N° 1433
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2014 (n° 1395)
TOME VII
DÉFENSE
ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION
PAR M. Jean-Jacques BRIDEY
Député
——
Voir le numéro : 1428 (annexe 11)
___
Pages
I. PRÉSENTATION DES CRÉDITS POUR L’ANNÉE 2014, PREMIÈRE ANNUITÉE DE LA LPM 2014-2019 7
A. DES CRÉDITS 2014 CONFORMES À LA PROGRAMMATION 7
1. Une loi de programmation qui conforte notre modèle d’armée 7
2. Les crédits d’équipement préservés 8
3. Un rythme de commandes et de livraisons soutenu 10
B. UNE BONNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE INDISPENSABLE À UNE BONNE ENTRÉE DANS LA LPM 2014-2019 12
II. ANALYSE DES PRINCIPAUX PROGRAMMES D’ARMEMENT 15
A. LA DISSUASION 15
B. COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION 16
C. PROJECTION-MOBILITÉ SOUTIEN 16
D. ENGAGEMENT ET COMBAT 17
E. PROTECTION ET SAUVEGARDE 18
F. PRÉPARATION ET CONDUITE DES PROGRAMMES D’ARMEMENT 18
III. LE PROGRAMME 402 : « EXCELLENCE TECHNOLOGIQUE DES INDUSTRIES DE DÉFENSE » 19
DEUXIÈME PARTIE : LES PRINCIPES DE DIFFÉRENCIATION ET DE MUTUALISATION DANS NOTRE NOUVELLE STRATÉGIE DE DÉFENSE 21
I. L’AFFIRMATION DU PRINCIPE DE DIFFÉRENCIATION DANS NOTRE STRATEGIE DE DÉFENSE 22
A. PLUS QU’UNE RÉELLE NOUVEAUTÉ, UN CHOIX PRAGMATIQUE 22
1. Une stratégie de défense jusqu’ici fondée sur la polyvalence 22
2. Une adaptation à la réalité budgétaire 23
B. UNE APPLICATION ADAPTÉE À CHAQUE ARMÉE 24
1. L’armée de terre : une différenciation déjà appliquée 24
2. La marine nationale : un éventail d’équipements très large 25
3. L’armée de l’air : un entraînement désormais différencié 25
II. UNE AMBITION STRATÉGIQUE INTACTE MAIS CONTRAINTE 26
A. LA MUTUALISATION, NÉCESSAIRE COMPLÉMENT DE LA DIFFÉRENCIATION 26
1. Mutualiser certaines capacités « rares et critiques » 26
2. L’obligation de choisir entre certaines missions ? 27
B. QUEL IMPACT SUR LE RYTHME DE MODERNISATION DES FORCES ? 28
1. L’indispensable hiérarchisation des priorités 28
2. Sans méconnaître certains risques 30
3. Ni bouleverser les délicats équilibres 31
TRAVAUX DE LA COMMISSION 33
Avec l’examen de ce projet de loi de finances pour 2014, nous inaugurons une séquence nouvelle, celle de l’entrée en vigueur prochaine du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
Alors que le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a permis de redéfinir nos stratégies, nos objectifs et nos besoins, cette loi de programmation détermine la configuration de nos armées pour les années à venir.
Son niveau d’ambition demeure très élevé car elle veille à préserver l’ensemble des compétences de nos armes et leur cohérence d’ensemble. Elle tient cependant compte de la réalité de nos comptes publics afin que son exécution ne s’éloigne pas, cette fois, de la trajectoire initiale. Si elle se veut plus réaliste que la précédente, elle doit permettre d’assurer un large renouvellement des équipements des forces armées, auquel le programme 146 « Équipement des forces » apporte la plus grande contribution.
Ce programme comprend pour cela cinq actions de politique publique qui regroupent les opérations d’armement visant l’équipement des forces terrestres, navales et aériennes, ainsi que la composante interarmées (actions 06 « Dissuasion » à 10 « Protection et sauvegarde »).
L’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » est quant à elle, une action de soutien intra et interprogrammes. Elle a pour finalité d’assurer la maîtrise d’ouvrage des programmes et des opérations d’armement, effectuée par la direction générale de l’armement (DGA) dans un souci de cohérence entre performances techniques, contraintes financières, respect des délais et des capacités industrielles.
Outre le programme 146, le présent rapport examinera cette année un nouveau programme, le 402, intitulé « Excellence technologique des industries de défense », qui a pour vocation de financer le volet recherche dans le domaine du nucléaire et de l’observation spatiale du programme d’investissements d’avenir (PIA) annoncé par le Premier ministre le 9 juillet 2013.
La première partie de ce rapport est consacrée à l’analyse des crédits de ces deux programmes. La deuxième partie étudie deux principes mis en avant par le nouveau Livre blanc et le projet de loi de programmation militaire : la différenciation et la mutualisation.
Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 23 septembre 2013. À cette date, seules 9 réponses étaient parvenues, soit un taux de 17,31 %.
Au 10 octobre 2013, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 52 réponses étaient parvenues, soit un taux de 96,30 %. Le rapporteur regrette que beaucoup de réponses aient fait l’objet d’une classification, pas toujours justifiée au regard des informations qu’elles contenaient.
PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DES CRÉDITS POUR 2014 ET DES PROGRAMMES D’ARMEMENT
La stratégie générale présentée par dans le Livre blanc de 2013 s’articule autour de trois grandes priorités, structurantes pour les forces armées :
– la protection du territoire national et des français, pour garantir l’intégrité du territoire contre tous les types de menaces et préserver la résilience de la Nation ;
– la dissuasion nucléaire, qui constitue la garantie ultime de la sécurité, de la protection et de la liberté de décision de la Nation ;
– l’intervention à l’extérieur du territoire national qui vise, par la projection de capacités militaires, à protéger nos ressortissants, défendre nos intérêts dans le monde et honorer nos engagements internationaux.
Cette stratégie générale se décline ensuite à travers quatre principes directeurs qui sont au fondement des choix d’équipement présentés par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
Le premier principe directeur vise à assurer l’autonomie stratégique de la France. Pour satisfaire cette exigence, la LPM prévoit d’accorder les moyens nécessaires à la pérennité de la dissuasion, de développer nos capacités de renseignement et d’engagement au contact de l’adversaire à travers des programmes de premier plan (avions Rafale, frégates FREMM, missiles MMP et programme Scorpion) et de consolider notre capacité à intervenir « en premier » à l’extérieur grâce notamment aux frappes dans la profondeur (missiles de croisière) et à la livraison, tant attendues, des premiers ravitailleurs multi-rôles (MRTT).
Le deuxième principe assure la cohérence de notre modèle, capable d’accomplir des missions très variées : répondre aux menaces d’emploi de la force par des États, conduire dans la durée des opérations de gestion de crises de tous types, pourvoir à la protection des intérêts vitaux de notre pays.
La loi de programmation militaire introduit ensuite un troisième principe, celui de la différenciation des forces, qui vise à les distinguer en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir (forces de dissuasion, forces de protection, forces de gestion de crise, forces de coercition). Il s’agit en fait d’adapter au plus juste besoin la préparation et l’équipement des forces.
Enfin, le quatrième principe directeur, celui de mutualisation, consiste à affecter un noyau de capacités polyvalentes et rares à plusieurs missions ainsi qu’à mettre en commun certaines capacités critiques dans le cadre de l’Europe de la défense.
Ces quatre principes directeurs s’appliqueront à la stratégie de renouvellement des équipements dont l’objectif premier est de remédier aux lacunes identifiées. Si aucun nouveau programme n’est lancé, les programmes d’équipements lancés en 2009 se poursuivront, selon un rythme et un volume qui prennent en compte la contrainte budgétaire.
Alors que la précédente LPM était souvent qualifiée de LPM « de production », force est de constater que l’effort d’équipement pour les années à venir n’est pas moins significatif. Le renouvellement des équipements des forces armées bénéficiera ainsi de 102,7 milliards d’euros courants sur la période 2014-2019, soit 54 % des ressources totales, (contre 101,2 milliards d’euros 2008 prévus sur la période 2008-2014), ce qui représente une dotation annuelle moyenne de plus de 17 milliards d’euros (contre 17,3 milliards d’euros prévus en moyenne sur la période 2009-2012 mais seulement 15,9 milliards exécutés !). Cette dotation se répartira de la sorte :
– 23,3 milliards d’euros pour la dissuasion nucléaire (contre 20,2 milliards prévus dans la LPM 2009-2014) ;
– 49,2 milliards d’euros pour les opérations d’équipements, répartis entre 34 milliards d’euros pour les programmes à effet majeur et 15,2 milliards pour les équipements d’accompagnement, destinés à compléter la cohérence capacitaire et organique des forces (contre 50,6 milliards d’euros prévus dans la PLM 2009-2014) ;
– 20,6 milliards d’euros pour l’entretien programmé des matériels (contre 17,2 milliards d’euros prévus dans la LPM 2009-2014) ;
– 6,1 milliards d’euros pour les infrastructures (contre 8 milliards d’euros prévus dans la LPM 2009-2014) ;
– 4,4 milliards d’euros pour les dépenses d’avenir à travers les études amont (contre 5,25 milliards d’euros prévus dans la LPM 2009-2014).
Pour l’année 2014, première annuité de la LPM, les crédits d’équipements du projet de loi de finances sont au rendez-vous de la programmation. Ils s’élèvent en effet à 16,5 milliards d’euros, contre 16 milliards en 2013.
Les crédits du programme 146 représentent l’essentiel de ces crédits d’équipement. L’effort moyen sur la période de programmation sera de 10 milliards d’euros par an, soit 59,5 milliards d’euros au total, répartis entre les programmes à effet majeur (PEM), les autres opérations d’armement (AOA) et la dissuasion.
En 2014, les crédits du programme 146 s’élèveront à 12,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 10,3 milliards en crédits de paiements, soit une hausse de 17,3 % en AE et une baisse de 6,6 % en CP par rapport à 2013.
Le tableau ci-après décrit, par action, l’évolution des crédits du programme pour les années 2013 et 2014.
ÉQUIPEMENT DES FORCES : PROGRAMME 146 | |||||||
(en millions d’euros) | |||||||
|
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | ||||
Numéro et intitulé de l’action |
LFI 2013 |
PLF 2014 |
Évolution en % |
LFI 2013 |
PLF 2014 |
Évolution en % | |
6 |
Dissuasion |
2 442 |
2 415 |
-1,1 % |
2 505 |
1 901 |
-31,8 % |
7 |
Commandement et maîtrise de l’information |
1 802 |
1 597 |
-12,8 % |
513 |
1 276 |
+ 59,8 % |
8 |
Projection - mobilité - soutien |
824 |
1 714 |
+ 51,9 % |
962 |
936 |
-2,8 % |
9 |
Engagement et combat |
2 175 |
3 868 |
+ 43,8 % |
4 396 |
3 695 |
-19,0 % |
10 |
Protection et sauvegarde |
612 |
453 |
-35,1 % |
367 |
337 |
-8,9 % |
11 |
Préparation et conduite des opérations d’armement |
2 228 |
2 144 |
-3,9 % |
2 226 |
2 144 |
-3,8 % |
12 |
Parts étrangères et programmes civils |
/ |
/ |
||||
|
Total |
10 085 |
12 193 |
+ 17,3 % |
10 969 |
10 289 |
-6,6 % |
Source : Projet annuel de performances 2014. |
Les ressources du programme incluent 1,5 milliard d’euros de ressources exceptionnelles, issues du plan d’investissement d’avenir au bénéfice de l’excellence technologique de l’industrie de défense. La quasi-totalité de ces ressources sera consacrée au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), pour des projets de développement et de recherche, le restant bénéficiant au programme MUSIS au travers du Centre national d’études spatiales (CNES).
Conformément au projet de LPM, l’année 2014 sera notamment marquée par le lancement de l’acquisition de l’avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT), d’un système de drones MALE, de 20 torpilles lourdes ARTEMIS ou encore du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) du programme Barracuda. Ces principales commandes sont détaillées dans le tableau ci-après.
PRINCIPALES COMMANDES DE L’ANNÉE 2014 |
Lancement des travaux de la prochaine version du M51 |
34 stations tactiques de communication ASTRIDE |
285 stations de communication par satellite haut débit COMCEPT |
66 stations de communication radio HF MELCHIOR |
La dernière station sol de communication par satellite SYRACUSE III |
6 réseaux navals RIFAN étape 2 |
33 modules projetables du système d’information des armées |
La surveillance de systèmes dans le cadre de la cyberdéfense |
609 kits de numérisation des communications tactiques NUMTACT |
1 système d’avion léger de surveillance et de renseignement (ALSA 2R) |
1 système de drone moyenne altitude longue endurance (MALE) |
20 torpilles lourdes ARTEMIS |
Retrofit d’hélicoptères Tigre de standard HAP au standard HAD |
1 sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda |
19 pods de désignation laser nouvelle génération |
250 PPT |
Acquisition de 2 avions de transport à très long rayon d’action |
Des patrouilleurs légers |
Source : ministère de la Défense. |
La livraison de nombreux matériels est également attendue en 2014, au premier rang desquels on peut souligner quatre avions de transport A400M et onze avions de chasse Rafale, des hélicoptères Tigre et NH-90, une frégate FREMM ainsi que le missile de croisière naval (MdCN). Le tableau ci-dessous détaille les principales livraisons des années 2013 et 2014.
LIVRAISONS INTERVENANT SUR LA PÉRIODE 2013-2014
Livraisons 2013 |
Livraisons 2014 |
- |
1 Frégate multimissions FREMM |
Livraison de l’adaptation du SNLE Le Vigilant au M51 |
- |
25 torpilles MU90 |
25 torpilles MU90 |
1 C160 Gabriel rénové - aéronef spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique |
- |
1 SDCA rénové mi-vie | |
11 avions RAFALE |
11 avions RAFALE |
- |
2 avions RAFALE retrofités standard F3 |
2 CASA CN 235 - avions cargo |
- |
2 A400M |
4 A400M |
1 Falcon 50 SURMAR – transformation en version de surveillance maritime |
1 Falcon 50 SURMAR – transformation en version de surveillance maritime |
220 armements air-sol modulaires (AASM) |
220 armements air-sol modulaires (AASM) |
4036 équipements FELIN |
4036 derniers équipements FELIN |
83 blindés VBCI |
77 blindés VBCI |
4 hélicoptères TIGRE de type HAD (Hélicoptères Appui Destruction) |
4 hélicoptères TIGRE de type HAD (Hélicoptères Appui Destruction) |
1 hélicoptère EC725 CARACAL (relance) |
- |
4 hélicoptères NH 90 en version TTH |
4 hélicoptères NH 90 en version TTH |
3 hélicoptères NH 90 en version NFH |
3 hélicoptères NH 90 en version NFH |
6 hélicoptères COUGAR rénovés |
5 hélicoptères COUGAR rénovés |
2 systèmes sol-air moyenne portée terrestres (SAMP/T) de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) |
1 système sol-air moyenne portée terrestres (SAMP/T) de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) |
130 petits véhicules protégés (PVP) |
- |
3 systèmes de franchissement (SPRAT) |
- |
12 missiles Aster 30 |
7 missiles Aster 30 |
11 missiles Aster 15 |
10 missiles Aster 15 |
265 missiles Mistral rénovés |
300 missiles Mistral rénovés |
1500 ensembles de parachutage du combattant (EPC) |
1500 ensembles de parachutage du combattant (EPC) |
72 Porteurs Polyvalents Terrestres (PPT) |
115 Porteurs Polyvalents Terrestres (PPT) |
252 roquettes GMLRS-U pour LRU |
13 lanceurs modernisés LRU |
- |
60 missiles de croisière navals (MDCN) |
3 radars de surveillance aérienne Haute et Moyenne Altitude rénovés (SCCOA4) |
3 radars de surveillance aérienne Haute et Moyenne Altitude rénovés (SCCOA4) |
- |
Le centre de commandement, détection et contrôle des opérations aériennes de Lyon (SCCOA) |
22 kits de numérisation (SI TERRE) |
16 kits de numérisation (SI TERRE) |
4 stations ASTRIDE phase 2 |
6 stations ASTRIDE phase 2 |
62 sites du réseau RDIP |
44 sites du réseau RDIP |
2 stations segment sol (SYRACUSE III) |
3 stations segment sol (SYRACUSE III) |
13 systèmes RIFAN étape 2 |
15 systèmes RIFAN étape 2 |
4 stations sol utilisateurs COMCEPT |
40 stations sol utilisateurs COMCEPT |
1500 TEOREM |
- |
- |
2 stations navales SSU (TELCOMARSAT) |
- |
26 modules projetables (SIA) |
- |
Le satellite des télécommunications franco-italien SICRAL |
Source : ministère de la Défense.
La réussite de la programmation à venir est conditionnée à la bonne exécution de la LPM qui s’achève. Or, deux risques pèsent en 2013 sur l’exécution budgétaire du programme 146 et pourraient venir perturber une bonne entrée dans la LPM 2014 - 2019
Tout d’abord les résultats de l’exécution de la LPM qui s’achève vont finalement faire supporter à la LPM qui s’ouvre un report de charge estimé à 3 milliards d’euros dont 2 milliards au seul titre du programme 146 : ce niveau trop élevé de report de charge - d’un montant équivalent à environ 20 % des crédits annuellement budgétés – va venir fragiliser la bonne exécution d la LPM qui s’ouvre. Il serait souhaitable que d’ici la fin de la période (2019) ce report de charge soit réduit à un niveau acceptable (aux alentours du milliard d’euros).
Ensuite, lors de la préparation du budget 2013, un peu plus de 750 millions d’euros de crédits ont été gelés (536 millions d’euros au titre de la réserve de précaution initiale et 215 millions au titre du surgel), crédits qui ne sont toujours pas débloqués à l’heure actuelle (fin octobre). Le maintien de ces gels ne ferait qu’accroître dangereusement le report de charge et, par conséquence, rendre très délicate l’exécution budgétaire 2014 et compromettre notre objectif de réduction de ce report de charge d’ici 2019.
Les crédits dédiés à la dissuasion demeurent naturellement importants dans le projet de loi de finances pour 2014 : ils s’élèvent à 2,4 milliards d’euros en AE et 1,9 milliard en CP au sein du programme 146 et à 3,1 milliards d’euros en AE et 3,5 milliards en CP au total, en incluant les crédits des programmes 178, 212 et 144.
Cette remarquable stabilité des crédits consacrés à notre dissuasion nucléaire traduit l’engagement sans faille du Président de la République pour garantir nos capacités dans ce domaine, grâce à ses deux composantes, océanique et aéroportée, dont le maintien a été réaffirmé.
La période 2014-2019 sera marquée à la fois par la poursuite de la modernisation des composantes et la préparation de leur renouvellement.
Dès 2014, la composante océanique bénéficiera d’une mise à niveau de ses moyens et des installations, avec la poursuite de l’adaptation de trois sous-marins au missile M51, le Terrible ayant été construit directement en M51. La livraison de l’adaptation du Vigilant devrait être faite en décembre 2013, la commande de l’adaptation du Triomphant ayant été effectuée en juillet 2012.
Le lancement du développement de la future version de ce missile, le M51.2, est également prévu en 2014. Il devrait être mis en service à partir de 2016. Les travaux de conception du sous-marin nucléaire lanceur d’engin de troisième génération continueront aussi en 2014.
La composante aéroportée verra se poursuivre les travaux de rénovation à mi-vie du missile ASMP-A et les études technologiques de son successeur. Surtout, le lancement de l’acquisition d’une flotte de douze MRTT permettra de de mettre à la fin fragilité de notre flotte actuelle de ravitailleurs en vol (cf.infra.)
Les systèmes de transmission nucléaires feront l’objet de mesures de modernisation touchant principalement les réseaux de longue portée et durcis pour les deux composantes.
La simulation, conduite par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), se concrétisera avec la mise en service progressive du laser mégajoule, tout en poursuivant la coopération franco-britannique dans le cadre du programme TEUTATES. Une partie des besoins de financement pour 2014 sera prise en charge par le programme d’investissement d’avenir.
Les crédits de l’action 7, Commandement et maîtrise de l’information s’élèveront en 2014 à 1,6 milliard d’euros en AE et 1,3 milliard en CP, soit une hausse de près de 60 % par rapport à 2013. Il traduit là la volonté de mettre en œuvre l’un des quatre principes directeurs retenus par le Livre blanc, la préservation de notre autonomie stratégique. Ce système de forces garantit en effet notre autonomie de décision et nécessite donc de disposer de moyens de recueil de l’information ainsi que de moyens de transmission et d’exploitation.
Parmi les principaux événements de l’année 2014, on retiendra tout d’abord la livraison, au centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes de Lyon du système SCCOA. Le système SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations aériennes) permet d’assurer les missions de surveillance et de contrôle de l’espace aérien, de coordination de la défense sol-air, de préparation et de conduite des opérations aériennes. Les crédits pour 2014 permettront notamment l’acquisition de radars basse et moyenne altitude de défense aérienne ainsi que la réalisation de travaux d’architecture et de réalisation de la phase 2 de l’étape 4 du programme.
L’acquisition d’un système de drones MALE était particulièrement attendue. L’armée de l’air met aujourd’hui en œuvre des drones de théâtre SIDM, appelés Harfang, pour des missions de renseignement et d’appui des forces terrestres déployées au sol. Le système de drones MALE est appelé à lui succéder, avec des performances accrues. La LPM prévoit l’acquisition de 12 drones d’ici 2019.
Pour répondre aux urgences opérationnelles, deux drones Reaper ont été commandés cet été aux États-Unis et seront livrés avant la fin de l’année 2013. Dix autres drones seront commandés, leur type devant être défini par leur capacité à être adaptés à nos besoins spécifiques. L’ensemble de la feuille de route du programme sera décidé au premier semestre 2014, notamment à la lumière des résultats de l’étude portant sur la « francisation » qui aura été menée d’ici là. 310 millions d’euros sont inscrits en 2014 pour ce système de drones.
En complément, le programme ALSA 2 R permettra de doter les forces d’une capacité de surveillance, de reconnaissance et de renseignement sur des avions légers.
Cette action vise à disposer de moyens permettant la projection des forces sur des théâtres d’opération éloignés de la métropole, leur mobilité à l’intérieur de ces théâtres et leur soutien durant toute la durée de l’opération. Les crédits inscrits pour 2014 s’élèvent à 1,7 milliard d’euros en AE et 939 millions en CP.
L’événement majeur de l’année 2014 est naturellement la livraison, tant attendue, des avions de transport A400M. Cet avion remplacera progressivement la flotte de transports tactique de C160 Transall dont le retrait du service actif a débuté. Il assurera également un complément à la capacité de ravitaillement aérien.
La cible globale prévue par le Livre blanc de 2013 est de 50 avions. Deux ont été livrés, quatre le seront en 2014 et 15 auront été livrés en 2019.
Non moins important, le lancement de l’acquisition d’avions MRTT répond à un besoin opérationnel identifié de longue date. Le MRTT (pour Muti-Role Transport Tanker) est destiné à remplacer les composantes actuelles de ravitaillement en vol, assuré aujourd’hui par les C-135 FR et KC-135 R, mais aussi de transport stratégique de personnel et de fret. À terme, les forces armées disposeront donc d’un parc unique d’avions gros porteurs polyvalents.
Il est encore trop tôt pour connaître la cible du programme ainsi que les échéanciers de commande et de livraison. 360 millions d’euros sont inscrits en 2014 pour le lancement de ce programme.
L’hélicoptère NH-90 est destiné à renouveler les flottes de transport tactique et de lutte anti-sous-marine. Il se décline en deux versions principales, le NFH (NATO Frigate Helicopter) pour la lutte anti-sous-marine, et le TTH (Tactical Transport Helicopter), à destination de l’armée de terre, pour le transport de matériel et l’héliportage de commandos. Trois livraisons de la version « marine » sont attendues en 2014, après trois effectuées en 2013, pour une cible globale de 27 appareils. Quatre appareils sont attendus en 2014 dans l’armée de terre.
Le système de forces Engagement et combat permet l’engagement des forces dans le but d’altérer le potentiel adverse, de contrôler et de maîtriser le théâtre dans toutes ses dimensions. Les crédits inscrits pour 2014 s’élèvent à 3,8 milliards d’euros en AE et 3,7 milliards en CP.
L’année 2014 verra la livraison d’un premier lot de missiles de croisière naval (MdCN). Il équipera, pour des frappes dans la profondeur (1 000 km), les frégates FREMM et les sous-marins Barracuda. La cible initiale du programme, 250 missiles, fait l’objet aujourd’hui de réflexions.
Onze avions de chasse Rafale seront livrés en 2014. Les crédits pour l’année 2014 permettront de commander des équipements de mission, des moyens de soutien et d’approvisionnement ainsi que des travaux de développement complémentaires du nouveau standard F3R. La principale incertitude qui pèse sur le calendrier de ce programme est, nous l’avons vu, la réalisation des hypothèses d’exportation sur lesquelles a été construite la LPM.
Destinées à constituer l’ossature future de la marine nationale, les frégates multi-missions (FREMM) permettront d’effectuer un important saut qualitatif. Une frégate sera livrée en 2014, après une première en 2013. La cible initiale, de 11 navires, fait aujourd’hui l’objet de réflexions sur les caractéristiques des trois dernières frégates de la série, la décision les concernant ne devant être prise qu’en 2016.
Le quatrième sous-marin d’attaque Barracuda sera commandé, conformément au calendrier initial du programme, en 2014, deux autres devant l’être après 2014. L’admission au service actif du premier sous-marin du programme est prévue en 2018, soit un décalage d’une année. 572 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour cette commande en 2014.
Le lancement du programme SCORPION était particulièrement attendu par l’armée de terre. Il vise à assurer la modernisation des groupements tactiques interarmes par le remplacement ou la modernisation des véhicules et le développement de technologies nouvelles pour l’échange d’informations. Au stade de l’élaboration depuis 2010, le programme devrait franchir l’étape de la réalisation en 2014. 20 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus en 2014 pour financer le complément du marché d’architecture et le lancement de la réalisation des véhicules.
L’action 10, Protection et sauvegarde, finance les moyens destinés à assurer la sécurisation des approches et des espaces, aériens et maritimes. Ses crédits pour 2014 s’élèvent à 453 millions d’euros en AE et 336 millions en CP.
Ces crédits permettront notamment de poursuivre les travaux de rénovation à mi-vie du Mirage 2000 et de financer la suite de la commande des bâtiments multi-mission (B2M) et des patrouilleurs légers guyanais.
Cette action a pour finalité d’assurer la maîtrise d’ouvrage des programmes et des opérations d’armement. Elle regroupe les activités de fonctionnement de la direction générale de l’armement (DGA) et des services qui lui sont rattachés. 2,14 milliards d’euros d’AE et de CP sont inscrits pour 2014.
Forte de plus de 10 000 personnes, la DGA a pleinement participé à l’effort de réduction des effectifs entamé sous la précédente programmation, ces derniers ayant baissé de 4 %. Des mesures d’incitation aux départs ont été prises : les indemnités de départ volontaire (IDV) pour les ouvriers de l’État (2,99 millions d’euros accordés pour 2013) et le pécule pour les officiers de l’armement (quatre millions accordés pour 2013). Le Livre blanc et le projet de loi de programmation militaire confirment les missions de la DGA, les programmes et le besoin de l’ensemble des capacités d’essai. Par conséquent, seuls des gains de productivité peuvent désormais être envisagés.
Un processus de regroupement des services parisiens de la DGA a été engagé fin 2005 en deux étapes. Une première étape a consisté à réduire dès 2007 le nombre d’implantations de six à trois : Arcueil (fort de Montrouge), Balard et Bagneux comme site principal. La seconde étape, à mener ultérieurement, prévoyait un regroupement sur un seul site ou, à défaut, deux sites géographiquement proches.
Le projet ministériel de transformation du site de Balard permet d’inscrire cette seconde étape dans un regroupement plus général de l’ensemble des services centraux du ministère. Le délégué général pour l’armement, les échelons centraux des directions de la DGA et les unités de management de la direction des opérations ont ainsi vocation à être installés sur le site de Balard à l’issue des travaux d’aménagement de ce site, en 2015.
L’effectif correspondant est estimé pour la DGA à 2 650 personnes.
L’adaptation des infrastructures de Balard est couverte par le contrat de partenariat souscrit entre le ministère et la société Opale pour la réalisation et l’exploitation du nouveau siège du ministère. Le déménagement à Balard et l’installation sur le site seront assurés par le service parisien du soutien de l’administration centrale (SPAC), dépendant du SGA, œuvrant pour le compte de l’ensemble des organismes concernés.
Le programme 146 prévoit de contribuer au financement de la redevance due au titre du contrat de partenariat par redéploiement des crédits correspondant aux prestations dont l’installation à Balard permettra de s’affranchir : loyer et marché de soutien multi-services du site de Bagneux, soutien informatique des agents installés sur ce site.
Le lieu d’implantation des autres services parisiens de la DGA sera le fort de Montrouge à Arcueil, pour un effectif estimé à 450 personnes environ à la même échéance de 2015. Les déménagements nécessaires vers Arcueil ont été opérés en 2012.
Le programme « Excellence technologique des industries de défense » est un nouveau programme. Il s’inscrit dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA) d’un montant global de 12 milliards d’euros annoncé par le Premier ministre le 9 juillet 2013. Il vise à développer la recherche et la technologie dans les domaines des applications défense de l’énergie nucléaire et de l’observation spatiale.
PRÉSENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 402 (en millions d’euros) | |||
PLF 204 | |||
Numéro et intitulé |
AE |
CP | |
Action 1 |
Maîtrise des technologies nucléaires |
1 328,10 |
1 328,10 |
Action 2 |
Maîtrise des technologies spatiales |
171,90 |
171,90 |
TOTAL |
1 500,00 |
1 500,00 | |
Source : Projet annuel de performances pour 2014 |
Les crédits ouverts par l’action 1, Maîtrise des technologies nucléaires, seront utilisés pour financer certaines activités conduites par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le domaine de la défense. Ces activités seront essentiellement conduites au profit du système de force « Dissuasion », qui représente la garantie fondamentale de la sécurité nationale. Elles intéressent également les chaufferies nucléaires des sous-marins d’attaque et du porte-avions Charles de Gaulle.
Les crédits ouverts au titre de l’action 2, Maîtrise des technologies spatiales, seront utilisés pour financer par le Centre national d’études spatiales (CNES) des activités dans le domaine de la défense et plus spécifiquement, celles relatives au programme d’imagerie spatiale MUSIS.
Des conventions État-CEA et État-CNES préciseront les instances de pilotage et les modalités de suivi des activités concernées, en particulier sur :
– la réalisation des études demandées ;
– les sauts technologiques réalisés ;
– la pertinence du chiffrage économique ;
– les transferts de technologie vers les industries.
DEUXIÈME PARTIE : LES PRINCIPES DE DIFFÉRENCIATION ET DE MUTUALISATION DANS NOTRE NOUVELLE STRATÉGIE DE DÉFENSE
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a fait du principe de différenciation l’un des quatre principes directeurs de notre stratégie nationale de défense, avec la préservation de notre autonomie stratégique et de la cohérence de notre modèle d’armée ainsi que du principe de mutualisation.
La différenciation des forces consiste à distinguer celles-ci en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir (dissuasion – protection – coercition – gestion de crise) :
– c’est un principe d’efficacité en entraînant et en équipant nos forces selon les spécificités de chaque mission ;
– c’est un principe d’économie en réservant les équipements les plus sophistiqués, donc les plus chers, aux forces qui en ont un besoin essentiel à l’accomplissement de leurs missions de défense de nos intérêts stratégiques ;
– c’est un principe de spécialisation relative en mutualisant certaines capacités critiques pour opérer différentes missions ou au sein de différentes armées.
Par exemple, en matière d’équipement, la différenciation va se caractériser par la prolongation de vie de capacités existantes dans les secteurs où l’excellence technologique n’est pas nécessaire au succès des missions accomplies.
En matière de formation, la différenciation se caractérisera par des préparations opérationnelles différenciées selon les missions.
En matière d’intervention de nos armées, l’analyse des conflits récents fait différencier les opérations de coercition pour lesquelles les moyens tant humains que technologiques seront sanctuarisés et au plus haut niveau technologique des opérations de gestion de crise pour lesquelles nos forces seront entraînées et préparées à intervenir dans la durée sur de vastes théâtres d’opération.
La loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 avait mis en avant un principe directeur, celui de la polyvalence des forces armées.
« Les incertitudes qui pèsent sur l’évolution de notre environnement international et son haut degré d’imprévisibilité obligent à prendre en compte le risque de surprises ou de ruptures stratégiques » pouvait-on ainsi lire dans le Livre blanc de 2008.
Aussi, pour répondre à ces événements inattendus, l’accent avait-il été mis sur la polyvalence des forces armées car les moyens militaires devaient « pouvoir être employés dans des contextes très différents et être capables de faire face, à bref délai, à des changements dans l’intensité des risques auxquels ils peuvent être exposés à l’occasion de leurs engagements. »
La polyvalence recherchée par la dernière LPM s’incarne parfaitement dans deux programmes phares, celui du Rafale et celui des frégates multi-missions (FREMM).
Opérationnel au sein de l’armée de l’air depuis 2006, le Rafale est appelé à devenir son principal avion de combat. Son premier atout est sa polyvalence, l’appareil pouvant remplir plusieurs types de missions au cours d’une même sortie : supériorité aérienne, reconnaissance ou attaque au sol. Comme le remarquait le rapport d’information de la commission de la Défense sur l’analyse capacitaire de la LPM 2009-2014, « La polyvalence des Rafale et des équipages est un atout indéniable pour notre dissuasion mais aussi pour l’armée de l’air : en mars 2011, des éléments de l’escadron de Saint-Dizier ont ainsi mené des missions conventionnelles de frappe ou de reconnaissance au-dessus de la Libye, dans le cadre de l’opération Harmattan. » (1)
Les FREMM, dont la première est entrée en service actif cette année, sont des bâtiments polyvalents capables d’accomplir la large gamme des missions opérationnelles de la marine : sûreté de la force océanique stratégique, escorte d’unités précieuses, embargo, sécurisation des axes maritimes ou encore action de l’Etat en mer. Ce bâtiment illustre la variété des missions auxquelles prennent part les bâtiments de la marine.
Comme le soulignait l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine, lors d’une audition devant la commission de la Défense (2), cette polyvalence constitue un formidable atout car un bâtiment de la marine peut effectuer plusieurs types de missions au cours d’une même sortie : « lorsqu’un bâtiment appareille de Toulon pour faire une campagne de surveillance de la pêche au thon rouge en Méditerranée, il peut, quelques jours après, devoir se déployer au large des côtes proche-orientales pour se préparer à une éventuelle opération d’évacuation de ressortissants, être appelé le surlendemain à participer à une action contre la piraterie dans l’océan Indien pour, quatre jours plus tard, se tenir prêt à escorter des convois marchands transitant par le détroit d’Ormuz. » Cette polyvalence s’incarne également dans les bâtiments de projection et de commandement (BPC), que l’on qualifie parfois de « couteaux-suisses » capables, selon les circonstances, de faire office de navire d’attaque, navire-hôpital ou encore de navire support.
Le chef d’état-major de la marine concluait « Sans cette polyvalence, nous serions obligés d’avoir une force plus grande, avec plusieurs flottes distinctes, consacrées respectivement au soutien logistique, à l’intervention humanitaire ou au combat, ce qui nous coûterait beaucoup plus cher. »
Cinq ans après que la polyvalence eût été mise en avant, le nouveau Livre blanc privilégie désormais le principe de différenciation. Il vise, selon ses termes, « à permettre l’entretien et le développement de notre capacité d’action sur l’ensemble du spectre des actions possibles. Nos forces armées seront confrontées à des crises ou à des conflits aux caractéristiques militaires sensiblement différentes, qu’il s’agisse de tenir la posture de dissuasion, de protéger notre territoire, de participer à des opérations de gestion de crise ou de nous opposer à des forces de niveau étatique. »
Si la variété des menaces et des réponses que devront apporter nos forces armées n’a donc pas diminué par rapport à 2008, une hiérarchie des priorités semble clairement se dessiner avec le nouveau Livre blanc, puisqu’il s’agit désormais « d’équiper et entraîner prioritairement les forces de protection du territoire, les forces d’accompagnement de nos moyens de dissuasion, les forces de gestion de crise et les forces de coercition en fonction des exigences propres à leur mission et à les rendre ainsi plus performantes dans leur domaine d’action »
L’application de ce principe constitue également l’adaptation au principe de réalité pour tenir compte de contraintes budgétaires croissantes. On peut ainsi lire dans le Livre blanc qu’il s’agit « d’appliquer un principe d’économie en ne finançant les capacités les plus onéreuses ou les plus modernes que là où elles sont indispensables, notamment au bénéfice des forces prévues pour affronter des acteurs de niveau étatique. »
Les propos de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, devant la commission de la Défense, le 3 octobre dernier, sont très clairs : « Les effets de cet effort financier devraient être renforcés par l’application du principe de différenciation, apparu formellement dans le Livre blanc, qui commande d’équiper et d’entraîner nos forces au juste besoin, et de distinguer plus finement les forces en fonction de leurs missions les plus probables. »
Si notre modèle d’armée polyvalente est bien préservé par la nouvelle loi de programmation militaire, celle-ci devra désormais s’équiper et s’entraîner « au juste besoin » pour conserver l’étendue de ses nombreuses compétences. Plus qu’une nouveauté, c’est plutôt la reconnaissance formelle de ce qu’elle faisait déjà.
Comme l’a rappelé le général Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre au rapporteur lors de leur entretien, la différenciation est déjà pratiquée depuis de nombreuses années par l’armée de terre.
Elle a permis d’éviter la « sur-spécification » de certains équipements ou de leur soutien et d’adapter l’entraînement des hommes au juste besoin de leur mission. Cette différenciation s’applique à trois niveaux : les équipements, l’entraînement et l’engagement par milieu.
L’armée de terre a fait ainsi le choix de ne pas équiper la totalité de ses forces avec les matériels les plus performants que ce soit en termes de puissance, de protection, de portée de tir ou de détection. Certaines brigades disposent des matériels les plus puissants, comme les chars lourds Leclerc ou les VBCI, car elles sont destinées à « entrer en premier ». D’autres, appelées à des missions de moindre intensité, de stabilisation et de gestion de crise, sont équipées de matériels plus légers, comme le VAB ou le futur VBMR. Enfin, pour les missions d’urgence menées par les parachutistes ou l’infanterie de montagne, les équipements mis en œuvre sont encore plus légers, donc moins protégés. Ils utilisent autant que possible des technologies généralisées et issues du monde civil, projetables à moindre coût.
L’entraînement repose sur la distinction entre la préparation à la guerre, de manière générique, et la préparation à une intervention spécifique correspondant à un théâtre d’opérations donné. On ne prépare pas les unités de la même manière, avec les mêmes moyens, au même niveau et donc avec le même coût (munitions, carburant,…) selon qu’elles sont prévues être engagées en Afghanistan ou au sein des forces de souveraineté. Les militaires destinés être projetés en Afghanistan recevaient ainsi une préparation opérationnelle très poussée, de six mois, tandis que ceux appelés à rejoindre les théâtres libanais ou kosovars ne sont préparés que pendant quatre mois.
Enfin, les unités elles-mêmes sont différenciées, possédant en propre certaines spécialités, indispensable à l’efficacité des forces terrestres, mais qu’il est impossible, humainement et financièrement, de diffuser à l’ensemble. Quand certains sont, par exemple, entraînés à l’intervention aéroportée ou en milieu difficile, d’autres sont spécialisés dans les opérations amphibies ou le combat blindé de haute intensité en zone urbaine.
La variété des missions que doit remplir la marine lui impose aussi d’apporter des réponses différenciées. Elle mobilise pour cela des moyens proportionnés aux missions et aux niveaux de menace.
Elle dispose donc de bâtiments de guerre pour mener des actions militaires du « haut de spectre » partout où cela est nécessaire : porte-avions Charles de Gaulle, sous-marins d’attaque, frégates multi-missions et autres frégates de premier rang.
Tout en bas du spectre, elle utilise des bâtiments moins armés, frégates de surveillance, patrouilleurs et avions de surveillance pour ses missions de sauvegarde maritime.
La différenciation constitue au contraire une nouveauté pour l’armée de l’air. Sans remettre en cause le choix du Rafale, le Livre blanc revient sur l’option précédente du « tout Rafale », avion qui sera dorénavant réservé aux seules missions stratégiques.
L’application principale du principe de différenciation se fera dans l’entraînement des pilotes, dans le cadre du projet « Cognac 2016 », que le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air a exposé aux membres de la commission de la Défense, lors de son audition du 8 octobre dernier.
Ce projet vise à constituer, au sein de l’aviation de chasse, deux cercles : un « cœur » constitué de 240 pilotes appelés à voler sur Rafale et à exercer toutes les missions, et un deuxième cercle, d’une cinquantaine d’aviateurs, dont l’activité sur Rafale sera réduite mais compensée par des heures de simulateur et de vols sur des avions d’entraînement turbopropulsés de dernière génération. Les pilotes de ce deuxième cercle exerceront les fonctions d’instructeur à Cognac et pourront, à la suite d’une remontée en puissance programmée, rejoindre les pilotes du premier cercle pour participer à certains types de mission.
La mise en œuvre de ce projet doit garantir l’aptitude de l’armée de l’air à soutenir les opérations dans la durée dans un format réduit. Ce projet permettrait en outre de diminuer significativement les coûts de fonctionnement de la flotte école de l’armée de l’air.
« Cette dernière évolution est la dernière marche pour que notre aviation de chasse reste encore une capacité de combat majeure capable d’être engagée sur tous les théâtres d’opérations extérieures et sur le territoire national » a conclu le général Denis Mercier.
Si la contrainte budgétaire impose de définir de la manière la plus fine possible le « juste besoin », elle impose dans le même temps de mutualiser un certain nombre de capacités. Le Livre blanc de 2013 souligne ainsi que « le principe de mutualisation des capacités rares et critiques au bénéfice de plusieurs missions se combine avec la différenciation des forces. Ce principe consiste à affecter le noyau des capacités polyvalentes à plusieurs fonctions (protection, dissuasion, intervention extérieure), selon les besoins auxquels il convient de répondre. »
Il s’agit en fait de mettre en œuvre un principe appliqué depuis longtemps par les forces armées qui vise à rentabiliser certaines capacités, « rares et critiques », mais indispensables, en les employant, quand cela est possible, au bénéfice d’autres fonctions stratégiques ou de missions différentes. Cela doit permettre de tirer le meilleur parti de l’acquisition et de l’utilisation de certaines des capacités les plus coûteuses.
Le principe de mutualisation n’est donc pas un principe nouveau. Il existe déjà une utilisation commune de certaines capacités pour remplir les missions au sein de fonctions stratégiques différentes. Certains moyens sont par exemple utilisés au titre des missions d’intervention mais également des missions de la protection (aviation de chasse, SAMPT, FDA…) ou de la dissuasion (SNA, C135, frégates…).
Il s’agit donc, avant tout, de la mise en œuvre à plus grande échelle d’un concept existant, rendu indispensable par la contrainte budgétaire actuelle.
Mutualisation et différenciation ne sont donc pas antinomiques. Le principe de mutualisation définit les exceptions au principe de différenciation. La mutualisation repose sur l’utilisation partagée mais priorisée de certaines capacités « rares et critiques » :
– soit au bénéfice de différentes missions des armées (protection, dissuasion, intervention) ; par exemple la participation à la composante aérienne de la dissuasion ou le soutien de la composante océanique de la dissuasion, l’engagement dans une opération majeure de haute intensité, la sécurisation des approches du territoire ou d’un théâtre de gestion de crise font souvent appel aux mêmes moyens que notre stratégie devra pouvoir utiliser et gérer de manière centralisée ;
– soit entre plusieurs organismes de l’État (pour les capacités techniques partagées entre services de renseignement par exemple) ;
– soit pour la mise en commun avec nos partenaires de l’OTAN ou de l’Union européenne (observations satellitaires, transport aérien (EATC)…).
À cet égard, la France entend s’engager résolument dans les initiatives de mutualisation et de partage capacitaire développées soit dans le cadre OTAN (Smart Defence avec une coopération notamment dans les domaines du soutien santé et pétrolier aux armées), soit dans le cadre de l’Union européenne (Pooling and Sharing en particulier dans le domaine spatial, dans ceux du transport aérien, du ravitaillement en vol, de la capacité aéronavale, de la surveillance des théâtres d’opérations ou de la logistique dans les zones de crise).
Si la mutualisation des moyens est « naturelle » dans une opération sous commandement multinational (UE, OTAN), elle se pratique aussi dans les opérations sous commandement national, comme récemment au Mali.
Il convient enfin de noter que certaines capacités, comme le transport stratégique, le ravitaillement en vol ou la logistique, se prêtent plus facilement à la mutualisation que les capacités d’intervention ou de renseignement, médiatiquement plus visibles et politiquement plus sensibles.
La mutualisation d’un certain nombre de capacités a pour ambition de garantir la cohérence de notre format d’armée, en veillant à la polyvalence de ses hommes.
« L’armée de terre est aujourd’hui trop petite pour fonctionner à deux vitesses » a coutume de dire son chef d’état-major. Selon lui, une armée de terre strictement spécialisée et différenciée, où chaque homme serait le spécialiste d’un type de mission devrait être au moins 30 à 40 % supérieure à son format actuel.
Celle-ci a été taillé au plus juste pour répondre au contrat opérationnel, grâce à la capacité de l’ensemble de ses unités à participer, à tour de rôle, aux engagements sur le territoire national, à la tenue du dispositif d’alerte et de prévention ainsi qu’aux interventions extérieures les plus courantes, de gestion de crise, comme au Liban, au Mali ou en Afghanistan. L’armée de terre mutualise donc sa ressource la plus rare, les hommes, recrutés et formés de la même manière aux savoir-faire principaux, tous aptes, grâce à un entraînement adapté et différencié le moment venu, à participer aux engagements quotidiens en opération.
Pour la marine nationale, le principe de mutualisation est également déjà une réalité. Compte tenu de son format actuel, et des réductions à venir, elle est déjà contrainte, dans certains cas, d’opérer des choix entre ses missions. C’est ainsi que l’amiral Bernard Rogel a rappelé, qu’au plus fort de l’opération Harmattan, elle avait dû, pour renforcer son engagement, suspendre temporairement la participation d’avions de patrouille maritime à l’opération Atalanta ainsi qu’une partie des missions permanentes assurées par ses sous-marins nucléaires d’attaque. De même, au cours de la crise syrienne, la marine a dû alléger son dispositif Atalanta.
Pour l’armée de l’air, la préservation de la compétence des pilotes de chasse, grâce à un nombre suffisant d’heures de vols, est le principal défi à relever. La stratégie d’entraînement différenciée des pilotes dans le cadre du projet « Cognac 2016 » doit pallier une éventuelle carence, mais on est en droit de souligner qu’elle implique l’acceptation d’un délai pour la remontée en puissance des pilotes du deuxième cercle en cas de nécessité opérationnelle.
Toutes les armées sont en fait confrontées au même défi : conserver la compétence de leurs hommes. Avec les importantes réductions de format imposées ces dernières années, elles doivent toutes gérer des micro-populations, sur lesquelles reposent un certain nombre de compétences rares. La nouvelle réduction des effectifs programmée par le projet de LPM risque donc d’entraîner des choix difficiles pour nos forces armées qui vont atteindre rapidement un seuil plancher ; aller en deçà de ce dernier impliquerait une nouvelle révision de leurs contrats opérationnels.
L’application du principe de différenciation doit permettre une modernisation plus ciblée des équipements, en fonction des missions à effectuer.
Certains secteurs clés seront ainsi clairement privilégiés. Il s’agit des secteurs où la supériorité technologique est le facteur déterminant de succès, dont découlent directement des facteurs de puissance dont la France doit disposer. Ces facteurs de puissance sont :
– « l’entrée en premier » : exécuter, en autonome, une opération d’entrée en premier d’envergure limitée dans un contexte semi-permissif, en zone littorale ou à l’intérieur des terres ;
– les opérations spéciales : mener une gamme variée d’opérations spéciales, de durée, de physionomie et d’envergure diverses ;
– la supériorité informationnelle : disposer des capacités et d’un dispositif assurant une réelle complémentarité et une synergie efficace dans le domaine de l’information ;
– les frappes dans la profondeur : commander directement au niveau stratégique ou par un PC opératif dédié, une opération majeure de frappes ;
– les capacités d’engagement aéroterrestre : moyens d’agression, mobilité, protection des combattants engagés…).
Ces facteurs de puissance sont principalement liés à la technologie et imposent donc une attention particulière dans les domaines suivants :
- les missiles (dont les missiles de la dissuasion) ;
- les sous-marins;
- les frégates de premier rang ;
- l’aviation de combat ;
- les moyens de renseignement (drones, satellites…) ;
- la guerre électronique ;
- les moyens de commandement (C4ISR) ;
- la cyber défense.
Pour satisfaire ces besoins, le projet de loi de programmation prévoit de renforcer les capacités de combat des forces navales pour les opérations de haute intensité par la poursuite du programme FREMM, dont six frégates doivent être livrées d’ici 2019, la livraison du premier SNA de type Barracuda ou encore la rénovation des frégates furtives légères.
Les forces aériennes verront accrues leurs capacités de faire face à un conflit majeur, grâce à la livraison de 26 Rafale supplémentaires et à l’arrivée des avions de nouvelle génération de la flotte de transport et de ravitaillement en vol, A400M et MRTT.
Les moyens « lourds » de l’armée de terre sont clairement la priorité de la première partie de la programmation. Les forces médianes et légères de l’armée de terre sont à l’inverse en attente de renouvellement. Et si le lancement du programme SCORPION doit en marquer le début, l’arrivée de ces moyens n’est pas attendue avant 2018.
Le financement de ces capacités, les plus onéreuses, nécessite, dans le même temps de prolonger l’existence d’autres capacités, jugées moins prioritaires. C’est le cas par exemple des avions plus anciens, les Mirage 2000, qui seront prolongés pour remplir les missions de gestion des crises ou de protection de l’espace aérien national ou des patrouilleurs maritimes d’outre-mer, dont le renouvellement ne sera effectué qu’à partir de 2014.
Le principe de mutualisation trouve une traduction concrète en 2014 dans le lancement du programme MRTT, qui offre des opportunités de synergies et de mutualisation en Europe. À ce titre, la France soutient l’initiative de ravitaillement en vol, qui consiste à faciliter l’acquisition d’avions MRTT à capacité duale (ravitaillement en vol et transport stratégique) et à mutualiser l’emploi des moyens actuels et futurs.
L’application de ce principe trouve également une première traduction concrète à travers la poursuite, en 2014 des grands programmes d’armement conduits en coopération (A400M, FREMM, NH90, TIGRE, MUSIS, FSAF…), premiers jalons vers des mutualisations futures.
Il est encore trop tôt, comme l’a indiqué le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon, au rapporteur lors de leur entretien, pour apprécier l’impact de l’application de ces principes à la définition des programmes futurs. La première étape consiste pour les armées à décliner ces principes à leurs besoins opérationnels ce qu’elles ont, nous l’avons vu, commencé à faire.
Dans une programmation budgétaire très contrainte, le risque existe que la différenciation se résume, dans les premières années, à l’utilisation de matériels anciens avant de pouvoir lancer de nouveaux programmes adaptés aux missions de « basse intensité ».
Et à trop prolonger les durées de vie de certains équipements, il faudra assumer des risques de rupture temporaire de capacités dans certains domaines. C’est déjà le cas de la marine nationale en matière de patrouilleurs outre-mer : alors qu’ils devraient être au nombre de neuf, ils sont actuellement six et ne seront plus que cinq à la fin de la période couverte par la LPM. Leur relève ne débutera qu’en 2024 par le programme BATSIMAR qui devait initialement commencer en 2017. Par ailleurs, la moitié des hélicoptères Alouette III devrait s’arrêter de voler avant la fin de la période de la LPM, mais ils ne seront pas remplacés avant 2030.
L’exécution de la prochaine loi de programmation militaire sera donc décisive pour la préservation de notre modèle d’armée. Si les choix opérés sont nécessaires dans le contexte actuel, ils visent à ne pas obérer la cohérence de notre format capacitaire, aujourd’hui à la limite de la rupture.
Cette loi de programmation repose sur des délicats équilibres entre trois facteurs déterminants, interdépendants entre eux : les conditions de vie de nos soldats, leur niveau d’entraînement et les matériels dont ils sont dotés.
Les contraintes économiques ont imposé des restrictions budgétaires et demandé des efforts qui imposent à nos armées des formats d’effectifs, d’entraînement et d’équipement réduits à leur plus simple suffisance pour bien accomplir les missions qui leur sont confiées.
L’exécution de cette LPM, reposant sur ces équilibres, sera très difficile à mener, principalement dans la première période triennale : sa réussite sera le fruit de la mobilisation et de la vigilance de tous les acteurs du secteur de la défense (armées, industriels, pouvoirs publics). La deuxième période triennale devrait voir un desserrement budgétaire venant alléger les contraintes et restaurer des marges de manœuvre que nos armées devront investir dans le respect des délicats équilibres entre les conditions de vie, d’entraînement et d’équipement de nos soldats. C’est un enjeu essentiel pour la réussite de leurs missions et donc pour la préservation de notre souveraineté et de notre sécurité nationale.
Le projet de loi de finances pour 2014, première annuité de cette LPM, est bien en cohérence avec ses ambitions et ses objectifs : le rapporteur donne donc un avis favorable à ce texte.
Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2013 à 16 heures 15 (3)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2014.
La commission examine l’amendement DN22 de M. Fromion.
M. Yves Fromion. Je tiens à préciser que si cet amendement ne comprend que mon nom, j’y associe l’ensemble des commissaires du groupe UMP.
Nos forces armées sont confrontées à un réel déficit d’entraînement à cause de l’insuffisance des moyens qui leur sont accordés par le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». La lecture des indicateurs de performance figurant dans le « bleu budgétaire » confirme cette appréciation. Elle permet de constater une réduction dangereuse, pour tout dire inacceptable, des ratios d’entraînement des forces. Les journées d’activité par homme, les heures de vol des pilotes et les jours de mer par bâtiment sont réduits de façon déraisonnable.
Je propose d’inverser cette tendance en prélevant un milliard d’euros sur le programme 402 « Excellence technologique des industries de défense » pour les verser au programme 178. Les crédits du programme 402 sont abondés cette année par les ressources exceptionnelles issues du plan d’investissements d’avenir (PIA) et je considère plus urgent de privilégier l’entraînement des forces aux dépenses de recherche, qui peuvent être légèrement décalées.
M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je suis totalement défavorable à cet amendement. Les ressources exceptionnelles attendues pour la mission « Défense » sont de 1,7 milliard d’euros pour l’année 2014, dont l’essentiel vient effectivement du PIA. Il est fondamental que notre recherche en bénéficie.
Mme la Présidente Patricia Adam. Je tiens à préciser que le programme 402 finance les recherches nécessaires en matière de dissuasion et d’observation spatiale, et notamment le programme MUSIS dont vous connaissez tous l’importance pour nos armées.
M. Yves Fromion. Je souligne que mon amendement ne concerne que l’action du programme 402 finançant la recherche en matière de dissuasion nucléaire.
Mme la Présidente Patricia Adam. Encore mieux, venant d’un gaulliste comme vous !
M. Yves Fromion. Je considère en effet que le nucléaire peut sans doute consentir un léger décalage dans le temps au profit de la priorité assumée de l’entraînement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN22. Elle examine ensuite l’amendement DN18 de M. Fromion.
M. Yves Fromion. Cet amendement propose d’abonder les crédits du programme 178 pour financer l’acquisition de nouveaux canons d’artillerie de gros calibre CAESAR. Alors que la précédente LPM prévoyait l’acquisition de nouveaux systèmes, le projet actuel de LPM ne prévoit aucune commande dans ce domaine. Nous risquons donc de perdre notre compétence artillerie de gros calibre. Cela irait à l’encontre de ce que nous avait affirmé le ministre tout à l’heure, à savoir que le projet de LPM ne comportait aucun risque de rupture capacitaire. Poursuivons donc le programme CAESAR, comme nous le faisons avec le Rafale, pour maintenir un seuil minimum de compétence.
M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis. Le ministre vient de nous expliquer que ce risque de rupture capacitaire n’existait pas pour le moment. Il est trop tôt pour effectuer de nouvelles commandes. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN18. Elle examine ensuite l’amendement DN19 de M. Fromion.
M. Yves Fromion. Le ministre s’est déjà exprimé sur les équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC) et a rappelé leur importance. La faible dotation qu’ils reçoivent au sein du programme 178 rend difficile l’accomplissement des missions de l’état-major de l’armée de terre. Année après année, les chefs d’état-major successifs de l’armée de terre attirent notre attention sur la faiblesse de ces dotations. Il faut donc remédier à cette situation et faire en sorte que ces équipements ne soient pas les laissés pour compte de la programmation.
M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN19. Elle examine ensuite l’amendement DN20 de M. Fromion.
M. Yves Fromion. Cet amendement est la déclinaison du précédent pour les forces navales.
M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. Cet amendement propose d’augmenter les crédits d’EAC des forces navales de 50 millions d’euros pour 2014. Mais le projet de loi de finances prévoit déjà de les augmenter de 45 millions en 2014, avec une augmentation de 86 % avec fonds de concours et attributions de produits par rapport à l’année passée. Je dirais donc que cet amendement est satisfait.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN20. Elle examine ensuite l’amendement DN21 de M. Fromion.
M. Yves Fromion. Comme les deux précédents, cet amendement propose d’augmenter les crédits d’EAC mais, cette fois, de l’armée de l’air.
M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Je suis d’accord sur le fond de cet amendement et l’importance qui doit être accordée aux crédits d’EAC de l’armée de l’air. Mais le problème est que cet amendement prélève des crédits sur le programme 402, qui est tout aussi important.
On comprendra donc que je ne peux donner un avis favorable à cette proposition, car j’ai déjà annoncé que je donnerai un avis défavorable aux crédits « Préparation et emploi des forces » de l’armée de l’air. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement.
La commission rejette l’amendement DN21.
Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense ».
M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Je tiens à préciser que je m’abstiendrai sur les crédits concernant le « Soutien logistique et interarmées ».
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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Équipement des forces – Dissuasion » de la mission « Défense ».
(Par ordre chronologique)
Ø Général Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre ;
Ø Contre-amiral Bruno Thouvenin, sous-chef « plans-programmes » de l’état-major de la marine ;
Ø Général André Lanata, sous-chef d’état-major « plans » de l’état-major des armées, vice-amiral Charles-Henri Garrié, chef de la division cohérence capacitaire de l’état-major des armées, et le général de brigade Gilles Lillo, chef de la division plans – programmes – évaluation ;
Ø Général Vincent Carré, sous-chef de l’état-major de l’armée de l’air en charge des plans, et Colonel Mathieu Pellissier, chef du bureau « plans » de l’état-major de l’armée de l’air ;
Ø M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, M. Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget de la direction générale de l’armement.
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