N° 1435 tome XIV - Avis de M. Pierre Morel-A-L'Huissier sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1435

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1395)
de
finances pour 2014

TOME XIV

SÉCURITÉ CIVILE

PAR M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER

Député

——

Voir les numéros : 1428-III-44.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2013 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, le ministère de l’Intérieur a transmis la totalité des réponses attendues.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LE BUDGET 2014 7

I. LE PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE » 7

II. DES ENJEUX PLUS LARGES QUE LE PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE » 8

DEUXIÈME PARTIE : LA PRÉSERVATION DU VOLONTARIAT 11

I. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DU STATUT DE SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE 12

II. LE DISPOSITIF DE MÉCÉNAT D’ENTREPRISE 14

III. LA DIRECTIVE « TEMPS DE TRAVAIL » 16

IV. LA PRÉSERVATION D’UNE « CULTURE DU VOLONTARIAT » 18

V. UNE GOUVERNANCE DES SDIS MIEUX COORDONNÉE 19

TROISIÈME PARTIE : LA RATIONALISATION DES MOYENS AÉRIENS 21

I. LE TRANSFERT DE LA BASE AÉRIENNE DE LA SÉCURITÉ CIVILE À NÎMES-GARONS 21

A. UNE DÉCISION MÛREMENT RÉFLÉCHIE 21

B. UN CHOIX JUDICIEUX 22

II. LES LIMITES DE LA MUTUALISATION DES MOYENS HÉLIPORTÉS DE LA SÉCURITÉ CIVILE 22

A. LA NÉCESSITÉ D’UNE RÉDUCTION DU PARC HÉLIPORTÉ DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 23

1. Les moyens propres à la sécurité civile 23

2. Une utilisation contraignante 24

3. Une flotte sous-employée 25

4. Le problème des détachements saisonniers des moyens héliportés 26

B. LA DIFFICILE RATIONALISATION DE LA FLOTTE DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 28

C. LA PROBLÉMATIQUE DES MISSIONS SANTÉ 30

D. DE LA MUTUALISATION À L’UNIFICATION 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 79

Mesdames, Messieurs

En 2012, trois sapeurs-pompiers professionnels et huit sapeurs-pompiers volontaires ont trouvé la mort en service, tandis que le nombre d’accidents de service s’est élevé à 14 678. Ce chiffre nous rappelle que la protection des populations contre les accidents, les sinistres ou les catastrophes n’est pas exempte de dangers, et ceux qui s’y consacrent, bénévolement ou professionnellement, méritent notre attention et notre soutien.

La France dispose d’un modèle de sécurité civile de qualité, qui a fait ses preuves à chaque fois qu’une catastrophe ou un sinistre de grande ampleur a eu lieu. C’est ainsi que la sécurité civile a pu faire face en 2012 à 1 800 feux de forêts en 2012 ainsi qu’à de nombreuses inondations, parmi lesquelles celle des bas quartiers de l’agglomération nancéenne en mai 2012, de Lourdes en octobre 2012 ou encore celles qui ont frappé le Sud-Ouest de la France en juin 2013. Mais la sécurité civile française travaille également à la prévention des catastrophes et à la mise en place des infrastructures d’alerte et de coordination qui amélioreront la gestion des crises quand elles auront lieu.

Or, la sécurité civile française fait face aujourd’hui à des contraintes budgétaires toujours plus pesantes qui appellent des choix stratégiques et des réorganisations parfois difficiles. Du fait de la situation économique de notre pays, des sacrifices sont inévitables, mais il faut encore qu’ils soient faits avec discernement. La suppression d’une ligne budgétaire peut avoir des conséquences plus importantes que prévues, tandis que certaines réductions de dépenses peuvent être compatibles avec la préservation d’une sécurité civile de qualité et que de nouveaux investissements limités peuvent aboutir à des résultats tangibles à long terme.

C’est sous cet angle que ce rapport s’efforce d’aborder deux thèmes principaux. Le premier est celui de la préservation du volontariat des sapeurs-pompiers, dont le déclin doit être enrayé sous peine d’atteindre un point de non-retour au-delà duquel c’est toute l’organisation du service des pompiers qui risque d’être remise en cause. Le second thème est celui de l’optimisation des moyens aériens, et en particulier des flottes d’hélicoptères, une composante cruciale mais coûteuse et difficile d’emploi du dispositif français de sécurité civile.

PREMIÈRE PARTIE : LE BUDGET 2014

Alors que le budget pour 2013 comportait une mission « Sécurité civile » qui se décomposait en deux programmes, le budget pour 2014 ne comporte qu’un programme « Sécurité civile », qui relève de la mission « Sécurités ».

Conformément aux recommandations de la Cour des comptes d’une part, du Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) d'autre part, les programmes 128 « Coordination des moyens de secours » et 161 « Intervention des moyens de secours », qui existaient jusqu'à présent, ont en effet été fusionnés, dans le projet de loi de finances de 2014, au sein d'un programme unique.

Le programme 161 « Sécurité civile » est ainsi rattaché à la mission « Sécurités », aux côtés des programmes 152 « Gendarmerie nationale », 176 « Police nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ».

Ce nouveau programme répond à deux enjeux principaux :

– un enjeu touchant à la stratégie de la sécurité civile poursuivie sur le territoire national : il consiste, d'une part, à illustrer le niveau de rigidité des dépenses, d'autre part à permettre de mieux rendre compte de leur programmation et de leur exécution sur la base des éléments figurant aux rapport et projet annuels de performance ;

– un enjeu plus fonctionnel consistant à la fois à mieux mesurer le poids financier éventuel des aléas et à permettre la comparaison dans le temps des évolutions par activité comme par opération.

Ce programme unique regroupe désormais quatre actions :

– l’action « Prévention et gestion de crises », animée par le sous-directeur de la planification et de la gestion des crises ;

– l’action « Préparation et Interventions spécialisées des moyens nationaux », animée par le sous-directeur des moyens nationaux ;

– l’action « Soutien aux acteurs de la sécurité civile », animée par le directeur des sapeurs-pompiers avec le sous-directeur des ressources, des compétences et de la doctrine d’emploi, d’une part et, d’autre part, le sous-directeur des services d’incendie et des acteurs du secours ;

– l’action « Fonctionnement, soutien et logistique » animée par le directeur de cabinet du directeur général de la sécurité civile.

Chaque action est déclinée en sous-actions, correspondant chacune aux différentes missions exercées par une même sous-direction. Les dépenses de personnel sont à ce titre distinguées.

Enfin, l’affectation des lignes budgétaires du référentiel de comptabilité budgétaire Chorus a été effectuée afin de responsabiliser le donneur d’ordre du suivi de la dépense. Ainsi, les dépenses de carburants des aéronefs ou de retardant ont été placées sous l’autorité du sous-directeur de la planification et de la gestion des crises. La réserve nationale, partie intégrante du soutien opérationnel des moyens nationaux relèvera désormais du sous-directeur des moyens nationaux. Les dépenses des personnels mis à disposition par les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) sont suivies par le directeur des sapeurs pompiers.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME
« SÉCURITÉ CIVILE »

(en millions d’euros)

Actions du programme
« Sécurité civile »

LFI 2013

PLF 2014

Évolution

Prévention et gestion de crises

35 986 224

30 648 239

- 14,8 %

Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

256 955 632

260 795 244

+ 1,5 %

Soutien aux acteurs de la sécurité civile

140 104 837

141 048 498

+ 0,7 %

Fonctionnement, soutien et logistique

8 546 741

6 192 527

- 27,5 %

Total

439 593 434

438 684 508

- 0,2 %

Source : projet annuel de performance pour 2014.

Le programme « Sécurité civile » ne reflète cependant que partiellement l’action de l’État et des collectivités territoriales en matière de sécurité civile. Outre ce programme, les crédits concourant à la politique de sécurité civile proviennent en effet également de six autres programmes répartis sur quatre missions : « Écologie, développement et mobilité durables », « Santé », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Administration générale et territoriale de l’État ». Les budgets des SDIS représentent toutefois la plus grande partie des dépenses effectuées en matière de sécurité civile. L’évolution globale des dépenses en matière de sécurité civile est par conséquent difficile à appréhender à partir des seuls éléments relatifs à la mission « Sécurité civile ».

Le budget du programme « Sécurité civile » ne reflète en effet qu’une faible part des dépenses et, par conséquent, des actions de sécurité civile menées sur le territoire français. La sécurité civile consiste à protéger les populations contre les risques de toute nature, à les alerter et à prévenir les risques en question, et se trouve de ce fait confiée à une multitude d’acteurs et d’autorités.

Aussi une analyse globale du budget de la sécurité civile dépasserait-elle largement le cadre de cet avis budgétaire. Il a semblé préférable à votre rapporteur de porter un éclairage sur un nombre limité de sujets dont le caractère central justifie cependant qu’ils fassent l’objet d’un suivi particulier.

Votre rapporteur avait ainsi consacré son avis budgétaire pour 2013 à deux thèmes principaux : les moyens aériens, avec en particulier la question du transfert de la base aérienne de la sécurité civile vers un nouveau site qui restait à déterminer, et le service des pompiers qui devait faire face à des contraintes budgétaires nouvelles. Il a semblé opportun de poursuivre l’analyse de ces deux thèmes essentiels dans le présent avis budgétaire, la continuité du contrôle, au-delà du cadre annuel, ayant toutes ses vertus en la matière.

Le service des pompiers doit faire l’objet d’un suivi constant parce qu’il doit en permanence faire face à de nouveaux défis. Au-delà des difficultés financières que connaît notre pays et qui frappent l’ensemble des activités, le service des pompiers doit également faire face à un déclin du volontariat qui menace son principe même de fonctionnement. La loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, déposée et défendue à l’Assemblée nationale par votre rapporteur pour avis, visait à enrayer ce déclin. Plus de deux ans après son entrée en vigueur, il convient de faire un point sur cette question, et c’est ce que s’efforce de faire la deuxième partie du présent rapport.

Concernant les moyens aériens, la rédaction en cours d’un rapport commun de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des finances devrait prochainement mettre à l’ordre du jour la question de la mutualisation des flottes d’hélicoptères du ministère de l’Intérieur et de leur coordination avec celle du ministère de la Santé. L’hélicoptère est en effet un outil désormais indispensable mais coûteux, complexe et extrêmement contraignant. L’éclatement des moyens héliportés en plusieurs services dont les missions sont parfois les mêmes mais dont les habitudes et les modes de fonctionnement ont suivi au cours des ans des évolutions divergentes est loin d’être optimale. C’est à ce sujet qu’est par conséquent consacré l’essentiel de la troisième partie du présent rapport.

DEUXIÈME PARTIE : LA PRÉSERVATION DU VOLONTARIAT

Le 12 octobre dernier, le président de la République a fait part, à l’occasion du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP), de sa volonté de mettre un terme au déclin du volontariat des sapeurs-pompiers volontaires et de ramener en 2017 l’effectif des sapeurs-pompiers volontaires, aujourd’hui d’environ 196 000 personnes, au chiffre de 200 000, c’est-à-dire à l’effectif de 2007.

À cette fin, M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a signé avec la FNSP, la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), le conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France un « Engagement pour le volontariat » qui comporte vingt-cinq mesures.

Une partie des mesures proposées vise à compenser les difficultés matérielles qui pèsent sur le volontariat. Il est ainsi proposé de mieux prendre en compte l’inflation pour le calcul de l’indemnité des volontaires (mesure n° 25) ou de faciliter l’accès aux logements sociaux situés à proximité des centres de secours pour les volontaires (mesure n° 14). L’accès aux grades d’officier et d’officier supérieur devrait également être accru pour les volontaires (mesure n° 17).

D’autres mesures plus symboliques peuvent également jouer un rôle plus important qu’il n’y paraît à première vue. Il en va ainsi, par exemple, de l’attribution à des sapeurs-pompiers volontaires d’un plus grand nombre de médailles de la sécurité intérieure, dont un nombre relativement réduit a été décerné cette année à des sapeurs-pompiers (mesure n°15), ainsi que de la réservation d’une plus grande proportion du contingent attribué au ministère de l’Intérieur dans les promotions dans les Ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite (mesure n° 16).

L’ampleur exacte du déclin du volontariat est difficile à évaluer. Les sapeurs-pompiers volontaires effectuent un nombre d’heures de service variables d’un individu à l’autre, tandis que les services d’incendie et de secours (SDIS) qui les emploient peuvent effectuer des mises à jour importantes de leurs listes de volontaires, par exemple à l’occasion de l’informatisation du centre. Il ne peut être exclu que le déclin observé du volontariat soit plus faible que les statistiques ne le laissent penser.

Cependant, les conclusions formulées en septembre 2009 par la commission « Ambition volontariat » (1), présidée par M. Luc Ferry, demeurent d’actualité. D’après le rapport de la commission « Ambition volontariat », l’effectif total des sapeurs-pompiers volontaires est ainsi passé de 207 583 en 2004 à 196 825 en 2009. Le rapport de la commission soulignait l’importance de facteurs matériels tels que mouvement des populations vers la périphérie des villes, susceptible d’entraver le recrutement dans les zones rurales, ou les contraintes économiques pesant sur les entreprises, qui n’incitent pas les chefs d’entreprises à accepter que leurs employés s’absentent sans préavis pour remplir une mission de sécurité civile ou suivre une séance de formation.

La commission « Ambition volontariat » voyait toutefois également dans la diminution du nombre de volontaires une mutation qu’elle attribuait à des évolutions sociologiques touchant aux rapports entre l’individu et la communauté justifiant selon elle la création d’une « culture du volontariat ».

À ces évolutions de fond s’ajoute le fait que le déclin du volontariat tend à s’aggraver de lui-même. Les sapeurs-pompiers volontaires effectuant environ 80 % des interventions, l’augmentation constante du nombre de ces dernières, d’environ 3 % chaque année, les soumet à une pression elle-même croissante et, dans beaucoup de cas, décourageante. Si le déclin du volontariat devait se prolonger, il risquerait de s’accélérer et d’atteindre, passé un certain stade, un point de non-retour.

C’est cela que nous devons nous efforcer d’éviter et les mesures annoncées à cette fin par le ministre de l’Intérieur vont dans le bon sens.

Un statut du sapeur-pompier volontaire a progressivement été mis en place par quatre lois successives.

– La loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service a permis d’améliorer la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires.

– La loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps des sapeurs-pompiers a posé le principe d’autorisations d’absence de son emploi pour les sapeurs-pompiers volontaires participant à des missions de sécurité civile présentant un caractère d’urgence ou à des formations en lien avec ces missions, ainsi que des compensations financières pour les employeurs maintenant la rémunération des employés concernés. Cette loi a également permis aux sapeurs-pompiers volontaires de percevoir des vacations. Elle a enfin créé une allocation de vétérance pour les sapeurs-pompiers volontaires ayant atteint la limite d’âge de 55 ans après vingt ans de service.

– La loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a facilité la validation des formations et expériences professionnelles des sapeurs-pompiers volontaires et a institué une prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) permettant l’acquisition par les sapeurs-pompiers volontaires de droits à pension.

– La loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, déposée et défendue à l’Assemblée nationale par votre rapporteur, a consolidé le statut des sapeurs-pompiers volontaires de plusieurs manières.

Elle a tout d’abord précisé le cadre de leur engagement, son caractère bénévole et volontaire, tout en le distinguant d’une activité professionnelle à laquelle s’appliquerait la législation européenne sur le temps de travail, dont l’application stricte pénaliserait l’organisation du volontariat. Elle a ensuite mis en place une protection contre les éventuelles poursuites pénales pour délit non intentionnel dont pourraient faire l’objet les sapeurs-pompiers volontaires alors qu’ils interviennent dans des situations d’urgence.

La loi de 2011 apportait par ailleurs un certain nombre de garanties sociales aux sapeurs-pompiers volontaires, notamment l’extension du bénéfice des droits à une rente de réversion et au capital-décès d’un sapeur-pompier volontaire décédé en service. Elle permettait également aux sapeurs-pompiers volontaires de mieux valoriser l’expérience acquise au titre de leur engagement tout en leur offrant un droit à des actions de formation adaptées à la fois à leurs missions et aux compétences déjà acquises.

Elle améliorait également la représentation des sapeurs-pompiers volontaires en créant un Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, destiné à remplacer l’Observatoire national du volontariat des sapeurs-pompiers et chargé d’observer et analyser l’évolution de la situation du volontariat afin d’émettre des propositions.

Enfin, la loi de 2011 visait à favoriser le recrutement des volontaires en permettant au conseil d’administration d’un SDIS, de moduler la part contributrice des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en fonction de la part des sapeurs-pompiers volontaires dans leurs effectifs, de la disponibilité qui leur est accordée pendant leur temps de travail et des mesures sociales mises en place en faveur du volontariat. La situation particulière des communes et des EPCI de moins de 5 000 habitants était également prise en compte.

Le cas des employeurs privés, selon M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration au moment de l’adoption de ce texte, devait pour sa part relever du dispositif déjà existant de mécénat d’entreprise.

La loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, a mis en place un dispositif permettant à une entreprise de se voir reverser une fraction de l’impôt sur les sociétés lorsqu’elle contribue à certains projets, principalement dans le domaine culturel, mais également dans d’autres domaines d’intérêt public. Conformément aux précisions apportées par la circulaire adressée le 14 novembre 2005 aux préfets de région, de département et de police et publiée au Journal officiel le 6 décembre 2005, il est admis que la mise à disposition par une entreprise de salariés sapeurs-pompiers volontaires pendant les heures de travail à titre gratuit au profit des SDIS, organismes d’intérêt général au regard de l’article 238 bis du code général des impôts, constitue un don en nature ouvrant droit à réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires.

Lors de la discussion en séance de la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, avait souligné l’intérêt de ce dispositif dans le cadre du volontariat des sapeurs-pompiers et s’était engagé à « mettre en œuvre dès l’adoption de la loi une campagne volontariste d’accompagnement des SDIS et des employeurs pour que ce dispositif, efficace et simple mais mal connu, soit davantage utilisé » (2)

Une mise en œuvre accrue du dispositif de mécénat d’entreprise devait en effet compenser la suppression de l’article 20 du texte adopté par la commission des Lois, qui visait à créer une exonération de charges sociales pour les communes et EPCI situées dans les zones de revitalisation rurale ou comptant moins de 5 000 habitants accordant à leurs agents, par ailleurs sapeurs-pompiers volontaires, des autorisations d’absence.

Cette bonne intention se heurte cependant à deux obstacles.

En premier lieu, il a été impossible à votre rapporteur pour avis d’obtenir une évaluation, même approximative, de l’impact du dispositif de mécénat d’entreprise sur l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Il apparaît en effet que les services du ministère de l’Économie et des finances ne disposent pas d'informations statistiques spécifiques relatives au mécénat d'entreprise pour les salariés des entreprises mis à disposition des services d'incendie et de secours mais seulement de statistiques d'ordre général sur le dispositif de mécénat d'entreprise avec une seule rubrique intitulée : « coût général du dispositif ». Les entreprises ne sont effet pas tenues de déclarer le détail des dons qu'elles effectuent sur la déclaration spéciale n° 2069-M-SD prévue à cet effet, mais uniquement leur montant en vue du calcul de la réduction d'impôt.

Dès lors, votre rapporteur pour avis n’est pas en mesure de porter un jugement sur l’utilité actuelle de ce dispositif en ce qui concerne le volontariat. Il est regrettable qu’un dispositif dont on attend un impact favorable sur l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires ne puisse pas, à ce jour, faire l’objet d’une évaluation quelconque.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que la procédure de mise en œuvre du dispositif de mécénat d’entreprise est complexe et nécessite, entre autres choses, un recueil d’information fastidieux pour les entreprises susceptibles d’y avoir recours.

En deuxième lieu, en effet, la complexité de ce dispositif est susceptible de dissuader de nombreuses directions d’entreprises d’utiliser ce dispositif.

Cette procédure est tout d’abord strictement encadrée. Le régime du mécénat ne s’applique en effet qu’aux mises à disposition, par les entreprises, de sapeurs-pompiers ayant le statut de salariés. En conséquence, les exploitants individuels qui seraient amenés à participer à des interventions à l’appel des services de secours ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif, ce qui est regrettable.

Pour être constitutive d’un don, la mise à disposition de salariés doit par ailleurs être réalisée pendant les heures de travail et pour des interventions opérationnelles. Les mises à disposition pour des activités de formation n’ouvrent pas droit aux avantages du dispositif de mécénat d’entreprise car elles relèvent des dispositions de l’article 8 de la loi n° 96-970 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat chez les sapeurs-pompiers et sont admises au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue prévue à l’article 950-1 du code du travail. Si cette distinction entre activité opérationnelle et formation n’est pas sans fondement, l’obligation pesant sur l’entreprise de distinguer entre les différentes manières dont un de ses salariés, lorsqu’il quitte son poste de travail, exerce une activité de sapeur-pompier volontaire, accroît la complexité de la procédure d’une manière qui se justifie difficilement.

L’évaluation du don fait par l’entreprise doit également répondre à des critères précis. Il doit être évalué à son prix de revient, charges sociales incluses, mais en déduisant les éventuels dédommagements versés par le SDIS à l’entreprise. Le don doit ensuite être réintégré extra-comptablement par l’entreprise sur l’imprimé 2058 A de la liasse fiscale.

Enfin, il appartient au SDIS de remettre aux employeurs les attestations de dons selon le modèle fixé par les services fiscaux. Dans la mesure où le SDIS ignore, a priori, le montant exact de la rémunération du sapeur-pompier volontaire et des charges sociales afférentes, il lui faut communiquer, dans un premier temps et sous sa responsabilité, les dates et heures d’intervention du salarié à l’entreprise. Cette dernière doit restituer, sous sa propre responsabilité, l’évaluation correspondante afin que le SDIS soit en mesure d’établir et de signer l’attestation.

Comme on le voit, la procédure de mise en œuvre du dispositif de mécénat est lourde et probablement peu attractive pour une entreprise de petite taille et manquant de temps et de personnel pour se livrer aux calculs qu’elle suppose.

Le dispositif de mécénat d’entreprise, dans son état actuel, est donc peu satisfaisant et appelle dans un premier temps des modifications de forme. La mise en place d’un suivi statistique permettrait, en premier lieu, de savoir s’il est ou non utile dans son état actuel. Une simplification de sa procédure de mise en œuvre pourrait alors contribuer à ce qu’il le soit. Enfin, une mesure incitative telle que le dispositif de mécénat d’entreprise, si ses effets étaient mieux suivis, permettrait une meilleure connaissance du volontariat et de son évolution.

Autre sujet d’inquiétude quant à l’avenir du volontariat des sapeurs-pompiers, la directive de 2003 sur le temps de travail (2003/88/CE), actuellement en cours de révision, continue de peser sur la pérennité du modèle français de sécurité civile.

Si les règles concernant le temps de travail des salariés sont appliquées d’une manière trop rigide, elles peuvent avoir des conséquences néfastes sur le fonctionnement d’un service conçu pour veiller et réagir à des crises qui peuvent survenir à tout moment, et non pour assurer une activité régulière et prévisible.

Votre rapporteur pour avis mentionnait dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2013 deux sujets d’inquiétude.

Le premier tenait à la compatibilité du régime des gardes des sapeurs-pompiers avec les limites fixées par la directive.

Les 40 000 sapeurs-pompiers professionnels doivent en effet assurer une veille opérationnelle permanente avec des effectifs suffisants, ce qui implique d’aménager des cycles de travail répondant aux nécessités du service, lesquelles peuvent faire l’objet de variations importantes selon la période de l’année (notamment en raison des feux de forêts). C’est pourquoi le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels autorise un temps de présence continue pouvant aller jusqu’à 24 heures.

La question du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels est par conséquent d’une importance cruciale pour les départements. Toute modification de leur régime de travail pourrait en effet remettre en question leur disponibilité opérationnelle et pèserait par conséquent sur les effectifs, dont l’accroissement aurait un impact financier non négligeable.

Cette question a fait l’objet d’un premier ajustement. En décembre 2012, la France a en effet été mise en demeure par la Commission européenne de mettre en conformité le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers avec la directive. La Commission européenne déclarait en effet non-conformes à la directive trois de ses dispositions :

– l’annualisation des heures de travail prévue par son article 4 ;

– le plafond annuel fixé à 2 400 heures par le même article ;

– la dérogation prévue à l’article 5 qui autorise un dépassement de ce plafond pour les sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’un logement en caserne ou par nécessité absolue de service.

Afin de se conformer à la réglementation européenne, un décret modificatif a été élaboré et a fait l’objet d’échanges avec la Commission européenne afin qu’il puisse répondre point par point à la mise en demeure formulée. 

Des concertations ont été menées avec les employeurs locaux et les partenaires sociaux et les élus concernés. Après avoir recueilli l’avis de la CNSIS, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et de la Commission Consultative d'Évaluation des Normes (CCEN), le projet de décret a été transmis pour examen au Conseil d’État. Il devrait prévoir :

- la semestrialisation du temps de travail ;

- un plafond semestriel de 1128 heures, soit une moyenne 48 heures hebdomadaires, sur 47 semaines de travail, en incluant les heures supplémentaires ;

- la fin de la majoration de temps de travail en compensation de l’octroi d’un logement ;

La mise en œuvre de cette dernière disposition devrait être reportée au 1er janvier 2016.

Le second sujet d’inquiétude tenait à la compatibilité de la directive « temps de travail » avec le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers étant pour la plupart d’entre eux salariés, considérer leur activité de sapeurs-pompiers comme un emploi salarié aboutirait à un dépassement quasiment systématique du plafond horaire autorisé par la directive, ou tout au moins à une limitation drastique du temps qu’ils pourraient lui consacrer. Le recrutement par les SDIS de sapeurs-pompiers volontaires non-salariés ne pouvant que demeurer marginal, c’est vers une professionnalisation complète du service des pompiers que nous serions alors contraints de nous diriger, ce qui impliquerait le recrutement de plus de 60 000 sapeurs-pompiers professionnels pour un montant estimé à 2,5 milliards d’euros, la fin d’activité des 120 000 volontaires n’entraînant qu’une économie de 200 millions d’euros.

La révision actuellement en cours de la directive « temps de travail » est l’occasion pour la France d’obtenir une exemption explicite des sapeurs-pompiers volontaires de son champ d’application. C’est à cette fin que la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 précisait, dans son article premier, que : « L’activité de sapeur-pompier volontaire qui repose sur le volontariat et le bénévolat n’est pas exercée à titre professionnel, mais dans des conditions qui lui sont propres ». Le Gouvernement français demande, par ailleurs, l’inclusion d’un paragraphe spécifique dans la nouvelle directive visant à exclure du champ d’application de la notion de travailleur des activités volontaires exercées dans le domaine de la protection civile. Cette position a été réaffirmée dans l’Engagement pour le volontariat, dont elle constitue la mesure n° 10.

La Commission européenne, dans sa communication du 21 décembre 2010 relative à la révision de la directive européenne de 2003 sur le temps de travail (2003/88/CE), semblait envisager de tenir compte des réserves françaises. Votre rapporteur estime toutefois que cette question doit faire l’objet d’un suivi attentif de la part du Gouvernement afin qu’il soit mis fin à cette situation dans laquelle une incertitude sur l’interprétation d’un texte pèse depuis des années sur la pérennité du modèle français de sécurité civile.

Parmi les mesures figurant dans l’Engagement pour le volontariat signé par le ministre de l’Intérieur figure l’engagement de soumettre tout projet de fermeture d’un centre de secours à une concertation entre l’État, les SDIS, les maires et les sapeurs-pompiers (mesure n° 7). Cette mesure fait écho à une demande forte des élus et des représentants des sapeurs-pompiers. En six ans, ce sont en effet plus de 600 centres de secours qui ont été fermés. Les centres concernés étaient généralement de petite taille et leur fermeture s’explique généralement par le caractère limité de leur activité. Une vision strictement budgétaire de la sécurité civile peut en effet conduire au regroupement de petits centres de secours en unités plus importantes dont la capacité d’intervention sera en fin de compte améliorée.

Cela revient cependant à perdre de vue le rôle essentiel joué par le maillage territorial dans le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires, pour lequel la proximité constitue en effet un élément essentiel. Être disponible pour une intervention immédiate et courte est en effet beaucoup plus facile lorsque le centre se trouve à proximité du lieu de travail ou du domicile du volontaire. Le regroupement des centres de secours tend à faire évoluer l’activité des sapeurs-pompiers vers une plus grande professionnalisation et ne favorise pas le volontariat. À ce titre, la mesure n° 14 de l’Engagement pour le volontariat , qui vise à « permettre aux sapeurs-pompiers volontaires au titre de leur engagement un accès privilégié aux logements sociaux situés à proximité de leur centre de secours », va également dans le bon sens.

De la même façon, les écoles de jeunes sapeurs-pompiers, qui assurent une formation précoce à des élèves de l’enseignement secondaire, soit dans le cadre de l’éducation nationale, soit dans un cadre associatif, doivent être considérées non seulement comme un outil de formation, mais également comme un outil de recrutement important. Votre rapporteur pour avis estime que cet effort de formation pourrait bénéficier d’une participation plus active de la part de l’État. La mesure n° 21, qui vise à « Augmenter les effectifs des jeunes sapeurs-pompiers, à travers la mise en place d’une véritable coproduction entre les SDIS et les Unions départementales de sapeurs-pompiers (USDP) » va donc dans le bon sens. Investir dans la formation des jeunes sapeurs-pompiers et susciter des vocations au sein de la jeunesse favorisera le volontariat dans la longue durée. À ce titre, le service civique mérite également d’être mieux exploité. Dans le prolongement des écoles de jeunes sapeurs-pompiers, la possibilité qu’ont les jeunes d’effectuer leur service civique au sein d’un SDIS doit également être développée. Le service civique en tant que sapeur-pompier devrait ainsi être porté à un an, une période de six mois se révélant généralement insuffisante pour que le jeune concerné puisse véritablement trouver sa place au sein du SDIS qui l’accueille. La mesure n° 24, qui prévoit de « mener une étude, sous l’égide du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, sur les possibilités de créer un service citoyen de sécurité civile », est à ce titre bienvenue.

Les dispositifs décrits ici offrent une occasion de faire émerger la « culture du volontariat » qu’appelait de ses vœux la commission « Ambition volontariat », mais à condition de leur consacrer l’attention qu’ils méritent. C’est en effet au sein de la jeunesse que se joue l’avenir du volontariat.

Il est essentiel de prendre en considération la dimension locale du volontariat si l’on souhaite en assurer la pérennité car il repose avant tout sur le volontaire lui-même, à qui il faut donner une motivation qui ne peut être exclusivement financière ou sociale ; et ensuite, seulement, sur les mesures qui pourront être prises au niveau national.

Il reste que l’activité du sapeur-pompier volontaire s’inscrit dans un contexte, celui de la sécurité civile départementalisée par la loi relative aux services d'incendie et de secours nº 96-369 du 3 mai 1996. La départementalisation, si elle a permis d’accroître le pouvoir d’appréciation des acteurs de terrain de la sécurité civile, a également, mécaniquement, rendu plus difficile leur coordination au niveau national.

Plusieurs pistes ont été explorées pour parvenir à préserver à la fois les avantages d’une sécurité civile décentralisée et l’indispensable coordination à tous les niveaux supérieurs à celui du département d’une activité dont les missions peuvent être aussi bien locales que nationales.

Dans l’avis budgétaire sur la loi de finances pour 2013, votre rapporteur pour avis mentionnait ainsi le rapport produit par la Cour des comptes en 2011 sur la gestion des SDIS (3), dans lequel la Cour se penchait sur un certain nombre de dysfonctionnements et faisait plusieurs recommandations sur la gouvernance des SDIS. Ces recommandations concernaient par exemple un ajustement du système des gardes, un meilleur encadrement du cumul d’activité entre volontaires et professionnels et une utilisation plus systématique du schéma départemental d'analyse et de couverture du risque (SDACR) prescrit à l'article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales comme document stratégique unique de référence, révisable tous les cinq ans et regroupant les plans de recrutement et d’équipement.

La Cour suggérait également la création d’une structure restreinte de concertation entre l’État et les SDIS en amont de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), afin d’améliorer la coordination au niveau national, dans des domaines comme le secours à personne. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), créée il y a maintenant deux ans, pourrait également être appelée à jouer un plus grand rôle de conseil et de coordination auprès des SDIS, non pas en imposant des choix éventuellement contraires aux souhaits formulés localement, mais en suivant de près les dossiers touchant directement à la coordination technique entre les SDIS, tels que le développement du réseau ANTARES, ou les questions relatives à la mutualisation de leurs moyens.

Les modalités d’une meilleure coordination au niveau national entre les SDIS et l’État restent à déterminer, mais il est grand temps qu’une réflexion soit engagée sur la création d’une gouvernance nationale des SDIS et de la sécurité civile, à laquelle devraient contribuer aussi bien l’État que les acteurs locaux.

TROISIÈME PARTIE : LA RATIONALISATION DES MOYENS AÉRIENS

Votre rapporteur pour avis a consacré une partie importante de l’avis sur la loi de finances pour 2013 à la question du transfert de la base aérienne de la sécurité civile (BASC). Ce transfert, en effet, s’imposait d’urgence. La BASC, installée à Marignane depuis 1964, aura été implantée pendant un demi-siècle sur un site qui a fini par se révéler insuffisant.

Le site de Marignane est en effet devenu sous-dimensionné compte tenu de l’accroissement du parc aérien qu’il doit abriter, qui est passé de quatre à 26 appareils. Ses installations n’ont pas été suffisamment modernisées, et le site lui-même a fini par devenir incompatible avec les équipements dont la sécurité civile a aujourd’hui besoin. C’est ainsi que la place manque pour installer une salle opérationnelle moderne permettant de coordonner les différentes missions en cours, ou encore un simulateur de vol. L’installation de nouveaux hangars susceptibles d’abriter les appareils dont la sécurité civile peut être amenée à faire l’acquisition dans les prochaines années est également impossible faute de place. Enfin, le partage du site avec l’aéroport international de Marignane d’un côté, la société Eurocopter de l’autre, est peu à peu devenu ingérable d’un point de vue pratique aussi bien que juridique.

Votre rapporteur avait fait état dans son précédent avis des travaux menés par l’Inspection générale de l’administration (IGA), qui avait rendu ses conclusions en mars 2012. Examinant les quatre hypothèses qui lui étaient soumises (le maintien à Marignane et la délocalisation de la BASC vers les sites de Nîmes-Garons, Salon-de-Provence ou Istres), l’IGA s’était nettement prononcée en faveur de l’installation de la BASC sur le site de Nîmes-Garons. La mission recommandait en effet au ministre de l'Intérieur la création d'une grande plateforme de sécurité civile à Nîmes-Garons, rassemblant outre la base avions et le groupement d'hélicoptères de la sécurité civile, déjà présent, une unité militaire de la sécurité civile et un établissement de soutien opérationnel et logistique.

Lors de l’examen du budget pour 2013, votre rapporteur pour avis avait demandé à M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, de prendre une décision rapidement. Le ministre avait alors informé la commission qu’une contre-expertise interministérielle aurait lieu, non pour remettre en cause les conclusions de l’IGA mais simplement pour examiner jusqu’au bout l’option d’une implantation à Salon-de-Provence.

Le 14 janvier 2013, M. Manuel Valls a finalement annoncé qu’il avait arrêté le choix de Nîmes-Garons, de préférence au site de Salon-de-Provence. Le caractère inondable d'une partie de ce site, les besoins de l'armée de l'air (notamment pour la formation des élèves pilotes) et l'installation de nouvelles activités sur la plate-forme ont en effet conduit le ministère de la Défense à écarter cette hypothèse.

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette décision qui apparaît comme la plus raisonnable.

En matière de lutte contre les feux de forêts, le site de Nîmes-Garons est suffisamment proche des théâtres d’intervention habituels, qui s’étendent de Bordeaux à Menton en passant par Perpignan et la Corse. Située à environ dix minutes de temps de vol de Marignane, la base de Nîmes-Garons permet de préserver la stratégie française en matière de lutte contre les feux de forêts, qui repose principalement sur le guet aérien armé, avec des avions bombardiers d'eau survolant préventivement les zones les plus exposées et prêts à intervenir dès l'éclosion des feux, et le prépositionnement de moyens aériens dans certaines zones particulièrement exposées aux risques, telles que la Corse, les Alpes-Maritimes et le Sud-Ouest.

Le ministère de l’Intérieur s’est par ailleurs engagé à porter une attention particulière à l'accompagnement des personnels et de leurs familles lors de cette opération de relocalisation, notamment en matière de compensations financières et d’aides à l'installation.

Comme l’avait remarqué l’IGA, l’un des principaux avantages du choix du site de Nîmes-Garons tient à la relative simplicité des opérations de relocalisation. Les travaux immobiliers à effectuer, limités à la construction de locaux administratifs, devraient être rapides. Autre avantage, la société Sabena, qui est chargée de la maintenance des appareils de lutte contre le feu, est déjà installée sur place, ce qui réduira les coûts de maintenance. Compte tenu de ces conditions favorables, la base de Nîmes-Garons devrait être opérationnelle dès 2016, avec l’installation d’une première flotille composée soit d’appareils de type « Tracker », soit d’appareils de type « Dash ».

L’autre grande composante des moyens aériens de la sécurité civile, l’hélicoptère, doit également faire face à des choix difficiles. Aujourd’hui indispensable, l’hélicoptère demeure un outil complexe et la rationalisation de son emploi se heurte à des obstacles à la fois matériels et administratifs.

Bien qu’il soit essentiel à de nombreuses missions relevant de la sécurité civile, l’hélicoptère demeure un outil délicat et coûteux. Le maintien en place d’un parc d’hélicoptères suffisant pour couvrir les divers besoins nécessite un effort permanent de planification et d’optimisation des moyens.

La réflexion sur l’emploi de l’hélicoptère dans le cadre des missions de sécurité civile doit en effet tenir compte de plusieurs éléments.

En premier lieu, l’hélicoptère est désormais un outil indispensable dans plusieurs cas de figure très différents les uns des autres.

En matière de sécurité civile, l’usage de l’hélicoptère s’impose particulièrement pour le secours à personnes. 18 408 personnes ont ainsi été secourues en 2012 grâce à l’utilisation d’un hélicoptère du ministère de l’Intérieur, dont 13 581 par la sécurité civile.

Le bilan de ces missions s’établit comme suit :

SECOURS PAR HÉLICOPTÈRE EN 2012

Environnement

Nombre de missions

Pourcentage des missions de secours

Plaine et ville

6 641

49,25

Montagne (jusqu’à 2500 mètres d’altitude)

3 432

25,45

Routes

1 064

7,89

Iles

842

6,24

Haute montagne (au-delà de 2500 mètres d’altitude)

429

3,18

Plages

412

3,05

Canyons

213

1,57

Mer de jour

176

1,3

Falaises

118

0,87

Lacs, rivières

114

0,84

Bateau de jour

21

0,15

Bateau de nuit

8

0,05

Autres

12

0,08

Total

13 482

100

Source : ministère de l’Intérieur

L’hélicoptère est particulièrement indispensable aux opérations de secours dans les zones de montagne, où il participe généralement aux deux tiers des missions de secours, ainsi qu’à celles ayant lieu dans les zones de littoral. D’une manière générale, l’hélicoptère intervient là où les moyens strictement terrestres sont insuffisants, c’est-à-dire dans des situations qui peuvent être très variées et qui rendent de ce fait nécessaires des équipements et des compétences particuliers à chaque environnement.

L’hélicoptère est également un élément essentiel des dispositifs déployés en situation de crise, notamment en cas d’inondation ou de glissement de terrain. D’une manière générale, la population compte désormais sur l’hélicoptère pour faciliter l’évacuation des personnes ou, plus généralement, assurer la continuité du service public dans les zones rendues temporairement difficiles d’accès par voie terrestre.

Le Groupement d’Hélicoptères de la Sécurité Civile (GHSC) dispose à l’heure actuelle d’un parc de 35 hélicoptères EC 145, utilisées prioritairement pour les missions de secours à personne, et occasionnellement pour les missions de police, subsidiairement aux moyens aériens de la gendarmerie. Un des deux EC 145 affectés à la base d’hélicoptères de la sécurité civile de Paris est prioritairement dédié à la préfecture de police.

L’échelon central du Groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, ainsi que les centres de maintenance et de formation, sont implantés sur la plate-forme de Nîmes Garons.

Du fait même de sa polyvalence, l’hélicoptère est un outil particulièrement contraignant.

L’hélicoptère est d’abord un moyen de transport comparativement dangereux, dont l’usage implique un risque d’accident difficile à mesurer d’un point de vue statistique, compte tenu de la variété et du caractère particulier des missions effectuées, mais qui ne serait probablement pas considéré comme acceptable s’il s’appliquait à des moyens de transports plus courants.

L’usage de l’hélicoptère est dangereux du fait même de la conception de cet appareil, dont le maintien en vol dépend entièrement du bon fonctionnement de son moteur. De ce fait, et du fait des autres contraintes pesant sur son utilisation, l’usage de l’hélicoptère dans les missions de secours est réservé à des situations particulièrement délicates et généralement périlleuses. Secourir une personne qui ne peut pas être atteinte par les moyens terrestres implique souvent de voler à très basse altitude ou d’effectuer un vol stationnaire très près d’une paroi rocheuse, ce qui est évidemment très risqué.

Le risque inhérent à l’usage de l’hélicoptère a pour première conséquence la nécessité de maintenir la compétence professionnelle des équipages à un niveau particulièrement élevé. Les équipages sont de ce fait contraints d’effectuer de nombreuses heures de vol afin de maintenir leur qualification, parfois au détriment d’une utilisation plus directement opérationnelle.

Plus généralement, les équipages sont généralement très attachés aux appareils auxquels ils sont habitués et dont ils ont pu surveiller eux-mêmes la maintenance. Cette dernière est en effet très exigeante, impliquant des visites périodiques rapprochées et, par conséquent, des périodes d’indisponibilité de plusieurs mois auxquelles s’ajoutent les indisponibilités occasionnelles mais fréquentes résultant d’incidents techniques.

Les appareils du groupement d’hélicoptères de la sécurité civile (GHSC) ont effectué en 2012 16 303 heures de temps technique de vol pour les 35 appareils de la flotte, soit une moyenne de 465,8 heures par appareil, chiffre en diminution de 5 % par rapport à l’année précédente.

Ce chiffre relativement faible appelle plusieurs explications.

En premier lieu, du fait de la volonté de réserver les hélicoptères de la sécurité civile (dits « rouges » par opposition aux « bleus » de la gendarmerie et aux « blancs » du ministère de la Santé) aux missions périlleuses et au secours « primaire » (c’est-à-dire le transfert d’un blessé du lieu de l’incident vers le centre de soins), à l’exclusion des transferts inter-hospitalier, dit « secondaires », qui relèvent du SAMU, ce dernier s’est équipé de moyens héliportés supplémentaires et a fini par assumer certaines missions de transport « primaire » au détriment de la sécurité civile. Sur le littoral, les moyens héliportés de la marine sont de la même façon fréquemment employés là où ceux de la sécurité civile auraient pu l’être.

Or, un sous-emploi des moyens héliportés entraîne non seulement à un gaspillage de moyens, mais, de façon encore plus préoccupante, une perte de capacité opérationnelle du fait du manque d’habitude des équipages. Plus généralement, le constat d’une baisse d’activité dans un domaine pose rapidement la question du maintien en place de l’activité en question. Si le sauvetage en mer se trouve de fait confié de plus en plus fréquemment à la marine nationale, il apparaît moins souhaitable que la sécurité civile conserve une capacité dégradée car peu mise en œuvre dans ce domaine particulier.

À ce problème lié à la répartition des missions s’ajoute celui des coûts. En premier lieu, le coût du carburant est difficile à prévoir compte tenu des variations du prix au litre du carburant. Or, la contrainte résultant d’une augmentation de ce dernier tend à peser principalement sur les missions d’entraînement, les contraintes opérationnelles demeurant les mêmes.

En second lieu, Les EC-145 de la sécurité civile devront d’ici janvier 2017 être équipés de moyens de guidage par satellite, en application de standards internationaux de navigation déjà adoptés (4). Or, une telle opération est coûteuse (au moins 765 000 € par appareil) et longue, dans la mesure où seuls quatre ou cinq appareils peuvent être traités chaque année compte tenu des capacités actuelles.

Compte tenu de ces contraintes, avec un coût évalué pour les appareils EC-145 du ministère de l’Intérieur à 3885 € par heure de vol, une rationalisation de l’emploi des moyens héliportés est aujourd’hui indispensable.

Aux contraintes précédemment évoquées s’ajoute le fait que l’utilité de l’hélicoptère varie non seulement géographiquement, mais également dans le temps. Les afflux importants de population, notamment sur les lieux touristiques, ont principalement lieu dans des périodes correspondant aux calendriers des vacances scolaires. Une partie des 35 hélicoptères du GHSC doit donc être périodiquement détachée pendant ces périodes pour faire face à cette demande temporaire.

Les détachements saisonniers d’hélicoptères de la sécurité civile concernent généralement sept appareils répartis sur autant de bases et sont habituellement reconduits d’une année à l’autre.

DÉTACHEMENTS ARMÉS D’HÉLICOPTÈRES DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN 2012

Nom

Période

Enjeux

Période d’activation

Mode de reconduction

Chamonix (74)

À l’année, une semaine sur deux

Haute montagne : afflux touristique permanent dans le massif du Mont Blanc

Depuis 1965

Détachement permanent

Courchevel (73)

Mois de juillet et août

Haute montagne : afflux touristique important

1982, 1983, puis depuis 1994

Courrier annuel demande du préfet

Gavarnie (65)

1 semaine sur 2 (en alternance avec un appareil de la gendarmerie de Tarbes) du 15 juin au 15 septembre

Haute montagne : fréquentation touristique intense. Site à moins de 6 mn de vol.

Depuis 1973

Figure dans l’ordre zonal région Sud Ouest

(arrêté spécifique chaque année du centre opérationnel de zone de l’état-major interministériel de zone)

L’Alpe d’Huez (38)

Toutes vacances scolaires, été et hiver

Haute montagne : couverture du massif des Écrins depuis site en altitude souvent dégagé

De 1988 à 2001, puis depuis 2002

Tacite reconduction

Lacanau (33)

15 juin au 15 septembre

Saison estivale, secteur à forte affluence touristique.

Désengagement partiel de la gendarmerie

Depuis 1962

Figure dans l’ordre zonal région Sud Ouest

(arrêté spécifique chaque année du centre opérationnel de zone de l’état-major interministériel de zone)

Le Luc (83)

15 juin au 15 septembre

Engagement du ministre de l’Intérieur

Depuis 2009

Modalités de pérennisation en cours d’étude

Mende (48)

1er juillet au 30 août

Fréquentation touristique

Depuis 2011

Demande annuelle par le préfet et les élus.

Source : ministère de l’Intérieur

Comme le montre le tableau, les détachements saisonniers d’hélicoptères répondent à des besoins locaux qui sont généralement les mêmes d’une année à l’autre. Si ces derniers apparaissent relativement faciles à anticiper, il est parfois moins aisé de trouver les appareils disponibles pour y faire face. Ainsi, il est habituel de fermer le centre de formation du GHSC afin de disposer pendant l’été des deux appareils qui y sont normalement affectés. De la même façon, le détachement d’un hélicoptère à Mende n’a été possible pendant l’été 2013 qu’en retirant l’un des deux EC-145 de la base de Paris et en confiant une partie de ses missions habituelles à la gendarmerie.

Les moyens sont gérés au mieux afin de répondre aux besoins de nos concitoyens, malgré les difficultés qui peuvent être liées à l’apparition de besoins imprévus ou aux contraintes de maintenance pouvant peser sur la disponibilité des appareils.

La pratique de ces détachements demeure cependant soumise à une certaine improvisation, comme le montre la diversité des modalités de mise en œuvre. Si la décision de détacher un hélicoptère appartient en dernier ressort au directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, la procédure par laquelle le détachement d’un hélicoptère pour la saison estivale peut être demandé et obtenu demeure informelle et variable d’un lieu à l’autre. L’inconvénient pratique de cette situation est que la confirmation du détachement temporaire d’un hélicoptère être extrêmement tardive. Ainsi, le détachement de Mende n’est généralement pas confirmé de façon certaine avant le mois de juin, ce qui laisse peu de temps aux acteurs locaux de la sécurité civile pour prendre les dispositions adéquates.

Votre rapporteur pour avis estime pour cette raison qu’une réflexion devrait être engagée sur ce sujet, afin que les détachements saisonniers d’hélicoptères de la sécurité civile puissent être planifiés plus longtemps à l’avance. Si une reconduction automatique est probablement difficile à mettre en œuvre dans la plupart des cas, le simple fait de savoir suffisamment tôt qu’un hélicoptère sera détaché pendant l’été permettrait une meilleure allocation des moyens des SDIS concernés.

Si une réduction du parc d’hélicoptères apparaît inévitable dans les années à venir, la perte de capacité qui en résultera devrait pouvoir être au moins partiellement compensée par un meilleur usage des moyens qui subsisteront. Avec deux flottes distinctes relevant d’un même ministère, dont les missions sont souvent identiques mais qui sont installées dans des bases différentes et dépendent de moyens de maintenance propres, une optimisation des moyens héliportée paraît envisageable.

Une réflexion a été conduite depuis maintenant quatre ans sur une possible mutualisation des flottes d’hélicoptères chargés des missions de secours à personnes.

Depuis sa création en février 2009, le Groupe de travail Interministériel portant sur la Rationalisation de l’Emploi et de l’Implantation des Hélicoptères chargés des missions de Secours à personnes (GRIREIHS), regroupant la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), la direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN), la direction générale de l'Aviation civile (DGAC) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS), s’est réuni dix fois, sous l’impulsion de la DGSCGC.

La dernière réunion a eu lieu le 17 février 2012, la DGOS attendant depuis cette date la publication d’un rapport du Conseil national de l’urgence hospitalière (CNUH), intitulé « Doctrine d’Emploi et place des hélicoptères dans le cadre des transports sanitaires », qui devrait compléter la réflexion sur la mutualisation des flottes d’hélicoptères en y intégrant la question des hélicoptères du ministère de la santé.

Par ailleurs, à la suite du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur, la révision générale des politiques publiques (RGPP) a identifié deux objectifs concernant les flottes d’hélicoptères : la rationalisation et l’implantation des bases en fonction de la spécialisation des flottes par mission (mesure n° 8) et la mutualisation de la maintenance des moyens héliportés (mesure N° 41).

Cependant, bien que la réflexion ait avancé et que des projets aient été lancés, la mutualisation des flottes du ministère de l’Intérieur a, concrètement, très peu progressé, qu’il s’agisse de co-localisation des bases, de mutualisation de la maintenance ou de mise en place de formations communes.

Concernant l’implantation des bases, les objectifs fixés lors des réunions de travail qui ont eu lieu en 2010 entre gendarmerie et sécurité civile étaient déjà plus limités que ceux fixés par la RGPP. Ils se réduisaient en effet à la mise en place d’un hélicoptère de la gendarmerie sur la métropole lilloise pouvant utiliser des locaux laissés vacants par la sécurité civile pour la zone nord ; au partage d’une cuve à carburant commune à deux bases mitoyennes pour la zone sud-est ; à l’installation d’une base commune et de deux bases mitoyennes pour la zone sud-ouest ; à une co-localisation pour la zone Ouest et à deux co-implantations pour l’outre-mer. Cependant, seule la cuve à carburant commune, projet au demeurant ancien, a été à ce jour réalisée.

Cette lenteur dans la mise en œuvre de la mutualisation des moyens héliportés s’explique en premier lieu par le fait que chacun des projets initialement envisagés supposait un investissement que la sécurité civile n’a généralement pas été en mesure de réaliser, qu’il s’agisse par exemple de la mise aux normes d’une cuve à carburant commune à Lille ou de la création d’un ensemble immobilier commun à la sécurité civile et à la gendarmerie au Raizet, en Guadeloupe.

Cependant, il apparaît surtout que chacune des deux directions continue à privilégier ses propres priorités. La gendarmerie applique les principes du schéma directeur de 2003 en matière d’implantation de bases, qui veulent qu’aucune partie du territoire de la métropole ne se trouve à plus de 30 minutes de vol d’un hélicoptère de la gendarmerie. La sécurité civile, de son côté, conserve des bases malgré la diminution d’activité de beaucoup d’entre elles, en raison notamment de l’activité croissante des hélicoptères du SAMU.

En matière de maintenance des appareils, les projets de mutualisation semblent s’être également heurtés à des réticences. Ainsi, la répartition des tâches prévue en 2011 voulait que la sécurité civile prenne en charge la maintenance de l’ensemble des appareils EC-145 du ministère de l’Intérieur dans la base de Nîmes, tandis que la gendarmerie assurerait celle des quatre Écureuils de la sécurité civile à Orléans. Dans les faits, les Écureuils ont bien été pris en charge par la gendarmerie mais leur vente a mis fin à ce projet de mutualisation. La maintenance à Nîmes des EC-145, en revanche, n’a concerné que quatre appareils sur les quinze dont dispose la gendarmerie, et a surtout été effectuée par des équipes et selon des procédures distinctes, comme si la mutualisation s’était limitée à un simple voisinage géographique.

Enfin, la mutualisation des tâches de formation des pilotes et des mécaniciens est également restée au point mort. En 2010, la DGSCGC et la DGGN s’étaient accordées pour se répartir la formation des pilotes en fonction du type de mission, la sécurité civile prenant en charge la simulation, le vol aux instruments et la survie en mer, la gendarmerie prenant en charge de son côté le vol en haute montagne. Ce partage des tâches n’a cependant pas encore été mis en œuvre. Si la gendarmerie doit prochainement ouvrir un centre de formation « montagne » à Briançon, elle considère le simulateur acquis par la sécurité civile comme peu adapté à ses besoins. De fait, les pilotes de la sécurité civile sont à ce jour toujours formés à Nîmes et ceux de la gendarmerie le sont à Cazaux.

Il est vrai que les exigences des deux administrations sont au départ différentes. Si les pilotes sont dans les deux cas d’anciens militaires, la sécurité civile exige une expérience préalable de 2 500 heures de vol tandis que la gendarmerie recrute pour une part de jeunes pilotes formés en partenariat avec les forces armées, et n’exige qu’une expérience de 800 heures de vol pour ses pilotes expérimentés.

Quant aux mécaniciens, aucune mutualisation n’est intervenue, bien que les qualifications exigées par les deux administrations soient, contrairement au cas des pilotes, très proches.

Si la mutualisation des moyens héliportés de deux administrations dont les missions se recoupent largement se heurte à des difficultés imprévues, mutualiser l’ensemble de ces moyens avec ceux du ministère de la Santé ne peut que se révéler encore plus complexe.

En premier lieu, les hélicoptères « blancs », ou « Hélismur », qui relèvent du Service médical d’urgence par hélicoptère, sont destinés à effectuer des missions bien délimitées, qui sont de deux types :

– le secours primaire dans un milieu et des conditions ne présentant pas de difficulté particulière ;

– le secours secondaire, c’est-à-dire le transport inter-hospitalier.

Dans les deux cas, le choix d’utiliser un hélicoptère est avant tout dicté par l’urgence des soins requis, et accessoirement par le confort dont le patient peut éventuellement avoir besoin.

Le secours secondaire s’est particulièrement développé à la faveur de la réforme de la carte hospitalière. Les centres de soins devenant plus concentrés et plus dispersés géographiquement, le besoin d’un transport inter-hospitalier rapide est devenu plus pressant.

Les flottes d’hélicoptères sanitaires dépendent des Agences régionales de santé (ARS), qui louent à des opérateurs privés des forfaits d’heures de vol (généralement environ 500 heures par ARS). La nécessité d’être en mesure d’assurer un transport secondaire rapide lorsque cela est requis a conduit les ARS à prévoir des forfaits relativement larges et à les épuiser le cas échéant, lorsqu’ils se révélaient inférieurs aux besoins, ce qui a conduit à un usage relativement fréquent d’hélicoptères « blancs » pour des missions que les hélicoptères « rouges » de la sécurité civile auraient aussi bien pu assurer. Cette situation a conduit au sous-emploi d’un certain nombre d’hélicoptères de la sécurité civile.

Dans ce contexte, un phénomène de « concurrence » paradoxale entre les services s’est parfois manifesté, certains services cherchant à assurer des missions ne se justifiant pas pleinement, tandis que des situations marquées par la redondance de moyens ou par une mauvaise coordination sont apparues. La coordination entre des flottes dépendant de ministères distincts et répondant à des modèles économiques différents est en effet nécessairement complexe. Plusieurs années de réflexions menées par des groupes de travail ad hoc sans résultat tangible peuvent en attester.

Au travers de cette brève présentation, il apparaît que la rationalisation des flottes d’hélicoptères est plus complexe que ne le laisserait deviner un examen superficiel.

Au sein d’un ministère, en quelques décennies, deux cultures différentes ont émergé et se sont renforcées du fait des expériences acquises, comme c’est le cas dans tout domaine d’activité. Si à première vue, les flottes d’hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile paraissent avoir suffisamment de points communs, qu’il s’agisse de l’usage fréquent d’un même type d’appareil, l’EC-145, ou de la similarité de certaines de leurs missions, pour qu’une mutualisation partielle de leurs moyens semble facilement envisageable, les difficultés demeurent difficiles à surmonter.

Outre les habitudes prises au fil des années par deux administrations distinctes, conduisant à ce que tout effort de mutualisation implique des investissements et l’abandon de pratiques longuement mûries, c’est la complexité propre à l’outil héliporté qui rend difficile une rationalisation.

L’hélicoptère est en effet un outil à la fois trop coûteux pour que son usage puisse être généralisé là où il ne s’impose pas, et indispensable dans des situations de natures très variées, qui impliquent souvent des équipements, des formations et des capacités spécifiques.

La réduction des coûts des flottes héliportées impliquerait avant tout que soit établie une correspondance logique entre les moyens et les missions. Le secours en montagne, le secours en mer ou le transport inter-hospitalier sont des activités très spécifiques qui impliquent des équipements et des qualifications propres. Faire en sorte qu’à chaque type de mission correspondent des moyens particuliers paraît indispensable à une rationalisation des moyens.

Or, dans une telle perspective, l’éclatement de la flotte héliportée en plusieurs services dont les missions peuvent se recouper ne peut que compromettre un tel objectif. Il est parfaitement compréhensible que chaque administration ait développé sa propre culture au fil des décennies à la faveur d’innombrables retours d’expériences, mais c’est précisément pour cette raison que la difficile mise en œuvre des projets de mutualisation des moyens ne devrait guère surprendre.

Pour toutes ces raisons, sans doute serait-il préférable, plutôt que de réfléchir à une mutualisation entre plusieurs services qui se heurte en permanence aux habitudes parfaitement légitimes de ces derniers, de réfléchir à une unification des moyens héliportés au sein d’un service unique auquel les différentes administrations concourant à la sécurité civile feraient appel en fonction de leurs besoins.

Si une telle suggestion peut à première vue s’apparenter à une forme de fuite en avant, cela n’est pourtant pas le cas. Réunir les flottes du ministère de l’Intérieur, et le cas échéant celle du ministère de la Santé, en une flotte unique poserait certainement des difficultés importantes dans un premier temps. À titre d’exemple, unifier le recrutement et la formation des pilotes impliquerait à coup sûr d’aller à l’encontre des pratiques de certains des services concernés et de trancher entre les options respectivement retenues par ces derniers. À l’évidence, de nombreux compromis devront être trouvés et beaucoup d’acteurs concernés devront changer certaines de leurs habitudes.

Votre rapporteur pour avis estime cependant qu’il vaut mieux affronter les difficultés d’un seul coup et d’une manière globale que rechercher éternellement des compromis qui ne seront jamais pleinement satisfaisants. Si l’unification des flottes en un service unique avait lieu, les avantages d’une telle situation seraient par ailleurs considérables. On verrait notamment disparaître le phénomène de « concurrence » entre services que l’on observe fréquemment, phénomène paradoxal puisque, quelle que soit la ligne budgétaire au titre de laquelle une mission en hélicoptère est effectuée, c’est toujours l’argent public qui la finance.

Du fait de l’optimisation des moyens qu’elle permettrait, l’unification des flottes du ministère de l’Intérieur, voire de celles de ce ministère et de celle du ministère de la Santé, permettrait ainsi une diminution des moyens et une réduction des coûts correspondante sans diminution de la capacité opérationnelle d’ensemble.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 31 octobre 2013, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Manuel Valls ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » pour 2014.

M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, M. Dominique Raimbourg, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République – qui remplace le président Jean-Jacques Urvoas –, et moi-même sommes heureux de vous accueillir au sein de cette commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Sécurités ».

Mme la présidente Patricia Adam. La commission de la défense est toujours attachée au statut militaire des gendarmes ; aussi a-t-elle été particulièrement attentive au discours qu’a tenu devant nous le général Denis Favier.

M. Dominique Raimbourg, président. La commission des lois a nommé deux rapporteurs pour avis : M. Jean-Pierre Blazy, qui a travaillé sur les crédits relatifs à la sécurité et s’est intéressé aux zones de sécurité prioritaires et aux questions immobilières dans la police et la gendarmerie, et M. Pierre Morel-A-L’Huissier, qui s’est penché sur les crédits relatifs à la sécurité civile et a approfondi la question du volontariat chez les sapeurs-pompiers et – à la suite de travaux entamés l’année dernière – celle de la rationalisation des moyens aériens.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure spéciale de la commission des finances, pour les crédits relatifs à la police, à la gendarmerie et à la sécurité routière, et au contrôle de la circulation et du stationnement routiers. En 2014, les crédits de paiement de la police et de la gendarmerie seront en hausse de 1,4 % et de 0,8 % respectivement. En ces temps de contrainte budgétaire, ces augmentations, même limitées, traduisent clairement la volonté du Gouvernement de faire de la sécurité l’une des priorités de sa politique.

Les évolutions d’effectifs sont tout aussi significatives. Hors variations de périmètre, les effectifs de la police augmenteront l’an prochain de 243 équivalents temps plein travaillé (ETPT), chiffre à rapprocher des 7 000 emplois perdus entre fin 2007 et fin 2012. L’essentiel des effectifs de la police nationale est affecté au maintien de l’ordre, de la sécurité et de la paix publique, ainsi qu’aux missions de police judiciaire. Les effectifs de la police aux frontières (PAF) sont toujours plus étoffés que ceux qui se consacrent à la sécurité routière. Dans la gendarmerie aussi, l’hémorragie des effectifs sera stoppée : 162 postes seront créés en 2014, alors que 6 790 avaient été supprimés pendant la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Conséquence des hausses d’effectifs et de l’entrée en application de plusieurs mesures catégorielles, les dépenses de rémunérations et de charges sociales continuent leur progression, augmentant de 127 millions d’euros pour la police et de 57,6 millions pour la gendarmerie. Les crédits consacrés aux rémunérations concentreront en 2014 plus de 90 % des moyens de la police et 85 % de ceux de la gendarmerie. Cependant, contrairement à la période précédant 2012 – où la masse salariale a progressé en dépit des lourdes suppressions d’effectifs dues à la RGPP –, l’augmentation des crédits consacrés aux rémunérations est dorénavant surtout liée à celle du nombre de postes.

Le rapport de la Cour des comptes daté de mars 2013 met en lumière les difficultés de gestion en matière de dépenses de rémunération et de temps de travail au sein de la police et de la gendarmerie. La Cour cible notamment les conséquences onéreuses d’une instruction ministérielle de juillet 2011 consistant, en réalité, en un contournement du système de récupération des heures supplémentaires. Le rapport constate ainsi des niveaux de rémunération étonnants pour les heures supplémentaires effectuées dans la police entre juillet 2011 et juin 2012. La dépense totale correspondante s’est élevée à près de 22 millions d’euros, soit un taux moyen d’indemnisation par heure supplémentaire non récupérable de 26,47 euros. Afin de clarifier la situation, j’ai proposé à la commission des finances d’auditionner le directeur général de la police nationale (DGPN) qui était en fonction à cette époque.

S’agissant de la question sensible des frais d’enquête et de surveillance (FES), qui représentent une part infime de la masse salariale, je tiens à saluer l’initiative du DGPN, M. Claude Baland, qui a rappelé, à la fin de l’année 2012, trois règles d’utilisation encadrant strictement leur usage. Les FES ont exclusivement vocation à couvrir les dépenses imputables aux enquêtes « et ne peuvent par conséquent pas servir au versement de primes forfaitaires versées régulièrement en dehors de tout mérite exceptionnel ». Les directeurs et chefs de service « doivent rendre compte régulièrement au DGPN de la nature de l’emploi des FES et être en mesure de justifier de leur bonne utilisation ». Les FES ne peuvent que « ponctuellement être destinés à la remise d’une gratification exceptionnelle ». Cette disposition restrictive, qui vise à prévenir les abus, reconnaît implicitement qu’une part des FES est consacrée à des indemnités non directement liées à des dépenses engagées par les fonctionnaires.

Les crédits dédiés au fonctionnement, à l’investissement et aux interventions de la police augmenteront de 5,7 millions d’euros, pour atteindre 941,3 millions. Cette hausse, certes modérée, est la première depuis longtemps : en effet, entre 2007 et 2013, ces mêmes crédits ont diminué de 17,8 %.

Cependant, le fonctionnement de la police restera tendu l’an prochain, et des soucis demeurent. Les budgets d’armement et de munitions se maintiennent, mais restent à un niveau permettant à peine l’exécution des tirs réglementaires. Le budget consacré à l’entretien immobilier a été stabilisé à 23 millions d’euros, « un niveau de stricte nécessité » selon le DGPN. Les crédits afférents à la modernisation technologique et aux systèmes d’information et de communication seront préservés en 2014 et permettront le maintien en condition opérationnelle des systèmes existants et la poursuite de quelques projets déjà engagés.

Dans la gendarmerie, la situation semble plus critique. Certes, l’an prochain, les crédits de fonctionnement et d’investissement augmenteront de 1 %, mais la RGPP a contribué à réduire de près du quart ce budget qui s’élevait en 2007 à près de 1 500 millions d’euros. La fin de l’exercice 2013 s’annonce donc compliquée.

La police et la gendarmerie rencontrent de sérieuses difficultés de fonctionnement, qu’il s’agisse de matériel informatique, de véhicules, de carburant ou d’immobilier. Le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) chiffrait les besoins pour l’entretien immobilier à environ 100 millions d’euros par an ; or il ne disposera que de 9 millions l’an prochain. Que comptez-vous faire dans ce domaine ?

En période d’extrême contrainte budgétaire, poursuivre la rationalisation et approfondir la coopération entre la police et la gendarmerie devrait permettre de générer des économies. Avez-vous de nouveaux projets en la matière ?

Le rapport de la Cour des comptes de mars 2013 a mis en évidence d’importantes difficultés dans la gestion des dépenses, notamment en matière de maîtrise de la masse salariale – telles que les dérives du taux horaire de rémunération des heures supplémentaires entre juillet 2011 et juin 2012. Quelles dispositions ont été prises pour remédier à ces mesures prescrites par le DGPN de l’époque, mais exorbitantes du droit commun ?

M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les crédits relatifs à la sécurité civile. Si, avec 438,68 millions d’euros en crédits de paiement, le budget de la sécurité civile connaît une légère diminution par rapport à 2013, les principales actions et programmes d’investissement sont maintenus.

À la différence des exercices budgétaires précédents où ils étaient répartis entre deux programmes différents, les crédits de la sécurité civile sont cette fois regroupés dans un programme unique, à l’intérieur de la mission d’ensemble « Sécurités » – le programme 161 « Sécurité civile ». Cette nouvelle présentation budgétaire – qui suit notamment les recommandations de la Cour des comptes – permet une distinction entre les dépenses rigides issues d’engagements précis et celles variant en fonction de l’activité opérationnelle et de la survenue de crises.

L’examen des moyens financiers prévus dans le budget de la sécurité civile constitue un exercice fondamental, car il s’agit des actions que l’État mène auprès de la population au quotidien – telles que le secours à personnes – ou lors de catastrophes majeures, naturelles ou technologiques : feux de forêts, séismes, inondations ou encore risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques, chimiques ou explosifs (NRBC-E).

La première action du programme 161, intitulée « Prévention et gestion de crises » – dont les crédits restent identiques par rapport à 2013 –, regroupe des opérations diverses, mais toutes essentielles : colonnes de renfort, crédits d’extrême urgence, dotations de l’activité opérationnelle, moyens en carburant des avions et des hélicoptères, produit retardant pour la lutte contre les feux de forêt.

La deuxième action – « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » – mobilise près des trois quarts des moyens du programme. Elle est structurée autour de cinq sous-actions « métiers » représentatives des différents types d’interventions opérationnelles qui concourent à la politique interministérielle de sécurité civile. La première – « Avions » – correspond à l’activité des vingt-six avions de la sécurité civile dont l’emploi, complémentaire de celui des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), vise à assurer la détection rapide des feux de forêt et leur traitement avec des moyens de lutte adaptés. La seconde concerne les formations militaires de sécurité civile qui interviennent en appui des sapeurs-pompiers territoriaux, ou à l’étranger. La troisième sous-action embrasse l’activité des trente-cinq hélicoptères de la sécurité civile – regroupés en un échelon central à Nîmes, mais également présents sur vingt-trois bases opérationnelles – qui jouent un rôle essentiel en matière de secours à personnes. La quatrième concerne le service du déminage qui comporte vingt-neuf implantations et assure la dépollution du territoire national des munitions anciennes et contemporaines, ainsi que la veille antiterroriste et la sécurisation des voyages officiels, en France et à l’étranger, et des grands rassemblements. La dernière, enfin, regroupe l’ensemble des personnels et des moyens mis en œuvre, soit en intervention, soit dans le cadre de la préparation opérationnelle, par les établissements de soutien logistique aux acteurs de la sécurité civile.

Les crédits de la troisième action – « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » – financent les activités de coordination et de formation des autres acteurs de la sécurité civile. Ainsi, en 2014, l’État participe au financement du budget de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris à hauteur de 82,3 millions d’euros, verse une subvention de 4,02 millions au budget de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) et affecte, en crédits de paiement, 2,8 millions au Fonds d’aide à l’investissement (FAI) des SDIS, qui soutient le développement du réseau Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours (ANTARES).

Notons le maintien, en 2014, des grands programmes d’investissement. Parmi ceux-ci, le centre commun de formation et d’entraînement civil et militaire pour les risques NRBC-E qui rassemble des responsables des ministères de l’intérieur, de la défense et de la santé, et permet une formation et des entraînements partagés en matière de menaces appelées à peser sur les années à venir. Il faut également mentionner la montée en puissance du Centre d’alerte aux tsunamis en Atlantique nord-est et en Méditerranée (CENALT), opérationnel depuis le 1er juillet 2012, ainsi que la mise en place progressive du système d’alerte et d’information des populations (SAIP), dispositif novateur qui bénéficie de 7,1 millions d’euros en crédits de paiement en 2014. Le réseau ANTARES, enfin, assure l’interopérabilité des moyens de communication des différents services publics concourant aux missions de sécurité civile. Le taux d’adhésion des SDIS à cette infrastructure, de 75 % en 2013, devrait, selon les indications apportées par le projet annuel de performances, atteindre 81,5 % en 2014.

Le montant des moyens affectés à la lutte contre les feux de forêt préoccupe nombre d’entre nous. Une partie de nos avions de sécurité civile étant obsolescents, la flotte des Tracker doit être remplacée à l’horizon 2020. Des expérimentations ont été réalisées à l’été 2013 sur des avions de type Air Tractor. Quelles conclusions en ont été tirées ?

Les moyens affectés au FAI des SDIS ne cessent de diminuer depuis plusieurs années. Pouvez-vous nous éclairer sur les causes de cette évolution ?

Le Président de la République a récemment présenté un plan d’encouragement du volontariat sapeur-pompier qui apporte une contribution essentielle à notre dispositif de sécurité civile. Quelles mesures innovantes comptez-vous prendre sur ce point dans les mois qui viennent ?

Les années 2012 et 2013 ont été marquées, en matière de risques naturels, par la multiplication des phénomènes d’inondations et d’intempéries dans plusieurs de nos régions. Quels progrès pourraient, selon vous, être réalisés dans ce domaine ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas remplace M. Dominique Raimbourg à la présidence.

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les crédits relatifs à la gendarmerie nationale. Avant tout, je tiens à saluer l’action de nos forces de sécurité et notamment de nos gendarmes. Ces femmes et ces hommes qui consacrent leur vie au service des autres et de leur sécurité font preuve, quotidiennement, d’un grand courage, d’un extrême professionnalisme et d’un sens aigu du devoir. Ils méritent tout notre soutien et toute notre admiration.

Je souhaite également exprimer une satisfaction lucide quant aux ressources qui seront consacrées à la gendarmerie nationale en 2014. En effet, avec des autorisations d’engagement en hausse de 1 % et des crédits de paiement en croissance de 0,8 %, le budget 2014 assure la préservation des moyens de la gendarmerie.

Cependant, cette satisfaction ne va pas sans quelques interrogations. Ainsi, l’an dernier, 92,6 millions d’euros de crédits de paiement ont fait l’objet de gels, voire de surgels. À ce stade, seuls 15 millions ont effectivement été restitués aux gendarmes et une mise en réserve initiale de 7 % hors titre 2 touchera l’ensemble des programmes du budget général dès le début de l’année 2014. Sans remettre en cause la légitimité des mises en réserve – qui peuvent s’avérer nécessaires pour maîtriser efficacement la dépense publique –, je juge inacceptable le maintien de ces gels aussi tard dans l’année : une telle position revient, en définitive, à réduire la capacité opérationnelle de nos gendarmes et à dégrader leurs conditions de travail. J’ai alerté le Premier ministre et le ministre du budget : il faut que le solde des crédits mis en réserve en 2013 soit immédiatement restitué. Si tel n’était pas le cas, une mesure qui se veut budgétairement vertueuse pourrait aboutir, paradoxalement, à la création de nouvelles charges : au-delà d’un certain retard dans le paiement de ses loyers, la gendarmerie se verrait contrainte d’acquitter des intérêts moratoires.

L’évocation des loyers m’amène à la question du casernement. L’urgence immobilière dure et perdure depuis de trop nombreuses années, faute des moyens nécessaires à l’entretien ou à la remise en état de logements qui se trouvent souvent à la limite de l’insalubrité. Au 1er janvier prochain, il ne serait plus possible de recourir à la procédure des baux emphytéotiques administratifs (BEA) pour les opérations liées aux besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie. Or, si elle n’est pas la solution miracle aux graves problèmes immobiliers que connaît la gendarmerie depuis plus de dix ans, cette procédure reste un levier auquel il ne faut pas renoncer. Êtes-vous favorable à la pérennisation ou à la prorogation – et le cas échéant pour combien d’années – du régime codifié à l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales pour les opérations liées aux besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie ? Y êtes-vous également favorable pour les opérations liées aux SDIS ?

Mon troisième motif d’inquiétude concerne les effectifs de la gendarmerie qui fait face à des « trous à l’emploi », selon l’expression de la DGGN, reprise dans le rapport de la Cour des comptes de mars 2013. Ainsi que l’a relevé la haute juridiction financière, ces emplois manquants représentaient 1 841 ETPT en 2013, soit l’équivalent de 300 brigades.

J’ai pleinement conscience de nos difficultés budgétaires. Toutefois, compte tenu de la demande croissante et légitime de nos concitoyens en matière de sécurité, de l’évolution de la délinquance en zones gendarmerie, et des réductions d’effectifs aveugles et inconséquentes menées dans le cadre de la RGPP entre 2007 et 2012, j’estime nécessaire de rapprocher les effectifs réels de la gendarmerie de leur niveau théorique autorisé par le Parlement en dégageant, à terme, les moyens nécessaires au comblement de ces « trous à l’emploi ».

Il ne s’agirait pas forcément de combler cet écart à l’unité près. Une réorganisation de la carte de la gendarmerie devrait permettre de rationaliser les implantations, dont certaines ne sont plus en mesure de contribuer réellement à la sécurité. Toutefois – et, sur ce point, je m’écarte des recommandations de la Cour des comptes –, afin d’assurer la protection de tous nos concitoyens, l’essentiel de ces emplois doivent, à terme, être effectivement pourvus et, par conséquent, faire l’objet d’une budgétisation.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les crédits relatifs à la sécurité. Le projet de budget de la mission « Sécurités » consolide la rupture observée l’an dernier en matière d’effectifs. Après 480 postes supplémentaires créés en 2013, 405 seront créés en 2014 : 243 dans la police et 162 dans la gendarmerie. L’année qui vient verra le recrutement de 2 809 fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application, dont 1 239 par concours externe. Cette évolution tranche avec la situation observée en 2010 et 2011 où seuls 500 recrutements par an – internes et externes confondus – avaient été effectués.

Globalement, l’ensemble des catégories de la police nationale bénéficieront de 7 380 entrées, dont 4 939 recrutements externes. De son côté, la gendarmerie recrutera 9 494 personnels, dont 85 officiers, 3 231 sous-officiers, 5 654 volontaires et 300 civils. L’ensemble des organisations syndicales que j’ai rencontrées se félicitent de cette progression.

Toutefois, les syndicats dénoncent la décision de limiter le montant de l’indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP) pour les élèves policiers et gendarmes issus des concours externes. Ils estiment que cette indemnité est consubstantielle à l’état de policier actif et que la mesure proposée remet en cause le statut même de ces personnels. J’ai déposé deux amendements pour maintenir en l’état le montant de l’ISSP. Monsieur le ministre, quelles sont les perspectives en cette matière ?

Par ailleurs, malgré une légère hausse en 2014, les dépenses de fonctionnement et d’investissement sont particulièrement contraintes, alors que ce budget avait baissé de 17,8 % pour la police et de 56,3 % pour la gendarmerie entre 2007 et 2012. Le gel d’une grande partie de ces crédits dès le début de la gestion – on parle de 7, voire de 8 %, pour 2014 ! – rend leur maniement délicat. Les responsables de programmes ne connaissent pas les dates du dégel, et ne savent même pas s’il est prévu. Si l’on y ajoute des surgels, la gestion des crédits de nos forces de sécurité devient mission impossible. Je sais, monsieur le ministre, les efforts que vous déployez à l’attention de votre collègue chargé du budget, mais la situation actuelle ne nous semble plus tenable. Les crédits votés par le Parlement doivent être débloqués, et dès le début de la gestion. Pourra-t-on limiter la régulation budgétaire en 2014 ?

Les crédits dédiés à l’informatique seront totalement absorbés par le passage à Windows 7 qui nécessite de changer les ordinateurs. À quoi faut-il s’attendre, en cette matière, dans les années à venir ?

Dans ce contexte budgétaire contraint, les mutualisations entre la police et la gendarmerie doivent être approfondies. Les crédits de renouvellement automobile apparaissent importants – 50 millions d’euros pour la police et 40 millions pour la gendarmerie ; pourtant, en 2013, avec cette même enveloppe, la gendarmerie n’a commandé aucun véhicule et la police a plus que limité ses achats en raison des gels de crédits. Puisque les crédits de renouvellement automobile sont les premières victimes de la régulation budgétaire, il convient d’accélérer le rapprochement des procédures de réparation des véhicules entre police et gendarmerie pour s’assurer que, faute d’être suffisamment renouvelé, le parc est correctement entretenu. En 2015, 17,5 % du parc de la police nationale devraient être entretenus par la gendarmerie nationale, la police assurant, à la même échéance, le soutien de 7,5 % du parc de la gendarmerie. Pensez-vous, monsieur le ministre, que nous progressions assez vite ? Cette proportion pourrait-elle être encore augmentée ?

La question des carburants est également essentielle. Le DGGN m’a indiqué avoir donné des consignes pour en réduire la consommation. En 2014, nos forces de sécurité disposeront-elles de crédits dégelés pour pouvoir assurer correctement leurs patrouilles ?

Cette année, j’ai choisi de mettre en avant, dans mon rapport, le thème de l’immobilier. Avant tout, je tiens à souligner l’abandon bienvenu des partenariats public-privé (PPP) qui n’ont eu d’effets bénéfiques que pour les prestataires privés. Si les bâtiments sont sortis de terre plus vite que dans le cadre d’une procédure classique, c’est au prix de nombreuses malfaçons. Surtout, le montant des loyers acquittés par l’État et par les collectivités territoriales est très élevé.

Les besoins, dans ce domaine, sont énormes : 2 milliards d’euros sur les dix ans qui viennent pour les constructions et 100 millions d’euros par an pour le gros entretien seraient nécessaires à la gendarmerie ; plus de 600 millions d’euros – dont près de 320 millions pour des constructions neuves –, à la police. Ces montants, monsieur le ministre, sont inatteignables dans le cadre de votre budget. C’est pourquoi je préconise de décentraliser l’immobilier de la police et de la gendarmerie nationales aux régions et aux départements, et de lui affecter une partie des recettes liées au produit des radars automobiles et des amendes relatives aux infractions routières. Je souhaite que l’on engage une réflexion approfondie sur cette question, voire que l’on crée une mission d’expertise. Que pensez-vous de cette proposition ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les crédits relatifs à la sécurité civile. Monsieur le ministre, comme je l’observais il y a un an lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, la sécurité civile fait partie des sujets sur lesquels opposition et majorité peuvent se rencontrer. Les grands choix dans ce domaine ont généralement fait l’objet d’un consensus, par exemple lors de la discussion de la loi de 2011 sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires, et l’on ne peut que s’en réjouir. La sécurité civile française concerne tout le monde et, surtout, repose pour une grande part sur un volontariat que nous avons déjà du mal à préserver ; cet engagement désintéressé, au service de tous, serait gravement menacé si les questions relatives à la sécurité civile divisaient notre pays. En outre, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, la sécurité civile devra faire des choix engageant son avenir à long terme – qui seraient d’autant plus compliqués s’ils devaient être remis en cause à chaque alternance.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je ne cherche pas à produire une stricte analyse budgétaire du programme « Sécurité civile » – qui ne reflète d’ailleurs que très imparfaitement les actions menées dans ce domaine –, mais plutôt à porter un regard général sur certains sujets centraux. Aussi, mon rapport aborde deux thèmes principaux : les moyens aériens et la préservation du volontariat des sapeurs-pompiers.

En ce qui concerne les moyens aériens, je souhaite exprimer ma satisfaction à propos de la décision de relocaliser la base d’avions de la sécurité civile (BASC) sur le site de Nîmes-Garons. Cette décision, que nous étions nombreux à recommander il y a un an, est très certainement la bonne. Maintenant que la question a été tranchée, pourriez-vous nous informer du calendrier de ce transfert ?

Dans un domaine voisin, en revanche, le choix de l’appareil de lutte contre le feu dont la sécurité civile devra bientôt s’équiper n’a pas encore été fait. L’Air Tractor n’a pas semblé donner satisfaction – notamment aux pilotes – et le Beriev 200 paraît également poser quelques problèmes. Les choses ont-elles avancé depuis l’année dernière ? Quand peut-on espérer que sera arrêté un choix qui est urgent puisqu’il aura des conséquences en termes de doctrine d’emploi ?

En ce qui concerne les hélicoptères, un rapport conjoint de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale des finances (IGF) s’est penché sur la question de la mutualisation des moyens héliportés du ministère de l’intérieur. En effet, ceux-ci sont coûteux et de ce fait strictement comptés, et la mise aux normes des systèmes de navigation des appareils EC135 qui nous est imposée au cours des prochaines années – elle-même coûteuse et longue à mettre en œuvre – pourrait nous amener à devoir accepter une réduction de nos flottes. Si l’on veut en préserver la capacité opérationnelle, nos moyens devront par conséquent être rationalisés. Cependant, si cette opération reste théoriquement possible, la mutualisation s’est révélée plus difficile que prévu, sans doute en raison de l’hétérogénéité du fonctionnement des différents services du ministère. À ce problème s’ajoute celui des hélicoptères du ministère de la santé, avec lesquels la coordination s’avère particulièrement difficile du fait d’un mode d’organisation et de financement très différent.

Monsieur le ministre, que pense le Gouvernement d’une unification des flottes d’hélicoptères du ministère de l’intérieur en un service unique – idée désormais couramment évoquée –, voire de leur fusion avec celle du ministère de la santé ? Une telle solution, sans doute difficile à mettre en œuvre dans un premier temps, présenterait l’avantage de faire directement correspondre les moyens aux missions. Envisage-t-on de prendre cette direction ?

En matière de volontariat des sapeurs-pompiers, lors du Congrès de Chambéry qui s’est tenu ce mois-ci, vous avez signé « l’engagement pour le volontariat », tout comme Claudy Lebreton, Yves Rome, Jean-Paul Bacquet, le colonel Éric Faure et moi-même au nom de l’Association des maires de France (AMF). Ce document, qui bénéficie de l’appui du Président de la République, contient vingt-cinq mesures nouvelles qui constituent une réponse que nous espérons forte à la crise du volontariat. Je ne peux que me féliciter de la prise de conscience dont il témoigne.

Je vous demanderai à nouveau cette année, monsieur le ministre, de nous informer de l’état de révision de la directive européenne relative au temps de travail par rapport à l’activité de sapeur-pompier.

Si l’on veut préserver l’avenir du volontariat, c’est aussi vers la jeunesse qu’il faut se tourner. Les écoles de jeunes sapeurs-pompiers sont le vivier du volontariat, mais leur place reste encore réduite. En quoi consistera la « coproduction entre les SDIS et les unions départementales de sapeurs-pompiers » qui fait l’objet de la mesure 21 de « l’engagement pour le volontariat » ? Le Gouvernement entend-il accroître la contribution de l’État à ces écoles, qui représentent aujourd’hui le principal outil dont nous disposons pour faire émerger la culture du volontariat qu’appelait de ses vœux la commission « Ambition volontariat » dans son rapport de 2009 ?

Pour inciter les entreprises – notamment privées – à accepter plus facilement que leurs employés exercent une activité de sapeur-pompier volontaire, nous comptions sur le dispositif de mécénat d’entreprise. Étant donné l’impossibilité d’obtenir les chiffres du ministère du budget pour en évaluer l’efficacité, je propose de créer un groupe de travail sur ce thème.

Je souhaiterais également vous interroger sur la mise en place du dispositif ANTARES. L’infrastructure tarde à s’implanter dans les zones rurales, et la couverture est parfois insuffisante pour que les SDIS soient incités à s’équiper.

Enfin, en matière de gouvernance des SDIS, il faudrait s’orienter vers davantage de cohérence entre la direction générale, le conseil d’administration (CASDIS), les préfets qui ont compétence sur les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR), les conseils généraux, les unions départementales et les maires.

Je remercie le directeur général de la sécurité civile (DGSC) pour l’audition menée dans la plus grande transparence et j’émets un avis favorable à vos propositions budgétaires.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Vous avez été plusieurs à exprimer votre préoccupation à l’égard des gels et surgels qui ont affecté les budgets, non seulement pour les forces de l’ordre, mais pour tous les services de l’État. La police et la gendarmerie se trouvent néanmoins dans une situation particulière. Comme l’éducation nationale ou la justice, elles font partie des services qui mettent en œuvre les priorités du Président de la République et du Gouvernement, en l’occurrence celle touchant à la sécurité de nos concitoyens. Cette priorité s’est d’abord traduite cette année par des recrutements : 480 postes de policiers et de gendarmes en 2013, 405 l’an prochain, dont deux tiers de titulaires ; par contraste, au cours du quinquennat précédent, 13 700 emplois ont été supprimés. Même si les effectifs ne font pas tout, les élus de terrain, les citoyens et surtout les forces de l’ordre elles-mêmes et leurs directeurs généraux – le DGPN, Claude Baland, et le DGGN, le général Denis Favier, qui nous font aujourd’hui l’honneur de leur présence – constatent leur manque.

Malgré l’arrêt de l’hémorragie, les 2 500 postes de policiers et de gendarmes qui seront créés au cours de ce quinquennat ne remplaceront pas ceux qui ont été supprimés durant les dernières années ; il faudra donc s’habituer à travailler avec l’état de nos forces. Nous devrons apprendre à mieux organiser les personnels sur le terrain, envisager des partenariats toujours plus forts avec les polices municipales et intégrer dans nos réflexions la place croissante de la sécurité privée, désormais mieux encadrée par la législation. Ces adaptations s’avèrent nécessaires, car la population augmente, la délinquance – notamment les cambriolages – se propage sur le territoire, et la violence gangrène la société.

Les services de police et de gendarmerie sont également soumis à des sujétions de service public particulières : disponibilité et présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, en projection sur la voie publique. Cette exigence de proximité répond à des attentes fortes de nos concitoyens, confrontés à l’augmentation des violences – violence à l’encontre de personnes depuis trois ou quatre décennies, explosion des cambriolages depuis cinq ans.

Le projet de budget pour 2014 préserve les capacités de fonctionnement et d’investissement des deux forces – signe de la priorité attachée à la sécurité des Français. Comme chaque année, la fin de gestion des budgets de l’État a fait l’objet de discussions serrées ; pourtant, je suis – comme tout un chacun – totalement solidaire de la volonté du Président de la République et du Premier ministre de redresser nos finances publiques. Le Premier ministre vient de décider de dégeler 111 millions d’euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie, ainsi que 10 millions d’autorisations d’engagement pour répondre aux besoins les plus pressants en matière de logement des familles des gendarmes. Grâce à cette décision du Gouvernement – et je remercie particulièrement le Premier ministre et le ministre délégué chargé du budget –, pour la première fois depuis 2007, les crédits exécutés par la police et la gendarmerie nationales augmenteront de 2 % – soit 40 millions d’euros – par rapport à l’année précédente, alors que, entre 2007 et 2012, ils ont baissé de 18 %, plaçant les deux forces dans une situation extrêmement difficile. Cette décision – qui confirme à nouveau, en actes, la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité – donnera à toutes les brigades de gendarmerie et à tous les commissariats de police les moyens nécessaires à leur fonctionnement jusqu’à la fin de l’année ; les deux directeurs généraux devront y veiller. Alors que, comme le DGGN l’a rappelé il y a quelques jours, et comme je le constate dans mes déplacements sur le terrain, nos forces armées ont subi des restrictions importantes, ils disposeront désormais de suffisamment de carburant, de fluides, d’équipements de protection et de tenues. Tous ces éléments sont indispensables pour l’action, mais également pour le moral des forces de l’ordre – moral qui, malgré les difficultés, reste bon au sein des forces de l’ordre, et que je tiens à saluer.

Les forces mobiles bénéficieront également de tous les crédits nécessaires pour faire face à leur engagement exceptionnel sur le terrain depuis le début de l’année. Dans la répartition des postes nouvellement créés ou destinés à remplacer des départs en retraite, je veillerai à ce que leur place soit respectée.

Un effort sera fait pour le parc automobile de la gendarmerie. M. Boisserie, qui connaît parfaitement ce dossier, a souligné qu’aucun véhicule n’a été acquis en 2012. On ne pouvait pas continuer ainsi ; les choses vont donc changer, et le général Denis Favier a pour mission d’avancer le plus vite possible sur ce dossier, dans la métropole comme dans les outre-mer.

Les équipements informatiques de la gendarmerie seront financés, ainsi que les projets informatiques indispensables à la modernisation de la police nationale : développement de la capacité radio à Paris, projet de réseau radio numérique aux Antilles, déploiement du logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPM). Dès cette année, certains investissements nécessaires à la montée en puissance du renseignement intérieur, décidés par le Gouvernement, seront financés dans la perspective de la transformation de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avec des moyens humains, techniques et financiers supplémentaires, pour que le renseignement puisse faire face aux défis du terrorisme et aux autres menaces qui pèsent sur notre pays.

La reconstruction de la police judiciaire de la préfecture de police (PJPP) sera poursuivie.

Nous lancerons des travaux urgents pour les logements de gendarmes les plus dégradés, avec un financement de 10 millions d’euros. J’ai tenu à réserver à la représentation nationale la primeur de cette annonce : le vote du budget est au cœur des attributions du Parlement, et il est légitime que vous ayez des assurances sur l’adéquation entre les crédits que vous votez et la réalité de la gestion qui en est faite. La mise en œuvre de la loi de finances pour 2014 devra être menée avec beaucoup de précautions.

Madame Mazetier, monsieur Blazy, vous m’avez interrogé sur la poursuite de la rationalisation et de l’approfondissement de la mutualisation et de la coopération entre les deux forces, dans l’optique de nouvelles économies – qui restent nécessaires. Beaucoup a déjà été fait depuis dix-huit mois, mais également par le passé. Comme en témoigne le rapport de la Cour des comptes de fin 2011, l’essentiel des achats de la police et de la gendarmerie sont aujourd’hui communs aux deux forces et portés par des marchés uniques. Plusieurs avancées substantielles sont néanmoins en cours. D’abord, nous rassemblons dans une structure unique les services achat, la gestion des équipements et la logistique de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile. Cette structure, que j’avais annoncée l’an dernier, sera opérationnelle dès le 1er janvier 2014. Ensuite, nous rationalisons nos fonctions logistiques au niveau territorial, avec la transformation des secrétariats généraux pour l’administration de la police en secrétariats généraux à l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI), qui prendra effet au 1er mars 2014. Ces services auront en charge l’essentiel des fonctions de soutien – hors ressources humaines – de la police, de la gendarmerie et de l’administration territoriale.

Par ailleurs, nous avançons en matière de mutualisation dans le domaine de la police technique et scientifique : dans le département de la Creuse, la gendarmerie assure désormais l’ensemble des missions de premier niveau pour la police comme pour la gendarmerie ; trois autres départements seront concernés au début de 2014, et je souhaite que nous avancions plus vite et plus en profondeur sur ce dossier.

Nous travaillons également activement au rapprochement des flottes d’hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale ; j’annoncerai bientôt des décisions dans ce domaine, sans pour autant mettre en cause l’identité de chacune des forces.

Vous m’avez également interrogé, madame Mazetier, sur les dispositions prises pour remédier à la dérive du taux de rémunération des heures supplémentaires dans la police entre juillet 2011 et juin 2012. En effet, la Cour des comptes a relevé dans un rapport récent que les modalités d’indemnisation n’auraient alors pas été conformes à la réglementation – pratique qui s’explique par une certaine ambiguïté dans les textes. Les dispositions que j’ai prises pour y remédier sont simples : là où mes prédécesseurs avaient recours à des heures supplémentaires pour compenser les effets désastreux des suppressions d’emplois dans la police, je préfère recruter des effectifs : 2 000 recrutements de gardiens de la paix en 2013, 2 500 en 2014, contre 500 en 2011 et en 2012.

Monsieur Boisserie, s’agissant de la prolongation du dispositif des BEA pour la police, la gendarmerie et les SDIS, la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) de 2002 a ouvert la possibilité, pour les services de police, de gendarmerie et de justice, ainsi que pour les SDIS, de recourir à cette procédure pour leurs opérations immobilières. Malgré quelques dérives, ce dispositif qui permet un partenariat étroit entre l’État et les collectivités locales a fait la preuve de son utilité ; il a d’ailleurs été reconduit à plusieurs reprises entre 2008 et 2011.

La police nationale a eu recours à des BEA pour trois opérations livrées en 2011, à Sélestat, Mulhouse et Saint-Louis, pour un coût annuel global de 2,6 millions d’euros. Parallèlement à l’utilisation des dispositions du décret de 1993, la gendarmerie nationale a, par le passé, utilisé les BEA par le biais d’un montage sécurisé. En 2005, le nombre de mises en chantier s’élevait à trente ; ce chiffre tombe à deux pour l’exercice 2012. En 2013, la prévision de versement des loyers de la gendarmerie nationale aux collectivités territoriales au titre des BEA conclus est de 187,2 millions d’euros : près de 129 millions aux communes et 58,4 millions d’euros aux départements.

Favorable à la conservation de cet outil juridique, le Gouvernement déposera un amendement en ce sens en séance publique. Il est utile de garder tous les mécanismes susceptibles de répondre aux immenses besoins immobiliers des forces de l’ordre, même si, à l’heure actuelle, d’autres procédures sont préférées pour des raisons de coût : le montage en maîtrise d’ouvrage publique classique pour la police ; l’application du décret de janvier 1993 pour la gendarmerie, où l’État verse une subvention à une collectivité locale maître d’ouvrage, puis paye des loyers. En 2013, le loyer annuel prévisible moyen d’un équivalent-unité-logement livré est évalué à 13 971 euros dans le cadre d’un BEA, et à 11 284 euros dans le cadre du dispositif subventionné du décret de 1993, hors amortissement de la subvention.

Le Gouvernement n’a aucune objection non plus à la prorogation de la mesure pour les SDIS. Tout cela devra être maîtrisé, mais, en attendant les réflexions, le Gouvernement est ouvert aux propositions concernant le rôle des collectivités territoriales, dans le respect de leur autonomie et de la loi actuelle.

S’agissant des « trous à l’emploi » de la gendarmerie, celle-ci a beaucoup souffert de la mise en œuvre de la RGPP entre 2008 et 2012 – tout en assumant cet effort –, puisque près de 6 700 emplois ont été supprimés en quatre ans. C’est plus que les créations de postes qui avaient été réalisées au cours du quinquennat précédent. C’est de cette politique que résultent les « trous à l’emploi » : certaines brigades, unités ou compagnies ont vu leurs effectifs réels s’éloigner significativement du niveau théorique nécessaire à un fonctionnement optimal.

Cette année, le Gouvernement a rompu avec cette logique : non seulement tous les départs en retraite sont remplacés dans la gendarmerie comme dans la police, nombre pour nombre, mais nous créerons 162 emplois supplémentaires dans la gendarmerie nationale et 243 dans la police nationale en 2014, après en avoir créé respectivement 192 et 288 en 2013.

Nous devons cependant nous montrer inventifs et audacieux pour employer au mieux le potentiel humain, notamment par le biais de redéploiements de la police et de la gendarmerie – qui satisfont d’ailleurs en général les élus, malgré leurs inquiétudes. Il faudra avancer dans ce sens, en prenant le temps de la concertation avec les élus et les personnels des forces de l’ordre. L’amélioration des résultats passera également par la réorganisation des régions de gendarmerie non zonales et par une mutualisation plus poussée dans le domaine des achats et des fonctions support – à l’instar des réformes que j’ai engagées et qui commencent à voir le jour. Il appartient aux deux directeurs généraux de me faire des propositions ; l’engagement du général Favier pour la réorganisation des brigades est, à ce titre, exemplaire.

Monsieur Blazy, les problèmes de l’immobilier s’expliquent par le fait que, depuis dix ans, les crédits sont insuffisants pour entretenir et reconstruire. Toutes les études sont les bienvenues, mais il faut surtout dégager des marges budgétaires pour pouvoir investir. Essayons d’y travailler ensemble ; je suis ouvert à toutes les suggestions du Parlement et ferai de cet enjeu une priorité pour le budget triennal 2015-2017 dont nous discuterons bientôt sous l’autorité du Premier ministre.

Les prestations croisées de soutien automobile entre police et gendarmerie nationales progressent ; d’ici à la fin 2015, 60 % des garages seront complètement mutualisés.

J’entends vos arguments concernant la réforme de l’ISSP pour les élèves policiers et gendarmes ; mais 2014 marque une nette amélioration catégorielle pour ces deux professions, notamment grâce au passage des gardiens de la paix et gradés de la police et des sous-officiers de gendarmerie à la catégorie B, qui représente un coût de 58 millions d’euros sur la période 2013-2015. Parmi les autres mesures, rappelons l’alignement complet des taux d’ISSP des officiers de police sur ceux des officiers de gendarmerie ; l’extension du dispositif de l’indemnité de responsabilité et de performance aux officiers de police ; la création d’une indemnité de responsabilité pour 3 000 responsables d’unités dans la gendarmerie. Au total, 48 millions d’euros seront consacrés aux mesures catégorielles des deux forces, dont 29 millions dans la police – soit le même montant qu’en 2013. Globalement – et il y a là une continuité par rapport à la réforme des corps et carrières, car j’ai tenu à respecter la parole de l’État –, depuis dix ans, les policiers ont gagné environ un mois et demi de salaire en plus grâce aux mesures de ces différents protocoles.

Lorsque j’ai rencontré Claude Guéant pour la passation de pouvoirs, il m’a annoncé que les effectifs baissaient, alors que les charges – notamment liées aux salaires – augmentaient. Comprenant que cette situation risquait de paralyser très vite le ministère, j’ai souhaité engager un effort en matière de postes à créer, mais aussi de crédits de fonctionnement, qui progressent pour la première fois depuis 2007. Je l’ai obtenu au terme d’une discussion budgétaire difficile qui s’inscrit dans la recherche d’un équilibre global.

Pour revenir à l’ISSP, j’entends les préoccupations des personnels et de leurs représentants, que je reçois régulièrement. J’ai abordé le sujet tant avec les policiers qu’avec les gendarmes. Je les verrai d’ailleurs prochainement pour évoquer avec eux les mesures d’accompagnement de cette réforme qui concerne uniquement les élèves actuels et futurs. N’oublions pas que l’indemnité est seulement baissée, et non supprimée ; de plus, j’ai d’ores et déjà annoncé la création d’une indemnité compensatrice pour les lauréats des concours internes, qui, aujourd’hui, perdent de l’argent. Mes services travaillent sur d’autres mesures qui confirmeront tout l’attachement que je porte à la situation des hommes et des femmes qui choisissent de servir la police et la gendarmerie. C’est pourquoi je ne peux apporter le soutien du Gouvernement à votre amendement qui vise à prélever 6 millions de crédits de fonctionnement sur chacune des deux forces pour financer l’abandon de la réforme de l’ISSP des élèves. J’espère que vous comprendrez ma position.

Un dernier mot sur les questions immobilières des forces de l’ordre. La gendarmerie nationale s’appuie sur un maillage territorial garantissant la continuité du service public de sécurité dans l’espace et dans le temps, en métropole comme dans les outre-mer. La disponibilité des gendarmes repose notamment sur l’obligation d’occuper le logement concédé par nécessité absolue de service. Le fait d’habiter sur le lieu de travail constitue un élément fondamental dans le fonctionnement de la gendarmerie, tant d’un point de vue professionnel que d’un point de vue humain et social, étant donné l’impact de cette disposition sur les familles des militaires.

La gendarmerie occupe 3 923 casernes, dont 694 domaniales : cela représente 76 105 logements, dont 42 % dans les emprises domaniales. De nombreuses casernes particulièrement vétustes ne répondent plus aux normes actuelles de sécurité et de confort, et nécessitent de lourds investissements d’entretien ; quarante-trois d’entre elles – correspondant à 3 220 logements – sont jugées prioritaires. Le maintien à niveau du parc immobilier de la gendarmerie nécessite une dépense annuelle de 200 millions d’euros pour la reconstruction de casernes et les réhabilitations lourdes, et de 100 millions pour la maintenance
– besoin qui ne peut être honoré depuis dix ans en raison des contraintes budgétaires. Les produits de cession des emprises domaniales de la gendarmerie pourraient constituer la seule ressource d’investissement budgétaire. Nous réfléchissons à la possibilité d’un contrat de partenariat entre le ministère de l’intérieur et un opérateur qui se chargerait de l’entretien et de la restructuration du parc domanial. Mais, avant de lancer le ministère dans cette opération, je veux avoir toutes les garanties quant à son coût complet, et quant aux délais dans lesquels les améliorations substantielles pourront être apportées au logement des gendarmes.

Pour la police, nous maintenons une capacité d’investissement de l’ordre de 100 millions d’euros par an. Quelques opérations très importantes seront conduites en 2014 : l’installation de la PJPP à Batignolles, les commissariats de Livry-Gargan, de La Rochelle, de Sevran et des Mureaux, le cantonnement de CRS de Pondorly ; l’accent est mis sur les zones de sécurité prioritaires.

J’en viens aux questions relatives à la sécurité civile. Monsieur Lebreton, s’agissant des moyens affectés à la lutte contre les feux de forêt, la mission principale de la flotte des Tracker est l’attaque des feux naissants dans le cadre d’un guet aérien armé ; cette stratégie, qui est au cœur de la sécurité civile de notre pays, a largement prouvé son efficacité. Dans son rapport de mars 2012, le groupe de travail interministériel sur le renouvellement de la flotte des Tracker privilégiait leur remplacement par des Air Tractor, qui disposent d’une capacité d’emport comparable, d’environ trois tonnes, et d’un dispositif très intéressant de largage. Cependant, leur vitesse est plus faible, et leur conception laisse planer un doute sur la possibilité de les utiliser par vent fort. C’est pourquoi une évaluation de l’Air Tractor en conditions opérationnelles a été entreprise durant les saisons de feu de cette année 2013 : si elle ne se révélait pas concluante et si aucune autre solution industrielle ne surgissait d’ici là, les missions actuellement assurées par les Tracker devraient l’être par des Dash 8 et par des Canadair. Le coût d’acquisition de deux Canadair et de quatre Dash 8 serait toutefois plus élevé
– 160 millions d’euros. Nous aurons sans doute à faire face à un tel choix, car nous ne pouvons pas dégarnir nos capacités de défense face aux feux de forêt.

Si, au contraire, il était donné une suite favorable à cette évaluation, une première phase d’achat de dix Air Tractor pourrait débuter d’ici à 2020. En fonction du retour d’expérience, il pourrait être ensuite acquis soit dix Air Tractor supplémentaires – le coût total de vingt appareils est estimé à 70 millions d’euros –, soit deux Dash 8 supplémentaires pour 50 millions d’euros.

Monsieur Lebreton, les moyens affectés au fonds d’aide aux investissements des SDIS ne cessent de diminuer depuis plusieurs années. L’État a distribué via le FAI 380 millions de subventions pour l’équipement des SDIS dans une période où leur mise à niveau était une priorité. Aujourd’hui, les efforts consentis par les collectivités territoriales, notamment les conseils généraux depuis 2002 en matière de plan d’équipement et de plan de casernement, ont permis aux SDIS d’atteindre un niveau d’équipement très satisfaisant. L’engagement des collectivités territoriales donne, monsieur Blazy, un certain poids à votre proposition : d’ailleurs, les collectivités territoriales interviennent déjà souvent dans le financement des commissariats – c’est le cas de l’Île-de-France –, ou les communautés de communes dans celui des gendarmeries. Ces efforts ont donné des résultats. En témoigne le fait que, après avoir progressé jusqu’en 2009, les dépenses d’investissements des SDIS ont enregistré une baisse de 5,6 % en 2010 et de 3,1 % en 2011. Surtout, avec moins de 20 millions d’euros, la capacité d’intervention de l’État était devenue quasiment anecdotique, si on la compare au plus de 1,2 milliard que les SDIS consacrent à ces investissements. Face aux choix imposés par la situation budgétaire, j’ai décidé l’an dernier de privilégier en 2013 l’amélioration du réseau de transmissions terrestres et le rétablissement des crédits nécessaires à la maintenance de la flotte aérienne de sécurité civile. Ces choix sont confirmés cette année.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous l’avez rappelé, un engagement pour soutenir le volontariat des sapeurs-pompiers a été signé au congrès de Chambéry du début du mois d’octobre dernier – le Président de la République l’a évoqué dans son discours. Il s’agit du premier document programmatique commun à l’État, aux collectivités territoriales et à la profession des sapeurs-pompiers sur ce thème. Je tiens à la fois à remercier les élus, notamment le député Jean-Paul Bacquet et le sénateur Yves Rome qui se sont engagés très fortement sur ce dossier, sans oublier la Fédération des sapeurs-pompiers, et à saluer le rôle très positif du directeur général.

Cinq axes de travail ont été identifiés : inverser la courbe décroissante des effectifs par l’élargissement et la diversification du vivier de recrutement, le développement de la pratique de la validation des acquis de l’expérience dans les SDIS et les campagnes de communication ; consolider le modèle du volontariat en préservant chaque fois que c’est possible le maillage territorial des centres d’incendie et de secours, en replaçant l’astreinte comme le positionnement de principe du volontaire qui participe à un dispositif opérationnel et en offrant aux volontaires un accès privilégié aux logements sociaux ; reconnaître la place des volontaires au sein de l’encadrement des SDIS en aménageant leur déroulement de carrière et en améliorant le management du volontariat ; encourager les dispositifs de jeunes sapeurs-pompiers volontaires, qui donnent une bonne image de la jeunesse de notre pays – le Président de la République a insisté sur cette question – en les valorisant dans le milieu scolaire et en favorisant leur insertion professionnelle ; enfin, tenir compte de l’inflation dans l’évaluation du montant de l’indemnité horaire des sapeurs-pompiers volontaires.

Le Président de la République a également proposé de doubler l’attribution des distinctions, notamment les ordres nationaux, aux sapeurs-pompiers volontaires – ce sera le cas dès les 11 novembre et 1er janvier prochains.

Monsieur Lebreton, vous m’avez posé une question sur les risques d’inondation, qui sont très courants sur le territoire métropolitain – plus du tiers des communes y est confronté. Les politiques de prévention et de gestion des crises qu’ils provoquent associent étroitement le ministère de l’intérieur et le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Plusieurs évolutions sont en cours pour limiter les conséquences matérielles et humaines des inondations. La mission effectuée l’an dernier par le sénateur Pierre-Yves Collombat a apporté des éclaircissements et ouvert de nouvelles pistes de travail qui me paraissent intéressantes.

Du point de vue du ministère de l’intérieur chargé de la gestion de crise, il faut essentiellement encore améliorer le dispositif de prévision et d’alerte. Lorsque survient une crue rapide, l’alerte repose en premier lieu sur le dispositif de prévision des inondations, avec la vigilance météorologique et la vigilance « crues ». Ce sont des dispositifs éprouvés que, désormais, le grand public connaît bien. Il arrive cependant que des phénomènes très localisés produisent des dégâts mal anticipés. Il est donc nécessaire d’apporter un outil complémentaire pour les pluies intenses très localisées. Météo France a développé en partenariat avec le ministère de l’intérieur un service qui envoie automatiquement aux communes qui le désirent un avertissement dès que des pluies intenses, voire exceptionnelles, sont constatées sur le territoire. Parallèlement, la désignation de référents départementaux « inondation » doit permettre d’améliorer la connaissance historique des événements souvent lacunaires. Enfin, la poursuite du développement du système d’alerte et d’information des populations reste une priorité du Gouvernement en matière de sécurité civile : 7,1 millions d’euros en crédits de paiement sont ouverts au titre de l’année 2014 pour mettre en œuvre la première vague de déploiement des 10 830 sirènes qui doivent remplacer l’outil existant devenu aujourd’hui obsolète.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, à la suite de la publication du rapport de l’IGA et de l’IGF sur les flottes d’hélicoptères du ministère, j’ai chargé les deux directeurs généraux de faire des propositions qui respectent deux objectifs : mettre en place une organisation plus rationnelle et veiller à ce que la capacité opérationnelle, notamment la capacité à porter secours, soit préservée. Il s’agit de retrouver des marges de manœuvre dans un univers très contraint. Les utilisateurs comme les usagers des machines sont en droit d’attendre des prestations de qualité, qui passent par une meilleure maintenance à Orléans ou à Nîmes – j’ai visité les ateliers – et, pour les missions de secours, par une régulation placée sous l’autorité des préfets du département qui doivent pleinement assumer leurs responsabilités. Dans le domaine de la sécurité civile, le pacte est bien équilibré entre, d’un côté, les collectivités territoriales et, de l’autre, l’État qui doit assurer l’intérêt général. La mise en œuvre de ces principes devrait permettre de réduire progressivement le parc des machines les plus anciennes sans dégrader notre capacité à agir. La direction générale de la sécurité civile s’est séparée dès 2012 de ses quatre derniers Écureuil qui étaient devenus obsolètes et l’effort doit être poursuivi et adapté. Je serai attentif à la préservation des équilibres généraux qui fonde notre pacte de sécurité civile et à la consolidation d’une capacité de secours qui repose sur des acteurs multiples, notamment la DGSC, la DGGN et le ministère de la santé. Je serai également attentif à la préservation des équilibres locaux dans le respect des identités et des couleurs de chacune des forces.

Le transfert de la BASC, préparé sous le précédent gouvernement et dont j’ai pris la décision après une étude complémentaire, devra intervenir entre les saisons « feux » de 2016 et de 2017 sans affecter sa capacité opérationnelle. Les opérations ont débuté dès l’automne 2013 avec la mise en place d’une structure de conduite du projet chargée d’assurer la maîtrise d’ouvrage. Dès 2014, seront lancées les procédures de marchés pour la réalisation des travaux de construction de 2015 à 2017. La réception des premiers bâtiments courant 2016 devrait permettre de lancer la phase de déménagement de la BASC qui serait finalisée au printemps 2017. Le coût global de la relocalisation a été estimé à 16,6 millions d’euros et les mesures d’accompagnement des personnels à quelque 1,6 million d’euros. Dès 2014 sont prévus 2,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,1 million en crédits de paiement. Si leurs inquiétudes sont levées, il conviendra toutefois d’accompagner les personnels, que j’ai rencontrés. Cette opération devrait engendrer des économies sur le montant des investissements qu’il aurait fallu effectuer sur le site de Marignane pour le remettre aux normes techniques et opérationnelles – ils avaient été évalués à 7,5 millions d’euros au moins. Le volet social, qui est déterminant pour la réussite du transfert, comprendra, outre les aides et indemnités réglementaires – primes de restructuration, aide à la mobilité du conjoint, indemnités de déménagement –, des mesures d’accompagnement individualisées dans le cadre d’une cellule spécifique dédiée à la recherche du logement, à l’emploi du conjoint, à la scolarisation des enfants ou aux possibilités de mutation.

La généralisation de l’utilisation de réseau ANTARES à l’ensemble des SDIS est engagée depuis 2007 : au 31 décembre 2012, soixante-huit services avaient migré et sept étaient en cours de migration. Un taux d’adhésion de 75 % des services départementaux est prévu pour la fin de 2013 et la couverture du territoire métropolitain avoisine les 95 %. L’État a consacré 90,7 millions d’euros au financement des marchés de services et de fournitures. Il a également participé à l’acquisition des équipements – les terminaux – par les SDIS. Cependant les insuffisances de couverture et des anomalies de fonctionnement entraînent de nouveaux investissements pour améliorer l’efficacité, favoriser l’adhésion de la totalité des SDIS et mettre fin aux difficultés rencontrées pour recouvrer auprès de certains SDIS leur contribution au fonctionnement et à l’entretien du réseau, les difficultés étant motivées par l’insuffisance de la qualité de la couverture. Il convient donc de parvenir à l’amélioration de la qualité de la couverture du territoire métropolitain, notamment dans les territoires ruraux. De même, les Antilles et La Réunion constituent des zones géographiques particulièrement sensibles, pour lesquelles la mise en place de l’infrastructure nationale partageable des transmissions est très souhaitable. En 2012, l’État a consacré 4 millions d’euros à la réalisation de travaux dans trente-cinq départements confrontés à des problèmes de couverture et leur réalisation a déjà permis d’améliorer la qualité des transmissions opérationnelles. À compter de 2013, de nouveaux travaux destinés à parfaire la couverture du territoire national sont d’ores et déjà engagés à hauteur de quelque 25 millions d’euros. Ces efforts témoignent de la volonté de l’État de parvenir à la couverture la plus satisfaisante possible.

J’ai également été interrogé sur le volontariat et la directive européenne « temps de travail ». La Commission européenne a annoncé en mars 2010 une mesure de consultation des partenaires sociaux au niveau européen sur l’opportunité d’une réforme de la directive « temps de travail ». L’assimilation du sapeur-pompier volontaire au travailleur, qui impliquerait de respecter le repos dit de sécurité, remettrait en cause l’organisation et le modèle de la sécurité civile dans notre pays en conduisant notamment au recrutement de sapeurs-pompiers professionnels dont le coût salarial obérerait gravement les finances publiques. Il ressort des dernières informations que, la procédure de consultation des partenaires sociaux n’ayant pas abouti, la Commission, en se fondant sur son pouvoir de proposition, présentera un projet en s’appuyant sur la consultation précédemment menée et fondée sur les travaux d’analyse d’impact. C’est la raison pour laquelle il convient de défendre l’exclusion des sapeurs-pompiers volontaires du champ d’application de la directive. Ce débat doit être porté au cours du prochain scrutin européen. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes, était présent à Chambéry, où il est chez lui : il assure le relais politique et technique de cette préoccupation auprès de la Commission européenne – je l’ai moi-même relayée.

Les entreprises qui mettent à la disposition des SDIS leurs salariés sapeurs-pompiers peuvent bénéficier d’avantages fiscaux dans le cadre du mécénat. C’est vrai, il est difficile d’identifier avec précision ce dispositif fiscal dans les statistiques produites par le ministère des finances. Je suis donc favorable à la proposition de créer un groupe de travail visant à obtenir de meilleures informations sur le résultat de ce dispositif fiscal.

L’activité du secours à personne, qui est dominante chez les sapeurs-pompiers, est un sujet sur lequel nous ne devons pas transiger et qui exige une bonne complémentarité des acteurs. Dans la suite des engagements pris par le Président de la République au cours du dernier congrès, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et moi-même avons signé, cette semaine, une lettre de mission demandant à deux inspections – l’IGAS et l’IGA – d’évaluer le référentiel « secours à personne » qui détermine les missions des uns et des autres. Le plan d’action que nous proposerons à l’issue de cette mission intégrera la question de la mutualisation des moyens, qu’il s’agisse de ceux des pompiers et du SAMU ou d’autres services du conseil général. La mutualisation fonctionne très bien dans de nombreux départements. C’est une question d’état d’esprit et de volonté. Il ne saurait y avoir de mise en cause de l’engagement du Président de la République relatif au secours à personne en moins de trente minutes, uniquement parce que les différents services n’arriveraient pas à travailler ensemble sur le terrain.

La question de la gouvernance des SDIS est un sujet essentiel. J’ai souhaité rénover les rapports entretenus entre l’État et les collectivités territoriales – c’est le pacte de sécurité civile que nous avons signé. Cinq axes de progrès ont été identifiés pour pérenniser le modèle français : protéger et pérenniser le concours des forces volontaires ; assurer la mise en place des emplois supérieurs de direction des services d’incendie et de secours – réforme essentielle pour rénover la gouvernance des SDIS et qui comporte deux volets : la transformation en emplois fonctionnels des postes de directeurs et de directeurs adjoints des SDIS et la rénovation du cadre d’emploi de catégorie A ; assurer le dialogue social sur les modalités et les conditions de travail au sein des SDIS – le contentieux européen sur le temps de travail des professionnels a rendu nécessaires des adaptations de l’organisation ; optimiser l’emploi des équipements et des moyens pour assurer durablement la capacité de réponse à la crise et de secours aux populations ; enfin, mettre en synergie les forces de secours aux personnes et de réponse à l’urgence médicale.

Tels sont les points que je souhaitais développer. Je suis passionné par ma mission et j’ai les moyens de mener à bien l’action qui doit être la mienne pour répondre à l’attente des Français en matière de sécurité.

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, les BEA seront-ils seulement prolongés pour quelques années ou pérennisés ?

Quelle sera la répartition entre la police et la gendarmerie des 111 millions d’euros qui viennent d’être dégelés ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Les BEA seront prolongés jusqu’à la fin de 2017, si le Parlement y est favorable.

La répartition des sommes dégelées n’a pas encore été décidée : il sera bien sûr tenu compte de la spécificité des uns et des autres.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis. Il existe deux types d’écoles de jeunes sapeurs-pompiers (JSP) : celles des unions départementales et celles de l’éducation nationale. Il serait intéressant de voir préciser l’action gouvernementale en la matière.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question sur les crédits informatiques, qui seront absorbés en 2014 par le passage à Windows 7, qui implique de changer les ordinateurs.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Les écoles de jeunes sapeurs-pompiers sont assumées par les unions départementales de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, présidée par le colonel Faure. Il faut les soutenir, assurément, mais c’est aux SDIS, comme cela a été souligné lors du congrès de Chambéry, de faire le premier pas, car c’est à eux que profite ce vivier. L’État a davantage vocation à faire évoluer l’encadrement juridique. Il appartient au Gouvernement de faciliter la formation des jeunes sapeurs-pompiers – tel est le sens de l’engagement signé à Chambéry. D’une manière générale, le chantier de leur formation est prioritaire.

S’agissant des crédits informatiques, Windows 7 sera financé sur le dégel 2013 et sur le budget 2014 – 12 millions sur les 130 millions consacrés aux systèmes d’information et de communication en 2014. Le dégel permettra donc de financer une partie des dépenses liées à l’informatique.

M. Sébastien Pietrasanta. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui votre deuxième budget relatif aux sécurités. Comme l’année précédente, et malgré un contexte financier difficile, il s’agit d’un bon budget, qu’améliorent encore vos annonces de ce matin. Certes, on peut toujours espérer davantage. Les Français sont exigeants et les personnels impatients, d’autant qu’ils ont dû subir durant cinq ans une politique de Gribouille. N’est-il pas délicieux, d’ailleurs, d’entendre les députés UMP attaquer ce budget, alors qu’ils n’ont cessé de réduire les crédits de la sécurité sous la précédente mandature législature ? Mais il faut rappeler la situation du ministère lorsque vous êtes arrivé place Beauvau : une application mécanique et aveugle de la RGPP avait vidé les services de leurs forces vives, à hauteur de 13 700 postes en moins de cinq ans. Vous, monsieur le ministre, vous recréez des postes, et le plafond d’emploi augmente de 1 289 ETP pour la seule police.

Ce budget traduit une vision très moderne de ce que doivent être les forces de l’ordre. Vous assurez leurs missions de prévention, de protection et de secours des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire. Soixante-neuf zones de sécurité prioritaires (ZSP) ont été mises en place dès l’an dernier : elles n’ont pas vocation à s’enraciner sur le même territoire, mais à évoluer vers d’autres zones, dès qu’elles ont atteint leur objectif. L’augmentation très nette des postes ETP
– 400 policiers et gendarmes supplémentaires – profitera en priorité à ces zones.

Le budget illustre également votre volonté de lutter contre la délinquance organisée. Vous souhaitez mobiliser les services de renseignement, tant au plan local qu’aux plans national et international, ainsi que les polices scientifiques et techniques. C’est fondamental, parce que le petit dealer qui empoisonne la vie de ses voisins dans telle ou telle cage d’immeuble est à rattacher, directement ou indirectement, au producteur, au transporteur, au grossiste. Lutter contre la délinquance internationale, c’est protéger chaque particulier.

Pour mener à bien ce projet ambitieux, vous faites appel aux moyens les plus modernes, notamment informatiques, et aux grands fichiers transversaux. Mieux encore, vous mettez en œuvre une action interministérielle pour garantir cette sécurité qui, avec la lutte contre le chômage, demeure la priorité des Français. Saluons cette nouveauté, car, jusqu’à présent, le ministère de l’intérieur et celui de la justice ne savaient ni parler le même langage ni partager les mêmes préoccupations. Ne faut-il pas aller encore plus loin en faisant évoluer le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) pour une utilisation à la fois plus simple et plus opérationnelle ? Ne faut-il pas améliorer le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) qui facilite également l’élucidation des enquêtes criminelles ou délictuelles ? Quant au fichier des personnes recherchées (FPR), ne doit-il pas acquérir une autre envergure puisqu’il est complémentaire du précédent ?

Pour être plus efficace encore, ce budget développe la mutualisation des moyens entre la police nationale et la gendarmerie. Dans le respect de chacun, nous devrons sans doute aller encore plus loin dans les années à venir.

Dans le domaine de l’immobilier, faut-il rappeler l’utilisation par la droite de la désastreuse formule des PPP, qui reporte l’essentiel du coût d’une opération sur une ou deux générations à venir, qui en paieront finalement quatre fois le prix ? Certes, le bleu budgétaire comporte quelques dépenses immobilières financées en partenariat public-privé, mais il s’agit de crédits engagés avant votre arrivée. Il aurait été encore plus onéreux de rompre ces contrats que de les honorer. Pour exemple, je citerai l’opération de Sélestat – construction d’un hôtel de police – pour un montant de 16,5 millions d’euros au total, qui engagera, après 2015, la France à payer chaque année, jusqu’en 2049, de 6 à 7 millions d’euros, voire plus. Laissant à mes collègues le soin de mesurer le poids budgétaire d’une telle formule, je les renvoie aux pages 47 à 49 du bleu. Je note avec satisfaction que vous avez su financer d’une manière classique et bien plus courageuse de nouveaux chantiers, que ce soit le cantonnement des CRS de Pondorly ou l’hôtel de police du XIIIe arrondissement de Paris.

Monsieur le ministre, il conviendra également de se montrer plus attentifs aux crédits de fonctionnement et de petit investissement pour ne pas entraver la bonne marche de nos forces de l’ordre : vos annonces de ce matin sont rassurantes.

Au-delà des questions budgétaires, il est important de rapprocher la police et la gendarmerie de la population. La prévention de la délinquance, la baisse du sentiment d’insécurité si prégnant chez nos concitoyens et le rétablissement de la confiance des Français vis-à-vis de leurs policiers et de leurs gendarmes sont indispensables. Quelles mesures comptez-vous prendre en ce domaine ?

Enfin, permettez-moi de saluer au nom du groupe SRC les policiers et les gendarmes qui exercent un métier difficile pour la protection des biens et des personnes.

M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, votre talent avéré en matière d’affichage et de communication trouve une nouvelle illustration avec la présentation de ce deuxième budget de la législature de la mission « Sécurités ». C’est pour nous l’occasion de dénoncer ses faux-semblants et d’évaluer les résultats de votre politique, en fonction d’indicateurs différents de vos indicateurs maison que vous avez opportunément constitués au cours de l’année. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a récemment publié les chiffres de la délinquance : sur douze mois, de septembre 2012 à septembre 2013, ils traduisent une augmentation très forte, qu’il s’agisse des atteintes aux biens – plus 4,1 % – ou des atteintes à l’intégrité physique des personnes – plus 3 %. Ces chiffres traduisent un niveau historiquement élevé de la délinquance. Les résultats sont particulièrement mauvais.

Votre budget s’inscrit dans le contexte de très grande morosité qui frappe les forces de l’ordre, policiers et gendarmes. Pour la première fois depuis de très nombreuses années, un mouvement syndical de revendication puissant se dessine, avec une journée de revendication annoncée pour le 13 novembre prochain qui vise notamment à contester la mesure illégitime de suppression de l’ISSP à l’encontre des élèves des écoles de police et de gendarmerie.

La morosité est également entretenue par la défiance que certains messages de la majorité ont comportée à l’encontre de l’autorité républicaine qu’incarnent les forces de police et de gendarmerie : je pense à la mise en œuvre du matricule ou au « manque de discernement » que vous avez reproché aux policiers qui n’ont fait qu’appliquer les lois de la République dans l’affaire Leonarda.

La morosité a enfin pour origine la politique pénale qui est le premier facteur de l’augmentation de la délinquance. Vous avez opportunément dénoncé les risques du premier projet de Mme Taubira, et je vous ai alors soutenu. Les policiers sont en droit de réclamer une pause pénale dans les projets de la ministre, qui sont dangereux pour la sécurité et préoccupent donc légitimement les forces de l’ordre.

Vous avez parlé d’un dégel : est-ce pour calmer l’incendie allumé par le directeur général de la gendarmerie nationale qui n’avait fait que révéler la vérité de la situation des forces de l’ordre ? Il y a l’affichage – quelques effectifs supplémentaires : un peu moins de 0,2 % de la totalité des effectifs – et la réalité : cette augmentation des effectifs est accompagnée d’une diminution historique, elle aussi, des moyens mis à la disposition des forces de l’ordre. La situation actuelle des brigades de gendarmerie et des commissariats de police s’aggrave et le dégel de 111 millions d’euros intervient bien tard. Il n’aura aucun effet sur la fin de l’année 2013 et nous savons déjà qu’il y aura des reports de dépenses sur l’année 2014. Je reprends à mon compte les propos du directeur général de la gendarmerie nationale : budget sous tension, amplifié par les gels et surgels. Aucune commande de véhicule n’a pu être passée et les paiements incontournables n’ont pu être assurés. J’ai pu le vérifier dans mon département : à l’heure où je vous parle, un titre de recette d’un montant de 1,3 million sur les loyers des bâtiments construits par le conseil général des Alpes-Maritimes pour la gendarmerie, la police et la sécurité civile, n’est toujours pas honoré. Le projet de budget ne pourvoit pas aux dettes et aux retards. C’est, je le répète, un budget de faux-semblants qui ne répond pas aux préoccupations de nos concitoyens et aux attentes des forces de l’ordre en matière de sécurité. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP s’y opposera.

M. Yannick Favennec. La sécurité demeure l’une des prérogatives essentielles de l’État et, dans un contexte budgétaire contraint, la principale difficulté réside dans la nécessité de concilier deux impératifs distincts : améliorer l’efficacité de la lutte contre la délinquance et assurer la protection de nos concitoyens tout en participant à l’effort de maîtrise accrue des dépenses publiques.

La lutte contre la délinquance doit demeurer une priorité absolue, renforcée par la nécessité de concilier ordre public et protection des citoyens. Aussi faut-il saluer la progression constante des effectifs de police et de gendarmerie. La tâche des forces de l’ordre est très difficile face à une délinquance plus forte, plus virulente et plus jeune. Je le constate notamment en zone rurale dans le département de la Mayenne. Je vous ai récemment écrit, monsieur le ministre, pour vous demander d’être aussi le ministre de l’intérieur des territoires ruraux. Savez-vous que 8 000 vols ont été recensés dans les exploitations agricoles entre janvier et septembre 2013, ce qui représente une progression de 7,5 % – vols de matériels, de bétail, de cultures ? Ces vols et ces dégradations, qui peuvent anéantir des années de travail, constituent un préjudice moral et financier considérable pour des agriculteurs qui ont déjà bien du mal à faire face à une situation économique difficile. Cette délinquance touche également l’ensemble des habitants des territoires ruraux : il ne se passe pas de semaine sans que j’en reçoive des témoignages.

Comme le groupe UDI l’avait souligné l’an dernier, une politique de sécurité efficace ne peut se résumer à la hausse des effectifs de la police et de la gendarmerie. Toutefois, les apports de ce que le Gouvernement présente comme un budget salvateur pour la gendarmerie et la police nationale doivent être nuancés.

En premier lieu, l’évolution des dépenses de personnel s’accompagne d’une baisse très significative des dépenses de fonctionnement. En second lieu, les 405 créations de postes que prévoit ce budget seront à elles seules insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas de projets structurants, d’investissements et de stratégies à long terme, s’inscrivant dans une politique globale de sécurité.

La motivation des forces de sécurité intérieure doit avant tout être entretenue par des moyens suffisants pour assurer leur fonctionnement. La question immobilière, qui est un élément clé du fonctionnement de la gendarmerie, est devenue particulièrement préoccupante : certaines casernes se trouvent dans un état très dégradé. La gendarmerie rencontre également d’importantes difficultés pour entretenir le matériel, notamment pour renouveler son parc automobile. Je prends toutefois acte de vos annonces de ce matin relatives au budget de la gendarmerie.

En ce qui concerne la sécurité civile, la préservation du service des pompiers, en particulier des sapeurs-pompiers volontaires, et de son mode de fonctionnement demeure le principal enjeu de la mission. Le volontariat est au cœur de notre système national de sécurité civile et, à ce titre, il convient de promouvoir l’activité des sapeurs-pompiers volontaires dans notre dispositif de secours. Les sapeurs-pompiers volontaires assurent 85 % des secours dans les territoires ruraux. Ils forment un service de proximité indispensable à la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

Malheureusement, on assiste aujourd’hui à une crise du volontariat qui se traduit par une baisse des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires. C’est la raison pour laquelle il est urgent de rendre plus attractif encore l’engagement volontaire. Pour cela, il faut une politique exemplaire des SDIS : le département de la Mayenne conduit une politique volontariste dans ce domaine, notamment en construisant de nouveaux centres de secours.

Toutefois, ce qui est fait au plan local doit trouver un écho au plan national à travers une politique ambitieuse visant à favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires et à lutter, en particulier, contre la baisse de la disponibilité en journée, qui est constatée dans tous les départements français.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, il me paraît essentiel d’inciter davantage les entreprises privées à engager en leur sein des salariés pompiers volontaires. Si des mesures, somme toute assez symboliques, ont été prises dans cette direction par le passé, force est de constater que ces dispositifs, comme le mécénat d’entreprise, sont encore insuffisants. Ne pourrait-on pas permettre aux entreprises qui recrutent des pompiers volontaires de bénéficier d’une ristourne sur leurs primes d’assurance ou d’allégements de charges ?

Le Président de la République a, lors du dernier congrès national des sapeurs-pompiers, présenté un plan d’action pour les volontaires. Ses engagements me paraissent aller dans la bonne direction, même si je considère qu’on peut faire davantage encore pour inciter les entreprises et les collectivités locales à recruter davantage de sapeurs-pompiers.

M. Jean-Jacques Candelier. Il y a les gagnants et les perdants du projet de loi de finances pour 2014. L’enveloppe de cette mission, qui regroupe les programmes de la police nationale, de la gendarmerie, de la sécurité routière et – c’est nouveau – de la sécurité civile, voit ses crédits hors pensions portés à 12,19 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de 1 % par rapport à 2013. Les dépenses de fonctionnement seront d’environ 1,2 milliard d’euros, soit 10 % du budget de la mission. Les mutualisations permettront une baisse de ces dépenses de 0,4 %, ce qui représente une économie de 7 millions d’euros.

Les programmes « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » sont également réduits tandis que la sécurité civile et la gendarmerie nationale profitent pleinement des crédits supplémentaires.

Police et gendarmerie bénéficieront de la création de 405 emplois en 2014, en sus des 480 créés en 2013. La police bénéficiera de 60 % de ces créations de postes et la gendarmerie de 40 %. Elles viendront renforcer prioritairement les zones de délinquance les plus sensibles, en particulier les ZSP, Marseille et la Corse.

Le Nord ne doit pas être oublié : les chiffres de la délinquance y virent globalement au rouge depuis plusieurs mois. Combien de postes y seront créés dans les mois à venir ?

Après que l’UMP a détruit, au cours de la treizième législature, près de 10 700 emplois au sein des forces de sécurité, il était urgent de renforcer les effectifs dans les zones de délinquance les plus sensibles, en particulier dans les ZSP. Il faut redonner toute sa place à la police de proximité, car c’est le gage d’une amélioration du contact avec la population.

Il est bon que ce budget recrute, mais nous regrettons que toutes les créations de postes se fassent au détriment d’autres services publics : nous n’acceptons pas cette logique à effectifs constants. Avec un rythme de création de 405 postes par an dans la police et la gendarmerie, il faudra plus de vingt ans pour revenir sur les suppressions décidées sous la droite !

Selon les engagements présidentiels, il n’est prévu la création que de 5 000 emplois sur le quinquennat au bénéfice de la sécurité et de la police. Il nous paraît indispensable de recréer tous les emplois détruits sous les gouvernements de droite en cinq ans dans le domaine de la sécurité.

Il est par ailleurs urgent de revaloriser les conditions de travail des forces de l’ordre, qui accomplissent des missions souvent périlleuses. Il faut répondre à certaines revendications. Le pouvoir d’achat des policiers et des gendarmes doit être préservé.

Parmi les principales évolutions pour 2014, Bercy signale l’économie de 12 millions d’euros permise par la diminution de l’ISSP des élèves en école. Cette indemnité, communément appelée « prime de risques », passera de 26 % de la rémunération à 12 % pour les élèves gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie au cours de leur année de formation. Elle sera également réduite pour les élèves officiers et commissaires. Cette mesure représente une baisse mensuelle d’environ 200 euros pour ces jeunes fonctionnaires ou militaires. Comment la justifiez-vous ? De plus, le paiement des points de catégorie B pour les gradés et gardiens de la paix et sous-officiers de la gendarmerie qu’entraîne une modification catégorielle accusera un retard de neuf mois. Pourquoi un tel retard ? Comment accepter le non-paiement de la nouvelle bonification indiciaire due à certains majors de police ?

S’agissant par ailleurs du renseignement, certains emplois nouveaux permettront de créer la DGSI. La filière du renseignement territorial est actuellement revue, dans un objectif de coopération accrue entre les services de police et les unités de gendarmerie à tous les niveaux. On le sait, la gendarmerie traverse une crise d’identité. Jusqu’à présent, l’État aurait négligé sa contribution au renseignement, alors qu’elle couvre 95 % du territoire national. Pouvez-vous nous expliquer comment le rôle de la gendarmerie sera renforcé dans la réforme du renseignement ?

M. Paul Molac. Je tiens tout d’abord à féliciter les forces de gendarmerie qui ont encadré le blocage de l’abattoir de Josselin la semaine dernière alors que la tension était extrême entre les ouvriers de Josselin et ceux de Lampaul, le moment le plus périlleux ayant été le blocage de la quatre voies à la sortie d’un virage. Les forces de gendarmerie, placées sous l’autorité du préfet, ont géré la situation avec professionnalisme et doigté. Aucun incident n’est à déplorer. L’abattoir tourne normalement : il sera donc possible de restructurer la filière porcine en Bretagne.

Nous nous félicitons de la fin de la RGPP et d’une politique du chiffre qui incitait les forces de l’ordre à se concentrer sur les petites affaires plutôt que sur les affaires compliquées.

S’agissant de l’immobilier, d’importants retards ont été pris au cours des dernières années, l’immobilier ayant en quelque sorte servi de variable d’ajustement. Selon la DGPN, 41,5 % des bâtiments de police seraient dans un état « vétuste » ou « dégradé » – c’est ce que souligne un récent rapport sénatorial. La dégradation des locaux pèse autant sur les gardés à vue que sur les personnels et les victimes qui se rendent dans les commissariats.

Je vous avais alerté l’année dernière sur le cas d’une gendarmerie menacée d’écroulement. La réactivité de vos services a permis d’enclencher les procédures de rénovation. Nous avons également inauguré samedi dernier en présence du ministre de la défense une nouvelle gendarmerie. Une autre est en cours de construction. Vous avez identifié quarante-trois points noirs et pensez accélérer la politique de rénovation à compter de 2015-2017 : vous aurez tout notre soutien en ce domaine, car la situation réclame des solutions urgentes.

Depuis quelques années, le nombre des cambriolages a tendance à augmenter en zone rurale. Quelles actions peuvent être décidées pour y faire face ? Peut-on s’appuyer sur l’expérience des ZSP ? Certaines ont été mises en place sur des territoires où les cambriolages avaient fortement augmenté.

Concernant les commerces, la généralisation de systèmes de prévention situationnelle a été évoquée, comme le marquage ADN, qui est invisible et permet d’asperger sur un délinquant des empreintes durables par un nuage inoffensif. Où en est-on de la mise en place de cette technique ?

S’agissant des fichiers, un arrêt de chambre de la Cour européenne des droits de l’homme – il n’est donc pas définitif –, rendu le jeudi 18 avril 2013, a conclu que la conservation des empreintes d’une personne non condamnée constitue une violation de son droit au respect de sa vie privée, au titre de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Est-il envisagé de faire évoluer le droit à l’oubli pour les personnes innocentées ?

Malgré les coûts très lourds de la vidéosurveillance – le plan « 1 000 caméras pour Paris » coûtera 250 millions d’euros sur quinze ans –, son incidence reste souvent faible et non démontrée, comme l’a souligné la Cour des comptes. Qu’en est-il du financement via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) de l’installation de programmes de caméras, dont certains étaient assez contestables ? Je pense à Rennes-les-Bains, dans l’Aude, – 170 habitants en basse saison –, qui souhaitait que le FIPD finance 40 % des 60 000 euros que coûtait l’installation de caméras. L’enveloppe du FIPD sera-t-elle maintenue ?

Je suis heureux que le Président de la République ait décidé d’augmenter le nombre des distinctions honorant les sapeurs-pompiers volontaires : c’était une de leurs revendications. Qu’en est-il des 2 % de revalorisation de leurs indemnités ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Le FAED, pour sa partie rapprochement, a été modernisé en 2008-2010 : l’amélioration de ses performances est incontestable. Ce fichier sait désormais traiter les empreintes palmaires. Toutefois, comme la composante alphanumérique – les fiches individuelles – est technologiquement obsolète et ne prend pas en considération toutes les contraintes juridiques relatives notamment aux mineurs, ce fichier sera modernisé en 2014 et 2015. Le FNAEG est, quant à lui, en cours de modernisation pour améliorer la puissance du moteur de rapprochement et prendre en considération de manière automatisée les échanges avec les pays signataires du traité de Prüm. Le FPR sera rénové en 2014-2015, sans lien avec le FNAEG, compte tenu des contraintes juridiques de non-croisement des fichiers. Nous devons être prudents.

Le rapprochement de la population et de sa police est une priorité qui doit irriguer l’action des services. Un code de déontologie commun à la police nationale et à la gendarmerie sera publié à la date du 1er janvier, après son passage devant le Conseil d’État. Intégré au code de la sécurité intérieure, il aura une valeur quasiment normative, ce qui correspond à votre attente.

La transparence de l’action de la police passe par la mise en place d’un numéro d’identification sur les uniformes à compter du 16 décembre prochain. Cette disposition n’est en rien un signe de défiance à l’égard des forces de l’ordre, bien au contraire. Quant à la multiplication des occasions d’échanges par une présence plus forte sur la voie publique, en particulier – mais pas seulement – dans les ZSP, elle sera facilitée par la mise en place des délégués à la cohésion police-population. L’accueil dans les commissariats doit continuer de s’améliorer, s’agissant en particulier de la prise en charge des victimes, notamment des femmes. J’ai bien conscience qu’il faut s’attendre à une augmentation du signalement des faits de délinquance en ce domaine : en effet, l’amélioration de l’accueil des femmes victimes de violences, notamment intrafamiliales, se traduira inévitablement par une augmentation des déclarations. Nous pourrons ainsi mieux combattre cette violence, dans le prolongement de l’action menée par les travailleurs sociaux des collectivités territoriales.

La DGPN a tenu cette année des assises de la formation, qui conduisent à axer l’apprentissage du métier de policier sur la gestion des événements difficiles, en passant par des mises en situation pratique en termes de gestes techniques ou de lien avec les citoyens.

Enfin, la réforme de l’IGPN, mise en œuvre dès le 2 septembre 2013, conduira à renforcer le lien entre la police et la population, à la fois en termes d’ouverture, par la création d’une plateforme de signalement accessible aux citoyens, de lisibilité et de cohérence, par l’intégration pleine de l’IGS, actuellement sous l’autorité du préfet de police de Paris, dans l’IGPN en tant que délégation régionale francilienne, et de couverture territoriale, par la création des délégations de Rennes, Lille et Metz, en sus de celles de Lyon, Marseille et Bordeaux, avec une antenne à Nice.

Monsieur Ciotti, je suis convaincu que, au-delà des postures, la majorité et l’opposition pourraient se retrouver sur les questions de sécurité. Ayant été maire durant onze ans, parcourant aujourd’hui les territoires tant urbains que ruraux, je constate souvent que les mêmes politiques sont menées au plan local, qu’il s’agisse de l’existence de conventions entre la police nationale et la gendarmerie et les polices municipales, de la prévention et de la répression ou de la vidéoprotection. Tous, au plan local, vous partagez le même souci d’assurer la sécurité de nos concitoyens.

Il existe bel et bien de la violence dans la société. Contrairement à ce qui s’est fait dans le passé, je ne la cache pas et ne manipule pas les chiffres. D’ailleurs, comment pouvez-vous me reprocher d’avoir bâti un outil propre au ministère pour aussitôt souligner les chiffres récemment publiés par l’ONDRP, que je ne conteste en aucun cas ? La violence, notamment sur les personnes, augmente depuis trente ans et personne n’est parvenu à inverser la courbe. Les chiffres des cambriolages ont augmenté de 40 % entre 2009 et 2012. Monsieur Favennec, vous avez raison : je suis très préoccupé par les cambriolages en territoire rural. Je ne cesse de parcourir le pays. Je viendrai avec grand plaisir en Mayenne. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et moi-même consacrerons à ces questions un déplacement, qui nous permettra de rencontrer les exploitants agricoles.

En matière de statistiques, monsieur Ciotti, l’IGA s’est ouverte pour la première fois à l’inspection générale de l’INSEE. Je vous invite à lire avec attention le rapport, qui met en lumière tous les arrangements liés à la politique du chiffre : plus de 130 000 délits requalifiés chaque année en contraventions depuis 2004-2005 ! On peut se renvoyer les statistiques. Qu’il y ait une augmentation des violences aux personnes et des cambriolages, je le reconnais et cela m’inquiète. Ce phénomène, je le sais, s’inscrit dans une continuité. Je préfère assumer la réalité et publier des données exhaustives, sans remettre à plus tard la modernisation des systèmes d’enregistrement. Nous avons généralisé la pré-plainte en ligne, nous ne décourageons pas le dépôt de plainte par les victimes. À la suite des propositions formulées par MM. Le Bouillonnec et Quentin, nous avons en outre décidé de créer un service statistique ministériel dirigé par un membre de l’INSEE.

C’est votre droit absolu, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, de ne pas voter ce budget. Mais nous augmentons le nombre de gendarmes et de policiers là où vous-mêmes supprimiez les postes. Le budget de fonctionnement connaît une augmentation historique. Vous invoquez la communication, vous renvoyez à la politique pénale, mais c’est bien du budget du ministère de l’intérieur qu’il s’agit ici, pas de celui de la justice ! Je m’étonne de votre attitude, car ces éléments vont dans le bon sens. Qu’il faille ensuite aller plus loin dans l’organisation territoriale du travail de la police et de la gendarmerie, vous avez raison d’y insister. J’observe avec intérêt ce que font les Britanniques en ce domaine, non que je compte m’inspirer de leur politique de privatisation, mais parce que leur objectif est d’occuper d’abord et avant tout le terrain.

Monsieur Ciotti, puisque vous vous improvisez porte-parole des syndicats – ou plus exactement d’un syndicat –, permettez-moi de vous rappeler qu’un mouvement syndical très puissant a eu lieu entre les deux tours de la dernière élection présidentielle. L’ISSP n’est pas supprimée : son taux est abaissé. Entre 2008 et 2012, en revanche, la police nationale et la gendarmerie ont perdu 400 millions d’euros de crédits de fonctionnement et d’investissement et 13 700 emplois. En 2013, je confirme que, malgré un dégel tardif, tous les crédits seront consommés. Précisons que ces crédits ont augmenté de 2 % entre 2012 et 2013 et augmenteront de 1 % entre 2013 et 2014. Je ne méconnais pas les difficultés. Cette année, cependant, les loyers seront payés partout.

Dans la lutte des forces de l’ordre contre la délinquance, il peut y avoir parfois du vague à l’âme ou de la morosité ; mais quand même, quel engagement extraordinaire ! Vous êtes les premiers à le saluer sur le terrain : ne contribuez pas à alimenter le doute à ce sujet.

Bien entendu, les directeurs généraux de la gendarmerie nationale et de la police nationale m’alertent des difficultés rencontrées. Le Premier ministre, qui connaît bien ces questions, est totalement à l’écoute. Les parlementaires qui rapportent ce budget contribuent eux aussi à faire passer différents messages.

Encore une fois, je regrette le choix de l’opposition. Nous pourrions apporter ensemble la démonstration d’une volonté commune de combattre l’insécurité. Dans le contexte de redressement des finances publiques que vous connaissez, le budget des forces de sécurité est prioritaire. Au moins sur ce sujet, nous pourrions nous retrouver !

En Mayenne comme ailleurs, monsieur Favennec, la réorganisation de la gendarmerie doit permettre d’améliorer l’occupation du terrain et la capacité d’adaptation. Il est vrai que le ministère de l’intérieur éprouve souvent des difficultés à anticiper les évolutions de la délinquance. Or, ces dernières années, on a assisté à un transfert de cette délinquance et à l’apparition de nouveaux phénomènes. L’émergence de réseaux en provenance des Balkans et de l’est de l’Europe explique en partie la hausse du nombre de cambriolages – à ce propos, je me suis rendu récemment à Créteil pour saluer le travail qui a abouti au démantèlement d’un réseau responsable de plusieurs centaines de cambriolages et de vols à l’arrachée. Pour des raisons sociologiques, la délinquance se déplace aussi de la zone police vers la zone gendarmerie, si bien que le métier du gendarme évolue. Ses missions rejoignent souvent celles de la police nationale, non seulement en matière de lutte contre les cambriolages, mais aussi en matière de lutte contre les trafics, notamment de stupéfiants. Nos forces doivent s’adapter et se montrer mieux aptes à occuper le terrain et à faire face à ces formes de délinquance, en métropole comme dans les outre-mer – ce que j’ai vu en Martinique et en Guadeloupe est très préoccupant.

On me signale que les cambriolages sont en baisse de 6 % dans les Alpes-Maritimes. On voit là, sans doute, les effets de l’action de MM. Estrosi et Ciotti ! (Sourires.)

Il fallait également envoyer des renforts dans le Nord, car ce département, délaissé ces dernières années, se trouvait en dessous de l’effectif de référence. Mme Martine Aubry, avec l’affection qu’elle me témoigne régulièrement, me l’a fait remarquer à plusieurs reprises. Plus de la moitié de l’écart aura été comblée en 2013. Le solde le sera en 2014 grâce aux nombreux recrutements.

Le volontariat est au cœur de notre dispositif de sécurité civile et nous devons l’encourager. Je suis très favorable, je le répète, à la proposition de M. Pierre Morel-A-L’Huissier de constituer un groupe de travail pour y voir plus clair s’agissant du mécénat et du rôle des entreprises. Le taux de l’indemnité horaire des sapeurs-pompiers volontaires a été revalorisé de 1 % au 1er octobre 2013 et le sera de nouveau de 1 % au 1er janvier 2014.

Le financement de la vidéoprotection par le FIPD, monsieur Molac, sera en 2014 comme en 2013 de 20 millions d’euros. Je souhaite que tous les ministères participent à ce financement, afin que les nombreux dossiers, notamment ceux des ZSP que le fonds subventionne à 50 %, puissent être mis en œuvre. Je crois à l’efficacité de la vidéoprotection. Le pragmatisme exige que nous maintenions l’effort en le ciblant davantage.

Vous avez raison de souligner l’efficacité croissante de la police scientifique et technique (PTS). Les traces d’ADN ont permis de résoudre 8 211 affaires en 2009 et 17 922 dans les neuf premiers mois de 2013. La « PTS de masse » est à l’évidence la police de demain. Nous devons tirer parti de toutes les nouvelles techniques. Avec les professions concernées, nous souhaitons en particulier généraliser les dispositifs permettant aux commerçants d’entrer directement en relation avec la police et la gendarmerie. Les bijoutiers, les joailliers, mais aussi les buralistes, sont aujourd’hui les victimes des évolutions de la délinquance.

Plus généralement, nous travaillons à cibler les nouvelles formes de délinquance pour y apporter les solutions adaptées. Bien entendu, la police et la gendarmerie ne résoudront pas seules le problème de la violence dans la société. Mais ce budget leur donnera, en grande partie, les moyens d’y faire face.

M. Pascal Popelin. Les ZSP ont avant tout une vocation opérationnelle. La concentration des moyens humains et financiers sur un territoire ciblé et les efforts consentis pour une meilleure coordination de toute la chaîne d’intervention convergent vers un objectif : déraciner la délinquance dudit territoire, rétablir l’État de droit, améliorer les conditions de vie et de sécurité des habitants. On peut donc penser que le dispositif est limité dans le temps : une fois le but atteint, il n’y a plus nécessairement lieu de maintenir les moyens que l’on a déployés. Avez-vous fixé des échéances de réalisation des objectifs ? Le constat de la réussite du dispositif entraînera-t-il son arrêt et, éventuellement, son redéploiement dans d’autres territoires ?

Ne doit-on pas craindre des effets de transfert de la délinquance dans les territoires riverains des ZSP ? Pour prendre l’exemple de la ville de Livry-Gargan – où le projet de reconstruction du commissariat, dont je vous remercie d’avoir confirmé le financement dans le budget 2014, remonte à 2001 : en ce domaine comme en bien d’autres en matière de sécurité, on aura perdu dix ans ! –, on déplore le déplacement de certains trafics en raison, précisément, de l’efficacité de l’action menée dans la ZSP toute proche de Sevran. Quelle réponse entendez-vous apporter à ce problème ?

M. Sébastien Denaja. En tant que représentant de l’Assemblée nationale à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, je m’associe à l’appel au consensus lancé par Pierre Morel-A-L’Huissier en matière de sécurité civile. Je sais, monsieur le ministre, que les sapeurs-pompiers peuvent compter sur votre écoute et votre capacité de dialogue.

Pour arriver au consensus, il faut réunir deux conditions : avoir un bon ministre –et, comme plus de 70 % des Français, je suis convaincu que c’est le cas – et avoir un bon budget. Celui de la sécurité civile l’est, car il est marqué par une grande stabilité. La contribution à l’effort national de redressement est mesurée, et elle repose surtout sur la rationalisation et la mutualisation des moyens.

Vous avez déjà évoqué le déplacement de la base de Marignane à Nîmes, le renouvellement de la flotte et la mutualisation du parc d’hélicoptères – ce dernier sujet posant des questions quasi identitaires entre les « bleus » et les « rouges ». Pourriez-vous néanmoins nous rassurer sur la capacité de vol du parc, compte tenu de la hausse des carburants et des contraintes budgétaires qui affectent ce poste ?

M. Philippe Goujon. L’audit récent dont la police d’agglomération parisienne a fait l’objet devait alimenter, selon vous, une réflexion stratégique sur l’évolution du dispositif. Cette réflexion a-t-elle abouti ? D’autres zones seront-elles concernées ?

En matière de vidéoprotection, vous avez évoqué la mise en synergie et en cohérence de différentes salles de commandement dans la zone de police d’agglomération. Où en êtes-vous à ce sujet ? Entendez-vous appliquer un plan de vidéoprotection à l’ensemble du Grand Paris ? À Paris même, engagerez-vous une deuxième tranche du plan de vidéoprotection, sachant que l’État a financé la première à 95 % ?

Concernant les multiréitérants, sujet abordé dans une proposition de loi que j’avais présentée avec Éric Ciotti et que la majorité précédente avait adoptée en première lecture, nous ne disposons d’aucun outil judiciaire efficace. À Paris, plus d’un millier de multiréitérants sont mis en cause pour cent faits par chacun. Avez-vous des pistes pour améliorer la sanction ?

Parmi les délinquants mis en cause à Paris, environ 10 000 sont des ressortissants roumains, dont 400 mineurs. Quelles solutions préconisez-vous ? Le procureur de la République nous a indiqué que 60 % des faits de délinquance dans la capitale concernaient les mineurs, qu’ils soient auteurs ou victimes.

Enfin, une directive européenne sur l’accès des avocats au dossier lors des gardes à vue doit être prochainement transposée en droit français. Certains avocats en profitent pour contester la légalité des gardes à vue. Quelle est votre position à ce sujet ?

M. Erwann Binet. La RGPP, vous l’avez rappelé, s’est traduite par 13 700 suppressions de poste. Le virage engagé par le Gouvernement dès le PLF 2013 pour renforcer la présence sur le terrain des policiers et des gendarmes a permis de rétablir une certaine sérénité dans les brigades et les commissariats, tant pour ce qui concerne les perspectives d’avenir que pour les missions quotidiennes. Cela dit, la gestion des effectifs reste très tendue et les « trous à l’emploi » ne sont pas toujours pourvus. La RGPP avait également entraîné la fermeture de nombreuses écoles de formation. Cela ne risque-t-il pas de freiner la dynamique de création de postes ? Que comptez-vous mettre en œuvre pour accélérer les effets de cette dynamique sur le terrain ?

M. Guillaume Larrivé. Je n’avais pas voté contre les crédits de la mission « Sécurité » pour 2013, considérant qu’il vous appartenait de définir les moyens de votre politique et d’apporter la preuve de vos résultats. Un an après, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Vous le reconnaissez vous-même : vous n’avez pas enrayé la spirale d’augmentation des faits de délinquance. Les cambriolages, tant en zone police qu’en zone gendarmerie, ont augmenté de plus de 9 %. Plus préoccupant encore, l’activité opérationnelle des forces de sécurité a diminué. Entre juillet 2012 et juillet 2013, le nombre de patrouilles de surveillance de la police nationale a connu une baisse de 4,63 % sur l’ensemble du territoire. Dans cette même période, le nombre d’actions de surveillance des réseaux de transport terrestre a chuté de 15,42 %.

Il me semble nécessaire de changer le cap en privilégiant trois axes.

Tout d’abord, à enveloppe constante, il faut plus d’activité opérationnelle. Cela suppose de mieux reconnaître l’activité des policiers et des gendarmes en établissant, le cas échéant, un nouveau système de pilotage de la performance et des primes en fonction des résultats obtenus par les différentes unités.

Ensuite, il conviendrait de renforcer les partenariats avec les autres forces de sécurité, non seulement les services privés, dont la rationalisation est engagée, mais aussi les polices municipales – ce qui suppose des changements, à Auxerre notamment.

Enfin, le Gouvernement doit faire preuve de cohérence. C’est là, me semble-t-il, votre principal problème depuis dix-huit mois. Ce que fait la place Beauvau avec ardeur, la place Vendôme ne doit pas le défaire !

M. Christian Assaf. Je salue le déploiement des soixante-quatre ZSP en milieu tant urbain que rural. Au-delà se pose néanmoins la question de la territorialité de l’insécurité. Si l’on concentre les moyens humains et financiers de lutte contre la délinquance dans certaines zones – et c’est le cas de la totalité des 243 nouveaux emplois de policiers –, ne prend-on pas le risque de voir la violence se déplacer vers d’autres territoires ? Quel premier bilan peut-on dresser des ZSP ? Portent-elles leurs fruits en termes de réduction de la délinquance ? Quelles en sont les conséquences dans les zones limitrophes ? Quel est leur coût réel ?

Le corollaire de leur mise en place – en milieu urbain tout au moins – n’est-il pas une redynamisation des contrats locaux de sécurité, qui connaissent un certain essoufflement depuis la fin des années 2000, mais qui ont l’avantage de mettre en cohérence les différentes actions de prévention et de répression ? En particulier, la coordination entre la police nationale et les polices municipales doit être améliorée, en privilégiant la collaboration, la proximité et la réactivité. Cela permettrait de compléter le canevas des ZSP dans leur géographie et dans leur finalité.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ma question porte sur les quartiers contigus ou proches des ZSP lorsque celles-ci sont situées dans un tissu métropolitain très dense. On le sait, le lien entre la population et la police peut contribuer à l’établissement d’un sentiment de sécurité, tout comme la construction de dispositifs d’échanges entre toutes les forces de police. Nous prenons note, à l’occasion de ce budget, des nouvelles stratégies qui seront mises en œuvre. Pourriez-vous détailler comment celles-ci se déclineront sur le terrain ? En particulier, quel lien établira-t-on entre les acteurs de l’éducation, la police municipale et la police nationale ?

Mme Marianne Dubois. Nos compatriotes sont très attachés à la gendarmerie, qui, notamment en milieu rural, est un acteur indispensable. Outre ses fonctions traditionnelles, elle tisse du lien social, accueille le public et aide les personnes fragiles. Les gendarmes effectuent des missions très diverses : rendre visite aux personnes isolées, écouter le public, le sensibiliser, le prévenir, mais aussi contrôler.

Or l’audition par la commission de la défense du directeur de la gendarmerie nationale, le général Favier, le 16 octobre dernier, a soulevé de légitimes inquiétudes. Le budget pour 2013 prévoyait déjà une baisse de 2,8 % des dépenses de fonctionnement et d’investissement – jusqu’à moins 43 % pour les seules dépenses d’investissement. Cette situation engendre un réel malaise chez les militaires et chez les élus de tous bords. Vous avez annoncé des mesures nouvelles concernant le parc automobile, les dépenses d’énergie, l’immobilier, l’informatique. Nous serons très vigilants quant à leur concrétisation.

D’autre part, les gendarmes interviennent de plus en plus dans des conflits familiaux, qui occupent près de 40 % de leur temps. Le travail de secrétariat leur prend également beaucoup de temps et les éloigne de leur cœur de métier. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour décharger nos militaires de ces interventions chronophages ?

M. David Douillet. Avec cette maigre augmentation de 0,8 % hors pensions – c’est-à-dire un budget quasi gelé –, comment comptez-vous atteindre les objectifs que vous annoncez aux Français alors que la criminalité, vous l’avez reconnu, ne cesse d’augmenter ? Vous envisagez de recruter environ 400 personnels supplémentaires affectés aux ZSP actuelles et nouvelles, mais, parallèlement, vous baissez les dotations de fonctionnement. La base et les syndicats nous font pourtant savoir que, sur le terrain, les policiers en sont déjà à compter les ramettes de papier et que les gendarmes n’ont plus d’essence pour leurs véhicules. Ayez donc le courage de reconnaître que la direction du budget refuse de vous accorder des moyens : sur l’autel des arbitrages, les technocrates de Bercy ont vidé votre ambition politique de sa substance !

La réalité du terrain, c’est aussi le manque de reconnaissance à l’égard des forces de l’ordre, manifesté par la baisse de l’ISSP. Il n’y a pas meilleur moyen pour démotiver les jeunes recrues qui ont la volonté de s’engager au service de leurs concitoyens ! Je vous conjure de réfléchir à un palliatif. C’est la première fois qu’un Gouvernement s’attaque à la rémunération des fonctionnaires, et c’est par la police qu’il commence. C’est un peu triste ! Comment pouvez-vous encore prétendre que la sécurité des Français – et, partant, les moyens humains et matériels dont elle dépend – est pour vous une priorité ?

Mme Françoise Descamps-Crosnier. La mise en place des ZSP répond au besoin de rendre plus opérationnelle l’action des forces de sécurité dans des territoires où l’attente des populations est forte face à une délinquance marquée et diverse. Aujourd’hui, les soixante-quatre ZSP ont permis, avec le concours de l’ensemble des acteurs locaux de la sécurité, de trouver de nouvelles méthodes de travail afin de s’adapter aux spécificités de chaque terrain.

Votre circulaire du 30 juillet 2012 incitait les préfets à privilégier « les collectivités ayant une volonté d’action partenariale particulièrement dynamique en matière de sécurité et de prévention de la délinquance » pour déterminer les territoires à intégrer à ce dispositif. Les territoires où cette logique prévaut, ceux où les partenaires locaux, notamment les collectivités territoriales, sont entrés dans cette dynamique, usant de toute la palette des moyens fournis par le dispositif, connaissent des premiers résultats encourageants. Les dynamiques créées ont permis de modifier les habitudes de travail des uns et des autres au profit d’une plus grande coordination – en matière de relations entre la police et la justice, entre autres – et d’une meilleure complémentarité. Elles ont également permis d’explorer de nouveaux champs du spectre de la sécurité prise au sens large.

Dans d’autres territoires, la dynamique est parfois freinée par une vision des acteurs plus restreinte. Les résultats ne peuvent que s’en ressentir. Comment inciter les partenaires à développer l’intégralité des possibilités offertes par les ZSP ?

Je me réjouis des créations de postes au profit de ces zones. Les retours de terrain confirment l’importance du renforcement des liens entre police et population à travers la désignation d’interlocuteurs privilégiés. Ces liens de proximité sont indispensables à la compréhension de l’action des forces de sécurité. À cet égard, prévoit-on, parmi les nouveaux postes, des emplois spécialement destinés au renforcement du lien entre police et population, à l’instar des délégués à la cohésion police-population ? Comment définir le profil de ces délégués afin que les citoyens les identifient clairement ? Comment articuler le statut de policier et la création de liens avec la population ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Avec trente-huit homicides commis depuis le début de l’année, la Guadeloupe est devenue la région la plus meurtrière de France. Lors de votre visite, vous avez confirmé les annonces du Premier ministre et décidé d’élargir la ZSP à la commune de Baie-Mahault. J’approuve vos décisions et reconnais votre engagement pour combattre la délinquance en dépit des difficultés.

Je souhaite néanmoins réitérer ma demande : ne serait-il pas possible de mener des actions inopinées en dehors des ZSP ? La délinquance, en effet, se déplace, et la violence a pris une telle ampleur qu’il faut lutter non seulement contre les armes et les vols, mais aussi contre la drogue qui se répand sournoisement. Nos côtes poreuses ont une configuration archipélagique qui les expose à tous les types de trafic. Comment les protéger davantage ?

Il arrive que la population se mobilise contre les forces de l’ordre lorsque celles-ci interviennent. Quelles actions entendez-vous mener pour améliorer ces relations ? Je reconnais que vous aviez raison : dans un contexte d’insécurité, la clé du succès est bien le renforcement de la coordination entre les différents corps de sécurité et la population.

M. Olivier Marleix. Par tradition et par nature, je suis enclin à faire confiance au ministre de l’intérieur. S’agissant des effectifs, néanmoins, on a le sentiment d’un jeu de bonneteau. Vous affichez un nombre important de recrutements, mais ceux-ci sont essentiellement la conséquence de départs à la retraite. Vous affichez également, avec peut-être plus d’habileté que vos prédécesseurs, des schémas d’emplois théoriques à la hausse, même si celle-ci est très modeste : 0,2 % pour la gendarmerie, par exemple. Dans la réalité, pourtant, les effectifs ne sont pas dans les commissariats ou dans les brigades. L’effectif théorique, c’est bien ; l’effectif pourvu, c’est mieux !

J’aimerais aussi que vous usiez de votre force de persuasion pour nous expliquer comment, avec une baisse des crédits de fonctionnement hors immobilier de près de 10 % dans la gendarmerie, les gendarmes pourront faire face en 2014 à une hausse sensible de la délinquance – 12 % selon le dernier rapport de l’ONDRP – et à l’aggravation de la nature des faits – en particulier des trafics – dans leur zone de compétence.

Vous l’avez dit, les réseaux à l’origine des cambriolages sont européens. À quand un conseil des ministres de l’intérieur de l’Union européenne pour mieux coordonner la lutte ?

Mme Cécile Untermaier. La délinquance, vous l’avez dit, s’est en partie déplacée dans le monde rural, où des ZSP ont d’ailleurs été mises en place. Pour faire face aux spécificités de la délinquance rurale, des méthodes et des moyens particuliers sont-ils mis en œuvre dans ces zones ?

S’agissant du parc immobilier de la gendarmerie, le constat est largement partagé au niveau local. Des efforts importants sont nécessaires. Dans ma circonscription, qui est loin d’être un cas isolé, la situation du parc contraint les gendarmes à laisser derrière eux leurs familles faute de locaux décents. Une telle situation est contraire à l’esprit même de la gendarmerie nationale, qui doit être installée au cœur de la vie locale et citoyenne. Nous avons hérité de ce délabrement des locaux. Nous devrons y remédier, même si cela semble difficile en investissement. J’ai pris bonne note des quarante-trois projets qui seront pris en compte l’année prochaine, mais il faudra avancer rapidement sur cette question !

M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial. Votre visite aux Antilles il y a deux semaines vous a permis de vous rendre compte par vous-même de la réalité des outre-mer. Nous apprécions ce geste : en dehors des campagnes électorales, aucun de vos prédécesseurs n’avait pris la peine de se déplacer sur le terrain pour traiter les difficultés.

Certes, tout ne se règle pas par la sécurité, et nous saluons l’action forte que le Gouvernement et le ministre Victorin Lurel mènent en matière économique et sociale. Il faut néanmoins traiter en parallèle la question urgente de l’insécurité si l’on ne veut pas retrouver ailleurs la situation qui prévaut en Guadeloupe, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Nous appelons donc de nos vœux une police plus performante.

Je rendrai prochainement mon rapport au Premier ministre sur la régionalisation de l’emploi dans les outre-mer. Au-delà de la question de la mutation des fonctionnaires de police ultramarins dans leur région d’origine, je relève un phénomène particulier à La Réunion. En effet, les conditions d’emploi très attractives, cumulées à l’application des règles d’ancienneté administrative pour les affectations – décidée par l’un de vos prédécesseurs à la fin de 2002 –, font que l’âge moyen des policiers dans ce département est de quarante-cinq ans, contre trente-cinq ans en moyenne sur l’ensemble du territoire. Il en résulte une proportion élevée de fonctionnaires interdits de voie publique (IVP). Sans verser dans le jeunisme, ne pensez-vous pas qu’une pyramide des âges déséquilibrée est nuisible à l’efficacité des services de police ? Ne pourriez-vous envisager d’adapter les règles de mobilité pour rajeunir les effectifs de la police dans les DOM et, singulièrement, à La Réunion ?

M. Dominique Baert, président. Je ne voudrais pas que les effectifs supplémentaires que vous annoncez dans le département du Nord soient affectés au seul pôle lillois. Combien viendront renforcer la ZSP de Roubaix-Tourcoing-Wattrelos ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Nombre de questions portent sur les ZSP. Celles-ci ont été créées sur des territoires où la délinquance est enracinée ou connaît, comme c’est souvent le cas dans les territoires ruraux, une évolution anormale. Elles visent à apporter une réponse en profondeur. Les méthodes employées peuvent être mises en œuvre dans d’autres zones.

À ce stade, il ne me semble pas opportun de fixer des échéances à la réalisation des objectifs. Chaque zone fait appel à des mesures déployées par plusieurs institutions dans le cadre d’une coordination renforcée. La coordination avec les parquets, notamment, fonctionne bien dans la plupart des cas. Nous avons fait le bilan en mai dernier avec Christiane Taubira et l’ensemble des procureurs et des préfets concernés par les ZSP. Quand je vois le travail conjoint mené par les parquets et les forces de l’ordre, je suis excédé, je ne le cache pas, des critiques exprimées contre la justice !

Les ZSP bénéficient de moyens supplémentaires pour s’attaquer aux violences urbaines, à l’économie souterraine, aux cambriolages, aux incivilités. Les postes de policiers et de gendarmes créés pendant la durée du quinquennat y seront prioritairement affectés. La création d’autres ZSP à laquelle nous procéderons sans doute sera compatible avec nos moyens de fonctionnement.

À cet égard, je souhaite dire à M. Larrivé que les ZSP produisent des résultats en matière de lutte contre les trafics des stupéfiants, contre les nuisances – baisse de 11 % des atteintes à la tranquillité publique –, contre les violences urbaines – recul de 27 % des infractions – et même des cambriolages, dont le nombre diminue de 3 %.

Bref, lorsque l’on cible les phénomènes de délinquance dans certains territoires, on peut obtenir des résultats. Le discours de M. Larrivé et de M. Douillet serait crédible si les effectifs n’avaient pas chuté, si les violences n’avaient pas augmenté et si les cambriolages n’avaient pas explosé au cours des dernières années. Plutôt que de nous renvoyer des chiffres, nous ferions mieux de lutter ensemble contre la délinquance !

Votre suggestion d’améliorer le travail avec les polices municipales est intéressante, monsieur Larrivé. Le nombre des policiers municipaux – moins de 20 000 – reste très faible en France. J’encourage les collectivités à mettre sur pied des polices municipales et à engager des partenariats avec la police nationale et la gendarmerie.

Le secteur privé est aussi un partenaire. Le dispositif mis en place à Lyon pour protéger davantage les commerces tout en respectant la loi va dans ce sens. Nous entendons bien conforter le professionnalisme des métiers de la sécurité privée. J’espère présenter un projet de loi en 2013 pour aller plus loin dans ce domaine et dans celui des polices municipales. Vous avez parfaitement raison, madame Louis-Carabin, de dire que la coordination est la clé de tout. À ce propos, monsieur Lebreton, j’espère me rendre prochainement à La Réunion et à Mayotte, où la situation est préoccupante.

Les trafics auxquels nous devons faire face n’ont pas de frontières. Nous en parlons beaucoup au niveau européen et international, où nous devons être plus efficaces.

Votre question sur les effets de report de la délinquance sur les territoires voisins des ZSP m’est souvent posée, monsieur Popelin. C’est un phénomène que l’on constate parfois dans certains départements. On peut envisager plusieurs solutions pour y faire face. La ZSP ne saurait constituer un carcan, un territoire aux frontières infranchissables : c’est bien pourquoi je demande aux forces de l’ordre de faire preuve de réactivité et d’imagination ! Grâce aux polices d’agglomération, à la coopération entre police et gendarmerie qui est encore à parfaire, aux zones de sécurité mixtes que nous avons créées, nous pourrons agir dans des territoires aux frontières aussi mouvantes que celles de la délinquance. Il est d’ailleurs possible d’intégrer dans la ZSP – de manière limitée, afin de respecter la philosophie du dispositif – les zones limitrophes touchées.

Permettez-moi d’insister sur les possibilités offertes par les communautés de communes et d’agglomération en zone gendarmerie comme en zone police. La création de polices municipales au niveau intercommunal, dans le domaine des transports entre autres, permettra des améliorations. Je l’ai constaté dans les ZSP de Louvres et de Roissy, où les phénomènes de délinquance sont particulièrement mouvants.

Mais la politique de sécurité que je souhaite mener ne peut se résumer aux ZSP, madame Chapdelaine. À travers ces dispositifs, nous expérimentons des méthodes et des objectifs qui amélioreront notre efficacité sur l’ensemble du territoire.

L’activité des services, monsieur Larrivé, est en hausse. Elle a par exemple augmenté de 12 % pour les trafics et reventes, de près de 8 % pour les stupéfiants, avec une hausse de 8,5 % des mises en cause dans ces domaines. Si nous avons trouvé moins de policiers et de gendarmes sur le terrain, c’est que l’ancienne majorité avait supprimé 13 700 postes ! Ce qui est étonnant, d’ailleurs, c’est que vous avez créé des postes entre 2002 et 2007 – j’étais député à l’époque et j’avais voté, tout comme Jean-Pierre Blazy, la confirmation des créations de postes engagées par le prédécesseur de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur, Daniel Vaillant. Mais Nicolas Sarkozy a défait en tant que Président de la République ce qu’il avait fait en tant que ministre de l’intérieur, et cela sans que ses ministres de l’intérieur puissent s’y opposer.

Pour ma part, monsieur Douillet, je ne suis nullement dans un rapport de force avec Bercy. Le ministre délégué chargé du budget s’est montré très attentif à la mise en œuvre de l’engagement du Président de la République. Les choix du Premier ministre concernant le dégel des crédits pour 2013 vont dans le même sens. Comme vous l’avez dit très justement, madame Dubois, il faut donner à la gendarmerie – tout comme à la police – les moyens de son action de proximité, s’agissant notamment des véhicules et du carburant, tout en faisant évoluer son rôle face aux nouveaux phénomènes de délinquance.

Nous poursuivons la mise en cohérence de la vidéoprotection, monsieur Goujon. Le système développé pour Paris intra-muros permet désormais des extensions de raccordement en petite couronne. Grâce au FIPD, nous pourrons progressivement raccorder au réseau de la préfecture de police l’ensemble des centres de supervision urbains, les systèmes des grands équipements commerciaux et sportifs et ceux du réseau de transports. Les services de police ont déjà accès à plus de 10 000 caméras grâce à des partenariats, notamment avec Rosny 2, le CNIT et le centre commercial des Quatre Temps à La Défense, la RATP et la SNCF. Ces raccordements font l’objet d’une prise en charge par les sociétés concernées, avec le nécessaire soutien du FIPD.

La dynamique de la police d’agglomération se poursuit. J’ai demandé au préfet de police de Paris, Bernard Boucault, d’étendre à la grande couronne les interventions de la police des transports. J’en constate les résultats, notamment sur la ligne 402 – je n’oublie pas que je suis conseiller municipal d’Évry –, une des plus touchées par les violences.

J’ai également demandé au préfet de police de créer une sous-direction à vocation judiciaire pour mieux lutter contre la petite et moyenne délinquance des bandes et des cambrioleurs d’habitude. La délinquance des mineurs est l’un des plus grands défis de la société actuelle. C’est un sujet extrêmement compliqué, devant lequel la police elle-même se trouve en grande difficulté et qui nécessite de la part de nos systèmes éducatif et judiciaire des réponses parfaitement adaptées. Souvent, les mineurs sont utilisés. En région parisienne, la délinquance d’origine roumaine entre pour beaucoup dans l’augmentation de la délinquance des mineurs. Il ne s’agit pas de généraliser ou de stigmatiser : c’est une réalité indéniable. Nous obtenons des résultats très significatifs dans les lieux touristiques. J’en ai longuement discuté avec la première adjointe au maire de Paris, s’agissant notamment de l’action à mener dans les grands magasins. Je me suis également entretenu avec les directeurs de la SNCF et de la RATP des moyens de gagner en efficacité dans les transports en commun, où la délinquance est préoccupante. Plus généralement, nous devons obtenir des résultats contre les réseaux qui exploitent les mineurs et la misère humaine.

En matière de formation, monsieur Binet, les écoles devraient avoir une capacité suffisante pour accueillir les nouveaux recrutés en 2014. Alors qu’on les avait vidées, elles seront pleines ! Avec le directeur général de la police nationale, M. Baland, je suis très attentif aux conditions d’accueil et de formation. J’aurai d’ailleurs l’occasion de m’exprimer devant les nouveaux policiers et gendarmes qui sortiront de ces écoles. La baisse de l’ISSP n’atteint en aucune manière leur volonté de s’engager dans les forces de l’ordre.

Vous avez posé une question très intéressante, monsieur Assaf, sur le rapport entre les ZSP et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour en avoir beaucoup parlé avec le ministre délégué chargé de la ville, François Lamy, je crois qu’il faut réactiver ces derniers. Une convention lie l’action de nos deux ministères dans ce domaine. La situation varie selon les territoires. Je crois beaucoup à l’implication des élus : nous devons faire confiance aux maires qui s’engagent dans ce domaine – sachant qu’il y a parfois loin de la parole aux actes lorsque l’on entend certaines prises de position ! Tout ce qui permet une coproduction associant la justice, l’éducation nationale et les acteurs économiques dans la lutte contre les violences est bénéfique.

Les crédits de fonctionnement de la gendarmerie augmenteront de 1 % entre 2013 et 2014, monsieur Marleix. On vous aura donné des chiffres erronés !

Toutes les ZSP sont dotées d’un délégué à la cohésion police-population, madame Descamps-Crosnier. Je souhaite que ces personnels bénéficient d’une bonne formation, car j’attache beaucoup d’importance à l’amélioration du lien avec la population. Je demande aux policiers et aux gendarmes non pas de se justifier, mais d’expliquer la nature de leur mission.

Les mutations des agents du corps d’encadrement et d’application dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion s’effectuent en effet, monsieur Lebreton, dans le cadre spécifique du « mouvement général polyvalent ». Les candidats obtiennent satisfaction grâce à un capital de points qui leur est attribué, notamment, en fonction de leur ancienneté, de leur service dans un secteur difficile, de leur situation matrimoniale ou familiale. A priori, ce système garantit l’égalité de traitement de tous les fonctionnaires, quelle que soit leur origine, à partir de critères qui se veulent objectifs. Il permet également de concilier au mieux le légitime souhait de retour des originaires – qui bénéficient, contrairement aux non-originaires, d’une mutation à titre définitif s’ils le souhaitent – et les impératifs de gestion des ressources humaines de l’administration. Accorder des mutations plus rapides et plus massives, comme m’y invitent les nombreux courriers que je reçois des parlementaires de La Réunion, reviendrait à bloquer le système, les nouveaux arrivants devant attendre les départs en retraite pour pouvoir prétendre à une mutation. Je reconnais néanmoins qu’il existe là une vraie difficulté et qu’il nous faudra y travailler.

En Guadeloupe, madame Louis-Carabin, j’ai en effet annoncé l’extension de la ZSP à Baie-Mahault ainsi que la mise en place de deux équipes cynophiles, la rationalisation de la compagnie départementale d’intervention, l’adaptation des horaires à la délinquance – ce qu’on appelle la « semaine antillaise ». Je confirme le maintien des escadrons de gendarmerie, en particulier dans la ZSP de Pointe-à-Pitre, et la création de postes qui devraient démultiplier l’action des forces de l’ordre à condition que les réformes de fond soient menées. Je vais également confier à un préfet une mission de six mois pour que l’on puisse s’assurer, notamment dans votre département, de ce nouvel élan. En matière de police judiciaire, de coopération entre police et gendarmerie et d’action des forces de l’ordre, nous devons renforcer le dispositif.

Comme en 2012 et en 2013, monsieur Denaja, le potentiel opérationnel de la flotte aérienne de la sécurité civile est garanti en 2014. Le budget prévoit même une augmentation de 4 millions d’euros pour la maintenance.

Je remercie la majorité de son soutien exigeant à la mise en œuvre d’une des priorités du Président de la République. Je remercie aussi l’opposition de me soutenir sans vouloir le dire. (Sourires.)

M. Dominique Baert, président. Sans doute me transmettrez-vous ultérieurement la réponse à la question que je vous ai posée. Quoi qu’il en soit, nous vous remercions pour le temps que vous nous avez consacré et pour la qualité de vos réponses, qui témoignent de votre attachement au Parlement.

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À l’issue de l’audition de M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » (voir le compte rendu de la commission élargie du 31 octobre 2013), la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis « Sécurités » et de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile », les crédits de la mission « Sécurités ».

La Commission examine les amendements II-CL 23 et II-CL 24 de M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis « Sécurités ». Ces deux amendements ont été largement évoqués à l’occasion des échanges avec le ministre de l’Intérieur. L’amendement II-CL 23 vise à augmenter de 6 millions d’euros les crédits de titre 2 de l’action 6 « Commandement, ressources humaines et logistique » du programme « Police nationale » afin de financer le maintien au niveau actuel de l’indemnité de sujétions spéciales de police pour les élèves gardiens, officiers et commissaires issus des concours externes. Corrélativement, il propose de baisser les crédits hors titre 2 : à hauteur de 4 millions d’euros sur la sous-action « Gestion des moyens » et, notamment, sur la gestion financière centralisée de la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) et, à hauteur de 2 millions d’euros, sur la sous-action « Commandement, études et coopération internationale », qui rassemble des fonctions d’organisation des services et de prospective.

L’amendement II-CL 24 vise à d’augmenter de 5,8 millions d’euros les crédits de titre 2 de l’action 4 « Commandement, ressources humaines et logistique » du programme « Gendarmerie nationale » afin de financer le maintien au niveau actuel de l’indemnité de sujétions spéciales de police pour les élèves sous-officiers et officiers et de baisser, à due concurrence, les crédits hors titre 2 de cette même action 4, relevant de l’administration centrale.

Chacun a bien compris le sens de ces amendements. J’aurais souhaité que ces amendements puissent être adoptés par la Commission pour être, le cas échéant, en fonction d’évolutions positives, retirés en séance publique.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Après avoir entendu le ministre de l’Intérieur et par cohérence, je suis défavorable à ces deux amendements.

M. Sébastien Pietrasanta. Le ministre a fait une ouverture et semble avoir parfaitement compris la situation. Je propose donc que ces amendements soient retirés.

M. le rapporteur pour avis. Je vais retirer ces amendements et les redéposer pour la séance publique. J’aurais cependant préféré défendre des amendements adoptés par la Commission.

Les deux amendements sont retirés.

Puis, conformément aux conclusions de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile », et de M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis « Sécurités », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2014.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Ministère des Affaires sociales et de la santé - Conseil national de l’urgence hospitalière

—  M. le Professeur Pierre CARLI, président

• Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

—  M. le Colonel Éric FAURE, président

—  M. Guillaume BELLANGER, directeur de cabinet

• Ministère de l’Intérieur - Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

—  M. Michel PAPAUD, directeur général

—  M. Jean BENET, adjoint au directeur général

—  M. Christophe REYNAUD, sous-directeur adjoint des services d'incendie et des acteurs du secours

—  M. Marc DEMULSANT, sous-directeur adjoint de la planification et de la gestion des crises

—  M. Patrice FAURE, sous-directeur des moyens nationaux

—  M. Christophe DEBEYER, chef du bureau des affaires financières et juridiques

—  M. Jean-Philippe VENNIN, sous-directeur des ressources, des compétences et de la doctrine d'emploi

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