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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1395)
de finances pour 2014
TOME VI
JUSTICE
ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
PAR M. Sébastien HUYGHE
Député
——
Voir le numéro : 1438-III-32.
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2013, pour le présent projet de loi de finances.
À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE QUASIMENT STABLE PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES POUR 2013 9
I. DES CRÉDITS STABLES PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES POUR 2013 9
II. UN PLAFOND D’AUTORISATIONS D’EMPLOI EN LÉGÈRE HAUSSE 11
DEUXIÈME PARTIE : LA SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES 15
I. LE DÉVELOPPEMENT INQUIÉTANT DE LA VIOLENCE EN PRISON 16
A. UN PHÉNOMÈNE SOUS-ESTIMÉ ? 16
B. POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES, LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER LES MOYENS DE RÉPONSE À LA DISPOSITION DES AGENTS PÉNITENTIAIRES 19
1. Créer des équipes locales d’intervention pour lutter plus efficacement contre les violences collectives 19
2. Permettre aux personnels d’être équipés de pistolets à impulsion électrique 21
C. L’INDISPENSABLE RÉSORPTION DE LA SURPOPULATION PÉNITENTIAIRE POUR LUTTER DURABLEMENT CONTRE LA VIOLENCE EN PRISON 21
II. L’INTRODUCTION D’OBJETS INTERDITS DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES : UN FLÉAU À COMBATTRE SANS TABOU 23
A. UN PHÉNOMÈNE EN EXPLOSION 23
1. Le bilan des saisies d’objets interdits dans les établissements pénitentiaires 24
2. Les modalités d’introduction des objets interdits dans les établissements pénitentiaires et les moyens de lutte mis en œuvre 26
B. L’INTERDICTION DES FOUILLES SYSTÉMATIQUES : UN ABAISSEMENT DU NIVEAU DE SÉCURITÉ DIFFICILE À ACCEPTER POUR LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES ET TRÈS PRÉJUDICIABLE POUR LA SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES 28
1. L’interdiction des fouilles systématiques par l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 29
2. L’absence actuelle de substitut efficace aux fouilles systématiques 31
3. Des difficultés renforcées par la confusion juridique liée à l’inapplicabilité de la circulaire de 2011 33
C. LA NÉCESSITÉ DE COMPENSER L’ABAISSEMENT DU NIVEAU DE SÉCURITÉ INDUIT PAR L’INTERDICTION DES FOUILLES SYSTÉMATIQUES EN RELEVANT LE NIVEAU DES CONTRÔLES DE SÉCURITÉ POUVANT ÊTRE OPÉRÉS À L’ENTRÉE DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES 34
1. Recourir davantage aux équipes cynotechniques 35
2. Permettre la réalisation de fouilles par palpation sur les personnes accédant aux établissements pénitentiaires 36
III. LE RISQUE D’ÉVASION : UN RISQUE LARGEMENT MAÎTRISÉ AUJOURD’HUI, QUI DOIT IMPÉRATIVEMENT LE RESTER 37
EXAMEN EN COMMISSION 41
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS FORMULÉES PAR LE RAPPORTEUR 71
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 73
DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR 75
Depuis le début de la législature, le Gouvernement dirigé par M. Jean-Marc Ayrault dit vouloir faire de la Justice l’une de ses priorités d’action. De fait, dans un contexte budgétaire difficile dans lequel le retour à l’équilibre des comptes publics doit être une priorité, l’augmentation des crédits ouverts pour l’ensemble de la mission « Justice » dans le projet de loi de finances pour 2014
– de + 3,6 % en autorisations d’engagement et + 1,7 % en crédits de paiement – témoigne d’un effort notable en direction de la Justice. Pour autant, votre rapporteur pour avis, en charge des crédits du programme « Administration pénitentiaire », ne peut que regretter que ces crédits ouverts pour 2014 ne bénéficient pas de cet effort à la hauteur des besoins d’une administration dont l’action est pourtant essentielle dans la préservation de la sécurité publique et la lutte contre la récidive.
En effet, les crédits ouverts pour le programme « Administration pénitentiaire » dans le projet de loi de finances pour 2014 sont quasiment stables, en légère baisse de – 1,2 % en autorisations d’engagement (AE) et en augmentation de + 1,4 % en crédits de paiement (CP). Cependant, cette stabilité est, en réalité, peu significative, car il faut rappeler qu’elle intervient après un effondrement de – 38,5 % des AE dans la loi de finances pour 2013 par rapport à 2012, qui traduisait l’abandon par le nouveau Gouvernement de toute ambition en matière de politique immobilière pénitentiaire. Dans son avis budgétaire pour 2013, votre rapporteur pour avis avait regretté qu’« au-delà de l’affichage du caractère prétendument prioritaire de la mission « Justice », le Gouvernement abandonne en réalité l’essentiel des grands chantiers de modernisation de la justice qui avaient été ouverts sous la précédente législature, et en particulier celui de la modernisation et de l’extension du parc pénitentiaire français » (1). L’examen des crédits ouverts pour le programme « Administration pénitentiaire » dans le projet de loi de finances pour 2014 amènera votre rapporteur pour avis à formuler une appréciation similaire à celle qu’il avait formulée l’an dernier (première partie).
Dans le cadre de son avis budgétaire pour 2014, votre rapporteur pour avis a souhaité s’intéresser à la question de la sécurité des établissements pénitentiaires. Le projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2014 fait du renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires, aux côtés des mesures tendant à favoriser la réinsertion et de l’amélioration des conditions de détention des prévenus ou des condamnés et des conditions de travail des personnels pénitentiaires, l’un des trois objectifs prioritaires du programme « Administration pénitentiaire » : « La mission de l’administration pénitentiaire est d’assurer la privation de liberté dans des conditions de sécurité tant pour les personnes placées sous main de justice que pour les personnels et les intervenants. » (2)
La question de la sécurité des établissements pénitentiaires est vaste et recouvre des problématiques assez différentes. L’évasion violente d’un braqueur multirécidiviste survenue à la maison d’arrêt de Lille-Sequedin en avril 2013 a mis en évidence la dangerosité particulière de certains des détenus confiés à la garde des établissements pénitentiaires, qui peuvent être prêts à tout pour tenter de s’évader, avec un mépris absolu de la vie des personnels pénitentiaires. Mais si ce type d’évasion est, fort heureusement, très rare, la violence subie quotidiennement par les personnels ou infligées à d’autres détenus est, quant à elle, beaucoup plus présente et particulièrement pénible à vivre pour des personnels. Les personnels pénitentiaires sont aussi confrontés à un phénomène de plus en plus important d’introduction d’objets interdits dans les établissements
– téléphones portables, produits stupéfiants, armes par nature ou par destination ou encore explosifs – face auquel ils sont de plus en plus démunis du fait de l’interdiction des fouilles systématiques par la loi n° 2009-1436 pénitentiaire du 24 novembre 2009.
Ces quelques illustrations des menaces pesant sur la sécurité des établissements pénitentiaires révèlent l’importance de l’enjeu, non seulement pour la sécurité des personnels et des personnes détenues, mais aussi pour la sécurité publique. En juin 2013, l’évasion survenue deux mois plus tôt à Lille-Sequedin avait amené Mme la garde des Sceaux à présenter un plan de sécurisation des établissements pénitentiaires d’un montant total de 33 millions d’euros, dont 24 millions pour l’année 2014.
En choisissant de s’intéresser à ce thème de la sécurité des établissements pénitentiaires dans le cadre du présent avis budgétaire, votre rapporteur pour avis s’est fixé comme objectif de formuler des propositions pragmatiques et efficaces pour renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires (deuxième partie).
Dans le cadre de la préparation de cet avis, votre rapporteur pour avis a visité des sites pénitentiaires aussi variés que possibles, tant en termes de public accueilli que d’époque de construction. Il s’est ainsi rendu dans deux maisons d’arrêt – à Fresnes, ouverte en 1898, et Lille-Sequedin, ouverte en 2005 –, deux centres pénitentiaires – à Châteauroux, ouvert en 1991, et au centre pénitentiaire sud-francilien de Réau, ouvert en 2011 – et, enfin, à la maison centrale de Saint-Maur, ouverte en 1975. Ces différentes visites lui ont permis de mesurer les difficultés existantes en matière de sécurité dans les établissements pénitentiaires, mais, surtout, le total dévouement des agents pénitentiaires pour accomplir leur mission de garde et de réinsertion dans des conditions difficiles, en recherchant en permanence le juste équilibre entre contraintes de sécurité et respect des droits des personnes détenues. Il adresse ses plus sincères remerciements à l’ensemble des personnels qu’il a pu rencontrer lors de ses visites, pour la qualité et la richesse des informations qui lui ont été données.
PREMIÈRE PARTIE :
UN BUDGET DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE QUASIMENT STABLE PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES POUR 2013
Le budget de l’administration pénitentiaire pour 2014 se caractérise par une quasi-stabilité des crédits (I) et par une très légère augmentation du plafond d’autorisations d’emplois (II).
Les crédits ouverts pour le programme « Administration pénitentiaire » dans le projet de loi de finances pour 2014 sont en légère baisse (– 1,20 %) pour les autorisations d’engagement (AE) et en légère hausse (+ 1,39 %) pour les crédits de paiement (CP).
Cette stabilité du budget de l’administration pénitentiaire intervient après un effondrement de – 38,5 % des AE dans la loi de finances pour 2013 par rapport à 2012, qui traduisait l’abandon par le nouveau Gouvernement de toute ambition en matière de politique immobilière pénitentiaire. Il s’agit donc d’une stabilité en trompe-l’œil, qui ne saurait masquer la réalité de la tendance baissière des crédits du programme « Administration pénitentiaire » depuis mai 2012.
Autorisations d’engagement
Crédits votés en LFI pour 2012 |
Crédits consommés en 2012 |
Crédits votés en LFI pour 2013 |
Crédits demandés pour 2014 |
Évolution 2013-2014 | |
Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01) |
3 695 |
2 557 |
1 878 |
1 764 |
- 6,07% |
Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02) |
735 |
462 |
751 |
822 |
+ 9,47% |
Soutien et formation (Action 04) |
261 |
318 |
255 |
264 |
+ 3,25% |
Total |
4 691 |
3 338 |
2 884 |
2 850 |
- 1,20% |
En millions d’euros
Crédits de paiement
Crédits votés en LFI pour 2012 |
Crédits consommés en 2012 |
Crédits votés en LFI pour 2013 |
Crédits demandés pour 2014 |
Évolution 2013-2014 | |
Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01) |
1 829 |
1 801 |
1 946 |
1 955 |
+ 0,44 % |
Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02) |
924 |
859 |
993 |
1 025 |
+ 3,27 % |
Soutien et formation (Action 04) |
261 |
305 |
253 |
257 |
+ 1,32 % |
Total |
3 014 |
2 966 |
3 193 |
3 237 |
+ 1,39 % |
En millions d’euros
Les actions composant le programme « Administration pénitentiaire » sont au nombre de trois.
• L’action n° 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » regroupe les fonctions relevant de la garde des personnes détenues et du contrôle des personnes placées sous main de justice. En 2014, cette action représentera 61,9 % des AE du programme avec un montant de 1,764 milliard d’euros. Ce montant est en baisse de 6 % par rapport à 2013, après une précédente baisse de 49,1 % en 2013 par rapport à 2012. Les CP connaissent, quant à eux, une légère hausse de 0,4 %.
• L’action n° 02, intitulée « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice », regroupe les moyens nécessaires à l’accueil et à l’accompagnement des personnes détenues dans des conditions dignes et satisfaisantes (maintenance et entretien des établissements, réinsertion). En 2014, cette action représentera 28,8 % des autorisations d’engagement du programme, soit 822 millions d’euros, contre 751 millions d’euros en 2013, soit une hausse de 9,5 %. Les CP sont également en hausse, de 3,3 %.
• L’action n° 04 « Soutien et formation » correspond au financement de trois catégories d’actions : la fourniture de moyens pour l’administration générale, le développement du réseau informatique et la formation du personnel. En 2014, cette action représentera 9,3 % des AE du programme, soit 264 millions d’euros. En 2014, les crédits ouverts pour cette action sont en hausse de 3,3 % en AE et de 1,3 % en CP.
L’évolution négative des AE de l’action n° 01 du programme « Administration pénitentiaire », particulièrement forte dans la loi de finances pour 2013 et poursuivie par le projet de budget pour 2014, traduit la réduction des objectifs de création de places d’emprisonnement par rapport à ceux qui avaient été fixés par le précédent Gouvernement. En effet, alors que la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines avait fixé un objectif de 80 000 places d’incarcération disponibles en 2017, le Gouvernement ne prévoit désormais plus qu’un objectif de 63 500 places de prison en 2017. Or, pour votre rapporteur pour avis, cet objectif est insuffisant pour répondre aux besoins réels de places de prison de notre pays et pour mettre fin durablement à la surpopulation pénitentiaire, qui constitue un facteur important de violences à l’encontre des personnels et entre détenus dans les établissements pénitentiaires (3).
Votre rapporteur pour avis souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’insuffisance des indicateurs retenus pour mesurer l’activité de l’administration pénitentiaire en milieu ouvert. Compte tenu du développement des mesures de milieu ouvert intervenu au cours des dix dernières années grâce à la politique dynamique d’aménagements de peine et d’alternatives à l’incarcération qui a été menée pendant cette période, l’activité du milieu ouvert doit impérativement être mieux évaluée. Votre rapporteur pour avis préconise donc que le projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » soit complété par d’autres indicateurs, tels que la mesure du délai de convocation des personnes devant les services pénitentiaires d’insertion et de probation ou encore, pour mesurer l’intensité du contrôle des personnes placées sous main de justice, le nombre de dossiers suivis par chaque conseiller d’insertion et de probation.
Proposition n° 1 :
Compléter les indicateurs de performances du programme « Administration pénitentiaire » par des indicateurs permettant de mesurer l’activité des services de milieu ouvert, tels que la mesure du délai de convocation des personnes devant les services pénitentiaires d’insertion et de probation ou le nombre de dossiers suivis par chaque conseiller d’insertion et de probation.
Le plafond d’autorisations d’emploi est en légère hausse avec 112 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires (+ 0,3 %). Le plafond d’autorisations d’emploi est en baisse de 0,1 % pour l’action 01, qui comprend essentiellement les missions de garde dans les établissements pénitentiaires, tandis que ce plafond est en hausse de 2,4 % pour l’action 02, qui comprend les missions d’insertion.
Par action
Plafond autorisé pour 2013 |
Plafond demandé pour 2014 |
Variation 2013/2014 en nombre d’ETPT |
Variation 2013/2014 en pourcentage | |
Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01) |
25 836 |
25 808 |
- 28 |
- 0,1 % |
Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02) |
6 663 |
6 822 |
+ 159 |
+ 2,4 % |
Soutien et formation (Action 04) |
3 201 |
3 182 |
- 19 |
- 0,6 % |
Total |
35 700 |
35 812 |
112 |
+ 0,3% |
La catégorie des métiers du greffe et de l’insertion connaît une hausse importante (191 ETPT supplémentaires, soit une hausse de 4,6 %), tandis que la catégorie des personnels de surveillance perd 97 ETPT (- 0,4 %).
Par catégorie d’emploi
Plafond autorisé pour 2013 |
Plafond demandé pour 2014 |
Variation 2013/2014 en nombre d’ETPT |
Variation 2013/2014 en pourcentage | |
Magistrats |
17 |
17 |
0 |
0,0% |
Personnel d’encadrement |
1 386 |
1 389 |
+ 3 |
+ 0,2 % |
B métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif |
4 156 |
4 347 |
+ 191 |
+ 4,6 % |
B administratifs et techniques |
1 013 |
1 007 |
- 6 |
- 0,6 % |
Personnels de surveillance C |
26 247 |
26 150 |
- 97 |
- 0,4 % |
C administratifs et techniques |
2 881 |
2 902 |
+ 21 |
+ 0,7 % |
Total |
35 700 |
35 812 |
+ 112 |
+ 0,3% |
Votre rapporteur pour avis déplore la baisse du plafond d’autorisations d’emplois des personnels de surveillance (– 97 ETPT) par rapport à 2013, alors qu’il existe dans les établissements une importante tension sur les effectifs, à laquelle il est actuellement remédié en recourant aux heures supplémentaires. La baisse du plafond pour cette catégorie d’emplois risque d’aggraver ces difficultés, au détriment de la qualité des conditions de travail des personnels de surveillance.
Parmi les nouveaux emplois créés et compte tenu des redéploiements opérés (4), le Gouvernement prévoit l’affectation de 300 ETPT pour la mise en œuvre du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines (5), 30 ETPT pour le renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires et 15 ETPT pour l’exercice du culte. Les 30 ETPT prévus pour le renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires sont destinés à la création de deux nouvelles brigades cynotechniques, composées chacune de 15 agents et 10 chiens, en plus des deux brigades déjà existantes. Votre rapporteur pour avis se réjouit de cette création, qui pourrait permettre une amélioration notable de la sécurité des établissements pénitentiaires par une meilleure capacité de détection des explosifs et stupéfiants. L’intérêt du recours aux brigades cynotechniques serait encore accru si le cadre d’intervention de ces brigades était étendu de la seule recherche d’explosifs et de stupéfiants dans les enceintes des établissements pénitentiaires, dans un cadre administratif, à la recherche sur les personnes entrant dans les établissements pénitentiaires, dans un cadre de police judiciaire (6).
Lors des auditions des syndicats de personnels pénitentiaires menées pour préparer cet avis, les difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels de surveillance ont été soulevées à plusieurs reprises. En effet, ce recrutement est, depuis de nombreuses années, qualifié d’« assez difficile » par le ministère de la Justice dans les réponses au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur pour avis. En effet, selon le ministère de la Justice, si le nombre de candidatures reste élevé, le nombre de candidats présentant les qualités requises n’est pas toujours suffisant pour répondre aux besoins, d’une part, et la déperdition entre le nombre de reçus et le nombre d’élèves qui entrent en formation à l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) est importante (autour de 10 %). De plus, les syndicats entendus par votre rapporteur pour avis ont souligné qu’il arrivait aussi de plus en plus fréquemment, depuis quelques années, que des personnels sortants d’école démissionnent dans les premières semaines ou premiers mois de leur arrivée en établissement. Ces démissions précoces ont pour effet de créer des vacances de postes, qu’il est souvent difficile pour l’administration pénitentiaire de combler avant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Le ministère attribue cette déperdition à l’image de l’administration pénitentiaire dans l’opinion publique, ainsi qu’à un certain manque d’attractivité des métiers pénitentiaires et à leur pénibilité.
Afin de susciter un plus grand nombre de candidatures aux concours de surveillants, l’administration pénitentiaire mène, depuis le concours de janvier 2003, des campagnes de communication relatives aux métiers pénitentiaires dans différents médias : presse, télévision, radio, internet. De plus, des brochures et affiches ont fait l’objet de publipostage et des représentants des directions interrégionales participent activement à des salons ou forums.
Pour votre rapporteur pour avis, outre cette politique dynamique d’information sur les métiers pénitentiaires, la recherche de solutions pour remédier aux difficultés de recrutement des personnels pénitentiaires pourrait passer par une autre mesure déjà mise en œuvre dans la police nationale : le recours aux cadets de la République.
Créé en 2005, le statut de cadet de la République offre à des jeunes gens ne détenant pas de diplôme l’opportunité d’être employés, pendant un an, comme adjoints de sécurité et de recevoir pendant cette durée une formation qualifiante leur permettant de postuler au concours interne de gardien de la paix. Les cadets de la République effectuent les mêmes missions que les adjoints de sécurité au sein de la police : ils assistent les gardiens de la paix et les officiers de police dans les actions de prévention et de répression de la délinquance et remplissent des missions de surveillance et d’assistance générale aux victimes de crimes et délits. Les candidats aux fonctions de cadet de la République doivent être de nationalité française, avoir entre 18 et 26 ans, jouir de leurs droits civiques, ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation inscrite au casier judiciaire, satisfaire aux conditions de moralité exigées par la police nationale, être en situation régulière au regard de leurs obligations en matière de service national et remplir les mêmes conditions d’aptitude physique que celles requises pour le concours de gardien de la paix.
Pour votre rapporteur pour avis, l’extension du dispositif des cadets de la République à l’administration pénitentiaire présenterait un intérêt particulier pour cette institution. Elle lui permettrait d’offrir à des jeunes sans diplôme une chance d’intégrer une administration exerçant des missions régaliennes et de plus en plus variées, notamment grâce au développement de la surveillance électronique – pour laquelle les surveillants jouent un rôle actif dans l’installation au domicile de la personne concernée et le contrôle du respect de ses obligations – ou encore au transfert à l’administration pénitentiaire, depuis 2011, de la responsabilité en matière d’extractions judiciaires. Elle permettrait également de limiter le phénomène de « fuite » des recrues existant dans le cadre des recrutements par concours, souvent lié à la méconnaissance par les candidats au concours de la nature et de la difficulté des missions des surveillants pénitentiaires. Ayant travaillé dans des établissements pénitentiaires pendant un an, les cadets de la République de l’administration pénitentiaire connaîtraient précisément l’intérêt du métier pour lequel ils postulent, mais aussi la réalité de ses conditions de travail.
Proposition n° 2 :
Pour répondre aux difficultés de recrutement et de fidélisation des surveillants pénitentiaires, étendre le dispositif des cadets de la République à l’administration pénitentiaire.
DEUXIÈME PARTIE :
LA SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
Les mesures mises en œuvre pour assurer la sécurité des établissements pénitentiaires sont de deux ordres. Certaines mesures relèvent de la sécurité dite passive : il s’agit de l’architecture même des bâtiments et des dispositifs destinés à empêcher les évasions (murs, grillages, grilles, barreaux aux fenêtres, systèmes de sas empêchant l’ouverture de plusieurs portes en même temps), de la conception de l’enceinte, des dispositifs de sécurité périmétrique (glacis, concertina (7), clôtures anti-escalade…) ou encore des dispositifs de vidéosurveillance. D’autres mesures relèvent de la sécurité dite active : dans cette catégorie, figurent la connaissance et le respect par les personnels des procédures de sécurité, le repérage des détenus pouvant représenter un danger, les mesures de contrôle des personnes et des locaux – incluant les moyens de détection électronique et les fouilles de personnes ou de locaux – ainsi que le renseignement pénitentiaire. Ces deux familles de mesures de sécurité ont une égale importance et il importe de ne pas privilégier l’une au détriment de l’autre, car toutes deux concourent à l’objectif général de la sécurité des établissements pénitentiaires.
Le projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2014 fait du renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires, aux côtés des mesures tendant à favoriser la réinsertion, d’une part, et de l’amélioration des conditions de détention et des conditions de travail des personnels pénitentiaires, d’autre part, l’un des trois objectifs prioritaires du programme « Administration pénitentiaire » : « La mission de l’administration pénitentiaire est d’assurer la privation de liberté dans des conditions de sécurité tant pour les personnes placées sous main de justice que pour les personnels et les intervenants. » (8)
Cette priorité donnée au renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires recueille l’assentiment de votre rapporteur pour avis, tant celle-ci constitue un enjeu fondamental pour les agents pénitentiaires, l’ensemble des personnes détenues mais aussi, de façon plus générale, pour la sécurité publique.
Votre rapporteur pour avis a souhaité porter son attention sur trois aspects de la question sécuritaire en prison qui lui sont apparus comme étant les plus délicats, appelant, dans certains cas, l’élaboration rapide de réponses appropriées pour éviter des mises en danger des personnels et de l’ensemble de nos concitoyens. Tout d’abord, votre rapporteur pour avis s’intéressera à l’inquiétant phénomène du développement de la violence dans les établissements pénitentiaires (I). En deuxième lieu, la question de l’introduction d’objets interdits dans les établissements pénitentiaires apparaît comme un fléau qui affaiblit considérablement la sécurité des établissements et qui, comme tel, doit être combattu sans tabou (II). Enfin, si le risque d’évasion semble actuellement maîtrisé, votre rapporteur pour avis considère que tout doit être mis en œuvre pour que ce risque demeure aussi faible que possible à l’avenir (III).
Si la violence au sein des établissements pénitentiaires a toujours existé, le développement récent des agressions de personnels ou entre détenus, des mutineries et des prises d’otages constitue un phénomène qui inquiète et doit interpeller les pouvoirs publics. Tous les syndicats entendus par votre rapporteur pour avis, ainsi que les personnels avec lesquels il a échangé lors des visites qu’il a effectuées dans cinq établissements pénitentiaires, témoignent d’une augmentation des tensions et des violences au sein des établissements. Pourtant, le projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2014 indique que le taux d’agressions aurait tendance à baisser. Dès lors, la question de savoir si le phénomène de violence en prison ne serait pas sous-estimé doit être posée (A). Pour lutter durablement contre ce phénomène de violence en prison, votre rapporteur pour avis propose deux voies à suivre : adapter les moyens mis à la disposition des agents pénitentiaires (B) et résorber la surpopulation pénitentiaire (C).
En prison, la violence touche tant les personnels pénitentiaires que les personnes détenues.
S’agissant tout d’abord de la violence à l’égard des personnels, le projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2014 retient comme indicateur de performance du programme « Administration pénitentiaire » le taux d’incidents pour 10 000 détenus, en soulignant que « cet indicateur l’un des éléments permettant d’apprécier le climat de l’établissement pénitentiaire et donc la qualité de la garde » (9). Pour établir cet indicateur, le ministère de la Justice définit un incident comme une agression ayant entraîné une interruption temporaire de travail (ITT) d’au moins un jour. Pour l’année 2012, ce taux d’incidents s’est établi à 16,7 pour 10 000 détenus. Il était en baisse par rapport à l’année 2011, où il était de 20,4 pour 10 000 détenus.
Pour votre rapporteur pour avis, cet indicateur soulève une difficulté d’ordre sémantique, car le choix du terme « incidents » plutôt que celui d’« agressions » minimise la gravité de la violence commise par le détenu et subie par l’agent. Qualifier un coup porté à un agent pénitentiaire d’« incident » revient à lui donner une apparence de bénignité et à nier une partie de la violence qui a été subie, ce qui la rend d’autant plus difficile à supporter. Votre rapporteur pour avis préconise donc de renommer l’indicateur n° 1.2 « taux d’agressions pour 10 000 détenus ».
Outre cette question de vocabulaire, la pertinence même de cet indicateur tel qu’il est actuellement conçu a été remise en cause par plusieurs syndicats de personnels pénitentiaires entendus par votre rapporteur pour avis. En effet, pour les personnels, le fait d’exclure de cet indicateur les violences n’ayant pas entraîné d’ITT amenuise la réalité de la violence dans les établissements pénitentiaires. En effet, un grand nombre d’agressions n’entraîne pas d’ITT que parce que le détenu a la « chance » de ne pas causer de dommage à l’agent qu’il a agressé ou parce que, grâce à son professionnalisme, l’agent est parvenu à éviter que le coup porté ne le blesse. Si l’on comptabilisait dans le taux d’agressions l’ensemble des agressions physiques, avec ou sans ITT, à l’encontre des personnels, le taux d’agressions s’établirait en 2012 à 116,7 agressions pour 10 000 détenus, ce qui donne une vision autrement plus inquiétante de la violence subie par les personnels. Le tableau ci-dessous présente l’évolution des taux d’agressions entre 2010 et 2012.
ÉVOLUTION DU NOMBRE ET DES TAUX D’AGRESSIONS À L’ENCONTRE DE PERSONNELS PÉNITENTIAIRES ENTRE 2010 ET 2012
Nombre total d’agressions envers des personnels |
Nombre d’agressions avec ITT d’au moins un jour |
Population carcérale moyenne |
Taux d’agressions pour 10000 détenus |
Taux d’agressions avec ITT d’au moins un jour pour 10000 détenus | |
2010 |
764 |
109 |
61 374 |
124,5 |
17,8 |
2011 |
775 |
130 |
63 767 |
121,5 |
20,4 |
2012 |
778 |
111 |
66 661 |
116,7 |
16,7 |
Source : ministère de la Justice
Enfin, selon les personnels entendus par votre rapporteur pour avis, si toutes les agressions – même celles qui n’ont pas causé d’ITT – donnent lieu à l’établissement d’un compte-rendu d’incident et, dans la plupart des cas, à des poursuites disciplinaires, une partie des agressions sans ITT semble aujourd’hui ne pas être comptabilisée en tant qu’agressions. Les chiffres des agressions sans ITT aujourd’hui disponibles seraient donc sous-estimés, ce qui ne permet pas de mesurer précisément l’ampleur du phénomène de violence à l’intérieur des établissements pénitentiaires.
Pour votre rapporteur pour avis, il est impératif que le phénomène de violence dans les établissements pénitentiaires soit connu avec la plus grande précision. Pour ce faire, il préconise que l’indicateur du taux d’agressions – et non plus du taux d’incidents – prenne en compte l’ensemble des agressions physiques subies par les personnels, qu’elles aient ou non entraîné une interruption temporaire de travail.
L’importance de la violence verbale mérite, enfin, d’être soulignée. Chaque jour, les personnels pénitentiaires subissent des provocations, des insultes et des menaces qui créent un climat de travail particulièrement difficile à vivre. Il serait évidemment impossible d’intégrer l’ensemble de ces violences verbales dans les statistiques et indicateurs sur les violences, car toutes ne peuvent donner lieu à l’établissement de comptes rendus d’incidents. Pour autant, votre rapporteur pour avis tenait à souligner cet état de fait qu’endurent les personnels, dans un climat de tension qui peut être éprouvant.
Proposition n° 3 :
Permettre une meilleure évaluation du phénomène de violence dans les établissements pénitentiaires, en prenant en compte dans l’indicateur du taux d’agressions l’ensemble des agressions physiques avec ou sans interruption temporaire de travail subies par les personnels.
S’agissant ensuite de la violence entre personnes détenues, le phénomène tend à augmenter, comme le montre le tableau ci-dessous relatif à l’évolution du nombre et du taux d’agressions entre personnes détenues entre 2010 et 2012.
ÉVOLUTION DU NOMBRE ET DES TAUX D’AGRESSIONS
ENTRE PERSONNES DÉTENUES ENTRE 2010 ET 2012
Nombre total d’agressions |
Population carcérale moyenne |
Taux d’agressions pour 10 000 détenus | |
2010 |
7 825 |
61 374 |
1275,0 |
2011 |
8 365 |
63 767 |
1311,8 |
2012 |
8 861 |
66 661 |
1329,3 |
Source : ministère de la Justice
Ces agressions déclarées ne recouvrent sans doute pas l’ensemble des violences subies par les personnes détenues. Compte tenu des phénomènes d’intimidations et de bandes dans les établissements pénitentiaires, il est même probable que le « chiffre noir » des violences entre détenus soit très élevé. Pour votre rapporteur pour avis, l’augmentation des violences constatées entre personnes détenues est en lien direct avec l’augmentation de la surpopulation pénitentiaire, dont la résorption nécessiterait une politique immobilière ambitieuse pour adapter la capacité d’accueil du parc pénitentiaire français aux besoins réels de notre pays (10).
B. POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES, LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER LES MOYENS DE RÉPONSE À LA DISPOSITION DES AGENTS PÉNITENTIAIRES
Une lutte efficace contre les phénomènes de violence en détention exige que les personnels disposent de moyens adaptés. Au vu des échanges qu’il a eus avec les personnels lors de ses visites, votre rapporteur pour avis formule deux propositions d’adaptation de ces moyens : d’une part, créer des équipes locales d’intervention pour lutter plus efficacement contre les violences collectives (1) et, d’autre part, permettre aux personnels des établissements pénitentiaires d’être équipés de pistolets à impulsion électrique (2).
1. Créer des équipes locales d’intervention pour lutter plus efficacement contre les violences collectives
Les violences collectives, telles que les mutineries ou refus de réintégrer les cellules, font peser un risque important pour la sécurité des personnes et des équipements des établissements pénitentiaires. À titre d’illustration, deux mutineries survenues en 2013 au centre pénitentiaire de Nouméa et à la maison d’arrêt de Blois ont engendré respectivement 825 000 euros et 917 000 euros de dégâts.
Avant 2003, les violences collectives dans les établissements pénitentiaires étaient prises en charge par la gendarmerie mobile ou par les compagnies républicaines de sécurité (CRS) pour les mutineries, et par le groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou le groupe de recherche, assistance, intervention et dissuasion de la police nationale (RAID) pour les prises d’otages. Cependant, le recours aux forces de la gendarmerie et de la police nationales soulevait deux difficultés : d’une part, dans certains cas, l’éloignement des unités de la gendarmerie ou de la police nationales appelées à intervenir pouvait avoir pour conséquence qu’une mutinerie se poursuivait pendant une durée relativement longue, causant des dégâts d’autant plus graves que sa durée s’allongeait ; d’autre part, la particularité des enceintes pénitentiaires et de la population qui y est présente pouvait ne pas être suffisamment bien connue des unités appelées à intervenir.
Pour remédier à ces difficultés, ont été créées en 2003, au sein même de l’administration pénitentiaire, des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) spécialement formées à l’intervention en milieu pénitentiaire. Une équipe est localisée au chef-lieu de chacune des neuf interrégions pénitentiaires du territoire métropolitain (11). À ce jour, les ERIS comptent 343 agents effectivement en fonction.
Les ERIS assurent des missions de rétablissement de l’ordre dans les établissements pénitentiaires, de sécurisation lors de travaux affaiblissant la sécurité des structures, de garde ponctuelle de détenus sensibles, de formation et d’audit des établissements, notamment avant leur ouverture, de sécurisation de fouilles de locaux et d’escorte lors de transfèrements de détenus « à risque ». Au total, les ERIS ont effectué 1 723 missions en 2012, contre 1534 en 2011 et 1243 en 2010. En 2012, les ERIS ont notamment mené 90 interventions non programmées en détention pour rétablir l’ordre et prévenir une aggravation des incidents. Plus d’une vingtaine d’entre elles ont concerné un rétablissement de l’ordre à la suite de mouvements collectifs importants en nombre de la population pénale (impliquant de plus en plus de personnes détenues mineures) avec risque de mutinerie ou dégradations volontaires de biens mobiliers de l’administration pénitentiaire. Les ERIS ont également participé à la réalisation de nombreuses opérations de sécurisation de fouilles sectorielles, notamment avec le soutien des équipes cynotechniques.
Dans les cas de prise d’otages mettant directement en danger l’intégrité physique de personnels, les interventions demeurent assurées par le GIGN ou le RAID, les ERIS intervenant alors éventuellement en force d’appui ou pour sécuriser d’autres zones de la détention.
La création de ces équipes spécialisées, dont le professionnalisme et la technicité sont unanimement soulignées, mérite d’être saluée. Les ERIS répondent à un vrai besoin de sécurisation des établissements pénitentiaires et des pratiques professionnelles, par des professionnels constamment formés et ayant une connaissance particulière de chaque établissement pénitentiaire.
Cependant, il a été indiqué à votre rapporteur pour avis, au cours des auditions qu’il a menées, qu’il pourrait être intéressant de créer des équipes locales d’intervention qui pourraient intervenir sur des événements collectifs d’une certaine gravité mais ne nécessitant pas pour autant l’intervention des ERIS. Ces équipes pourraient être constituées soit au sein d’un établissement si sa taille ou ses problématiques particulières de sécurité le justifie, soit pour plusieurs établissements proches dont les moyens seraient mutualisés. De telles équipes locales ont déjà été constituées dans certains établissements, où elles sont notamment chargées d’intervenir dans les cours de promenade lorsque des projections d’objets interdits sont détectées. Ces équipes assureraient un niveau intermédiaire d’intervention, qui fait défaut aujourd’hui, entre les équipes de surveillants des établissements pénitentiaires et les ERIS.
Proposition n° 4 :
Créer, au sein de chaque établissement dont la taille ou les problématiques de sécurité le justifieraient ou pour plusieurs établissements proches dont les moyens seraient mutualisés, des équipes locales d’intervention pour mieux lutter contre les violences collectives ne nécessitant pas l’intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS).
Lorsque la violence d’un détenu devient difficilement gérable ou lorsqu’un mouvement collectif menace de dégénérer et que les personnels pénitentiaires sont contraints de faire usage de la force, ils doivent le faire en s’efforçant de maîtriser le ou les détenus menaçants sans les blesser ni se blesser eux-mêmes. Dans un certain nombre de cas, face à des détenus violents, perturbés psychiquement ou particulièrement déterminés à blesser, cette maîtrise de la personne par la contention peut relever de la mission quasi-impossible.
Dans ces situations, le recours aux pistolets à impulsion électrique de type TASER serait une solution adaptée. Le recul dont nous disposons désormais sur ces équipements permet d’envisager leur déploiement en établissement pénitentiaire. Classées dans la catégorie des armes soumises à autorisation (12), ces armes ont pour première utilité d’avoir un fort pouvoir dissuasif : une proportion non négligeable de détenus, connaissant et craignant la forte douleur que provoquent ces appareils, seraient vraisemblablement enclins à cesser le trouble qu’ils ont causé sans qu’il soit nécessaire d’en faire usage. En cas d’utilisation, le risque pris tant pour la sécurité de la personne à maîtriser que pour celle des personnels serait moindre que celui couru en tentant de maîtriser un forcené par la seule force humaine.
Enfin, l’usage de ces équipements est entouré de garanties qui apparaissent satisfaisantes : leur utilisation n’est possible que par des personnels spécialement formés ayant eux-mêmes reçu deux décharges électriques, ce qui fait disparaître le risque qu’ils ne l’emploient « à la légère », et ces équipements sont pourvus de caméras enregistreuses qui permettent de savoir précisément dans quelles conditions elles ont été utilisées.
Proposition n° 5 :
Permettre l’utilisation par les personnels pénitentiaires, en cas de mouvement collectif de détenus ou de grande violence d’un détenu, de pistolets à impulsion électrique.
C. L’INDISPENSABLE RÉSORPTION DE LA SURPOPULATION PÉNITENTIAIRE POUR LUTTER DURABLEMENT CONTRE LA VIOLENCE EN PRISON
Le lien entre le niveau d’occupation d’un établissement pénitentiaire et le climat – apaisé ou violent – qui y règne est souligné par tous les personnels de l’administration pénitentiaire. Plus un établissement est touché par la sur-occupation, plus la tâche des personnels est difficile pour assurer la garde de la population détenue dans de bonnes conditions.
La résorption de la surpopulation pénitentiaire doit donc être un impératif absolu pour lutter durablement contre la violence en prison.
Le projet annuel de performances de la mission « Justice » souligne la nécessité de disposer d’un parc pénitentiaire ayant une capacité d’accueil suffisante : « Pour assurer la garde des personnes détenues, l’administration doit disposer d’un parc immobilier pénitentiaire apte à assurer la surveillance des personnes placées en détention, en adaptant la contrainte de sécurité au degré de dangerosité. La garde des détenus renvoie donc pour partie aux questions immobilières : il s’agit de disposer d’une capacité d’accueil suffisante et adaptée aux décisions pénales et d’assurer la garde des personnes majeures et mineures. » (13)
Si les établissements pour peines ne connaissent pas de surpopulation, puisqu’un numerus clausus y est appliqué, les maisons d’arrêt – qui accueillent les prévenus et les condamnés à des peines d’une durée inférieure ou égale à deux ans – sont, quant à elles, frappées par ce phénomène de surpopulation. Au 1er janvier 2013, le nombre de places opérationnelles en maison d’arrêt s’élevait à 19 956, pour 27 455 personnes détenues, soit un taux d’occupation de 137,6 %.
Pour faire face à l’enjeu de la réduction de la surpopulation pénitentiaire, le précédent Gouvernement avait fait le choix d’une politique immobilière ambitieuse, qui aurait permis à notre pays de disposer de 80 000 places opérationnelles en 2017. Selon le plan prévu par le précédent Gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre de la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines, 13 646 places nettes auraient été créées entre 2014 et 2016 (avec 19 450 places créées et 5 804 places fermées).
Sur la même période, le Gouvernement dirigé par M. Jean-Marc Ayrault ne prévoit de créer que 2 582 places nettes correspondant à 3 995 places neuves et 1 413 places fermées. Or, votre rapporteur pour avis doute que les créations de places prévues par le Gouvernement suffisent à faire baisser la surpopulation. Déjà, dans le projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2014, le Gouvernement indique, dans la présentation de l’indicateur relatif au taux d’occupation des places en maison d’arrêt, que « [l]a hausse continue observée depuis plusieurs mois du nombre de personnes détenues ne permettra pas d’être en conformité avec les prévisions qui figuraient au PAP 2013 » et que ces prévisions « sont donc revues à la hausse » (14). Ainsi, alors que le projet annuel de performances pour 2013 prévoyait que ce taux d’occupation pourrait être baissé à 128 %, le projet pour 2014 se contente de fixer un objectif de maintien de ce taux à 133 % non seulement pour 2014, mais aussi pour 2015.
Votre rapporteur pour avis estime de son devoir d’attirer solennellement l’attention de la Commission et celle du Gouvernement sur le risque d’une aggravation des agressions subies par les personnels pénitentiaires et les personnes détenues si le phénomène de surpopulation n’est pas résorbé à bref délai. Pour votre rapporteur pour avis, cette résorption passe obligatoirement par une augmentation de la capacité d’accueil du parc pénitentiaire français, pour l’adapter à la réalité de la délinquance dans notre pays et aux décisions de justice prononcées par les juridictions, d’une part, et pour doter notre pays d’une capacité carcérale comparable à celle que l’on constate en moyenne chez nos voisins européens (15).
En conséquence, votre rapporteur pour avis préconise, comme il l’avait déjà fait dans son avis budgétaire sur les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2013, de revenir à une politique immobilière ambitieuse permettant de résorber effectivement la surpopulation pénitentiaire, ce qui permettra de faire durablement baisser la tension et la violence dans les établissements pénitentiaires.
Proposition n° 6 :
Afin de faire baisser la tension et la violence dans les établissements pénitentiaires, revenir à une politique immobilière ambitieuse permettant de résorber effectivement la surpopulation pénitentiaire.
II. L’INTRODUCTION D’OBJETS INTERDITS DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES : UN FLÉAU À COMBATTRE SANS TABOU
Depuis un certain nombre d’années, les saisies d’objets interdits dans les établissements pénitentiaires ont connu une très forte et inquiétante progression (A). Dans ce contexte, l’interdiction par l’article 57 de la loi pénitentiaire des fouilles systématiques des personnes détenues, qui étaient auparavant pratiquées à l’issue des parloirs, constitue pour les personnels pénitentiaires un abaissement du niveau de sécurité des établissements pénitentiaires difficile à accepter (B). Pour compenser l’abaissement du niveau de sécurité induit par l’interdiction des fouilles systématiques, votre rapporteur pour avis formulera deux propositions pragmatiques en vue de relever le niveau des contrôles de sécurité pouvant être opérés à l’entrée des établissements pénitentiaires (C).
La sécurité des établissements pénitentiaires exige que la détention d’un certain nombre d’objets y soit interdite. C’est le cas des téléphones portables, puisque l’accès au téléphone des personnes détenues est subordonné à des conditions définies par l’article 39 de la loi pénitentiaire (16). C’est également le cas des produits classés comme stupéfiants en application de l’article L. 5132-7 du code de la santé publique et dont l’usage est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros d’amende en application de l’article L. 3421-1 du même code. C’est également le cas des armes et des explosifs, pour d’évidentes raisons de sécurité. C’est, enfin, aussi le cas de l’argent, dont la détention pourrait être source de vols, de violences et de trafics entre personnes détenues, et de l’alcool, qui pourrait être source de troubles et de trafics.
Après un bilan des saisies d’objets interdits dans les établissements pénitentiaires (1), votre rapporteur pour avis présentera les modalités d’entrée de ces objets et les moyens de lutte mis en œuvre par l’administration pénitentiaire pour tenter d’empêcher ces introductions (2).
La saisie de toutes les catégories d’objets interdits a connu une augmentation considérable au cours des dernières années, au point d’atteindre un taux de saisies – impressionnant autant qu’effrayant – de 5 918 objets interdits saisis pour 10 000 détenus en 2012, comme le montre le tableau ci-dessous.
ÉVOLUTION DES SAISIES D’OBJETS INTERDITS DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES ENTRE 2010 ET 2012
|
Téléphones et accessoires |
Stupéfiants |
Armes |
Explosifs |
Autres (argent, alcool, autres objets interdits) |
Total |
Population carcérale moyenne |
Taux de saisies pour 10 000 détenus |
2010 |
10 990 |
6 661 |
512 |
0 |
6 005 |
24 168 |
61 374 |
3 938 |
2011 |
16 487 |
7 795 |
705 |
0 |
7 481 |
32 468 |
63 767 |
5 092 |
2012 |
20 532 |
8 755 |
705 |
0 |
9 460 |
39 452 |
66 661 |
5 918 |
Source : ministère de la Justice
Lors des visites qu’il a effectuées dans le cadre de la préparation du présent avis budgétaire, votre rapporteur pour avis a pu se faire présenter d’importantes collections de téléphones portables miniatures, au format de clés de voiture, ne comportant aucun composant métallique et, par conséquent, totalement indétectables par les portiques de détection de masses métalliques.
Les cahiers des charges des établissements du programme immobilier actuellement en cours de réalisation prescrivent la mise en place d’un système de brouillage, qui doit concerner le quartier d’isolement, le quartier disciplinaire et l’intégralité des maisons centrales ou des secteurs maisons centrales. Ce système devra permettre une couverture totale des zones accessibles aux personnes détenues dans les espaces cités précédemment, sans dépasser le glacis. Cependant, l’efficacité des brouilleurs n’est pas parfaite, car il est difficile techniquement d’empêcher le fonctionnement des appareils téléphoniques détenus de façon illicite, sans pour autant perturber le fonctionnement des téléphones professionnels des personnels et des équipements électroniques de l’établissement.
Si les téléphones illégalement introduits dans les prisons par les détenus peuvent servir à de banales conversations familiales ou amicales, ils peuvent aussi être utilisés par les détenus pour poursuivre depuis l’intérieur de la prison leurs activités illicites, ou encore pour préparer une évasion. S’il est nécessaire de lutter contre la détention de téléphones dans les établissements pénitentiaires, en évitant autant que faire se peut leur entrée et en les recherchant activement une fois qu’ils sont entrés, il pourrait aussi être intéressant pour l’autorité judiciaire ou administrative de pouvoir, dans certains cas, écouter les conversations téléphoniques réalisées avec ces téléphones portables. En effet, des dispositifs permettant de détecter les numéros des téléphones portables émettant depuis une zone donnée existent, ce qui peut permettre, une fois le numéro connu, de mettre en place des écoutes. Dans la mesure où, en application de l’article 727-1 du code de procédure pénale, les conversations téléphoniques « légales » – c’est-à-dire celles réalisées avec les postes fixes installés en détention et après autorisation du juge d’instruction pour les prévenus et de l’administration pour les condamnés – peuvent faire l’objet d’écoutes et d’enregistrement, il est paradoxal que les conversations « illégales » ne puissent pas, quant à elles, être écoutées. Dans le cadre administratif, ces écoutes s’inscriraient dans la logique du renforcement du renseignement pénitentiaire et pourraient permettre d’avoir connaissance de mouvements collectifs violents en préparation ou de tentatives d’évasion. Pour renforcer l’efficacité des écoutes réalisées sur les postes fixes des établissements, votre rapporteur pour avis préconise de rendre possible l’écoute des téléphones portables détectés dans l’enceinte de l’établissement.
Proposition n° 7 :
Permettre la détection et l’écoute des téléphones portables illégalement détenus par les personnes incarcérées.
Les saisies d’explosifs sont, fort heureusement, rarissimes, les dernières saisies d’explosifs datant de 2007 et 2008 où respectivement 2 et 4 saisies avaient porté sur des produits explosifs. Cependant, il est arrivé récemment que des explosifs introduits dans un établissement pénitentiaire soient utilisés dans des évasions ou tentatives d’évasion – ce fut le cas lors de l’évasion particulièrement violente survenue à la maison d’arrêt de Lille-Sequedin en avril 2013, ou encore au centre pénitentiaire sud-francilien de Réau où l’explosion ne parvint pas à faire céder la porte malgré une charge relativement importante.
2. Les modalités d’introduction des objets interdits dans les établissements pénitentiaires et les moyens de lutte mis en œuvre
Les introductions d’objets interdits dans les établissements pénitentiaires se réalisent par deux moyens : soit par l’intermédiaire de personnes autorisées à accéder aux établissements, soit par la voie « aérienne » des projections d’objets de l’extérieur des établissements vers les cours de promenade de ceux-ci.
L’introduction d’objets par des personnes autorisées à accéder aux établissements peut être le fait de chacune des catégories de personnes, qu’il s’agisse des personnes rendant visite aux personnes détenues – familles, amis, visiteurs de prison, aumôniers ou avocats – ou des personnes travaillant dans l’établissement – personnels de prestataires extérieurs, enseignants ou personnels pénitentiaires.
En dehors des intervenants permanents en détention, les personnes accédant aux établissements pénitentiaires sont soumises à l’obligation de présenter systématiquement un document d’identité et un document attestant de l’autorisation d’accéder à l’établissement. Surtout, toutes ces personnes – y compris les intervenants permanents – sont soumises lors de l’entrée à un contrôle électronique des bagages qu’elles transportent et d’elles-mêmes, en passant sous un portique de détection de masses métalliques ou en faisant l’objet d’un contrôle opéré avec un détecteur manuel. En sus de ceux installés aux entrées des établissements pénitentiaires utilisés pour contrôler les personnes autorisées à entrer en détention, des portiques de détection et détecteurs manuels de masses métalliques sont également présents à l’intérieur des établissements pour contrôler les personnes détenues.
Au total, 620 portiques de détection de masses métalliques sont aujourd’hui répartis dans les 190 établissements pénitentiaires en service au 1er octobre 2013. Dans le cadre du plan de sécurisation des établissements pénitentiaires présenté en juin 2013, Mme la garde des Sceaux a annoncé l’acquisition en 2013 et 2014 de 282 portiques supplémentaires et 393 détecteurs manuels pour un coût total de 1 million d’euros. Cependant, la limite de ces dispositifs est qu’ils ne permettent de détecter que des éléments métalliques, ce qui n’est le cas ni des produits stupéfiants, ni des explosifs, ni de certains modèles de téléphones portables miniatures.
Si l’introduction d’objets interdits par les personnes extérieures à l’établissement est un phénomène ancien, le phénomène des « projections » est, quant à lui, d’apparition beaucoup plus récente. Les projections consistent à envoyer, depuis l’extérieur de l’établissement, des objets que l’on souhaite faire entrer dans l’établissement, en les faisant passer par-dessus les murs d’enceinte et en tentant de les faire atterrir dans une cour de promenade à un moment où les détenus s’y trouvent. Les objets – souvent dissimulés dans une balle de tennis – sont ensuite récupérés par le détenu le plus proche du lieu d’atterrissage du projectile, puis restitués à leur « destinataire » grâce à la solidarité pouvant exister entre les détenus, mais aussi du fait des pressions et intimidations qui contraignent les détenus les plus vulnérables à transporter les objets illicites d’autres détenus.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis lors de ses déplacements dans les établissements pénitentiaires, les personnes effectuant ces projections sont parfois des mineurs, à qui les proches des détenus font accomplir cette mission en comptant sur la mansuétude dont ils pourront bénéficier du fait de leur minorité s’ils sont interpellés. Cependant, les interpellations sont rares, car les lanceurs s’approchent des établissements et s’en éloignent extrêmement rapidement, si bien que, même lorsqu’un agent pénitentiaire en poste dans un mirador a repéré la projection, le délai d’arrivée des forces de l’ordre ne permet qu’exceptionnellement de procéder à une arrestation.
Pour faire face à ce phénomène des projections, l’administration pénitentiaire a installé dans un certain nombre d’établissements des filets anti-projection destinés à compliquer l’opération en augmentant la hauteur à franchir. Dans le cadre du plan de sécurisation des établissements pénitentiaires de juin 2013, 35 établissements identifiés comme vulnérables aux projections seront équipés de filets et verront leurs glacis renforcés, pour un montant de 12 millions d’euros.
Pour renforcer l’efficacité de la lutte contre les projections, votre rapporteur pour avis propose de permettre à l’administration pénitentiaire d’intervenir elle-même en dehors de l’enceinte des établissements pour appréhender les auteurs de projections, ce qui supposerait que les agents chargés de cette mission aient la qualité d’agents de police judiciaire (17). Les limites territoriales de la compétence des agents pénitentiaires devraient être définies par la loi, pour ne pas dépasser un espace raisonnable au-delà du périmètre de l’établissement, tout en permettant aux agents pénitentiaires, dans un souci d’efficacité, d’engager une poursuite avant de passer le relais aux forces de gendarmerie ou de police. Les agents en charge de ces interventions à l’extérieur des établissements pourraient être les mêmes que ceux appartenant aux équipes locales d’intervention dont votre rapporteur pour avis préconise la création pour mieux lutter contre les violences collectives (18). Ces agents pourraient également intervenir pour constater des infractions ou mettre fin à des troubles pouvant être commis aux abords des établissements par des personnes rendant visite aux détenus.
Cette évolution statutaire de certains agents pénitentiaires et l’exercice de ces nouvelles missions s’inscriraient dans la dynamique d’enrichissement et de diversification des missions des personnels pénitentiaires amorcée depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dont l’article 12 dispose que « [l]es personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire constituent, sous l’autorité des personnels de direction, l’une des forces dont dispose l’État pour assurer la sécurité intérieure ». Depuis 2009, les missions des personnels pénitentiaires exercées en dehors de l’enceinte des établissements pénitentiaires se sont développées, avec la garde des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) et des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), l’installation des équipements de placement sous surveillance électronique (PSE) au domicile des personnes faisant l’objet de cette mesure et le contrôle du respect de leurs obligations par ces personnes, ainsi qu’avec le transfert progressif, depuis 2011, de la responsabilité des extractions judiciaires à l’administration pénitentiaire. La proposition de votre rapporteur pour avis permettrait d’enrichir encore davantage les missions des personnels pénitentiaires, tout en contribuant à un renforcement significatif de la sécurité des établissements.
Pour l’exercice de cette nouvelle mission exercée sur le domaine public jouxtant l’enceinte pénitentiaire, les personnels pénitentiaires devraient naturellement être armés, comme ils le sont déjà lorsqu’ils effectuent des missions d’extractions judiciaires et de surveillance des UHSA et UHSI. Du reste, votre rapporteur pour avis formule une proposition tendant à harmoniser les règles applicables à l’armement des personnels pénitentiaires exécutant des missions en dehors des enceintes pénitentiaires (19).
Proposition n° 8 :
Permettre à des agents de l’administration pénitentiaire d’avoir la qualité d’agents de police judiciaire, afin de pouvoir intervenir en dehors des établissements pour appréhender les auteurs de projections.
B. L’INTERDICTION DES FOUILLES SYSTÉMATIQUES : UN ABAISSEMENT DU NIVEAU DE SÉCURITÉ DIFFICILE À ACCEPTER POUR LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES ET TRÈS PRÉJUDICIABLE POUR LA SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
Les fouilles pratiquées par les personnels pénitentiaires ont pour objet de s’assurer que les personnes détenues ne sont porteuses d’aucun objet interdit, tel que des téléphones portables, des stupéfiants, des armes, des explosifs ou encore de l’alcool. Les fouilles pratiquées par les personnels pénitentiaires peuvent prendre deux formes : la fouille par palpation, qui consiste en une recherche extérieure et au-dessus des vêtements, par tapotements, d’objets interdits, et la fouille intégrale, qui consiste en un contrôle visuel – et sans aucun contact physique – de la personne détenue intégralement déshabillée. Beaucoup plus rares, les investigations corporelles internes – qui ne sont pas pratiquées par des personnels pénitentiaires mais exclusivement par des médecins ne travaillant pas dans l’établissement – ont, quant à elles, pour objet de vérifier la présence d’objets interdits ou dangereux dans les cavités buccales, anales ou vaginales.
L’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a interdit le recours aux fouilles systématiques dans les établissements pénitentiaires (1). Compte tenu de l’absence actuelle de substitut efficace aux fouilles pour permettre aux personnels pénitentiaires de lutter efficacement contre l’introduction d’objets interdits (2), cette disposition a eu pour effet d’abaisser fortement le niveau de sécurité des établissements pénitentiaires, ce qui est à la fois très difficile à accepter pour les personnels pénitentiaires placés en première ligne mais aussi préjudiciable à la sécurité publique. À cet abaissement du niveau de sécurité intrinsèque à l’article 57 de la loi pénitentiaire lui-même, vient s’ajouter actuellement une situation de confusion juridique, la circulaire prise pour l’application de cet article en avril 2011 étant devenue inapplicable sans avoir été encore remplacée (3).
1. L’interdiction des fouilles systématiques par l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009
Avant l’adoption de la loi pénitentiaire, les fouilles des personnes détenues – comme, du reste, la plupart des règles applicables dans les établissements pénitentiaires – étaient encadrées par des dispositions de nature réglementaire. L’article D. 275 du code de procédure pénale disposait que « les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef de l’établissement l’estime nécessaire », et qu’ils « doivent également faire l’objet d’une fouille avant et après tout parloir ou visite quelconque ». Les textes alors en vigueur prévoyaient donc la pratique de fouilles systématiques à l’issue des parloirs, en raison du risque avéré d’introduction d’objets interdits pendant les visites de proches des détenus. Cependant, la France avait fait l’objet, en 2007, d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, pour avoir pratiqué sur un détenu des fouilles que la cour avait jugées trop systématiques (20). À la suite de cette décision, le Conseil d’État s’était reconnu compétent pour connaître des décisions de recourir à des fouilles et jugé que ces fouilles devaient, pour être conformes aux normes applicables, et particulièrement à l’article 3 de la convention européenne des droits de l’Homme, réunir des conditions de nécessité, d’adaptation au motif poursuivi et de proportionnalité des moyens employés (21).
Dans l’objectif de mettre notre droit en conformité avec les exigences de la cour de Strasbourg et d’élever au niveau législatif les règles encadrant les fouilles – afin, selon le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, M. Jean-Paul Garraud, de « réparer l’anomalie » de l’encadrement seulement réglementaire des droits des détenus (22) –, l’article 57 de la loi pénitentiaire a soumis le recours aux fouilles des personnes détenues à des règles très strictes et interdit les fouilles systématiques.
Article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 :
« Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues.
« Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes.
« Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n’exerçant pas au sein de l’établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l’autorité judiciaire. »
Issue d’un amendement du rapporteur du projet de loi au Sénat, M. Jean-René Lecerf, la rédaction de l’article 57 de la loi pénitentiaire soulève cependant des difficultés extrêmement importantes, et est perçue par l’immense majorité des personnels pénitentiaires comme la source d’une mise en danger quotidienne. L’inquiétude légitime des personnels pénitentiaires, en première ligne face à la violence des détenus et au risque d’évasion, doit être entendue. Pour votre rapporteur pour avis, le renforcement de la dignité des personnes détenues ne doit pas se faire au détriment du respect des personnels.
La première difficulté suscitée par l’article 57 de la loi pénitentiaire tient à la définition des critères de recours aux fouilles – qu’il s’agisse des fouilles par palpation ou des fouilles intégrales –, qui ne tiennent compte que du risque individuel d’introduction d’objets interdits, mais pas du risque systémique qui existe à chaque contact entre des personnes détenues et des personnes venant de l’extérieur. En limitant la possibilité de procéder à la fouille d’un détenu au cas où existe une présomption d’infraction commise par ce détenu ou par les risques que son comportement fait courir, l’article 57 de la loi pénitentiaire fait dangereusement abstraction de la réalité du contexte pénitentiaire, qui est que les parloirs sont une occasion systématiquement utilisée par certains détenus pour tenter d’introduire dans l’établissement des objets qu’ils n’ont pas le droit de détenir. L’exigence d’adaptation de la nature et de la fréquence des fouilles à la personnalité des détenus renforce la dimension exclusivement individuelle des critères de fouilles, excluant toute possibilité de recours aux fouilles dans des situations que l’on sait pourtant à risques dans les établissements pénitentiaires, telles que les parloirs.
La deuxième difficulté tient aux risques que l’interdiction des fouilles systématiques fait courir aux détenus les plus vulnérables. En subordonnant la fouille à des critères interdisant d’y recourir de façon systématique, mais aussi d’y recourir pour des détenus dont le comportement individuel ne crée pas de difficulté en détention, l’article 57 de la loi pénitentiaire fait courir aux détenus vulnérables – qui ne demanderaient qu’à vivre leur détention le plus tranquillement possible – ainsi qu’à leurs familles le risque de faire l’objet de pressions, de menaces voire de violences pour se transformer en « porteurs » ou en « mules ».
Une troisième difficulté soulevée par l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 tient à l’inapplicabilité pratique de son deuxième alinéa, qui confère aux fouilles intégrales un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou aux moyens de détection électronique. Au cours de l’examen en séance, M. Jean-René Lecerf avait justifié l’introduction de ce caractère subsidiaire par le fait qu’il permettrait de « préparer l’avenir, les cas de fouille intégrale devant se réduire avec le progrès technique » (23). Aujourd’hui, les moyens de détection électronique pouvant se substituer à une fouille sont de deux types : les portiques ou détecteurs manuels de masses métalliques, d’une part, et les portiques à ondes millimétriques (POM), plus communément appelés « scanners corporels », d’autre part.
Comme votre rapporteur pour avis l’a déjà indiqué précédemment, les portiques ou détecteurs manuels de masses métalliques ont une limite inhérente à leur fonction même : celle de ne permettre de détecter que des masses métalliques. Tout objet non métallique, tel que des produits stupéfiants ou des explosifs et même, désormais, certains téléphones portables, ne peut donc pas être détecté par ce moyen.
De conception plus récente, les portiques à ondes millimétriques permettent la détection des objets non masqués par la peau dont est porteuse la personne contrôlée. Cette détection des objets placés entre les vêtements et la peau peut permettre de visualiser sur un écran des objets métalliques, mais aussi plastiques, liquides, semi-liquides ainsi que des papiers. Les deux premiers portiques à ondes millimétriques ont été installés dans les maisons centrales de Lannemezan en 2011 et Saint-Maur en 2012, et le plan de sécurisation annoncé en juin 2013 par Mme la garde des Sceaux prévoit l’équipement de l’ensemble des 11 maisons centrales ou quartiers maison centrale et de 9 maisons d’arrêt dans lesquelles existe un besoin spécifique de sécurisation. À la fin de l’année 2014, 20 établissements sur les 190 du parc pénitentiaire français devraient être équipés de portiques à ondes millimétriques.
Votre rapporteur pour avis s’interroge sur le point de savoir si le cadre juridique du recours aux portiques à ondes millimétriques dans les établissements pénitentiaires ne devrait pas être davantage sécurisé. En effet, dans une note d’observation qu’elle avait adoptée, le 6 mai 2010, sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) (24) – dont un article prévoyait de permettre, à titre expérimental, le recours à ces portiques dans les aéroports –, la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait estimé que « l’encadrement juridique des scanners corporels devrait être le plus précis possible, afin de maintenir le nécessaire équilibre entre le respect de la vie privée et la sécurité publique ».
Considérant que « ces nouveaux dispositifs d’imagerie constituent par nature des traitements de données à caractère personnel [qui] relèvent des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 », elle avait préconisé que le recours aux portiques à ondes millimétriques soit autorisé par la loi et que ses conditions d’utilisation soient définies par un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL. Votre rapporteur pour avis considère que le Gouvernement devrait, avant de déployer l’ensemble des nouveaux portiques qu’il a annoncés dans le cadre du plan de sécurisation des établissements pénitentiaires, s’assurer de la totale sécurité juridique du recours à ces portiques et prendre, le cas échéant, les textes nécessaires.
Proposition n° 9 :
Assurer la totale sécurité juridique du recours aux portiques à ondes millimétriques dans les établissements pénitentiaires, en suivant les préconisations formulées par la commission nationale de l’informatique et des libertés s’agissant du recours à ces équipements.
Cependant, l’efficacité des portiques à ondes millimétriques connaît, elle aussi, plusieurs limites. Tout d’abord, la capacité à analyser les images requiert une formation d’au moins 4 jours et une pratique régulière des agents pour acquérir la dextérité nécessaire. Ensuite, le passage sous le portique à ondes millimétriques nécessite un temps de passage d’en moyenne 2 à 3 minutes par personne détenue, en fonction de l’expérience de l’agent en charge de l’analyse des images et des éventuelles vérifications à opérer. Compte tenu du nombre de personnes dont la fouille peut s’avérer nécessaire à l’issue d’un parloir, un tel temps de passage peut se révéler extrêmement handicapant dans la gestion des flux d’un établissement. Enfin, les coûts d’acquisition de chaque portique – de l’ordre de 150 000 euros – et les coûts d’entretien et d’assistance
– compte tenu de la fragilité de l’appareil – ne permettent pas d’envisager d’équiper l’ensemble des établissements français avant de nombreuses années.
Pour votre rapporteur pour avis, en l’absence de substitut efficace aux fouilles, le souci de préparer l’avenir exprimé par le rapporteur du projet de loi pénitentiaire au Sénat, aussi louable qu’il ait pu être sur un pur plan théorique, a eu une conséquence immédiate extrêmement regrettable : celle d’abaisser fortement le niveau de sécurité des établissements pénitentiaires.
3. Des difficultés renforcées par la confusion juridique liée à l’inapplicabilité de la circulaire de 2011
Conscient des difficultés que produirait une application trop stricte de l’interdiction des fouilles systématiques à l’issue des parloirs, le ministère de la Justice avait, par une circulaire en date du 14 décembre 2011 (25), rappelé que « les lieux de visite des familles (parloirs, UVF, parloirs familiaux) constituent un lieu sensible dans les établissements pénitentiaires », car « ils sont d’une part, un lieu de contacts entre les personnes détenues et des visiteurs qui ont fait l’objet de mesures de contrôle allégées, d’autre part, très régulièrement le lieu d’entrées et de sorties d’objets ou de substances prohibés ou dangereux pour la sécurité des personnes ou le bon ordre de l’établissement ». Sur la base de ces éléments objectifs vécus dans tous les établissements pénitentiaires, la circulaire concluait que « le constat de telles circonstances dans l’établissement justifie que les personnes détenues visitées fassent l’objet de mesures de fouilles adaptées ».
Reprenant les préconisations de cette circulaire, des notes de service prescrivant des fouilles systématiques à l’issue des parloirs ont été prises dans différents établissements, mais plusieurs d’entre elles ont été annulées par le juge administratif, au motif que « le fait d’instituer un régime de fouilles intégrales systématiques sans organiser la possibilité d’en exonérer certains détenus (…) constitue, eu égard à son caractère systématique, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales » (26).
Bien qu’elle ne soit pas explicitement abrogée, la circulaire de 2011 est, du fait de cette jurisprudence, devenue inapplicable. Le ministère de la Justice élabore actuellement une nouvelle circulaire qui abrogera la circulaire de 2011 et « précisera l’ensemble des dispositions issues de l’article 57 de manière à accompagner efficacement les personnels pénitentiaires dans l’évolution de leurs pratiques professionnelles » (27).
Cependant, pour votre rapporteur pour avis, l’absence de prise en compte par l’article 57 de la loi pénitentiaire du risque systémique d’introduction d’objets interdits à l’occasion des parloirs ne permettra pas au Gouvernement, par voie de circulaire, de répondre de façon adaptée au problème posé.
En conséquence, votre rapporteur pour avis recommande que l’article 57 de la loi pénitentiaire soit modifié, afin de permettre aux agents pénitentiaires de procéder à des fouilles systématiques des personnes détenues soit dans certaines zones, soit à certains moments de la vie de la détention soumis à des risques particuliers d’introduction d’objets interdits, tels que les parloirs.
Proposition n° 10 :
Modifier l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 afin de permettre aux agents pénitentiaires de procéder à des fouilles systématiques des personnes détenues soit dans certaines zones, soit à certains moments de la vie de la détention soumis à des risques particuliers d’introduction d’objets interdits.
C. LA NÉCESSITÉ DE COMPENSER L’ABAISSEMENT DU NIVEAU DE SÉCURITÉ INDUIT PAR L’INTERDICTION DES FOUILLES SYSTÉMATIQUES EN RELEVANT LE NIVEAU DES CONTRÔLES DE SÉCURITÉ POUVANT ÊTRE OPÉRÉS À L’ENTRÉE DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
Même s’il était modifié dans le sens préconisé par votre rapporteur pour avis, l’article 57 de la loi pénitentiaire ne permettrait plus aux personnels pénitentiaires de procéder à des fouilles aussi fréquemment que par le passé. Or, compte tenu de la quantité d’objets interdits introduits dans les établissements pénitentiaires – les chiffres mentionnés précédemment sont particulièrement éloquents –, il est évident qu’une baisse de la fréquence des fouilles entraînera une baisse du nombre d’objets saisis et, par conséquent, une hausse de la circulation d’objets dangereux dans les établissements.
Pour compenser cet abaissement du niveau de sécurité des établissements pénitentiaires, votre rapporteur pour avis estime nécessaire et possible d’améliorer la lutte contre le fléau de l’introduction d’objets interdits dans les établissements en renforçant sa dimension préventive. En effet, les moyens d’action actuels pour lutter contre l’introduction d’objets interdits sont principalement mis en œuvre en aval de leur introduction, au travers des fouilles réalisées sur les détenus. Les mesures de sécurité mises en œuvre à l’entrée des établissements, en amont de l’introduction des objets, sont d’une efficacité limitée, puisqu’elles consistent seulement en une détection électronique des personnes et des bagages qui ne permet de détecter que les objets métalliques.
Ce renforcement des mesures de sécurité à l’entrée des établissements pénitentiaires, dans le but de prévenir l’introduction d’objets interdits, pourrait se réaliser par deux moyens : le premier serait un recours accru aux équipes cynotechniques (1), le second serait la mise en place de fouilles par palpation sur les personnes accédant aux établissements pénitentiaires (2).
Aujourd’hui, des opérations de police judiciaire faisant appel à des équipes cynotechniques sont régulièrement organisées à l’entrée des établissements par la gendarmerie ou la police nationales, sur réquisitions du ministère public. L’ensemble des personnels pénitentiaires entendus par votre rapporteur pour avis lors de ses visites et auditions a souligné la très grande efficacité de ces opérations, qui permettent de découvrir sur les visiteurs stupéfiants ou explosifs, mais aussi leur effet dissuasif.
Actuellement, l’administration pénitentiaire dispose de deux brigades cynotechniques, composées de 15 agents et 10 chiens, et le plan de sécurisation des établissements pénitentiaires prévoit la création en 2014 de deux brigades supplémentaires ayant la même composition. Cependant, les interventions des brigades cynotechniques pénitentiaires sont aujourd’hui exclusivement des opérations de police administrative, de ce fait limitées à l’intérieur des établissements, en raison de l’absence d’habilitation des personnels pénitentiaires en tant qu’officiers ou agents de police judiciaire. Votre rapporteur pour avis préconise de permettre aux équipes cynotechniques de l’administration pénitentiaire de procéder à des contrôles de recherches de stupéfiants et d’explosifs sur les personnes entrant dans les établissements pénitentiaires.
Cette évolution de la mission des équipes cynotechniques pénitentiaires donnerait à l’administration pénitentiaire davantage d’autonomie en la matière, en lui ouvrant la faculté de mener elle-même des opérations de police judiciaire en plus de celles effectuées par la gendarmerie ou la police nationales, ce qui permettra une augmentation de la fréquence de ces contrôles. Pour ce faire, il sera nécessaire de prévoir, dans les articles 16 et 20 du code de procédure pénale, la possibilité pour les agents pénitentiaires des brigades cynotechniques d’être habilités en tant qu’officiers ou agents de police judiciaire afin de procéder, sous l’autorité du parquet local, à des opérations de police judiciaire à l’entrée des établissements.
Comme la possibilité d’intervenir en dehors des établissements pénitentiaires pour appréhender les auteurs de projections, que votre rapporteur pour avis préconise (28), cette possibilité pour des personnels pénitentiaires d’exercer des missions de police judiciaire s’inscrira dans la dynamique de diversification et d’enrichissement des missions des surveillants pénitentiaires qui sont selon les termes de l’article 12 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, rappelons-le, « l’une des forces dont dispose l’État pour assurer la sécurité intérieure ».
Proposition n° 11 :
Permettre aux équipes cynotechniques de l’administration pénitentiaire de procéder, dans le cadre d’opérations de police judiciaire menées sous l’autorité du ministère public, à des contrôles de recherches de stupéfiants et d’explosifs sur les personnes entrant dans les établissements pénitentiaires.
2. Permettre la réalisation de fouilles par palpation sur les personnes accédant aux établissements pénitentiaires
Deuxièmement, votre rapporteur pour avis estime que le niveau des mesures de sécurité imposées aux personnes entrant dans les établissements pénitentiaires pourrait être relevé d’un échelon dans la gradation des différentes mesures de sécurité possibles, en permettant le recours aux fouilles par palpation sur ces personnes.
Les fouilles par palpation – qui consistent seulement, rappelons-le, en une recherche extérieure et au-dessus des vêtements, par tapotements, d’objets interdits – sont pratiquées quotidiennement par des personnels de sécurité privée dans les aéroports, à l’entrée des enceintes sportives ou à l’entrée de nombreuses salles de spectacle. Ce contrôle par palpation est un geste peu intrusif, dont chacun comprend la nécessité dans les cadres dans lesquels il est aujourd’hui réalisé et auquel chacun est désormais parfaitement accoutumé.
À l’entrée des établissements pénitentiaires, des « palpations par tapotements » peuvent être réalisées, mais uniquement lorsqu’une personne fait sonner l’alerte du portique de détection sans que le fait de se séparer des objets métalliques dont elle dit être porteuse suffise à empêcher la sonnerie, et avec son consentement. La proposition formulée par votre rapporteur pour avis consiste à permettre la réalisation, à l’entrée des établissements pénitentiaires, de fouilles par palpation, non plus uniquement lorsqu’un portique de sécurité sonne – car de nombreux objets interdits en détention ne sont pas métalliques et ne sont pas détectés par les portiques –, mais de façon systématique.
Dans le respect du principe d’égalité et afin de ne stigmatiser personne, ces contrôles devraient concerner toutes les personnes accédant aux établissements pénitentiaires : personnes rendant visite aux détenus dans le cadre des parloirs, personnels de prestataires extérieurs, visiteurs de prison, enseignants, aumôniers, avocats, personnels pénitentiaires, journalistes effectuant un reportage ou encore parlementaires exerçant leur droit de visite des établissements… Pour les personnes rendant visite aux détenus dans le cadre des parloirs, l’acceptation de cette mesure de sécurité serait d’autant plus simple qu’elles sauraient que le niveau des mesures de sécurité imposées à leurs proches à l’issue de la rencontre a été abaissé, avec des fouilles moins fréquentes.
Pour des raisons de positionnement des personnels réalisant les fouilles vis-à-vis des personnes fouillées, il apparaîtrait préférable que ces fouilles soient réalisées par des équipes dédiées, composées de personnels n’intervenant pas à l’intérieur de l’établissement. En effet, les fouilles par palpation réalisées sur les personnes rendant visite aux détenus pourraient donner à ces derniers l’occasion de contester la façon dont ces fouilles sont réalisées par les surveillants qu’ils côtoient à l’intérieur de l’établissement, ce qui pourrait fragiliser ces agents. Quant aux fouilles réalisées sur des personnels pénitentiaires, elles seraient plus efficaces et mieux acceptées si elles ne sont pas réalisées par des personnels au contact direct desquels ils travaillent quotidiennement.
La réalisation sur l’ensemble des personnes accédant aux établissements pénitentiaires, par des fonctionnaires de l’État, de ce geste de contrôle peu intrusif, simple mais efficace n’apparaît pour votre rapporteur pour avis pas contestable au regard de quelque principe que ce soit, et serait de nature à prévenir plus en amont l’introduction des objets qui circulent aujourd’hui en détention et menacent la sécurité de nos prisons.
Proposition n° 12 :
Permettre la réalisation, par des équipes dédiées composées de personnels pénitentiaires n’intervenant pas à l’intérieur des établissements, de fouilles par palpation sur les personnes entrant dans les établissements pénitentiaires.
III. LE RISQUE D’ÉVASION : UN RISQUE LARGEMENT MAÎTRISÉ AUJOURD’HUI, QUI DOIT IMPÉRATIVEMENT LE RESTER
Parmi les évasions, il convient de distinguer celles ayant lieu alors que la personne détenue se trouve sous surveillance pénitentiaire de celles réalisées alors que la personne n’est pas sous surveillance pénitentiaire (29). Seule la première catégorie d’évasions intéresse directement la question de la sécurité des établissements pénitentiaires. Pour ces évasions sous surveillance pénitentiaire, l’objectif du Gouvernement doit être de garantir le maintien de leur caractère exceptionnel.
Les évasions ayant lieu alors que la personne se trouve sous surveillance pénitentiaire recouvrent deux cas : le cas des évasions réalisées depuis l’intérieur d’un établissement, et le cas de celles se déroulant alors que le détenu a été extrait de son lieu d’incarcération – pour présentation à une autorité judiciaire, motif médical ou transfèrement vers un autre établissement – mais se trouve escorté et surveillé par des agents de l’administration pénitentiaire.
De telles évasions, qu’elles aient lieu par violence ou par ruse, sont toujours extrêmement traumatisantes pour les personnels, mais elles sont, fort heureusement, très rares. Le taux d’évasions pour 10 000 détenus s’est ainsi élevé à 0,6 en 2011 et 2,2 en 2012. Le taux d’évasions de détenus particulièrement signalés (DPS) a été, quant à lui, égal à 0 en 2011 et 2012, ce dont l’on ne peut que se féliciter compte tenu de la dangerosité de ces détenus. Cependant, les différentes évasions violentes qu’a connues notre pays au cours des dernières années – à Fresnes en 2003, à Moulins en 2009 ou, plus récemment, à Lille-Sequedin en 2013 – démontrent, s’il en était besoin, que la plus grande vigilance doit rester de mise face au risque d’évasion.
Les propositions formulées par votre rapporteur pour avis dans le présent avis en matière de fouilles des détenus et de renforcement de la sécurité à l’entrée des établissements pénitentiaires doivent contribuer à renforcer la sécurité des établissements et à garantir le maintien du caractère exceptionnel des évasions sous responsabilité pénitentiaire (30). Trois propositions supplémentaires peuvent être faites pour maintenir le caractère exceptionnel de ces évasions.
La première proposition tient à la qualité de la conception et de la construction des établissements pénitentiaires, qui est une condition sine qua non d’une lutte efficace contre les évasions. Le recours à des entreprises spécialistes de la construction dans le cadre de marchés de type AOT-LOA ou PPP (31) a permis la construction, dans le cadre du plan 13 200 – initié par M. Dominique Perben, garde des Sceaux en 2002 – et du plan « Nouveau programme immobilier » – initié par Mme Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux en 2010 –, d’un grand nombre de places de prison dont notre pays avait besoin. La réalisation de ces établissements a donné lieu à des marchés publics, dont la mise en œuvre a été suivie par l’agence pour l’immobilier de la justice (APIJ) (32).
Dans le cadre de ces marchés, des personnels pénitentiaires ont été associés à la rédaction des cahiers des charges des établissements à construire, mais pas au suivi des chantiers. Or, il apparaît que certaines erreurs de conception ou de choix de matériaux trop vulnérables, commises dans la phase de construction, auraient pu être évitées si les premiers professionnels de la sécurité pénitentiaire – les personnels de l’administration pénitentiaire eux-mêmes – avaient été davantage associés au suivi de l’exécution des contrats. Pour l’avenir, votre rapporteur pour avis préconise d’associer davantage les personnels pénitentiaires ayant une compétence reconnue en matière de sécurité à la conception et à la construction des nouveaux établissements pénitentiaires.
Proposition n° 13 :
Associer davantage les personnels pénitentiaires ayant une compétence reconnue en matière de sécurité à la conception et à la construction des nouveaux établissements pénitentiaires.
La deuxième proposition de votre rapporteur pour avis est relative au port d’armes par les agents pénitentiaires effectuant des missions d’escorte ou de surveillance en dehors des établissements. Actuellement, les personnels pénitentiaires sont armés lorsqu’ils effectuent des missions de surveillance dans les UHSA ou UHSI et des missions d’extractions judiciaires. En revanche, ces mêmes personnels ne sont pas armés lorsqu’ils effectuent des missions de transfèrement d’un établissement à un autre, car la réalisation de ces missions est assurée par l’administration pénitentiaire depuis une période plus ancienne que les missions de surveillance des UHSA ou UHSI et d’extractions judiciaires, alors que les surveillants n’étaient pas habilités à porter une arme en dehors des zones pénitentiaires.
Une harmonisation des règles relatives à l’armement des personnels pénitentiaires exécutant des missions en dehors des enceintes pénitentiaires est nécessaire, afin que toutes ces missions – qui, quel que soit leur objet, concernent le même public potentiellement dangereux – soient effectuées dans les meilleures conditions de sécurité, c’est-à-dire avec port d’armes.
Proposition n° 14 :
Harmoniser les règles encadrant le port d’armes par les personnels pénitentiaires effectuant des missions en dehors des établissements pénitentiaires, afin de permettre que toutes ces missions soient exercées dans les meilleures conditions de sécurité.
Enfin, la dernière proposition est en rapport avec les affectations des agents dans les établissements sensibles. L’exercice du métier de surveillant dans les maisons centrales ou les quartiers maison centrale, dans lesquels se trouvent des détenus particulièrement dangereux, nécessite une expérience pénitentiaire solide et une personnalité structurée. Or, il est fréquent que des jeunes gens sortants de l’École nationale d’administration pénitentiaire, inexpérimentés et beaucoup moins âgés que les détenus qu’ils ont pour mission de surveiller, soient affectés dans des maisons centrales ou des quartiers maison centrale.
Pour remédier à cette difficulté, qui affaiblit la sécurité active des établissements qui ont le plus besoin d’un haut niveau de sécurité, votre rapporteur pour avis préconise de faire des postes de surveillants en maison centrale ou en quartier maison centrale des postes dits « à profil », offerts exclusivement à des agents présentant une ancienneté suffisante et ayant acquis un réel savoir-faire auprès des détenus.
Proposition n° 15 :
Garantir l’affectation de surveillants expérimentés en maison centrale et en quartier maison centrale en faisant de ces postes des postes dits « à profil », offerts exclusivement à des agents présentant une ancienneté suffisante et ayant acquis un réel savoir-faire auprès des détenus.
Lors de sa réunion du 24 octobre 2013, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2014.
M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, nous sommes réunis en commission élargie pour examiner les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2014 consacrés à la mission « Justice ». La conférence des présidents a décidé cette année de soumettre l’ensemble des crédits – soit vingt-six missions – à cette procédure. En effet, les commissions élargies autorisent un débat plus interactif qu’en séance, permettant à chacun de poser les questions aux ministres.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis très heureux d’accueillir Mme la garde des Sceaux dans le cadre de la première commission élargie à laquelle participe la commission des lois. Les quatre avis que notre commission rend sur les crédits de la mission « Justice » passent rapidement sur les questions budgétaires, largement traitées par le rapporteur spécial de la commission des finances, pour se concentrer chacun sur un thème particulier qui s’inscrit dans la mission de contrôle qui nous incombe.
Jean-Yves Le Bouillonnec a travaillé sur les crédits de la justice administrative – qui ne relèvent pas de cette mission à proprement parler – et de la justice judiciaire, abordant spécifiquement la question des frais de justice, un sujet essentiel et préoccupant dans le contexte budgétaire actuel.
Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis pour les crédits relatifs à l’administration pénitentiaire, a traité le problème de la sécurité dans les établissements.
Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis pour les crédits relatifs à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), a abordé la question de la prise en charge éducative des mineurs incarcérés.
Enfin notre commission salue le travail sur l’aide aux victimes que Nathalie Nieson, rapporteure pour avis pour les crédits relatifs à l’accès au droit et à la justice, a effectué cette année à l’initiative de la garde des Sceaux. Nous espérons tous que ses préconisations seront suivies d’effets, permettant d’élaborer et d’appliquer des mesures concrètes. Son avis porte sur l’accès au droit et l’aide aux victimes dans le cadre des procédures de jugement rapide ou simplifié.
M. Étienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits relatifs à la justice. « La justice coûte cher. C’est pour ça qu’on l’économise », disait Marcel Achard. En 2014, le budget de la justice augmente de 1,7 % ; le taux d’inflation étant de l’ordre de 1,3 %, l’augmentation nette représente 0,4 %. Sur les dix dernières années, entre 2003 et 2013, ce budget a crû de quelque 53,8 % ; corrigée de l’inflation de 18,8 %, l’augmentation effective représente 34,48 %, soit environ 3,4 % par an. Le PLF 2014 signe donc un ralentissement de l’augmentation du budget de la justice. Comment le justifier ? À quelles conséquences peut-on s’attendre ?
Ce budget traduit une augmentation des dépenses d’investissement mais une diminution de celles de fonctionnement. Sur l’année 2012, les délais de traitement des procédures civiles et pénales – indicateur mesurant la rapidité d’intervention de la justice – se sont dégradés. Quelles seront les incidences de la diminution des dépenses de fonctionnement sur ce phénomène ?
Les effectifs de la magistrature constituent un autre sujet de préoccupation. Les plafonds d’emploi augmentent ; pourtant, certains postes de magistrats restent non pourvus, et le nombre global de magistrats stagne, voire diminue. Quelles mesures entendez-vous prendre pour pourvoir aux postes créés ?
Dans les documents qui nous ont été remis, deux indicateurs de performance sur l’exécution des peines ne sont pas renseignés : le taux de mise à exécution des peines et le délai moyen d’exécution des peines. Il serait souhaitable que ces paramètres essentiels nous soient communiqués l’année prochaine. De manière générale, sur l’année 2013, on constate une dégradation dans le rythme et le taux d’exécution des peines. Quelles en sont les causes ? Quels moyens le Gouvernement mettra-t-il en œuvre pour y remédier ?
La diminution des crédits alloués aux frais de justice pose un sérieux problème aux magistrats. À l’occasion d’une visite à la Cour d’appel de Lyon, j’ai appris que, pour boucler l’année 2012, le président de la Cour avait été obligé de puiser dans les crédits de fonctionnement à hauteur de quelque 8 millions d’euros. Après retraitement des frais postaux et des conséquences de la réforme de la médecine légale, la diminution des moyens prévus pour les frais de justice est de l’ordre de 4 %. Le Gouvernement n’a-t-il pas sous-estimé les besoins des juridictions en la matière ? Il indique qu’il essaiera de maîtriser l’évolution des frais de justice ; quelles mesures effectives compte-t-il prendre ?
En matière de performance du service pénitentiaire, on constate une dégradation des ratios : ainsi, le taux d’occupation des établissements pénitentiaires est passé de 113,2 % au début de 2012 à 117 % au 1er janvier 2013 ; celui des places en maison d’arrêt augmente de 124 % en 2011 à 133 % en 2013. Il en va de même pour le nombre de détenus par cellule. Entre le 1er janvier 2012 et le 1er juillet 2013, le Gouvernement a créé quatre-vingt-quatre places de prison ; il annonce aujourd’hui la création de 6 500 places à l’horizon 2017. Compte tenu du ralentissement observé en 2013, le Gouvernement peut-il indiquer précisément le détail des créations de places dès 2014 ?
Le budget du programme 182 – consacré à la PJJ – est en baisse, alors que les dépenses de rémunération augmentent. Il est nécessaire d’agir rapidement : depuis une dizaine d’années, les délais de traitement des infractions commises par les mineurs se sont considérablement réduits ; ne craignez-vous pas que la réduction des dépenses de fonctionnement en 2014 puisse dégrader ces ratios ?
Le progrès que le Gouvernement affiche en matière d’accès au droit constitue une illusion d’optique. En réalité, la suppression de la contribution pour l’aide juridictionnelle (CPAJ) qui représente 60 millions d’euros, le renoncement au projet de modulation de l’unité de valeur et la mise en œuvre de plusieurs mesures visant à maîtriser le nombre d’admissions à l’aide juridictionnelle posent question. Dans ce contexte, madame la garde des Sceaux, pouvez-vous nous exposer les mesures qui seront prises pour maintenir l’accès au droit, alors même que les crédits sont en diminution ? Le Gouvernement doit s’expliquer précisément sur cette question.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour les crédits relatifs à la justice administrative et judiciaire. Dans le PLF 2014, les crédits de la justice administrative et judiciaire progressent de 1,7 %, après avoir crû de 4,3 % l’année dernière. Il s’agit donc d’un processus d’augmentation, même s’il prend place dans l’encadrement budgétaire conduit par le Gouvernement.
L’effort le plus important concerne les effectifs, avec 535 emplois créés ; la ligne budgétaire des frais de justice se retrouve, au contraire, érodée. Les frais de justice sont sinistrés depuis une quinzaine d’années, la dégradation étant accentuée par l’effet des dispositions législatives et par les conséquences des directives européennes. Ainsi, l’obligation – parfaitement légitime – de fournir un traducteur à toute personne placée sous main de justice et qui ne parle pas français est à l’origine d’un processus d’inflation des frais extrêmement important. D’autres dispositions législatives ont pour conséquence d’augmenter considérablement le recours à des prestataires externes – experts, légistes –, mais également aux techniques nouvelles. Le problème est donc devenu récurrent, menaçant de se transformer en une véritable crise institutionnelle si la justice ne pouvait plus faire face à ses obligations. En effet, l’État ne semble pas avoir la capacité financière de répondre aux demandes des magistrats.
En matière de juridiction administrative, aux termes du décret d’août 2013, certains contentieux pourront être examinés par un juge unique, sans intervention du rapporteur public. Cette mesure – qui prend place dans le contexte d’une juridiction saturée – concerne le domaine de la solidarité, notamment le droit au logement opposable (DALO). Ne laisser, comme voie de recours dans ce domaine, que le seul pourvoi en cassation ne favorise pas l’accès des personnes concernées – souvent de condition modeste – à ces procédures.
S’agissant de la gestion prévisionnelle des effectifs, plus de 1 400 magistrats devraient partir en retraite dans les quatre années à venir ; la situation est similaire pour les personnels de catégorie C. Si nous ne prenons pas en compte ces départs, nous irons au-devant de graves difficultés.
Si les personnels de catégorie C ont été sensibles à l’augmentation de leur rémunération, il faut également réviser celle des greffiers, qui stagne depuis près de dix ans.
Des économies restent possibles dans plusieurs domaines. Il faut par exemple améliorer la technique de gestion des frais de justice en réduisant notamment le nombre de mémoires dont la surabondance gêne le fonctionnement de la justice. Les commissariats comme les juridictions doivent pour leur part prendre en compte les conséquences financières des décisions de sollicitation d’avis. Mon rapport fait des propositions sur l’ensemble de ces questions.
Enfin, une source de financement – la taxation des frais de procédure – mériterait d’être revue ; il faudrait notamment réviser l’ordonnance de taxe mise à la charge des personnes condamnées définitivement.
M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à l’« Administration pénitentiaire ». Le budget de l’administration pénitentiaire pour 2014 est quasiment stable en matière de crédits, les variations – moins 1,2 % en autorisations d’engagement, plus 1,4 % en crédits de paiement – apparaissant peu significatives après l’effondrement de 38,5 % en autorisations d’engagement l’année dernière. Ce budget prévoit une légère augmentation du plafond d’autorisations d’emploi, représentant 112 équivalents temps plein travaillé (ETPT).
Du fait des redéploiements d’emplois, cette augmentation du plafond doit notamment permettre l’affectation de 300 ETPT – principalement de conseillers d’insertion et de probation – pour la mise en œuvre du projet de loi relatif à la prévention de la récidive, et de 30 ETPT pour le renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires, avec la création de deux nouvelles brigades cynotechniques.
Pour autant, ce projet de budget ne saurait satisfaire le rapporteur pour avis que je suis, car il ne répond pas au principal problème de nos établissements pénitentiaires, celui de la surpopulation carcérale. Je reste convaincu que la mise en œuvre du projet de loi sur la récidive, dont les perspectives de discussion parlementaire et d’adoption sont pour le moins lointaines, ne permettra pas de le pallier. L’objectif de 80 000 places de prison qu’avait fixé la loi de programmation pour l’exécution des peines du 27 mars 2012 me semble toujours aussi pertinent ; je déplore l’abandon de cet objectif, et j’émettrai un avis défavorable aux crédits du programme « Administration pénitentiaire ».
Dans le cadre de cet avis budgétaire, je me suis intéressé à la question récurrente de la sécurité des établissements pénitentiaires, revenue sur le devant de la scène au mois d’avril dernier à l’occasion de l’évasion violente survenue à Lille-Sequedin. Je tiens à exprimer ma sympathie et mon soutien aux agents pris en otage lors de cette évasion, ainsi qu’à tous les agents pénitentiaires victimes de violences.
En choisissant ce thème, je me suis fixé comme objectif de formuler des propositions pragmatiques et efficaces pour renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires – objectif qui peut et doit nous rassembler, quel que soit le groupe auquel nous appartenons. Vous pouvez prendre connaissance de mes suggestions à la page 41 du projet d’avis.
J’insisterai ici uniquement sur ce qui constitue aujourd’hui le talon d’Achille des établissements pénitentiaires, à savoir l’introduction d’objets interdits. Les volumes de saisies ont connu une forte progression au cours des dernières années, et les chiffres pour 2012 – détaillés page 24 du rapport – sont édifiants : 20 500 téléphones, 8 750 produits stupéfiants, 705 armes saisis dans nos prisons.
Ces objets, qui menacent tous la sécurité des établissements pénitentiaires – y compris les stupéfiants, car ils génèrent trafics et violences –, y entrent par deux voies : soit par la porte, introduits par des personnes autorisées à y accéder, soit par les airs, par ce que l’on appelle des « projections ». Je me félicite du plan de sécurisation des établissements pénitentiaires annoncé par Mme la ministre en juin 2013, qui prévoit le financement de moyens de lutte contre ces projections : filets anti-projection et renforcement des glacis. Pour ma part, je propose de donner en outre à des agents pénitentiaires la qualité d’agents de police judiciaire, afin qu’ils puissent intervenir en dehors des établissements pour appréhender les auteurs de projections. Aujourd’hui, lorsque des personnes sont repérées aux abords d’une prison en train de lancer des objets par-dessus les murs d’enceinte, les agents de l’administration pénitentiaire ne peuvent qu’appeler la police ou la gendarmerie en espérant qu’elles arrivent assez vite pour les appréhender. Autant dire que cela n’arrive quasiment jamais. La proposition que je formule permettrait de mieux lutter contre les projections, et s’inscrirait dans la dynamique de l’évolution amorcée depuis quelques années, qui consiste à diversifier les missions de l’administration pénitentiaire par des missions exercées « hors les murs », telles que les extractions judiciaires ou la surveillance des unités hospitalières.
Je formule aussi plusieurs propositions pour lutter contre l’introduction d’objets par des personnes entrant dans l’établissement. La question a pris une acuité particulière depuis l’interdiction, par l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, des fouilles systématiques, qui, de l’avis unanime des personnels que j’ai pu rencontrer, a rendu les établissements beaucoup plus vulnérables et mis les personnels en danger. Le principal problème de cette disposition est de n’avoir retenu, pour permettre de procéder à des fouilles, que des critères individuels – la présomption d’une infraction ou le comportement de la personne –, laissant totalement de côté le risque systémique d’introduction d’objets interdits dans certaines situations de la vie en détention, telles que les visites au parloir. L’interdiction des fouilles systématiques met aussi en danger les détenus les plus vulnérables et leurs familles, forcés de jouer le rôle de « mules ».
Pour remédier à ces difficultés, je propose tout d’abord de modifier l’article 57 de la loi pénitentiaire afin de permettre aux agents de procéder à des fouilles systématiques des détenus, soit dans certaines zones, soit à certains moments de la vie en détention qui présentent des risques particuliers d’introduction d’objets interdits.
Ma deuxième proposition consiste à permettre aux équipes cynotechniques de l’administration pénitentiaire de procéder, dans le cadre d’opérations de police judiciaire menées sous l’autorité du parquet, à des contrôles de recherche de stupéfiants et d’explosifs sur les personnes entrant dans les établissements.
Enfin, je suggère de permettre la réalisation, par les agents pénitentiaires, de fouilles par palpation sur les personnes entrant dans les établissements. Ces fouilles – qui consistent seulement en une recherche extérieure et au-dessus des vêtements, par tapotements, d’objets interdits – sont pratiquées quotidiennement par des personnels de sécurité privée dans les aéroports ou à l’entrée des stades et des salles de spectacle. Il s’agit d’un geste peu intrusif, dont chacun comprend la nécessité et auquel chacun est désormais parfaitement accoutumé.
Prévenir en amont l’introduction d’objets interdits compenserait la perte d’efficacité qu’a entraînée l’adoption de l’article 57 interdisant les fouilles systématiques des détenus, et permettrait de renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires. Je pense – et j’espère – que mes propositions pourront recueillir l’approbation de Mme la ministre, car il est de notre responsabilité commune de rechercher ensemble, de façon pragmatique, les moyens d’améliorer la sécurité des personnels, celle des détenus, et la sécurité publique dans son ensemble.
M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à la « Protection judiciaire de la jeunesse ». La priorité que le Président de la République et le Gouvernement ont choisi de donner à la justice et à la jeunesse s’était traduite dès la loi de finances pour 2013 ; c’est à nouveau le cas cette année avec le projet de budget pour 2014.
Comme je sais que l’opposition a le goût des chiffres, ce qui lui a masqué l’essentiel lorsqu’elle était aux responsabilités, je rappellerai que l’application de la révision générale des politiques publiques (RGPP) au budget de la PJJ a eu pour conséquence de sacrifier la prise en charge des mineurs au profit d’un rapprochement idéologique de la justice des mineurs de celle des majeurs. C’est aussi cela qu’il nous faudra corriger durablement.
À première vue, le budget de la PJJ pour 2014 pourrait sembler quelque peu décevant, compte tenu de la baisse des crédits qui lui sont consacrés – moins 2,3 % en autorisations d’engagement et moins 0,6 % en crédits de paiement. Cette baisse des crédits traduit la participation du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » à l’effort de réduction de la dépense publique.
Cependant, grâce à une rationalisation et à une réorganisation des missions de la PJJ, le projet de budget pour 2014 prévoit une augmentation du plafond d’autorisations d’emplois à hauteur de 37 ETPT, qui permettra – grâce à des redéploiements au sein du schéma d’emploi – d’affecter 99 nouveaux ETPT sur l’action qui constitue le cœur de métier de la PJJ, à savoir la mise en œuvre des décisions judiciaires.
Le budget de la PJJ m’apparaît satisfaisant dans le contexte budgétaire que nous connaissons, et je donnerai un avis favorable aux crédits du programme.
Néanmoins, je tiens à exprimer une certaine préoccupation quant aux crédits de fonctionnement de la mission, en baisse de 9,2 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement par rapport à 2013. Les organisations syndicales que j’ai entendues craignent que cette baisse des dépenses de fonctionnement n’entraîne soit une augmentation de la dette de la PJJ vis-à-vis du secteur associatif habilité – que le Gouvernement avait commencé à résorber dans le cadre de la loi de finances pour 2013 –, soit l’interruption du financement de certaines actions éducatives en fin d’exercice 2014.
Si la PJJ doit, comme l’ensemble des administrations, participer à l’effort de réduction de la dépense publique, il ne faut pas oublier qu’elle a déjà vu ses moyens diminuer très fortement entre 2008 et 2012 et a perdu 632 ETPT. Par ailleurs, le secteur associatif habilité est un partenaire essentiel de la PJJ pour la mise en œuvre des mesures judiciaires, et l’État doit entretenir avec lui des relations financières saines. Par conséquent, j’émets le vœu que les crédits de fonctionnement de la PJJ puissent, en tant que de besoin, bénéficier des mesures de levée de gel de crédits en fin d’exercice 2014, afin de permettre à la PJJ de poursuivre ses missions dans les meilleures conditions possible tout au long de l’année à venir.
J’en viens à la présentation du thème que j’ai choisi de traiter cette année, celui de la prise en charge éducative des mineurs incarcérés.
Leur nombre est relativement bas depuis de nombreuses années, et demeure assez stable : 729 mineurs étaient incarcérés au 1er janvier 2013, contre 808 au 1er janvier 2003. Du fait de la hausse générale du nombre de détenus, la part des mineurs a d’ailleurs baissé, passant de 1,33 % en 2003 à 1,06 % en 2013. Les mineurs incarcérés sont également très minoritaires parmi l’ensemble de la population suivie par la PJJ.
Pour autant, la société a le besoin impérieux et l’obligation morale de rendre possible l’insertion de ces mineurs. J’ai donc cherché à identifier les améliorations qui pourraient être apportées à leur prise en charge éducative, afin de faire de cette incarcération une période utile dans leur parcours.
Ma conclusion est que l’individualisation du suivi doit être un objectif prioritaire, que ce soit lors du choix du lieu d’incarcération ou au moment de la sortie, quand il s’agit de garantir la continuité de l’action éducative engagée. Comment le ministère de la justice envisage-t-il d’encourager une meilleure prise en compte, par l’autorité judiciaire et l’administration pénitentiaire, de l’intérêt éducatif du mineur au moment de choisir le lieu de détention ?
La situation particulière des jeunes filles mérite également d’être soulignée. Du fait de leur petit nombre – trente-cinq jeunes filles étaient incarcérées au 1er janvier 2013 –, les établissements pouvant les accueillir sont rares, et elles souffrent toujours d’un certain isolement, que ce soit par rapport aux garçons quand elles sont en EPM – établissement pour mineurs – ou par rapport aux majeures lorsqu’elles sont en quartier pour mineurs.
Pour remédier à cette difficulté, je me demande s’il ne serait pas possible d’imaginer, sur le modèle de l’accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap par des assistants de vie scolaire (AVS), que les jeunes filles détenues puissent bénéficier d’un « assistant de vie en prison ». Celui-ci, qui pourrait être rattaché à des équipes mobiles de la PJJ, telles qu’il en existe dans l’administration pénitentiaire pour renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation faisant face à un grand nombre de mesures à exécuter, aurait pour mission de concevoir pour la mineure des activités éducatives individualisées, mais aussi de l’accompagner dans le cadre des activités scolaires.
Quelle est votre position sur cette piste de réflexion, madame la garde des Sceaux, et quelles actions entendez-vous mener pour mieux prendre en compte la situation particulière des jeunes filles ?
Enfin, pouvez-vous nous indiquer, dans la continuité des informations que vous nous aviez données l’an dernier, les actions que le ministère de la justice a menées en 2013 et compte mener en 2014 pour renforcer la diversité des lieux de placement des mineurs ?
Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l’« Accès au droit et à la justice ». Je veux tout d’abord féliciter le Gouvernement qui, malgré des efforts importants en faveur d’une diminution de la dépense publique, est parvenu à préserver, et même à augmenter les crédits du ministère de la justice. Cela traduit une véritable mobilisation de la garde des Sceaux pour mettre en œuvre la priorité donnée par le Président de la République.
Le programme « Accès au droit et à la justice » bénéficie de cette progression, puisque son budget augmente de 9 %, principalement sous l’effet de l’augmentation de 30 millions d’euros de la dotation pour l’aide juridictionnelle. Son rôle est essentiel, car il regroupe les crédits destinés à permettre à nos concitoyens de connaître leurs droits et de les faire valoir, quels que soient la situation sociale et le point du territoire dans lesquels ils se trouvent.
Je salue tout particulièrement la décision de renoncer au forfait de 35 euros réclamé lors de toute action judiciaire, qui constituait une entrave à la justice. Dans ma circonscription, l’association locale de défense des victimes de l’amiante (ALDEVA), dont l’action pâtissait de cette mesure, m’a chargée d’exprimer sa satisfaction de la voir supprimée.
Cette année, j’ai souhaité concentrer mes travaux sur la situation des victimes et des personnes mises en cause dans le cadre des procédures de jugement rapide, comme la comparution immédiate, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ou l’ordonnance pénale délictuelle.
Ces procédures représentent une partie importante du nombre total des affaires suivies par les tribunaux correctionnels et sont même en progression : 50 % en 2012, contre 42 % en 2007. Elles permettent à la justice d’apporter une réponse rapide aux besoins de la société comme à ceux des victimes. C’est pourquoi je me réjouis de la création, cette année, de 150 bureaux d’aide aux victimes, qui a permis de tripler leur nombre.
De même, les crédits accordés aux 173 associations d’aide aux victimes conventionnées, déjà augmentés de 25 % l’an dernier, sont encore accrus de 6,5 % cette année.
Les bureaux d’aide aux victimes permettent aux associations de renseigner les victimes sur leurs droits, de les orienter, le cas échéant, vers des avocats, et de les aider à résoudre leurs difficultés.
Cela étant, tout reste perfectible. Ces bureaux bénéficient d’une dotation financière modulable de 20 000 euros. Or les critères de la modulation mériteraient d’être mieux expliqués, car elle n’est pas toujours comprise par l’INAVEM, la fédération nationale des associations d’aide aux victimes. Je présenterai par ailleurs un amendement destiné à doter ces associations de moyens supplémentaires.
Enfin, une enveloppe de 200 000 euros est prévue pour financer une expérimentation intéressante destinée à transposer la directive européenne sur les victimes. Celle-ci prévoit de nouveaux droits, comme l’évaluation de la vulnérabilité des victimes, afin de mieux adapter leur prise en charge. J’en attends les résultats avec impatience.
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Avant de répondre aux questions posées, je me dois de rendre plus intelligible le budget de la justice en rappelant ce qui fait sa cohérence et de quelle façon il traduit les priorités définies par le Gouvernement. Le budget pour l’année 2013 était construit selon une logique triennale ; les priorités établies l’an dernier sont donc consolidées, qu’il s’agisse des crédits ou de l’action du ministère sur le terrain.
En 2012, nous avions entrepris de corriger les injustices accumulées au cours des dernières années, et décidé de consentir un effort particulier en faveur de la jeunesse, et donc de la protection judiciaire de la jeunesse. Aujourd’hui, nous en venons à une phase plus qualitative de l’organisation de la PJJ, qui passe notamment par une diversification des réponses en matière d’hébergement, sur le plan éducatif et en termes de sanctions auxquelles peuvent recourir les juges et tribunaux pour enfants.
Dès l’année dernière, nous avions annoncé que nous serions vigilants et actifs au sujet des ressources humaines, qui constituent la force principale du ministère de la justice. Cela ne recouvre pas seulement la question des effectifs, mais aussi celle de l’organisation du travail, des conditions de travail, de la répartition des charges, des méthodes, ainsi que des procédures et formalités qui peuvent pénaliser l’activité des magistrats, greffiers et fonctionnaires.
Cette année encore, nous proposons la possibilité de créer 590 nouveaux postes pour l’ensemble de la justice : 35 pour la justice administrative et 555 pour la justice judiciaire, la protection judiciaire de la jeunesse et l’administration pénitentiaire. Cette augmentation est d’autant plus remarquable que les effectifs de l’État vont être globalement réduits de 3 200 postes en 2014. C’est la marque incontestable d’un maintien de la priorité accordée à la justice par le Président de la République. De même, comme l’ont souligné plusieurs d’entre vous, le budget de la justice augmente de 1,7 %, alors que le budget de l’État enregistre une baisse en valeur.
Le ministère de la justice est peut-être celui qui porte la plus lourde part de l’action réformatrice de l’État. Il suffit de rappeler le nombre de textes qui viennent d’être adoptés, dont l’examen est en cours ou qui vont être examinés par le Parlement : le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, qui entraîne des conséquences en termes d’effectifs ; le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature ; le projet de loi modifiant les relations entre le garde des Sceaux et le parquet, qui n’est pas sans effet sur l’organisation du travail et les relations entre les parquets généraux et la Direction des affaires criminelles et des grâces ; le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ; les projets de loi ordinaire et organique créant le parquet financier, qui conduisent à débloquer des moyens budgétaires spécifiques et à créer de nouveaux postes de magistrat et de greffier.
Nous avons également déposé un projet de loi relatif à la collégialité de l’instruction. En effet, la loi du 5 mars 2007, dont l’entrée en vigueur a déjà été reportée deux fois, prévoyait un principe de collégialité systématique dont l’application aurait eu pour effet d’alourdir l’instruction et de nécessiter la création de 354 postes de magistrat, une charge que nous ne pouvons pas assumer. Une chose est d’ouvrir des postes au concours, une autre est de trouver des magistrats en chair et en os pour les occuper. Je reviendrai d’ailleurs sur les dispositions que nous prenons pour pallier le manque de vocations.
D’autres textes sont susceptibles d’entraîner des effets sur le budget de la justice pour 2014, comme la réforme de l’hospitalisation sous contrainte. Bien que ce projet de loi soit porté par le ministère de la santé et des affaires sociales, il implique la création de postes de juge des libertés et de la détention, mais aussi de greffiers et de fonctionnaires. Il en va de même s’agissant de la réforme de la justice commerciale, ou du texte sur le secret des sources des journalistes.
L’action du Gouvernement se caractérise donc par la continuité, qu’il s’agisse de la création de postes, de la réforme des méthodes et de l’organisation du travail ou de la modification de certaines procédures.
Pour illustrer ce dernier aspect, on peut citer l’exemple des mesures de tutelle. Les tribunaux d’instance étaient engorgés par le nombre de mesures à réviser, et nous nous sommes aperçus, à la mi-2012, qu’il serait impossible de parvenir avant la fin 2013 à une résorption du stock. Nous avons abandonné l’idée de prévoir un délai pour l’application de l’obligation de révision, car cela n’aurait fait qu’augmenter le nombre de mesures restant à réviser. Nous avons donc engagé les moyens nécessaires, en termes d’effectifs et d’organisation du travail, pour éviter que les autres contentieux civils ne soient pénalisés par le traitement du contentieux relatif à la protection des majeurs. Les effectifs sont en place, et nous sommes désormais en mesure de résorber le stock de tutelles à réviser, ce dont il faut rendre grâce aux personnels.
Mais nous avons aussi tiré les enseignements de cette expérience. Pour éviter de faire peser sur les tribunaux d’instance une charge de travail inconsidérée, nous envisageons que le juge puisse autoriser, dans certains cas particuliers – notamment en cas de pathologie lourde et évolutive, lorsqu’une révision au bout de cinq ans ne se justifierait probablement pas –, que la révision de la mesure initiale ait lieu au-delà de ce délai, au plus tard au bout de dix ans.
L’objectif du Gouvernement est donc d’améliorer l’efficacité de la justice, mais aussi de la rendre plus accessible et plus diligente.
La question des délais est évidemment essentielle. Or les effectifs font partie des facteurs qui déterminent la durée des procédures, civiles comme pénales. Alors qu’il nous manque déjà 358 postes de magistrats pour répondre aux besoins, nous allons devoir faire face à 1 400 départs à la retraite pendant la durée du quinquennat. Il aurait donc fallu ouvrir 300 postes par an en moyenne au cours des six dernières années. Or, pendant la législature précédente, entre 80 et 120 postes seulement étaient ouverts chaque année. En 2013, nous avons porté ce nombre à 300, et cette année, nous en ouvrons 420. Malheureusement, 64 de ces postes n’ont pas trouvé preneur.
Nous avons recherché les raisons de la désaffection qui touche la magistrature en dépit de la beauté de ses missions et de la variété des métiers qu’elle propose, aussi bien au parquet qu’au siège. Il ne fait pas de doute que la nature des relations observées ces dernières années entre l’exécutif et la magistrature, ainsi que les mises en cause régulières dont font l’objet les décisions de justice, n’incitent pas les jeunes à se précipiter vers ce type de carrière.
Nous avons donc décidé de rendre la magistrature plus attractive. La campagne de communication que nous avons organisée l’année dernière commence à donner ses fruits, même si, comme on l’a vu, elle reste insuffisante. Nos efforts concernent les trois voies d’accès à l’École nationale de la magistrature : en septembre, nous avons réuni les doyens des facultés de droit pour leur demander d’inciter leurs meilleurs étudiants à passer le concours, mais nous renforçons également les recrutements latéraux, c’est-à-dire externes.
Ayant été beaucoup sollicitée pour autoriser des magistrats à servir dans d’autres organismes, j’ai fait recenser le nombre de professionnels dans cette situation : ils sont environ 250, certains étant hors juridiction depuis plus de dix ans, voire depuis une vingtaine d’années. Pour réduire les délais de jugement et répondre aux besoins en effectifs, nous avons donc entrepris, il y a quelques mois, de les inciter à revenir en juridiction.
En matière d’emplois, l’année 2013 a été essentiellement consacrée à la PJJ, non pour la privilégier, mais pour rompre avec la RGPP, qui avait conduit à la suppression de 8 % de ses effectifs en trois ans, soit plus de 630 emplois en moins entre 2008 et 2012. Nous en avons recréé 205 – essentiellement des éducateurs – de façon que la prise en charge des mineurs ayant affaire à la justice soit assurée dans les cinq ans.
Vous savez, en effet, qu’une prise en charge rapide est indispensable, non seulement pour ne pas donner un sentiment d’impunité à la personne ayant commis un acte répréhensible, mais aussi parce que les statistiques montrent que la réitération a lieu rapidement après le premier acte commis. Une prise en charge rapide permet donc de casser la dynamique qui entraîne les mineurs toujours plus loin dans la délinquance.
Compte tenu de la présentation du projet de loi de prévention de la récidive, nous faisons cette année un effort particulier en faveur des conseils d’insertion et de probation, sur lesquels pèsera l’essentiel du travail d’encadrement, de suivi et de surveillance du respect des obligations et interdictions, qu’il s’agisse de la contrainte pénale, des autres exécutions de peine en milieu ouvert ou du dispositif conduisant à l’examen de la situation d’un détenu aux deux tiers de l’exécution de sa peine.
Nous allons donc créer un millier d’emplois sur les trois ans à venir pour le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) : 400 dès 2014, puis 300 par an en 2015 et 2016. En outre, nous travaillons sur la diversification du recrutement, les méthodes de travail, les outils de prise en charge et d’encadrement, les référentiels métier. J’ai installé la semaine dernière un groupe de travail sur les SPIP. Nous réorganisons également ce corps à l’intérieur de l’administration pénitentiaire.
Sur le plan immobilier, 1 097 places en prison vont être livrées en 2014. Je rappelle que nous avons pris l’engagement de faire passer le nombre de places disponibles de 57 000 à 63 500, soit 6 500 en plus. J’entends bien, monsieur Huyghe, votre désapprobation à l’égard de ce que vous appelez « l’abandon du programme de création de 80 000 places de prison », mais il convient de souligner le caractère fantomatique de ce dernier, qui n’était pas financé.
On peut d’ailleurs faire pire qu’afficher des programmes non financés : lancer des programmes dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). Certes, dans ce cas, l’État ne dépense pas un euro dans un premier temps, mais il fait porter sur deux générations le remboursement d’investissements qui auront triplé, voire quintuplé. C’est un choix que ce gouvernement ne fait pas : tout ce qu’il annonce est financé, dont la création de ces 6 500 places supplémentaires. Sans doute aurait-il fallu livrer de nouvelles places de prison dès le mois de juin 2012. Mais il faut tout de même prendre le temps de mener des études, de lancer des appels d’offres et de construire les bâtiments !
Dès cette année, nous avons procédé à d’importantes rénovations, comme à la prison des Baumettes – une centaine de cellules ont été entièrement refaites – ou à Fleury-Mérogis. Une tripale de 700 cellules va par ailleurs être livrée le 31 octobre. Le travail se poursuit donc à un rythme soutenu. En tout état de cause, dans la mesure où la politique pénale vient en amont de la politique carcérale, vous pouvez difficilement vous dire surpris par le phénomène de surpopulation carcérale.
Concernant l’aide aux victimes, je vous remercie, madame la rapporteure pour avis, de votre présentation et des éléments d’information que vous avez apportés. Nous menons une politique d’aide aux victimes très active, dynamique et attentionnée, comme en témoigne la progression des crédits qui y sont consacrés, de 25,8 % l’année dernière et de 9 % cette année.
Conformément à l’engagement qui avait été pris devant vous, nous avons ouvert une centaine de bureaux d’aide aux victimes pour la seule année 2013, ce qui porte leur nombre à environ 150. Dès le mois de juin 2012, j’ai confié à l’inspection générale des services judiciaires un audit sur leur ouverture et leur installation. À la suite de ces conclusions, nous avons substitué à la dotation forfaitaire initiale, une dotation modulable afin de proposer une réponse adaptée à chaque situation. Par souci d’efficacité, nous devons pouvoir procéder aux ajustements nécessaires, car les besoins ne sont pas identiques pour tous les bureaux. Pour certains, l’effort doit porter sur l’équipement ; pour d’autres, sur les modalités d’accueil. D’ici à un an, je demanderai une évaluation du fonctionnement de l’ensemble des bureaux. D’ores et déjà, les corrections que nous avons apportées sont de nature à améliorer leur efficacité.
Vous avez évoqué l’expérimentation en matière d’individualisation du suivi des victimes. La France doit transposer avant décembre 2015 une directive européenne établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité. Ses dispositions sont très intéressantes pour les victimes puisqu’elle leur ouvre de nouveaux droits et leur offre une meilleure prise en charge. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de lancer, avant même la transposition, une expérimentation dans quelques tribunaux de grande instance à laquelle 200 000 euros de crédits sont alloués.
La rémunération des greffiers n’a pas été revalorisée depuis dix ans, en dépit de plusieurs projets, et leur intégration dans le nouvel espace statutaire n’a pu aboutir, car celui-ci est contraire à leur statut. L’an dernier, tout en ayant bien conscience de l’injustice de cette situation, j’avais reconnu que nous ne pourrions pas faire d’effort en leur faveur avant 2015. Cette réalité est d’autant plus douloureuse pour moi que je dois constamment la répéter aux greffiers que je rencontre dans les juridictions et qui réclament légitimement un effort statutaire et indiciaire. En revanche, nous travaillons sur leurs conditions de travail. Environ 1000 greffiers sont actuellement en stage à l’École nationale des greffes ou dans les tribunaux, et devraient donc prendre leurs fonctions dans les juridictions d’ici à décembre 2014. Cela permettra d’améliorer la répartition de la charge de travail dans le corps des greffiers en attendant de pouvoir faire l’effort espéré.
Monsieur Le Bouillonnec, pour les agents de catégorie C, nous faisons un geste – modeste, j’en conviens – en accordant une prime de 219 euros nets. Je ne croyais pas, l’année dernière, que ce serait possible : c’est donc une bonne surprise.
Mme Axelle Lemaire. Vous avez déjà abordé de nombreux sujets qui sont au cœur des préoccupations du groupe SRC. Je tiens à vous féliciter pour les équilibres trouvés par le Gouvernement dans le budget de 2014, et, en particulier, pour les avancées concrètes que vous avez obtenues, madame la garde des Sceaux, dans un contexte qui, nous le savons, est très contraint pour nos finances publiques.
La justice est au cœur de notre combat. Les députés de la majorité sont profondément attachés à la défense des victimes, au respect des droits et libertés fondamentaux, à la garantie de la sécurité physique et juridique de tous. C’est donc avec une attention toute particulière qu’ils ont examiné ce budget.
On ne peut le comprendre sans avoir à l’esprit les budgets précédents, notamment le dernier exercice qui avait marqué la fin de l’application de la RGPP, dont les conséquences ont été, de l’avis unanime, désastreuses pour nos juridictions. Pour y remédier, 1 500 emplois seront créés sur la période 2013-2015, dont 500 dès 2013.
Cette année, le budget que vous nous présentez, en augmentation de 1,7 %, prévoit la création de 555 emplois, absolument nécessaires pour permettre à l’administration pénitentiaire et à la justice d’exercer correctement la mission qui leur est confiée. Pour autant, ce budget, ramené au PIB, classe la France au trente-septième rang sur quarante-trois en Europe, et ce depuis cinq ans. Cette situation oblige le Gouvernement à se livrer à un véritable exercice de rattrapage depuis l’année dernière.
Les sources potentielles de tensions au sein de la justice restent nombreuses, vous le savez, madame la garde des Sceaux, puisque vous vous efforcez au quotidien de les apaiser : atrophie des effectifs, notamment chez les magistrats et les greffiers, réforme de la garde à vue dont nous avons hérité et qui avait été très mal préparée, encombrement des juridictions, inquiétante surpopulation carcérale – il y aurait désormais 900 matelas à terre dans les prisons. Les dix années précédentes ont laissé une trace que deux exercices budgétaires ne peuvent suffire à effacer.
Une partie de la solution à l’ensemble de ces problèmes se trouve dans le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, qui a été présenté en Conseil des ministres et sera débattu l’année prochaine par notre assemblée. La première de ces solutions est l’individualisation des peines avec la suppression des peines planchers et du caractère automatique de la révocation des sursis en cas de nouvelle condamnation. Cette justice automatique, nous n’en voulons pas, ne serait-ce que parce qu’elle est contre-productive.
La seconde solution réside dans les peines alternatives à l’enfermement, dont nous savons qu’il n’est pas toujours efficace dans la lutte contre la récidive. Ainsi, la nouvelle peine de contrainte pénale, créée par votre projet de loi, pourra s’appliquer aux personnes majeures, auteurs des délits les moins graves – pour lesquels la peine maximale encourue est inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement. Cette nouvelle peine comportera des obligations et des interdictions : obligation de réparer le préjudice causé, interdiction de rencontrer la victime ou d’aller dans certains lieux, obligation de formation, de travail, de stage, ou obligation d’exécuter un travail d’intérêt général, de respecter une injonction de soins, etc.
Le budget de l’administration pénitentiaire prend en compte par avance cette réforme pénale que vous nous présenterez en avril. Ainsi, 432 nouveaux emplois seront créés, et plus de 3 milliards seront désormais consacrés à nos prisons.
Vous avez également annoncé la création de 6 500 places supplémentaires de prison d’ici à 2017. Enfin, des outils statistiques et informatiques accompagneront l’instauration d’un observatoire de la récidive.
Les citoyens connaissent mal leur justice, et y accéder peut relever du parcours du combattant. L’augmentation des crédits du programme « Accès au droit et à la justice » et de l’aide aux victimes est la preuve de l’importance que la majorité accorde à cette question.
En 2014, 165 bureaux d’aide aux victimes couvriront l’ensemble du territoire, après l’ouverture d’une centaine de ces bureaux en 2013. Animés par des représentants d’associations d’aide aux victimes locales et coordonnés par le juge délégué aux victimes du tribunal de grande instance, les bureaux d’aide aux victimes incarnent un service public des victimes à part entière.
Dans le même esprit, les députés socialistes ont été sensibles à la grande avancée du budget 2014, à savoir la suppression du droit de timbre de 35 euros. Cette taxe était une TVA judiciaire, et nous nous réjouissons de sa suppression.
Le groupe SRC soutient donc ce budget.
M. Gérald Darmanin. Le budget constitue un acte politique important, car il permet d’identifier les priorités du Gouvernement et de mettre à l’épreuve la cohérence entre les déclarations politiques et les actes qui en découlent. Force est de constater que la mission « Justice » n’apparaît pas, en termes budgétaires, comme une priorité de la politique gouvernementale, alors même qu’elle relève des missions régaliennes de l’État. Le budget connaît ainsi une quasi-stagnation entre 2013 et 2014, malgré vos belles promesses de campagne. Rien ne laisse donc penser que vous vous apprêtez à faire une réforme ambitieuse de la justice pénale.
En outre, la politique pénale que vous souhaitez mettre en place doit nécessairement s’accompagner de créations de postes. Le projet de budget prévoit la création de 555 postes, mais l’essentiel – soit 432 – en sera affecté aux services pénitentiaires, alors que de nombreux postes de magistrat seront toujours vacants au 1er janvier prochain. Nous avons compris que, cette fois, ce n’était pas la faute de SFR, mais celle de Nicolas Sarkozy.
Sur ce sujet, nous notons la création des 300 postes de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation pour appliquer la réforme pénale que nous attendons en février 2014. Néanmoins, la création de ces 300 postes risque d’être bien insuffisante au regard de la situation actuelle et de vos ambitions.
Alors qu’actuellement un conseiller suit quatre-vingt-onze personnes, l’objectif, selon l’étude d’impact du projet de loi relatif à la prévention de la récidive, est d’atteindre un ratio de quarante personnes par conseiller pour la libération sous contrainte. Cette même étude indique que, « suivant les scénarios envisagés, entre 3 600 et 10 400 personnes seront suivies en libération sous contrainte ». Ce seront donc autant de dossiers supplémentaires pour les conseillers pénitentiaires.
Sur ce sujet, vous ne pouvez d’ailleurs pas nous faire de leçon de morale, car l’ancienne majorité a augmenté les effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation de 80 % entre 2002 à 2011.
Enfin, il est prévu la création de soixante-dix-huit postes pour renforcer les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse et de vingt-cinq postes de magistrats dédiés à la seule création du futur parquet financier. Cette réforme du parquet financier paraît tout à fait inopportune. Comme à votre habitude, vous réagissez avec excès à une affaire particulière – en l’espèce l’affaire Cahuzac – et en oubliez la vraie priorité : protéger les Français dans leur quotidien.
Vous souhaitez lutter contre l’engorgement des prisons. Mais vous vous attaquez aux conséquences du problème et non à ses causes. C’est bien l’insuffisance du parc immobilier pénitentiaire qui est à l’origine de la surpopulation carcérale, comme l’a d’ailleurs souligné, à plusieurs reprises, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls. Dans sa lettre à François Hollande du 25 juillet 2013 sur le projet de réforme pénale que vous portiez, dans le point 2 intitulé « Des désaccords sur le fond », celui-ci écrit : « la surpopulation carcérale s’expliquerait exclusivement par le recours “par défaut” à l’emprisonnement, et par l’effet des peines planchers. […] Nous ne pouvons totalement ignorer la question du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire ».
La comparaison avec nos voisins européens est à cet égard très parlante : en France, on compte 57 235 places de prison, pour plus de 68 500 détenus et 65 millions d’habitants ; au Royaume-Uni, ce chiffre est de 96 200 pour une population identique.
Pour remédier à cette difficulté, nous avions lancé un grand programme immobilier baptisé « 13 200 » sur lequel vous revenez largement.
Le problème ne tient donc pas au nombre de détenus, mais à l’insuffisance de places de prisons, et ce n’est pas la multiplication des peines alternatives à l’incarcération, parfois nécessaires, qui permettra de résoudre ce problème.
De plus, le raisonnement selon lequel la récidive sera limitée par la suppression des peines planchers et la mise en place de la contrainte pénale relève de l’angélisme idéologique et met en péril la sécurité de nos concitoyens. Vous aurez beau doter la mission « Intérieur » d’un budget important et accroître les effectifs de police, si la justice ne met pas en place les réponses pénales adaptées, cela n’aura aucun effet.
Par ailleurs, l’efficacité et la cohérence de la sanction sont d’autant plus grandes que celle-ci est rapide. Or, l’indicateur 3.4 du programme 166 relatif au délai moyen de mise à exécution montre bien que ce dernier ne cesse d’augmenter, qu’il s’agisse des peines de prison ferme ou des peines d’amende.
Enfin, l’aide juridictionnelle est le symbole de l’attitude de votre gouvernement, caractérisée par l’hésitation et l’amateurisme. Depuis que la droite a mis en place un droit de timbre de 35 euros, la gauche n’a cessé de hurler, considérant qu’il s’agissait d’un frein inacceptable pour ester en justice. Nous l’avons encore entendu ce matin. Mme Lemaire ne dénonce pas la hausse de la TVA au 1er janvier mais se félicite de la suppression de ce qu’elle qualifie de « TVA judiciaire ». Pourtant, cette contribution, en vigueur depuis le 1er octobre 2011, sert précisément à financer l’aide juridictionnelle dont bénéficient les plus démunis.
Ainsi, vous aviez promis de supprimer ce droit de timbre dès le PLF pour 2013 avant d’y renoncer, et de reporter la réforme à 2014. Vous allez, semble-t-il, présenter en séance des amendements à l’article 69, parce que Bercy n’a pas pu, ou pas voulu, les étudier avant. Quelle impréparation ! Pouvez-vous, madame la garde des Sceaux, nous apporter quelques précisions sur ces amendements ?
M. Michel Zumkeller. Le budget que vous présentez repose sur une conception de la justice que le groupe UDI ne partage pas et qu’incarne la réforme pénale annoncée. Cette réforme, comme le budget, est envisagée à travers le seul prisme de la lutte contre la surpopulation carcérale et laisse de côté les principaux enjeux de notre système pénal que sont la prévention de la récidive, la lutte contre la délinquance des mineurs ou l’exécution des peines.
L’exécution des peines a d’ailleurs fait, sous les précédentes législatures, l’objet de multiples rapports, sans que l’on enregistre d’avancées significatives : il faudrait commencer par disposer de données statistiques qui font encore défaut aujourd’hui. Les bureaux d’exécution des peines sont une très bonne chose, mais on attend toujours leur mise en place. Que comptez-vous faire en la matière pour les majeurs, mais aussi pour les mineurs, pour lesquels c’est la protection judiciaire de la jeunesse qui assure le suivi ?
En ce qui concerne les créations de postes, les 300 nouveaux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation ont principalement vocation à mettre en œuvre votre réforme pénale. À cet égard, le groupe UDI s’inquiète fortement du projet de contrainte pénale qui va à l’encontre de la nécessaire sanction et de l’indispensable réparation dans l’intérêt des victimes. Nous aurons l’occasion d’en parler plus longuement.
Je partage l’avis du groupe UMP pour ce qui est des places de prison. Peut-être restait-il des places à financer sur les 80 000 prévues par la précédente majorité, mais cela n’a rien d’inhabituel. On ne fera pas l’économie de la création de nouvelles places de prison, ne serait-ce qu’au nom de la dignité humaine. Nous devrons trouver ensemble les moyens de les financer.
La suppression du droit de timbre a pour conséquence une baisse du budget alloué à l’aide juridictionnelle : nous ignorons comment vous comptez la compenser. Vous avez indiqué que vous feriez des économies. Pouvez-vous être plus précise ?
M. Sergio Coronado. La justice demeure une priorité du Gouvernement et du Président de la République, et cela est heureux en ces temps de forte contrainte budgétaire. À l’intention de M. Darmanin, je veux rappeler que le rapport de M. Raimbourg sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale a établi que l’augmentation du nombre de places de prison n’a jamais réglé la question de la surpopulation. Ses conclusions n’étaient peut-être pas totalement consensuelles, mais, à l’époque de sa publication, loin de pousser les hauts cris, certains représentants de l’opposition avaient même exprimé leur assentiment. Il vaut donc mieux, sur le sujet, s’abstenir de toute polémique.
Madame la garde des Sceaux, l’année dernière, vous aviez eu des mots très durs et très justes contre les PPP qui hypothèquent notre capacité d’action et constituent une dette laissée aux générations futures. Je regrette que les positions et les engagements que vous aviez pris alors avec le soutien de la majorité ne se retrouvent pas complètement dans votre politique. La construction du tribunal de Caen fait ainsi l’objet d’un PPP.
Mais les PPP ne sont pas seuls à poser problème. Je pense à la gestion déléguée dans le cas du centre pénitentiaire de Beauvais.
Dans ses recommandations relatives au centre pénitentiaire des Baumettes, le contrôleur général des lieux de privation de liberté indiquait que celui-ci devait accueillir des détenus transférés d’établissements sous gestion déléguée, aux fins de « désencombrement », car un surcroît d’occupation dans ces établissements entraîne pour l’État le versement de pénalités. À cet égard, il serait utile de connaître le coût d’un détenu en fonction du type d’établissement – établissement en gestion déléguée, sous PPP, ou établissement public. Pour sortir de l’idéologie et pour la bonne information de la représentation nationale, il serait souhaitable de pouvoir quantifier sur des bases solides la dette laissée aux générations futures et ainsi établir l’irresponsabilité qui consiste à s’engager dans des PPP.
En ce qui concerne le calendrier de la réforme pénale, je suis, semble-t-il, moins bien informé que mes collègues Mme Lemaire et M. Darmanin. Pouvez-vous me préciser les dates d’examen de cette réforme que nous appelons de nos vœux depuis longtemps, pour rompre avec le « tout carcéral » et le « tout sécuritaire » de l’ancienne majorité. Sur ce sujet, vous savez pouvoir compter sur le soutien du groupe écologiste.
Enfin, je me félicite de la suppression du timbre fiscal, mais je m’inquiète du financement de l’aide juridictionnelle. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements que je serai ravi de retirer si le Gouvernement en présente en séance afin d’apporter des solutions en la matière.
M. Marc Dolez. Le groupe de la gauche démocrate et républicaine porte une appréciation nuancée mais plutôt positive sur le budget de la justice. Après une hausse significative en 2013, il connaît une légère progression pour 2014.
Nous nous félicitons de la suppression du timbre que nous avions réclamée dès le début de la législature en déposant une proposition de loi à cet effet. Quant à sa compensation, nous nous réjouissons que vous vous apprêtiez à renoncer à la démodulation de l’aide juridictionnelle, qui aurait pour conséquence de diminuer le montant de l’indemnisation des avocats dans 157 barreaux sur 161. Nous souhaitons que la concertation permette de trouver une solution juste, efficace et pérenne.
D’autre part, les emplois créés dans l’administration pénitentiaire seront affectés à l’ouverture de nouveaux établissements et à l’application de la future loi sur la récidive que nous soutenons. Ils ne pourvoiront pas aux postes vacants et ne compenseront pas les départs en retraite. Pourtant, la situation est très préoccupante dans de nombreux établissements pénitentiaires. Ainsi, le directeur de la maison d’arrêt de Douai a annoncé dans une note interne la mise sous tutelle budgétaire de son établissement.
Enfin, pour les services judiciaires, la création de postes de magistrats sera insuffisante pour pourvoir aux postes vacants et compenser les départs en retraite dans les trois prochaines années – respectivement au nombre de 400 et 1400. En outre, les budgets de fonctionnement des juridictions stagnent alors que nombre d’entre elles sont en situation délicate. Ces deux éléments font craindre une nouvelle dégradation du service public de la justice.
Le budget de la PJJ enregistre cette année une baisse inquiétante qui touche les structures éducatives. Quelles sont les conclusions de la mission d’inspection des services judiciaires sur les centres éducatifs fermés, que vous avez diligentée il y a plus d’un an ? Nous considérons que les emplois créés dans ces structures pourraient être plus judicieusement affectés à d’autres lieux d’accueil et de réinsertion.
Quels seront l’affectation et le type des emplois créés en faveur de la santé des mineurs ?
Sur les 297 emplois affectés à l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires, 210 proviendront de redéploiements. Quels sont les postes concernés ?
Le Gouvernement a-t-il l’intention de continuer à signer des PPP, qui coûtent fort cher ?
M. Dominique Raimbourg. Madame la garde des Sceaux, trois indicateurs disent la difficulté de votre tâche : 80 % des personnes sortant de prison se trouvent actuellement sans suivi ; 57 % de cette même population sont à nouveau condamnés dans les cinq ans – cette condamnation n’est pas nécessairement prononcée en récidive et elle n’amène pas toujours les individus concernés à retourner en prison ; en moyenne, une cellule de maison d’arrêt est occupée par 1,64 détenu.
À la lecture de ces chiffres, la justice semble inefficace. Quant aux conditions de travail du personnel pénitentiaire, elles sont anormales, de même que les conditions de détention – qui sont même, parfois, indignes. Nous héritons de cette situation, même si les difficultés financières sont très anciennes.
M. Jean-Frédéric Poisson. Merci de le reconnaître !
M. Dominique Raimbourg. La solution consistant à augmenter le nombre de places de prison a montré ses limites. Plus on a créé de places – et un réel effort a été consenti depuis dix ans en la matière –, plus le nombre de détenus a augmenté : il est passé de 48 000 à 68 000 sur la même période.
Comment rendre notre justice plus efficace ? Comment assurer des conditions de détention plus dignes ? Comment améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires ?
M. Philippe Goujon. Madame la ministre, dans la perspective de la future réforme pénale, vous envisagez l’automaticité de l’examen par le juge de la libération du condamné aux deux tiers de sa peine. En tenant compte des réductions de peines automatiques, cette mesure entraînerait la libération de 2 500 à 6 000 détenus. Vos services estiment que 40 % d’entre eux seront placés en régime de semi-liberté ou hébergés en placement extérieur. De quels moyens bénéficieront les centres de semi-liberté afin de faire face à un tel afflux ?
La Direction des affaires criminelles et des grâces a récemment publié un rapport consacré à la politique pénale qui montre qu’en matière d’exécution des peines les dysfonctionnements sont nombreux. Plusieurs parquets décident même de reports d’incarcération en raison du surpeuplement des prisons. Les bureaux d’exécution des peines se heurtent aussi à des difficultés. Quels moyens comptez-vous dégager pour résoudre ces problèmes ?
Pourriez-vous également nous donner quelques éléments sur l’état d’avancement du programme des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) – celle de Villejuif verra-t-elle le jour ? Où en est le chantier du TGI de Paris aux Batignolles ? Il semble qu’il soit suspendu. Que pouvez-vous nous dire de la prison de la Santé ?
Mme Colette Capdevielle. Le ministère de la justice travaille sur une réforme de la justice commerciale, et la création de huit postes de magistrats est d’ores et déjà prévue dans ce budget.
Le rapport d’information de nos collègues, Cécile Untermaier et Marcel Bonnot, sur le rôle de la justice commerciale, formulait en avril dernier trente propositions concrètes pour rénover l’organisation des procédures commerciales dans un souci de transparence et d’efficacité. Ce rapport propose notamment de « faciliter la procédure de “dépaysement” en l’accordant, de droit, aux parties qui la demandent », et d’ouvrir la possibilité pour les parties d’obtenir un jugement par une formation mixte.
Quelles propositions du rapport d’information envisagez-vous de retenir dans un futur projet de loi ? Selon quel calendrier ce dernier sera-t-il élaboré et examiné ? Quelles mesures financerez-vous en priorité ? Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour améliorer la situation de la justice commerciale ?
M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la garde des Sceaux, pouvons-nous connaître, une fois pour toutes, la position du Gouvernement sur les partenariats public-privé ?
De nombreuses associations qui aident à la réinsertion des détenus ont du mal à renouveler leur agrément ou à obtenir des subventions. Elles effectuent pourtant, dans la plus grande discrétion, un travail particulièrement utile et tout à fait remarquable qui fait souvent intervenir d’anciens détenus et reste, en définitive, relativement peu coûteux pour les deniers publics. Quelles mesures comptez-vous prendre dans le budget pour 2014 afin qu’elles disposent de plus de moyens ?
L’année dernière, dès octobre ou novembre, certains établissements pénitentiaires n’ont plus reçu la part de dotation de l’État qui leur revenait. En conséquence, le paiement aux fournisseurs a été retardé. Au-delà des flux décrits dans le budget, se pose donc un problème d’ajustement de trésorerie qui n’est pas sans conséquence pour le secteur privé. Quelles dispositions prenez-vous afin que ces graves incidents ne se reproduisent pas ?
Mme Élisabeth Pochon. Ma question concerne le financement de l’enquête Violences et rapports de genre, dite « enquête VIRAGE », qui entend actualiser et approfondir la connaissance statistique des violences faites aux femmes et se propose d’étendre son champ d’investigation à la population masculine. Cette enquête quantitative de grande envergure concernera 35 000 personnes. L’opération de collecte est prévue pour 2015 en métropole, et ultérieurement dans les départements d’outre-mer.
Intitulé Violences et rapports de genre (VIRAGE) : contextes et conséquences des violences subies par les femmes et par les hommes, ce projet a d’ores et déjà reçu le soutien financier du ministère des droits des femmes, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité via le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Cette enquête qui s’étalera sur trois ans permettra de constituer des sources de données comparables à celles d’autres pays européens ; d’évaluer des politiques publiques engagées depuis l’enquête de violence envers les femmes de 2002 ; d’adapter la prévention aux réalités vécues par les deux sexes, et de faciliter le travail des associations qui se battent au quotidien contre ces violences.
Je salue à cette occasion l’observatoire des violences faites aux femmes de mon département de Seine-Saint-Denis, qui réalise depuis 2002 un travail remarquable et dont le modèle s’exporte même vers d’autres territoires – comme vers le Pays basque depuis août dernier.
Le ministère de la justice qui veut mieux protéger et garantir les droits des victimes pourrait-il soutenir financièrement cette enquête qui lui serait à ce titre très utile ? De façon plus large, elle serait bénéfique à tous ceux qui s’engagent dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
M. Yann Galut. Pendant des années, la justice a vu son budget malmené, des postes ont été supprimés – notamment dans la lutte contre la délinquance économique et financière –, et les magistrats ont été mis en cause. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui rompt avec cette logique.
Les inconséquences passées expliquent la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement tant en ce qui concerne le nombre de magistrats que pour ce qui touche à leur situation matérielle. Ces questions se posent aussi pour les greffiers, pourtant si efficaces et utiles. Comment résoudrez-vous les problèmes auxquels nous continuerons de nous heurter dans les années qui viennent ?
M. Joaquim Pueyo. L’efficacité de la peine d’emprisonnement dépend essentiellement du niveau de sécurité des établissements pénitentiaires, de la qualité de la prise en charge, et de l’anticipation et de la préparation de la sortie des détenus – qui vise notamment à éviter les sorties sèches.
Madame la garde des Sceaux, le 3 juin dernier, vous avez présenté un dispositif de sécurisation des établissements pénitentiaires particulièrement ambitieux, afin de lutter contre les évasions, contre les projections de l’extérieur, d’empêcher l’introduction d’objets et de produits interdits, de rendre plus efficaces les brouilleurs de communications téléphoniques et d’améliorer le contrôle de la population pénale en utilisant notamment les techniques de pointe. Certaines mesures annoncées amélioreront les conditions de vie des détenus et les conditions de travail des personnels. C’est le cas de l’installation des coûteux portiques à ondes millimétriques – 60 000 euros par dispositif – qui réglera en partie le problème des fouilles intégrales.
La sécurité générale des détentions est également liée aux modalités de prise en charge des détenus les plus signalés. Cela implique de mettre en place des formations adaptées et différenciées des personnels qu’il faut replacer au centre du projet d’exécution des peines. Dans les maisons centrales, où l’application d’un plan d’action spécifique est prévue, la pratique professionnelle des surveillants en contact avec les détenus dangereux doit être analysée. Qu’en est-il aujourd’hui de ce plan d’action des maisons centrales, et de la sécurisation des établissements pénitentiaires ?
Mme Françoise Descamps-Crosnier. Madame la garde des Sceaux, l’aide juridictionnelle constitue pour le groupe SRC la garantie de l’égalité d’accès au droit. Le 4 octobre dernier, devant le Conseil national des barreaux, vous avez annoncé que vous présenteriez au Parlement un amendement afin de revenir sur la suppression de la modulation de l’unité de valeur qui sert de base à cette aide. Comment comptez-vous compenser la suppression de cette mesure, inscrite à l’article 69 du PLF, qui aurait rapporté 15 millions d’euros au budget de l’aide juridictionnelle ?
M. le président Gilles Carrez. Madame la garde des Sceaux, je me permets de vous faire part d’un sentiment personnel après que la commission des finances a été amenée à de nombreuses reprises depuis plusieurs années à examiner la question des PPP.
Si ces partenariats paraissent justifiés lorsque le service public donne lieu à un péage par l’utilisateur – comme c’est le cas pour le tunnel sous la Manche ou le viaduc de Millau –, la question est plus délicate lorsque les usagers ne peuvent être redevables d’un paiement et que l’État doit régler un loyer public – comme c’est le cas pour les hôpitaux ou les établissements pénitentiaires.
Sur le strict plan financier, les taux auxquels l’État emprunte aujourd’hui restant inférieurs à ceux consentis au secteur privé, il ne peut y avoir d’avantage à conclure un PPP.
On fait parfois intervenir d’autres types de considérations en affirmant que l’efficacité des partenaires privés serait supérieure pour la conception, la réalisation, voire l’exploitation des projets, mais rien n’a jamais pu me convaincre que ces missions ne pouvaient pas être gérées aussi efficacement au sein des services de l’État.
Mme la garde des Sceaux. Monsieur le président de la commission des finances, je suis heureuse de partager votre analyse sur les partenariats public-privé. La Cour des comptes a évoqué les dangers que fait courir le recours au PPP pour la construction d’équipements publics : il crée un différé de charges très onéreux. Pour un investissement initial de moins de 600 millions d’euros consacré à la construction du futur Palais de justice de Paris aux Batignolles, l’État déboursera au final 2,4 à 2,7 milliards d’euros ! Monsieur Goujon, le maître d’ouvrage a effectivement interrompu les travaux. La société de projet Arelia fait valoir que les banques hésitent à débloquer des financements en raison des incertitudes juridiques liées à la procédure entamée par plusieurs associations d’avocats. L’État ne peut intervenir au risque de voir le marché contesté par les soumissionnaires qui n’ont pas été retenus.
Plusieurs PPP sont déjà en cours au ministère de la justice qui concernent principalement des établissements pénitentiaires. Dix établissements ont fait l’objet de partenariats entre 2004 et 2008 : Lyon, Nancy, Béziers, Roanne, Poitiers, Le Mans, Le Havre, Lille, Nantes et l’établissement sud-francilien. En 2014, le total des loyers les concernant s’élève à 124 millions d’euros. L’année dernière, j’ai interrompu les projets qui pouvaient l’être sans pénaliser ni la capacité d’accueil à terme ni les intérêts de l’État. J’ai maintenu les lots des établissements de Valence et de Riom, ainsi que le projet de Beauvais ; ils étaient trop engagés pour que leur interruption ne coûte pas à l’État – le projet des Batignolles se trouvait d’ailleurs dans le même cas.
M. le président Gilles Carrez. L’exemple des Batignolles montre bien que l’argument selon lequel le PPP serait un gage de simplicité et de rapidité est contestable. Un grain de sable dans la machine – en l’espèce, c’est un contentieux – peut créer des conséquences en chaînes.
Mme la garde des Sceaux. J’en viens aux questions transversales, et d’abord à l’aide juridictionnelle. Je remercie ceux d’entre vous qui ont souligné la suppression du timbre que devaient acquitter les justiciables disposant d’un niveau de ressources inférieur à 924 euros pour bénéficier de cette aide. Incontestablement, il s’agissait d’une entrave à la justice pour des personnes vulnérables. C’est ainsi que, dans certains ressorts, l’année dernière, le recours à la justice a diminué de 10 %, ce qui est considérable s’agissant de contentieux liés à la fragilité économique. Ce timbre, d’un montant de 35 euros, était vraiment une mesure d’injustice sociale que je m’étais engagée à abroger. En raison d’un délai trop contraint pour trouver la ressource qui compenserait les 55 millions d’euros qu’avait rapportés ce timbre, cela n’a pas été possible dans le budget de 2013. Pour 2014, la compensation est assurée par un abondement du budget du ministère de la justice de 60 millions d’euros. C’est un effort du Gouvernement qu’il convient de saluer en ce qu’il réintroduit de la justice sociale et rouvre l’accès gratuit au juge pour les justiciables vulnérables.
Pour ce qui est de la démodulation, elle ne concerne nullement les justiciables. En aucune façon les critères d’accès à l’aide juridictionnelle n’ont été modifiés. La démodulation est une mesure d’harmonisation sur l’ensemble du territoire de l’unité de valeur qui permet de rémunérer les avocats pratiquant l’aide juridictionnelle. Cette unité de valeur était comprise entre 22,50 euros et 25 euros. Pour les uns, l’harmonisation se traduira par une amélioration de leurs revenus ; pour les autres, elle se traduira par une perte. Le Conseil national de l’aide juridique le dit et les avocats eux-mêmes en conviennent, aucun élément économique ne justifie de différencier l’unité de valeur sur le territoire. Le principe de l’harmonisation ne fait donc pas débat, ce qui n’est pas le cas pour le montant de l’unité de valeur. Si nous l’avions fixée à 25 euros, personne n’aurait su que nous avions harmonisé.
L’aide juridictionnelle est une vraie prestation de service public, et les avocats consentent à la pratiquer par engagement. Il convient donc de veiller à ce que leur rémunération soit correcte. Or on sait que l’aide juridictionnelle est fragile, et cela depuis le rapport Bouchet qui date de 2001. Depuis, six rapports ont été publiés, dont, en 2007, celui du sénateur Roland du Luart intitulé L’aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle. Tous ces rapports proposent des pistes de financement de l’aide juridictionnelle, tout à fait pertinentes pour certaines. Pendant huit mois, j’ai mobilisé mon cabinet et l’administration pour essayer de construire un financement solide et pérenne. Nous n’y sommes pas parvenus avant que le budget soit adopté en Conseil des ministres, ce que je regrette profondément. L’aide juridictionnelle est donc financée de la façon qui vous est présentée et que je me suis engagée à modifier au cours de la discussion au Parlement, par voie d’amendement. Cet amendement est rédigé, il devrait être déposé dans les délais prévus avant le débat public. Je ne saurai vous dire quand, car la règle veut que ce soit le ministère du budget qui le fasse. Je peux vous indiquer en substance qu’il prévoit de ne pas appliquer la démodulation en 2014, de récupérer les honoraires d’avocat auprès du succombant, c’est-à-dire la personne qui aura perdu le procès, et de demander au juge que le règlement de l’avocat ne soit pas inférieur à l’aide juridictionnelle. Ainsi, vous pourrez exercer votre mission de contrôle à propos d’un amendement dont on peut considérer, n’étant pas déposé, qu’il n’existe pas encore.
Nous avons repris les discussions sur des points techniques avec le CNB, qui a traversé une période transitoire. J’envisage de confier une mission à une personnalité pour consulter au-delà de la profession. Nous devons vraiment régler de façon stable et pérenne le financement de l’aide juridictionnelle – ce serait l’honneur du Gouvernement d’y parvenir avec l’aide du Parlement. Bien sûr, nous aurions pu procéder indépendamment de la profession, mais ce gouvernement a fait le choix de privilégier la concertation, de construire ensemble, et cela demande du temps. Or nous en avons peu devant nous, car les discussions sur le prochain budget vont commencer dans quatre ou cinq mois.
Autre question transversale, le projet de prévention de la récidive et d’individualisation des peines. Je n’ai cessé de dire, depuis le mois de juin 2012, avant même d’installer la conférence de consensus, qu’il ne s’agit pas d’un texte visant à réduire la surpopulation carcérale. Il a pour objet de prévenir la récidive, de donner un sens à la peine, de rendre efficace la sanction, de permettre la réinsertion. S’il a un effet sur la surpopulation carcérale, tant mieux, car celle-ci est préjudiciable à l’exercice professionnel des personnels pénitentiaires, qui font un travail considérable dans des conditions extrêmement difficiles sur l’ensemble du territoire. Elle est également préjudiciable à la réinsertion des détenus, dont il faut rappeler qu’ils finiront bien, à l’exception des condamnés à la réclusion à perpétuité, par sortir de prison. Dans l’intérêt de la société, mieux vaut que cette sortie se passe dans les meilleures conditions d’insertion.
L’objectif est de réduire les sorties sèches, dont M. Raimbourg a rappelé qu’elles atteignaient 80 %, alors qu’il est établi statistiquement, en France comme dans d’autres pays, qu’elles présentent des risques de récidive. Le Gouvernement se donne les moyens de l’efficacité en prenant dès aujourd’hui des dispositions d’accompagnement de ce projet de loi : création d’un millier de postes sur trois ans pour les services d’insertion et de probation ; réorganisation du ministère public sur la base des préconisations de la commission Nadal dont le rapport me sera remis fin novembre ; renforcement, engagé en 2013, des postes d’application des peines au siège et d’exécution des peines au parquet.
En vertu de la séparation des pouvoirs, il ne m’appartient pas de définir le calendrier d’examen du texte. Le Gouvernement a indiqué très clairement que, s’agissant d’un sujet extrêmement important, il n’envisageait pas de demander la procédure accélérée, non seulement par respect pour le Parlement, mais aussi parce que la navette parlementaire permet vraiment d’enrichir les textes. Il est important que les parlementaires fassent valoir toutes les réflexions qu’ils ont accumulées sur ces sujets depuis plusieurs années, même ceux de l’opposition qui ont signé des rapports de très grande qualité. Il ne faut pas tarder, car la situation actuelle est dangereuse pour la sécurité des Français. Plus nous tarderons à rendre la peine efficace et à faciliter la réinsertion, plus nous aurons à répondre du fait que cette situation aura duré. Pour autant, ce débat ne doit pas avoir lieu dans la précipitation. Je me déplace beaucoup sur le territoire pour expliquer le contenu du projet de loi, éviter les caricatures, les raccourcis et la déformation du texte. Il importe d’inciter la société à s’interroger sur le sens de la peine et l’efficacité de la sanction, et de faire en sorte d’en finir avec les discours sommaires, faciles et absurdes.
Les données statistiques posent en effet un souci, qui nécessite de réorganiser les systèmes permettant de les établir. Nous allons installer un observatoire de la récidive et de la désistance qui aura pour mission de produire des chiffres précis, construits indépendamment de toute tentation d’instrumentalisation. S’il apparaît nécessaire de disposer de chiffres clairs, ceux-ci ne devront pour autant pas être établis de façon photographique, mais plutôt dynamique, c’est-à-dire qu’ils devront permettre de suivre le parcours des personnes sur l’ensemble du territoire. Outre un système d’observation, nous organisons le traitement des données en matière pénale à travers l’interconnexion des données de la justice et celles de la police et de la gendarmerie. Les bases de données de la gendarmerie étant relativement semblables à celles de la justice, l’interconnexion est établie depuis juin 2013. Celles de la police sont très différentes, il faudra donc attendre décembre 2014.
Si nous disons que les sorties sèches aggravent les risques de récidive, la conclusion raisonnable à en tirer, c’est la nécessité de préparer la sortie en organisant un retour progressif à la liberté. Pour plus d’efficacité, nous avons décidé d’un rendez-vous judiciaire aux deux tiers d’exécution de la peine. Ce rendez-vous judiciaire sera préparé en amont par le conseil d’insertion et de probation. Il aura eu lieu devant une commission d’application des peines qui prononcera éventuellement une libération sous contrainte ou un maintien en détention. La contrainte pénale est bien une contrainte ; elle est même beaucoup plus contraignante que certaines mesures d’exécution de peine en milieu ouvert. Ces libérations sous contrainte pourront prendre des formes différentes, comme le bracelet électronique, le placement extérieur ou la semi-liberté. À cet égard, je me suis engagée à ouvrir 800 places supplémentaires au cours du quinquennat, mais il faut savoir que certains centres ne sont pas occupés en totalité pour des raisons territoriales. Nous travaillons sur le maillage du territoire, sur la typologie des bassins.
S’agissant des effectifs, je reviens sur ceux de la justice qui bénéficiera de 555 créations de postes, mais également des redéploiements que permettra d’opérer la poursuite de l’effort d’informatisation, tant sur le système CASSIOPPEE que sur le casier judiciaire GENESIS, grâce auquel des postes seront dégagés. Les effectifs de la pénitentiaire feront également l’objet de 432 créations de postes et de redéploiements. Je vous ferai parvenir le détail des chiffres ultérieurement. Je suis en train de faire procéder au contrôle de l’exécution du budget 2013, même si l’année n’est pas terminée, pour dresser l’état des créations de postes. Il faut livrer une telle bataille budgétaire pour les obtenir que je ne suis pas disposée à les laisser non pourvus. Pour l’heure, je sais que le recrutement des magistrats rencontre des difficultés, les postes ouverts ne trouvant pas preneur. Je vous ferai établir un tableau précis et compréhensible de la situation.
L’inspection générale des services judiciaires a établi un rapport très intéressant sur les centres éducatifs fermés (CEF). Je vous le ferai également parvenir. La protection judiciaire de la jeunesse travaille d’arrache-pied sur la base de ce rapport pour améliorer la gouvernance et inscrire les CEF dans le parcours du mineur, c’est-à-dire dans toute la palette des réponses judiciaires à la délinquance des mineurs. Jusqu’à présent, on a plutôt tendance à y envoyer certaines catégories de mineurs sans qu’il y ait forcément correspondance avec la durée de la mesure de justice.
Nous allons traiter la justice commerciale en deux étapes. La première passe par la simplification. Plusieurs mesures tendent à faciliter la prévention dans le cadre des procédures collectives qui pénalisent fortement les entreprises et les emplois. La seconde étape sera la réforme de la justice commerciale, dont le texte sera totalement bouclé pour le mois de janvier 2014. J’ai mis en place des groupes de travail qui ont produit des rapports de qualité, dont celui de Cécile Untermaier et Marcel Bonnot. La matière de la justice commerciale recouvre des sujets quelque peu délicats. Si nous avançons bien avec la profession sur de nombreux points, l’échevinage sonne comme un gros mot pour certains et suscite beaucoup de réticences, même intervenant en appel.
Nous disposons des coûts à la journée pour les PPP, mais nous vous enverrons des chiffres plus fins.
Nous consacrons 1,4 million d’euros à la lutte contre les violences faites aux femmes, dans laquelle le ministère est très engagé en termes de politiques publiques. Combattre le fort taux d’acceptabilité des violences dans la société passe par des campagnes de sensibilisation et d’information. Aussi avons-nous lancé plusieurs actions. D’abord, en chargeant l’École nationale de la magistrature de mettre en place une formation adressée aux magistrats, aux policiers, aux gendarmes et aux personnels des services sociaux, qui aura pour contenu la connaissance de la loi et des procédures, ainsi que la formation à l’accueil et à l’enregistrement des plaintes.
Ensuite, nous avons introduit, dans le texte sur l’égalité des hommes et des femmes porté par la ministre des droits des femmes, des dispositions contre le recours à la composition pénale dans les cas de violence domestique. Ceux-ci requièrent vraiment des sanctions et parfois une prise en charge de l’auteur en termes de soins et de formation. Avec la ministre des droits des femmes, nous avons également lancé une double mission de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale de l’administration sur l’ordonnance de protection. Moi-même, j’avais mobilisé le Conseil national de l’aide aux victimes sur cette même question. Les rapports convergent pour augmenter, jusqu’à la doubler, la durée du prononcé de l’ordonnance. Elle pourra donc être de deux fois six mois.
Nous généralisons encore sur l’ensemble du territoire le téléphone de grand danger, après une expérimentation en Seine-Saint-Denis et dans le Bas-Rhin. Une autre expérimentation est en cours sur le très grand danger. Enfin, bien entendu, nous soutenons les associations d’aide aux victimes de violences conjugales.
Sur les 33 millions d’euros affectés au plan de sécurisation des établissements pénitentiaires, 9 ont été consommés au titre de l’exécution du budget de 2013 et 24 le seront au titre du budget de 2014. Ce plan permettra de renforcer les dispositifs de lutte contre les projections, tels que les filets ou les glacis, et de presque doubler le nombre des portiques à masse métallique dans les zones sensibles de tous les établissements, d’équiper vingt maisons centrales et maisons d’arrêt de portiques à ondes millimétriques.
L’exécution du plan est déjà bien engagée : l’échéancier est établi, les commandes sont passées et les établissements commencent à être équipés. Cela va permettre d’améliorer de façon substantielle les conditions de travail des personnels pénitentiaires, en allégeant les contraintes qui pèsent sur eux.
Je vous remercie pour la qualité et la densité de nos échanges, et je remercie également ceux qui ont posé des questions qui n’étaient pas exemptes de mauvaise foi – c’est la loi de l’exercice, et nous serions déconcertés si l’on venait à y manquer –, mais ne se départaient pas d’une certaine élégance.
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie de vos réponses, madame la garde des Sceaux.
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À l’issue de l’audition de Mme Christina Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, sur les crédits de la mission « Justice », la Commission examine, pour avis, sur le rapport de Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis « Accès au droit et à la justice et aide aux victimes », MM. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire », Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis « Justice administrative et judiciaire » et Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis « Protection judiciaire de la jeunesse », les crédits de la mission « Justice ».
Article 69 : Renforcement de l’équité en matière d’aide juridictionnelle
La Commission examine l’amendement n° II-CL2 rectifié de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Comme je l’ai annoncé lors de la commission élargie, nous sommes d’accord avec la suppression du timbre fiscal, mais opposés à la diminution de la valeur de référence du barème de l’aide juridictionnelle, et donc de la rémunération des avocats qui se dévouent pour assurer la tâche importante que représente l’aide juridictionnelle, qui concerne tous les barreaux. Nous avons pris acte de l’engagement de la ministre de la Justice selon lequel le Gouvernement déposerait, en réponse à la préoccupation exprimée par l’ensemble des groupes de la majorité, un amendement revenant sur le système de démodulation proposé ; je suis tenté de faire confiance au Gouvernement et retire donc mon amendement, en attendant l’examen de l’amendement gouvernemental en séance publique.
L’amendement n° II-CL2 rectifié est retiré.
M. Jean-Jacques Urvoas, président. Selon les informations dont on m’a fait part à ce stade, l’amendement en question pourrait être déposé dès demain.
Après l’article 69
L’amendement n° II-CL4 de Mme Nathalie Nieson est retiré.
Conformément aux conclusions de M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour la « Justice administrative et judiciaire », de M. Jean-Michel Clément pour la « Protection judiciaire de la jeunesse » et de Mme Nathalie Nieson pour l’« Accès au droit et à la justice et l’aide aux victimes », mais contrairement à l’avis de M. Sébastien Huyghe pour l’« Administration pénitentiaire », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2014.
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS FORMULÉES
PAR LE RAPPORTEUR
Proposition n° 1 :
Compléter les indicateurs de performances du programme « Administration pénitentiaire » par des indicateurs permettant de mesurer l’activité des services de milieu ouvert, tels que la mesure du délai de convocation des personnes devant les services pénitentiaires d’insertion et de probation ou le nombre de dossiers suivis par chaque conseiller d’insertion et de probation.
Proposition n° 2 :
Pour répondre aux difficultés de recrutement et de fidélisation des surveillants pénitentiaires, étendre le dispositif des cadets de la République à l’administration pénitentiaire.
Proposition n° 3 :
Permettre une meilleure évaluation du phénomène de violence dans les établissements pénitentiaires, en prenant en compte dans l’indicateur du taux d’agressions l’ensemble des agressions physiques avec ou sans interruption temporaire de travail subies par les personnels.
Proposition n° 4 :
Créer, au sein de chaque établissement dont la taille ou les problématiques de sécurité le justifieraient ou pour plusieurs établissements proches dont les moyens seraient mutualisés, des équipes locales d’intervention pour mieux lutter contre les violences collectives ne nécessitant pas l’intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS).
Proposition n° 5 :
Permettre l’utilisation par les personnels pénitentiaires, en cas de mouvement collectif de détenus ou de grande violence d’un détenu, de pistolets à impulsion électrique.
Proposition n° 6 :
Afin de faire baisser la tension et la violence dans les établissements pénitentiaires, revenir à une politique immobilière ambitieuse permettant de résorber effectivement la surpopulation pénitentiaire.
Proposition n° 7 :
Permettre la détection et l’écoute des téléphones portables illégalement détenus par les personnes incarcérées.
Proposition n° 8 :
Permettre à des agents de l’administration pénitentiaire d’avoir la qualité d’agents de police judiciaire, afin de pouvoir intervenir en dehors des établissements pour appréhender les auteurs de projections.
Proposition n° 9 :
Assurer la totale sécurité juridique du recours aux portiques à ondes millimétriques dans les établissements pénitentiaires, en suivant les préconisations formulées par la commission nationale de l’informatique et des libertés s’agissant du recours à ces équipements.
Proposition n° 10 :
Modifier l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 afin de permettre aux agents pénitentiaires de procéder à des fouilles systématiques des personnes détenues soit dans certaines zones, soit à certains moments de la vie de la détention soumis à des risques particuliers d’introduction d’objets interdits.
Proposition n° 11 :
Permettre aux équipes cynotechniques de l’administration pénitentiaire de procéder, dans le cadre d’opérations de police judiciaire menées sous l’autorité du ministère public, à des contrôles de recherches de stupéfiants et d’explosifs sur les personnes entrant dans les établissements pénitentiaires.
Proposition n° 12 :
Permettre la réalisation, par des équipes dédiées composées de personnels pénitentiaires n’intervenant pas à l’intérieur des établissements, de fouilles par palpation sur les personnes entrant dans les établissements pénitentiaires.
Proposition n° 13 :
Associer davantage les personnels pénitentiaires ayant une compétence reconnue en matière de sécurité à la conception et à la construction des nouveaux établissements pénitentiaires.
Proposition n° 14 :
Harmoniser les règles encadrant le port d’armes par les personnels pénitentiaires effectuant des missions en dehors des établissements pénitentiaires, afin de permettre que toutes ces missions soient exercées dans les meilleures conditions de sécurité.
Proposition n° 15 :
Garantir l’affectation de surveillants expérimentés en maison centrale et en quartier maison centrale en faisant de ces postes des postes dits « à profil », offerts exclusivement à des agents présentant une ancienneté suffisante et ayant acquis un réel savoir-faire auprès des détenus.
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
• Ministère de la Justice – Direction de l’administration pénitentiaire
— Mme Isabelle GORCE, directrice
— M. Francis LE GALLOU, sous-directeur de l’organisation et du fonctionnement des services déconcentrés
— M. Bruno CLÉMENT-PETREMANN, sous-directeur de l’état-major de sécurité
— M. Hervé AMIOT-CHANAL, adjoint au sous-directeur des ressources humaines
— M. Bertrand ROUEDE, adjoint au sous-directeur des personnes placées sous main de justice
• UFAP -Union Fédérale Autonome Pénitentiaire (UNSA)
— M. Jean-François FORGET, secrétaire général
— M. Stéphane BARRAUT, secrétaire général adjoint
— M. David BESSON, secrétaire général adjoint
— M. Claude TOURNEL, secrétaire général adjoint
• Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire SNEPAP/FSU
— Mme Marion KAISER, secrétaire générale adjointe
— M. Sylvain ROUSSILLOUX, secrétaire national
• Syndicat CFTC-SLP
— M. Armand MINET, président
— M. Marcel AJOLET, conseiller technique
• Syndicat national des cadres pénitentiaires (contribution écrite)
DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR
• Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne)
— M. Michel SAINT-JEAN, directeur interrégional des services pénitentiaires d’Ile-de-France
— M. Stéphane SCOTTO, directeur
— M. Thierry DELOGEAU, commandant, chef de détention
• Centre pénitentiaire sud-francilien de Réau (Seine-et-Marne)
— Mme Nadine PIQUET, directrice
— M. Guillaume MOSSER, directeur adjoint
— M. Lionel SCHLESSER, chef de détention
— Mme GENARDI, adjointe au chef de détention
• Maison d’arrêt de Lille-Sequedin
— M. Pierre-Jean DELHOMME, directeur
— Mme Pauline LAMY, directrice adjointe
— M. Jérôme FREYTEL, capitaine, responsable de l’infrastructure de sécurité
— M. Stéphane LECERF, surveillant, secrétaire local UFAP/UNSA Justice
— M. Frédéric BOGAERT, premier surveillant, permanent local FO
— M. Sébastien CORSELIS, surveillant, membre du bureau local de FO
— M. Sébastien BELS, surveillant, secrétaire local CFTC
— M. Grégory FAUQUEUR, surveillant, secrétaire local adjoint CFTC
— Mme Gaëlle VERSCHAEVE, directrice des services pénitentiaires, référente régionale FO Direction
— M. Jean-Jacques MARCHAND, directeur des services pénitentiaires, référent régional FO Direction
— M. Emmanuel RIEHL, directeur des services pénitentiaires, référent régional SNDP-CFDT
• Centre pénitentiaire de Châteauroux (Indre)
— M. Christophe MILLESCAMPS, directeur interrégional adjoint des services pénitentiaires de Dijon
— M. Frédéric SEGUELA, directeur
— M. Richard PIESEN, lieutenant
— M. Jean-Marie FRANCES, major
— Mme Séverine BONDEVILLE, surveillante
— M. Vincent MARX, surveillant
• Maison centrale de Saint-Maur (Indre)
— M. Christophe MILLESCAMPS, directeur interrégional adjoint des services pénitentiaires de Dijon
— Mme Christel DROUET, directrice
— Mme Valérie PRATS, directrice adjointe
— Mme Hélène JOUBERT, directrice adjointe
— Mme Vanessa EVRARD, directrice adjointe
— M. Bruno LEROUX, chef de détention
— M. Didier DUCHIRON, adjoint au chef de détention
— M. Jean-Marc ZAUG, chef responsable de l’infrastructure
— M. Ludovic SONIA, adjoint au chef responsable de l’infrastructure
— M. Gilles FAVRAULT, surveillant brigadier, responsable des parloirs, secrétaire local CGT
— M. Sébastien PITEAU, premier surveillant, secrétaire local CGT
— M. Frédéric LEVALLOIS, surveillant principal, adjoint au responsable des parloirs, secrétaire local FO
— M. Aldo LIN CHING TOO, surveillant, secrétaire local UFAP-UNSA Justice
— M. Morgan LEROY, surveillant, secrétaire local UFAP-UNSA Justice
— M. Franck GEOFFRAY, secrétaire régional adjoint UFAP-UNSA Justice
— M. Denis ORTS, surveillant principal, secrétaire local FO
— M. Jérémy MONCELON, surveillant, secrétaire local FO
— M. Pascal SABOURAULT, délégué régional FO