N° 2262
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2015 (n° 2234)
TOME XIII
RECHERCHE ET
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE
PAR M. Franck REYNIER
Député
——
Voir les numéros : 2234, 2260 (annexe 37)
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UNE STAGNATION DES DOTATIONS EN FAVEUR DE LA RECHERCHE 9
A. LE PROGRAMME 150 : FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE (ACTION 17 : RECHERCHE) 9
B. LE PROGRAMME 172 : RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES 10
C. LE PROGRAMME 193 : RECHERCHE SPATIALE 13
II. DES ORGANISMES TOUJOURS EN SITUATION DÉLICATE 17
A. LE BUDGET DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE (INRA) 17
B. LE BUDGET DE L’INSTITUT DE RECHERCHE EN INFORMATIQUE ET EN AUTOMATIQUE (INRIA) 20
C. LE BUDGET DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ ET DE LA RECHERCHE MÉDICALE (INSERM) 22
D. LE BUDGET DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS) 24
E. LE BUDGET DU CENTRE NATIONAL D’ÉTUDES SPATIALES (CNES) 27
F. LE BUDGET DU COMMISSARIAT À L’ÉNERGIE ATOMIQUE ET AUX ÉNERGIES ALTERNATIVES (CEA) 30
G. LE BUDGET D’IFP-ÉNERGIES NOUVELLES 33
III. QUEL AVENIR POUR LA POLITIQUE SPATIALE EUROPÉENNE ? 37
A. UN CONTEXTE INTERNATIONAL EN RAPIDE ET CONSTANTE ÉVOLUTION ET DE PLUS EN PLUS CONCURRENTIEL 37
1. Une compétition internationale accrue sur le marché des lanceurs 37
2. L’évolution du marché des satellites 38
a. Un marché des satellites assez restreint mais en expansion 38
b. La montée en puissance des satellites à propulsion électrique 38
c. Des lanceurs obligés de s’adapter 39
B. L’OBLIGATION POUR L’EUROPE DE REPENSER SA POLITIQUE ET SA GOUVERNANCE SPATIALES 40
1. Ariane 6 : l’épineux dossier du choix du successeur d’Ariane 5 40
2. Un premier pas récent vers l’intégration de la filière industrielle Ariane 42
3. Une meilleure gouvernance pour une meilleure compétitivité 43
a. La coordination renforcée entre l’ESA, les États-membres et l’Union européenne dans le nouveau cadre institutionnel européen 43
b. Une politique spatiale plus cohérente grâce à la « préférence européenne » 44
c. La participation de l’Union européenne au financement du Centre spatial guyanais (CSG) 45
4. Les autres enjeux du Conseil ministériel de l’ESA du 2 décembre 2014 pour l’avenir de la politique spatiale européenne 45
EXAMEN EN COMMISSION 46
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47
L’année 2014 fut une année importante pour la recherche française à bien des égards. La France est ainsi au sixième rang mondial pour le nombre de publications scientifiques et ses organismes de recherche tels que le CNRS, le CEA ou IFPEN sont aux premiers rangs des classements internationaux en tant qu’organisations innovantes (1). Le CNRS, premier organisme français de recherche interdisciplinaire et l’INSERM, premier organisme en recherche biomédicale en Europe, ont fêté respectivement leurs 75 et 50 ans en 2014, ce qui témoigne de leur faculté à s’adapter et se réinventer dans un paysage de la recherche en mutation. Cinq start-up issues des recherches du CEA viennent d’être récompensées parmi 110 lauréats, par le concours mondial de l’innovation de la Commission innovation 2030 lancé autour de 7 ambitions pour le développement futur de la France. Enfin c’est un enseignant-chercheur français, Jean Tirole, médaille d’or du CNRS en 2007 qui a reçu le prix Nobel d’économie.
Tous ces succès témoignent de la qualité de la recherche française - et en particulier de ses grands organismes - et de la confiance que les différents acteurs de recherche et développement y portent. Tous s’accordent pour s’efforcer de maintenir ce niveau d’excellence de la recherche française, gage de progrès scientifique et de compétitivité internationale.
Pourtant, la recherche française doit actuellement faire face à une période transitoire provoquée par l’évolution constante de son cadre législatif et territorial depuis 2006 – trois lois se sont succédé en 2006, 2007 et 2013 (2) - et par des restrictions budgétaires continues imposées par le Gouvernement dans un contexte budgétaire général de la France fortement dégradé. Au niveau territorial, les regroupements de sites par le biais notamment des communautés d’universités et d’établissements (COMUE), sont quasiment achevés depuis juillet et impliquent désormais l’élaboration de stratégies de site communes. L’Agence nationale de la recherche (ANR) a également complètement revu sa programmation et sa procédure de sélection en 2014, ce qui a conduit à des taux de réussite globaux très inférieurs à ce qu’ils étaient auparavant. Aussi la lassitude et le mécontentement s’installent-ils chez les chercheurs et les enseignants-chercheurs, en particulier chez les jeunes, comme en témoignent les contestations ouvertes envers la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche au mois de mai et le mouvement « Science en marche » initié cet été et dont la manifestation du 17 octobre visait en priorité à préserver l’emploi scientifique. Même le crédit d’impôt recherche, outil majeur du soutien à la recherche privée, fait régulièrement l’objet de vives contestations concernant son efficacité au regard de son coût de 5,3 Md€.
Par ailleurs, en plaçant la compétitivité au centre de l’agenda politique depuis deux ans, le Gouvernement entend faire de l’innovation le levier du redressement économique du pays. Cela exige de maintenir la recherche française au meilleur niveau mondial puisque la recherche est à même de produire de l’innovation, d’irriguer le tissu économique en emplois hautement qualifiés et, ce faisant, d’alimenter la croissance de long terme. À cet égard, les 34 plans de la Nouvelle France industrielle, qui ont tous été validés au moins de juillet 2014, ont un rôle moteur grâce aux engagements réciproques de l’État et des entreprises qui y ont souvent consacré des investissements poussés de recherche et développement. C’est dans ce même objectif que la nouvelle stratégie nationale de recherche (SNR) élaborée dans le cadre fixé par la loi du 22 juillet 2013 met en exergue la nécessité d’une recherche fondamentale d’excellence et fixe les axes stratégiques pour les cinq prochaines années en collaboration avec les cinq alliances thématiques de recherche. L’année 2015 verra les premières prises en compte de ces priorités au travers des contrats d’objectifs et de performance des organismes en renouvellement, de la programmation annuelle de l’ANR et des choix retenus dans le cadre de la deuxième vague des investissements d’avenir (PIA 2 – montant de 2,2 M€ pour la recherche). Dans un contexte général de maîtrise des dépenses publiques, votre rapporteur alerte le Gouvernement sur la nécessité de faire des choix stratégiques de long terme et sur des thématiques restreintes, ces choix étant les seuls à même de permettre à la France de garder son avance sur des sujets d’avenir et donc porteurs d’innovation.
Le projet de budget 2015 de la mission recherche et enseignement supérieur tend au premier abord à rassurer les acteurs de la recherche en confirmant cet investissement pour la jeunesse et la croissance fondée sur la recherche et l’innovation. Outre la création de 1 000 postes pour les universités et la préservation de l’emploi public dans les organismes de recherche, les crédits progressent de 128,7 M€ en autorisations d’engagement (AE) soit + 0,5 % par rapport à 2014 malgré un recul de 22,9 M€ en crédits de paiement (CP).
Si votre rapporteur est conscient des efforts du Gouvernement en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, en matière de recherche proprement dite, il s’inquiète du décalage persistant – c’était déjà le cas dans la loi de finances pour 2014 - entre les objectifs annoncés par le Gouvernement et les moyens mis en œuvre pour y parvenir.
La dotation des programmes « recherche » (P 172 et P 193) est quasiment stable par rapport à 2014 et s’établit au total à 7,76 Md€ pour 2015. S’il est vrai que pour 2015, les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR), opérateur principal du financement de la recherche sur projets en France, sont reconduits par rapport à 2014 à 605,15 M€ en AE avec même une augmentation à 580,03 M€ pour les CP (+ 4,88 M€ au titre du budget d’intervention), et qu’elle bénéficie de 9 ETPT supplémentaires sur son plafond d’emplois, la situation budgétaire de l’Agence n’en demeure pas moins difficile eu égard aux deux baisses de crédits consécutives de 12 % dont elle a fait l’objet en 2013 et en 2014 et qui font suite à des annulations de crédits massives et répétées depuis 2008.
Votre rapporteur avait déjà fortement souligné l’année dernière le caractère préoccupant de la faiblesse des crédits de l’ANR qui remettait en cause l’équilibre du financement sur projets, en entraînant le report de plusieurs programmes de recherche et des réductions pour l’ensemble des secteurs, et pourtant, le Gouvernement persiste dans cette voie dangereuse, à rebours de la tendance mondiale en matière de financement de la recherche sur projets (3).
Si 2013 avait été une année de rupture pour l’ANR avec une baisse drastique de ses crédits de financement, 2014 aura été une année de profonde réorganisation afin d’en intégrer toutes les conséquences. D’une part, le décret n° 2014-365 du 24 mars 2014, tout en introduisant une nouvelle gouvernance de l’Agence par la création d’une présidence exécutive, a ajouté trois missions supplémentaires (4) qui, combinées à la réorganisation interne menée par l’Agence depuis le début de l’année, permettra de renforcer le rôle, le pilotage et l’efficacité opérationnelle de l’ANR au sein du paysage français et international de la recherche. D’autre part, l’ANR a engagé le recentrage de sa programmation en adoptant son plan d’action 2014 (5) – reconduit en 2015 – en cohérence avec les objectifs du nouveau programme-cadre européen pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » et simplifié son processus de sélection des projets. Votre rapporteur doute cependant de la capacité de ces évolutions à compenser la faiblesse récurrente des crédits de l’Agence, faiblesse qui compromet d’autant l’efficacité de l’ANR en tant que levier vers de nouvelles orientations de recherche.
Surtout, et c’est la conséquence la plus regrettable, la diminution des crédits a impliqué une chute importante des taux de sélection aux appels à projets, ce qui a fortement été critiqué par la communauté scientifique. Ce phénomène est paradoxalement encore plus visible depuis la réforme en 2014 de la procédure de sélection, en deux temps avec pré-proposition, dans la mesure où le taux global des deux phases de sélection s’avère extrêmement faible autour de 8,5 %. Ce taux résulte de la combinaison de la réduction de l’effort de soumission des chercheurs par la pré-proposition qui a provoqué une inflation de dépôts de projets (6) et des faibles crédits d’intervention de l’ANR, dans un contexte où les besoins de financements sur projets semblent en augmentation. Beaucoup plus que le financement par voie récurrente, le financement sur projets peut être considéré comme un élément réellement moteur et dynamisant pour l'activité scientifique et l'innovation. En conséquence, la crainte majeure de taux de sélection trop faibles est de conduire à terme à une démobilisation de la part des chercheurs des organismes publics et pire encore, des entreprises (7), alors que l’un des objectifs de la recherche sur projet est justement de renforcer les collaborations et les partenariats publics-privés.
Du côté des organismes de recherche, les dotations (8) restent globalement stables par rapport à 2014 avec un total de 5,28 Md€, ce qui tend à pérenniser la situation de sous-dotation dans laquelle la plupart d’entre eux se trouvaient déjà l’année dernière, à laquelle s’ajoute le maintien d’une économie de 4 M€ sur les fonctions support des organismes de recherche. Cette situation délicate est aussi visible au niveau des effectifs qui restent stables à 65 393 emplois malgré la dispense d’application de l’objectif de réduction de l’emploi public aux établissements de recherche et d’enseignement supérieur.
*
* *
Pour l’ensemble de ces raisons, votre rapporteur vous demande de donner un avis défavorable à l’adoption des crédits pour 2015 des grands organismes de recherche de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ».
Comme l’année passée, le projet de loi de finances pour 2015 se révèle périlleux pour le secteur de la recherche. En effet, malgré une stabilisation de ses crédits au sein de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES), la recherche ne dispose pas des moyens que l’on est en droit d’attendre d’un Gouvernement qui souhaite notamment fonder le redressement de la France sur l’innovation. Alors que les crédits de paiement de la MIRES sont en léger recul de – 0,09 %, les autorisations d’engagement sont en augmentation de 0,50 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2014 pour atteindre 25,84 M€. L’enseignement supérieur (programme 150) bénéficie d’une progression globale de ses moyens, porté par l’action 231 « vie étudiante », qui bénéficie d’un abondement significatif de 44,20 M€ (soit + 1,80 %) en crédits de paiement par rapport à 2014, en faveur principalement des bourses sur critères sociaux (après + 6 % l’année dernière). Les crédits affectés à l’action « recherche » du programme 150 « formations supérieures et recherche universitaire » et au programme 193 « recherche spatiale » connaissent une hausse limitée à respectivement 0,48 % et 0,42 %, tandis que le programme 172 « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui concerne la majorité des grands organismes de recherche, connaît même une baisse de – 0,18 %. De manière générale, la part des crédits de recherche de la MIRES au sein du budget général de l’État ne cesse de diminuer depuis 2011, passant de 4,92 % à 4,51 % en 2014.
Jusqu’à présent, figuraient au sein des quinze actions du programme 150 « formations supérieures et recherche universitaire », les actions 6 à 12 qui relevaient spécifiquement du secteur de la recherche universitaire et ventilaient les crédits par grands domaines scientifiques. Dans le PLF pour 2015, ces sept actions de la recherche universitaire sont fusionnées en une seule action « recherche » générique. Cette évolution de la nomenclature garantit la cohérence scientifique avec le nouveau programme 172 fusionné (avec le programme 187 qui disparaît) de la MIRES (Cf B).
Cette nouvelle action 17 « recherche », la plus importante du programme 150 (29,9 % des crédits), correspond à un budget global de 3,80 Md€ (en autorisations d’engagements et en crédits de paiement) dans le PLF pour 2015, en légère hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 (+ 0,48 % ; + 18,13 M€). Elle s’inscrit dans le cadre plus général d’une stabilité du P 150, qui, dans un contexte très contraint des finances publiques, traduit une certaine priorité du Gouvernement accordée au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire.
Le détail des crédits par action se présente comme suit :
(en millions d’euros, autorisations d’engagement = crédits de paiement)
Programme 150 |
LFI 2014 |
PLF 2015 |
Évolution 2014-2015 |
Action n° 6 : Recherches universitaires en sciences de la vie, biotechnologies et santé (ancien) |
770,71 |
||
Action n° 7 : Recherche universitaire en mathématiques, sciences et techniques de l’information et de la communication, micro et nanotechnologies (ancien) |
370,33 |
||
Action n° 8 : Recherche universitaire en physique, chimie et sciences pour l’ingénieur (ancien) |
549,20 |
||
Action n° 9 : Recherche universitaire en physique nucléaire et des hautes énergies (ancien) |
13,36 |
||
Action n° 10 : Recherche universitaire en sciences de la terre, de l’univers et de l’environnement (ancien) |
165,82 |
||
Action n° 11 : Recherche universitaire en sciences de l’homme et de la société (ancien) |
985,12 |
||
Action n° 12 : Recherche universitaire, interdisciplinaire et transversale (ancien) |
925,51 |
||
Total actions 6 à 12 |
3 780,05 |
||
Action n° 17 Recherche (nouveau) |
3 798,18 |
+ 0,48 % |
Les principaux opérateurs chargés de mettre en œuvre ce programme sont, soit des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), soit des établissements publics administratifs, autonomes ou rattachés. Sont ainsi concernés les universités, les grands établissements, les instituts d’études politiques, les écoles d’ingénieurs indépendantes sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, les écoles normales supérieures et divers établissements à vocation de recherche et d’enseignement supérieur, dont les observatoires de Paris et de Nice et les cinq écoles françaises à l’étranger.
(en millions d’euros, autorisations d’engagement = crédits de paiement)
LFI 2014 |
PLF 2015 |
Évolution 2014-2015 | |
Programme 172 fusionné |
6 320,08 |
- 0,18 % | |
Programme 172 |
5 053,67 |
||
Programme 187 |
1 277,58 |
||
Total P 172 + P 187 |
6 331,25 |
Ce programme, placé sous la responsabilité du MESR, joue un rôle central dans la conduite de la politique de recherche et d’innovation, tant par son volume financier (6,32 Md€ pour 2015 : premier programme dédié à la recherche au sein de la MIRES) que par son étendue, puisqu’il couvre l’ensemble des champs scientifiques, et enfin par le rattachement de l’ANR, principal opérateur national de la recherche sur projets. Dans le PLF pour 2015, dans un souci de simplification et d’une meilleure coordination de l’ensemble des opérateurs de recherche dans toutes les disciplines (sauf le spatial), les programmes 172 et 187 sont fusionnés et les actions redéfinies selon six items correspondant aux contours des cinq alliances (9) et à la thématique de la recherche interdisciplinaire et transversale. Cette évolution garantit la cohérence scientifique, améliore la lisibilité et la sincérité de la budgétisation des crédits affectés à la recherche et positionne clairement les alliances dans leur fonction de programmation nationale de la recherche ainsi que dans leur rôle d’interface entre les orientations définies par le Gouvernement et la recherche réalisée par les opérateurs.
Le détail des crédits par action se présente comme suit :
(en millions d’euros, autorisations d’engagement = crédits de paiement)
Programme 172 ancien |
LFI 2014 (retraitée) |
Programme 172 fusionné |
PLF 2015 |
Part de l’action dans le programme |
Évolution 2014-2015 |
Action n° 1 : Pilotage et animation |
142,74 |
142,26 |
2,3 % |
- 0,34 % | |
Action n° 2 : Agence nationale de la recherche |
605,15 |
605,15 |
9,6 % |
0 % | |
Action n° 5 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie, biotechnologies et santé |
1 217,93 |
Action n° 15 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé |
1 217,12 |
19,3 % |
- 0,07 % |
Action n° 6 : Recherches scientifiques et technologiques en mathématiques, sciences et techniques de l’information et de la communication, micro et nanotechnologies |
985,81 |
Action n° 16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information |
985,47 |
15,6 % |
- 0,03 % |
|
|
||||
Action n° 8 : Recherches scientifiques et technologiques en physique nucléaire et des hautes énergies |
579,01 |
Action n° 17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie |
579,91 |
9,2 % |
+ 0,16 % |
Action n° 9 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la terre, de l’univers et de l’environnement |
1 094,88 |
Action n° 18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement |
1 100,88 |
17,4 % |
+ 0,55 |
Action n° 10 : Recherches scientifiques en sciences de l’homme et de la société |
418,97 |
Action n° 19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sociales |
405,76 |
6,4 % |
- 3,15 % |
Action n° 11 : Recherches interdisciplinaires et transversales |
62,42 |
62,94 |
1 % |
+ 0,83 % | |
Action n° 12 : Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies |
153,47 |
149,11 |
2,4 % |
- 2,84 % | |
Action n° 13 : Grandes infrastructures de recherche |
291,897 |
290,43 |
4,6 % |
- 0,50 % | |
Action n° 14 Moyens généraux et d’appui à la recherche |
778,95 |
781,03 |
12,4 % |
+ 0,27 % |
Les principaux opérateurs concernés sont prioritairement les grands organismes de recherche mais aussi des fondations (au premier rang desquelles se trouve l’Institut Pasteur) et des groupements d’intérêt public (principalement l’IPEV – Institut Paul-Émile Victor).
S’agissant de ce programme, les principales caractéristiques du PLF pour 2015 sont :
– la reconduction de la dotation globale 2014 de l’ANR en AE après deux ans de forte baisse (- 81,50 M€ soit - 11,87 % en 2014) et l’augmentation de 4,88 M€ de ses crédits de paiement ;
– les économies demandées sur le fonctionnement des organismes de recherche (TGIR : très grandes infrastructures de recherche incluses), hors ANR : - 4,21 M€ ;
– la reconduction au même niveau qu’en 2014 des dotations aux fondations et associations, et des contributions françaises aux organisations scientifiques internationales et au projet ITER.
Les dépenses fiscales rattachées à ce programme sont constituées à titre quasi-exclusif du crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR), instrument privilégié de la recherche privée qui permet aux entreprises effectuant des dépenses de recherche d’obtenir une créance fiscale sur l’État. En considérable augmentation depuis 2008, il se stabilise pour 2015 à 5,34 Md€ (contre 5,55 Md€ en 2014 soit – 3,8 %), auxquels s’ajoutent 5 M€ au titre de l’exonération de l’impôt sur les sociétés en faveur principalement des établissements publics de recherche.
Le PLF pour 2015 propose de fixer les crédits à 1 434,50 M€, ce qui représente, par rapport à la LFI pour 2014, une très légère hausse de 5,39 M€ soit 0,42 %.
(en millions d’euros, autorisations d’engagement = crédits de paiement)
Programme 193 |
LFI 2014 |
PLF 2015 |
Part de l’action dans le programme |
Évolution 2014-2015 |
Action n° 1 : Développement de la technologie spatiale au service de la science |
181,33 |
182,16 |
12,7 % |
+ 0,46 % |
Action n° 2 : Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la terre |
277,76 |
277,87 |
19,4 % |
+ 0,04 % |
Action n° 3 : Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication |
117,07 |
117,55 |
8,2 % |
+ 0,41 % |
Action n° 4 : Maîtrise de l’accès à l’espace (càd lanceurs et Centre spatial guyanais à Kourou) |
507,85 |
509,50 |
35,5 % |
+ 0,32 % |
Action n° 5 : Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique (càd ISS) |
220,71 |
221,21 |
15,4 % |
+ 0,23 % |
Action n° 6 : Moyens généraux et d’appui à la recherche |
81,83 |
83,65 |
5,8 % |
+ 2,22 % |
Action n° 7 : Développement des satellites de météorologie |
42,57 |
42,57 |
3 % |
0 % |
TOTAL |
1 429,11 |
1 434,50 |
+ 0,42 % |
L’opérateur principal de ce programme est, naturellement, le Centre national d’études spatiales (CNES), qui en tant qu’agence de programmes et centre technique, œuvre dans le cadre du contrat pluriannuel 2011-2015, tout en veillant à s’accorder avec les actions menées par ailleurs par l’Agence spatiale européenne (ESA). Le budget du CNES sera développé dans la deuxième partie de cet avis (II. E).
Le PLF pour 2015 propose de reconduire les crédits de 2014 du CNES au titre du budget multilatéral (P 193 et P 191), soit 733,86 M€ et d’accroître de 5,39 M€ (pour atteindre une enveloppe annuelle de 816,83 M€, soit + 0,66 %) les crédits accordés au titre de la contribution française à l’Agence spatiale européenne (ESA).
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME ET PAR TITRE
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
Numéro et intitulé |
Ouvertes en LFI pour 2014 |
Demandées |
FDC et ADP attendus en 2015 |
Ouverts en LFI pour 2014 |
Demandés |
FDC et ADP attendus en 2015 |
150 / Formations supérieures et recherche universitaire |
12 548 786 765 |
12 701 869 312 |
30 000 000 |
12 793 108 432 |
12 787 743 476 |
41 900 000 |
Titre 2. Dépenses de personnel |
580 888 999 |
573 069 384 |
580 888 999 |
573 069 384 |
||
Autres dépenses : |
11 967 897 766 |
12 128 799 928 |
30 000 000 |
12 212 219 433 |
12 214 674 092 |
41 900 000 |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
11 731 188 559 |
11 809 943 817 |
11 738 334 913 |
11 817 083 817 |
||
Titre 5. Dépenses d’investissement |
47 970 000 |
30 000 000 |
111 121 000 |
81 347 980 |
41 900 000 | |
Titre 6. Dépenses d’intervention |
94 217 061 |
97 587 561 |
94 217 061 |
97 587 561 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
142 492 146 |
173 298 550 |
268 546 459 |
218 654 734 |
||
231 / Vie étudiante |
2 446 168 721 |
2 505 525 973 |
4 500 000 |
2 455 754 721 |
2 497 950 973 |
9 500 000 |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
319 204 476 |
326 662 788 |
319 204 476 |
326 662 788 |
||
Titre 5. Dépenses d’investissement |
20 500 000 |
2 000 000 |
9 586 000 |
12 925 000 |
7 000 000 | |
Titre 6. Dépenses d’intervention |
2 030 744 078 |
2 063 143 018 |
2 030 744 078 |
2 063 143 018 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
96 220 167 |
95 220 167 |
2 500 000 |
96 220 167 |
95 220 167 |
2 500 000 |
172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires (LFI 2014 retraitée) |
6 331 251 153 |
6 320 079 602 |
6 331 251 153 |
6 324 959 540 |
||
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
5 272 701 570 |
5 270 730 996 |
5 272 701 570 |
5 270 730 996 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
1 058 549 583 |
1 032 529 689 |
1 058 549 583 |
1 037 409 627 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
16 818 917 |
16 818 917 |
||||
187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources (supprimé) (ancien) (LFI 2014 retraitée) |
||||||
193 / Recherche spatiale |
1 429 108 560 |
1 434 501 498 |
1 429 108 560 |
1 434 501 498 |
||
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
575 104 707 |
575 104 706 |
575 104 707 |
575 104 706 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
854 003 853 |
859 396 792 |
854 003 853 |
859 396 792 |
||
409 / Écosystèmes d’excellence (ancien) |
4 115 000 000 |
4 115 000 000 |
||||
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
100 000 000 |
100 000 000 |
||||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
700 000 000 |
700 000 000 |
||||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
3 315 000 000 |
3 315 000 000 |
||||
190 / Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 380 719 166 |
1 396 274 330 |
270 000 000 |
1 390 719 166 |
1 404 274 330 |
270 000 000 |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
1 272 287 639 |
1 296 565 209 |
1 272 787 639 |
1 297 763 104 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
85 343 191 |
75 700 308 |
94 843 191 |
82 502 413 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
23 088 336 |
24 008 813 |
270 000 000 |
23 088 336 |
24 008 813 |
270 000 000 |
410 / Recherche dans le domaine de l’aéronautique (ancien) |
1 220 000 000 |
1 220 000 000 |
||||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
150 000 000 |
150 000 000 |
||||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
1 070 000 000 |
1 070 000 000 |
||||
192 / Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
963 036 708 |
844 773 377 |
98 210 000 |
984 169 961 |
892 606 900 |
98 210 000 |
Titre 2. Dépenses de personnel |
101 014 219 |
103 653 816 |
101 014 219 |
103 653 816 |
||
Autres dépenses : |
862 022 489 |
741 119 561 |
98 210 000 |
883 155 742 |
788 953 084 |
98 210 000 |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
213 962 903 |
224 154 303 |
213 962 903 |
224 154 303 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
648 059 586 |
516 965 258 |
98 210 000 |
669 192 839 |
564 798 781 |
98 210 000 |
191 / Recherche duale (civile et militaire) |
192 074 745 |
192 074 745 |
192 074 745 |
192 074 745 |
||
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
33 312 031 |
33 318 031 |
33 312 031 |
33 318 031 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
6 000 |
6 000 |
||||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
158 756 714 |
158 756 714 |
158 756 714 |
158 756 714 |
||
186 / Recherche culturelle et culture scientifique |
112 639 698 |
117 304 698 |
80 000 |
114 539 698 |
117 139 698 |
80 000 |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
100 688 045 |
100 688 045 |
80 000 |
100 688 045 |
100 688 045 |
80 000 |
Titre 5. Dépenses d’investissement |
353 125 |
353 125 |
353 125 |
353 125 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
4 232 636 |
4 232 636 |
4 232 636 |
4 232 636 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
7 365 892 |
12 030 892 |
9 265 892 |
11 865 892 |
||
142 / Enseignement supérieur et recherche agricoles |
312 006 931 |
334 069 361 |
312 006 931 |
330 569 361 |
||
Titre 2. Dépenses de personnel |
190 777 485 |
200 654 435 |
190 777 485 |
200 654 435 |
||
Autres dépenses : |
121 229 446 |
133 414 926 |
121 229 446 |
129 914 926 |
||
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
67 982 224 |
66 161 704 |
67 982 224 |
66 161 704 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
45 007 222 |
47 513 222 |
45 007 222 |
47 513 222 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
8 240 000 |
19 740 000 |
8 240 000 |
16 240 000 |
||
Total pour la mission |
31 050 792 447 |
25 846 472 896 |
402 790 000 |
31 337 733 367 |
25 981 820 521 |
419 690 000 |
Dont : |
||||||
Titre 2. Dépenses de personnel |
872 680 703 |
877 377 635 |
872 680 703 |
877 377 635 |
||
Autres dépenses : |
30 178 111 744 |
24 969 095 261 |
402 790 000 |
30 465 052 664 |
25 104 442 886 |
419 690 000 |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
19 686 432 154 |
19 703 329 599 |
80 000 |
19 694 078 508 |
19 711 667 494 |
80 000 |
Titre 5. Dépenses d’investissement |
353 125 |
68 823 125 |
32 000 000 |
121 060 125 |
94 626 105 |
48 900 000 |
Titre 6. Dépenses d’intervention |
5 670 163 210 |
4 697 068 484 |
98 210 000 |
5 700 796 463 |
4 756 584 050 |
98 210 000 |
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
4 821 163 255 |
499 874 053 |
272 500 000 |
4 949 117 568 |
541 565 237 |
272 500 000 |
Source : BG 2015-MIRES
Après avoir vu de façon générale les moyens dont disposait la mission « recherche et enseignement supérieur », il nous semble opportun d’étudier de façon détaillée les crédits dont les principaux organismes de recherche rattachés aux programmes 150 (action 17 : recherche), 172, 193 et 190 (pour IFP-Énergies nouvelles) bénéficient dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.
Fondé en 1946, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) est depuis 1984 un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’agriculture. L’INRA couvre des champs disciplinaires très différents, qu’il s’agisse des sciences de la vie, des sciences économiques et sociales, des sciences de l’environnement ou des sciences de l’aliment. Il occupe les premières places mondiales – et la première place européenne – par ses productions scientifiques dans le domaine de l’agronomie. L’institut emploie près de 10 000 personnes. Le dispositif de recherche de l’INRA compte 13 départements scientifiques et 235 unités de recherche dont 74 % des effectifs implantés en province. Par l’intermédiaire de ses deux filiales de droit privé, INRA Transfert et Agri-Obtentions, l’INRA gère un portefeuille de 377 contrats de licence ainsi que 1 127 licences sur 508 variétés.
Le document d’orientation 2010-2020, adopté le 18 juin 2010 par le conseil d’administration de l’INRA, fixe le cap scientifique de l’institut pour la prochaine décennie de même que le contrat d’objectifs État-INRA 2012-2016 identifie quatre chantiers scientifiques prioritaires pour répondre aux défis de la sécurité alimentaire, de la protection de l’environnement et de la raréfaction des énergies fossiles (10).
À partir de 2015, l’accent sera mis sur la question climatique, notamment en prévision de la Conférence Paris Climat 2015 (COP 21), sur les nouvelles filières de la bio-économie (usages énergétiques ou chimiques de la biomasse, produits biosourcés), sur l’agro-écologie et sur la sécurité alimentaire mondiale.
Afin d’augmenter la capacité de programmation scientifique, huit méta-programmes transdisciplinaires ont été élaborés autour de thématiques comme « l’adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique » ou « la sélection génomique ». Environ un tiers des ressources de l’institut leur sont consacrées.
Le budget prévisionnel de l’INRA pour 2014 s’établit à 885,09 M€, en légère progression par rapport à 2013 (+ 3,48 M€ ; + 0,4 %). Il est financé à hauteur de 671,22 M€ par des subventions pour charges de service public relevant des programmes 187 « recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », 142 « enseignement supérieur et recherche agricoles » et 172 « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (- 8,25 M€ ; - 1,2 % par rapport à 2013), qui représentent 75,8 % des financements (contre 77,1 % en 2013). L’INRA s’est ainsi vu appliquer en 2014 une nouvelle mesure d’économie de 1,6 M€ sur sa subvention dans le cadre des orientations du Gouvernement portant sur les économies de fonctionnement des opérateurs de l’État. La dotation du programme 172 correspondant à la répartition du dispositif post-doctoral ministériel perd 6 ETPT (après une perte de 2 ETPT en 2013) pour s’établir à 16 contrats soit 489 000 €. Ces allocations budgétaires ne permettent plus à l’INRA, malgré la politique de maîtrise des charges, notamment salariales, engagée depuis 2011, de préserver les moyens directs de la recherche et de l’appui à la recherche. Les moyens des laboratoires sur subvention ont diminué de 1,8 M€ en 2014.
En 2014, l’INRA a bénéficié d’une décision favorable d’appliquer aux EPST un taux de mise en réserve réduit, soit 0,35 % pour la masse salariale et 4,86 % pour les autres dépenses. Il est à noter que ce taux était moins favorable que celui antérieurement appliqué (0,25 % et 3 % respectivement) et a diminué d’autant les ressources disponibles sur la subvention.
L’INRA dispose par ailleurs de ressources propres pour un montant prévisionnel de 221,12 M€, en augmentation de 22,87 M€ soit + 12 % et qui représentent 25 % des financements de l’institut. Elles proviennent à 69 % des contrats et soutiens finalisés à l’activité de recherche pour 153,16 M€, en forte augmentation par rapport à l’exercice précédent (+ 17 %) notamment grâce aux crédits reçus dans le cadre du programme des investissements d’avenir pour 25,50 M€ correspondant essentiellement à l’acquisition d’équipements et à ceux reçus de l’Union européenne (appels à projets ERC) pour 25 M€.
La masse salariale connaît une légère hausse en 2014 malgré une baisse des emplois, et représente 70,3 % des crédits ouverts au budget (première dépense de l’institut). Pour faire face à la diminution récurrente de la subvention d’État, l’INRA a renforcé sa politique d’optimisation et de rationalisation de ses dispositifs et processus de production tant scientifique que d’appui (11), a amplifié ses mesures de gel d’emplois déjà initiées en 2011 (réduction de 100 ETP par an), a réduit sensiblement ses moyens consacrés à la politique incitative et a renoncé à certaines opérations d’investissement immobilier.
Dans le PLF pour 2015, la subvention pour charges de service public du MESR (programme 172 refondu) est en très légère hausse et s’établit à 676,20 M€ (+ 0,66 M€ ; + 0,10 %). Cette évolution résulte de l’impact croisé de mesures d’économies (- 0,69 M€), du financement des mesures de revalorisation des catégories B et C (+ 1,45 M€), de la hausse de la cotisation employeur aux pensions civiles (- 1,11 M€), ainsi qu’une réduction de 140 000 € sur le dispositif post-doctoral ministériel (- 4 ETPT). La subvention du ministère de l’agriculture (programme 142) est stable par rapport à 2014. Au total, les subventions pour charge de service public s’élèvent à 677,85 M€. Cependant, une fois la mesure de revalorisation neutralisée, l’évolution de la subvention est en baisse de 0,1 %.
De plus, l’INRA devra faire face à deux difficultés supplémentaires en 2015 qui sont d’une part, la disparition de ses ressources provenant des redevances sur brevets (- 2 M€) et d’autre part, eu égard à la très forte territorialité de l’INRA, la réduction probable des ressources disponibles au titre des contrats de plan État-région (CPER) pour la période 2014-2020, en particulier pour le financement des équipements dédiés à la recherche. Enfin, compte tenu de mesures de transfert, l’INRA perd 4 ETPT sur son plafond d’emploi qui est ramené à 10 000 ETP.
Votre rapporteur se félicite de l’application en 2014 à l’INRA du taux réduit pour le calcul de la réserve de précaution, qui s’élève alors à 6,42 M€, même si un taux réduit de moitié, à l’instar des années précédentes, aurait été préférable (12). Il est indispensable que ce taux réduit au maximum soit reconduit en 2015, pour l’INRA et l’ensemble des EPST. De même, la mise en place d’un préciput (13) pour les projets financés sur la base des investissements d’avenir (comme c’est les cas pour les autres projets financés par l’ANR) qui constituent l’essentiel des projets coordonnés par l’INRA, permettrait de couvrir en partie les frais indirects induits par ces projets. De manière plus générale, l’élargissement du volume des frais généraux éligibles aux financements sur projets, à l’instar des projets de l’ERC (European Research Council) (14), permettrait de couvrir davantage les frais de gestion engagés à ce titre par les organismes de recherche.
Créé en 1967, l’Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA) est désormais un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’industrie. Il a pour missions de produire une recherche d’excellence dans les champs informatiques et mathématiques des sciences du numérique et de garantir l’impact, notamment économique et sociétal de cette recherche. Membre des alliances Allistene et Aviesan, l’INRIA constitue aujourd’hui un ensemble de haute renommée internationale s’appuyant sur 178 équipes-projets déployées au sein de huit centres de recherche répartis dans toute la France et représentant plus de 2 600 personnes.
La stratégie scientifique de l’INRIA, décrite dans le plan stratégique « Objectif INRIA 2020 » pour la période 2013-2017, est construite autour de deux axes complémentaires répondant au critère d’excellence scientifique : les sciences et technologies du numérique utiles à l’humain, à la société et à la connaissance (médecine et biologie, transport, communication et énergie) d’une part, et les développements scientifiques prioritaires au cœur de nos sciences (supercalculateurs, gestion des données et réseaux, interfaces) d’autre part.
Le budget prévisionnel de l’INRIA pour 2014 (net de la réserve de précaution) s’élève à 232,56 M€ en très légère diminution par rapport à 2013 (- 0,1 %). Il s’appuie sur une subvention du MESR portée à 169,11 M€ (- 0,41 M€ soit - 0,24 %) à laquelle s’ajoutent 2,16 M€ des 62 contrats du dispositif post-doctoral ministériel. La réserve de précaution à taux réduits s’élève à 2,68 M€, en augmentation de 65 % par rapport à 2013 (1,62 M€) en raison de l’application de taux réduits supérieurs en 2014 par rapport aux années précédentes. En outre, la masse salariale limitative de l’INRIA augmente de près de 2 M€ chaque année du fait du glissement vieillesse technicité et constitue une contrainte supplémentaire sur le budget de l’INRIA, surtout lorsque la masse salariale totale représente 72,2 % des crédits ouverts au budget. Au total, la dotation disponible nette pour l’INRIA est de 167,40 M€ soit 72 % du budget prévisionnel pour 2014.
Les ressources propres, estimées à 65,15 M€ (soit 28 % des ressources totales), augmentent légèrement (+ 0,61 M€ ; + 4,8 %) et intègrent principalement les contrats et soutiens finalisés à la recherche pour 53,56 M€ en légère baisse sauf pour les contrats de l’Union européenne (+ 3,26 M€). La forte hausse constatée des autres subventions et produits (+ 5,83 M€) s’explique par la reprise d’opérations immobilières (15).
L’INRIA poursuit depuis 2012 la mise en œuvre de mesures d’économies sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement non programmé (FCI), avec une baisse du budget initial de – 5,7 % en 2014 par rapport au budget réalisé de 2013. Des efforts ont été menés par l’INRIA pour l’optimisation de sa politique d’achat et pour la mutualisation interne des fonctions supports.
Dans le PLF pour 2015, la subvention pour charges de service public s’élève à 169,62 M€, en légère hausse par rapport à 2014 (+ 0,51 M€ ; + 0,30 %) du fait du réajustement de l’assiette de calcul des charges de pensions civiles. La dotation du dispositif post-doctoral, correspondant à 62 contrats (au lieu de 82 en 2013) s’élevait à 2,16 M€ en 2014, en baisse de près de 25 %. Eu égard au succès de ce dispositif pour l’accueil de jeunes chercheurs, principalement étrangers, et partant, pour l’attractivité de l’INRIA sur la scène internationale, votre rapporteur s’inquiète de cette diminution très pénalisante pour l’INRIA et demande que la dotation de 2014 soit reconduite en 2015 et intégralement intégrée à la subvention de base. De même, l’arbitrage mi-novembre de la réduction des taux normaux de la réserve de précaution, à l’instar des années précédentes, fait l’objet de fortes attentes de la part de l’INRIA.
Par ailleurs, le plafond d’emplois de l’établissement reste quasi inchangé en 2015 à 1 793 ETPT (-1 ETPT), ce qui est insuffisant au regard des missions actuelles. L’INRIA se caractérise par une population de permanents encore très jeunes avec des perspectives de départ à la retraite très limitées dans les années à venir, couplé de facto à un glissement vieillesse technicité important. Afin de garder les moyens de fonctionnement minimaux nécessaires pour conduire une politique scientifique, l’INRIA souhaite maintenir constante sa masse salariale limitative. Pour cela, une politique extrêmement volontariste de diminution du nombre d’agents sur des fonctions de support voire de soutien, au bénéfice des postes de scientifiques, sera menée, avec en particulier la limitation des contrats à durée déterminée alors que les deux tiers de l’ensemble des salariés de l’établissement sont titulaires de ce type de contrats : doctorants, post-doctorants, souvent étrangers, et ingénieurs.
En conclusion, le budget de l’INRIA ne correspond pas aux attentes placées sur le secteur du numérique par le Gouvernement qui en fait pourtant sa priorité. Votre rapporteur regrette d’autant plus cette situation que l’INRIA joue un rôle majeur dans le transfert des résultats de la recherche vers le monde économique. Depuis sa création, l’INRIA multiplie les dispositifs tels que les partenariats stratégiques avec les grands groupes (Bull, Google, Microsoft…), la création de laboratoires communs avec les PME/ETI (label Inria Innovation Lab) ou avec les grands groupes comme récemment Alstom (Inria Joint Lab), ou la collaboration étroite avec les pôles de compétitivité au niveau local. En matière de transfert, sa filiale INRIA-Participations permet d’améliorer la force de pénétration des start-up INRIA (120 créées au total pour 3 000 emplois), et grâce à l’outil d’amorçage IT-Translation Investissement, elle a contribué à la création d’une vingtaine d’entreprises depuis 2011, qui valorisent des résultats de travaux de recherche dans les sciences et technologies du numérique. Réduire les moyens d’intervention de l’INRIA revient à priver la France d’un atout considérable en matière de continuum de la recherche vers l’entreprise, étape où la France connaît ses principales difficultés, et dans un secteur à fort potentiel de croissance.
Plus largement, le Gouvernement semble avoir pris la mesure des enjeux du numérique pour le pays au travers des actions comme le plan France très haut débit de 20 Md€, les douze plans numériques dans le cadre de la Nouvelle France industrielle, la mission French Tech, le grand plan numérique pour l’école, ou l’enveloppe de 150 M€ dans le cadre de la deuxième vague des investissements d’avenir prévue pour le développement industriel de technologies numériques clés. Dans le contexte actuel de croissance exponentielle de la filière des technologies de l’information et de la communication (TIC), dont l’Europe représente le deuxième marché mondial avec un tiers de l’activité globale (16), la France, grâce en particulier à l’INRIA, dispose d’un atout de premier plan. Aussi votre rapporteur souhaite-t-il que le Gouvernement accorde plus d’attention aux programmes de recherche de l’INRIA.
Créé en 1964, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) est un établissement public à caractère scientifique et technologique placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la santé. Seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, l’INSERM assure la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale, en incitant les partenariats avec les autres établissements de recherche publics ou privés et les hôpitaux. L’organisation interne de l’INSERM en 10 instituts thématiques multi-organismes (ITMO) est aujourd’hui en phase avec la structuration thématique mise en place dans le cadre de l’alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). Près de 8 400 personnes travaillent à l’INSERM.
Au terme du contrat d’objectifs État-INSERM 2011-2015 et du plan stratégique 2010-2015, l’INSERM structure son action autour de quatre objectifs stratégiques consistant en la production et la diffusion de connaissances par la recherche, à leur transfert vers les applications cliniques et les applications industrielles, afin d’accroître leur valorisation économique. Le nouveau plan stratégique 2015-2020 devrait être adopté courant 2015.
Le budget prévisionnel 2014 de l’INSERM s’élève à 866,62 M€, en légère hausse par rapport au budget exécuté 2013 (+ 18,05 M€ soit + 2,13 %), alors que la subvention de l’État, de 604,61 M€ nette de réserve de précaution, ne représente plus que 69,77 % des financements, en baisse sensible par rapport à 2013 (72,55 %). Ce budget prend essentiellement en compte des mesures d’économies de fonctionnement (- 2,67 M€) et l’ajustement des crédits pour solde final du Plan Cancer 2 (+ 2,15 M€). La dotation du dispositif post-doctoral ministériel s’établit à 0,698 M€ et 20 contrats, soit huit de moins qu’en 2013.
Les ressources propres pour 2014, d’un montant de 315,40 M€, sont donc en nette progression (+ 8 %) par rapport à 2013 (292,14 M€) grâce notamment à l’augmentation des cofinancements des collectivités territoriales, aux soutiens des associations et fondations et aux contrats et soutiens finalisés à l’activité de recherche (306 M€) qui en représentent 97 %.
Les recettes contractuelles proprement dites atteignent 92 % des ressources propres (291,62 M€) et progressent de 7 % par rapport à 2013 grâce à l’augmentation des financements sur appels à projets de l’ANR (57,8 M€) et de l’Union européenne (50 M€ soit + 56 %).
En matière de personnels, alors que l’institut s’efforce de maintenir son attractivité pour les jeunes chercheurs, les recrutements en 2014 ont porté essentiellement sur les personnels statutaires, avec une pression de sélection très forte (10 % taux réussite au concours) tandis que les contractuels scientifiques ou techniques sur subvention publique ont été fortement contraints, créant une rupture de développement des actions menées dans le cadre des partenariats depuis plusieurs années (accueil de chercheurs étrangers, post-doctorants...). Les perspectives de recrutements pour 2015 sont encore revues à la baisse de plus de 40 %, renforcée par un contexte démographique peu propice aux départs à la retraite.
Dans le PLF pour 2015, la subvention pour charges de service public s’élève à 619,23 M€ soit en légère diminution (- 0,1 %) par rapport à la LFI 2014. Cette réduction tient compte d’un abondement de + 0,13 M€ pour les cotisations aux pensions civiles et d’une économie de – 0,814 M€ ciblée prioritairement sur les fonctions soutien et support de l’établissement. Votre rapporteur tient à souligner que cette faible réduction de la SCSP de l’INSERM (- 0,1 %) n’en constitue pas moins une contrainte considérable pour l’organisme dont les marges de manœuvre sur les fonctions support sont arrivées à épuisement. Avec une telle réduction, les priorités de l’INSERM pour 2015, portant sur la préservation de l’emploi de jeunes chercheurs et sur l’allocation systématique et prioritaire des moyens aux laboratoires de recherche, risquent d’en pâtir.
Surtout, la principale inquiétude tient dans la prévision du montant de la réserve de précaution. Votre rapporteur rappelle qu’il s’agit d’une difficulté récurrente pour l’ensemble des organismes de recherche. Alors que des efforts substantiels sont demandés aux établissements, le retour aux taux normaux les contraindrait à réduire la dotation affectée à leurs unités de recherche tant en fonctionnement qu’en personnel. En 2014, les taux moins minorés que les années passées ont réduit de 4,5 % la marge de manœuvre de l’institut qui a été contraint de revoir sa dotation en masse salariale au plus juste et à réduire les dépenses de fonctionnement des unités et services support. Comme votre rapporteur l’a déjà rappelé, il est indispensable que les établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) continuent à bénéficier des taux réduits de mise en réserve.
L’INSERM poursuit par ailleurs ses efforts en matière de réduction des dépenses (17). Les fonctions support et moyens communs sont prévues au plus juste, y compris pour les opérations immobilières. La mutualisation des processus et la rationalisation de la gestion des unités mixtes de recherche par des plateformes de gestion sont plébiscitées. Même si désormais, les réductions portent sur les achats, les efforts consentis ces dernières années pour réduire les moyens consacrés aux fonctions supports (- 5 % par an pour le siège et les délégations régionales) atteignent leurs limites, en particulier dans un contexte d’augmentation significative de l’activité. À titre d’exemple, la mobilisation de l’INSERM dans le cadre de la lutte actuelle contre le virus Ebola à la demande du Gouvernement ne s’est assortie d’aucun budget correspondant alors que les mesures nécessaires sont extrêmes coûteuses (recherches sur un antiviral, séquençage ADN…). Votre rapporteur réitère la demande de l’institut de procéder à la levée d’une part de la réserve de précaution de 3,7 M€ afin de couvrir ces dépenses exceptionnelles.
Enfin, afin de réguler le recours aux personnels contractuels (qui avaient presque triplé dans les laboratoires depuis 2005), d’optimiser l’encadrement et le suivi des agents recrutés en veillant à ce que ces contrats soient pleinement valorisants sur le plan professionnel y compris au terme de leur engagement, l’INSERM s’est doté, en mars 2013, d’une charte de bonnes pratiques applicable à tous les agents employés en contrat à durée déterminée par l’Institut (hors dispositifs spécifiques).
Créé en 1939, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Organisme pluridisciplinaire et interdisciplinaire, il couvre l’ensemble des domaines scientifiques : sciences humaines et sociales, biologie, physique nucléaire et des particules, sciences de l’information, ingénierie et systèmes, physique, mathématiques, chimie, sciences de la Terre et de l’Univers, écologie et environnement. Le CNRS est organisé en 10 instituts qui orchestrent la politique scientifique et en 19 délégations régionales. Il coordonne et participe aux recherches menées dans les très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Cela répond à l’une des cinq grandes priorités du CNRS, parmi lesquelles focaliser la direction du centre sur sa dimension scientifique et sa vision stratégique, et se recentrer sur la fonction de pilotage scientifique des unités mixtes de recherche en partenariat avec les universités. 32 915 personnes travaillent au CNRS.
Les priorités thématiques du CNRS pour 2015, outre le développement de l’interdisciplinarité avec la mobilisation des sciences humaines et sociales, concernent l’informatique (sécurité, stockage des données) et les sciences de l’environnement (stockage de l’énergie).
Le budget prévisionnel du CNRS pour 2014 s’élève à 3 272,29 M€ dont 2 569,55 M€ de subvention pour charges de service public (SCSP) et 2,09 M€ de dotation au titre du dispositif post-doctoral ministériel correspondant à 60 contrats. Nette de la mise en réserve, la SCSP représente 78,6 % du budget. Ce budget est en recul de 4,19 % par rapport au budget prévisionnel pour 2013.
Le montant des ressources propres est évalué à 700,65 M€, en baisse de 12,7 % (- 101,73 M€) par rapport à 2013. Ce sont les contrats et soutiens finalisés à l’activité de recherche (596,35 M€) qui connaissent la plus forte baisse avec une perte de 101,13 M€ soit - 14,5 % par rapport à 2013. Les redevances, prestations de services, ventes de produits, d’un montant de 37,03 M€ (- 0,85 M€ ; - 2,2 %) et les subventions autres que les contrats pour 67,28 M€ (+ 0,25 M€ ; + 0,37 %) se maintiennent.
Les recettes contractuelles proprement dites atteignent 421,8 M€ pour les contrats de recherche avec des tiers publics (– 1,4 % par rapport à 2013) et sont évaluées à 30 M€ pour les contrats avec des tiers privés, ce dernier montant étant sensiblement variable d’une année sur l’autre.
La dotation – incluse dans la subvention de l’État - destinée aux dépenses de fonctionnement, d’équipement et d’investissement (FEI) s’élève à 456,6 M€ en diminution de 3,7 % par rapport à 2013. La part du budget des unités a ainsi diminué, notamment du fait de l’application d’un taux de mise en réserve semi-réduit en 2014 ; mais en raison de choix opérés par l’établissement sur des redéploiements internes, la dotation FEI des laboratoires a pu être augmentée de 8,3 % à hauteur de 145,20 M€.
Dans le PLF pour 2015, au sein de la mission « recherche et enseignement supérieur » stable et du programme 172 « recherches pluridisciplinaires » en léger repli, la subvention d’État versée au CNRS, d’un montant de 2 596,24 M€, semble relativement préservée (- 0,16 % ; - 4,17 M€). Le taux des pensions civiles de 2014 est reconduit en 2015 (74,6 %) et la dotation allouée aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) bénéficie d’un abondement de 1,9 M€.
Si cette réduction de crédits ne remet pas encore en cause le fonctionnement et la programmation du CNRS, il n’en demeure pas moins que si la tendance se poursuit en 2016, il deviendra très difficile pour le CNRS de ne pas réduire l’effort en faveur de certains programmes de recherche.
Tout d’abord, à l’instar des autres organismes de recherche, la question de la réserve de précaution est très sensible pour le CNRS qui y a consacré 30,9 M€ en 2014 (contre 18,2 M€ en 2013, du fait de l’application de taux semi-réduits). Si les taux de 0,5 % sur la masse salariale et de 8 % sur les autres dépenses sont appliqués en 2015, ce sera 47,6 M€ qu’il faudra réserver, soit 17,7 M€ en moins pour les unités de recherche. Votre rapporteur souligne à nouveau la nécessité de maintenir les taux réduits de réserve de précaution pour l’ensemble des organismes de recherche.
Ensuite, en matière d’effectifs, le CNRS parvient encore à remplacer tous les départs à la retraite des personnels permanents. Les prévisions de recrutement pour 2014 sont identiques à celles de 2013 (300 chercheurs et 342 ingénieurs et techniciens). Les contraintes pesant sur la masse salariale (1)) conduisent toutefois à réduire les effectifs des personnels sur contrats à durée déterminée rémunérés sur subvention d’État. Même si cette réduction répond de l’objectif de résorption de la précarité dans la fonction publique, les années 2016 et suivantes laissent toutefois présager des difficultés à niveau de subvention constant, car la capacité d’ajustement sur les CDD atteint ses limites fonctionnelles et opérationnelles. La conséquence sera une chute très importante des recrutements à partir de 2016.
Enfin, le CNRS a travaillé à plusieurs axes d’optimisation des dépenses : la procédure d’allocation des moyens, dans un souci de transparence, fait l’objet depuis 2011 de dialogues de gestion avec toutes les unités de recherche et d’un référentiel budgétaire commun à l’ensemble des unités tandis que la politique des achats (19) fait l’objet d’un plan d’actions détaillé selon le type d’achat et de besoin. Les portefeuilles de brevets sont également révisés chaque année depuis 2013 afin de maîtriser leurs coûts de portage. Parallèlement, le plan d’action pour les fonctions support 2012-2015 permet, tout en gardant un taux de fonctions supports à 11,8 %, d’améliorer l’efficacité et la pertinence de leur niveau d’exercice (20). La rationalisation de la gestion des unités mixtes de recherche se poursuit également (21). Les efforts ainsi menés permettent pour l’instant au CNRS de compenser la baisse des dotations de base, mais ceux-ci finiront par trouver leurs limites. Dans ce contexte, des choix stratégiques d’arrêt de certains programmes de recherche sont inéluctables.
Institué en 1961, le Centre national d’études spatiales (CNES) est un établissement public industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la défense. Chargé de proposer au Gouvernement et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France en Europe, le CNES est à la fois une agence de programmes et un centre technique dont l’activité s’inscrit depuis plusieurs années dans un cadre multinational, notamment en partenariat privilégié avec l’action menée par l’Agence spatiale européenne (European Space Agency ou ESA), où il représente la France. Les effectifs du CNES sont stables autour de 2 450 collaborateurs.
Le contrat de performance État-CNES 2011-2015 oriente l’action de l’établissement dans trois directions :
• la participation à la montée en puissance de l’Union européenne dans le domaine spatial ;
• la mise en service de systèmes spatiaux décidés au niveau national, seul ou avec des partenaires étrangers, afin de maintenir l’excellence scientifique française et de contribuer à la mise en œuvre des politiques publiques ;
• le concours et l’expertise au développement des nouvelles générations de satellites (ex : SWOT en 2020 avec la NASA pour l’altimétrie) et de lanceurs (Ariane 5 ME et Ariane 6).
Les priorités thématiques retenues par le CNES en 2015 s’inscrivent dans le cadre d’Ambition 2020, la feuille de route destinée à développer l’innovation au CNES et maintenir la place de la France parmi les premières puissances spatiales. On peut notamment citer :
– dans le domaine de l’accès à l’espace, le projet Ariane 6 et la préparation des décisions du conseil ministériel de l’ESA de décembre 2014 sur le développement du futur lanceur, et l’adaptation d’Ariane 5 aux satellites de télécommunication à propulsion électrique ;
– dans le domaine des sciences, le programme Cosmic Vision de l’ESA pour la connaissance de l’Univers (Euclid, Solar Orbiter…), et l’exploitation de Gaïa pour lequel le CNES joue un rôle majeur dans le traitement des données ;
– dans le domaine de l’observation de la Terre, la montée en puissance du projet européen Copernicus (ex-GMES), le démarrage du développement du nouveau sondeur IASI NG pour la météorologie et la poursuite des travaux sur SWOT pour l’océanographie et l’hydrologie avec les États-Unis ;
– dans le domaine des télécommunications, le déploiement de Galiléo (opérationnel en 2020) et la compétitivité de l’industrie des télécommunications par satellites avec de nouvelles plateformes (Alphabus et Néosat) et de nouvelles charges utiles (THD) ;
– dans le domaine de la Défense, l’observation optique avec l’exploitation de Pléiades, la préparation des technologies de rupture pour les futures générations de systèmes d’observation (CSO) et l’écoute (Ceres).
Le budget prévisionnel du CNES pour 2014 s’élève à 2 062,90 M€ dont 551,80 M€ de subvention pour charge de service public du programme 193 « recherche spatiale » et 49,30 M€ de dotation d’investissement du programme 191 « recherche duale » qui relève du ministère de la défense, soit un total de 601,10 M€. Le montant de la subvention d’investissement est très faible car celle-ci a fait l’objet d’une annulation de crédits de 109,50 M€ dont le montant a été intégralement compensé par une convention signée au titre du PIA 2.
Pour 2015, la subvention pour charges de service public, est stable par rapport à 2014 et s’élève à 733,86 M€ au titre du programme multilatéral, qui comprend les crédits du programme 193, d’un montant de 575,11 M€ et ceux du programme 191, d’un montant de 158,76 M€.
La stabilisation des ressources budgétaires du CNES, qui est remarquable dans un contexte de forte contrainte budgétaire, constitue néanmoins un changement important par rapport à la trajectoire actuelle qui reposait sur une hypothèse de croissance des crédits du programme 193 dédiés au plan à moyen terme (PMT) « multilatéral » de + 1,5 % par an. À titre illustratif, le maintien de la subvention au niveau de celle de la loi de finance initiale pour 2014 sur la période 2015 à 2020 (734 M€ par an) et la reconduction des taux de mise en réserve pratiqués en 2014 (4,86 % sur le P 193 hors masse salariale et 7 % sur le P 191) conduiraient le CNES à une perte totale de ressources de l’ordre de - 200 M€ sur 2015-2020 (ce qui équivaut au financement d’environ une dizaine de programmes de recherche et technologie), par rapport à la trajectoire validée dans le plan à moyen terme.
Dans un tel contexte, la priorité du CNES sera de poursuivre son effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement (le Centre spatial guyanais représente 50 % des dépenses de fonctionnement du CNES) et d’investissement (- 2 % par an), d’éviter de remettre en cause les programmes décidés et les missions en exploitation, et de préserver autant que possible les crédits dédiés à la préparation de l’avenir comme le lanceur Ariane 6. En effet, compte tenu du caractère stratégique que revêt la maîtrise des technologies spatiales des points de vue politique, scientifique, technologique et industriel, votre rapporteur considère qu’il est essentiel qu’un établissement comme le CNES conserve une capacité à mener des dépenses de R & D significatives (576 M€ en 2014) et maintienne dans sa programmation des ouvertures de nouvelles missions sur un horizon de moyen terme. Naturellement, les programmes à décider constitueront le point difficile de l’exercice. La nouvelle programmation du CNES sera présentée au Conseil d’administration le 5 décembre 2014.
De même, votre rapporteur est attentif à ce que le taux réduit de mise ne réserve soit reconduit pour 2015 et que les crédits du CNES ne soient pas réduits au cours du débat budgétaire au Parlement.
Parallèlement, la subvention destinée à honorer la contribution française à l’ESA s’élève à 816,83 M€ (+ 5,39 M€ soit + 0,66 % par rapport à la LFI 2014). Cependant, l’évolution de la dette de financement française et ses modalités de remboursement seront réestimées dès que les besoins en souscription des programmes Ariane seront définis lors du Conseil ministériel de l’ESA de Luxembourg le 2 décembre 2014.
Votre rapporteur tient à souligner que le CNES et la recherche spatiale française connaissent des succès exceptionnels depuis 2003. Avec un chiffre d’affaires de 3 Md€ et 16 000 emplois générés en France, la filière spatiale est l’un des moteurs de notre économie et de notre compétitivité : 80 % du budget du CNES revient à l’industrie française du secteur et plus de 20 % du budget de R & T est orienté vers les PME innovantes. L’année 2014 a été marquée par de nombreuses réalisations pour le CNES et de rapides évolutions dans le secteur spatial : la création en juin d’une co-entreprise entre Airbus et Safran afin de simplifier vers une plus grande intégration la filière industrielle des lanceurs, les diverses propositions pour parvenir au récent consensus sur l’architecture d’Ariane 6, la mise en orbite du 5ème et dernier vaisseau européen de ravitaillement de l’ISS, l’ATV-5 Georges Lemaître, la sélection du CNES par la NASA pour la fabrication de la caméra Supercam du prochain rover américain Mars 2020, la conclusion d’une coopération avec la Chine pour deux missions d’océanographie et d’astronomie, la réalisation de 5 tirs d’Ariane 5 portant à 62 le nombre de succès d’affilée de la fusée en dix ans et la poursuite des lancements de Vega et Soyouz. Enfin, le placement fin août sur une orbite défaillante des deux premiers satellites FOC de la constellation Galiléo devrait retarder le calendrier de son exploitation mais la défaillance de l’étage supérieur de Soyouz en cause devrait être rapidement corrigée.
Votre rapporteur salue enfin les efforts réalisés depuis 2010 dans le cadre du programme des investissements d’avenir qui a permis d’allouer au CNES un montant pluriannuel de 540 M€ pour des projets additionnels destinés à assurer la pérennité des compétences et des technologies clés, et à renforcer et à développer la compétitivité de l’industrie française dans le domaine des lanceurs et des satellites. Ce montant a ensuite été complété par des allocations supplémentaires d’un montant total de 80 M€ (30 M€ + 50 M€) dans le cadre de la deuxième vague des investissements d’avenir (PIA 2), ce qui a conduit à abonder le budget du CNES de 111 M€ en 2014.
C’est ainsi que notre industrie spatiale a bénéficié de perspectives favorables dans le domaine des télécommunications satellitaires à haut débit – et demain à très haut débit – qui font l’objet actuellement d’un véritable engouement. Le volet 1 (40 M€) du projet THD-SAT qui prépare la prochaine génération de systèmes qui seront déployés à partir de 2017 a été contractualisé auprès de l’industrie nationale en 2012. Votre rapporteur se réjouit que le volet 2 (30 M€) ait été débloqué au début de l’année 2014 de manière à amplifier cette nouvelle dynamique industrielle pour la France.
Les 50 M€ de dotations consommables restants ont été versés en faveur de deux grands défis actuels de l’industrie spatiale : 25 M€ à la propulsion électrique des satellites et 25 M€ à l’adaptation de la coiffe d’Ariane 5 pour l’emport de ces satellites (Cf III 2 b)
Les priorités pour le CNES et la filière spatiale française en cette fin d’année sont bien évidemment la préparation de la Conférence ministérielle de l’ESA du 2 décembre 2014 au cours de laquelle des décisions structurantes seront prises concernant Ariane 6 afin de permettre à l’Europe de rester numéro un mondial dans le domaine des lanceurs, concernant l’avenir du financement de la Station spatiale internationale (ISS) et enfin la nouvelle gouvernance à établir entre la Commission européenne et l’Union européenne pour la gestion de ses programmes spatiaux. Dans un contexte de concurrence internationale croissante (l’américain Space X), il est en effet vital pour l’industrie française et européenne de réussir rapidement ce passage vers Ariane 6, lanceur plus simple et moins coûteux, et à la cadence de lancement plus élevée. (Cf III)
Créé en 1945, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est un établissement de recherche à caractère scientifique, technique et industriel relevant de la catégorie des EPIC. Il est placé sous la quintuple tutelle des ministères chargés de la recherche, de l’énergie, de la défense, de l’industrie et des finances. Le CEA intervient dans quatre grands domaines : les énergies bas carbone (nucléaire et renouvelables), les technologies pour l’information, les technologies pour la santé, la défense et la sécurité globale. Le CEA s’appuie sur une recherche fondamentale d’excellence et assure un rôle de dynamisation par l’innovation en lien avec l’industrie. Il coordonne et participe aux recherches menées dans les très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Le CEA est implanté sur 10 centres (5 civils et 5 militaires) répartis dans toute la France et représentant 15 838 emplois. Il développe de nombreux partenariats avec les autres organismes de recherche, les collectivités locales et les universités. À ce titre, le CEA est partie prenante des cinq alliances nationales coordonnant la recherche française. Reconnu comme un expert dans ses domaines de compétences, le CEA est pleinement inséré dans l’espace européen de la recherche et exerce une présence croissante au niveau international.
Le budget initial du secteur civil pour 2014 s’élève à 2 809,60 M€ (hors ITER et Cratanem (22)). La subvention pour charges de service public, en diminution de 11,4 M€, représente après mise en réserve, 36,4 % du total des ressources, soit 1 022,20 M€ tandis que les recettes externes en représentent 33,60 % pour 943,60 M€. La subvention ne couvre pas les dépenses de personnel.
Votre rapporteur tient à souligner que cette diminution des moyens, à laquelle se sont ajoutées en 2014, des annulations de crédits (- 5,3 M€ et - 4 M€ pour ITER) et une réserve de précaution conséquente d’un montant de 40,7 M€ (en hausse de 9,3 M€ par rapport à 2013), rend délicate la programmation du CEA qui pilote des projets ou des activités complexes nécessitant une inscription dans la durée.
La subvention civile pour charges de service public pour 2015 (hors ITER, Cratanem et fonds dédiés comme le fonds démantèlement) est en diminution pour la troisième année consécutive. Elle s'élève à 1056,10 M€, soit une diminution de 5,7 M€ par rapport à la LFI pour 2014 et un montant inférieur de 41,2 M€ soit - 3,8 % à celui prévu dans le contrat d’objectifs et de performance 2010-2013 conclu entre l’État et le CEA qui s’élève à 1 097,3 M€. À cette subvention s’ajoutent les crédits des investissements d’avenir destinés au financement des projets de réacteurs ASTRID et Jules Horowitz pour respectivement 96,41 M€ et 84,66 M€.
Ce budget prévisionnel pour 2015 ne permet pas de couvrir l’évolution des dépenses inéluctables en particulier de masse salariale (glissement vieillesse technicité de 10 M€ par an), auxquelles s’ajoutent de nombreux départs en cessation anticipée d'activité (5 M€), des charges obligatoires en croissance sur le financement de la construction du réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH), principal investissement civil du CEA, les évaluations complémentaires de sûreté (ECS) et les conséquences financières du renforcement de la réglementation nucléaire post Fukushima (23 M€), le surcoût lié au nouveau régime de responsabilité civile nucléaire en vigueur le 1er janvier 2015, et surtout le renforcement de la protection physique des installations sensibles dans le cadre du décret n° 2009-1120 du 17 septembre 2009 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport PCMNIT) (5 M€), soit au total 91 M€ de dépenses supplémentaires à financer par subvention à horizon 2017. En outre, les taux réduits de mise en réserve appliqués en 2014 sur le P 172 étaient supérieurs à ceux de 2013, et il est question d’augmenter ce taux de 7 % à 8 % sur les P 190 et 191 pour 2015. Votre rapporteur demande par conséquent que les taux de mise en réserve n’augmentent pas à nouveau en 2015.
Source : CEA
Enfin, au titre du projet européen ITER, la subvention de 85,6 M€ (nette de réserve) pour 2015, en baisse de 3,7 M€ par rapport à 2014, est sensiblement inférieure au besoin. Un étalement des appels de fonds européens est envisagé, pouvant conduire à une situation de blocage d’ici 2 ans.
Pour faire face à ces difficultés et à la demande de ses tutelles, le CEA a adopté une programmation à moyen et long terme (PMLT) de ses activités et crédits pour la période 2013-2022. Un certain nombre de mesures structurelles constituant un effort d’économies très important de la part des unités du CEA ont été arrêtées : accent mis sur les recettes externes même si les perspectives de croissance sont plus faibles que par le passé, réduction des effectifs hors Direction de la recherche technologique (- 470 postes entre 2013 et 2017 en particulier en recherche fondamentale alors que les recrutements actuels ne concernent plus déjà que des techniciens de maintenance), fermetures de 4 installations nucléaires (Osiris…), absence de nouveau projet d’investissement et maintien de l’activité dans les secteurs clés comme les nouvelles technologies environnementales-NTE) et poursuite des économies de fonctionnement (- 3 % en euros courants, des coûts de support et de patrimoine sur 2014-2017 avec notamment un plan d’économie d’achats). Le CEA est ainsi parvenu à réduire ses effectifs de soutien malgré une hausse globale des effectifs et de l’activité.
Concernant la gestion des effectifs, le CEA est particulièrement attaché au contrat à durée déterminée à objet défini (23), dont la période d’expérimentation touche à sa fin. Votre rapporteur souhaite que ce dispositif soit pérennisé au plus vite par une nouvelle mesure législative.
Cependant, ces mesures structurelles et ces économies de gestion, déjà largement engagées par l’établissement, ne permettront pas de compenser à elles seules la baisse de subvention. Cela s’est traduit par une baisse du budget disponible des unités de recherche d’environ 4 %, salaires compris, en 2014. De plus, le niveau des recettes venues de l’ANR est en chute libre (- 50 % en 2014), ce qui vient un peu plus compliquer la situation budgétaire du CEA. Du fait de l'existence de projets partenariaux et de contrats pluriannuels de maintenance, cette diminution ne pourra être absorbée que par l'intermédiaire d'une remise en cause de la programmation scientifique du CEA. Ses missions seront impactées et nécessiteront des orientations précises de la part des tutelles.
Un autre sujet majeur, dont votre rapporteur avait déjà évoqué le caractère préoccupant l’année dernière, concerne le démantèlement et l’assainissement des installations nucléaires du CEA. Au lieu d’un financement par vente d’actifs positionnés dans les fonds dédiés, le CEA bénéficie depuis 2012 d’une double source de financement : pour 2015, il s’agit d’une subvention de 369 M€ (comprise dans la subvention de 820,55 M€ du programme 190) et des rachats par l’État d’actions Areva détenues par le CEA.
LES DÉPENSES MOYENNES D’ASSAINISSEMENT ET DE DÉMANTÈLEMENT DU CEA SUR LA PÉRIODE 2011-2014, ET LEUR COUVERTURE
M€ |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Besoins de liquidités liés aux travaux (dépenses) |
675 |
639 |
670 |
721 |
Achat de titres Areva par l’État |
0 |
214 |
418 |
412 |
Subvention |
169 |
189 |
249 |
309 |
Mobilisation du reliquat d’actifs financiers |
498 |
233 |
0 |
0 |
Autres |
8 |
3 |
3 |
0 |
Source : CEA
Ce système de financement mixte devrait perdurer jusqu’en 2017, avec notamment une hausse prévue de la subvention de 50 M€ en projet de loi de finances pour 2016 et 2017. Néanmoins, si la subvention progresse, la totalité des actions Areva positionnées sur les fonds dédiés du CEA auront été rachetées en 2015 par l'État. Le besoin de budgétisation des fonds dédiés du CEA atteindra brutalement plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires en 2016. Si l’État a esquissé une première réponse au problème du financement de l’assainissement-démantèlement des installations du CEA, la solution de financement reste à identifier à partir de 2016, en particulier dans l’objectif gouvernemental de développer une filière industrielle d’excellence dans le secteur de l’assainissement-démantèlement. D’ailleurs, les ressources de ces fonds ne restent pas au CEA mais servent, à hauteur de plus de 90 %, à rémunérer les prestataires industriels. Votre rapporteur estime donc indispensable d’assurer la pérennité de ce financement par un abondement à due concurrence de la subvention de l’État.
IFP-Énergies nouvelles (IFPEN) est un établissement public industriel et commercial dont la mission est de développer les technologies et les matériaux du futur dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement, et de favoriser leur transfert vers les filières industrielles associées, sources d’emploi et de développement durable. La formation, notamment par le biais d’IFP School, et la production de documentation figurent également parmi les activités de l’établissement. L’organisme, placé sous la double tutelle du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et du ministère de l’économie et des finances, relève exclusivement du programme 190, consacré à la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables. Il est membre fondateur de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (Ancre). Il dispose de 1 661 emplois.
IFPEN est lié à l'État par un contrat d’objectifs et de performance couvrant la période 2011-2015 et qui se traduit par des programmes de recherche et de développement structurés autour de cinq priorités stratégiques :
– énergies renouvelables (biocarburants, énergies marines),
– production éco-responsable (captage et stockage du CO2, traitement des eaux de production pétrolière),
– transports innovants (motorisations thermiques, hybrides et électriques),
– procédés éco-efficients (amélioration des procédés de raffinage, carburants de synthèse),
– ressources durables (technologies innovantes d’exploration et de production des hydrocarbures).
IFPEN a défini en 2012 un plan moyen long terme à échéance 2025, porteur d’une ambition au service de la transition énergétique fondée sur un mix équilibré entre activités hydrocarbures et nouvelles technologies environnementales (NTE) (24).
Sur le plan budgétaire, la situation d’IFPEN demeure préoccupante. Le budget initial pour 2014 était prévu à hauteur de 294,99 M€ dont 135,66 M€ de ressources propres et 143,60 M€ de subvention pour charges de service public (- 7,14 M€ soit – 2,4% par rapport à 2013). Il faisait apparaître une perte prévisionnelle de 4,6 M€. Or, du fait de l’application du taux plein à la mise en réserve et d’une demande de mise en réserve supplémentaire en cours d’exercice - ce qui a conduit à un montant gelé de 7,80 M€ au lieu de 5 M€ initialement prévu -, ce déficit d’exploitation devrait s’élever en réalité à 6 M€, en augmentation de 1,4 M€ par rapport au budget initial. Cela témoigne de la dégradation continue des finances d’IFPEN (perte de 9,3 M€ en 2011 et 1,7 M€ en 2012 (25)).
Pourtant, IFPEN a engagé de nombreuses mesures d’économies portant sur :
– les programmes de R & D avec une diminution forte des activités sur le captage et le stockage du CO2, la diminution de l’expérimentation en « motorisation dépollution », la focalisation des actions bio ressources sur un nombre limité de grands projets structurants, et le lancement de projets sur les NTC (26) (économie circulaire et stockage de l’énergie) et montée en puissance avec l’institut pour la transition énergétique (ITE/ex-IEED) IDEEL répondant aux enjeux d’avenir de la production industrielle sur des projets collaboratifs en partenariats ;
– la réduction des investissements de R & D avec notamment la réduction du programme de réhabilitation de l’immobilier technique et le prolongement de la durée de vie des unités pilotes ;
– la réduction des dépenses de personnel qui se traduit notamment par la suppression en 2015 de 38 postes de personnels en CDI (après une suppression de 165 postes depuis 2010, soit 12 % des effectifs) ;
– la réduction de frais de fonctionnement.
Parallèlement, les ressources propres d’IFPEN (27), qui représentent 53 % du budget en 2014, peinent à compenser la diminution de dotation, notamment à cause du ralentissement de l’activité économique et d’une concurrence accrue. Dans ce contexte économique plus difficile, la contribution globale des filiales n’a pu être maintenue que grâce à une forte augmentation du taux de prélèvement sur leur résultat (13,3 %), obérant d’autant leurs moyens pour se développer. Surtout, IFPEN est victime d’un « effet ciseaux » qui consiste à perdre 1 € de dotation budgétaire dès lors qu’1 € est gagné en ressources propres.
Il est donc primordial qu’IFPEN s’efforce d’augmenter ses recettes issues des appels à projets (ANR, Union Européenne, ADEME, OSEO…) comme ce fut le cas entre 2012 et 2013 (+ 14,71 %). Mais la marge d’augmentation supplémentaire reste faible.
La situation ne s’améliore pas dans le PLF pour 2015 : la subvention pour charge de service public s’élève à 141,65 M€, en recul de 991 000 € (- 0,69 %) par rapport à 2014, ce qui conduit l’institut à prévoir un budget pour 2015 d’ores et déjà en déséquilibre de - 6 M€. Surtout, cette tendance s’inscrit dans la durée puisque sur la période 2002-2013, l’institut a connu une baisse de 65 M€ de la dotation de l’État en euros courants, soit - 45 % en euros constants. De manière générale, compte tenu de la conjoncture économique actuelle, la croissance des moyens d’IFPEN est suspendue jusqu’en 2017 inclus.
Votre rapporteur tient à saluer les efforts de bonne gestion d’IFPEN, mais s’alarme de l’obligation à laquelle il a dû faire face de réduire ses programmes de recherche, ce qui tend à compromettre la réalisation de sa mission d’intérêt général. La recherche fondamentale a été particulièrement touchée en 2014 (sauf le programme transport), et cela risque à l’avenir de réduire la performance de l’organisme en termes de dépôt de brevets (28) et d’innovations de rupture. De la même façon, dans le cadre de ses partenariats avec les industriels et les PME-PMI, l’institut craint de ne pouvoir continuer à créer sept Joint industry-funded Projects (29) (JIP) par an alors qu’il s’agit d’un instrument essentiel pour l’institut dans la compréhension des problématiques industrielles et dans l'orientation de ses programmes. Les nombreux partenariats stratégiques qu’IFPEN noue avec les milieux académique ou industriel, la création de filiales ou l’accompagnement technologique et le soutien à l’effort d’innovation dans les PME/ETI sont autant d’atouts que l’État devrait soutenir en particulier dans le contexte actuel de la transition énergétique.
Votre rapporteur réaffirme la nécessité que la dotation d’IFP-Énergies nouvelles soit reconsidérée, afin que cet organisme ne soit pas contraint à céder des actifs, comme on l’y invite depuis 2010, ou pire, à licencier des chercheurs. Une application du taux réduit de mise en réserve, à l’instar des autres organismes de recherche et sans modification en cours d’exercice pourrait aider IFPEN à équilibrer ses budgets futurs.
Arianespace, opérateur des lanceurs Ariane 5 (lourd-9,4 tonnes d’emport – lancement double), Soyouz à Kourou (moyen –accord bilatéral franco-russe) et Vega (léger), est leader sur le marché commercial des lanceurs (62 % de parts de marché des satellites civils) mais elle est confrontée à la concurrence d’États émergents (Chine, Brésil, Japon, Inde) dont les lanceurs seront pleinement opérationnels dans la prochaine décennie et d’États traditionnellement actifs dans le secteur spatial tels que la Russie qui investit 40 Md€ pour revenir au 1er rang d’ici 2020 (Proton et nouvelle gamme Angara), l’Ukraine (Zenit) et surtout les États-Unis dont la NASA soutient notamment le développement d’un nouvel industriel, SpaceX (créé il y a seulement 12 ans), par ses missions institutionnelles.
C’est justement l’arrivée de SpaceX, à l’organisation ultra-intégrée et aux prix cassés (un lancement de Falcon 9 pour un satellite coûte 55 M€ (30) contre 80 M€ pour Ariane 5), efficace à la fois en orbite basse et en orbite géostationnaire pour les satellites de télécommunications qui a exacerbé la concurrence sur le marché des lanceurs (31). La quasi non-disponibilité du lanceur russe Proton cette année a de plus renforcé la concurrence de SpaceX puisque les opérateurs de satellites, soucieux de trouver une alternative à Arianespace, se sont massivement tournés vers l’américain pour leurs nouveaux contrats. Surtout, SpaceX vise désormais le cœur de marché d’Ariane, les satellites de 5 à 6 tonnes, avec son lanceur Falcon Heavy (85 M de dollars contre 200 M de dollars pour 2 satellites pour Ariane 5), dont le premier vol est prévu en 2015.
Le succès de SpaceX s’explique par 3 points de différenciation avec ses concurrents : parfaite adaptation au lancement des satellites gouvernementaux ; lancement plus aisé des satellites commerciaux par sa facilitation de mise en œuvre conduisant à des coûts d’exploitation très bas ; conception simplifiée (deux étages, carburant moins onéreux et projet de lanceur réutilisable Falcon 9R) et organisation industrielle resserrée pour diminuer de façon importante les coûts de lancement.
La demande mondiale en satellites est marquée par la prédominance des satellites de télécommunications et/ou de télédiffusion qui représentent en volume, 50 % des satellites lancés dans le monde et en valeur, près des 2/3 du marché pour un montant de 1,8 Md€ auxquels viennent s’ajouter 1,5 Md€ de services de lancements. Le marché commercial des lancements de satellites de télécommunications sur l’orbite géostationnaire représente une vingtaine de contrats par an (jusqu’à 25 dans la prochaine décennie) dont un tiers de petits satellites, ce qui oblige les lanceurs européens, et en particulier Ariane 5, à être très performants, surtout que l’industrie spatiale européenne réalise 50 % de son chiffre d’affaires sur ce marché. La France est très performante sur le secteur des satellites géostationnaires de télécommunications qui représente près de 8 000 emplois pour un chiffre d’affaires consolidé de 2 Md€.
Par ailleurs, le marché des satellites se trouve confronté à une double évolution avec d’une part, l’augmentation de la masse des satellites commerciaux de télécommunications et la régression du nombre des petits satellites et d’autre part, l’émergence des satellites à propulsion électrique et des nanosatellites (le nombre de cubesats (32) lancés dans le monde en 2020 serait entre 121 et 188 contre 86 en 2013). De même, la tendance actuelle se tourne vers les charges utiles souples et de forte puissance tandis que de nouveaux pays constructeurs comme l’Argentine (Invap) ou la Turquie font leur apparition.
Sous l’impulsion de l’américain Boeing, tous les grands constructeurs internationaux (dont les européens Airbus Defense & Space, Thales Alenia Space ou Snecma mais aussi la Chine ou le Japon) proposent désormais une version de leur plateforme avec une propulsion à 100 % électrique (plasmique ou ionique) pour le placement en orbite géostationnaire. L’avantage de la propulsion électrique est que la masse d’ergol (le xénon, non toxique) embarqué est réduite de 90 % ce qui permet soit de lancer des satellites deux fois plus légers à performances égales (3 à 4 tonnes contre 6 tonnes auparavant), soit d’accroître les performances d’un satellite d’une masse donnée et donc in fine, d’être plus compétitif. L’inconvénient d’une durée allongée de mise à poste et donc d’un report de l’exploitation commerciale du satellite à propulsion électrique tend à être résolu aujourd’hui par l’amélioration des performances des moteurs. À l’horizon 2020, le marché des satellites de télécommunications sera partagé entre satellites à propulsion chimique traditionnelle et satellites à propulsion électrique ou hybride, ce qui fait de la propulsion électrique une technologie stratégique pour la compétitivité de l’industrie.
La France s’est adaptée à l’évolution du marché :
Outre la désignation du CNES comme chef de projet des satellites à propulsion électrique dans le cadre des 34 plans de la Nouvelle France industrielle (48 M€), le deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA 2) prévoit 25 M€ pour l’adaptation d’ici 2016 des filières actuelles de plateformes géostationnaires à l’utilisation généralisée de la propulsion électrique. Une commande a d’ailleurs déjà été passée par le groupe luxembourgeois SES pour un lancement en 2017. À terme, le propulseur électrique de forte puissance PPS-5000 de Snecma équipera ainsi les futures versions électriques des plateformes Eurostar 3000 d’Airbus DS (Eurostar 3000 EOR-Electric Orbit Rising) et Spacebus 4000 de TAS (SpacebusNeo).
Elle a également engagé le programme Néosat de plateforme de nouvelle génération (dans le cadre du PIA 1), auquel s’est associé l’ESA en 2012 avec le programme ARTES 14 (Advances Research in Telecommunication Systems). La France finance le programme à hauteur de 170 M€ (56 %). L’un des objectifs primordiaux de Neosat est de parvenir d’ici 2020 à une réduction de 30 % du coût des satellites et de répondre aux demandes de lancement pour des satellites de 3 à 6 tonnes, soit plus de la moitié du marché des satellites de télécommunications sur la période 2018-2030, équivalant à un chiffre d’affaires de 25 Md€. Au total, le soutien public apporté par la France à la R & D pour maîtriser les technologies clés dans le secteur des charges utiles et des plateformes de satellites a été augmenté de 30 % sur la période 2013-2016 par rapport à la période précédente.
Cette évolution du marché et de ces différents types de satellites oblige les lanceurs à évoluer pour être les plus adaptés à leur charge utile et à leur volume, dans un objectif de moindre coût : Arianespace a ainsi modifié les futures coiffes d’Ariane 5 ECA pout y loger des satellites géostationnaires dont la taille ne cesse d’augmenter (grâce à 25 M€ provenant du PIA 2). Enfin, un apport de 23 M€ (PIA 2) est destiné à la démonstration en vol pour Eutelsat (programme commercial E172B) d’Ariane 5 emportant la nouvelle plateforme Eurostar d’Airbus équipée du propulseur PPS-5000 de Snecma.
De leur côté, l’ESA et les agences spatiales nationales européennes en ont fait l’un des arguments clés pour le développement d’Ariane 5 ME et d’Ariane 6 afin de contrer le Falcon 9 de SpaceX, qui, avec une capacité d’emport de 5,1 tonnes, semble actuellement plus adapté que le lanceur Ariane 5 dont le lancement double, qui l’oblige à trouver simultanément deux satellites compatibles avec ses capacités d’emport de 9,4 tonnes, tend à devenir une faiblesse. Tout l’enjeu est de développer très rapidement un lanceur permettant à l’Europe de rester leader du marché et de bénéficier d’un accès indépendant à l’espace.
Lors du Conseil ministériel de l’ESA à Naples en novembre 2012, les États-membres se sont mis d’accord pour entamer un programme couvrant des activités de préparation d’une nouvelle génération de lanceur spatial, Ariane 6 (pour 2021), et pour poursuivre le développement d’une version Ariane 5 ME adapté (pour 2018) durant la période 2013-2014.
L’objectif est de fabriquer un lanceur plus simple et moins coûteux (économie de 30 % à 40 % - montant de 70 M€ contre 100 M€ aujourd’hui), à la flexibilité opérationnelle accrue (modulable) et à la cadence de lancement plus élevée (entre 12 et 16 par an), tout en conservant les qualités d’Ariane 5 de fiabilité (+ de 98 %), disponibilité et compétitivité et en préservant les principaux centres industriels européens. Il s’agit de doter l’Europe d’un lanceur rentable, c’est-à-dire ne nécessitant plus de soutien public à l’exploitation.
Après de multiples oppositions depuis juillet 2013 sur l’architecture, le mode de propulsion ou le financement, les agences spatiales (CNES, DLR et ESA), les opérateurs de satellites (SES, Eutelsat…), Arianespace et les industriels (Airbus DS, Safran et Snecma) semblent s’être mis d’accord sur la viabilité de la future architecture d’Ariane 6 présentée le 4 septembre 2014. Celle-ci consiste en une fusée modulable et flexible à propulsion mixte (poudre et cryogénie), en deux versions. La version 6-2, avec deux booster à poudre, capable de mettre en orbite géostationnaire 4,5 à 5,5 tonnes pour 75 M€, avec désorbitation de l’étage supérieur, est adaptée aux missions institutionnelles et permettrait de se passer de Soyouz. La version 6-4, avec 4 boosters, peut transporter de 10 à 11 tonnes, assez pour les plus lourds satellites de télécommunications ou deux satellites moyens à la fois du marché commercial, pour 90 M€. Le premier et le deuxième étages sont communs aux deux modèles avec une version améliorée de l’actuel moteur d’Ariane 5 et un moteur Vinci de Snecma. L’avantage de cette solution est qu’elle ne nécessite pas la construction d’un nouveau pas de tir à Kourou (600 M€ d’économie) et l’impact sur l’emploi est plus indolore car on conserve une filière de propulsion liquide en Europe (notamment en Allemagne). De plus, elle permettra d’économiser 1 Md€ sur les coûts de développement estimés jusqu’à présent entre 2,5 et 3,5 Md€ grâce à la « communalité » entre les différentes filières d’Ariane. Mais surtout, tous les acteurs s’accordent pour qu’Ariane 6 soit opérationnelle le plus vite possible, dès 2020, et cela, sans passer par l’étape Ariane 5 ME.
Cependant, lors de la réunion informelle préparatoire des ministres en charge de l’espace de l’ESA du 23 septembre 2014, l’Allemagne s’est opposée au projet Ariane 6, affirmant qu’elle préférait s’en tenir aux décisions et calendrier décidés à Naples en décembre 2012, à savoir le maintien du projet intermédiaire Ariane 5 ME dès 2018 et le développement d’Ariane 6 dans un second temps. Les raisons invoquées tiennent avant tout au coût important du projet et aux risques financiers et industriels liés à l’accélération du calendrier vis-à-vis d’une proposition industrielle très récente, malgré l’engagement des industriels sur le coût et les délais. L’Allemagne réclame également des garanties pour son industrie, en particulier en Bavière.
Parvenir à convaincre l’Allemagne est fondamental, et votre rapporteur y est très attaché, car si elle n’est pas majoritaire dans le projet de lanceur européen, - la France supporte 50 % du développement d’Ariane 6 et l’Italie 10 % - l’Allemagne en supporte 25 % sans lesquels le projet ne peut pas aboutir (33). Sont en jeu la compétitivité de l’Europe en matière de lanceurs et de satellites mais aussi sa souveraineté et son accès indépendant à l’Espace qui est stratégique pour l’avenir. Mandat a donc été donné à l’ESA d’étudier très précisément les questions soulevées par l’Allemagne, avec un début de réponse attendu le 13 novembre pour une autre réunion informelle préparatoire à la réunion du Conseil ministériel de l’ESA de Luxembourg le 2 décembre 2014.
En conclusion, en matière de lanceur, le Conseil ministériel de l’ESA du 2 décembre 2014 devra se prononcer sur :
- le choix de poursuivre les deux programmes, Ariane 5 ME dont le premier tir est prévu en 2018 et Ariane 6, ou passer directement à Ariane 6 en 2020 sachant que compte tenu des contraintes budgétaires, il est impossible de financer les deux projets dans un laps de temps aussi proche ;
- le choix - qui semble assez consensuel aujourd’hui - de l’architecture d’Ariane 6 et son mode de propulsion solide ou cryotechnique, en s’efforçant de concilier les enjeux techniques et économiques en Europe. ;
- le calendrier et le financement des développements dans un contexte de contrainte budgétaire : les besoins s’élèvent au total à près de 10 Md€ pour Ariane 6 (4,5 Md€), Ariane 5 ME (1,3 Md€), Vega Evolution et la poursuite des aides à l’exploitation d’Ariane 5.
- la réflexion sur le soutien à l’exploitation d’Ariane 5 aujourd’hui (programme Leap - Launchers Exploitation Accompaniment Program de l’ESA), pour contrer financièrement les offres de SpaceX, en attendant Ariane 5 ME ou Ariane 6 qui est censée permettre à Arianespace de se passer de ce soutien. Une enveloppe annuelle de 116 M€ sur la période 2015-2018, en augmentation, va être demandée à l’ESA, après les 198,30 M€ attribués pour 2013-2014. La question pour le contribuable européen est aussi celle de la poursuite de ces aides au-delà de 2018 si le choix d’Ariane 6 est fait.
Outre les aspects purement technologiques et budgétaires, un autre levier permettant de maintenir la compétitivité de l’Europe en matière de lanceurs est celui de la réorganisation et de la simplification de la filière industrielle.
Après la création du Cospace (34) l’année dernière, destiné à coordonner plus efficacement les acteurs de la filière spatiale française, l’avancée vers une plus forte interaction des différents acteurs de la filière est venue des industriels eux-mêmes : le 16 juin 2014, Airbus, maître d’œuvre industriel de la fusée Ariane et Safran, responsable de la propulsion, ont annoncé la création d’ici la fin 2014 d’une co-entreprise dans les lanceurs, regroupant leurs activités commerciales et industrielles liées à Ariane, et qui sera détenue à parts égales. Actuellement, ces deux entreprises produisent les 2/3 d’Ariane. La mission de la co-entreprise est d’augmenter la compétitivité industrielle en rationalisation l’organisation, en minimisant ses coûts de management et en optimisant les cycles de développement et de production. À terme, elle aurait vocation aussi à intégrer l’opérateur de lancement Arianespace et les compétences de la direction des lanceurs du CNES ou de l’ESA. Les rôles respectifs des agences et de l’industrie dépendront de la part de risques et d’investissements que l’industrie sera prête à assumer dans le développement et la commercialisation du lanceur.
Cette co-entreprise permet de réduire les coûts et les délais afin de répondre à la concurrence de l’américain SpaceX, en s’inspirant de son modèle d’organisation intégrée et simplifiée, c’est-à-dire que les industriels devraient désormais être responsables de toute la chaîne de valeur, de la conception jusqu’au lancement en passant par les développements, la production et la commercialisation, et devraient normalement en assumer les risques industriels, au travers d’un partenariat public-privé avec l’ESA.
Cette nouvelle organisation pose la question du renversement du principe de retour géographique, classiquement appliqué dans le cadre de l’ESA, vers celui de la juste contribution. Il s’agit d’une ébauche de rationalisation de la filière européenne des lanceurs spatiaux, qui souffre d’une organisation industrielle trop éclatée, plombée par la pratique des « retours géographiques », qui nuit gravement à sa compétitivité. En effet, selon la règle du « juste retour industriel » ou « juste retour géographique », chaque État-membre doit obtenir, pour son industrie, un volume d’activité proportionnel à sa contribution financière aux programmes de l’ESA. Cela entraîne une multiplicité de petits contributeurs et un morcellement à l’excès du dispositif industriel qui a renchéri le coût de la filière Ariane. À titre d’illustration, Ariane 5 est produit sur 25 sites industriels en Europe ; l’objectif est de les réduire à 3 sites.
Pour Ariane 6, l’ESA a appliqué la règle de la « juste contribution » fondée sur l’efficacité économique en organisant d’abord auprès des industriels des États-membres un appel d’offres afin d’obtenir la proposition industrielle la plus performante. Les pays concernés seront alors invités à contribuer financièrement au programme à hauteur des lots respectivement obtenus par leurs entreprises. Certains États encouragent la mise en place de cette règle au sein de l’ESA.
Au-delà des aspects positifs d’une réactivité accrue et d’une efficacité renforcée, la question -voire le risque - peut se poser d’une véritable privatisation de la recherche spatiale, les entreprises privées prenant de facto un avantage certain sur les États en matière technologique et financière. En outre, le refus des industriels de prendre la responsabilité des risques liés à l’exploitation du futur lanceur, notamment ceux d’un éventuel échec de lancement, ajouté aux 2 Md€ qu’ils devraient toucher pour développer les deux versions du lanceur Ariane 6 doivent inciter les États à rester vigilants lors des négociations, en particulier dans le contexte budgétaire contraint actuel (35). Le secteur spatial est porteur et stratégique, les États doivent donc impérativement conserver leur expertise technique et financière sur les programmes spatiaux (36).
Au-delà de la restructuration de la filière industrielle spatiale européenne, la rationalisation des coûts, gage de compétitivité, doit passer également par une meilleure gouvernance des programmes au niveau du « triangle spatial » que constituent l’Agence spatiale européenne (ESA), l’Union européenne (UE) et les États-membres.
a. La coordination renforcée entre l’ESA, les États-membres et l’Union européenne dans le nouveau cadre institutionnel européen
Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009, l’article 189 TFUE donne à l’Union Européenne une compétence partagée avec les État-membres en matière spatiale et en particulier pour le renforcement de la compétitivité industrielle de l’Europe. L’organisation de l’Europe spatiale repose donc désormais sur les trois entités complémentaires que sont l’Union européenne, l’ESA et les États membres. Ces trois grands maîtres d’ouvrage publics ont des politiques et des programmes propres. L’enjeu primordial de la gouvernance spatiale en Europe est donc de coordonner ces acteurs et ces programmes afin de ne pas dupliquer les efforts, et de leur permettre de travailler ensemble sur des programmes partagés et conduits en commun. Aussi il convient de mettre en place les outils réglementaires ou juridiques pour faciliter leurs relations deux à deux :
- augmenter les coopérations entre les agences nationales et l’ESA ;
- approfondir les relations entre l’UE et l’ESA (Cf § infra) ;
- développer une relation partenariale entre l’UE et ses États membres.
Ainsi, le programme cadre de recherche et d’innovation de l’UE (Horizon 2020) (37) et les autres programmes de l’UE (Galiléo, EGNOS, Copernicus) doivent être bâtis en cohérence et en partenariat avec les États-membres et l’ESA, selon le principe de subsidiarité et refléter le nouveau rôle de l’UE dans l’élaboration d’une véritable politique spatiale européenne. Dans son nouveau cadre financier pluriannuel 2014-2020, l’UE consacre 12 Md€ à ces programmes (le double de la planification précédente) dont 75 % sont délégués en gestion à l’ESA (38). Le traité de Lisbonne attribue, de fait, à l’UE un rôle de coordination de l’ensemble des efforts nationaux, intergouvernementaux et communautaires.
Parallèlement, le rapport de la Commission européenne du 6 février 2014 sur le resserrement des relations entre l’UE et l’ESA après l’expiration de leur accord-cadre 2004-2016 (39), propose 3 pistes : statu quo, coopération améliorée ou création d’un pilier européen, soit la création à terme, d’une Agence européenne de l’espace au sein des structures institutionnelles européennes. L’enjeu est de mettre en place une gouvernance permettant à la Commission européenne de s’appuyer sur l’ESA pour la gestion de ses programmes spatiaux, présents (Galileo et Copernicus) et surtout futurs, tout en préservant le caractère spécifique de l’ESA et en utilisant au mieux ses compétences. Une résolution politique devrait être adoptée en décembre sur ce sujet lors du Conseil ministériel de Luxembourg.
La France souhaiterait engager une discussion avec l’Union européenne via l’ESA sur la notion de « préférence européenne » pour les lancements institutionnels, a fortiori militaires, au sein de l’UE qui permettrait d’inciter les États-membres de l’UE ou de l’ESA à recourir en priorité au lanceur européen (Ariane), à l’instar de ce que fait la NASA avec SpaceX, ou la Russie. Cela permettrait de garantir aux industriels quatre lancements par an, ce qui est fondamental pour l’équilibre économique du futur lanceur et d’éviter, comme pour Ariane 5, qu’il ne dépende trop du marché des satellites commerciaux. Or en septembre 2013, l’Allemagne a choisi SpaceX pour mettre en orbite un satellite militaire et l’ESA elle-même a choisi le lanceur russe Rockot pour la mission Swarm.
Les pays membres de l’ESA participent, via leur contribution à l’ESA, au financement des coûts fixes du CSG. Entre 2009 et 2012, la base a réduit ses frais de fonctionnement (170 M€ par an) de 10 % grâce notamment aux effets d’échelle permis par les lancements de trois fusées sur place (Ariane 5, Soyouz et Vega). Depuis 1975, ce financement se fait au travers d’un contrat entre l’ESA et le CNES « Accord CSG », renouvelé tous les 5 ans (le dernier en mars 2013 pour la période 2013-2017). L’UE est devenue un utilisateur institutionnel important de Soyouz et de Vega. La Cour des Comptes, dans son rapport public annuel 2014 sur le transport spatial, recommande de chercher à obtenir de l’Union européenne, mais aussi de davantage de pays membres de l’ESA, une participation accrue au financement des infrastructures correspondantes. Surtout, l’arrivée d’Ariane 6 va nécessiter la construction d’un nouveau pas de tir d’ici 2020, ce qui amplifiera encore le coût du CSG.
4. Les autres enjeux du Conseil ministériel de l’ESA du 2 décembre 2014 pour l’avenir de la politique spatiale européenne
L’avenir de la station spatiale internationale (ISS) : lors de la réunion de Naples en 2012, le principe de la poursuite de l’exploitation de la Station spatiale internationale (ISS) jusqu’en 2020 a été acté par les ministres européens. Un peu plus d’1 Md€ sont encore nécessaires pour financer la part européenne à l’horizon 2020. Jusqu’à présent, cette contribution se faisait par le biais de cinq véhicules-cargos ATV destinés à l’approvisionnement de l’ISS. Pour la période 2017-2020, les obligations de l’Europe vis-à-vis de la NASA devraient prendre la forme du module de service (MPCV-ESM) de la capsule spatiale américaine Orion. La question d’une prolongation jusqu’en 2024, voulue par les États-Unis, sera également évoquée.
L’avenir de Vega : un programme d’évolution du lanceur Vega sera présenté (programme facultatif VECEP de l’ESA). Il devrait permettre une augmentation des performances de Vega afin de capter le marché des mini-satellites dans la gamme 1,8t à 2,5t en orbite héliosynchrone et une diminution de ses coûts de production.
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Dans le cadre de la commission élargie du 31 octobre 2014, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Franck Reynier (Grands organismes de recherche), les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 31 octobre 2014, sur le site internet de l’Assemblée nationale (40).
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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Contrairement à l’avis défavorable de M. Franck Reynier, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2015.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Agence nationale de la recherche (ANR)
M. Michael Matlosz, président-directeur général
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)*
M. Bernard Bigot, administrateur général
M. Christophe Gegout, directeur financier
M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
M. Alain Fuchs, président
Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)
M. Yves Lévy, président-directeur général
M. Thierry Damerval, directeur général délégué
M. Arnaud Benedetti, directeur de la communication
Centre national d’études spatiales (CNES)*
M. Jean-Yves Le Gall, président
M. Pierre Tréfouret, directeur de cabinet du président
M. Antoine Seillan, directeur financier
M. Guillaume de Blanchard, chargé des relations avec les Parlements français et européen
IFP- Énergies nouvelles (IFP-EN)
M. Olivier Appert, président
M. Georges Picard, directeur général adjoint
Institut national de recherche agronomique (INRA)*
M. François Houllier, président
M. Claude Ronceray, directeur général délégué chargé de l’appui à la recherche
M. Sylvain École, directeur adjoint du financement et de l’administration générale
M. Antoine Momot, chef du cabinet du président
Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA)
M. Antoine Petit, président-directeur général
Groupe Airbus*
M. François Auque, directeur général de Space Systems d’Airbus Group, Président d’Airbus Defence & Space France
M. Alain Wagner, directeur des relations institutionnelles et spatiales d’Airbus Defence & Space France
M. Jean Perrot, directeur des affaires institutionnelles R & T d’Airbus Group
Mme Annick Perrimond-du Breuil, directrice des relations avec le Parlement d’Airbus Group
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.