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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234),
TOME III
AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT
PAR M. Hervé GAYMARD
Député
——
Voir le numéro 2260.
___
Pages
INTRODUCTION 7
I. LES AMBITIONS AFFICHÉES NE RÉSISTENT PAS À L’ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DES FINANCEMENTS 9
A. UNE POLITIQUE D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT CONSOLIDÉE… 9
1. La loi d’orientation et de programmation : une avancée opportune 9
a. La traduction législative des principes qui guident la politique d'aide au développement de la France 9
b. La mise en œuvre 11
2. Le contrat d’objectifs et de moyens de l'AFD 12
B. … DES QUESTIONNEMENTS QUI PERSISTENT 14
1. Les bénéficiaires de notre aide sont-ils bien parmi nos priorités géographiques ? 14
a. Les financements bilatéraux 15
i. L'Afrique subsaharienne est-elle vraiment prioritaire ? 15
ii. Les pays les plus pauvres, aussi bien traités que le CICID et la loi l’ont souhaité ? 16
b. Des financements multilatéraux peu en accord avec nos priorités géographiques 18
c. Aux mêmes causes les mêmes effets 19
2. Le respect des priorités sectorielles également en question 23
a. La politique d'aide au développement en matière de santé 23
b. Des déséquilibres persistants, des décisions regrettables 24
C. L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT SUR UN TOBOGGAN 25
1. La baisse de notre APD est désormais d’une ampleur historique 26
2. Des moyens qui se réduisent comme peau de chagrin 28
a. Le triennum amplifie la baisse continue de l’effort budgétaire 28
b. L'aide au développement sacrifiée 30
3. Les comparaisons internationales sont cruelles 32
4. La question des financements innovants 34
i. Les dispositions initialement prévues 36
ii. Les effets des modifications introduites dans le PLF 2015 37
II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » 39
A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 110 : AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT 39
1. Aperçu général 39
a. L’évolution des objectifs du programme 39
b. Considérations générales sur les crédits du Programme 110 39
2. Les crédits de l’aide économique et financière multilatérale 41
3. Les crédits bilatéraux 45
4. Le traitement de la dette des pays pauvres, (action n°3) 48
B. LE PROGRAMME 209 : SOLIDARITÉ INTERNATIONALE 48
1. Aperçu général 48
a. Les objectifs du programme 48
i. L'objectif de lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités 48
ii. Les autres objectifs du programme 49
b. Considérations générales sur les crédits 50
2. Les crédits de la coopération bilatérale 51
a. Regard sur quelques instruments 51
b. Les postes de dépenses de la coopération bilatérale 55
3. La coopération multilatérale 56
i. Les contributions volontaires au système des Nations Unies 57
ii. Jeunes experts associés et fonds fiduciaires 58
iii. La francophonie 58
iv. Le Fonds mondial sida 59
Le Mali en 2012 ; la République centrafricaine en 2013 ; la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia en 2014. En deux ans à peine, les projecteurs de l’actualité internationale se sont braqués sur quelques-uns des pays africains parmi les plus déshérités du continent.
Quelle que soit la nature des racines des crises qu’ils ont dû affronter, deux constats s’imposent : d’une part, cinquante ans après les indépendances, chacun d’entre eux est englué dans les tréfonds des classements mondiaux du développement. Sur les 187 pays que liste le dernier Indice de développement humain du PNUD, le Liberia est au 175e rang, juste devant le Mali, 176e, et la Guinée, 179e. La Sierra Leone est au 183e rang et la République centrafricaine, 185e. (1) D’autre part, ces crises, politiques, sécuritaires ou sanitaires, ont mis brutalement en évidence que les fragilités qui minent les pays les plus pauvres sont désormais susceptibles d’éclater brusquement en situations incontrôlables, - à tout le moins par eux-mêmes -, dévastatrices, et aux implications déstabilisatrices aux plans national, régional et international.
À chaque fois, la communauté internationale se précipite pour éteindre l’incendie, parer au plus pressé, puis aider à reconstruire sur les décombres. Souvent mal éteints, sans doute, si l’on observe que ce qui se joue aujourd'hui dans ces différents pays était soit annoncé, soit en grande partie la récurrence d’épisodes antérieurs.
Il en ressort que la problématique de l’efficacité de l’aide, sur laquelle la communauté internationale se penche depuis des années, est d’une actualité brûlante : pour les bénéficiaires, en premier lieu, d’autant plus que les facteurs de stress qui assaillent les pays en développement se multiplient et se complexifient ; pour les donateurs, ensuite, que ce soit eu égard à leur situation budgétaire ou parce qu’une politique africaine ne saurait se résumer à des interventions militaires ou d’urgence.
Consécutivement, l’aide au développement est plus nécessaire que jamais, quelles que soient les révisions et évolutions qu’elle doive supporter pour tenir compte des changements du monde d’aujourd'hui. Consécutivement aussi, les moyens à y consacrer doivent être à la hauteur des nouveaux enjeux qu’elle doit traiter.
Dans cette conjoncture, compte tenu de sa relation particulière à l'Afrique, la France est évidemment au centre de l’échiquier, et il n’est pas indifférent de relever que sur les cinq pays mentionnés ici, trois sont francophones.
Notre pays a achevé cette année la rénovation de sa politique d'aide au développement articulée sur des priorités géographiques et sectorielles, sur des objectifs définis en partenariat avec la communauté internationale. Il a pris des engagements, parfois depuis fort longtemps, mené des actions de plaidoyers vigoureux pour promouvoir ses idées et ses propositions.
Il est d’autant plus regrettable dans ces conditions de constater que la France ne se donne pas les moyens de sa politique. A l’heure où la communauté internationale, après la crise financière, accroît de nouveau son aide en faveur des pays les plus pauvres, elle continue de baisser la sienne et confirme pour les années à venir la tendance dans laquelle elle s’est engagée. En cinq ans, notre pays aura réduit son effort budgétaire de plus de 20 % quand le Royaume-Uni, pour ne prendre que cet exemple, ne cesse d’augmenter le sien dans des proportions considérables.
Avant d’examiner en détail les crédits budgétaires proposés pour les deux programmes de la mission « aide publique au développement » dans le PLF 2015, votre rapporteur vous présentera son analyse des dernières réformes et des questions que pose l’évolution de notre effort.
Entamée à la fin de l’année 2012, la rénovation de la politique d'aide au développement de notre pays s’est poursuivie au cours de cette année. Deux sujets importants ont notamment été traités : la loi d’orientation et de programmation, votée en juin dernier d’une part, et le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, COM, de l'AFD, proposé au printemps, d’autre part.
a. La traduction législative des principes qui guident la politique d'aide au développement de la France
Le parlement a adopté le 19 juin dernier la « loi d’orientation et de programmation relative à la politique d'aide au développement et de solidarité internationale » (2). Après le CICID du 31 juillet 2013, qui avait pris un nombre important de décisions (3), les orientations de la politique d'aide au développement de la France sont désormais tracées ou confirmées par la loi, et cela mérite d’être salué.
Ces orientations ont fait l’objet d’un large débat avec la société civile, qui continuera d’être associée, via le Conseil national du développement et de la solidarité internationale, CNDSI, créé par décret en décembre 2013, auquel la loi a donné un statut législatif.
La loi définit les objectifs de la politique d'aide au développement et les principes sur lesquels elle est fondée. Elle réaffirme la recherche d’une cohérence avec les autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact en matière de développement, ainsi que la complémentarité des actions menées par les différents intervenants, collectivités territoriales, ONG, entreprises en premier lieu, dont le rôle est réaffirmé. La complémentarité est soulignée avec les divers instruments multilatéraux que la France utilise pour sa politique. L’efficacité de l’aide au développement passe par une meilleure concentration des actions, tant géographique que sectorielle, raison pour laquelle la loi consacre l’allocation des ressources et la détermination des instruments selon des critères de différenciations géographiques et sectoriels. La liste de seize pays pauvres prioritaires que le CICID avait établie est confirmée, et la France fait siens les principes que les conférences internationales des quinze dernières années ont définis : subsidiarité, transparence, alignement sur les priorités des pays partenaires, etc.
Cela étant, il est juste de souligner que plus que de révolution, il s’est agi, tant au CICID que dans la loi, de confirmer les principales orientations prises antérieurement : le document cadre « Coopération au développement : une vision française », affirmait déjà que « l’Afrique subsaharienne est la priorité de la politique française de coopération, d’abord en raison d’une proximité géographique et culturelle, notamment linguistique, et de l’ampleur des enjeux communs », ce qui se traduisait par la mobilisation de l’ensemble des instruments bilatéraux et multilatéraux et par la concentration des subventions sur quatorze pays pauvres prioritaires, relevant pour l’essentiel de la catégorie des pays les moins avancés (PMA). Pour le triennum budgétaire 2011-2013, des cibles par partenariat différencié étaient déjà définies de manière à consacrer à l’Afrique subsaharienne plus de 60 % de l’effort financier de l’État sur l’ensemble de la zone, et plus de 50 % des subventions sur les quatorze pays pauvres prioritaires. (4)
Comme on le sait, après le CICID du 31 juillet 2013, la loi a confirmé deux points : d’une part, qu’au moins 85 % de l’effort financier de l’État en faveur du développement serait désormais consacrés à l’Afrique subsaharienne et aux pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée, et que « Pour atteindre ces objectifs, [de concentration vers les pays les plus pauvres] au moins la moitié des subventions de l’État seront concentrées dans les pays pauvres prioritaires. De son côté, l’AFD concentrera sur ces pays les deux tiers des subventions qu’elle verse. » (5)
En outre, la loi a permis de lancer des réformes du dispositif français ou d’en conforter certains des aspects. C’est le cas notamment de la restructuration de l’expertise internationale française, trop éparse et par conséquent en position de faiblesse dans les appels d’offres, par rapport à la concurrence de certains autres pays, tels l’Allemagne ou le Royaume-Uni. À cette fin, un nouvel EPIC, l’Agence française de l’expertise technique internationale, AFETI, est créé, qui regroupera à court terme les principales instances. Dans le même esprit, le législateur a souhaité considérablement renforcer le mécanisme d’évaluation de l’aide au développement en mettant notamment l’accent sur certaines des questions sur lesquelles il a montré ces dernières années qu’il attachait une grande importance, tels l’équilibre entre les instruments financiers ou le rôle de l'AFD.
Cette loi était attendue depuis longtemps par l’ensemble des acteurs et observateurs de l’aide au développement. Le débat parlementaire, dans les deux assemblées, a permis d’améliorer considérablement le texte proposé par le gouvernement, considéré à juste titre comme timoré. Le très grand nombre d’amendements qui ont été discutés en témoigne. Ces améliorations ont permis la prise en compte de certaines des principales préoccupations sur lesquelles les parlementaires n’ont eu de cesse de s’exprimer depuis plusieurs années : équilibre des instruments utilisés, rapport prêts/dons ; transparence et information, qui ressortent renforcées non seulement envers le parlement, mais aussi envers le public.
Cela étant, cette loi a surtout le mérite d’exister et de rappeler l’attachement de la France à l’aide au développement, la solidarité qu’elle manifeste vis-à-vis des pays en développement et notamment de l’Afrique, ainsi qu’aux principes internationaux auxquels elle a adhérés et qu’elle ne cesse de promouvoir sur la scène internationale.
Pour autant, au-delà de ces aspects, au-delà de la réaffirmation des priorités géographiques et des axes stratégiques, chacun convient des limites de ce texte. Des deux piliers, orientation et programmation, seul le premier est réellement développé, et le volet « programmation » paraît même singulièrement indigent. Il faut attendre les dernières pages du rapport annexé pour voir effleurée au détour d’un paragraphe la référence au taux d’APD de 0,7 % du RNB, en se gardant bien, toutefois, de faire apparaître qu’il s’agit d’un engagement auquel notre pays a souscrit depuis des lustres. Le gouvernement se refusait à voir figurer cette mention dans le texte et il s’agit d’un ajout obtenu de haute lutte par le parlement au cours des débats. La comparaison avec les législations qu’ont adoptées plusieurs de nos voisins incite à penser qu’une occasion a sans doute été manquée, qui aurait permis de conforter l’image de notre pays sur la scène internationale et de rehausser la priorité politique de l'aide au développement à un moment où les difficultés budgétaires compliquent la donne : un cadre juridique mieux affermi aurait aidé à baliser le chemin vers le respect de ces engagements.
Cela étant, il faut donner crédit au gouvernement de la mise en œuvre rapide de certaines des dispositions importantes de la loi.
Ainsi la réforme de l'assistance technique a-t-elle été lancée de manière à respecter les délais relativement contraints qui ont été fixés dans la loi. Dans un premier temps, l’AFETI sera créée dès le 1er janvier 2015 par fusion des principaux opérateurs d’expertise technique existants, relevant des ministères des affaires étrangères et du développement international, France expertise internationale, (FEI), de l’économie et des finances, Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières, (ADETEF), et des affaires sociales : GIP ESTHER, GIP INTER, Agence pour le développement et la coordination des relations internationales (ADECRI) et Santé protection sociale internationale (SPSI). Une seconde phase interviendra au 1er janvier 2016, qui se traduira par le regroupement autour de l’AFETI de la plupart des autres opérateurs spécialisés de coopération technique ; en tout une douzaine d’organismes.
Dès la promulgation de la loi, un délégué interministériel à la coopération technique internationale, M. Jean-Christophe Donnellier (6), a été nommé pour mettre en place le nouvel établissement, présider son conseil d’administration et assurer la coordination stratégique et opérationnelle des actions publiques de coopération technique. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, l’AFETI devrait être effectivement opérationnelle dans les délais impartis.
La loi a également prévu la refonte du dispositif d’évaluation de la politique d'aide au développement avec, notamment, la création d’un observatoire de onze membres, indépendant des acteurs institutionnels et émanation du Parlement, qui y délèguera deux députés et deux sénateurs, et du CNDSI. Il a vocation à permettre la mutualisation et la rationalisation des moyens et à renforcer la neutralité des évaluations des programmes menés par la France.
Selon les informations qui ont été données à votre rapporteur, un schéma organisationnel pour l’exercice du secrétariat de l’observatoire devrait être rapidement proposé par les services d’évaluation de la Direction générale du Trésor, de l’AFD et du MAEDI, actuellement en concertation, pour être validé par le prochain co-CICID. En parallèle, le lancement de la procédure de détermination des membres de l’observatoire par la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie devrait également intervenir prochainement. Votre rapporteur s’en félicite.
Cette année a aussi été l’occasion du renouvellement du contrat d’objectifs et de moyens, COM, de l'AFD qui lie l’agence à ses tutelles, ministère des affaires étrangères et du développement international et ministère des finances.
L’architecture du premier COM de l'AFD portait la marque du document-cadre « Coopération au développement : une vision française » : il visait à renouveler la politique de développement pour répondre aux problématiques globales, mettait l’accent sur les enjeux stratégiques pour la politique de coopération que représentaient la croissance durable et partagée, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la préservation des Biens publics mondiaux et la promotion de la stabilité et de l’État de droit comme facteurs de développement, en tant qu’orientations générales de l’intervention de l'AFD. Dans un souci d’efficacité et de concentration, le COM confirmait la réduction à cinq des secteurs d’intervention de l'AFD : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable et soutien à la croissance. Sur le plan géographique, les « partenariats différenciés », préalablement introduits dans le document-cadre, étaient repris : Afrique subsaharienne, Méditerranée, pays en crise ou en sortie de crise et pays émergents, constituaient les quatre catégories de pays dans lesquels l'AFD devait intervenir, en adaptant la concessionnalité de ses divers instruments aux situations.
De la même manière que la loi d’orientation et de programmation, le nouveau COM intervient après les réflexions stratégiques engagées lors des Assises du développement, et après les décisions du dernier CICID. La rénovation de l'APD ayant été articulée sur la redéfinition des priorités géographiques et sectorielles, sur le renforcement de la cohérence de l’aide au développement avec les autres politiques publiques, de la coordination avec l’ensemble des acteurs et sur l’amélioration de l’efficacité, de la redevabilité et de la transparence, le COM ne pouvait qu’en reprendre et décliner les axes pour les rendre opérationnels pour l'AFD dans leurs différents aspects.
Au-delà des différences de présentation, il y a donc également plus de continuité que de rupture entre le nouveau COM et son prédécesseur, qui soulignait déjà la volonté de la France d’œuvrer à une mondialisation plus juste, d’introduire une relation de partenariat entre donateurs et bénéficiaires de l’aide et insistait sur la concentration des ressources publiques sur un nombre resserré d’enjeux. Il n’y a vraiment de nouveauté que dans l’insertion de l'AFD dans le dispositif de diplomatie économique et, au-delà, dans sa contribution au rayonnement de la France.
Lors de son examen du projet de COM, la Commission des affaires étrangères avait insisté sur l’insuffisance des informations relatives aux moyens donnés à l’agence par ses tutelles pour assurer son mandat.
Au-delà de généralités non chiffrées, aucun élément concret ne figurait pour permettre aux députés de juger de l’adéquation des moyens, budgétaires ou autres, aux objectifs, à la fois ambitieux et élargis. L’accent était en revanche mis sur la participation de l'AFD à l’effort de redressement des finances publiques, sur la maîtrise de ses coûts, notamment, et ce, alors même que l’agence n’est pas un opérateur au sens de la LOLF, comme la Cour des comptes l’a souligné en estimant qu’elle devait être gérée selon une logique de responsabilité et d’autonomie proche de celle d’une entreprise publique.
Entre autres exemples, l’un des sujets majeurs portait sur la question du niveau des fonds propres de l'AFD en regard des nouvelles règles prudentielles internationales. Leur insuffisance limitait d'ores et déjà fortement son activité dans certains pays et risquait d’avoir des impacts plus généraux. Or, le texte du projet de COM soumis à l’examen du parlement indiquait simplement à ce sujet que l’État renforcerait les fonds propres de l’AFD pour lui permettre d’atteindre une cible d’activité de 8,5 Mds€ par an. Sans apporter aucune information sur la manière selon laquelle l’État procéderait pour cela.
Par conséquent, votre rapporteur se félicite que l’insistance de la représentation nationale ait conduit le gouvernement à réviser la proposition initiale du COM et à consentir à inclure en annexe la lettre du ministre de l’économie et des finances qui définit les solutions par lesquelles l’État garantit à l'AFD les conditions de son modèle financier lui permettant de remplir sa mission au cours des prochaines années.
Reste que, au-delà de la réaffirmation des grands principes et des objectifs aujourd'hui inscrits dans la loi, un certain nombre de questions continuent de se poser quant à leur traduction sur le terrain. La lecture des données chiffrées suscite toujours une certaine perplexité, dans la mesure où l’allocation des moyens paraît parfois assez loin des priorités géographiques ou sectorielles.
« Parmi les dix premiers pays bénéficiaires de l’APD au sens du CAD, la Chine occupe la quatrième position, et le Brésil, la sixième position (contre la deuxième en 2012). Quatre pays d’Afrique subsaharienne figurent parmi ces dix bénéficiaires. Parmi eux, seule la République démocratique du Congo figure dans la liste des pays pauvres prioritaires arrêtée par le CICID en juillet 2013. »
Avec ce constat formulé dans sa dernière analyse de l’exécution du budget de l'APD (7), la Cour des comptes reprend une question qu’elle avait abordée dans son rapport public thématique, publié en juin 2012, où, traitant de la priorité africaine de l'APD française, elle s’était montrée dubitative sur les objectifs affichés : « Or, malgré cet effort [de concentration], la région ne représente que 45 % du total de l’aide bilatérale française en 2010, soit plus que ce que lui consacre l’Union européenne (33 %) mais moins que celle de la Banque mondiale/AID (58 %). Cette part a encore décru en 2011 pour n’atteindre plus que 36 %. Cela rend très ambitieux l’objectif de lui réserver 60 % de l’effort financier de l’État au cours du triennal budgétaire 2011-2013 posé par le comité interministériel en 2009 et confirmé par le document-cadre. » (8)
Votre rapporteur ne peut à son tour que relever le relatif hiatus entre les intentions et les faits, qui montre que la France a du mal à rester strictement dans le cadre des priorités géographiques qu’elle s’est fixées, comme les parlementaires et les organisations de la société civile le soulignent depuis longtemps. Les évidences sont nombreuses, que ce soit du fait de nos financements bilatéraux ou de nos contributions multilatérales.
Selon les dernières données statistiques, la répartition géographique de l’aide bilatérale nette française, tous modes de financement confondus, était la suivante en 2013. Elle s’est élevée à 5 121 M€ selon la déclaration transmise au CAD, et, comme le montre le tableau ci-dessous, a été majoritairement destinée à l’Afrique (46,3 %), particulièrement aux pays d’Afrique sub-saharienne pour lesquels elle a atteint 1 691 M€, soit 33 % du total.
Répartition géographique de l'aide bilatérale française (en %) | |
Afrique, total |
46% |
dont Afrique sub-saharienne |
33% |
dont Afrique du Nord |
13% |
Asie du Sud |
14% |
Amérique du Sud |
6% |
Extrême-Orient |
5% |
Amérique du nord et centrale |
5% |
Moyen-Orient |
4% |
Europe |
2% |
Océanie |
2% |
Caucase et Asie centrale |
1% |
Multi-pays |
15% |
Total général |
100% |
Dans le même esprit, en termes de volumes en direction de l'Afrique subsaharienne, la tendance sur les dernières années est reflétée par le tableau suivant. Elle montre à la fois une consolidation des dons, mais une diminution constante depuis 2010 de l'APD nette bilatérale, parallèle au quasi tarissement des annulations de dettes, inévitable, sur la même période.
Afrique subsaharienne | |||||
Versements, en millions d'euros |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Dons hors Annulations de dette et refinancements |
1 511 |
1 521 |
1 168 |
1 115 |
1 220 |
Prêts bruts |
197 |
330 |
757 |
544 |
728 |
Prêts nets |
-26 |
115 |
551 |
220 |
419 |
Annulations de dette et refinancements nets |
993 |
1 065 |
859 |
1 116 |
65 |
APD bilatérale nette |
2 478 |
2 700 |
2 578 |
2 450 |
1 704 |
APD multilatérale imputée |
1 979 |
1 807 |
1 354 |
1 321 |
n.d. |
Source : OCDE, DG Trésor et DPT 2015
Cela étant, l’examen des vingt premiers récipiendaires de l'APD bilatérale nette sur les trois dernières années disponibles montre aussi que ce ne sont pas les plus pauvres des pays africains, ni ceux relevant de nos listes de pays prioritaires, - les quatorze du document-cadre de 2010 ou les seize choisis par le CICID l’an dernier, dont relèvent ceux soulignés par votre rapporteur dans le tableau ci-dessous, qui figurent en tête de listes.
APD (M$) |
Receveur |
2012 |
Receveur |
2011 |
Receveur |
2010 |
1 |
Côte d'Ivoire |
1 279 |
RDC |
1 131 |
Congo |
909 |
2 |
Brésil |
861 |
Côte d'Ivoire |
553 |
Chine |
317 |
3 |
Maroc |
507 |
Maroc |
524 |
Indonésie |
262 |
4 |
Sénégal |
304 |
Mexique |
431 |
Maroc |
254 |
5 |
Chine |
288 |
Tunisie |
304 |
Vietnam |
242 |
6 |
Tunisie |
242 |
Chine |
291 |
Liberia |
232 |
7 |
Égypte |
140 |
Turquie |
245 |
Mexique |
206 |
8 |
Vietnam |
135 |
Vietnam |
220 |
Philippines |
189 |
9 |
Rép. Dom |
132 |
Colombie |
179 |
Togo |
168 |
10 |
Jordanie |
126 |
Sénégal |
177 |
Colombie |
160 |
11 |
Colombie |
125 |
Cameroun |
149 |
Sénégal |
157 |
12 |
Niger |
102 |
Afrique du sud |
144 |
Haïti |
144 |
13 |
Kenya |
90 |
Égypte |
116 |
Égypte |
140 |
14 |
Cameroun |
89 |
Rép. Dom |
106 |
Côte d'Ivoire |
139 |
15 |
Mauritanie |
84 |
Maurice |
101 |
Tunisie |
127 |
16 |
Maurice |
84 |
Kenya |
93 |
Kenya |
123 |
17 |
Mexique |
83 |
Madagascar |
89 |
Turquie |
88 |
18 |
Lebanon |
81 |
Burkina Faso |
79 |
Madagascar |
84 |
19 |
Guinée |
80 |
Inde |
76 |
Cameroun |
82 |
20 |
Haïti |
74 |
Mali |
73 |
Mali |
78 |
Les vingt premiers récipiendaires de l'APD bilatérale nette de la France 2010-2012, (en M$)
On peut certes espérer que les choses évolueront dans l’avenir, mais il n’en est pas encore ainsi, cela étant dit sans oublier que c’est la concentration d’au moins la moitié des subventions de l’État et les deux tiers de celles mises en œuvre par l'AFD sur ces seize pays pauvres prioritaires que le CICID a décidée. Il n’en reste pas moins qu’un regard plus général, englobant les bénéficiaires de l’ensemble de l’aide bilatérale nette, est pertinent.
Il est d’autant plus pertinent que si l’on regarde le volume des versements en direction des seize pays pauvres prioritaires, on relève deux tendances : d’une part, la croissance des dons, hors annulations de dettes et refinancements, ce dont on ne peut que se féliciter, mais en parallèle, la diminution forte de l'APD bilatérale nette envers cette catégorie de pays, qui a quasiment chuté de moitié entre 2011 et 2013, cependant que l'APD multilatérale imputée semble elle-aussi orientée durablement à la baisse.
Pays Pauvres Prioritaires | |||||
Versements, en millions d'euros |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013* |
Dons hors Annulations de dette et refinancements |
563 |
570 |
553 |
542 |
561 |
Prêts bruts |
60 |
59 |
98 |
266 |
126 |
Prêts nets |
28 |
0 |
26 |
221 |
69 |
Annulations de dette et refinancements nets |
47 |
121 |
821 |
36 |
62 |
APD bilatérale nette |
638 |
692 |
1 400 |
800 |
692 |
APD multilatérale imputée |
675 |
702 |
502 |
449 |
n.d. |
Dans le même temps, en volume, l’aide aux PMA est fortement volatile : elle a diminué de 10 % sur l’ensemble des cinq dernières années, mais cette tendance masque des à-coups que révèle le tableau ci-dessous ; d’après les chiffres préliminaires d’APD 2013, il semblerait qu’elle ait de nouveau augmenté de près de 32 % entre 2012 et 2013.
Pays les moins avancés | |||||
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 | |
Total Versements nets, (en M€) |
2 193 |
2353 |
2774 |
2601 |
1971 |
En parallèle, l’aide aux pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure, a été relativement stable, et celle pour les PRI à revenu supérieur a fortement cru, de 1 486 M€ en 2008 à 2 582 M€ en 2012, progression sans cesse régulière, sans baisses intermédiaires.
Enfin, si l’on examine la question sous l’angle de l’effort financier de l’État en direction des différentes géographies qu’il a définies, le résultat suscite l’inquiétude. Pour mémoire, l’effort financier bilatéral regroupe trois composantes : les crédits budgétaires des subventions des programmes 110 et 209 de la mission APD ; le coût-État des prêts de l’AFD qui concourent à l’APD et les prêts de la Réserve des pays émergents (RPE) ; le montant des annulations de créances de la France sur les États étrangers. (9) Le premier tableau ci-dessous, qui retrace l’évolution de l’effort financier bilatéral total de l’État depuis 2009, montre tout d'abord une évolution fluctuante, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse, et, sur la durée, une tendance nette à la diminution de cet effort : -20 % entre 2009 et 2013 ; -30,4 % en 2013 par rapport à 2012.
en million d'euros |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Effort financier |
1 817 |
2 328 |
1 960 |
2 088 |
1 453 |
Le second tableau retrace sur les deux dernières années l’évolution de cet effort en direction de chacune des grandes aires géographiques définies. On en retire que si le taux de 85 % pour l'Afrique subsaharienne et les pays méditerranéens a été atteint et même dépassé en 2012, il a ensuite diminué très fortement, tant en volume, -1 Md€, qu’en pourcentage, pour atteindre 53 % seulement, principalement, du fait d’une part nettement moindre d’annulations de dettes qui ont chuté entre 2012 et 2013 (10). S’agissant des seize pays pauvres prioritaires, les volumes sont également orientés à la baisse, de -47 M€, soit -11,4 %, même s’ils augmentent opportunément en proportion, passant de 20 % à 25 % de l’effort global. On ne peut que relever aussi l’évolution de la part consacrée aux pays en crise, qui est quintuplée d’une année sur l’autre en volume et multipliée par 7 en pourcentage. Cette évolution invite à s’interroger sur la capacité de notre pays à respecter les axes qu’il se fixe.
2012 |
2013 | |||
En M€ |
En % |
En M€ |
En % | |
Effort total |
2 088 |
100 % |
1 453 |
100 % |
dont |
||||
Afrique subsaharienne |
1 639 |
78 % |
606 |
42 % |
Pays pauvres prioritaires |
412 |
20 % |
365 |
25 % |
Pays méditerranéens |
183 |
9 % |
154 |
11 % |
Pays émergents |
27 |
1 % |
39 |
3 % |
Pays en crise |
98 |
5 % |
512 |
35 % |
Répartition de l’effort financier de l’État en faveur du développement,
(par région, en volumes et %) (11)
Si l’on s’intéresse aux principaux bénéficiaires des versements nets de crédits de la France transitant par le canal multilatéral, les conclusions sont identiques. Un pays disposant d’un PIB de 820 milliards de dollars qui le classe au 17e rang de l’économie mondiale, avec quelque 11 000 dollars par habitant ayant une espérance de vie de 75 ans, est loin de faire partie des priorités géographiques de notre APD. La Turquie est un pays émergent « à revenu intermédiaire supérieur », membre de l'OCDE depuis sa création, et du G20 qu’elle présidera l’an prochain ; c’est néanmoins elle qui, en 2011 et 2012, a reçu le plus de contributions de notre part via nos contributions multilatérales. Au-delà de son cas, les tableaux disponibles montrent aussi que les autres principaux bénéficiaires de l'APD française multilatérale ne sont, pour l’essentiel, pas non plus des PMA, et rarement des pays prioritaires.
2012 |
2011 | |||
1 – Turquie |
356 |
1 – Turquie |
388 | |
2 - Côte d'Ivoire |
146 |
2 – Inde |
158 | |
3 – Serbie |
110 |
3 – Serbie |
147 | |
4 – RDC |
98 |
4 – Éthiopie |
135 | |
5 – Kenya |
96 |
5 – RDC |
128 | |
6 – Égypte |
94 |
6 – Kenya |
116 | |
7 – Guinée |
90 |
7 – Vietnam |
110 | |
8 – Éthiopie |
88 |
8 – Pakistan |
99 | |
9 – Bangladesh |
80 |
9 - Côte d'Ivoire |
94 | |
10 – Nigeria |
78 |
10 – Ghana |
94 | |
Total dix premiers bénéficiaires |
1 236 |
Total dix premiers bénéficiaires |
1 470 | |
Total aide multi imputée |
3 895 |
Total aide multi imputée |
4514 | |
% dix premiers / total |
32% |
% dix premiers / total |
33% |
Les dix premiers bénéficiaires des versements nets de crédits de la France transitant par le canal multilatéral, en M$ (12)
En fait de pays pauvres prioritaires, seuls deux figuraient parmi les dix premiers bénéficiaires : la RDC et la Guinée en 2012 ; la RDC et le Ghana en 2011. La situation était identique les années précédentes.
Ces données appellent quelques rapides commentaires. On ne peut manquer tout d'abord de faire remarquer la volatilité des listes d’une année sur l’autre ainsi que les fluctuations importantes des montants d’APD de notre pays. La raison tient en partie aux variations qui peuvent intervenir sur un certain nombre de lignes sur lesquelles il y a peu de maîtrise.
C’est l’occasion de mettre une nouvelle fois en évidence les « effets pervers » de certaines des caractéristiques de l'APD de notre pays, que ne cessent de souligner depuis longtemps les ONG réunies au sein de Coordination SUD, comme les évaluations institutionnelles. Certaines des composantes de notre aide sont en effet discutables en ce qu’elles ne procurent pas de ressources nouvelles pour le financement du développement des pays partenaires, et sont en outre difficilement prévisibles et pilotables. Le gouvernement le reconnaît lui-même. Il en est ainsi des frais d’écolages, ou des dépenses d’accueil de réfugiés. Le recours croissant aux prêts est aussi un facteur qui conditionne fortement tant les secteurs vers lesquels notre politique d'aide au développement est orientée, que ses bénéficiaires.
Indépendamment du fait qu’elles ne sont pas inscrites au budget de la mission, un certain nombre de dépenses influent de manière importante sur le taux d’APD que la France déclare au CAD, qu’elles contribuent à « gonfler » : pour justifiées qu’elles soient pour leurs bénéficiaires, les dépenses relatives aux réfugiés ont contribué à notre déclaration d’APD en 2013 pour plus de 450 M$, quelque 341 M€, d’autres pays, comme le Royaume-Uni, ne déclarant à ce titre le dixième de cette somme. La France n’accueille cependant pas dix fois plus de réfugiés que le Royaume-Uni, mais deux fois. En parallèle, 641 M€ ont été déclarés en écolages au CAD en 2013, soit 60 % de notre APD de ce secteur !, cependant qu’on ne consacre que moins de 200 M€, 18,5 %, à l’éducation primaire et secondaire, alors même que la stratégie 2010-2015 a mis expressément en avant que « la France a décidé de promouvoir d’ici 2015 deux objectifs majeurs : apporter une contribution décisive à la scolarisation primaire universelle et à l’objectif de la parité d’accès à l’éducation filles/garçons ; promouvoir une vision intégrée de l’éducation, comprenant les enseignements primaire et secondaire, la formation professionnelle et l’enseignement supérieur, pour répondre aux défis de l’avenir de la jeunesse dans une nouvelle stratégie élargie à l’ensemble du secteur éducatif. » (13) Quand bien même 26 % des étudiants comptabilisés proviennent de pays d'Afrique subsaharienne, on ne peut oublier que c’est du fait de la prise en compte large de ces dépenses que la Chine figure depuis de nombreuses années maintenant parmi les principaux bénéficiaires de notre action. On a vu de même l’effet de la diminution drastique des annulations de dettes.
Il ressort de ces éléments, d’une part, l’impression d’une certaine distance entre les annonces et les priorités de notre pays et la réalité de son aide, et d’autre part, l’idée que la prévisibilité de l’aide de notre pays, en conformité avec ce que les grandes conférences internationales n’ont cessé de recommander, pourrait sans doute être considérablement améliorée.
Les différentes revues et analyses auxquelles la politique d'aide au développement de notre pays a été soumise au cours de ces dernières années ont toutes conclu dans le même sens, que ce soit celle de la Cour des comptes, déjà évoquée, ou celle du CAD de l'OCDE en 2013 dont les conclusions ne diffèreraient sans doute pas beaucoup aujourd'hui, cf. l’encadré n°1 ci-dessous :
Encadré n° 1
Les deux tiers de l’APD française (9.1 Mds$ en 2011) transitent par le canal bilatéral. Toutefois, une faible part de cette aide bilatérale est constituée de dons programmables. En effet, 40 % de l’aide bilatérale est constituée d’éléments non programmables (frais d’écolage, annulations de dette, coût des réfugiés). Par ailleurs, la part des prêts dans l’aide bilatérale a fortement progressé depuis 2008, au point de représenter 40 % des engagements en 2011. Ces prêts financent essentiellement l’appui aux secteurs productifs et la lutte contre le changement climatique dans les pays à revenu intermédiaire. Il s’ensuit qu’en 2011, 67 % de l’APD brute bilatérale de la France ciblait ces pays et qu’un seul pays à faible revenu (la RDC) figurait dans les dix premiers bénéficiaires de l’aide française. Ces prêts vont générer des flux d’APD négatifs croissants au fur et à mesure des remboursements. Cette structure de l’aide française et l’extension géographique du mandat de l’AFD expliquent la dispersion accrue du programme et le fait que moins de 10 % de l’APD bilatérale nette (hors allègements de dette) étaient destinés aux 17 pays pauvres prioritaires en 2011. Ce pourcentage est en baisse constante depuis 2008, même si les dons vont prioritairement à l’Afrique sub-saharienne et, en son sein, aux 17 pays prioritaires, conformément aux directives du Document-cadre. Quant aux pays en crise, ils ont reçu 10 % des subventions de l’État, soit 4 % de l’APD bilatérale nette. La baisse des dons, en valeur absolue et relative, menace sérieusement la capacité d’intervention de la France dans les pays pauvres ou en crise (par exemple les pays du Sahel) et réduit les possibilités d’appui dans les secteurs sociaux et dans les domaines concourant à la stabilité et à l’État de droit, qui sont pourtant considérés comme des enjeux stratégiques de la coopération. |
Revue 2013 de la politique d'aide au développement de la France, CAD, OCDE, page 18
Le « Bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement, 1998-2010 », réalisé en 2012 sous l’égide conjointe du MAEE, du ministère de l’économie et des finances et de l'AFD, mettaient notamment en exergue que si les priorités géographiques et sectorielles étaient globalement respectées sur la période 1998-2010, on constatait un décalage croissant entre les moyens disponibles et les priorités affichées dans le document-cadre, ainsi qu’une capacité de plus en plus limitée à orienter les crédits vers les axes prioritaires de la politique d’aide française. Certaines des remarques de cette évaluation, reprises dans l’encadré n° 2 ci-dessous, n’ont pas perdu de leur pertinence.
Encadré n° 2
La manière dont la France déclare son aide au CAD et l’utilisation qu’elle fait de l’APD au sens du CAD pour piloter son aide au développement présentent pourtant des défauts pour son efficacité et pour sa crédibilité. Tout d’abord la France fait le choix de déclarer certains éléments considérés comme ne favorisant pas effectivement le développement économique et l’amélioration des conditions de vie dans les pays concernés (les frais de scolarité en France des étudiants étrangers, les aides aux TOM ou encore le coût d’accueil des réfugiés issus de pays en voie de développement), qui tendent à décrédibiliser la réalité de l’effort fourni par la France en faveur du développement. L’utilisation de l’APD pour piloter l’aide est par ailleurs à la source d’effets pervers sur l’orientation des crédits de la politique française de coopération au développement. Elle incite à certaines manipulations visant à augmenter son volume à coût budgétaire constant. En particulier, le mode de comptabilisation des prêts en APD permet, selon les règles du CAD, un effet de levier conduisant à un gonflement temporaire des flux d’APD, associé à un étalement de l’effort budgétaire correspondant. Par ce mécanisme, et rejoignant une critique récurrente de l’aide française sur la période 1998-2010, l’allocation budgétaire et le choix des instruments de la politique de coopération au développement de la France sont principalement conditionnés par une logique d’affichage, au lieu d’être guidés par une logique stable et raisonnée fondée sur des priorités prédéfinies. |
Le DPT 2015 (14) montre en effet que les choses ne changent pas et le dernier aspect évoqué dans cet encadré reste d’une entière d’actualité. L’analyse de la ventilation géographique des engagements de l'AFD permet de comparer le réalisé 2013 et le programme d’activités 2014. Elle fait apparaître que l’enveloppe des dons projets perd 8 M€ : 207 M€ prévus en 2014, contre 215 M€ réalisés en 2013. Ceux destinés à l'Afrique subsaharienne sont heureusement stables, 150 M€ contre 151 M€, et l’on remarque aussi que ceux pour les pays pauvres prioritaires augmentent de 17 M€ d’une année sur l’autre, soit +12 %. Cela est positif, sachant qu’il convient de rappeler le passage de quatorze pays de cette catégorie à seize, décidée par le CICID de 2013.
S’agissant des prêts concessionnels, ils diminuent très fortement au niveau général, de 950 M€, soit une baisse de 28,8 %. Ceux en direction de l'Afrique subsaharienne sont globalement stables (en très légère diminution, de 18 M€ sur un total de 1 193 M€ en 2013). Dans ce mouvement, ceux en faveur des pays pauvres prioritaires sont cependant en nette augmentation : +93 M€, soit +27,6 %.
Enfin, l’évolution des prêts non concessionnels attire également l’attention : toutes géographies confondues, ils sont en très forte croissante, +1 383 M€ en 2014 contre 1 063 M€ réalisés en 2013, soit une progression de +130 % ! Ceux à destination de l'Afrique subsaharienne sont également en forte augmentation : +212 M€, soit +61,4 %, comme ils le sont au niveau global, quand ceux pour les PPP sont stables, +1 M€.
La loi du 7 juillet a défini un certain nombre de secteurs comme axes prioritaires de la politique d'aide au développement de la France. Votre rapporteur avait choisi l’an dernier de porter une attention particulière à la santé. L’épidémie de virus Ébola qui ravage aujourd'hui l’Afrique de l'Ouest confirme l’importance particulière de cette thématique et justifie que le présent avis y revienne.
La santé est au premier rang de nos dix priorités sectorielles. L’annexe à l’article 2 de la loi réaffirme l’importance que la France attache au droit fondamental à la santé, qui justifie que notre pays y consacre une part significative de son effort. La catastrophe que traversent aujourd'hui plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest confirme la justesse de l’argumentaire qui aborde entre autres les thématiques de l’accélération de la mondialisation qui a renforcé les risques de diffusion des grandes pandémies ou celle de la résilience des sociétés aux chocs sanitaires comme condition de leur capacité à se développer.
Notre pays consacre des ressources importantes au secteur de la santé, comme le tableau ci-dessous le met en évidence :
En M€ |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Aide multi. Imputée |
112,1 |
91,9 |
282,5 |
274,8 |
343,2 |
441,7 |
479,6 |
492,4 |
485,2 |
641,3 |
623,7 |
Aide bilatérale dont : |
139,8 |
157,7 |
191,8 |
202 |
220,1 |
71,5 |
242,6 |
247,3 |
320,1 |
152 |
149,2 |
Dons |
135,7 |
157,3 |
188,0 |
200,7 |
214,1 |
68,5 |
239,7 |
240,5 |
283,8 |
120,6 |
143,2 |
Prêts |
4,1 |
0,4 |
3,8 |
1,3 |
6,0 |
3,0 |
2,9 |
6,8 |
36,3 |
31,4 |
6,0 |
Total |
251,9 |
249,6 |
474,3 |
476,9 |
563,3 |
513,2 |
722,2 |
739,7 |
805,3 |
793,3 |
773 |
Part de l’APD de la France dédiée à la santé, versements bruts en M€, avec répartition de l’aide bilatérale entre dons et prêts (15)
Enfin, pour prolonger la réflexion engagée plus haut concernant la part des allocations réservées aux seize pays pauvres prioritaires, on relève que seulement une trentaine de millions leur sont affectés sous forme de dons en matière de santé. En d'autres termes, chacun d’entre eux reçoit en moyenne 1,8 M€. La faiblesse de ces chiffres met en lumière le fait que la politique de notre pays en matière de santé transite très majoritairement par les instruments multilatéraux, ainsi que le faisait ressortir le tableau précédent, +80 % en 2011 et 2012.
Versements en M€ |
2 008 |
2 009 |
2 010 |
2 011 |
2 012 |
Éducation |
193 |
202 |
204 |
209 |
196 |
Santé |
27 |
33 |
29 |
29 |
31 |
Développement durable |
35 |
53 |
47 |
47 |
40 |
Agriculture et sécurité alimentaire |
63 |
42 |
49 |
45 |
50 |
Soutien à la croissance |
23 |
17 |
22 |
17 |
18 |
Gouvernance |
39 |
33 |
31 |
35 |
31 |
Total |
380 |
381 |
382 |
383 |
366 |
Dons de la France consacrés aux OMD dans les 16 PPP, hors opérations de dette (dépenses bilatérales)
C’est précisément ce dernier point qui avait amené votre rapporteur à s’interroger l’an passé sur la cohérence de notre politique d’aide en matière de santé. Le fait est que depuis plusieurs années, et de manière croissante, la stratégie de la France a été de privilégier considérablement les instruments multilatéraux. Un parmi eux, le Fonds mondial sida en tout premier lieu, a ainsi bénéficié de l’essentiel des financements de notre pays, que deux présidents de la République ont même tenu à renforcer. Des questions d’efficacité, d’effets de levier opportuns, compte tenu de l’ampleur des besoins et des moyens nécessaires, ont pu justifier ces choix. On a remarqué qu’ils ne s’étaient toutefois pas forcément traduits positivement en termes d’influence et de reconnaissance internationale du rôle et de l’effort de notre pays, d’une part, et que, à se concentrer très fortement sur un nombre très restreint de pathologies, ils avaient aussi pu conduire à oublier en partie que les « OMD santé » appelaient des actions plus larges.
L’explosion de l’épidémie Ébola aujourd'hui doit inciter le gouvernement à réfléchir à la réorientation de ses priorités intra-sectorielles et à la cohérence de son action.
S’agissant du secteur lui-même, il n’est pas indifférent de rappeler une nouvelle fois que la stratégie de notre APD en matière de santé, révisée en 2012, « promeut le renforcement des systèmes de santé les plus fragiles (extrême pauvreté, situations de crise), notamment en Afrique francophone, via l’appui au financement durable et solidaire de la santé, la formation de ressources humaines compétentes et motivées, et le développement de systèmes d’information sanitaire fiables ». Sur cette base, le CICID de juillet 2013 avait précisé les priorités : la lutte contre les trois pandémies dont est chargé le Fonds Mondial, la promotion de la santé maternelle et infantile et de la couverture sanitaire universelle.
Or, l’épidémie montre sans doute l’urgence à ne pas prioriser excessivement un instrument qui cible un nombre réduit de pathologies qui ne sont pas celles qui impactent le plus la mortalité infantile, mais à consacrer aussi des ressources importantes à d’autres axes, et tout particulièrement dans les pays les plus pauvres. Ébola confirme s’il en était besoin l’impératif de l’effort à porter sur le renforcement des systèmes de santé et au-delà de cet exemple, sur le renforcement des institutions nationales, si l’on entend contribuer réellement, moyennant nos politiques d'aide, à la stabilité durable et au développement économique et social de nos partenaires africains. Force est de constater que des crises sanitaires de l’ampleur de celle-ci ont les effets destructeurs d’une déflagration infiniment supérieurs aux stress de toutes natures que les pays en développement connaissent habituellement.
Il est bien sûr heureux que la communauté internationale se mobilise en urgence et réagisse avec des moyens à la hauteur du défi, que la France ait annoncé engager quelque 70 M€, dont 35 M€ sur la Guinée, et puisse envoyer des hommes et des matériels sur place. Mais, à relire les alertes formulées par l'OMS depuis plusieurs décennies, on ne saurait dire que cette crise sanitaire désormais mondiale est une surprise, même si elle prend la communauté internationale de court. L’exigence d’efficacité sur laquelle votre rapporteur s’interrogeait dans son précédent avis est double, pour les pays partenaires et leurs populations bénéficiaires de notre aide comme pour nous-mêmes, compte tenu de la raréfaction des ressources publiques disponibles. Force est de convenir que ce qui se joue aujourd'hui traduit le fait que les capacités d’anticipation et la mise en œuvre de politiques publiques sur le long terme ont été prises en défaut et que se pose la question de l’adaptation de nos politiques aux réalités à traiter, et des moyens que l’on y consacre.
Dans ces conditions, on conviendra qu’il est en parallèle moins heureux que les baisses de crédits budgétaires qui sont proposées par le gouvernement pour 2015 ne portent que sur la santé, comme on le verra dans les développements de la seconde partie de cet avis. Alors que l’initiative Muskoka se voit privée de 5 M€, que le gouvernement signifie à l'Alliance GAVI que les 22 M€ qu’il reste lui devoir sur l’engagement de 100 M€ fait en 2010 ne seront pas versés, les financements se concentrent toujours très majoritairement sur le Fonds mondial, qui se voit pour sa part définitivement sanctuarisé.
Le Président de la République avait indiqué lors des Assises du développement qu’il n’était pas question pour notre pays de renoncer à son objectif d’une APD à 0,7 % du RNB et que la trajectoire en ce sens reprendrait lorsque la croissance serait de nouveau au rendez-vous. Force est cependant de constater, comme s’en alarment les organisations de la société civile (16) que votre rapporteur a rencontrées, que la politique d'aide au développement contribue en fait de manière particulièrement forte à l’effort de redressement de nos finances publiques, et que l’engagement du président ne sera très vraisemblablement pas respecté.
La baisse de l'aide au développement de la France est une réalité désormais inscrite dans la durée. Après avoir régulièrement augmenté entre le milieu et la fin des années 2000, notre effort s’est stabilisé avant de commencer à décroître depuis 2011. Il a alors atteint un maximum en volume, avec quelque 13 Mds de dollars, représentant alors 0,46 % du RNB, le pic sur la décennie, en termes de ratio par rapport au RNB, ayant été atteint l’année précédente, avec un taux de 0,5 %, soit un volume de 12,9 Mds de dollars. Depuis lors, l’effort global est en diminution constante et la baisse, en volume et en pourcentage, régulière, comme le montre ce tableau.
Année |
APD nette totale pays du CAD |
APD nette de la France |
|
1981 |
24 610 |
2 964 |
0,51 |
1982 |
27 040 |
3 050 |
0,56 |
1983 |
26 772 |
2 909 |
0,56 |
1984 |
28 134 |
3 026 |
0,62 |
1985 |
28 774 |
3 134 |
0,61 |
1986 |
35 853 |
4 042 |
0,56 |
1987 |
40 641 |
5 250 |
0,60 |
1988 |
47 108 |
5 463 |
0,58 |
1989 |
45 775 |
5 802 |
0,61 |
1990 |
54 329 |
7 163 |
0,60 |
1991 |
58 368 |
7 386 |
0,62 |
1992 |
62 440 |
8 270 |
0,63 |
1993 |
56 286 |
7 915 |
0,63 |
1994 |
58 991 |
8 466 |
0,62 |
1995 |
58 896 |
8 443 |
0,55 |
1996 |
55 751 |
7 451 |
0,48 |
1997 |
48 658 |
6 307 |
0,44 |
1998 |
52 312 |
5 742 |
0,38 |
1999 |
53 601 |
5 639 |
0,38 |
2000 |
54 021 |
4 105 |
0,30 |
2001 |
52 767 |
4 198 |
0,31 |
2002 |
58 654 |
5 486 |
0,37 |
2003 |
69 583 |
7 253 |
0,40 |
2004 |
80 130 |
8 473 |
0,41 |
108 296 |
10 026 |
0,47 | |
2006 |
105 415 |
10 601 |
0,47 |
2007 |
104 917 |
9 884 |
0,38 |
2008 |
122 784 |
10 908 |
0,39 |
2009 |
120 558 |
12 602 |
0,47 |
2 010 |
129 066 |
12 915 |
0,50 |
2 011 |
134 670 |
12 997 |
0,46 |
2 012 |
126 949 |
12 028 |
0,45 |
2013* |
134 838 |
11 376 |
0,41 |
APD cumulée des pays du CAD et de la France, en valeur absolue (M$) et % du RNB (17)
La contraction de l’effort de la France est conséquente chaque année : de près de 1 Md de dollars courants en 2012 par rapport à 2011, puis de 652 millions de dollars en 2013 par rapport à 2012, correspondant à un chute du taux de 0,46 % du RNB à 0,41 %. Cette chute n’est pas terminée puisque le taux estimé de l'APD de notre pays ne devrait pas dépasser 0,37 % du RNB en 2014. Il y a douze ans que la France n’avait pas fourni un si faible effort.
Comme le montre le tableau ci-dessous, le DPT 2015 s’aventure à indiquer qu’en 2015 l’effort devrait remonter à 0,42 % pour ensuite redescendre à 0,39 % et se stabiliser. Il précise à raison que ces prévisions sont à prendre avec de très grandes précautions, car sujettes à des aléas importants, notamment quant à l’imprévisibilité des dates de traitement de la dette des derniers pays éligibles à l’Initiative PPTE, et aux discussions en cours au sein du CAD sur la définition de la concessionnalité, ainsi que des agrégats d’APD, qui ne manqueront pas d’impacter ces projections.
Évolution prévisionnelle de l’APD en 2014 et sur la durée du triennal (18)
Quoi qu’il en soit, quand bien même elles se confirmeraient, elles positionneraient notre pays à un niveau d’effort correspondant à peine à la moyenne de celui que les pays du CAD réalisent aujourd'hui : 0,40 %.
Cumulativement, le mouvement atteint désormais une ampleur historique par son montant et sa durée. Les variations à la baisse enregistrées depuis le début des années 1980 étaient en effet plus brèves et moindres. Il n’y a que dans la période 1994-2000 que l’on a constaté une baisse de l'APD de notre pays supérieure à celle d’aujourd'hui tant par sa durée que son importance. Cela étant, il faut aussi rappeler que, à l’époque, la baisse de l’effort était générale, consécutive à la chute du Mur de Berlin. Votre rapporteur remarquera cependant que la contraction de l’effort de notre pays a alors été incomparablement plus brutale, (-51,5 % au lieu de -17,5 %, et plus longue ; six ans au lieu de trois), que celle qu’enregistraient l’ensemble des pays du CAD de l'OCDE.
« J’ai lu dans la presse des critiques sur ce budget en baisse. Je tiens donc à dire clairement que l’aide publique au développement n’est pas sacrifiée. La France n’a pas à rougir de son effort de solidarité. » (19), soutenait récemment Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie devant la Commission des affaires étrangères.
La réalité des chiffres oblige cependant à dire qu’au contraire, l'APD est l’une des politiques publiques les plus durement affectées par les mesures de redressement engagées.
Ce n’est pas seulement l’effort global de notre pays, tous modes de financements considérés, qui est en diminution constante. La contraction des crédits de la mission suit la même tendance et les PLF proposent depuis plusieurs années des enveloppes budgétaires de plus en plus faibles :
Loi de finance initiale |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
2011 |
4 575 |
3 334 |
2012 |
2 758 |
3 323 |
2013 |
2 429 |
3 120 |
2014 |
4 163 |
2 899 |
Mission APD : Autorisations d’engagement et crédits de paiement votés entre 2011 et 2014, en M€ (20)
Cette évolution est à mettre en regard des plafonds de CP fixés dans les triennums budgétaires. Ceux figurant dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2013-2015 indiquaient les montants suivants : 3,3 Mds€ en 2012 ; 3,1 Mds€ en 2013 et 3,07 Mds€ pour chacune de deux années suivantes, 2014 et 2015. Ce premier rappel permet ainsi de constater que, année après année, les crédits effectivement proposés s’éloignent des plafonds fixés. Situation qui se confirmera à l’avenir puisque, pour le prochain triennum, les plafonds indiqués dans le PLF 2015 sont les suivants.
Évolution des crédits pour 2015-2017 (21)
Comme l’a montré le tableau sur l’évolution prévisionnelle de l’APD en 2014 et sur la durée du triennal (22), ce ne sont pas seulement les crédits de la mission APD qui diminuent sur la durée du triennum mais ceux de l’ensemble des missions du budget de l’État : l'APD résultant de crédits budgétaires, toutes missions confondues, passe de 6 979 M€ en 2012 à 6 450 M€ en 2017. Les crédits budgétaires perdent 529 M€ sur la durée, soit -7,6 %.
On remarque en outre que même en intégrant l’apport des financements innovants, question sur laquelle votre rapporteur présentera plus loin quelques commentaires, les plafonds de CP des années 2015 à 2017 resteront inférieurs à ceux du triennum précédent.
En outre, si les crédits budgétaires votés, constamment orientés à la baisse depuis plusieurs années, vont continuer de l’être durablement, les annulations de crédits en loi de finances rectificative se révèlent aussi particulièrement importantes, comme le rappelle opportunément le document d’analyse publié par la commission « APD et finances du développement » de Coordination SUD.
Ainsi, l’an dernier, les annulations totales sur la LFI 2013 ont par exemple représenté un total de 148,52 M€ en AE et de 154,1 M€ (23). De son côté, la loi de finances rectificative d’août 2014 est ensuite venu amputer l’enveloppe budgétaire votée en LFI 2014 de près de 74 M€, lui faisant supporter une baisse de 2,5 %. Un ratio à mettre en lumière avec le fait que dans le même temps, la baisse globale à laquelle la LFR procédait, représentait 0,8 % des crédits votés en LFI. En d'autres termes, l’effort demandé au budget de l'APD a été trois fois supérieur.
Annulation de crédits des programmes de la mission APD, LFR 2014
Le tableau ci-dessous présentant les trajectoires des missions du budget de l'État pour le triennum en propose une particulièrement mauvaise pour l’aide publique au développement. Il montre que sur l’ensemble des 30 missions qui composent le budget de l'État, l’aide publique au développement est une des politiques qui subira parmi les plus fortes contractions : en pourcentage, la baisse cumulée en 2017 par rapport à 2014 sera de -7,3 %. En effet, hormis la ligne « Engagements financiers », les missions proportionnellement les plus touchées sont par ordre décroissant les suivantes :
1er : Media, livres et industries culturelles, -32,1 %
2e : Politique des territoires, -17,28 %
3e : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, -14,33 %
4e : Travail et emploi, -13,76 %
5e : Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, -13,15 %
6e : Économie, -7,98 %.
Comme le soulignent opportunément les analyses des organisations de la société civile, par exemple celle de ONE, sur cette même durée la contraction des crédits de paiement de l’ensemble des 30 missions ne sera que de -0,54%. Coordination SUD remarque de son côté que cela signifie que « Sur l’ensemble du triennal, les crédits de la mission APD seront 13 fois plus impactés que les autres missions budgétaires. » (24)
Si l’on articule ces perspectives avec le précédent triennum et l’évolution constatée, il apparaît que les crédits de paiement des deux programmes de la mission APD auront continument diminué entre 2011 et 2017, passant de 3 334 M€ à 2 660 M€. Perdant quelque 674 M€ sur l’ensemble de la période, ils auront ainsi régressé de plus de 20,2 %, alors même que les prévisions budgétaires pour les années à venir tablent sur une reprise de la croissance, certes modérée mais néanmoins régulière, à +1,9 % en 2017.
Ainsi que votre rapporteur le relevait plus haut, l’engagement du Président de la République ne sera pas tenu. Ces remarques incitent à penser que la politique d'aide au développement de notre pays n’est effectivement pas une priorité du gouvernement, comme l’évolution de la problématique des financements innovants tend à le confirmer. Notre pays est aussi dans une situation radicalement différente de celle des autres donateurs du CAD.
Ces éléments budgétaires et financiers, ainsi que l’argument selon lequel la mission aide publique au développement doit participer au même titre que les autres politiques publiques à l’effort de redressement des finances publiques de notre pays, traduisent la volonté politique de ne pas placer l'APD au cœur de nos priorités. Car à difficultés budgétaires comparables, si ce n’est supérieures aux nôtres, nos voisins montrent que de tout autres choix sont possibles.
Le tableau ci-dessous, qui présente les dernières statistiques publiées par le CAD de l'OCDE, est particulièrement éclairant à ce sujet.
APD nette des pays du CAD de l'OCDE, données préliminaires pour 2013 (25)
Il ressort de ces données que l’exemple du Royaume-Uni est le plus remarquable. Malgré ses déficits publics considérables, nettement supérieurs à ceux de la France puisqu’ils étaient de 6,1 % du PIB en 2012, le Royaume-Uni a augmenté son effort net de 3,8 milliards de dollars constants d’une année sur l’autre et l’a porté à 17,755 Mds$ en 2013 (17,881 Mds en dollars courants) contre 13,891 Mds en 2012. Cette augmentation représente une hausse de l’effort du pays de 27,8 %, qui permet au Royaume-Uni d’afficher aujourd'hui un taux d’APD de 0,72 % de son RNB, contre 0,56 % en 2012. Le Royaume-Uni a ainsi atteint l’objectif fixé deux ans avant l’échéance de 2015. C’est aussi le premier des membres du G20 à respecter cet engagement. Au demeurant, comme on le sait, le DFID britannique ne met en œuvre que des dons, à la différence notable de notre pays et son effort est par conséquent considérablement plus élevé en termes budgétaires.
Dans le même temps, le Président de la République, tout en conditionnant au retour de la croissance la reprise de la trajectoire de la France vers ce but, affirmait que notre pays, compte tenu de son rang, de ses valeurs, de son histoire, pouvait encore conserver une politique ambitieuse de développement, malgré les difficultés qu’il traversait au niveau économique et budgétaire, et qu’il le ferait. Nonobstant, l’effort de notre pays s’est contracté très fortement, de 9,8 % exactement, au moment où celui des membres du CAD augmentait globalement de 6,6 %.
De l’ensemble des pays du CAD, en proportion, la France est celui qui réduit son effort de la façon la plus brutale, après le Portugal et le Canada. En volume, la réduction de 1,174 Md de dollars constants est la plus forte de toutes celles constatées. Au final, sur la moyenne durée, cela se traduit par une évolution comparée de l'APD entre la France et le Royaume-Uni bien différente, qu’illustre le diagramme suivant, la perspective de 0,37 % étant en outre dans la ligne de mire pour 2014.
Évolution des trajectoires d’APD du Royaume-Uni et de la France entre 2007 et 2013 (26)
Les comparaisons internationales ne plaident pas en faveur de notre pays, et la situation est d’autant plus troublante que nombre de membres du CAD, dans une situation budgétaire tout aussi difficile que la France, si ce n’est plus, ne sacrifient pas pour autant leur aide aux plus déshérités. Ainsi, la Grèce, dans la situation budgétaire que l’on sait, n’a-t-elle diminué son effort d’APD que de 7,7 % entre 2012 et 2013. Les sommes en jeu sont évidemment sans commune mesure avec celles que les principaux donateurs du CAD, dont la France, engagent, puisque son APD ne s’élève aujourd'hui qu’à 302 millions de dollars, soit 0,13 % de son RNB, mais il est néanmoins significatif que la contribution de l'APD à la réduction des déficits publics soit inférieure à celle de la France.
De la même manière, ce tableau montre que plusieurs autres pays de l'OCDE, qui doivent également faire face à des déficits publics importants, - l’Italie, la Pologne, l’Islande, ou bien sûr l’Espagne dont le déficit était de 10,1 % du PIB en 2012 -, n’en continuent pas moins de considérer l’aide aux pays pauvres comme une priorité politique au point d’augmenter leur effort : après avoir fortement contracté son aide au plus fort de la crise, l’Espagne a déjà recommencé à accroître le sien, de 3,7 % en 2013. La Pologne a fait de même, + 8,6 %, comme l’Italie, + 13,4 % ou l’Islande, de + 27,4 %.
Toutes ces considérations ne doivent évidemment pas faire oublier que notre pays reste encore aujourd'hui au niveau mondial le cinquième donateur en volume et le deuxième, au sein du G7, en termes de ratio d’APD par rapport à son RNB. Il n’en reste pas moins que les tendances actuelles sont d’autant plus préoccupantes qu’elles sont à l’évidence inscrites dans la durée et que, comme votre rapporteur l’a rappelé, la comptabilisation extensive de l’aide de notre pays prend en compte des données que bien d’autres se refusent à considérer comme participant de l’effort en faveur des pays en développement, tels les frais d’écolage.
Les financements innovants sont depuis longtemps pour notre pays un des axes forts de son plaidoyer sur la scène internationale. La France en a été parmi les tout premiers promoteurs et a constamment travaillé à leur développement afin que les politiques d'aide au développement puissent bénéficier de ressources additionnelles aux efforts budgétaires des pays donateurs. Elle a été aussi parmi les premiers à mettre en place avec succès ces modes de financements alternatifs.
La taxe sur les transactions financières que la France a mise en œuvre depuis juillet 2012 a ainsi été d’un rendement de 766 M€ en 2013 et les prévisions pour 2014, selon les indications que votre rapporteur a recueillies, sont de quelque 780 M€. Depuis le vote de la loi de finances pour 2013, une part en est affectée à la politique d'aide au développement, le reste étant destiné au budget général de l’État.
Cela étant, telle qu’elle semble évoluer, la problématique des financements innovants affectés à l’APD suscite un certain nombre d’inquiétudes.
Votre rapporteur avait souligné dans son avis précédent (27) le glissement qui s’opérait à leur sujet : leur additionnalité, par rapport aux dépenses budgétaires consacrées à l'APD, que notre pays promouvait inlassablement sur la scène internationale, semblait en fait révolue, dans la mesure ils venaient désormais compenser les crédits budgétaires insuffisants pour permettre à notre pays de continuer à afficher des taux d’APD honorables. Ainsi, dans la construction du budget pour 2014, c’était uniquement grâce à la prise en compte de la taxe sur les transactions financières et à l’augmentation de la taxe sur les billets d'avion que le gouvernement arrivait à maintenir une enveloppe relativement stabilisée, à -3% pour le périmètre de la mission.
Que le législateur ait tenu à confirmer sans ambiguïté le caractère additionnel des financements innovants (28) en l’inscrivant dans la loi d’orientation et de programmation, n’a été d’aucun effet. Ce que le gouvernement n’admettait qu’à demi-mots est désormais clairement assumé, le recours aux financements innovants étant considéré comme un mode de financement substantiel de l'APD venant compenser les efforts budgétaires : « La mission " Aide publique au développement " participe dans le cadre du budget triennal à l’effort collectif de rétablissement des finances publiques. Toutefois, les moyens de l’aide publique au développement restent globalement préservés en raison notamment de la hausse des financements innovants affectés au Fonds de solidarité pour le développement (FSD). » (29)
Mme Annick Girardin n’a pas non plus caché lors de son audition devant la Commission des affaires étrangères, le 8 octobre dernier (30), puis devant votre rapporteur, que c’était grâce à la prise en compte des financements innovants que l’APD de notre pays pouvait continuer à déclarer les niveaux qui sont les siens.
Mais on ne aussi peut manquer de relever que la réflexion au sein de l’Exécutif va aujourd'hui bien plus loin, si l’on souligne par exemple que l’évaluation MAP récemment effectuée sur notre politique de coopération en matière de santé « Cohérence, impact et modalités de notre coopération au développement en santé », n’hésite pas à considérer les financements innovants comme ayant vocation à se substituer de manière croissante aux financements budgétaires, et non plus à permettre une augmentation substantielle de notre aide. Comment croire dans ces conditions que l’Exécutif s’inscrit dans la logique d’un retour prochain à l’effort budgétaire en faveur de l'APD une fois la croissance revenue ?
D’une certaine manière, la révision du décret relatif au Fonds social de développement intervenue le 23 décembre 2013 (31), paraît anticiper les choses : de deux initialement, l’IFFIm, « Facilité de financement internationale pour la vaccination », et UnitAid, facilité internationale d’achat de médicaments, les bénéficiaires des financements innovants sont désormais sept : outre l’IFFIm et UnitAid, ont été ajoutés le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Fonds vert pour le climat, l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI), le Fonds fiduciaire de l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et de l’Initiative solidarité santé Sahel (I3S).
Sur un autre plan mais dans le même ordre d'idées, on sait qu’environ les deux-tiers des ressources d’UnitAid proviennent de la contribution de solidarité sur les billets d'avion, mécanisme grâce auquel la France est restée en 2012 le 1er pays donateur et a assuré sur les six premières années d’existence plus de 60 % des ressources de l’organisation. Depuis 2011, notre pays contribue à hauteur de la moitié des ressources, (110 M€ par an sur la période 2011-2013). Sans vouloir spéculer, comment interpréter le fait que la France souhaite désormais voir UnitAid diversifier ses sources de financement et ramener pour sa part sa contribution en deçà des 50 % du total à partir de 2015 ?
En outre, la lecture du PLF 2015 incite à penser que la vocation des financements innovants à être affectés à l'APD est cependant fragile et peut être aisément remise en question.
Un petit retour en arrière s’impose pour rappeler que l’article 27 du PLF 2013 avait prévu l’affectation au développement d’une fraction, progressive et plafonnée, du produit de la taxe sur les transactions financières. L’exposé des motifs du PLF précisait : « Le présent article vise à affecter une fraction de 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) au fonds de solidarité pour le développement (FSD), géré par l’Agence française de développement, dans la limite d’un plafond fixé dans le cadre de l’article général de loi de finances sur les taxes affectées. Il permet ainsi d’affecter 60 M€ du produit de la TTF dès 2013 puis 160 M€ à l’horizon 2015 au financement de l’aide au développement, notamment dans le domaine de la santé et de la lutte contre le changement climatique. » L’emploi de ces ressources devait bénéficier à quatre postes, et la montée en puissance du dispositif suivait le schéma présenté dans le tableau ci-dessous : l’Initiative eau recevait les deux premières années, 30 M€ puis 10 M€ ; le Fonds vert en bénéficiait à partir de 2014, pour des montants de 30 M€ puis de 80 M€ ; la santé et la lutte contre le sida devaient recevoir 30 M€ en 2013 puis 60 M€ en 2014 et 2015 et enfin le climat et les énergies renouvelables, 20 M€ en 2015.
Répartition de l’emploi des ressources allouées de la taxe sur les transactions financières (32)
Ces dispositions sont aujourd'hui modifiées, l’article 15 du PLF portant la part de la TTF affectée au développement à 25 % (33). Selon ce qu’indique l’exposé des motifs, « le présent article vise également, en son paragraphe IV, à augmenter de 15 % à 25 % la fraction du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) affectée au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) dans la limite d’un plafond de 130 M€. » L’argumentaire reprend mot pour mot celui de 2013 en soulignant que « cette augmentation de la fraction du produit de la TTF associée à un relèvement de son plafond s’inscrit pleinement dans le cadre des engagements internationaux dans le domaine de la santé et de la lutte contre le changement climatique pris par la France », lors des dernières conférences internationales et autres réunions des G8 et G20. L’exposé des motifs conclut que « ces mesures permettent ainsi de garantir, dans un contexte budgétaire contraint, un niveau de ressource satisfaisant au profit du développement des pays les plus pauvres. Elles feront l’objet d’ajustement dans les prochaines lois de finances pour assurer un financement de 160 M€ en 2016 et de 190 M€ en 2017. » (34)
Il convient surtout de relever que cette argumentation omet de rappeler que le plafond de 160 M€ que le triennum avait fixé pour 2015 est reporté d’une année et qu’il ne sera que de 130 M€ l’an prochain !, ce sur quoi le PAP est également muet. L’augmentation à 25 % de la part de la taxe sur les transactions financières affectée au développement ne se traduit donc pas par une augmentation concrète immédiate, mais par un manque à gagner de 30 M€, soit de quelque 18,75 % pour 2015. Ce report d’une année revient en conséquence à amputer les ressources apportées au titre de TTF par rapport à ce qui avait initialement été prévu. Votre rapporteur se félicite par conséquent que la commission des finances ait adopté un amendement portant le plafond de 130 M€ à 140 M€ qui atténue l’impact de ce report.
On objectera à raison qu’un certain nombre de thématiques ou d’instances, comme le Fonds vert, ne sont pas encore en mesure de recevoir les crédits que l’on envisageait pour eux en 2013. Cela est indéniable. Il n’en reste pas moins que d’autres institutions auraient pu bénéficier de cet apport : l'Alliance GAVI par exemple, à laquelle le gouvernement a récemment signifié qu’il n’acquitterait pas les 22 M€ qu’il restait lui devoir sur l’engagement de 100 M€ fait pour la période 2010-2015... Cela aurait été d’autant plus légitime que, on l’a rappelé plus haut, depuis la révision du décret constitutif du FSD, l'Alliance GAVI fait désormais partie des bénéficiaires de ses financements. Il y a donc quelque exagération, aux yeux de votre rapporteur, à présenter le relèvement de 15 à 25 % du produit de la TTF affecté au développement comme une décision traduisant l’engagement du gouvernement en faveur de l'APD.
Le premier des objectifs consiste en « Faire valoir les priorités stratégiques françaises au sein des banques et fonds multilatéraux ». Deux indicateurs étaient proposés jusqu’alors pour l’évaluer, dont le second, « Répartition des engagements multilatéraux selon les priorités sectorielles françaises », est supprimé cette année, au motif, selon les précisions données dans le PAP, que la détermination de cibles par secteur d’intervention de chaque fonds à court terme s’est révélée extrêmement complexe et difficile à piloter en termes de performance. Dont acte.
Votre rapporteur fera néanmoins remarquer que parmi les arguments les plus fréquemment avancés par l’Exécutif, et en premier lieu, dans le PAP lui-même, pour justifier de notre participation aux diverses instances internationales, la prise en compte des priorités sectorielles de la France figure en bonne place. Ainsi en est-il vis-à-vis de la Banque africaine, de la Banque asiatique de développement (35) ou du FIDA. De même, l’évaluation rétrospective de la dotation de la France à l'AID (36), récemment réalisée, a par exemple porté « un jugement globalement positif sur la cohérence de l’action de l'AID avec la politique de coopération au développement de la France et ses propres priorités. De manière générale et en dépit de sujets qui restent encore en débat à l’issue des négociations de reconstitution de l’AID-17, les orientations géographiques, thématiques et sectorielles prises par la Banque mondiale à travers l’AID se conforment aux attentes exprimées par la France. »
L’objectif n° 2 reste identique tant dans son intitulé que dans ses indicateurs.
La comparaison des crédits votés en LFI 2014 avec les propositions du PLF 2015 fait tout d'abord apparaître une très forte contraction des autorisations d’engagement, de -35,18 %, avec -390,44 M€ sur le total du programme. Ce sont surtout pour les crédits de l’aide économique et financière multilatérale que les AE demandées sont réduites : elles diminuent de plus de moitié d’une année sur l’autre, -54,9 %, soit 349,17 M€. En revanche, les demandes d’AE pour l’action économique et financière bilatérale sont en nette augmentation, de quelque 120 M€, représentant une hausse de +38,4 %. Le traitement de la dette des pays pauvres n’appelle en 2015 aucune AE et se voit donc réduit de 100 %.
LFI 2014 Autorisations d’engagement
PLF 2015 Autorisations d’engagement
S’agissant des crédits de paiement, CP, les besoins totaux sont en diminution de 4,6 %, avec 50,9 M€ demandés en moins. Ce sont surtout les crédits nécessaires à l’action n° 3, traitement de la dette, qui sont en diminution, de -53,92 M€ exactement, soit une contraction du tiers par rapport à l’an dernier, cependant que les CP pour l’action multilatérale, action n° 1, sont stables et que l’aide économique et financière bilatérale augmente très modérément, de 1,1 %, soit +3,5 M€.
LFI 2014 Crédits de paiment
PLF 2015 Crédits de paiement
L’action n° 1 représente près de 40 % du total des AE du programme 110, contre 66,8 % en PLF 2014. La répartition en dépenses d’intervention et dépenses d’opérations financières, se fait selon les indications apparaissant dans le tableau ci-dessous. La structure des dépenses en AE est nettement différente, la seule reconstitution de l'AID ayant l’an dernier nécessité des AE pour un montant de 1,2 Md€, lesquelles s’élevaient à un total de 1,58 Md€. Les CP, stables dans leur volume, se partagent en dépenses d’intervention et d’opérations financières dans des proportions identiques à celles constatées en 2004.
PLF 2015, Éléments de la dépense par nature
Les dépenses d’intervention se répartissent en deux rubriques, la participation de la France au groupe de la Banque mondiale et au Fonds monétaire international, d’une part, et la contribution aux fonds sectoriels. La Banque mondiale et le FMI requièrent 15 M€ en AE et 15,15 M€ pour 2015.
À ce titre, sont dotés : le Fonds fiduciaire LAB/LAT du FMI, d’une part, consacré à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pour CP=0,15 M€, auquel la France participe depuis 2008. La France a renouvelé son engagement auprès du Fonds en 2014 pour AE=0,74 M€ (1 M$), les CP demandés représentent la deuxième annuité. La Facilité élargie de crédit (FEC), d’autre part, qui a remplacé les trois guichets concessionnels du FMI pour les pays à faible revenu, reçoit 15 M€ en AE=CP. Cette facilité permet le financement de programmes du FMI visant à la réduction de la pauvreté. La France y participe depuis 1988, son engagement a été renouvelé cinq fois, via des prêts concessionnels de l'AFD et la Banque de France, pour des ressources totales de 10,5 %, la positionnant comme troisième contributeur derrière le Japon et le Royaume-Uni. Les CP demandés correspondent aux bonifications versées à l'AFD, pour couvrir le coût de l’opération, c'est-à-dire la différence entre le coût de la ressource levée par l’AFD sur les marchés financiers et celui de la ressource qu’elle prête au FMI.
Pour la contribution de la France aux fonds sectoriels du FMI et de la Banque mondiale, 236,70 M€ en AE et 108,63 M€ en CP sont demandés. Ils concernent la coopération technique (renforcement institutionnel et formations) du FMI au Moyen-Orient (METAC) et en Afrique (AFRITAC), destinée à renforcer les capacités de mise en œuvre des politiques publiques favorisant la croissance et le recul de la pauvreté. Le METAC (CP=0,36 M€) dessert dix pays du Moyen-Orient depuis 2004. La France a renouvelé son engagement sur la période 2011-2015 pour un montant de AE=1,8 M€. Les contributions pour le prochain renouvellement, qui couvrira la période 2016-2020, auront lieu en 2015. Dans le cadre de l’AFRITAC, des AE=2 M€ et CP=1,12 M€ sont demandés. La France soutient les centres régionaux d'assistance technique d’Afrique de l'Ouest et d’Afrique centrale. Les AE correspondant à l'Afrique de l'Ouest ayant été engagées en 2014 pour quatre ans, celles demandées concernent le renouvellement de celui concernant AFRITAC-centre. Les CP correspondent au paiement respectif des première et cinquième annuités.
La France continue par ailleurs de financer sur le programme 110 les fonds de sécurité nucléaire de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, BERD, créés pour gérer les suites de la catastrophe de Tchernobyl. Des CP=8,65 M€ sont demandés, pour solder le dernier engagement en 2011 de la France qui a porté sur 51,2 M€. À ce jour, la participation globale de la France aux deux fonds s’élève à 167 M€.
Le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), est abondé en 2015 pour AE=200,7 M€ et CP=50,82 M€. Alimenté par des contributions volontaires, le FEM, créé en 1991 à l’initiative de la France et de l’Allemagne, pour financer les coûts additionnels induits par la mise en œuvre de programmes, de projets et d'activités de protection de l'environnement mondial des pays en développement et en transition, est hébergé à la Banque mondiale. Il intervient sur les problématiques de perte de biodiversité, de changements climatiques, de préservation des terres, de dégradation de la couche d'ozone, de lutte contre les polluants et de prévention de la dégradation des eaux internationales. Les AE demandées correspondent à la part française de la sixième reconstitution d’un montant total de 2,9 Mds$, décidée en avril dernier pour la période 2015-2018. La contribution de la France est de 300 M$ qu’un calendrier de décaissement accéléré permet de réduire à 281 M$, soit 200,7 M€. Les CP correspondent au versement de la première échéance.
La France est le 4e bailleur du Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal pour lequel des AE=28 M€, correspondant à la contribution française pour la période 2015-2017 définie selon un barème onusien obligatoire, et des CP=9,3 M€, pour la première annuité, sont demandés.
La contribution française au FIAS, « Facility for Investment Climate Advisory Services», est affectée à l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires), consacrée à l’amélioration de l’environnement juridique des entreprises en Afrique, notamment francophone. Des CP sont demandés pour 1 M€, l’engagement de la France ayant été renouvelé pour la quatrième fois l’an dernier. Le Fonds de lutte contre les juridictions non coopératives recevra des CP pour un montant de 0,13 M€.
Pour le Fonds Doha, Fonds cadre intégré renforcé pour les PMA, des AE=6 M€ et CP=2 M€ sont demandés, pour appuyer l’intégration des pays en développement dans le système commercial mondial. La France s’appuie sur deux fonds multilatéraux : le Fonds Doha destiné à la formation aux négociations commerciales des acteurs concernés des pays en développement et le Fonds cadre intégré renforcé (CIR), dédié aux pays les moins avancés (PMA). Les AE permettront de renouveler pour la troisième fois ces engagements et les CP d’assurer le paiement de la première tranche.
En matière de santé, la Facilité financière internationale pour la vaccination, IFFIm, recevra des CP=35,25 M€. Lancée en 2006 par le Royaume-Uni et la France (37) pour accélérer la disponibilité de fonds prévisibles à long terme pour financer des programmes de vaccination et de renforcement des capacités des systèmes sanitaires menés par GAVI Alliance dans 56 pays pauvres, cette initiative permettra de lever plus de 6 Md$ sur dix ans, par des émissions obligataires. À ce jour, ce mécanisme a permis à GAVI de financer : la mise à disposition du vaccin pentavalent à hauteur de 1,2 Md$, soit 51,3 % de l’IFFIm ; le renforcement des systèmes de santé à hauteur de 280,8 M$, soit 11,6% ; l’initiative mondiale d’éradication de la poliomyélite à hauteur de 191,3 M$ (7,9 %) ; la mise à disposition de multiples vaccins contre les pathologies qui sont parmi celles qui impactent le plus la mortalité infantile, vaccins anti-pneumococcique (167 M$), méningite (62,6 M$), antitétanique pour les femmes enceintes et les nouveau-nés (61,4 M$), fièvre jaune (90,9 M$), ou encore tétravalent, hépatite B, anti-rotavirus, rougeole-rubéole ou rougeole, ainsi que d’assurer les stocks d’urgence pour la vaccination contre la fièvre jaune pour l’Afrique de l’Ouest de manière à contenir des poussées épidémiques (90,9 M$). Plus de la moitié du quatrième OMD est assuré grâce au surcroît d'investissement apporté par l’IFFIm qui aura permis d’éviter le décès de plus de cinq millions d'enfants.
La participation de la France, 1,2 Md€ engagés en 2007, est versée en deux tranches : 867 M€ financés sur le programme 110 et 373 M€ financés par les financements innovants affectés au Fonds de solidarité pour le développement, FSD, abondé par les recettes de la taxe sur les billets d'avion et, depuis 2013, par une partie de celle de la taxe sur les transactions financières. Les CP demandés correspondent à la seconde tranche de l’année, conformément au calendrier de versement convenu avec GAVI.
L’Association internationale de développement, AID, guichet concessionnel de la Banque mondiale, qui octroie des dons et des prêts à très faible taux aux pays en développement les plus pauvres, et le Fonds africain de développement, FAD, de la Banque africaine de développement, représentent près de 45 % de l’aide économique et financière du programme 110, et près de 75 % de l’aide multilatérale.
S’agissant de la participation de la France au groupe de la Banque mondiale et au FMI, des CP=322,7 M€ sont demandés pour 2015. Elle représente plus de 30 % des crédits d’aide du programme 110 et plus de 50 % des crédits multilatéraux du programme. Les AE de la dernière reconstitution « AID-17 » concernant la période 2015-2017 ont été votés, pour 1 014,5 M€, et seront versés à la fin de cette année. Même si cela ne concerne pas la mission APD, votre rapporteur souligne que s’y ajoutera en 2015 un prêt de 430 M€ à taux zéro, financé sur le programme 853 et remboursé sur 25 ans : l’AID a ouvert la possibilité de contribuer majoritairement à cette nouvelle reconstitution sous forme de dons et, de façon complémentaire, sous forme de prêts très concessionnels pour permettre aux contributeurs d’accroître leur aide, en profitant de conditions de marché favorable. Concrètement, l’État prêtera depuis le programme 853 à l'AFD, laquelle prêtera à l’AID. Les ressources à la disposition de l’AID seront ainsi accrues pour lui permettre, notamment, d’accorder plus de ressources aux pays les plus fragiles, et d’ouvrir une transition pour les pays moins fragiles, susceptibles de ne plus être éligibles à la prochaine reconstitution de l’AID, comme l’Inde. Les CP demandés correspondent à la première échéance de cette reconstitution, soit 322,70 M€.
Le deuxième poste important concerne la participation de la France aux Banques régionales de développement. Des CP pour un montant total de 177,32 M€ sont demandés. Le Fonds africain de développement, FAD, guichet concessionnel de la Banque africaine de développement, à l’instar de l’AID pour la Banque mondiale, est destinataire de CP=152,47 M€. En septembre 2013, la France s’est réengagée à hauteur de 380,92 M€ au FAD-13, pour la période 2014-2016, engagement stable par rapport au FAD-12. Après une première échéance de 101 M€ en 2014, les CP prévus pour le paiement de la seconde tranche en 2015 s’élèvent à 152 M€, une modulation des paiements étant proposée par le FAD. La France est désormais au 4e rang des contributeurs, derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis.
Pour le Fonds asiatique de développement, FAsD, guichet concessionnel de la Banque asiatique de développement, fonctionnant de la même manière, des CP=23,13 M€ sont demandés, correspondant à la troisième annuité de la reconstitution de 2012 pour laquelle des AE=92,57 M€ ont été votés. Le Fonds des opérations spéciales de la Banque interaméricaine de développement reçoit 1,72 M€ de CP en 2015.
Enfin, sur crédits du programme 110 sont également acquittées les contributions de la France au Fonds international de développement agricole, FIDA, pour lequel il est demandé des AE=35 M€ et 11,6 M€ de CP. La France fait partie des dix premiers contributeurs et avait réaffirmé son soutien au FIDA lors de la neuvième reconstitution en prévoyant une contribution stable de 35 M€ pour la période 2013-2015. Elle a prévu un réengagement du même montant pour la prochaine reconstitution qui couvrira les années 2016-2018, pour laquelle les AE doivent être engagées en 2015. Les CP correspondent la dernière échéance de l’engagement en cours.
Dans leur quasi-totalité, les crédits demandés pour cette action sont destinés à des dépenses d’intervention : plus de 98 % des AE et 97,8 % des CP.
PLF 2015, Éléments de la dépense par nature
Les dépenses de fonctionnement se répartissent en parts sensiblement égales. Les interventions d’aide bilatérale relevant de l’Agence française de développement reçoivent 3,48 M€ en AE= CP, afin d’assurer la rémunération de l'AFD pour les opérations que l’agence réalise pour le compte et aux risques de l’État - aides budgétaires globales (ABG), opérations de conversion de dette, notamment -, qui sont financées sur le budget de l’État. 3 M€ sont destinés à cette rétribution. 0,48 M€ en AE=CP sont destinés à financer les évaluations rétrospectives des actions bilatérales et multilatérales d’aide au développement lancées par la Direction générale du Trésor.
Les opérations de prêts RPE et les dons aux États étrangers, sont dotés de 3,68 M€ en AE=CP. Cette enveloppe est principalement destinée à assurer la rémunération de Natixis, pour laquelle sont prévus 3,36 M€ en AE=CP. Cette rétribution est notamment due au titre de l’activité de gestion des prêts de la Réserve pays émergents (RPE) (38) et des dons aux États étrangers (FASEP), mission que Natixis effectue au nom et pour le compte de l’État. Le reliquat de 0,32 M€ en AE=CP finance les évaluations préalables et l’appui pour le montage des projets, et donc à rémunérer les missions d'expertise pour l’évaluation préalable des projets pour lesquels un financement RPE ou FASEP est sollicité.
Les dépenses d’intervention relèvent ici essentiellement de l'AFD. Elles sont destinataires de 403 M€ en AE et de 281 M€ en CP.
Indépendamment des bonifications des prêts en outremer, pour 15 M€ de CP, qui concernent des reliquats d’AE antérieures à 2010, date depuis laquelle ils sont financés par le programme 123 de la mission « Outre-mer », les dépenses dont il s’agit sont en premier lieu des bonifications de prêts dans les États étrangers, pour 250 M€ d’AE et 178 M€ de CP. Elles permettent à l’État de baisser le taux d'intérêt de la ressource financière proposée par l'AFD aux bénéficiaires de ses concours. Le PAP rappelle utilement qu’en 2013, l’AFD a octroyé 3,3 Mds€ de prêts concessionnels, dont 2,8 Mds € de prêts souverains et 0,5 Md€ de prêts non souverains. 1,6 Md€ de prêts non concessionnels, sans coût État, ont également été octroyés à des contreparties non souveraines, notamment par PROPARCO. Au 31 décembre 2013, l’encours de prêts souverains de l’AFD s’élevait à 8,2 Mds€, et l’encours de prêts non-souverains à 7,4 Mds€. Les AE demandées en 2015 s’élèvent à 250 M€, contre 242 M€ en 2014. Cette progression de 3 % s’explique essentiellement par l’engagement présidentiel, pris le 4 décembre 2013, de porter à 20 Mds € le montant des financements de l’AFD en Afrique sur la période 2014-2018. Le besoin de CP pour 2015, qui s’établit à 178 M€, correspond presque exclusivement à la mise en œuvre d’engagements antérieurs à 2014.
Parmi les dépenses d’intervention, figurent également, à hauteur de 30 M€ d’AE et 11,1 M€ de CP, les bonifications d’intérêts versées par l’État à l’AFD pour l’initiative de lutte contre le changement climatique, à laquelle la France a souscrit lors du sommet du G8 de juillet 2008 qui s’est concrétisée la création de divers fonds, dont le Fonds pour les technologies propres (CTF, « Clean Technologies Fund »), administrés par la Banque mondiale. La France y contribue par un apport de projets par l'AFD ainsi que par un prêt très concessionnel de l'AFD, dont les CP demandés servent à neutraliser le coût. Les 30 M€ d’AE s’ajoutent à 85 M€ d’AE reportées de 2014 vers 2015 pour financer un prêt concessionnel au Fonds vert, donnant lieu à des décaissements de CP de bonification sur 25 ans.
Pour le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), sont demandés 90 M€ d’AE, pour la reconstitution portant sur les années 2015-2018, et 27 M€ de CP, contre 28 M€ l’an dernier. Pour mémoire, votre rapporteur rappellera que depuis vingt ans, le FFEM contribue, par des subventions, au financement de projets innovants, ayant une finalité de développement économique et social ainsi qu’un impact significatif et durable sur l’une ou l’autre des grandes composantes de l’environnement mondial : lutte contre le changement climatique, protection de la biodiversité, lutte contre la dégradation des terres et la désertification, lutte contre la dégradation des eaux terrestres et marines. La France souligne ainsi ses priorités géographiques, Afrique subsaharienne et Méditerranée, et inscrit son action dans le cadre des objectifs du Fonds pour l’environnement mondial.
Les aides budgétaires globales (ABG), qui viennent en soutien aux stratégies nationales de lutte contre la pauvreté, de stabilisation macroéconomique et d’amélioration de la gestion des finances publiques des pays bénéficiaires, requièrent des AE=33 M€ et des CP=50 M€. Elles sont destinées à des pays ayant conclu un programme avec le FMI, essentiellement en Afrique subsaharienne, et à des organisations régionales, telles l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ou la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) depuis 2007.
Les crédits bilatéraux financent en outre diverses actions de coopération technique et d’ingénierie que la France met en œuvre. Une enveloppe totale de 22,6 M€ d’AE et de 27,9 M€ de CP est prévue. En premier lieu, figurent les crédits consacrés au Fonds d’études et d’aide au secteur privé, FASEP, qui finance des études de faisabilité de projets d'investissement, des prestations d'assistance technique, de formation ou de coopération institutionnelle, et des dispositifs de soutien permettant au secteur privé français de se positionner. Des AE pour 18,6 M€ et des CP pour 20,9 M€ sont demandés. Il est précisé que les CP serviront notamment, à hauteur de 13 M€, à couvrir les besoins liés aux études et à l’assistance technique sur le projet de la Ligne à grande vitesse (LGV) au Maroc, que la France a décidé de financer en janvier 2008 et pour lequel 75 M€ d’AE ont déjà été engagées.
L’ADETEF, « Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières », groupement d’intérêt public (GIP) dont la tutelle est exercée par la direction générale du Trésor, est doté en 2015 de 4 M€ en AE=CP. Comme votre rapporteur l’a indiqué plus haut, l’ADETEF, qui apporte conseils et assistance technique aux pays partenaires dans les domaines budgétaires et fiscaux, fusionnera au 1er janvier prochain au sein de l’AFETI, que la loi d’orientation et de programmation a créée. Le Programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC), est doté de 3 M€ de CP. Géré par l'AFD, il permet depuis 2002 de soutenir le renforcement des capacités commerciales des pays en développement. Reconduit pour la troisième fois en 2013, les CP demandés correspondent au paiement de la troisième tranche de cet engagement.
Quelque 107,35 M€ de CP sont demandés pour le financement de cette rubrique. Ils servent d’une part à l’indemnisation de l'AFD pour 2015 au titre des dettes bilatérales annulées en Club de Paris, à hauteur de 0,79 M€ et celles annulées au titre des accords de Dakar, pour 47,37 M€.
59,19 M€ sont destinées à compenser les annulations de dettes multilatérales des pays pauvres très endettés, PPTE, envers l'AID de la Banque mondiale, en premier lieu, en application de l’Initiative d’annulation de la dette multilatérale, IADM, décidée au sommet de Gleneagles en 2008, pour un montant de 41,66 M€. Pour mémoire, le PAP rappelle que les AE correspondant à cette charge ont été engagées en 2006 pour une période de dix ans (346,8 M€), en 2011 (265,84 M€) et 2012 (67,51 M€) pour couvrir la période courant jusqu’en 2022, puis seront engagées en 2014 afin de prolonger l’initiative jusqu’en 2025.
Enfin, 17,53 M€ de CP sont demandés en application des mêmes mécanismes, pour la compensation des annulations de la dette multilatérale des PPTE auprès du Fonds africain de développement de la BAD.
Si elle reste globalement la même d’une année sur l’autre, la maquette du programme a toutefois un peu évolué pour tenir compte des orientations définies par le CICID de juillet 2013. Les objectifs du programme restent au nombre de quatre.
Le premier objectif est sans changement et reste évalué, comme précédemment, sur la base d’un indicateur unique, à l’intitulé identique, dont la composition permet d’analyser les efforts tant bilatéraux que multilatéraux pour l’atteindre, notamment : la part des engagements du FED sur les services sociaux et les infrastructures ; la part des engagements du FED dans les pays pauvres prioritaires ; la part des engagements de l'AFD concourant directement à l’atteinte des OMD en matière de lutte contre la pauvreté ; la part de l'APD en santé dans l'APD totale de la France, hors annulation de dettes. La stratégie genre fait désormais l’objet d’un indicateur spécifique. Celui relatif au nombre de personnes disposant d’un accès à une source d’eau potable pérenne figurera dans le rapport bisannuel au parlement et disparaît des documents budgétaires.
Comme il a souvent été dit, la stabilité des indicateurs permet de juger d’une politique sur la durée et elle est en conséquence bienvenue. En l’espèce, les modifications introduites cette année sont légitimes et admissibles. On ne peut cependant manquer de relever le fait que certaines données chiffrées et cibles évoluent de manière assez inattendue après avoir été recalculées sur la base des statistiques du CAD de l'OCDE. Le tableau ci-dessous montre en effet que, en matière d’APD santé, la réalisation pour 2012 a pour cette raison été corrigée à la baisse, et que la réalisation provisoire pour 2013 est considérablement plus basse que les prévisions, initiale et actualisée, le laissaient prévoir. Cette situation semble devoir se répéter cette année, cependant que les cibles pour les années futures restent très loin de l’objectif de 13,3 % qui avait été antérieurement assigné. On peut y voir l’illustration, que l’on retrouvera plus loin, de la distorsion entre l’affichage des ambitions et la réalité des chiffres.
Part de l'APD santé dans l'APD totale française, hors annulation de dettes (unité : %) | ||||||||
PAP 2014 |
2011 Réalisation |
2012 Réalisation |
2013 Prévision PAP 2013 |
2013 Prévision actualisée |
2014 Prévision |
2015 Cible | ||
12,94 |
10,59 |
11,95 |
11 |
11 |
11 |
|||
PAP 2015 |
2012 Réalisation |
2013 Réalisation |
2014 Prévision PAP 2014 |
2014 Prévision actualisée |
2015 Prévision |
2017 Cible | ||
9,34 |
8,62 (provisoire) |
11 |
9,82 |
8,83 |
8,92 |
Le deuxième objectif du programme 209 porte sur la préservation des Biens publics mondiaux. Il est sans changement par rapport à l’année dernière, un sous-indicateur plus explicite et plus en accord avec le mandat donné à l'AFD d’avoir un bénéfice climat dans la moitié de ses engagements au moins, se substituant cependant aux deux sous-indicateurs antérieurs.
Le second indicateur du troisième objectif du programme, « Mettre en œuvre les partenariats différenciés et promouvoir nos priorités géographiques », est modifié pour une meilleure adéquation avec les objectifs géographiques d’allocation des ressources fixés par le CICID et la loi.
Le dernier objectif « Renforcer les partenariats », ne porte plus sur l’évolution de la performance des opérateurs, sujet qui a disparu de l’intitulé, alors que cet aspect était mis en relief l’an dernier, le renforcement de l’exercice de la tutelle des opérateurs étant alors présenté comme une priorité de la DGM. Le PAP ne donne pas de précision à ce sujet, mais il a été indiqué à votre rapporteur que la Direction du budget avait souhaité dynamiser la démarche de performance et avait en conséquence invité à une clarification et une simplification des documents budgétaires. Une revue systématique des objectifs et indicateurs de programmes a été entreprise afin de ne retenir que ceux concourant expressément les seuls et réels indicateurs de performance, c'est-à-dire les indicateurs d’efficacité, de performance et d’efficience. Cette démarche a conduit à la formulation présente de cet objectif.
Les deux tableaux suivants montrent l’évolution des autorisations d’engagement entre les crédits votés en LFI 2014 et ceux proposés dans le PLF 2015.
Autorisations d’engagement votées en LFI 2014
PLF 2015 - Autorisations d’engagement
Ces éléments font apparaître une légère diminution des crédits budgétaires de la coopération bilatérale dans le programme, de 1,4 %. En revanche, les crédits de la coopération multilatérale subissent une contraction nettement plus sévère, de près de 11 %, cependant que la coopération communautaire augmente de 3,3 %, de manière à pouvoir répondre aux prévisions concernant les appels à contribution pour la France en 2015 qui s’établissent à 704 M€, selon les documents transmis par la Commission en juin dernier. Les actions de co-développement, précédemment en forte diminution, sont définitivement supprimées cette année. La diminution globale des dépenses d’intervention est de 1,3 %.
S’agissant des crédits de paiement, l’évolution que retracent les deux tableaux suivants est comparable : contraction de 1,2 % des CP de la coopération bilatérale, de 10,7 % de celle de la coopération multilatérale et augmentation de 3,3 % de la coopération européenne. Aucun crédit de paiement n’est prévu pour les actions de co-développement. Globalement, les CP sont diminués de 1,8 %, les dépenses d’intervention l’étant également dans la même proportion.
Crédits de paiement votés en LFI 2014
PLF 2015 – Crédits de paiement
Si les enveloppes globales montrent une relative stabilité des crédits de la coopération bilatérale, l’examen détaillé, qui révèle en revanche une évolution parfois très défavorable concernant certains des instruments, invite à plus de circonspection.
C’est tout d'abord le cas du Fonds de solidarité prioritaire, FSP, instrument de l’aide projet du MAEDI, dont les AE perdent 5 M€ cette année, soit 10 % et les CP 9,92 M€, soit -27,1 % : 34,73 M€ contre 47,6 M€ l’an dernier. Concrètement, l’enveloppe du FSP destinée à l’ensemble des seize pays pauvres prioritaires, 50 % de ce total, représentera donc respectivement 22,5 M€ en AE et 17,35 M€ en CP. Celle destinée aux autres pays d’Afrique subsaharienne et aux voisins méditerranéens, - 35 % du total -, sera de 15,75 € (AE) et 12,16 M€ (CP), les 15 % restants se répartissant dans le reste du monde, notamment les pays en crise ou en sortie de crise, à hauteur de AE=6,75 M€ et CP=5,2 M€. On ne peut que regretter qu’en seulement quatre ans, les CP subissent une contraction particulièrement forte : - 43,58 M€, soit - 55,7 % cumulés depuis la LFI 2011.
Évolution et répartition des crédits FSP (39)
Comme le montrent les tableaux ci-dessous, la répartition géographique des crédits du FSP laisse logiquement apparaître une concentration forte sur les pays africains et l’ensemble de l’ex-ZSP.
Répartition par régions des projets FSP depuis 2011 en AE
S’agissant de la répartition sectorielle, les thématiques santé et femmes prédominent très largement sur toutes les autres, quatre fois plus que le deuxième poste.
Répartition par secteurs d’intervention des projets FSP depuis 2011 en AE
Les dons projets de l'AFD
Les indications données par le PAP montrent une stabilisation des AE consacrées aux dons projets de l'agence, maintenues à 217 M€ pour la troisième année consécutive. Les CP connaissent en revanche leur troisième baisse consécutive, à 202 M€ contre 207 M€ en 2014 et 212 M€ en 2013. La baisse chaque année est de l’ordre de 2,4 %.
La répartition géographique des subventions de l'AFD sur les deux dernières années est présentée dans le tableau suivant.
Autorisations en subventions AFD par groupe de pays (PMA/non PMA) et grandes régions (40)
Si la part de l'Afrique subsaharienne est conséquente, on peut en premier lieu regretter qu’elle baisse plus que proportionnellement par rapport à la réduction de l’enveloppe d’une année sur l’autre. Votre rapporteur rappelle que le CICID du 31 juillet 2013 a pris la décision de supprimer la zone de solidarité prioritaire, ZSP, et de fonder l’attribution des aides sur des partenariats différenciés, aux termes desquels au moins la moitié des subventions de l’État et les deux tiers de celles mises en œuvre par l’AFD sont concentrées sur les seize pays pauvres prioritaires, la priorité donnée à l’Afrique et à la Méditerranée se traduisant par le fait qu’au moins 85 % de l’effort financier de l’État en faveur du développement y sont destinés.
Les données du tableau mettent en évidence le maintien à plus de 68 % des AE en Afrique subsaharienne et la part importante consacrée aux pays fragiles. Néanmoins, la part réservée par l'AFD aux seize pays pauvres prioritaires de la liste, qui, selon le CICID, devrait être de 66 %, a diminué et plafonnait à 58,1 % en 2013.
Selon les précisions données à votre rapporteur, la répartition sectorielle de ces subventions se fait actuellement selon le tableau ci-dessous. On relève notamment la part croissante, dans cette enveloppe de CP en réduction, de l’effort en faveur de l’agriculture et de la sécurité alimentaire, +9 M€, de l’éducation et formation professionnelle, +6 M€. En revanche, ont fortement diminué les crédits consacrés à l’eau et à l’assainissement, qui chutent de 18 M€, soit -55 %, de l’environnement, -3 M€.
Alors même que l’on sait que l'APD de notre pays en matière d’eau et assainissement est depuis longtemps moins destinée aux PMA qu’aux pays à revenu intermédiaire, dans la mesure où elle est principalement financée par des prêts, comme le rappelle le tableau ci-dessous, à la différence notable de ce que font par exemple l’Allemagne ou le Royaume-Uni, une telle évolution continue de préoccuper.
M euros courants |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Engagements bilatéraux |
106 |
199 |
149 |
142 |
91 |
202 |
280 |
250 |
559 |
378 |
232 |
716 |
Dons |
43 |
42 |
45 |
45 |
44 |
40 |
66 |
78 |
63 |
53 |
58 |
61 |
Prêts |
63 |
157 |
104 |
97 |
47 |
162 |
214 |
172 |
497 |
321 |
174 |
655 |
% dons |
40% |
21% |
30% |
32% |
48% |
20% |
24% |
31% |
11% |
17% |
25% |
9% |
APD française en eau et assainissement (41)
Le PAP présente le détail de l’action n° 2, coopération bilatérale, qui occupe une part des crédits du programme stable par rapport à l’an dernier.
Les AE proposées sont en 2015 de 584,25 M€, contre 592,5 M€ votées en LFI 2014. Les CP proposés se montent à un total de 557 M€, contre 564,2 M€ votés en 2014. Les baisses respectives sont en conséquence de -1,4 % et -1,3 %.
Dans ces enveloppes, la coopération en matière de gouvernance reçoit exactement les mêmes montants en 2015 qu’en 2014, en AE=CP, à 18,18 M€, dont 17,9 M€ en dépenses d’intervention, réparties en 6,6 M€ de bourses de stages pour étudiants étrangers, pour des formations à l’ENA ou autres structures et institutions publiques françaises (ENM, Barreau, CE…). Plus de 2,9 M€ sont consacrés aux échanges d’expertise, qui permettent de toucher quelque 1 300 bénéficiaires. Avec près de 7,7 M€, le MAEDI actionnera divers autres moyens d’influence et mettra en œuvre des projets et événements bilatéraux en la matière. Le reliquat, 0,6 M€, appuie les SCAC pour des interventions dans ce domaine.
S’agissant de la coopération bilatérale hors gouvernance, le tableau ci-dessous montre la répartition suivante des crédits.
La comparaison avec l’année antérieure montre un léger mieux au niveau des AE, +3 M€, soit +0,9 %, pour des CP stables, en dons projets AFD, FSP et ONG. Le détail donné par le PAP montre surtout une augmentation de 9 M€ au profit des ONG pour la mise en œuvre des projets qu’elles portent. Se poursuit ainsi l’engagement du Président de la République de doubler la part de l'APD de notre pays transitant par les organisations de la société civile d’ici la fin du quinquennat. Sur un total d’AE=333,25 M€, elles sont destinataires de 71 M€. Elles reçoivent des CP=60 M€. Le montant de subventions de l'AFD est de 172 M€ en AE (contre 170 M€ en 2014), pour 157,5 M€ de CP, identiques à l’an dernier. Si ajoutent les crédits de l'assistance technique gérée par l'AFD, pour 45 M€ en AE=CP cette année, en diminution par rapport à l’an dernier : -2,3 M€ en AE et -4,2 M€ en CP.
Les crédits « AFPAK » se montent désormais à 5 M€ en AE=CP, contre 9 M€ en AE en 2014, soit - 44,4 % ; ils correspondent aux actions à engager en matière économique et sociale et de gouvernance dans le cadre du traité d’amitié et de coopération signé en 2012 entre la France et l’Afghanistan pour une durée de vingt ans. Cette baisse importante est dans la logique du retrait militaire de notre pays. Le Fonds Pacifique, qui contribue à l’insertion régionale des trois collectivités françaises d’Océanie dans leur environnement régional, se voit doté comme précédemment de 1,5 M€ en AE=CP. La dotation en AE=CP pour les actions de volontariat international est identique à celle de l’année dernière, 19,2 M€, et la répartition entre France Volontaires (11,6 M€), le dispositif de volontariat de solidarité internationale (6,8 M€) et d’autres organismes (0,8 M€) est sans changement. Les aides budgétaires post-conflits et sorties de crise, avec 22,25 M€ en AE=CP dans le PLF 2015, sont en diminution de 1 M€, soit – 4,3 %.
Au mois de juin dernier, 18 pays avaient signé un contrat de désendettement et de développement, (C2D), avec la France voire, pour certains, une second ou un même un troisième, après l’arrivée à échéance du premier : Mozambique, Ouganda, Bolivie, Tanzanie, Mauritanie, Ghana, Madagascar, Nicaragua, Cameroun, Rwanda, Burundi, Congo, Malawi, Honduras, Liberia, Côte d’Ivoire, Guinée et République Démocratique du Congo. Les crédits qui y sont consacrés se montent à 85,84 M€, en AE=CP, contre près de 90 M€ en 2014, soit -4,6 %, sur la base des prévisions de décaissements et des besoins estimés des nouveaux contrats à signer avec le Mozambique et le Congo.
Le Fonds d’urgence humanitaire, FUH, voir sa dotation augmentée de 1 M€, soit +10,1 %, et reçoit 10,9 M€ en AE=CP ; il est destiné aux ONG intervenant dans le secteur, et participe de l’engagement du Président de la République de doubler la part de l'APD transitant par les organisations de la société civile d’ici la fin de son quinquennat. L’aide alimentaire est stable, en AE=CP, par rapport à 2014, avec la même dotation de 37,12 M€. Le soutien de l'État à l’action de coopération décentralisée des collectivités territoriales est également identique à celui de l’an dernier, en volume, avec 9,25 M€ en AE=CP. Enfin, Canal France International voit sa dotation ramenée à 11,2 M€ en AE=CP, soit une diminution de -12,9 % par rapport à l’an dernier.
La coopération multilatérale occupe dans le PLF 2015 une part sensiblement équivalente à celle qu’elle représentait dans le PLF 2014, soit 16,2 % du programme 209, contre 17,6 % l’an dernier.
Cela étant, les crédits, tant en AE qu’en CP, sont en baisse de près de 11 % : 288,4 M€ en AE contre 323,8 M€ votés en LFI 2014, soit -10,9 % ; 293,9 M€ en CP contre 329,3 M€ votés en LFI 2014, soit -10,7 %.
Les dépenses de fonctionnement se montent à CP=5,5 M€, sur la base d’AE votées en 2010. Elles représentent comme chaque année le loyer de la Maison de la francophonie que la France assume en application de la convention que la lie à l’Organisation internationale de la francophonie.
Les dépenses d’intervention, en AE=CP, représentent un total de 288,4 M€ et se répartissent selon les rubriques détaillées dans le tableau suivant.
Coopération multilatérale : Dépenses d’interventions
Les évolutions constatées appellent les commentaires suivants.
Comme antérieurement, les contributions volontaires de la France aux Nations Unies sont en diminution de 4,7 %, à 48 M€, contre 50,38 M€ en 2014. Pour mémoire, elles se montaient à près de 100 M€ en 1992 et n’ont cessé depuis le milieu des années 2000 de décroître, comme le traduit le diagramme ci-dessous.
Évolution des contributions volontaires de la France aux Nations Unies, en M€
Les quatre institutions principales sur lesquelles se sont progressivement concentrées nos contributions restent les mêmes : Programme des Nations Unies pour le développement, PNUD ; Haut-Commissariat aux réfugiés, HCR ; Fonds des Nations Unies pour l’enfance, UNICEF ; et Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient, UNWRA. Selon les indications qui ont été données à votre rapporteur, en 2014, il a été décidé de concentrer davantage nos contributions en suspendant ou en réduisant certaines des plus faibles (BIT, CERF, PAM, ONUDI), pour se concentrer sur les plus stratégiques et celles donnant un accès aux conseils d’administration de fonds et programmes, qui ont été globalement maintenues. Deux organisations ont bénéficié d’une hausse : le Fonds des Nations Unies pour la population, FNUAP, organisme clef dans le domaine de la santé de la mère et de l’enfant, priorité de la France en matière de développement, et ONU-Femmes.
Cela étant, le graphique ci-dessus, qui retrace l’évolution de ces contributions, traduit une situation inquiétante, sur laquelle on a souvent appelé l’attention, qui a conduit la France à se classer désormais souvent au-delà du 15e rang des contributeurs des fonds et programmes des Nations unies. Cette position place notre pays en retrait par rapport à son poids financier à l’ONU du fait de ses contributions obligatoires (5,59 % pour le budget régulier), et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité : on ne peut manquer de relever les écarts considérables entre les contributions volontaires de notre pays et celles des autres membres permanents. Pour ce qui concerne nos quatre premières priorités, les comparaisons sont les suivantes :
UNICEF |
PNUD |
HCR |
UNRWA | ||||||||
Pays |
Montants |
Rang |
Pays |
Montant |
Rang |
Pays |
Montant |
Rang |
Pays |
Montant |
Rang |
UK |
555,4 |
1er |
UK |
221,1 |
4e |
USA |
1042 |
1er |
USA |
294 |
1er |
USA |
325,4 |
2e |
USA |
216,7 |
5e |
UK |
161 |
4e |
UK |
93,7 |
4e |
F |
16,9 |
17e |
F |
23,9 |
16e |
F |
24 |
17e |
F |
12,8 |
17e |
Contributions volontaires aux Nations Unies comparées de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis en 2013 ; montants en millions de dollars (42)
Ces crédits sont destinés à renforcer la présence de l’expertise française, tant auprès du système des Nations Unies que d’autres instances internationales, Banque mondiale et Union européenne. On constate une contraction très forte de ce poste, qui perd le tiers de ses crédits d’une année sur l’autre : sont prévus en AE=CP en 2015 4,02 M€ contre 6,02 M€.
Aucune explication n’est fournie quant à cette chute de crédits sur une question considérée comme d’importance majeure pour sa contribution à l’influence de notre pays au sein des organisations internationales.
Indépendamment du loyer de la Maison de la francophonie que la France assume, la contribution de notre pays à l’Organisation internationale de la francophonie et aux diverses instances, telle l’Agence universitaire de la francophonie, comporte des parts obligatoires et volontaires. Depuis 2009, où elles ont atteint un plafond de 19,93 M€, celles-ci n’ont cessé de se contracter. La contribution volontaire de notre pays n’était plus que de 10,82 M€ en 2014. Sans que le détail de la diminution soit connu, la nouvelle réduction est d’un peu plus d’1 M€, soit 2 %, en AE=CP, à 49,32 M€ cette année, contre 50,4 M€ en LFI 2014. Elle intervient au moment où de nouvelles missions sont assignées à l’institution, concernant la francophonie économique, que notre diplomatie a considéré comme d’un intérêt majeur.
Le Fonds mondial de lutta contre le sida, la tuberculose et le paludisme est devenu depuis de nombreuses années le premier bénéficiaire des contributions internationales de notre pays en matière de santé, assurées sur le programme 209. Le montant total acquitté par notre pays est de 360 M€ par an, depuis une décision du président Sarkozy confirmée ensuite par le président Hollande.
La part budgétaire de cette contribution s’élèvera en 2015 à 187 M€, en AE=CP, contre 217 M€ en LFI 2014, soit -30 M€, équivalant à une diminution de 13,8 %. Cela étant, à la différence de GAVI Alliance, le Fonds mondial ne souffrira cependant pas des difficultés présentes : la différence sera compensée par des jeux de trésorerie, selon ce qui a été indiqué à votre rapporteur, et par un recours accru aux financements innovants versés par le FSD, +10 M€ à ce titre.
Les crédits de la coopération communautaire sont les seuls du programme 209 qui sont en progression. 703,8 M€ en AE=CP sont prévus, contre 680,86 M€ votés en LFI 2014, +23 M€, soit une progression de 3,4 %. Cette enveloppe correspond à 39,6 % des crédits du programme. L’essentiel correspond à la contribution de la France au Fonds européen de développement, FED.
C’est l’occasion pour votre rapporteur de rappeler l’importance du FED dans le dispositif d'aide au développement de notre pays et d’en faire un bref bilan sur les dernières années.
Le 10e FED, qui a couvert la période 2008-2013, avait une enveloppe budgétaire totale de 22,6 Mds€, dont 21,9 Mds, soit 97 %, ont été alloués aux 78 pays ACP. Avec un apport de 4,434 Mds€, représentant 19,55 % du total, la France en a été le deuxième contributeur derrière l’Allemagne.
Sur un plan géographique, le FED fait écho aux priorités françaises, dans la mesure où ses financements sont concentrés sur les pays d’Afrique sub-saharienne : 90 % des crédits du 10e FED étaient à destination de l’Afrique subsaharienne, le reste se partageant entre les Caraïbes (7 %) et le Pacifique (3 %). Les 16 pays pauvres prioritaires (PPP) de la France sont aussi largement bénéficiaires du FED et ont reçu 41 % de l’aide du 10e FED à destination de l’Afrique. Cette tendance est confirmée dans le 11e FED, puisque parmi les dix pays les plus aidés par le FED, cinq figurent sur la liste des seize pays prioritaires : Burkina Faso, Madagascar, Mali, Niger et RDC.
Sur le plan sectoriel, le 10e FED a consacré le quart de ses ressources au secteur des infrastructures, 29,3 % aux appuis budgétaires et 13,4 % à la gouvernance démocratique. Une évaluation récente a mis en avant la coïncidence de vues de la France et de la Commission sur les principaux enjeux : la lutte contre la pauvreté, la croissance inclusive et la gouvernance démocratique. En outre, a été introduite dans l’approche de la Commission une notion de différentiation, correspondant à celle que la France a mise en œuvre avec ses partenariats différenciés.
Le Conseil européen du 8 février 2013 a fixé le montant global du 11e FED pour la période 2014-2020 à 30,5 Mds€ de crédits d’engagement, soit 26,9 Mds€ en prix constants de 2011. Ce maintien de l’effort à destination de la zone ACP est satisfaisant pour la France puisqu’il couvre l’ensemble des pays pauvres prioritaires de notre aide bilatérale.
La contribution française totale pour les sept années concernées s’élèvera donc à 5,4 Mds€ à prix courants, à comparer avec celles de l’Allemagne, 6,2 Mds€, et du Royaume-Uni, 4,4 Mds€. Ce montant représente pour notre pays une moyenne annuelle théorique de 776 M€ à prix courants par rapport à 739 M€ pour le 10e FED, soit une hausse de 37 M€. En termes réels, toutefois, la contribution française moyenne au 11e FED baisse par rapport à celle du 10e FED puisque, dans la perspective d’une possible budgétisation du FED, les clefs de contribution ont été revues pour tendre à s’aligner sur celles du budget de l’Union européenne. La France a ainsi vu sa clef baisser de 9 %, passant de 19,55 % pour le 10e FED à 17,81 %. Le FED reste pour les sept années à venir hors budget et financé par les contributions volontaires des États membres telles qu’indiquées dans l’accord interne du FED signé par les États membres le 24 juin 2013.
S’agissant des aspects financiers, en 2013, les engagements annuels se sont élevés à 4,1 Mds€ et les paiements à 2,71 Mds€. D’importants efforts ont également été mis en œuvre par la Commission européenne pour accélérer la mise en œuvre des programmes régionaux. Cette approche a notamment permis de rattraper le retard et d’engager 98 % de l’enveloppe régionale avant la fin 2013. Le taux de décaissement global du 10e FED reste cependant de 66 %. Dans la mesure où il n’y a pas de date butoir pour les paiements, ses fonds continueront d’être décaissés, quand bien même le 11e FED est lancé. Les appels à contributions annuels de la Commission à ce titre continueront de se faire sur le 10e FED jusqu’à épuisement des crédits. Afin d’alimenter le FED, les États membres ont contribué en 2013 à hauteur de 3,2 Mds€, soit une quote-part de 637,5 M€ pour la France. Les prévisions communiquées pour l’année 2014 ont indiqué un montant de 3,25 Mds€, et donc de 640,4 M€ pour notre pays. Ces prévisions seront prochainement actualisées en fonction du rythme de mise en œuvre des projets de coopération et le montant de la troisième tranche devra être soumis à validation des États membres. Le plafond annoncé en octobre 2013 pour l’année 2015 pour l’ensemble des États membres était de 3,6 Mds€.
Les dépenses de personnel représentent 11,3 % du total du programme, soit 201,8 M€ en AE=CP. Par comparaison avec les crédits votés en LFI 2014, la différence est de -2,1 % (206,2 M€). La mission APD participe à l’effort global du ministère auquel est assigné un objectif de suppression de 450 ETP sur le triennum. Sur les 220 concernés en 2015, toutes catégories de personnels confondues, 43, soit un peu moins de 20 %, relèvent du programme 209. Par comparaison, l’effort est nettement moindre que celui imposé l’an passé où 70 ETP avait été supprimés sur 190. Les effectifs globaux du programme sont désormais plafonnés à 2 063.
Si l’importance accordée à une politique publique se mesure aux moyens qu’on y consacre, il devient difficile de considérer aujourd'hui l'aide au développement comme une véritable priorité du moment dans notre pays. Ni ce projet de budget ni les perspectives proposées pour le triennum ne sont satisfaisants.
Comme votre rapporteur l’avait dit dans son précédent avis, il ne s’agit bien sûr pas de contester le poids des difficultés budgétaires et des efforts considérables que notre pays doit faire pour redresser ses comptes publics.
Mais on ne peut pas non plus ne pas mettre le gouvernement face à ses responsabilités devant les défis de la stabilité du continent africain, de son développement ou, plus généralement, du changement climatique. Sur ces thématiques, notre pays semble glisser dangereusement vers une situation dans laquelle les moyens qu’il y consacre ne lui permettront plus d’agir efficacement dans une perspective de longue durée.
Comme on l’a souligné, de Bamako hier à Conakry aujourd'hui en passant par Bangui, depuis deux ans l’actualité met en évidence que les fragilités de l'Afrique, notamment francophone, sont susceptibles d’éclater brusquement, de dériver sur des situations de crises graves, sécuritaires ou sanitaires, aux implications nationales, régionales et même internationales. Les soutiens que la communauté internationale peut apporter au continent sont d’une importance majeure, tant la prévention est plus efficace et moins onéreuse que l’inaction et l’intervention « à chaud ».
Mais tout se passe aujourd'hui comme si devant les difficultés la France tombait dans une forme de frilosité. Engagée durablement sur une tendance qui l’amènera à diminuer son effort de plus de 20 % d’ici à 2017, elle réduit la voilure au moment où il paraît plus que jamais nécessaire de considérer l’aide publique au développement comme l’un des instruments permettant d’anticiper et de désamorcer les tensions. Au moment où la communauté internationale a repris son effort, la France se condamne-t-elle à une politique africaine essentiellement articulée sur ses OPEX ?
On ne dira jamais assez que l'accompagnement de l’Afrique est plus indispensable que jamais pour conforter ce continent sur la voie de la stabilité et du développement, pour l’aider à surmonter les facteurs de stress qui l’assaillent aujourd'hui et ne manqueront pas de monter en puissance dans les décennies à venir.
Il y a par conséquent quelque incohérence de la part de notre pays à réduire les moyens qu’il consacre à cette politique au risque de paraître agir à courte vue.
On aura compris que votre rapporteur ne peut pas approuver les crédits qui sont proposés par le gouvernement pour la mission « Aide publique au développement » et qu’il vote contre.
À l’issue de l’audition, en commission élargie, de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et de Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, le mercredi 22 octobre 2014, la Commission des affaires étrangères examine, pour avis, les crédits pour 2015 des programmes 110 et 209 de la mission « Aide Publique au Développement », sur le rapport de M. Hervé Gaymard.
Mme Odile Saugues, vice-présidente. Je vous propose de donner un avis sur un amendement déposé par le groupe SRC.
M. Jean-Pierre Dufau. Cet amendement vise à déplacer 35 millions d’euros d’autorisations d’engagements et de crédits de paiement figurant à l’action n° 02 du programme 110 (aide économique et financière bilatérale) pour les redéployer sur l’action n° 2 du programme 209, solidarité à l’égard des pays en développement. Il a pour objet de bonifier l’objectif affiché par la Loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale priorisant l’aide à seize pays définis comme les plus pauvres. Il permettra de mieux doter le Fonds de solidarité prioritaire, particulièrement sollicité par la crise sanitaire d’Afrique de l’Ouest, provoquée par l’épidémie de fièvre Ebola et donnera à la France l’assurance de pouvoir disposer des crédits nécessaires pour mettre en œuvre la contribution annoncée pour combattre ce fléau.
Mme Odile Saugues, vice-présidente. Je demande au rapporteur quel est son avis.
M. Hervé Gaymard, rapporteur. Favorable.
La commission donne un avis favorable à l’amendement du groupe SRC puis contrairement aux conclusions du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 44.
– Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, accompagnée de MM. René Troccaz, directeur des programmes et du réseau, Vincent Dalmais, chef de mission des programmes, Frédéric Bontems, directeur du développement et des biens publics mondiaux, et Olivier Brochenin, sous- directeur de la direction des politiques du développement, Ministère des affaires étrangères et du développement international
– Mme Anne Paugam, directrice générale de l'Agence Française de Développement, accompagnée de M. Jean-Jacques Moineville, directeur général adjoint, Mme Colette Grosset, secrétaire générale, Mme Zolika Bouabdallah, chargée des relations avec les parlementaires
– Mmes Elisa Narminio, responsable du plaidoyer et Annabel Hervieu, responsable de la communication, ONE France
– Mme Nathalie Dupont, responsable du pôle plaidoyer, M. Christian Reboul (Oxfam France), M. Bruno Rivalan (GHA France) et M. Louis-Marie Poitou (ACF), Coordination Sud
– M. Anthony Requin, chef du service des affaires multilatérales et du développement, accompagné de Mme Shanti Bobin, chef du bureau « aide publique au développement », Mme Claire Devineau, MM. Manuel Château et Léonardo Puppetto, adjoints au bureau « aide publique au développement », Direction générale du Trésor.
– Mme Annick Girardin, secrétaire d'État au Développement et à la Francophonie, accompagnée de M. Romaric Roignan, directeur de cabinet, Mme Sandrine de Guio, directrice-adjointe du cabinet, M. Emmanuel Lebrun-Damiens, conseiller budget et administration au cabinet de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, M. Vincent Dalmais chef de mission des programmes, DGM, et Mme Pascale Rey-Pantz, conseillère parlementaire.
Ventilation géographique des engagements de l'AFD
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