capacité, en pourcentage, pour l’aviation de transport, à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France (indicateur 4.1), qui était de 50 % réalisée en 2012, baisse à 45 % en prévision actualisée pour 2013. Pour le rapporteur, la prévision de 100 % en 2014 relève d’un vœu pieu, dans la mesure où il est assuré que le fort déficit actuel en matière de transport militaire va continuer à se poursuivre dans l’attente de l’augmentation du nombre des avions constituant les nouvelles flottes d’A400M et de MRTT.

Les opérations extérieures récentes, et notamment l’opération Serval au Mali, ont confirmé les lacunes capacitaires de l’armée de l’air en matière de transport aérien. Lors du déploiement initial au Mali, la totalité des C160, C130 et Airbus disponibles ont par exemple été utilisés, hormis trois appareils d’alerte en France et ceux positionnés outre-mer.

En matière de projection, relève et redéploiement de soldats, il n’a certes pas été nécessaire, sauf de manière très ponctuelle, de recourir à l’affrètement d’aéronefs civils, mais les moyens patrimoniaux français ont dû être renforcés de manière significative par nos partenaires de l’EATC, des États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada, principalement grâce à des avions C17.

S’agissant du fret, les moyens de l’armée de l’air ont assuré uniquement des missions de transport d’urgence et de faible tonnage, la quasi-totalité du transport par voie aérienne s’effectuant grâce à des affrètements ou à des marchés de commission. 75 % du fret projeté par voie aérienne au cours du premier semestre 2013 a ainsi été transporté par des avions affrétés (SALIS et ICS), 20 % par des vecteurs alliés C17 (États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada) et seulement 5 % par des avions militaires français ou alliés dans le cadre de l’EATC.

Or, si le recours à l’affrètement d’aéronefs de transport privés, notamment pour le transport stratégique, est aujourd’hui indispensable compte tenu de l’insuffisance des moyens de l’armée de l’air, celui-ci présente des inconvénients indéniables. En effet, la satisfaction de nos besoins nationaux dépend à la fois de la disponibilité technique des appareils, mais aussi de l’état de la demande internationale au moment de l’affrètement. Le contrat d’affrètement multinational SALIS (Antonov 124) n’intègre par exemple pas de garantie de disponibilité au profit de la communauté de nations clientes. De plus, le recours à un moyen civil privé expose potentiellement la France à un droit de retrait du prestataire, en cas d’engagement dans une zone à risques, ou pour des raisons politiques ou diplomatiques.

L’EATC, situé à Eindhoven (Pays-Bas), est la structure la plus avancée en matière de coopération de transport aérien et constitue un exemple de réussite de la démarche de mutualisation et de partage des capacités visant à rationaliser l’emploi des moyens de transport aérien militaire de cinq nations (Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas, Luxembourg). Fondée avant l’heure sur les principes du « Pooling and Sharing », l’EATC est issue d’une initiative franco-allemande rejointe par les pays du Benelux et exerce depuis décembre 2010, avec une capacité opérationnelle effective depuis mai 2011, des responsabilités directes de prestataire au service des nations qui l’ont rejoint. Il convient de souligner que c’est la première fois que des nations délèguent en temps de paix et de façon permanente, la responsabilité de gérer l’emploi de moyens militaires de transport à partir des demandes de chaque nation.

L’EATC est organisée autour de deux piliers :

– un pilier opérationnel, chargé d’assurer le contrôle opérationnel de la plupart des avions de transport et de ravitaillement en vol des cinq nations. Au quotidien, il planifie et contrôle une flotte d’environ 150 appareils, permettant ainsi de réaliser le maximum de synergies, tout en offrant un maximum de souplesse aux nations ;

– un pilier fonctionnel, principalement affecté à l’harmonisation des règlements, la standardisation des procédures, la préparation du futur et l’organisation d’exercices conjoints.

Ces deux piliers concourent à faire de l’EATC une structure permettant une rationalisation des moyens existants ainsi qu’un accroissement de l’interopérabilité dans le domaine du transport aérien militaire et du ravitaillement en vol. Il a démontré tout son intérêt au cours de récentes opérations (Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye et Mali).

Véritable creuset de l’intégration européenne, l’EATC est susceptible d’évoluer dans les années qui viennent pour accueillir de nouveaux membres, comme l’Espagne ou l’Italie par exemple, et accroître ses prérogatives dans le domaine du ravitaillement en vol, pour l’instant limité aux KDC10 néerlandais, A310 MRTT allemands et C160 ravitailleurs français, avec l’arrivée d’appareils multi rôles, A400M et A330 MRTT. Par la mutualisation des moyens aériens, qui offre une gamme plus large de vecteurs aériens adaptés à la demande, ainsi que par ses travaux d’harmonisation des procédures, l’EATC permet de rationaliser les missions aériennes de transport, tout en dégageant plus de ressources pour les entraînements.

Le rapporteur voit dans l’EATC un niveau sans précédent de coopération européenne dans le domaine de la défense.

Le MCCE (68), situé également à Eindhoven, est une organisation multinationale créée le 1er juillet 2007 qui assure la coordination de l’échange ou du partage des capacités de transport militaire aérien, mais aussi terrestre et maritime, entre 25 nations (69).

Dans le domaine aérien et à l’exclusion de l’activité gérée en propre par l’EATC, le MCCE est en charge de la gestion des échanges au niveau du transport et du ravitaillement en vol. Ceux-ci sont facilités par l’arrangement d’échanges ATARES (70). Il héberge la cellule de coordination de l’accord d’association SALIS (71).

Le projet EATF (72) vise, à l’initiative de 16 états membres, à fédérer l’ensemble des projets de coopération entre flottes de transport aérien européennes pour en rationaliser la cohérence et l’efficacité.

L’ambition de l’EATF est de créer un réseau d’organismes nationaux et multinationaux de flottes d’avions de transport, fondé sur des coopérations à la carte dans tout le spectre du transport aérien militaire, à l’image des alliances développées pour le transport aérien civil (« Skyteam militaire »). L’EATC participe en propre à ce projet et a vocation à en devenir l’un des moteurs. Les deux projets sont en effet complémentaires : l’EATC, très intégré, suppose un haut niveau d’engagement, tandis que l’EATF permet un engagement moindre dans la mesure où il permet la participation à la carte à des sous-projets.

Le marché SALIS est géré par l’agence OTAN de soutien (NSPA) et permet à des pays membres de l’OTAN et des États membres de l’Union européenne (73) d’affréter en commun six Antonov An-124-100 capables de transporter du fret exceptionnellement volumineux.

Ces aéronefs russes et ukrainiens sont utilisés, en attendant la livraison des Airbus A400M, comme solution provisoire pour pallier les lacunes capacitaires dans le domaine du transport aérien stratégique. Il est toutefois probable que l’arrivée de l’A400M ne mettra pas fin à l’utilisation des An-124-100, dans la mesure où il restera toujours des matériels non aérotransportables par A400M.

Le rapporteur souhaiterait pouvoir faire sienne la belle devise (« Fière de son passé, confiante dans son avenir ») de la Brigade aérienne d’appui et de projection (BAAP). Cependant, malgré la légitime fierté de voir arriver le premier A400M « Ville d’Orléans » sur la base aérienne 123 Orléans-Bricy, le cadencement de livraison des avions A400M et MRTT suscite chez lui certaines inquiétudes quant à la possibilité pour la France de combler rapidement ses lacunes capacitaires en matière d’aviation de transport militaire.

En effet, les capacités actuelles de transport aérien stratégique et tactique ne permettent pas de remplir le contrat opérationnel défini dans le Livre blanc de 2013 qui fixe pour objectif de pouvoir projeter une force de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes en sept jours à partir de la métropole ou d’une implantation à l’étranger. Ce contrat opérationnel ne pourrait selon lui être satisfait qu’à la fin des livraisons des A400M et MRTT (74,) dont l’horizon paraît s’éloigner.

Dès septembre 1984, l’armée de l’air a exprimé dans une fiche programme le besoin d’un futur avion de transport qui a été étudié au sein du Groupe d’armement de l’Europe occidentale (GAEO) et a abouti à la rédaction d’une fiche de caractéristiques militaires communes (ESR (75)) en mars 1997.

Ce projet revêtait dès le début une forte dimension politique, puisqu’il visait à renforcer l’Europe de la défense et intervenait après l’échec de la coopération en matière d’avions de chasse qui s’est traduit par le développement de deux avions concurrents, le Rafale et l’Eurofighter.

Le 27 juillet 2000, les ministres de la Défense des sept pays concernés par le programme (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg et Turquie) ont déclaré leur intention commune d’acquérir l’A400M et de confier la gestion de ce programme à l’OCCAR (76), structure européenne créée en 2001 pour gérer les programmes en coopération. Après diverses négociations, un contrat (DPP (77)) a été signé le 27 mai 2003 entre l’OCCAR et AMSL (78).

Fin 2008, AMSL a fait part de difficultés techniques importantes de nature à remettre en cause l’existence même du programme, ce qui a conduit à une renégociation du contrat et à la signature, le 7 avril 2011, d’un avenant au contrat initial (CA38 (79)).

L’A400M a reçu son certificat de type civil délivré par l’EASA (80) le 13 mars 2013, le moteur et l’hélice ayant été certifiés précédemment. Cette certification civile est intervenue tardivement, essentiellement en raison de difficultés rencontrées sur le moteur en 2012 qui ont retardé la réalisation de certains essais. Elle lui permet néanmoins de s’intégrer dans le trafic aérien commercial. Par ailleurs, l’A400M a reçu son certificat militaire par la DGA le 24 juillet 2013.

L’acceptation formelle du premier standard opérationnel (IOC) par tous les partenaires du programme, correspondant à une capacité de transport logistique, est intervenue le 31 juillet 2013. Le premier A400M français a été livré à l’armée de l’air le 2 août 2013 pour une mise en service opérationnelle prévue en septembre 2014.

L’A400M est particulièrement adapté aux missions de projection de forces au-delà des frontières nationales, en étant par exemple capable de déployer une base aérienne projetée, d’entrer en premier sur un théâtre d’opération, de livrer du matériel de combat au plus près des opérations ou de parachuter des troupes d’assaut ou des forces spéciales jusqu’à 12 000 mètres d’altitude.

Il permettra également d’assurer les missions de protection de l’armée de l’air, en particulier dans un contexte interministériel d’assistance dans le cas de catastrophes naturelles ou industrielles. Avion tactique à l’allonge stratégique, il est parfaitement adapté aux missions humanitaires et médicales ainsi qu’aux missions d’évacuation de ressortissants.

En mode tactique, il pourra acheminer rapidement et au plus près de la zone d’action des troupes et du matériel. Dans le même temps, son allonge le range également dans la catégorie des avions stratégiques, puisqu’il est capable de parcourir 6400 km sans ravitaillement avec 20 tonnes de chargement en soute. Cette autonomie passe à 4500 km avec 30 tonnes et à 3300 km avec 37 tonnes. À vide, l’A400M peut franchir 8700 km.

CAPACITÉ D’ALLONGE DE L’A400M

Source : http://www.meretmarine.com/fr/content/a400m-un-immense-challenge-europeen-qui-devient-realite-0

L’A400M est également un avion de transport rapide puisqu’il dispose d’une vitesse de croisière de 740 km/h, contre 540 km/h pour un C-130 Hercules et 460 km/h pour un C160 Transall.

L’A4000M pourra être ravitaillé en vol et également ravitailler d’autres aéronefs, avions de chasses, gros porteurs ou hélicoptères.

Sur le théâtre malien, les capacités tactiques et les performances de l’A400M aurait apporté une réelle plus-value opérationnelle. L’opération d’aérolargage sur Tombouctou aurait ainsi pu être réalisée en vol direct depuis la métropole. La conduite des opérations aéroterrestres aurait également pu être accélérée, en déployant plus rapidement les forces, en les soutenant sans rupture de charge et en évitant la saturation des plateformes aéronautiques.

Les capacités d’emport de l’A400M sont bien supérieures à celles des avions actuels.

Conçue pour le transport de charges lourdes et volumineuses, la soute de l’A400M (quatre mètres de large pour quatre mètres de haut et presque 18 mètres de long, soit 340 m3 contre 162 m3 pour le Transall) permet, en version cargo, d’emporter « une charge maximale de 37 tonnes et des « colis » de grandes dimensions. Il est, ainsi, possible d’embarquer un hélicoptère NH90, un EC725 ou un Chinook, ou encore deux Tigre. Côté véhicules, la soute peut accueillir, en plus de 54 soldats, un VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie) ou trois VAB (véhicules de l’avant blindés), ou deux véhicules de transport d’infanterie Stryker, ou deux camions de 5 tonnes, ou un semi-remorque transportant un conteneur, comme le TRM 10000. On peut aussi y loger des engins du génie (grues mobiles, pelleteuses…). Il est également possible d’embarquer 9 palettes militaires (standard OTAN) et 54 hommes, ou encore 116 parachutistes avec leur équipement. En fonction des besoins, le chargement et la configuration de la soute sont adaptables à loisir. L’A400M peut même se transformer en hôpital volant, avec une capacité de 66 brancards et une équipe médicale de 25 personnes. Alors qu’il peut abriter si nécessaire une unité de soins intensifs, le kit Morphée (module de réanimation pour patients à haute élongation d’évacuation) de l’armée française sera adapté sur l’Atlas dans les prochaines années »(81).

Le programme A400M recouvre plusieurs domaines où la coopération européenne prend progressivement corps. Il est en effet susceptible d’améliorer l’interopérabilité par une plus grande standardisation de l’exploitation de cet appareil entre les partenaires européens.

Dans le domaine du soutien, un premier contrat a été signé en février 2013 au profit de la France pour 18 mois à partir de la première livraison française. Ce contrat permet aujourd’hui d’assurer le soutien initial des avions français. Des discussions sont en cours avec les Britanniques en vue de poursuivre le soutien initial en coopération à compter de 2014. Le périmètre précis que recouvrira cette coopération n’est toutefois pas encore finalisé. Par ailleurs, un accord de coopération a été signé début juillet 2013 formalisant la volonté des sept pays signataires de gérer ensemble les activités du cœur commun du soutien, c’est-à-dire la gestion de la configuration des appareils, la gestion des faits techniques et la mise en place potentielle d’un stock commun de rechanges.

Dans le domaine de la formation, un arrangement technique franco-allemand devrait être signé à l’automne 2013 concrétisant la volonté des deux partenaires de mener la formation sur A400M en commun, en mutualisant les moyens de formation des techniciens et des équipages et en associant étroitement l’EATC aux travaux de définition des concepts, doctrine et programmes d’entraînements communs.

Le premier A400M a été livré début août à l’armée de l’air française. Les exemplaires suivants seront réceptionnés, à compter d’octobre 2013, sur une période qui se prolongera au-delà de la durée couverte par la LPM 2014-2019.

Dans sa description du nouveau modèle de l’armée de l’air, le Livre blanc 2013 fixait pourtant une cible globale « d’une cinquantaine d’avions de transport tactique », sans mentionner explicitement s’il s’agirait exclusivement d’A400M. Le rapport annexé du projet de loi de programmation militaire confirme cette cible globale de 50 avions de transport tactique, en précisant que deux A400M seront en parc en 2013 et que 13 A400M livrés au cours de la période 2014-2019.

Le projet annuel de performances pour 2014 confirme que seuls 15 A400M seront livrés d’ici 2019. Au cours de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées en date du 8 octobre, le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Mercier, a indiqué que « le calendrier de livraison est le suivant : deux avions cette année, quatre en 2014, quatre en 2015, trois en 2016 et deux en 2017. Nous connaîtrons ensuite quelques années sans livraison, puis celles-ci reprendront avec une atteinte de la cible finale au-delà des années 2020 ».

Le rapporteur constate en conséquence qu’au-delà de la cible de 15 A400M livrés au cours de la période 2013-2019, le cadencement des livraisons demeure pour le moins imprécis.

Les capacités opérationnelles de l’A400M ne seront mises en œuvre que très progressivement, entre 2013 et 2018, avec le déploiement de six standards successifs, pour lesquels aucun calendrier précis n’est aujourd’hui disponible :

– IOC : premier standard avec une capacité de transport logistique ;

– SOC1 : premières capacités de largages ;

– SOC1.5 : capacités de largage complètes, contre-mesures, premières capacités de ravitaillement en vol ;

– SOC2 : nouvelles fonctionnalités du système de gestion du vol (guidage navigation) ;

– SOC2.5 : capacités complètes de ravitaillement en vol ;

– SOC3 : capacités de navigation évoluées en basse altitude.

Le rapporteur appelle l’attention sur le fait que la capacité du A400M à être ravitaillé en vol n’est prévue que dans le standard SOC1.5 qui ne sera déployé, d’après les informations communiquées par la DGA, qu’« à l’horizon 2015 ».

C’est une unité du centre d’expériences aériennes militaires (CEAM), la Multinational Entry into Service Team (MEST), qui est chargée, avant la mise en service opérationnel de ce nouvel appareil, de l’expérimentation de l’appareil et de la formation des premières unités A400M.

Les difficultés rencontrées par Airbus military lors du développement de l’appareil ont failli mettre un terme à ce projet européen en 2008, avant que la renégociation du contrat en 2009 ne permette de sortir de l’impasse. Cette renégociation a cependant eu un effet direct sur le budget prévu, en augmentant le coût global du programme pour la France de 685 millions d’euros.

Plusieurs autres mesures ont été mises en œuvre depuis quelques années pour limiter les insuffisances des capacités de transport de l’armée de l’air dues au retard du programme A400M.

Ainsi, l’armée de l’air a acquis en mars 2010, pour un coût de 226,2 millions d’euros, huit cargos légers supplémentaires de type CASA CN 235, livrés entre 2011 et 2013, afin de préserver le potentiel des C160 et C130 destinés aux missions de projection tactiques et stratégiques.

Il a également été décidé de prolonger les C160 Transall au-delà de la date de 2015 qui avait été fixée initialement pour la fin de leur retrait de service, en échange d’un suivi individuel et d’une extension du programme des visites techniques réalisées par le service industriel de l’aéronautique (SIAé), pour un coût global de 81 millions d’euros.

De même, la France a décidé la prolongation de sa participation au contrat SALIS, qui est un contrat multinational qui prévoit depuis 2006 l’affrètement d’AN-124 russes et ukrainiens au profit des signataires membres de l’OTAN (deux appareils en permanence, deux autres sur préavis de six jours et deux appareils supplémentaires sur préavis de neuf jours). Ce contrat permet de disposer d’une capacité de projection stratégique de fret et matériels hors gabarit. Ces prestations ont été complétées par la passation en 2011, suite à un appel d’offre, d’un marché national d’affrètement de quatre ans, reconductible annuellement, avec la société ICS (82) garantissant la disponibilité d’avions cargo de différents types, en jours ouvrables et non ouvrables, sous un préavis minimum de deux mois.

Par ailleurs, le projet de LPM 2014-2019 prévoit de rénover la flotte C130, en s’attachant aux besoins tactiques liés aux opérations spéciales, afin de repousser son renouvellement après 2026. Des études de levées de risques ont été lancées, dont les résultats sont attendus en fin d’année 2013. Celles-ci devraient permettre de préparer la contractualisation de cette rénovation en 2015 pour des livraisons prévues à compter de 2018.

Le projet de LPM 2014-2019 envisage également de prolonger l’exploitation de 14 C160 Transall, de façon à repousser la fin de vie de cette flotte au-delà de 2020.

Le lancement du programme MRTT a été approuvé par le ministre de la Défense le 19 avril 2007. Les études conduites ont montré l’absence d’intérêt économique d’un contrat de partenariat et le principe d’une acquisition patrimoniale a donc été retenu.

Des travaux ont ensuite été menés dans le cadre d’un contrat de définition et de levée de risques notifiés à Airbus Military France fin décembre 2011. À la suite de ces travaux, la DGA a demandé, le 21 décembre 2012, une offre technique et financière à Airbus Military France, sur la base d’un scénario d’acquisition de quatorze appareils, en cohérence avec le Livre blanc de 2008 qui mentionnait « une flotte d’avions de ravitaillement et de transport comprenant de l’ordre de 14 appareils de type MRTT ».

Le projet de LPM 2014-2019 reprend la cible de 12 avions ravitailleurs multirôles définie par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, revue à la baisse par rapport au Livre blanc de 2008, mais ne programme que deux livraisons au cours de la période 2014-2019.

Le projet annuel de performances 2014 se contente d’indiquer que « la cible de l’opération MRTT sera définie au lancement de sa réalisation ».

Les échéanciers de commandes et livraisons du MRTT restent donc relativement flous. Le PLF 2014 prévoit cependant d’ores et déjà 360 millions d’autorisations d’engagement et 25,93 millions d’euros de crédits de paiement pour le programme MRTT. Parallèlement au programme d’armement, l’armée de l’air mène les travaux nécessaires à l’accueil des MRTT sur leur future base principale d’exploitation à Istres, dans le cadre du programme d’infrastructures MRTT financé sur le programme 212 « Soutien de la politique de la Défense » de la mission Défense.

La plaquette de présentation du PLF 2014 du ministère de la Défense indique quant à elle que « le passage au stade de réalisation est prévu en 2014, permettant ainsi d’engager le contrat d’acquisition patrimoniale, en vue d’une première livraison en 2018 ».

Le rapporteur déplore les incertitudes qui demeurent aujourd’hui sur les cadences d’acquisition et le calendrier d’entrée en service du MRTT dans les forces.

En premier lieu, sa capacité propre de transport stratégique de personnel et de fret permettra de renforcer l’aviation de transport militaire, lorsque ses autres missions, notamment de participation à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire et à la posture permanente de sûreté aérienne, le lui permettront. Le MRTT contribuera ainsi à la projection de forces et de puissance et au transport médicalisé dans le cadre d’une évacuation sanitaire stratégique.

En second lieu, sa capacité de ravitaillement en vol pourra être mise au service du déploiement de forces par l’aviation de transport militaire. Ainsi, la combinaison d’emploi des MRTT avec les A400M renforcera l’autonomie d’action de la France, en réduisant la dépendance aux avions cargo affrétés, principalement russo-ukrainiens, dont l’emploi pourra dès lors être concentré sur le fret hors gabarit.

Comme l’a souligné le général Denis Mercier, chef d’état-major des armées, « les avions ravitailleurs sont la clé de voûte de toutes nos opérations aériennes. Sans eux, nous ne pouvons pas disposer de la réactivité, de l’allonge et de l’endurance nécessaire pour assurer nos missions de dissuasion et d’intervention. Sans eux, l’emploi de notre aviation de chasse serait peu ou prou limité au territoire national. Sans eux, il n’y aurait pas de composante aéroportée de la dissuasion » (83), ce qu’a confirmé le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon, pour qui le MRTT est un programme essentiel, en particulier pour la dissuasion » (84).

Le rapporteur partage en effet pleinement le constat lucide du chef d’état-major des armées lorsqu’il déclare que « nos avions ravitailleurs ont cinquante ans et nous posent beaucoup de problèmes : ils demandent de la surmaintenance, ils nous coûtent cher. Si cette flotte devait rester clouée au sol pour une raison technique ou autre, la composante aéroportée serait inutilisable et nous ne disposerions plus de capacité à intervenir à distance, c’est-à-dire qu’en fait nous ne ferions plus grand-chose » (85).

Ce retard dans l’acquisition du MRTT est d’autant plus déplorable que celui-ci pourrait ouvrir des perspectives de coopération porteuses pour l’Europe de la défense et que le Livre blanc de 2013 prévoit de « rechercher rapidement auprès de nos partenaires européens une mise en commun des capacités indispensables à l’action ».

Le rapporteur est bien conscient que les perspectives de coopération sont nécessairement limitées pour ce qui concerne le volet acquisition du MRTT. Il est en effet impératif pour la France de préserver le caractère strictement national de l’acquisition des MRTT, en raison des spécificités liées à leur participation à la composante aéroportée de la dissuasion et de la nécessité de contractualiser dès 2014 compte tenu de l’âge de la flotte de ravitailleur C135.

Toutefois, l’emploi de notre future flotte de MRTT dans un cadre européen sur le modèle de l’EATC, voire l’accueil de MRTT européens sur la base aérienne d’Istres, pourrait être étudié. Dans ce sens, le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, a indiqué qu’il était « prêt à mettre le premier MRTT [français] en « pool » avec nos partenaires dès qu’il sera livré. Nous allons travailler avec l’EATC dans ce domaine » (86).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2013 à 16 heures 15) (87), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2014.

La commission examine l’amendement DN22 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Je tiens à préciser que si cet amendement ne comprend que mon nom, j’y associe l’ensemble des commissaires du groupe UMP.

Nos forces armées sont confrontées à un réel déficit d’entraînement à cause de l’insuffisance des moyens qui leur sont accordés par le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». La lecture des indicateurs de performance figurant dans le « bleu budgétaire » confirme cette appréciation. Elle permet de constater une réduction dangereuse, pour tout dire inacceptable, des ratios d’entraînement des forces. Les journées d’activité par homme, les heures de vol des pilotes et les jours de mer par bâtiment sont réduits de façon déraisonnable.

Je propose d’inverser cette tendance en prélevant un milliard d’euros sur le programme 402 « Excellence technologique des industries de défense » pour les verser au programme 178. Les crédits du programme 402 sont abondés cette année par les ressources exceptionnelles issues du plan d’investissements d’avenir (PIA) et je considère plus urgent de privilégier l’entraînement des forces aux dépenses de recherche, qui peuvent être légèrement décalées.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je suis totalement défavorable à cet amendement. Les ressources exceptionnelles attendues pour la mission « Défense » sont de 1,7 milliard d’euros pour l’année 2014, dont l’essentiel vient effectivement du PIA. Il est fondamental que notre recherche en bénéficie.

Mme la Présidente Patricia Adam. Je tiens à préciser que le programme 402 finance les recherches nécessaires en matière de dissuasion et d’observation spatiale, et notamment le programme MUSIS dont vous connaissez tous l’importance pour nos armées.

M. Yves Fromion. Je souligne que mon amendement ne concerne que l’action du programme 402 finançant la recherche en matière de dissuasion nucléaire.

Mme la Présidente Patricia Adam. Encore mieux, venant d’un gaulliste comme vous !

M. Yves Fromion. Je considère en effet que le nucléaire peut sans doute consentir un léger décalage dans le temps au profit de la priorité assumée de l’entraînement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN22. Elle examine ensuite l’amendement DN18 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Cet amendement propose d’abonder les crédits du programme 178 pour financer l’acquisition de nouveaux canons d’artillerie de gros calibre CAESAR. Alors que la précédente LPM prévoyait l’acquisition de nouveaux systèmes, le projet actuel de LPM ne prévoit aucune commande dans ce domaine. Nous risquons donc de perdre notre compétence artillerie de gros calibre. Cela irait à l’encontre de ce que nous avait affirmé le ministre tout à l’heure, à savoir que le projet de LPM ne comportait aucun risque de rupture capacitaire. Poursuivons donc le programme CAESAR, comme nous le faisons avec le Rafale, pour maintenir un seuil minimum de compétence.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis. Le ministre vient de nous expliquer que ce risque de rupture capacitaire n’existait pas pour le moment. Il est trop tôt pour effectuer de nouvelles commandes. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN18. Elle examine ensuite l’amendement DN19 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Le ministre s’est déjà exprimé sur les équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC) et a rappelé leur importance. La faible dotation qu’ils reçoivent au sein du programme 178 rend difficile l’accomplissement des missions de l’état-major de l’armée de terre. Année après année, les chefs d’état-major successifs de l’armée de terre attirent notre attention sur la faiblesse de ces dotations. Il faut donc remédier à cette situation et faire en sorte que ces équipements ne soient pas les laissés pour compte de la programmation.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN19. Elle examine ensuite l’amendement DN20 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Cet amendement est la déclinaison du précédent pour les forces navales.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. Cet amendement propose d’augmenter les crédits d’EAC des forces navales de 50 millions d’euros pour 2014. Mais le projet de loi de finances prévoit déjà de les augmenter de 45 millions en 2014, avec une augmentation de 86 % avec fonds de concours et attributions de produits par rapport à l’année passée. Je dirais donc que cet amendement est satisfait.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN20. Elle examine ensuite l’amendement DN21 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Comme les deux précédents, cet amendement propose d’augmenter les crédits d’EAC mais, cette fois, de l’armée de l’air.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Je suis d’accord sur le fond de cet amendement et l’importance qui doit être accordée aux crédits d’EAC de l’armée de l’air. Mais le problème est que cet amendement prélève des crédits sur le programme 402, qui est tout aussi important.

On comprendra donc que je ne peux donner un avis favorable à cette proposition, car j’ai déjà annoncé que je donnerai un avis défavorable aux crédits « Préparation et emploi des forces » de l’armée de l’air. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement.

La commission rejette l’amendement DN21.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense ».

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Je tiens à préciser que je m’abstiendrai sur les crédits concernant le « Soutien logistique et interarmées ».

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Après avoir entendu les conclusions du rapporteur pour avis préconisant un avis défavorable, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Préparation et emploi des forces : Air » de la mission « Défense ».

ANNEXE

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