N° 2267
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2234)
de finances pour 2015
TOME V
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
ASILE
PAR M. Éric CIOTTI
Député
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Voir les numéros : 2260-III-30.
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2014, pour le présent projet de loi de finances.
À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’Intérieur de leur collaboration.
SOMMAIRE
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Pages
I. L’ACTION « GARANTIE DE L’EXERCICE DU DROIT D’ASILE » 9
A. LES CENTRES D’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE (CADA) 10
B. L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL 11
C. LA SUBVENTION VERSÉE À L’OFPRA 11
II. L’ACTION « ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS » 12
DEUXIÈME PARTIE : L’EXPLOSION DES COÛTS LIÉS À LA PRISE EN CHARGE DES DEMANDEURS D’ASILE 14
A. UNE DÉRIVE CROISSANTE DE LA DÉPENSE LIÉE À L’HÉBERGEMENT D’URGENCE DES DEMANDEURS D’ASILE 14
1. L’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile (HUDA) 15
a. Les places d’hébergement d’urgence du dispositif ATSA 16
b. Les autres places d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile 16
c. La saturation de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile 17
2. Le recours à l’hébergement d’urgence généraliste 18
a. Le dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun 18
b. L’accueil des demandeurs d’asile dans les structures généralistes 19
3. L’hébergement des étrangers sous convention Dublin 21
4. L’hébergement des personnes déboutées 22
B. UNE AUGMENTATION INCONTRÔLÉE DES DÉPENSES EN MATIÈRE D’ALLOCATION TEMPORAIRE D’ATTENTE (ATA) 24
1. Un revenu de subsistance inspiré par le droit de l’Union européenne 24
2. Une augmentation rapide du poids de l’ATA pour les finances publiques 26
a. Le triplement de la dépense afférente à l’ATA en six ans 26
b. Un poids financier lié à l’élargissement du périmètre des bénéficiaires 27
c. Un taux longtemps élevé d’indus 28
d. Les impacts en matière d’allocation des directives européennes 29
i. L’impact d’une entrée plus précoce dans la procédure 29
ii. Le versement de l’allocation à de nouveaux bénéficiaires et sa suspension dans certaines hypothèses 30
iii. La suspension de l’allocation en cas de fuite des demandeurs sous convention Dublin 30
Le droit d’asile est un principe à valeur constitutionnelle énoncé par le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (« Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ») et rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France. Il a été introduit dans le corps même de la Constitution de 1958 par la révision du 25 novembre 1993 qui reconnaît aux autorités de la République le droit de « donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté » ou « pour un autre motif » (article 53-1). Il est garanti par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et s’exerce dans le respect des directives européennes adoptées en la matière.
En France, la demande de protection internationale globale (mineurs accompagnants et réexamens inclus) s’est accrue de plus de 85 % entre 2007 et 2013. Elle est passée de 35 520 demandes en 2007 à 47 686 en 2009, puis à 57 337 en 2011, 61 468 en 2012 et 66 251 en 2013. Cette très forte hausse de la demande d’asile a conduit à un engorgement du système. 30 000 dossiers sont aujourd’hui en attente à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), comme son directeur général l’a indiqué à votre rapporteur pour avis.
Cette augmentation résulte de facteurs exogènes, tels que les crises internationales, mais aussi propres à l’Union européenne (celle-ci ayant engagé une politique de libéralisation des visas) ainsi qu’à la France. Certains États ayant adopté des législations plus strictes en la matière, les demandeurs d’asile, à l’instigation dans nombre de cas des filières d’immigration, se sont tournés davantage vers la France et vers l’Allemagne.
Malgré les renforts en personnels dont l’OFPRA et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ont bénéficié ces dernières années, cette hausse des demandes d’asile a suscité un allongement de leur délai d’examen qui atteint désormais une durée moyenne de 16 mois.
Le constat selon lequel notre système d’asile est « à bout de souffle » est largement partagé. Il figure dans le rapport remis le 28 novembre 2013 par nos collègues la sénatrice Valérie Létard et le député Jean-Louis Touraine, à la suite de la concertation organisée par le ministre de l’Intérieur. Telle est également l’une des conclusions du rapport d’avril 2014 du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, présenté par nos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard.
Les mois qui viennent offriront l’occasion de repenser profondément notre système d’asile. La France doit en effet transposer, d’ici juillet 2015, deux directives européennes datées du 23 juin 2013, relatives l’une aux procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale (1) et l’autre aux normes d’accueil (2). Ces deux textes, qui complètent deux règlements européens datés du même jour, relatifs l’un à la procédure « Dublin » (3) et l’autre à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales (4), parachèvent la constitution du cadre législatif du régime d’asile européen commun (RAEC) dont la mise en place a été demandée par le programme de Stockholm (5).
Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, présenté en Conseil des ministres le 23 juillet 2014, vise notamment à transposer ces deux directives. Cette perspective n’est pas sans susciter certaines craintes. En effet, la directive « procédures », en particulier, multiplie les garanties procédurales pour les demandeurs (telles que la présence d’un tiers lors de l’entretien individuel à l’OFPRA), ce qui constituera un facteur d’allongement des délais administratifs de traitement.
Il est donc impératif que le projet de loi qui sera examiné prochainement par notre Assemblée comporte d’autres dispositions efficaces ayant pour effet d’accélérer le traitement des dossiers et de réserver le dispositif de l’asile aux demandeurs qui en remplissent véritablement les conditions. Ceci permettra de desserrer quelque peu l’étau financier que fait peser la croissance accélérée de la demande d’asile sur notre pays. Ce poids financier apparaît en effet, dans le contexte budgétaire actuel, de moins en moins supportable. Il en va ainsi notamment en matière d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et du versement d’allocations à ceux-ci.
Il convient de rappeler à ce propos que le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, dans son rapport d’avril dernier (6), chiffre le coût prévisionnel de la politique de l’asile pour l’année 2014 à 576 millions d’euros. Ce chiffre est calculé en prenant en compte, outre les crédits liés à l’asile dans le programme budgétaire n° 303 (« Immigration et asile »), les crédits afférents dans les programmes n° 216 (7), n° 104 (8), n° 165 (9) et n° 101 (10).
Encore le CEC prend-il soin de préciser que ce budget prévisionnel sera très probablement dépassé en exécution, notamment en raison de l’allocation temporaire d’attente (ATA). Par ailleurs, il ne prend pas en compte l’hébergement d’urgence généraliste auquel les demandeurs d’asile, comme les déboutés, ont massivement recours, faute de place dans l’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile (HUDA). Le CEC évalue le coût de la présence des demandeurs d’asile et des déboutés dans l’hébergement d’urgence généraliste à approximativement 90 millions d’euros.
Le CEC évalue donc le budget total de la politique de l’asile en 2014 à un montant prévisionnel de pas moins de 666 millions d’euros (compte non tenu d’une probable exécution supérieure à la prévision).
Le présent avis, après avoir exposé brièvement l’évolution des crédits consacrés à l’asile dans le projet de loi de finances pour 2015 (I), sera consacré à l’explosion des coûts liés à la prise en charge des demandeurs d’asile (II).
PREMIÈRE PARTIE : L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ASILE
La mission « Immigration, asile et intégration » regroupe deux programmes : le programme « Immigration et asile » (n° 303) et le programme « Intégration et accès à la nationalité française » (n° 104). Les crédits de la mission, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015, s’élèvent à 655,96 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 666,1 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 de 1,32 % en autorisations d’engagement et de 1,11 % en crédits de paiement.
L’essentiel du montant de la mission est, comme les années précédentes, consacré au programme « Immigration et asile », qui représente 91 % de ses crédits, avec 596,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 606,5 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 1,74 % en autorisations d’engagement et de 1,51 % en crédits de paiement. Au sein de ce programme, les crédits concernés par le présent avis sont ceux de l’action « Garantie de l’exercice du droit d’asile ».
Au sein du second programme de la mission, seuls les crédits de l’action « Accompagnement des réfugiés » relèvent du présent avis.
Au total, plus des trois quarts des crédits de la mission (79 %) sont consacrés à l’asile.
Cette action reste la plus importante, en volume, de la mission. Elle absorbe 85,4 % des autorisations d’engagement du programme, avec 509,73 millions d’euros, et 84,06 % des crédits de paiement, avec le même montant. Ces crédits sont en légère augmentation par rapport à la loi de finances pour 2014 (+ 1,51 %).
Les principaux postes des dépenses d’asile sont le financement des centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), l’hébergement d’urgence, l’accompagnement social, l’allocation temporaire d’attente (ATA) et la subvention versée à l’OFPRA. L’hébergement d’urgence et l’ATA seront abordés dans le cadre de la deuxième partie du présent avis.
Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) constituent des établissements sociaux dont la gestion et la tarification sont régies par le code de l’action sociale et des familles. Ils sont gérés par des associations ou par la société d’économie mixte Adoma.
Les personnes hébergées y bénéficient d’un encadrement sur la base d’un agent à temps plein pour 10 à 15 personnes, taux qui répond aux dispositions du décret n° 2013-113 du 31 janvier 2013 relatif aux conventions conclues entre les centres et l’État. Dans ces centres, au nombre de 258, il est apporté aux résidents un accompagnement administratif et juridique relatif à la procédure d’asile, un suivi social notamment en termes de santé et de scolarisation des enfants ainsi que des activités et des sessions collectives d’information. En 2013, le prix de journée moyen national des CADA par personne hébergée s’élevait à 24,43 euros.
Les personnes hébergées en CADA bénéficient d’une allocation mensuelle de subsistance (AMS), prévue par le II de l’article R. 348-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF). Le montant et le barème de l’AMS sont fixés par l’arrêté du 31 mars 2008 modifié des ministres chargés de l’asile, du budget et de l’action sociale portant application de l’article R. 348-4. Les modalités de versement de l’allocation sont prévues par le décret n° 2013-113 du 31 janvier 2013 (11).
Compte tenu de l’augmentation des besoins résultant de la forte croissance de la demande d’asile ces dernières années, l’État a développé la capacité d’hébergement des demandeurs d’asile. Ainsi, en dix ans, la capacité en places de CADA a été multipliée par quatre, passant de 5 282 places en 2001 à 24 689 places à la fin du premier semestre 2014. Lors de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion des 10 et 11 décembre 2012, le Gouvernement s’était en effet engagé à poursuivre l’augmentation du nombre de places en CADA.
Le financement des CADA par l’État est assuré par une dotation globale de financement (DGF). En 2012, un référentiel de coûts basé sur la ventilation des coûts des CADA a été mis en place. Ainsi, les répartitions régionales et départementales de crédits pour 2013 et 2014 ont pu être effectuées sur des données de référence objectives, et de manière plus équitable.
Les crédits consacrés au financement des places de CADA s’élèvent pour 2015 à 220,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. D’après le projet annuel de performance, « afin de tenir compte de la redéfinition des missions de ces structures, le coût unitaire moyen évoluera à la baisse en cours d’année (12) ».
Un montant de 250 000 euros est destiné à financer plusieurs actions de prise en charge médico-psychologique de demandeurs d’asile victimes de torture ainsi que la prise en charge sociale des demandeurs d’asile.
Par ailleurs, des crédits à hauteur également de 250 000 euros sont prévus pour financer des protocoles transactionnels relatifs à des projets portés par certaines associations.
Au total, un montant de 500 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est donc prévu au titre de l’accompagnement social pour 2015.
Créé en 1952, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est un établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur. Son financement est assuré en quasi-totalité par une subvention pour charges de service public. Il a pour mission d’instruire toutes les demandes de protection internationale (asile conventionnel, asile constitutionnel et protection subsidiaire (13)) et d’assurer la protection des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire et du statut d’apatride.
L’OFPRA remplit trois missions principales :
— l’instruction des demandes d’admission au statut de réfugié et au bénéfice de la protection subsidiaire ;
— la protection des réfugiés et des protégés subsidiaires (délivrance d’actes et de documents d’état-civil que les personnes sous protection ne peuvent obtenir auprès de leur pays d’origine) ;
— le traitement de l’asile à la frontière (avis au ministre de l’Intérieur concernant les demandes d’entrée sur le territoire français).
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, la subvention pour charges de service public versée à l’OFPRA est accrue de 6,7 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Elle s’élèvera donc à 46 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette augmentation permettra de financer le recrutement de 55 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour assurer l’instruction des demandes d’asile, en vue d’atteindre les standards figurant dans le contrat d’objectifs et de performance en matière de délais d’instruction (fixés à 90 jours pour 2015). Elle couvrira pour l’essentiel les dépenses de personnel entraînées par ce relèvement du plafond d’emplois ainsi que la hausse des coûts de fonctionnement afférents à l’augmentation de l’activité de l’établissement (en particulier les coûts d’interprétariat). Le plafond d’emplois de l’opérateur avait déjà été rehaussé de 10 équivalents temps plein dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014 et la subvention pour charges de service public accrue de 2,2 millions d’euros.
Cette action rassemble 16,17 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 27,36 % des autorisations d’engagements et 27,11 % des crédits de paiement du programme. Elle est en hausse de 14,28 %, par rapport à 2014.
Elle comporte, en premier lieu, des crédits destinés à financer les centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH), à hauteur de 11,68 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. En effet, la France, pour répondre aux obligations de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de Genève), s’est dotée d’un dispositif spécifique d’hébergement pour l’accueil des réfugiés, comportant 28 CPH disposant de 1 083 places qui ont pour mission de préparer l’intégration dans la société française de bénéficiaires de la protection internationale présentant des difficultés d’insertion et nécessitant une prise en charge complète pendant une période transitoire.
Ces structures sont considérées comme des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui se rattachent aux établissements et services sociaux et médico-sociaux prévus à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Les crédits qui leur sont relatifs sont mis à disposition des préfets de région. Les principaux éléments constitutifs des coûts sont l’hébergement (incluant éventuellement une prestation de restauration collective) et l’accompagnement administratif et social.
Cette action couvre, en second lieu, des dépenses relatives à des actions d’accompagnement des réfugiés, pour un montant de 4,49 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Ces actions d’accompagnement sont gérées par des associations. Elles prennent la forme d’aides et secours (attribution de bourses pour la poursuite d’études universitaires, etc.) et d’interventions en faveur de la promotion sociale et professionnelle (soutien à certaines associations pour favoriser l’intégration par l’emploi et le logement). Dans ce cadre seront financés notamment le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS), mis en place par France Terre d’Asile (FTDA) à la fin de l’année 2003, et le dispositif CADA Insertion des réfugiés (CADA-IR) de l’association Forum Réfugiés, créé en juillet 2004. Par ailleurs, ces crédits financent pour un montant de 200 000 euros des allocations forfaitaires versées par l’État à des personnalités marocaines et tunisiennes, qui se sont réfugiées en France au moment de l’accès à l’indépendance de leur pays.
DEUXIÈME PARTIE : L’EXPLOSION DES COÛTS LIÉS À LA PRISE EN CHARGE DES DEMANDEURS D’ASILE
Votre rapporteur pour avis rappellera tout d’abord que, en raison de l’afflux des demandeurs d’asile et du nombre limité de places de CADA, il a été recouru de manière croissante à l’hébergement d’urgence, non seulement aux dispositifs dédiés aux demandeurs d’asile mais aussi aux dispositifs de droit commun, provoquant parfois une éviction de fait des publics qui y étaient traditionnellement accueillis (I). Il soulignera ensuite qu’à cette première dérive s’est ajoutée une seconde liée au coût budgétaire croissant des allocations versées aux demandeurs d’asile, dont la gestion a, au demeurant, longtemps été peu rigoureuse (II).
Les 258 CADA constituent le « dispositif national d’accueil » (DNA) des demandeurs d’asile. En dix ans, la capacité en places de CADA a quadruplé, passant de 5 282 places en 2001 à 24 689 places à la fin du premier semestre 2014 (14) (avec un fort ralentissement sur la période 2008-2012).
Dans le projet de loi de finances pour 2015, il est prévu que ces places soient financées (par le biais d’une dotation globale de financement), à hauteur de 220,8 millions d’euros.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PLACES DE CADA DE 2007 À 2014
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014(*) |
19 410 |
20 410 |
20 410 |
21 330 |
21 410 |
21 410 |
23 369 |
25 410 |
(*) En prévision
Source : OFII
Le nombre de places de CADA demeure toutefois nettement insuffisant pour accueillir les plus de 60 000 demandeurs d’asile qui se présentent chaque année dans notre pays (66 251 demandeurs en 2013). Il convient d’ajouter à cela que le taux de présence indue dans les CADA est loin d’être négligeable. Il était encore, en ce qui concerne les réfugiés (15), de 4 % en 2007 et de 1,6 % à la fin 2013. S’agissant des personnes déboutées de la demande d’asile, il était de 7,5 % en 2007 et de 6 % en 2013.
Ces éléments expliquent pourquoi l’hébergement d’urgence (auquel est couplé le versement de l’allocation temporaire d’attente), qui ne devait avoir au départ qu’un rôle annexe, est devenu le principe. Les dépenses d’hébergement d’urgence, en particulier sous la forme de nuitées hôtelières, se sont par voie de conséquence accrues de façon largement incontrôlée.
LA RÉPARTITION DES DEMANDEURS D’ASILE ENTRE LES DIFFÉRENTS TYPES D’HÉBERGEMENT (*)
|
2011 |
2012 |
2013 |
|
(31déc.) |
(31 déc.) |
(30 juin) |
Nombre de demandeurs d’asile en cours de procédure |
53 153 |
54 322 |
59 327 |
Nombre de demandeurs d’asile hébergés en CADA |
16 166 |
18 330 |
19 008 |
% de demandeurs éligibles à un hébergement en CADA effectivement hébergés en CADA |
30,41 % |
33,7 % |
32 % |
Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 303) - Déclaratif |
Env. 19 500 |
Env. 20 637 |
Env. 21 898 |
Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 177) - Déclaratif |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
% de demandeurs d’asile hébergés dans un dispositif financé par l’État/demandeurs d’asile en cours de procédure |
67 % |
71,7 % |
69 % |
% de demandeurs d’asile n’ayant pas obtenu un hébergement ou ne l’ayant pas sollicité |
33 % |
28,3 % |
31 % |
(*) Chiffres à analyser avec précaution, certaines données étant déclaratives.
Source : ministère de l’Intérieur
Le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) vient en principe en complément du parc de places de CADA. Il a vocation à héberger les demandeurs d’asile n’ayant pas le droit d’être accueillis en CADA soit parce qu’ils ont été placés en procédure prioritaire sur le fondement de l’article L. 723-1 (16) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), soit parce que l’examen de leur demande ressortit à un autre État membre en application du règlement dit « Dublin III (17) ». Ces personnes, dépourvues de titres de séjour, sont néanmoins autorisées à demeurer, à titre provisoire, sur le territoire. Elles doivent bénéficier d’une prise en charge conformément à la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres. Les demandeurs d’asile attendant leur entrée en CADA ont également vocation à être hébergés dans ce cadre.
À l’origine, cet hébergement d’urgence dédié avait vocation à jouer un rôle subsidiaire. Il devait permettre en particulier de mobiliser rapidement des capacités supplémentaires en hôtel, avec l’avantage de la réversibilité, en cas de hausse brutale de la demande d’asile. Il convient en effet de rappeler que l’État est dans l’obligation de répondre aux demandes d’hébergement qui lui sont présentées par les demandeurs d’asile. À défaut, les préfectures sont exposées à la sanction du juge administratif en cas de dépôt d’un référé par le demandeur d’asile : elles doivent faire la preuve qu’elles ont accompli les diligences nécessaires pour proposer un lieu d’hébergement.
Il est financé par le programme budgétaire n° 303 « Immigration et asile ». Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit à son égard un financement à hauteur de 132,5 millions d’euros, en hausse de 14,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.
10 % des places, essentiellement situées en Île-de-France et en Rhône-Alpes, font l’objet d’une convention entre le ministère de l’Intérieur et la société d’économie mixte Adoma. Géré nationalement, ce dispositif est dénommé « ATSA » (« Accueil Temporaire Service de l’Asile »). Outre les demandeurs d’asile remplissant les conditions d’admission en CADA, mais auxquels il n’a pas été possible de trouver une place, ce dispositif accueille également des demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire ou « sous convention Dublin ». Les demandeurs y bénéficient, en plus de l’hébergement, d’un acc ompagnement administratif. Ce dispositif, anticipant sur les orientations du projet de loi relatif à la réforme de l’asile, met en œuvre une orientation directive des personnes, effectuée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) (les personnes ne peuvent pas refuser l’orientation décidée l’OFII en fonction de la typologie des logements mis à disposition et des critères de priorité des publics). Le prix de journée s’élève à 16,28 euros.
La convention conclue couvre le financement de 2 160 places (réparties sur 26 centres situés dans 23 départements) pour un coût total de 11,5 millions d’euros de crédits nationaux prévus par le projet de loi de finances pour 2015. S’y ajoute 1,3 million d’euros de financement par des fonds européens.
L’immense majorité des places d’hébergement d’urgence (environ 90 %) est gérée à l’échelon déconcentré par les préfets. Cet hébergement se présente sous la forme d’une prise en charge de nuit d’hôtels (pour 56 %), d’hébergement dans des structures collectives (pour 20 %) ou dans des appartements (pour 23 %). Il s’accompagne du versement de l’ATA. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit à ce titre le financement de 19 840 places.
Ces places sont, elles aussi, destinées à accueillir les demandeurs d’asile en procédure normale, de façon transitoire, dans l’attente d’une place en CADA ainsi que, en principe pour une courte durée, les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire ou relevant d’une procédure Dublin.
Ce dispositif a pris de l’ampleur, jusqu’à comporter aujourd’hui le même nombre de places qu’en CADA. Près de 22 000 places étaient financées en 2013, contre seulement 13 000 places en 2009, soit une augmentation de près de 70 % des capacités en quatre ans.
Le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile a, très rapidement, perdu son caractère subsidiaire, pour deux raisons principales :
— le nombre de places en CADA n’a pas augmenté à hauteur de la demande d’asile ;
— le délai de traitement des demandes en procédure prioritaire ou relevant d’une procédure Dublin se révèle dans les faits aussi long que le traitement en procédure normale, comme le relève le rapport d’avril 2013 de la mission commune des inspections générales sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile (18).
La forte croissance des flux de demandeurs d’asile s’est donc répercutée directement sur celle du dispositif d’hébergement d’urgence, dont les dépenses ont connu une forte augmentation. Les dépenses d’hébergement d’urgence ont été multipliées presque par trois sur la période 2008-2012 (19). Il y a aujourd’hui davantage de personnes prises en charge dans le dispositif d’hébergement d’urgence qu’en CADA.
Ceci est d’autant plus dommageable que le coût global de la prise en charge en hébergement d’urgence est au moins équivalent, sinon supérieur, à celui de la prise en charge en CADA. Le coût unitaire de la nuitée hôtelière est en effet estimé à 17,17 euros, auquel s’ajoute une ATA de 11,35 euros par jour (20) (soit une allocation mensuelle de 340,50 euros). Par comparaison, le prix de journée moyen national des CADA s’élève à 24,43 euros par personne hébergée (en 2013).
Cette situation est particulièrement choquante lorsqu’on songe que l’hébergement d’urgence offre une qualité de prise en charge et d’accompagnement nettement moins élevée que celle que l’on rencontre en CADA (21). Il y a là par ailleurs une rupture d’égalité entre les demandeurs d’asile, l’octroi du statut n’étant plus seulement lié au bien-fondé de la demande, mais aussi au mode d’hébergement et d’accompagnement.
Votre rapporteur pour avis invite donc, en matière d’hébergement des demandeurs d’asile, à donner la priorité au dispositif des CADA, le cas échéant via un redéploiement des crédits aujourd’hui consacrés à l’hébergement d’urgence.
Comme l’a souligné la société Adoma lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le flux des demandeurs d’asile, ajouté à celui des déboutés (cf. infra), est ultimement régulé par le parc hôtelier, avec un financement partagé entre le programme budgétaire n° 303 et le programme n° 177 (22).
La société Adoma écrit à ce propos, dans une note remise à votre rapporteur pour avis : « De 2011 à 2014, la prise en charge de famille à l’hôtel par le Pôle d’Hébergement et de Réservation Hôtelière (PHRH) du Samu social de Paris a augmenté de 68 %, passant de 15 800 personnes hébergées chaque soir au sein de 376 établissements à 32 000 personnes dans plus de 500 hôtels. Ce sont ainsi près de 10 000 chambres qui sont réservées quotidiennement dans l’ensemble des départements d’Île-de-France (…) Les principales raisons de cette forte augmentation du parc hôtelier résident dans l’accueil des demandeurs d’asile (…) et la mise à l’abri de personnes déboutées du droit d’asile (23) ».
Compte tenu de la saturation des structures dédiées aux demandeurs d’asile, une partie d’entre eux s’adresse au dispositif de veille sociale par l’intermédiaire du « 115 (24) ». Ce dispositif est financé sur le budget opérationnel de programme n° 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », géré par le ministère en charge des affaires sociales. L’hébergement de droit commun est en effet l’une des rares politiques sociales gérées par l’État.
Le programme n° 177 couvre notamment les dispositifs « Accueil, Hébergement, Insertion » (AHI). Ceux-ci sont destinés aux personnes en grande difficulté sociale nécessitant une aide globale pour leur permettre d’accéder au logement et de retrouver leur autonomie. Ils s’inscrivent dans un service public de l’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées visant à proposer des prestations adaptées à leurs besoins pour leur permettre d’accéder dans le meilleur délai possible à un logement de droit commun.
Ils ont vocation à offrir, entre autres, un parc d’hébergement pour les personnes sans domicile. Ce parc comprend :
— des places d’hébergement d’urgence (dont les nuitées hôtelières), qui se caractérisent par un accès immédiat ;
— des places de stabilisation ;
— des places de réinsertion sociale (CHRS (25)) pour lesquelles la prise en charge est véritablement axée sur l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet d’insertion vers le logement autonome.
Des moyens supplémentaires importants ont été mobilisés à destination de ces dispositifs dans le cadre du Plan de lutte contre la pauvreté de 2013. Ils ont permis de financer une augmentation des capacités d’accueil, avec la pérennisation de 4 500 places d’urgence et la réalisation de 7 000 places de logement adapté pour mettre fin à la gestion saisonnière du dispositif.
Face à la saturation des capacités d’hébergement qui leur sont dédiées, une part importante des demandeurs d’asile est désormais accueillie dans les structures d’hébergement d’urgence généraliste qui viennent d’être décrites et ce, à toutes les étapes de la procédure. Il existe ainsi une porosité croissante entre les programmes budgétaires n° 303 et n° 177.
Comme l’indique le projet annuel de performance de la mission « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », « la pression sur le parc d’hébergement d’urgence est restée forte en 2014 en raison de l’augmentation générale de la précarité, de l’accroissement des besoins de prise en charge de familles avec des enfants en bas âge et de l’augmentation des flux migratoires (26) ».
Le débordement de la demande d’asile sur le droit commun est facilité par le fait que celui-ci est inconditionnel, peu important le statut de la personne concernée. En effet, aux termes de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles, « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».
Les demandeurs d’asile y sont d’autant plus accueillis que les préfectures s’exposent, en l’absence de tout hébergement trouvé, à la sanction du juge administratif saisi en référé. Le Conseil d’État a rappelé, dans deux décisions du 25 janvier 2011 (27) et du 10 août 2011 (28), que le droit d’asile était une liberté fondamentale garantie par des conditions matérielles d’accueil. L’autorité administrative est donc tenue de répondre aux besoins fondamentaux des demandeurs d’asile, ce qui implique de rechercher si des possibilités d’hébergement sont disponibles dans d’autres régions et, le cas échéant, de recourir à des modalités d’accueil d’urgence.
Dans son appréciation, le juge administratif prend en compte les moyens dont dispose l’administration, les diligences qu’elle a effectuées ainsi que les conditions d’âge, l’état de santé et la situation familiale de l’intéressé. Ainsi, la demande d’hébergement d’un adulte sans enfants et qui ne fait pas état de problèmes de santé pourra être rejetée sans constituer une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile. En revanche, si le demandeur d’asile fait état de circonstances particulières tenant à son état de santé ou à sa situation de famille, le préfet est tenu de désigner un lieu d’hébergement. La jurisprudence administrative admet donc une forme de « priorisation » dans le traitement préfectoral des demandes d’hébergement.
L’impact de la demande d’asile sur le dispositif est insuffisamment connu. On ne dispose que de peu d’éléments pour évaluer les proportions de demandeurs d’asile concernés et les charges correspondantes pesant sur le programme n° 177. L’une des explications de ce phénomène est que ce type d’accueil est largement assuré par des associations qui ne souhaitent pas fournir des informations sur les demandeurs d’asile de crainte que cela ne favorise des mesures d’éloignement.
Selon une enquête purement déclarative réalisée fin 2009 par le ministère chargé du logement auprès de ses services déconcentrés, au 1er octobre 2009, les demandeurs d’asile étaient 1 662 dans le dispositif généraliste et mobilisaient 6 % des places. Comme le reconnaît le rapport du CEC, « cette proportion est aujourd’hui largement dépassée, et les remontées d’informations de certains départements font plutôt état d’une occupation de 25 % à 60 % de l’hébergement d’urgence par des demandeurs d’asile et les personnes déboutées (29) ».
Le projet annuel de performance du programme n° 177 confirme a contrario qu’ « en 2015, la réforme de l’asile, qui prévoit la réduction des délais de traitement des demandes d’asile ainsi que l’augmentation de l’exécution des décisions de reconduite à la frontière, doit permettre de progressivement diminuer les tensions sur ces dispositifs ». Il précise aussi : « Les crédits prévus en 2015 augmentent encore de 5 % par rapport à la LFI [loi de finances initiale] 2014. Ces 59 millions d’euros supplémentaires permettront d’ouvrir de nouvelles places et ainsi favoriser un accès plus rapide aux personnes aux faibles ressources ou en difficulté sociale à une solution durable. »
Votre rapporteur pour avis tient à souligner la profonde déstabilisation ainsi causée à l’hébergement d’urgence de droit commun. L’absence de vision globale en la matière est source d’une une dérive de la gestion de la dépense publique vouée, semble-t-il, à augmenter indéfiniment.
L’hébergement d’urgence fourni par le dispositif généraliste est occupé, en particulier, par les personnes sous convention Dublin.
Le nombre de demandeurs d’asile sous procédure Dublin qui se soustraient au transfert vers l’État membre responsable est, en effet, en constante augmentation depuis 2006. Certains demandeurs d’asile disparaissent dès que le relevé de leurs empreintes digitales révèle qu’ils sont connus de la base de données européenne.
Les préfectures informent dans ce cas l’État membre qui a reconnu sa responsabilité de leur incapacité à transférer le demandeur d’asile dans le délai imparti de six mois, conformément à l’article 29.2 du Règlement « Dublin III » et à l’article 9.2 du Règlement d’application CE N° 1560/2003 du 2 septembre 2003 modifié.
Les tableaux ci-dessous montrent l’évolution dans le temps du taux de transfert effectif ainsi que la répartition en 2013 en fonction des principaux pays concernés. Ils mettent aussi en regard le nombre de transferts entrants au premier semestre 2014.
ACTIVITÉ DUBLIN EN FRANCE (FLUX SORTANTS ET ENTRANTS)
Transferts sortants de 2006 au 1er semestre 2014
FR vers E.M.* |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
1er sem. 2014 |
ACCORDS |
1 754 |
1 843 |
2 641 |
3 430 |
3 340 |
2 847 |
3 555 |
3 919 |
1 620 |
TRANSFERTS EFFECTIFS |
849 |
826 |
783 |
1 010 |
883 |
487 |
598 |
645 |
288 |
Reports de transfert |
208 |
280 |
383 |
462 |
891 |
809 |
1 100 |
1662 |
670 |
Tx transferts effectifs |
48,40 % |
44,82 % |
29,65 % |
29,45 % |
26,44 % |
17,11 % |
16,82 % |
16,46 % |
17,78 % |
Source : ministère de l’Intérieur
PRINCIPAUX PARTENAIRES DE LA FRANCE EN 2013
ÉTATS MEMBRES |
REQUÊTES |
ACCORDS |
REJETS |
TRANSFERTS |
DÉLAIS DE |
HONGRIE |
918 |
809 |
109 |
37 |
235 |
POLOGNE |
813 |
746 |
67 |
67 |
484 |
ITALIE |
719 |
617 |
102 |
119 |
263 |
BELGIQUE |
523 |
437 |
86 |
133 |
109 |
ESPAGNE |
489 |
410 |
79 |
72 |
247 |
ALLEMAGNE |
309 |
192 |
117 |
46 |
98 |
AUTRICHE |
295 |
115 |
180 |
33 |
12 |
SUISSE |
268 |
126 |
142 |
41 |
63 |
SUEDE |
157 |
75 |
82 |
27 |
32 |
PAYS-BAS |
142 |
70 |
72 |
16 |
26 |
GRANDE BRETAGNE |
130 |
46 |
84 |
12 |
7 |
NORVÈGE |
74 |
45 |
29 |
10 |
11 |
Total général |
4 837 |
3 688 |
1 149 |
613 |
1 587 |
Source : ministère de l’Intérieur
TRANSFERTS ENTRANTS DE 2009 AU 1ER SEMESTRE 2014
E.M. vers FR* |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
1er sem. 2014 |
ACCORDS |
1 822 |
1 550 |
1 694 |
1 496 |
2 274 |
904 |
TRANSFERTS EFFECTIFS (*) |
956 |
952 |
1 029 |
904 |
827 |
510 |
Reports de transfert |
3 |
4 |
74 |
75 |
80 |
37 |
(*) Principaux partenaires de la France (Allemagne, Belgique, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse).
Source : ministère de l’Intérieur
Le dispositif généraliste est surtout largement mis à contribution par les personnes déboutées du droit d’asile.
Le taux d’admission global à la protection (OFPRA et CNDA) oscille entre 22 % (30) et 25 % (31). Les déboutés du droit d’asile ont ainsi été au nombre de 43 500 en 2012 et de 45 000 en 2013 (mineurs inclus). Ils tendent pour la plupart à se maintenir irrégulièrement sur le territoire, dans l’attente d’une régularisation éventuelle. Très peu partent d’eux-mêmes ou sont effectivement éloignés. Selon les estimations du rapport d’avril 2013 de la mission conjointe des trois corps d’inspection (IGF, IGA et IGAS), moins de 5 % des déboutés du droit d’asile seraient éloignés (32).
Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, les représentants d’Adoma ont indiqué que, dans la région parisienne, on dénombrait en mai 2014 28 000 nuitées hôtelières et en octobre 2014 32 000 nuitées. Sur ce nombre, environ 4 000 concernaient des demandeurs d’asile, le reste servant à héberger des déboutés.
Les représentants d’Adoma ont également indiqué, à titre d’illustration, que leur centre d’hébergement situé boulevard Ney à Paris, dans le XVIIIe arrondissement, était occupé à 100 % par des déboutés du droit d’asile, et non par des personnes sans domicile fixe titulaires de la nationalité française ou séjournant régulièrement sur le territoire.
Les personnes déboutées du droit d’asile, et qui continuent d’être hébergées soit en CADA, soit en HUDA, soit dans les dispositifs d’hébergement d’urgence généraliste (au titre de l’accueil inconditionnel et de la mise à l’abri), apparaissent ainsi mieux traitées que celles ayant obtenu le statut de réfugiés, qui sont pour leur part largement orientées vers le droit commun. Le dispositif d’ensemble devient de ce fait illisible.
Cette situation provient de l’incapacité des Gouvernements à gérer le retour au pays des déboutés. Votre rapporteur pour avis souligne qu’il n’y aura pas de réforme durable et réussie de notre système de l’asile sans volonté politique de se donner les moyens d’exécuter les mesures d’éloignement.
La réduction des délais de traitement des demandes d’asile, escomptée dans le cadre du projet de loi relatif à la réforme de l’asile, ne garantira pas une véritable maîtrise des dépenses publiques aussi longtemps que la question de l’éloignement des déboutés n’aura pas été affrontée, en même temps d’ailleurs que celle du cumul des différentes procédures d’admission au séjour. Faute de traiter ces questions, la réforme risque surtout de se traduire par un transfert de charges du programme n° 303 vers le programme n° 177.
Dans son rapport d’avril 2013, la mission conjointe des trois inspections générale souligne que ce risque n’est pas virtuel. Elle écrit ainsi : « En 2002, l’IGF, l’IGA, l’IGAS et l’inspection générale des affaires étrangères avaient été mandatées pour proposer une optimisation du dispositif de demande d’asile. À cette époque, il avait notamment été décidé de renforcer les moyens de l’OFPRA et de la commission de recours des réfugiés (ancêtre de la CNDA) pour accélérer les délais de traitement. Dès 2003, l’IGA et l’IGAS avaient été mandatées pour étudier les moyens permettant d’éviter la saturation des centres d’hébergement d’urgence de droit commun par les déboutés du droit d’asile (33). »
Créée en 2006 conformément aux exigences du droit de l’Union européenne, l’allocation temporaire d’attente (ATA) a vu en quelques années son coût budgétaire exploser.
Le principe de l’ATA est issu de la directive européenne 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres. L’article 13.2 de celle-ci dispose que « les États membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs ». Son article 13.5 précise par ailleurs que « les conditions d’accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ».
Dans le prolongement de cette directive, l’allocation temporaire d’attente (ATA) a été créée par la loi de finances initiale pour 2006 à l’intention des demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés en CADA. Elle est aujourd’hui codifiée aux articles L. 5423-8 et L. 5423-9 du code du travail.
Article L. 5423-8 du code du travail
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 5423-9, peuvent bénéficier d’une allocation temporaire d’attente :
1° Les ressortissants étrangers ayant été admis provisoirement au séjour en France au titre de l’asile ou bénéficiant du droit de s’y maintenir à ce titre et ayant déposé une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, s’ils satisfont à des conditions d’âge et de ressources ;
1° bis Les ressortissants étrangers dont la demande d’asile entre dans le cas mentionné au 1° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (34), s’ils satisfont à des conditions d’âge et de ressources ;
2° Les ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection temporaire, dans les conditions prévues au titre Ier du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
3° Les ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire, pendant une durée déterminée ;
4° Les ressortissants étrangers auxquels une carte de séjour temporaire a été délivrée en application de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (35), pendant une durée déterminée ;
5° Les apatrides, pendant une durée déterminée ;
6° Certaines catégories de personnes en attente de réinsertion, pendant une durée déterminée (36).
Article L. 5423-9 du code du travail
Ne peuvent bénéficier de l’allocation temporaire d’attente :
1° (abrogé)
2° Les personnes mentionnées à l’article L. 5423-8 dont le séjour dans un centre d’hébergement est pris en charge au titre de l’aide sociale ;
3° Les personnes mentionnées à l’article L. 5423-8 qui refusent une offre de prise en charge répondant aux conditions fixées au 1° de ce même article. Si ce refus est manifesté après que l’allocation a été préalablement accordée, le bénéfice de l’allocation est perdu au terme du mois qui suit l’expression de ce refus.
L’ATA est servie aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande, y compris lorsqu’ils forment un recours devant la CNDA. Son montant est déterminé par décret et revalorisé chaque année en fonction du taux d’inflation. Il est identique pour un demandeur d’asile isolé ou accompagné d’une famille.
Le coût budgétaire de l’ATA s’est très fortement accru au cours des années récentes, sous la double poussée de l’afflux des demandeurs d’asile et de l’élargissement du champ des allocataires imposé par la jurisprudence européenne et par celle du Conseil d’État.
La dépense afférente à l’ATA a très fortement progressé au cours des dernières années. Elle a ainsi triplé entre 2007 (47 millions d’euros) et 2013 (140 millions d’euros en prévision et 156 millions en exécution). Ceci représente une progression de 367 % entre l’année 2007 et l’année 2013.
Elle était versée à 42 115 personnes au 31 décembre 2013, contre 37 600 à la fin de l’année 2012.
La durée moyenne d’indemnisation est proportionnelle à la durée moyenne d’instruction par l’OFPRA et la CNDA. Elle ne fait pas l’objet d’un suivi particulier de la part de Pôle emploi qui, depuis 2007, gère cette allocation pour le compte de l’État. Cependant, une étude ponctuelle, menée par le service de l’asile de la direction générale des étrangers en France (DGEF), sur les demandeurs d’asile en cours de procédure (hors apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire) bénéficiant de cette allocation à la fin de l’année 2013 a établi que la durée moyenne de perception pour ces publics était de 349 jours.
La demande d’allocation est à déposer auprès de l’agence Pôle emploi du domicile du demandeur d’asile. Le dossier doit contenir le questionnaire fourni par Pôle emploi complété, les justificatifs du statut du demandeur, des justificatifs de ressources et un relevé d’identité bancaire ou postal.
La convention conclue avec Pôle emploi est toujours en vigueur dans l’attente de l’adoption du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.
L’évolution des dépenses globales d’ATA de 2007 à 2013 se présente comme suit (37) :
ATA (M€) |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
47,2 |
47,5 |
68,4 |
105,0 |
145,4 |
164,5 |
177,5 | |
|
|
|
|
|
|
|
|
% évolution |
2008/2007 |
2009/2008 |
2010/2009 |
2011/2010 |
2012/2011 |
2013/2012 | |
0,7% |
44,0% |
53,5% |
38,5% |
13,1% |
7,9% |
Source : ministère de l’Intérieur
La dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2015 en vue du versement de l’ATA s’élève à 109,931 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce montant a été retenu, d’après les indications figurant dans le projet annuel de performance de la mission, en se fondant sur un montant de l’allocation journalière de 11,45 euros et sur la base d’une hypothèse de 25 400 bénéficiaires pour une durée moyenne de versement de douze mois. Votre rapporteur pour avis estime cette hypothèse particulièrement optimiste et considère que la dotation prévue est sous-budgétisée.
Outre l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile et l’allongement des délais de traitement, c’est notamment l’élargissement du champ des allocataires qui explique le poids financier croissant de l’ATA (38).
Celle-ci était au départ réservée aux demandeurs d’asile en procédure normale. Une série de décisions du Conseil d’État a conduit peu à peu à ouvrir le bénéfice de cette allocation à toutes les catégories de demandeurs d’asile.
C’est ainsi que l’ATA a été étendue notamment :
— aux demandeurs d’asile qui proviennent d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr (CE, 16 juin 2008, Association La Cimade, n° 300636) ;
— aux autres demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire et à ceux qui, à la suite d’une décision de rejet devenue définitive, ont formé une demande de réexamen de leur demande d’asile par l’OFPRA (CE, 7 avril 2011, La Cimade et Gisti, n° 335924) ;
— aux demandeurs sous convention Dublin jusqu’à leur transfert effectif vers l’État membre responsable de l’examen de leur demande (CE, 17 avril 2013, La Cimade et Gisti, n° 335924) (39).
Sur ce dernier point, le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle a rappelé que « le coût du versement de l’ATA aux demandeurs d’asile sous procédure « Dublin » avait été estimé à environ 10 millions d’euros, mais (…) a atteint 12 millions d’euros pour 2013 (40) ».
Aux termes de ces décisions, tout demandeur d’asile doit pouvoir, tant qu’il bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, accéder aux conditions minimales d’accueil prévues par la directive « accueil » et, en particulier, au revenu de subsistance que constitue l’ATA.
En avril 2013, le rapport de la mission conjointe des trois inspections générales, dont votre rapporteur pour avis a auditionné l’un des coauteurs, constatait que près d’un bénéficiaire de l’ATA sur cinq la percevait indûment, ce qui représentait un taux d’indus de 18 % (41). Le rapport expliquait ce taux élevé essentiellement par la gestion peu efficace de l’allocation par Pôle Emploi, en raison notamment d’une déficience dans la remontée et le recoupement des informations émanant des diverses institutions compétentes en matière d’asile (OFPRA, OFII, ministère de l’Intérieur).
À la suite notamment des remarques et des recommandations formulées par la mission des trois inspections générales, des efforts réels ont été déployés pour réduire enfin les indus grâce à des opérations de recoupement entre les données de l’OFII, de l’OFPRA et de Pôle emploi.
La première opération de contrôle de la liste des bénéficiaires de cette allocation s’est déroulée en juin 2013 sur la base de la liste des bénéficiaires au 30 avril 2013. À l’issue de ce contrôle, il est apparu que 2 780 personnes percevaient l’allocation de matière indue sur un total de 39 500, soit 7 % de taux d’indus. La valorisation de l’indu est un peu délicate mais l’estimation de ce chiffre est de 7,83 millions d’euros.
En juin 2014, une seconde opération a débuté. D’ultimes vérifications sont en cours concernant une partie des indus détectés. Le résultat provisoire est de 2 % de cas d’indus parmi les 42 400 bénéficiaires, soit 850 indus. Le total des sommes versées à récupérer serait de l’ordre de 2,3 millions d’euros.
La prochaine opération est prévue en novembre 2014. Le ministère de l’Intérieur a indiqué à votre rapporteur pour avis qu’un projet d’avenant avait été transmis à Pôle emploi concernant les modalités de récupération des indus constatés.
Votre rapporteur pour avis se réjouit que le projet de loi relatif à la réforme de l’asile prévoie de confier désormais la gestion de l’ATA à l’OFII, et non plus à Pôle Emploi dont ce n’est pas le métier. Telle était d’ailleurs l’une des préconisations formulée par le Comité d’évaluation et de contrôle dans son rapport.
Votre rapporteur pour avis tient à rappeler enfin que l’évolution du coût financier de l’allocation versée aux demandeurs d’asile subira au cours des prochaines années l’influence des normes européennes. Il convient de rappeler au passage que le projet de loi relatif à la réforme de l’asile entend réformer profondément cette allocation. Appelée à fusionner avec l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) pour devenir l’ « allocation pour demandeur d’asile » (ADA), elle serait destinée aux demandeurs ayant accepté les conditions matérielles d’accueil qui leur sont proposées, et notamment le volet consacré à l’hébergement (en principe en CADA).
S’agissant des normes européennes, il convient de noter tout d’abord que l’accélération de l’entrée dans la procédure, conformément aux dispositions de l’article 6 de la directive « procédures », devrait contribuer à octroyer plus rapidement l’allocation aux ressortissants étrangers qui présentent une demande d’asile.
ii. Le versement de l’allocation à de nouveaux bénéficiaires et sa suspension dans certaines hypothèses
Deux dispositions, anticipant sur la transposition des directives, ont été introduites par l’article 31 de la loi de finances n° 2014-891 du 8 août 2014 rectificative pour 2014.
La première de ces dispositions permet aux demandeurs d’asile placés, soit en procédure prioritaire, soit en procédure dite « Dublin », de percevoir l’ATA tant qu’ils bénéficient du droit de se maintenir sur le territoire français. La loi tire sur ce point les conséquences des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État (42).
Le coût du versement de l’ATA peut ici être estimé à environ 10 millions d’euros pour les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire et à 14 millions d’euros pour les personnes faisant l’objet d’une procédure Dublin (la première année de la mise en œuvre de ce dispositif).
La seconde de ces dispositions a pour objet de transposer partiellement l’article 20 de la directive « accueil », qui autorise les États membres à limiter ou à retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, dans certains cas précisément définis tels que :
— l’abandon du lieu de résidence fixé par l’autorité compétente ;
— le non-respect de l’obligation de se présenter aux autorités ou la non-présentation aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile dans un délai raisonnable ;
— l’introduction d’une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure (demande de réexamen).
L’article 31 de la loi de finances du 8 août 2014 rectificative pour 2014 modifie en conséquence l’article L. 5423-11 du code du travail afin de prévoir notamment que « le versement de l’allocation peut être refusé ou suspendu lorsqu’un demandeur d’asile (…) présente, à la suite d’une décision de rejet d’une première demande de réexamen, une nouvelle demande de réexamen ».
Dans sa décision du 17 avril 2013, le Conseil d’État avait jugé, s’agissant des personnes placées en procédure Dublin, qu’« en l’absence de dispositions nationales prises pour la transposition de l’article 16 de la directive du 27 janvier 2003, le bénéfice de l’allocation ne saurait être interrompu ». Ainsi, en l’absence de transposition des dispositions pertinentes de la directive « accueil », le coût du versement de l’ATA aux personnes faisant l’objet d’une procédure de transfert en application du règlement Dublin apparaissait particulièrement élevé dès lors qu’en cas de fuite caractérisée de l’intéressé le versement de l’ATA ne pouvait être suspendu. Les droits continuaient à courir pendant la durée maximale allouée à la France pour mettre en œuvre la mesure de réadmission après accord de l’État membre responsable (dix-huit mois).
C’est la raison pour laquelle, dans la ligne des préconisations du rapport d’information du Comité d’évaluation et de contrôle (43), l’article 31 de la loi de finances du 8 août 2014 rectificative pour 2014 modifie l’article L. 5423-11 du code du travail afin de permettre la suspension de l’ATA dans le cas où le demandeur « n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’information ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile ». Ceci vise principalement les personnes placées en procédure Dublin en situation de fuite.
D’après les informations fournies par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteur pour avis, l’introduction de cette disposition pourrait permettre une économie potentielle de 11 millions d’euros en année pleine.
Lors de sa réunion du mercredi 5 novembre 2014, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Immigration, intégration et accès à la nationalité française » pour 2015.
M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau en commission élargie, cette fois pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Immigration, asile et intégration ».
Mme Odile Saugues, présidente. La commission des affaires étrangères s’est tout naturellement saisie pour avis de cette mission budgétaire, comme elle le fait chaque année. Notre rapporteur pour avis, Jean-Pierre Dufau, s’est intéressé en particulier à la dimension européenne, encore insuffisamment développée, des politiques publiques que porte la mission « Immigration, asile et intégration ».
Selon l’agence Frontex, les tentatives de traversée clandestine sont en très nette augmentation en Méditerranée centrale. Quel bilan peut-on faire de l’opération Mare Nostrum et de la task force pour la Méditerranée, mises en place l’année dernière, après le drame de Lampedusa ? Qu’attendez-vous de l’opération Triton qui a succédé le 1er novembre dernier à l’opération Mare Nostrum ?
Notre système d’asile sera rénové dans le cadre du projet de loi que nous devrions bientôt examiner. Je m’en réjouis, car nous sommes parfois en deçà de la moyenne européenne s’agissant de l’accueil des réfugiés syriens et irakiens, pour lesquels des opérations spécifiques ont été décidées. Monsieur le ministre, je voudrais savoir où nous en sommes.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le ministre, c’est un plaisir de vous retrouver pour la troisième fois dans le cadre de ces commissions élargies. Sur les crédits de la présente mission, nous avons confié le travail à deux piliers de la commission des lois, Mme Marianne Chapdelaine et M. Éric Ciotti.
Mme Chapdelaine, qui va rapporter sur les crédits du programme « Immigration, intégration et accès la nationalité française », a mené une véritable enquête de terrain pour voir si les efforts menés par l’administration préfectorale pour améliorer l’accueil des étrangers en préfecture avaient porté leurs fruits. Je crois qu’elle nous dira le bien qu’il faut penser de ce travail, et sans doute quels progrès restent à accomplir.
De son côté, M. Ciotti a travaillé sur les crédits du programme « Asile », notamment sur le coût de la prise en charge des demandeurs d’asile, que ce soit l’hébergement ou l’allocation temporaire d’attente (ATA) – coût qu’il qualifie d’« explosif ».
Je ne doute pas que ces éléments nous permettront d’entrer dans le débat, que nous approfondirons dans les semaines qui viennent avec Sandrine Mazetier, rapporteure du projet de loi sur l’asile que vous aurez l’amabilité de venir nous présenter le mardi 25 novembre devant la commission des lois.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances. Pour 2015, la mission « Immigration, asile et intégration »s’efforce de concilier efforts d’économies nécessaires au rééquilibrage des finances de l’État et rebasage budgétaire pour tenir davantage compte de la réalité des besoins.
Au final, ses dotations repartiraient à la hausse, en dépassant les prévisions pour 2014 de 8,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 1,3 %) et de 7,3 millions en crédits de paiement (+ 1,1 %), pour s’élever respectivement à 655,9 et 666,1 millions d’euros. Elles resteraient toutefois en deçà du niveau global voté en loi des finances initiale pour 2013, grâce au complément de 36,8 millions d’euros attendu des fonds de concours européens, eux-mêmes en hausse de 10 millions d’euros par rapport aux anticipations pour 2014. L’ensemble retrouverait ainsi le niveau prévu en 2013 et serait cohérent avec la consommation de crédits de paiement constatée sur cet exercice. En revanche, il serait en retrait de 22,5 millions d’euros par rapport aux dépenses totales d’autorisations d’engagement.
Même si l’évolution des huit actions de la mission est diverse, c’est encore le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française »qui supportera l’essentiel des économies. Je regrette cette diminution des moyens alloués aux dispositifs qui visent à lever les difficultés linguistiques, professionnelles ou culturelles pour favoriser une plus grande autonomie et une meilleure insertion des personnes étrangères dans notre société – politiques qui ont fait l’objet de mon contrôle cette année.
Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, des arbitrages sont indispensables et assortis d’un double enjeu pour le Gouvernement : réussir à stabiliser et, à terme, faire décroître les dépenses d’asile, d’un côté ; optimiser l’utilisation des moyens réduits alloués aux politiques d’intégration, de l’autre.
Monsieur le ministre, j’ai cinq questions à vous poser.
Premièrement, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile déposé par le Gouvernement vise à améliorer les droits des demandeurs d’asile, mais aussi à écarter plus rapidement les demandes infondées qui engorgent le dispositif et engendrent d’importants surcoûts. Je ne parlerai pas des difficultés en préfecture. En attendant son éventuelle adoption, le Gouvernement a d’ores et déjà pris plusieurs mesures pour améliorer le fonctionnement du dispositif et la maîtrise de ces dépenses. Il a ainsi autorisé la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et l’Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à recruter de nouveaux agents instructeurs et transféré la gestion de l’ATA de Pôle emploi à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Si l’on peut espérer de ces mesures une stabilisation des dépenses, voire des économies, les prévisions budgétaires pour 2015 me semblent toutefois très insuffisantes. Par rapport aux consommations de 2013, qui donnent une idée du niveau des besoins réels, les crédits prévus pour l’hébergement d’urgence seraient en retrait de plus de 17 millions d’euros et ceux de l’ATA d’au moins 39 millions. En outre, selon vos services, il manquerait 135 millions d’euros pour boucler les besoins en allocation en 2014. Si l’on se réfère aux prévisions d’exécution pour 2014, les dotations de l’ATA en 2015 seraient sous-budgétées de 160 millions d’euros. Comment expliquez-vous l’optimisme de ces prévisions ?
Deuxièmement, cette même réforme de l’asile comprendrait la transformation d’une partie des places d’hébergement d’urgence en places de centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). Or le projet de budget pour 2015 ne prévoit d’augmenter ni les places en CADA ni les dotations correspondantes, même par transfert des crédits alloués à l’hébergement d’urgence dédié. Comment comptez-vous procéder pour donner sa pleine mesure au Projet de schéma national de l’hébergement des demandeurs d’asile, qui doit assurer une meilleure prise en charge tout en permettant une orientation directive des arrivants ?
Troisièmement, le Gouvernement a déposé un second projet de loi relatif aux droits des étrangers, en vue de renforcer l’accompagnement des étrangers primo-arrivants pour favoriser leur intégration plus rapide dans la société française. Cette réforme devrait faire évoluer sensiblement les missions de l’opérateur central de ce dispositif, l’OFII. Celui-ci verra également ses charges affectées par la réforme de l’asile, mais pas de renforcement de son budget et son plafond d’emplois. Comment l’OFII pourra-t-il faire face à ses futures charges, surtout s’il conserve la gestion du contrôle médical des primo-arrivants, alors que les postes correspondants devaient être redéployés ? La décision ne semble pas encore avoir été arrêtée. Il est important d’éclairer le Parlement sur cette question.
Quatrièmement, dans le champ de l’intégration comme dans celui de l’accueil des demandeurs d’asile, la plupart des intervenants sont des associations dont l’équilibre financier est très souvent dépendant des ressources publiques. Elles sont alors particulièrement sensibles aux retards de paiement des fonds de concours européens, nombreux, comme à la complexité du suivi des dossiers et aux remboursements qui leur sont parfois demandés. Il serait regrettable que ces difficultés mettent en danger des acteurs indispensables ou dissuade ceux-ci de solliciter des financements utiles. Comment le Gouvernement travaille-t-il à faciliter l’utilisation, par ces intervenants, du nouveau fonds de concours européen « Asile, migration, intégration » (FAMI) programmé pour 2014-2020 ?
Cinquièmement, en juillet 2013, une mission d’information initiée par le Président de l’Assemblée nationale avait montré la fragilité de la condition sociale de nombre d’immigrés âgés pourtant installés depuis longtemps dans notre pays, et recommandé des actions publiques fortes. Or, recentrés sur l’accompagnement des étrangers primo-arrivants, les crédits de la mission ne devraient plus assurer le financement des actions, nationales ou locales, développées en faveur de ces publics. Qui plus est, les dispositifs de droit commun ne sont pas nécessairement adaptés à la spécificité de ces populations. Avec quels financements le Gouvernement compte-t-il traiter ces difficultés ?
M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Comme l’a rappelé le rapporteur spécial, les crédits demandés pour la mission « Immigration, asile et intégration »devraient augmenter de 1,3 % en autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, et de 1,1 % en crédits de paiement. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, cet effort mérite d’être salué. Pour l’essentiel, les crédits supplémentaires viendront soutenir notre système d’asile, dont je n’ai pas besoin de rappeler la crise de grande ampleur qu’il traverse.
En 2015, priorité devrait être donnée à la réduction des délais d’examen des demandes d’asile, grâce au relèvement du plafond d’emplois de l’OFPRA et à l’augmentation de sa subvention pour charges de service public. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA), fera également l’objet de mesures dans le cadre d’une autre mission budgétaire. La durée excessive des délais d’examen a des conséquences en cascade sur l’ensemble du système d’asile : elle fragilise les demandeurs, contribue à la saturation du dispositif d’accueil et rend plus complexe encore la question des déboutés du droit d’asile.
Je tiens à souligner le travail accompli par l’OFPRA et la CNDA. Leur engagement sans faille s’est traduit par d’ambitieux plans de réforme interne destinés à améliorer la qualité et l’efficacité de leur fonctionnement. Ces efforts devraient se poursuivre dans le cadre du projet de loi relatif à la réforme de l’asile que nous allons bientôt examiner.
Le rééquilibrage du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile constitue une autre priorité de ce budget. Les capacités des centres d’accueil de demandeurs d’asile ont été sous-dimensionnées, alors que ce dispositif de droit commun constitue le meilleur accompagnement administratif et social des demandeurs d’asile. À la fin du mois de juin dernier, les CADA n’accueillaient que 37 % des demandeurs d’asile admis au séjour. Pour mieux tenir compte de la réalité, 4 000 places supplémentaires ont été créées en 2013 et 2014. Pour 2015, l’objectif est de porter à 50 % la part des demandeurs d’asile remplissant les conditions d’éligibilité effectivement accueillis en CADA. Quel pourrait être le rythme des créations de places supplémentaires ? Peut-on envisager d’en créer au moins 4 000 l’année prochaine ? La simplification des procédures de création de places prévue par le projet de loi relatif à la réforme de l’asile permettra-t-elle ensuite d’aller au-delà ?
Le système de Dublin permet de déterminer quel État européen est responsable du traitement d’une demande d’asile déposé par un ressortissant d’un État tiers. En 2013, 5 227 demandeurs d’asile en France ont fait l’objet de cette procédure et n’ont donc pas vu leur demande d’asile instruite par l’OFPRA, mais 645 d’entre eux seulement ont été effectivement transférés vers l’État membre concerné. La même année, la France a accueilli 824 demandeurs d’asile dans ce même cadre. Quel jugement portez-vous sur le fonctionnement du système de Dublin en France ? Quelles améliorations pourraient y être apportées ?
De nombreuses attentes liées au premier accueil et à l’intégration des étrangers primo-arrivants devraient trouver des réponses dans le projet de loi relatif aux droits des étrangers. En particulier, un véritable parcours d’accueil et d’intégration sera créé sur cinq ans, assorti de prestations mieux adaptées aux besoins, d’objectifs de maîtrise de la langue française plus élevés et d’une meilleure articulation entre le dispositif d’accueil et d’intégration et la délivrance des titres de séjour. C’est dans ce cadre largement rénové que les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » devraient être exécutés. L’année 2015 sera donc une année de transition, qui verra la montée en charge progressive du nouveau dispositif. Qu’en sera-t-il des années suivantes ? En 2013, une mission d’évaluation conduite par l’Inspection générale de l’administration (IGA) et par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait conclu que la rénovation des politiques d’intégration nécessitait des efforts budgétaires nouveaux. Il faut dire que les crédits du programme 104 avaient diminué de plus de 20 % entre 2010 et 2014. La deuxième phase du nouveau parcours d’intégration s’accompagnera-t-elle de besoins budgétaires nouveaux ? Quelles précisions pouvez-vous nous apporter, à ce stade, sur leur financement ?
En ce qui concerne la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne, les développements qui ont suivi le drame de Lampedusa en octobre 2013 ont montré les limites de la solidarité européenne, malgré 1a constitution d’une task force pour la Méditerranée et l’adoption, à diverses reprises, de conclusions par le Conseil européen. L’opération Mare Nostrum,principalement italienne, a permis de sauver de nombreuses vies en mer, mais elle s’est aussi accompagnée d’une augmentation importante des tentatives de traverser clandestinement la Méditerranée.
La nouvelle opération Triton, confiée à l’agence Frontex, devait monter en puissance à partir du 1er novembre. Dans quelle mesure remplace-t-elle l’opération Mare Nostrum ? De quels moyens dispose-t-elle ? Quelle est sa zone d’intervention ? Il semblerait qu’elle soit appelée à se positionner plus au Nord que l’opération Mare Nostrum, c’est-à-dire plus près des côtes. Qu’en est-il exactement ? Les sauvetages en mer, conformément au droit international, feront-ils partie de ses attributions ?
Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure pour avis de la commission des lois, sur l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité française. Le budget de l’immigration s’élève, pour 2015, à plus de 655 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de 1,32 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Ce montant dit toute l’importance que notre pays accorde au séjour des ressortissants étrangers.
Je m’interroge néanmoins sur le montant des crédits inscrits à l’action 12 « Accompagnement des étrangers primo-arrivants ». Même en tenant compte du transfert à un autre programme du budget de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), ces crédits apparaissent en légère baisse. Je rappelle, à ce propos, que le projet de loi relatif au droit des étrangers lie le niveau de la langue à l’obtention du titre de séjour, et que la délivrance de la carte de résident sera conditionnée par l’atteinte du niveau A2 du référentiel « français langue d’intégration » (FLI). Pensez-vous, monsieur le ministre, que les crédits consacrés à l’enseignement du français dans le présent PLF seront à la hauteur des enjeux ? Déjà, des collectivités territoriales, comme la Ville de Rennes par exemple, sont obligées de compléter le dispositif de l’État.
De la même manière, l’action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants », qui correspond à la subvention pour charge de service public versée à l’OFII, est à peu près figée cette année, après avoir diminué l’année dernière. Ces moyens seront-ils suffisants pour permettre à l’OFII de faire face à toutes les missions qui lui seront confiées par les deux projets de loi relatifs à la réforme de l’asile et aux droits des étrangers en France ?
Si des économies doivent être recherchées, la fermeture d’un centre de rétention administrative (CRA) pourrait se justifier dès lors que le projet de loi relatif au droit des étrangers vise à mettre désormais l’accent sur les assignations à résidence. Dans le même souci, le délai maximum de rétention d’un étranger pourrait être ramené de quarante-cinq jours à trente-deux, dans la mesure où l’essentiel des éloignements a lieu avant trente-deux jours. En outre, la visite médicale obligatoire pour les étudiants pourrait être banalisée et effectuée auprès d’un médecin de ville ou des services de santé du CROUS.
J’en viens à mon avis budgétaire, que j’ai consacré cette année aux conditions d’accueil des ressortissants étrangers en préfecture. Confrontées à des flux massifs de demandeurs, ces dernières ont pu sembler débordées dans leur politique d’accueil. C’est ainsi que la préfecture de Seine-Saint-Denis, où je me suis déplacée, délivre plus de 84 000 titres de séjour par an. En outre, la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile n’a pas été sans effet sur l’engorgement de certaines préfectures de région.
Ce sujet a fortement attiré l’attention, tant des associations de défense des droits de l’homme, que des médias ou de vos services, monsieur le ministre. On a, en effet, pu voir, dans certaines préfectures, des files d’attente de plusieurs heures sans garantie d’accès aux guichets, des altercations à l’ouverture des portes et des trafics de tickets. Ce même constat avait été dressé par notre ancien collègue Matthias Fekl dans son rapport de mai 2013.
Face à cette situation, le Gouvernement n’est pas resté inactif. À la suite d’un rapport rendu en septembre 2012 par l’IGA, deux circulaires tendant à améliorer les conditions d’accueil des étrangers dans les préfectures ont été successivement publiées, l’une le 4 décembre 2012, l’autre le 3 janvier 2014. La seconde allongeait à six mois au lieu de quatre la durée de validité du premier récépissé de demande de titre de séjour, et uniformisait les listes de pièces justificatives à fournir. Une mission d’appui a été mise en place par votre ministère afin de veiller à la bonne mise en œuvre de ces dispositions et d’assister les préfectures dans leur action. Moyennant quoi, de réels progrès ont été accomplis, salués par les associations. J’ai pu les constater moi-même, tant à la préfecture de Seine-Saint-Denis qu’à celle d’Ille-et-Vilaine, où je me suis rendue avec mes collègues Élisabeth Pochon et Erwann Binet.
Les enquêtes de satisfaction menées auprès des usagers montrent toutefois que toutes les difficultés ne sont pas aplanies. Les titres pluriannuels de séjour vont être développés dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des étrangers. Quels bénéfices peuvent en être attendus au regard des conditions d’accueil des ressortissants étrangers en préfecture ?
Par ailleurs, afin de fluidifier le traitement des dossiers, il est utile d’extraire certains publics de la file d’attente.
S’agissant des étudiants, une adaptation des décrets semble nécessaire afin de transférer la compétence préfectorale du lieu de domicile de l’étudiant à son lieu d’inscription. Le Gouvernement a-t-il des intentions à ce sujet ?
Pour finir, je mentionne dans mon avis un certain nombre de bonnes pratiques ou de suggestions d’expérimentation : engagement d’une démarche de certification de qualité des préfectures ; expérimentation de mise en réseau des fichiers des différentes institutions ; développement de moyens de prévention des risques psycho-sociaux auxquels à l’intention des agents des préfectures ; développement de systèmes d’information permettant aux ressortissants étrangers de suivre sur internet l’état d’avancement de leur dossier, sans avoir à se déplacer en préfecture. Quelles suites concrètes pourraient être données à ces pistes d’amélioration ?
M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, sur l’asile. Notre dispositif de l’asile est aujourd’hui à la dérive. La demande d’asile s’est accrue de plus de 85 % entre 2007 et 2013, passant de 35 520 demandes à 66 251. Cette explosion a entraîné un engorgement complet du système : aujourd’hui, 30 000 dossiers sont en attente à l’OFPRA ; la durée moyenne de la procédure est passée de 118 jours en 2009 à 204 jours en 2013 ; le délai global d’examen des demandes d’asile atteint aujourd’hui une durée moyenne de seize mois. La longueur des délais rend problématique l’éloignement des déboutés, ceux-ci ayant recours bien souvent à d’autres procédures d’admission au séjour. La procédure d’asile est ainsi détournée de sa fin légitime et utilisée délibérément par des filières d’immigration clandestine.
Pour accueillir tous ces demandeurs d’asile, le nombre de places en CADA demeure très insuffisant, malgré le quadruplement du nombre de places en dix ans. L’hébergement d’urgence, qui ne devait avoir au départ qu’un rôle annexe, est devenu le principal moyen d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile. Plus grave encore, on recourt de plus en plus souvent aux dispositifs d’hébergement de droit commun.
Les dépenses d’hébergement d’urgence, en particulier sous forme de nuitées hôtelières, se sont accrues de façon largement incontrôlée. La dépense liée à l’ATA, dont le versement est lié à l’hébergement d’urgence, a augmenté encore plus fortement : plus 367 % entre 2007 et 2013.
Depuis 2007, le poids budgétaire lié à la demande d’asile n’a donc fait que croître en proportion. Il est devenu particulièrement insupportable aujourd’hui, en l’état de nos finances publiques.
Le programme budgétaire 303 « Immigration et asile », qui était d’environ 480 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2010, s’élève, dans le présent projet de loi de finances, à plus de 606 millions d’euros. Le Comité d’évaluation et de contrôle évalue le budget total de la politique de l’asile en 2014 à un montant prévisionnel de 666 millions d’euros.
Monsieur le ministre, selon l’exposé des motifs du projet de loi que vous nous avez présenté, l’on a pris la mesure des maux qui frappent le système d’asile actuel. Ma première question portera donc sur les effets réels que l’on peut attendre des nouvelles garanties procédurales. L’OFPRA devra, par exemple, apprécier la vulnérabilité du demandeur et adapter en conséquence ses conditions d’accueil. De même un tiers, avocat ou représentant d’une association de défense, pourra assister le demandeur lors de son entretien. Ces nouvelles garanties auront, par nature, pour effet d’allonger le délai de traitement des dossiers. Est-il réaliste d’attendre de la mise en œuvre de ce projet de loi une réduction globale du délai de traitement de la demande d’asile ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, il faut bien rappeler que, faute d’une véritable politique d’éloignement des déboutés du droit d’asile, tous vos efforts risquent de demeurer lettre morte. Entre 2011 et 2013, le taux global de déboutés a varié entre 75 et 78 %. Selon les estimations du rapport de la mission conjointe des trois corps d’inspection, IGF, IGA et IGAS, sur l’hébergement et la prise en charge des demandeurs d’asile, publié en avril 2013, moins de 5 % des déboutés du droit d’asile seront éloignés.
Comme je le montre dans mon avis budgétaire, les déboutés du droit d’asile, qui se maintiennent dans leur immense majorité sur notre territoire dans l’attente d’une régularisation, ont massivement recours à l’hébergement d’urgence. À ce propos, la société Adoma écrit : « De 2011 à 2014, la prise en charge de familles à l’hôtel par le Pôle d’hébergement et de réservation hôtelière (PHRH) du SAMU social de Paris a augmenté de 68 %, passant de 15 800 personnes hébergées chaque soir au sein de 376 établissements, à 32 000 personnes dans plus de 500 hôtels (…) Les principales raisons de cette forte augmentation du parc hôtelier résident dans l’accueil des demandeurs d’asile (…) et la mise à l’abri de personnes déboutées du droit d’asile ».
Allez-vous enfin engager une véritable politique d’éloignement des déboutés du droit d’asile, une fois leurs recours épuisés ? À défaut de donner automatiquement à la décision de rejet de l’OFPRA ou de la CNDA valeur d’obligation de quitter le territoire français (OQTF), on aboutira à ce que les demandeurs ayant obtenu le statut de réfugié soient traités peu ou prou sur le même pied d’égalité que les déboutés. Cela ne prive-t-il pas de pertinence l’ensemble de notre système d’asile ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Permettez-moi d’apporter quelques éléments au débat en insistant, en préambule, sur le contexte de contrainte budgétaire globale. Pour des raisons qui tiennent au redressement de nos comptes publics, nous avons consenti un effort de diminution d’un milliard d’euros en valeur de la dépense publique, afin d’inverser les tendances qui se sont enkystées au cours des dernières années.
De fait, entre 2002 et 2012, le niveau d’augmentation de la dépense publique a été en moyenne de 2 %, et entre 2007 et 2012, de l’ordre de 1,7 %. L’an dernier, le budget affichait une progression de 0,9 %, et cette année de 0,2 %, avec un niveau d’exécution très significatif. C’est dans ce contexte de maîtrise forte de la dépense publique que s’inscrit l’exercice budgétaire.
Par-delà la contrainte budgétaire, le Gouvernement affirme sa volonté politique de transformer en profondeur la politique de l’asile en France, ainsi que sa politique d’accueil des étrangers. Les procédures d’asile de notre pays ne sont pas conformes aux directives de l’Union européenne, et ce malgré les invitations de celle-ci à y remédier depuis de très nombreuses années. Le Gouvernement a décidé de prendre le problème à bras-le-corps en présentant deux textes, l’un relatif à l’asile, l’autre à l’accueil des étrangers.
S’agissant de l’asile, notre volonté est de réduire sensiblement la durée moyenne de traitement des dossiers, en la faisant passer de vingt-quatre mois à neuf. Nous sommes essentiellement mus par des considérations humaines : une attente trop longue plonge les demandeurs d’asile dans la détresse et, lorsqu’ils sont déboutés, rend difficiles les reconduites à la frontière dans des conditions humainement soutenables. Nous mettons les moyens : en même temps que nous augmenterons significativement le nombre de postes à l’OFPRA et renforcerons les moyens de la CNDA, nous allons accroître les capacités d’accueil des demandeurs d’asile en poursuivant la création de postes en CADA.
Pour que les droits des demandeurs d’asile soient davantage reconnus dans les procédures, nous allons mettre en place un recours suspensif contre les décisions de reconduite à la frontière dans le cadre de la procédure accélérée, et les associations pourront accompagner les demandeurs d’asile à l’OFPRA.
Le texte relatif à l’accueil des étrangers introduira de nouveaux dispositifs assouplissant considérablement les conditions de traitement des dossiers de ceux qui arrivent dans notre pays, en mettant davantage l’accent sur l’intégration, à travers notamment le titre pluriannuel de séjour ou le passeport talents. Le traitement administratif des dossiers gagnera ainsi en efficacité et en humanité.
J’en viens aux réponses plus précises aux différents intervenants.
Mme Saugues, mais pas seulement elle, m’a interrogé sur le sens de l’opération Triton par rapport à l’opération Mare Nostrum. D’abord, Mare Nostrum n’est pas une opération de l’Union européenne ; elle a été décidée, après le drame de Lampedusa, par les seuls Italiens, pour réagir à la disparition de nombreux migrants, noyés au large de leurs côtes. Se tenant au plus près des côtes libyennes, elle a eu toutefois des conséquences inattendues : des filières toujours plus nombreuses de l’immigration irrégulière, du crime organisé et de la traite des êtres humains se sont installées sur la façade nord-africaine, notamment en Libye à la faveur de la déréliction de l’État, et ont envoyé de plus en plus de migrants, non sans avoir prélevé sur eux une dîme très lourde, sur la mer à bord de frêles embarcations. L’opération Mare Nostrum s’est ainsi traduite par davantage de sauvetages, mais aussi davantage de morts.
Ceux qui arrivent en nombre sur le territoire européen ne sont pas animés par leur amour irrépressible du code Schengen. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, qui ont pris le chemin de l’exode pour fuir les persécutions, les tortures et la mort, comme ce fut toujours le cas dans l’histoire de l’humanité. Voilà pourquoi il est illusoire de penser qu’il suffirait de modifier Schengen pour dissuader certains de prendre le chemin de l’exode lorsqu’ils sont persécutés.
À la fin du mois d’août, la France a adressé aux pays de l’Union européenne une série de propositions, parmi lesquelles la substitution à Mare Nostrum d’une opération portée par Frontex et localisée plus au nord, au plus près des côtes européennes. Cette proximité est justifiée par la nécessité, pour avoir une politique d’accueil soutenable, d’être en situation de contrôler nos frontières. Qui plus est, c’est un moyen de dissuader les filières de l’immigration irrégulière, qui se trouvent ainsi gênées dans leurs activités. Cette opération de contrôle extérieur des frontières de l’Union européenne, baptisée Triton, ne se fait pas au préjudice du sauvetage puisque le droit de la mer obligera les moyens de l’opération Frontex à intervenir en cas de nécessité.
Comme nous en avons pris l’engagement avec Laurent Fabius, nous allons accueillir plusieurs centaines de réfugiés irakiens et syriens supplémentaires. Nous avons notamment mis en place un dispositif spécifique pour recevoir les représentants des minorités persécutées, et nous faisons en sorte que leurs dossiers soient instruits dans les meilleures conditions. Enfin, 500 réfugiés syriens seront accueillis dans le cadre de la réinstallation, comme le Président de la République l’a indiqué.
L’accueil de ces réfugiés a légitimement fait débat. Faut-il accorder l’asile à ceux qui sont persécutés en Irak et en Syrie, en donnant le sentiment aux partisans de Daesh qu’ils sont chez eux ? Faut-il, au contraire, faire en sorte que ceux qui vivent sur place puissent continuer à y vivre ? Nous sommes intervenus dans le cadre d’une coalition. En même temps, ceux qui sont persécutés au point de perdre la vie doivent pouvoir être accueillis.
M. Grandguillaume a fait un rapport extrêmement complet, qui pose de nombreuses questions auxquelles je voudrais essayer de répondre rapidement.
Le ministère de l’intérieur, en la personne du directeur général des étrangers en France, est appelé à être désigné comme autorité responsable du fonds « Asile, migration et intégration » et du fonds « sécurité intérieure » 2014-2020. Ces deux fonds prennent la suite de six fonds ou instruments européens qui avaient été mis en place pour la période 2007-2013 en matière de politique migratoire et de politique de sécurité. Ils permettent de mettre en œuvre le contenu des différentes directives et règlements récents régissant l’asile au plan européen, ou le retour en lien avec les projets de loi en cours d’examen, dont je vous ai parlé à l’instant. Le cadrage de ces nouveaux fonds a pris du retard au niveau européen, puisque les règlements sont entrés en vigueur en mai 2014 et que leurs textes d’application ne sont pas tous adoptés aujourd’hui.
Conscient qu’un certain nombre de bénéficiaires associatifs risquaient de subir des contraintes de trésorerie considérables en raison de ces retards, j’ai demandé à mes services d’anticiper au maximum le travail de la commission permettant de valider ces programmes. En outre, l’appel à projets du Fonds Asile Migration Intégration (FAMI) et du Fonds Sécurité intérieure (FSI) a été lancé en avril 2014. Les demandes de subventions ont été instruites et sélectionnées en juillet, puis conventionnées en septembre. Cette anticipation s’est notamment concrétisée par le paiement des avances en octobre 2014, grâce à la mise en place d’un dispositif exceptionnel de financement validé par la Commission européenne, après le dispositif classique d’audit des fonds européens.
S’agissant de l’insuffisance de l’enveloppe de l’ATA, force est d’admettre que, ces dernières années, l’augmentation très significative des affaires pendantes devant l’OFPRA et la CNDA ont contribué à accroître les délais d’instruction des dossiers de demande d’asile et donc, mécaniquement, le nombre de bénéficiaires de l’ATA. Nous avons mis en place des dispositifs pour accélérer le traitement des dossiers et faire en sorte que les dépenses publiques mobilisées au titre de l’ATA diminuent progressivement. Toutefois, les renforts successifs des capacités de traitement de l’OFPRA n’ont pas suffi. À ce stade, il n’est pas possible d’inverser la tendance en l’espace de quelques mois. Malgré tout, on note, depuis le début de l’année 2014, une inversion très prometteuse et assez inédite, grâce aux efforts de réorganisation interne entrepris par le nouveau directeur général de l’OFPRA, Pascal Brice. Nous attendons beaucoup des prochains efforts qui seront accomplis, de la future loi, des moyens supplémentaires et des cinquante-cinq emplois budgétaires alloués à l’OFPRA.
Je tiens également à souligner que l’écart entre la budgétisation des crédits et l’exécution s’est beaucoup réduit depuis 2012. C’est d’autant plus méritoire que la dépense est particulièrement difficile à prévoir. En 2011, les crédits d’ATA en loi de finances initiale représentaient 34 % des dépenses réelles ; en 2013, nous couvrons 94 % de cette dépense, ce qui montre bien les efforts accomplis.
Au regard de l’augmentation du flux de demandeurs d’asile depuis 2007, les crédits inscrits en loi de finances pour leur prise en charge se sont révélés très insuffisants entre 2008 et 2012. Comme vous l’avez souligné les uns et les autres à juste titre, cette sous-dotation a concerné tout particulièrement les crédits d’hébergement d’urgence qui ont fait l’objet, depuis plusieurs années, d’abondements significatifs par redéploiements internes, décrets d’avance, voire loi de finances rectificative. Afin de tenir compte de la hausse continue des demandes d’asile, le Gouvernement a augmenté à plusieurs reprises le montant des crédits d’hébergement d’urgence inscrits en loi de finances. Le taux de couverture de la dépense réelle par la dotation en LFI est ainsi passé de 30 % en 2012 à près de 83 % en 2013. Cette consolidation va se poursuivre en 2015, dans la continuité de ce qui s’est passé en 2013 et en 2014. Le niveau de cette dotation tient compte des objectifs de la réforme de l’asile qui doit entrer en vigueur au cours de l’année prochaine et qui, encore une fois, doit permettre de réduire les délais.
S’agissant toujours de l’hébergement d’urgence et de l’ATA, une question portait sur l’exécution 2014. Le besoin en fin de gestion est, comme souvent, très important, même si le montant exact fait l’objet de discussions techniques, en cours avec le ministère des finances. Dans le cadre de ces discussions, une ouverture de crédits a été demandée pour couvrir ce besoin. Je tiens, par ailleurs, à souligner que, depuis 2012, le Gouvernement s’est attaché, chaque année, à réduire l’écart constaté entre la dotation initiale et la dépense exécutée.
Comme toutes les structures que nous avons sous notre responsabilité, l’OFII doit faire l’objet de réformes internes visant à dégager des marges de manœuvre et des économies afin de redéployer des moyens vers les urgences. Dans le contexte actuel, il faut apprendre à faire plus avec autant d’argent. Le ministère de l’intérieur a besoin de financements, mais il fait aussi des économies. C’est ainsi que, avec l’OFII, nous avons travaillé à l’établissement d’un véritable plan d’économies pour financer ses nouvelles attributions. Ces économies proviennent de mesures de simplification administrative : réduction du nombre d’allers-retours imposés aux étrangers entre les préfectures et l’OFII, sans réelle plus-value du point de vue de leur intégration ; suppression, pour les talents internationaux, des visites médicales pouvant être faites dans un autre cadre.
En outre, l’OFII a pu économiser plusieurs millions d’euros grâce à la diminution drastique des aides au retour pour les ressortissants européens. Au cours des années précédentes, les statistiques sur ces aides étaient largement alimentées par les pratiques de ressortissants roumains et bulgares notamment, qui touchaient la prime en partant et revenaient pour en bénéficier à nouveau. Certains, paraît-il, allaient passer Noël dans leur pays puis revenaient toucher l’aide pour les fêtes suivantes. Le dispositif n’existe plus ; il y a là, par conséquent, des moyens budgétaires à mobiliser.
S’agissant des immigrés âgés, le rapport parlementaire préconisait deux mesures principales : la délivrance d’une carte de résident permanent pour les immigrés âgés en situation régulière – dispositif relevant du ministère de l’intérieur et entériné par mon prédécesseur par voie de circulaire en juillet 2013 ; l’accès facilité à la nationalité française des migrants âgés parents d’enfants français. Cette mesure a été intégrée dans la récente loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, portée par Marisol Touraine.
M. Dufau et M. Ciotti m’ont interrogé sur le nombre de places en CADA. Le Gouvernement s’est fixé l’objectif ambitieux de créer, dans les années qui viennent, jusqu’à 5 000 places supplémentaires, dont 1 000 pourraient être réalisées en transformant des hébergements d’urgence. Cette évolution est rendue possible grâce à la réduction des délais de traitement des dossiers, qui aura un effet vertueux sur le niveau des dépenses d’ATA. Sa mise en œuvre dépend du vote de la loi relative à la réforme de l’asile. Ces créations s’ajoutent aux 4 000 places réalisées en 2013 et 2014. Parallèlement, certaines prestations assurées en CADA peuvent, à terme, évoluer. Pour examiner cette question sensible, j’ai souhaité une consultation approfondie du secteur associatif, que j’ai personnellement engagée en juillet dernier. Les débats entre les différents acteurs ont débuté en octobre et se poursuivront jusqu’à ce que nous trouvions un accord.
Dans le cadre du système Dublin, monsieur Dufau, la France n’étant pas un pays d’entrée sur le territoire européen, elle sollicite davantage les autres États membres qu’elle n’est elle-même sollicitée. La France a procédé à près de 5 300 saisines tandis qu’elle n’a été saisie par les États membres que d’un peu plus de 3 000 demandes. Elle obtient de ses partenaires un taux d’accords de l’ordre de 75 %, alors qu’elle délivre, pour sa part, des accords dans 67 % des cas. Les préfectures, d’ailleurs, rencontrent de nombreuses difficultés dans le transfert effectif des demandeurs d’asile vers les États membres devant instruire la demande. Ces difficultés sont dues essentiellement au comportement des demandeurs d’asile au moment du transfert. Bien entendu, nous essayons, dans le cadre d’un dialogue le plus humain possible, de régler ce problème.
J’ai demandé à l’IGA un rapport dont j’attends les conclusions prochainement, afin de mettre en place des mesures visant à une meilleure application du système Dublin en France. Il faudra, par ailleurs, dans le cadre du projet de loi sur l’asile, renforcer le suivi des étrangers sous procédure Dublin pour garantir leur transfert effectif vers les États de l’Union européenne compétents.
Vous avez également rappelé, monsieur Dufau, la baisse de plus de 20 % des crédits du programme 104 entre 2010 et 2014, au moment où le Gouvernement entend rénover les politiques d’intégration. Nous poursuivrons, dans le cadre de la réforme de la politique d’accueil et d’intégration, l’effort considérable de formation linguistique que nous avons initié. En 2015, le dispositif doit conduire les bénéficiaires des formations vers le niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Nous continuerons à mobiliser des fonds pour atteindre cet objectif. La loi de programmation des finances publiques pour 2015-2017 a, par ailleurs, prévu une hausse de 11 millions d’euros pour les deux premières années. Pour la période 2016-2017, nous poursuivrons l’augmentation de ces fonds afin de permettre la mutualisation des formations et le recentrage sur les personnes qui en ont le plus besoin.
Madame Chapdelaine, nombre de vos questions concernent des sujets traités par les deux lois qui seront présentées par le Gouvernement. J’ai répondu à la plupart d’entre elles, mais je voudrais tout de même apporter quelques compléments d’information.
Nos objectifs d’intégration ne se limitent pas à quelques cours de langue. Nous voulons créer un véritable parcours d’intégration pour ceux qui veulent rejoindre notre pays. Une évaluation complète des dispositifs d’intégration a été réalisée dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Il en est ressorti trois éléments essentiels.
D’abord, la nécessité de renforcer le niveau de langue pour amener tous les migrants au niveau A2. C’est une condition importante de leur intégration, qui permettra de renforcer à la fois leur employabilité et leur insertion économique et culturelle dans la société française.
Ensuite, nous voulons renforcer le maillage avec des dispositifs de droit commun et donner du temps pour une intégration réussie. Un an, c’est trop court ; il faut trois à cinq ans pour réussir un parcours d’intégration. Qui plus est, ceux qui ont vocation à s’intégrer dans la société ne doivent pas être soumis à des procédures annuelles qui créent de l’incertitude et embolisent les services préfectoraux. Nous souhaitons mettre en place le titre pluriannuel de séjour, non pas comme un solde de tout compte qui conduirait l’État français à ne plus s’intéresser aux migrants effectuant leur parcours d’intégration, mais au contraire pour leur donner la visibilité permettant de s’intégrer vraiment.
Enfin, il faut adapter certaines prestations qui ne trouvent pas leur public ou qui ne font pas la preuve de leur efficacité. Je pense, par exemple, au bilan de compétences professionnelles.
Nous allons prendre en compte vos préoccupations sur le passeport talents et sur la carte pluriannuelle de séjour. Je précise que le titre pluriannuel de séjour ne se substitue pas à la carte de résident de dix ans, comme le craignent nombre d’associations et d’acteurs. Cela n’a rien à voir. La carte de résident était attribuée à ceux qui avaient préalablement passé cinq ans en France et s’étaient vus annuellement contraints de venir devant les services de la préfecture pour renouveler leur titre de séjour. Désormais, après un an de séjour en France, la personne étrangère pourra faire la demande de ce titre pluriannuel, valable quatre ans, au terme desquels, comme par le passé, dans des circonstances particulières et si les conditions sont retenues, elle pourra bénéficier de la carte de résident de dix ans. Nous utilisons donc le titre de séjour pluriannuel comme vecteur du parcours d’intégration pour délivrer la carte de résident de dix ans dans des conditions plus efficaces sur le plan administratif, plus humaines et moins budgétivores.
Monsieur Ciotti, si nous voulons une soutenabilité de l’asile, il faut faire preuve de responsabilité. Si, au bout de la période d’examen du dossier, qui va être considérablement raccourcie, la personne déboutée est maintenue sur le territoire national, l’asile n’aura plus aucun sens. Autant dire qu’il n’y aura plus ni politique de l’asile ni droit d’asile en France, et que tous ceux qui viendront dans notre pays auront vocation à y rester. Cela ne serait pas responsable. Nous serions confrontés à de sérieux problèmes d’accueil, d’accompagnement et de mobilisation des prestations à caractère social. Il faut porter une grande attention à ceux qui relèvent de l’asile, raccourcir les délais de traitement des dossiers des demandeurs, leur offrir des conditions d’hébergement dignes de ce nom et doter nos administrations des moyens de le faire. Quant à ceux qui ne relèvent pas de l’asile, il faut les reconduire, sans pour autant procéder avec brutalité, en faisant abstraction de toute considération humaine. Le retour doit être accompagné.
Pour ce faire, des dispositifs mobilisant l’administration et les associations doivent être mis en place, tenant compte de toutes les situations humaines. Le retour peut se faire en liaison avec les pays de provenance, avec un accompagnement garantissant des conditions sociales, de travail et d’hébergement. Cela implique un véritable travail bilatéral avec les pays amenés à dialoguer avec la France.
En 2011, le gouvernement de l’époque affichait 32 000 éloignements par an, se décomposant de la manière suivante : 13 478 retours aidés subventionnés par l’OFII et concernant majoritairement des ressortissants roumains et bulgares ; approximativement 5 500 départs spontanés mais tout de même comptabilisés en éloignements ; 13 824 éloignements forcés résultant directement de l’action des pouvoirs de l’administration, dont 4 002 seulement vers un pays tiers de l’Union européenne.
En 2013, les retours aidés de ressortissants roumains et bulgares ont marqué une baisse notable liée à la réduction drastique de la subvention versée par l’OFII, qui agissait comme un véritable aimant, en attirant autant de populations qu’elle en faisait partir. Il n’y a plus aujourd’hui que 6 228 retours aidés, dont seulement 1 517 concernent des ressortissants européens, contre plus de 8 000 en 2011 et 2012. La comptabilisation des départs spontanés est stable, à 5 354, et les retours forcés, en passant à 15 469, enregistrent une hausse marquée. Dans cette catégorie, les retours forcés au sein de l’Union européenne sont également en hausse de 13 %. Ce mouvement est également constaté en 2014.
Enfin, pour ce qui est de la présence des déboutés dans l’hébergement d’urgence généraliste, monsieur Ciotti, il est impossible d’en évaluer la part. Le Gouvernement a pris une circulaire en mars 2014 pour rappeler que cet hébergement ne devait pas être une réponse unique pour la population concernée. C’est pourquoi les préfets veillent à ce que les personnes placées fassent l’objet d’un suivi social approprié. Pour les déboutés, cela signifie une vérification de la possibilité de signalisation, la préservation des aides au retour et la réinsertion, voire, parfois, un dispositif d’assignation à résidence.
Mme Nathalie Appéré. Monsieur le ministre, c’est à l’aune des deux réformes que vous soumettrez prochainement à notre assemblée en matière d’asile et de droit au séjour que nous devons examiner les crédits budgétaires de cette mission. À ce titre, le groupe SRC se réjouit que, dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement ait préservé, et même légèrement augmenté, le budget de la mission, et plus particulièrement les crédits de l’asile.
Le constat d’un système de l’asile à bout de souffle est partagé : nombre de demandes en constante augmentation, administrations et juridictions engorgées, allongement des délais de traitement, acteurs épuisés, CADA saturés. Il fallait réagir, et nous sommes satisfaits de voir que le Gouvernement a choisi de réformer plutôt que de laisser la situation se détériorer.
Ce budget constitue une étape de la reconstruction d’une politique publique de l’asile à la hauteur des valeurs républicaines, respectueuse des droits de l’homme et conforme aux engagements européens et internationaux de la France. Les priorités sont claires : réduire les délais de traitement des dossiers et améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Toutefois, sans moyens supplémentaires, l’objectif ne pourra être atteint. La création de cinquante-cinq postes à l’OFPRA au 1er janvier 2015 est une dépense nécessaire.
En ce qui concerne l’accueil, nous ne pouvons que nous féliciter du choix du Gouvernement de privilégier l’hébergement pérenne, mieux adapté aux demandeurs d’asile et moins coûteux pour l’État. En deux ans, la majorité a créé plus de places en CADA que le gouvernement précédent en cinq ans. C’est un investissement, mais surtout un choix budgétaire plus pertinent sur le long terme puisqu’il évite de grever le budget de l’ATA.
Nous avons entendu, monsieur le ministre, les précisions que vous avez apportées à notre collègue Dufau sur les objectifs du Gouvernement en matière de création de places en CADA, principalement par transformation de places d’hébergement d’urgence. Comment garantir parallèlement le droit inconditionnel à l’hébergement ?
Par ailleurs, la régionalisation a abouti à une concentration des demandeurs d’asile et à une saturation des capacités d’accueil dans les préfectures de région. L’expérience bourguignonne de création de trois points d’entrée avec borne Eurodac dans le cadre d’un schéma régional porte manifestement ses fruits. Peut-on imaginer, en fonction des urgences localement ressenties et objectivées, d’étendre cette expérience tout à fait complémentaire d’un schéma national et régional d’hébergement directif ?
M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, afin de déterminer la position du groupe UDI, je souhaite vous interroger sur certains points précis.
Cette année devrait être marquée par la création d’une nouvelle allocation unique et familialisée, l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). Quel sera le coût de cette familialisation et de cette fusion dont l’étude d’impact du projet de loi sur l’asile ne fait pas mention ?
Vous avez déjà répondu à mon interrogation sur les moyens de l’OFPRA en mentionnant la création de cinquante postes supplémentaires.
En matière d’hébergement, le projet de loi instaure un schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile, et la présente mission prévoit la création de places de CADA. Dans le rapport que nous avons fait pour le CEC avec Jeanine Dubié, nous proposions un objectif de 35 000 places, sachant qu’on en compte cette année environ 25 000. Combien de places prévoyez-vous de créer ? Comment les nouvelles capacités seront-elles réparties sur l’ensemble du territoire ?
On observe une présence massive des déboutés de l’asile dans l’hébergement d’urgence de droit commun, sans même qu’on soit capable d’en donner le pourcentage. Comment sortir de cette situation ?
Au 1er janvier 2015, la mission prévoit le recrutement de cinquante-cinq officiers de protection afin d’accroître les capacités d’instruction de l’OFPRA. Ces recrutements permettront-ils une intervention de l’Office plus en amont ? Ne peut-on pas prévoir un accès de l’OFPRA dans le lieu unique d’accueil du demandeur d’asile, en y instituant une antenne, une mission régulière ou une consultation périodique en visioconférence d’agents de protection ?
En outre, alors que le Fonds européen pour les réfugiés est destiné à être remplacé par le nouveau Fonds asile et migration (FAM), comment peut-on garantir le financement des plateformes associatives qui, nous le savons, est menacé ?
S’agissant des réfugiés, il est nécessaire de renforcer l’insertion des personnes bénéficiaires de la protection internationale. Dans la mission, les crédits de paiement de l’action 15 « Accompagnement des réfugiés » augmentent d’un million d’euros. À quoi cette hausse de crédits est-elle destinée, sachant que le projet de loi sur l’asile ne prévoit rien sur ce sujet ?
Enfin, 1,7 million de CP, soit une légère baisse par rapport à l’an dernier, seront consacrés à l’action 14 « Accès à la nationalité française ». Comment expliquez-vous cette baisse ? En quoi consistera le nouveau parcours d’intégration des étrangers ?
M. Marc Dolez. Combien de places envisagez-vous de créer pour la seule année 2015 afin d’être en mesure d’atteindre l’objectif de 50 % des personnes éligibles hébergées en CADA ? Les moyens prévus pour la création de nouvelles places ne devant pas restreindre les missions de ce mode de prise en charge, permettront-ils de maintenir un niveau d’accompagnement adapté ?
Pouvez-vous faire un point sur l’application de la circulaire du 6 juillet 2012 qui interdit en principe l’enfermement des enfants en centre de rétention ? Plusieurs associations ont en effet signalé des cas de ce genre.
Concernant le plan d’urgence pour Calais, l’annonce de l’ouverture d’un centre d’accueil de jour et du déblocage de 3 millions d’euros pour l’accompagnement social va dans le bon sens, même si ce n’est pas tout à fait à la hauteur des difficultés rencontrées sur le terrain. Quelle sera la capacité d’accueil du centre ? La période hivernale arrivant, pensez-vous prendre des mesures complémentaires, sachant que, sur les 2 300 migrants présents à Calais et aux alentours, il y a 250 femmes et des enfants ?
À la suite des évacuations de campements de Roms qui ont eu lieu le mois dernier, des mesures de relogement durable et de soutien social ont-elles été prises, comme le stipule la circulaire du 26 août 2012 ?
Enfin, la circulaire du 11 mars 2014, prise par votre prédécesseur sur les priorités dans la lutte contre l’immigration irrégulière, a suscité l’émotion et les critiques d’un nombre conséquent d’associations. À la lumière des premières applications de cette circulaire, envisagez-vous, sinon de l’abroger, du moins d’en revoir certaines modalités ?
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter de la rupture avec la sous-budgétisation chronique du budget de l’asile et souligner le bilan de votre action : 4 000 places en CADA ont été réalisées en deux exercices, contre seulement 2 000 créées par la majorité précédente en une législature.
Arnaud Richard, ici présent, est l’un des deux coauteurs d’un très bon rapport rendu au nom du Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée, visant à redonner son sens à l’asile. Je me félicite du doublement des crédits d’accompagnement des réfugiés pour l’exercice 2015, qui sont portés à 4 480 000 euros.
Le programme Accelair prodigue un accompagnement adapté aux personnes réfugiées en matière d’emploi et de logement, pour une intégration durable et une réelle autonomisation. D’abord expérimenté dans le département du Rhône, il a été étendu par l’association Forum réfugiés à l’ensemble des départements des régions Rhône-Alpes, PACA et Pays de la Loire. Son bilan est très positif. En dix ans, grâce à ce programme, 1 500 ménages ont été relogés, 1 000 stages de formation ont été dispensés, 2 000 contrats de travail ont été signés ; 4 750 réfugiés en ont bénéficié. Une généralisation de cette méthode Accelair à l’ensemble du territoire est-elle envisageable pour l’année 2015 ?
M. Philippe Goujon. Des réseaux, souvent criminels, en provenance d’Europe de l’Est, s’installent de plus en plus durablement dans notre pays. Le Premier ministre, lorsqu’il occupait vos fonctions, monsieur le ministre, affirmait que « les Roms avaient vocation à retourner en Roumanie ». L’an dernier, vous avez annoncé que vous renonciez aux contrôles de police pour ces populations, dans un contexte de chute – de moitié environ – des interpellations d’étrangers en situation irrégulière. Ces ressortissants de l’Europe de l’Est seront-ils éligibles au nouvel article L. 214-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui permet d’empêcher un ressortissant étranger de résider sur notre territoire s’il constitue une menace pour l’ordre public ? Le Conseil d’État a déjà reconnu, le 1er octobre dernier, que la mendicité agressive d’une famille rom constituait une menace touchant aux intérêts fondamentaux de la société.
De surcroît, l’article 16 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France permettra à l’autorité administrative d’interdire le séjour sur le territoire français des Roms expulsés pour trois ans, au lieu de trois mois aujourd’hui. Comment comptez-vous faire respecter cette interdiction, en l’absence de contrôle aux frontières, et connaissant la propension des contrevenants à refuser de se prêter aux identifications biométriques et à alléguer de fausses identités ?
Comment expliquez-vous, par ailleurs, que la section des mineurs du parquet de Paris n’ait été saisie que six fois en six mois, entre le 1er janvier et le 31 août 2014, sur l’ensemble des arrondissements parisiens ?
Quelles mesures prenez-vous, en lien avec le ministère des affaires sociales, pour empêcher le dévoiement des filières d’aide sociale à l’enfance à des fins d’immigration illégale, dont vos services ont mesuré qu’elles étaient devenues le débouché des filières d’immigration clandestine ?
M. Erwann Binet. Nous avons tous constaté sur le terrain une très nette amélioration dans l’accueil des étrangers au sein de nos préfectures et de nos sous-préfectures. Les circulaires de décembre 2012 et de janvier 2014 ont largement contribué à ce progrès, la première en invitant les préfectures à revoir leurs pratiques en matière d’accueil et la seconde en limitant le nombre et la fréquence des passages des étrangers devant les guichets.
Des améliorations sont encore souhaitables. Les évolutions législatives à venir y contribueront largement, avec, notamment, l’instauration d’un titre de séjour pluriannuel. Mais ces évolutions sur le terrain se heurtent à la difficulté technique de l’obsolescence de l’application informatique de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France. Le logiciel, dénommé AGDREF, a aujourd’hui plus de vingt ans. Il a subi de nombreuses transformations, imposées par les évolutions de l’encadrement juridique des étrangers, qu’il soit national ou européen. Ainsi, AGDREF bio a permis l’intégration des données biométriques.
Néanmoins, l’outil reste peu évolutif, peu ergonomique et peu performant. Une plus grande efficience dans le traitement des dossiers passe par la mise à disposition auprès de vos services d’un nouveau logiciel permettant de répondre aux besoins d’aujourd’hui : gestion des rendez-vous en préfecture, dématérialisation de certaines procédures, extraction de données, lutte contre la fraude documentaire et l’usurpation d’identité.
L’obsolescence de ce logiciel ayant déjà été constatée par vos prédécesseurs et la précédente majorité, il fut décidé, dès 2006 de lancer un projet d’AGDREF 2. Un appel d’offres lancé en 2008 a malheureusement débouché sur un échec en 2011. Les crédits pour 2015 liés aux systèmes d’information pour cette mission prévoient le financement de frais supplémentaires liés au projet AGDREF 2. En quoi consistent ces frais supplémentaires ? Quelles sont aujourd’hui les perspectives de remplacement de l’application AGDREF ?
M. Gabriel Serville. Monsieur le ministre, le programme « Immigration et asile » que vous nous présentez aujourd’hui a une haute valeur symbolique pour les territoires d’outre-mer, en particulier pour Mayotte et la Guyane, qui connaissent une pression migratoire sans commune mesure avec le reste du territoire. Cette pression est telle que certaines de ses conséquences sont devenues quasi insupportables pour les populations légalement installées. Cependant, empreint d’humanisme et des valeurs de gauche, je ne puis m’empêcher d’avoir une pensée pour tous ces migrants venus de pays limitrophes et évoluant parfois dans des conditions matérielles qui ne sont pas dignes des principes de notre République.
Par ailleurs, si les caractéristiques et les contraintes particulières liées aux DOM justifient les adaptations des règles du CESEDA, elles nécessitent également des moyens à la hauteur des réalités de terrain. La stabilité des crédits de cette mission est donc une bonne nouvelle qui, en période de restrictions budgétaires, prouve que le Gouvernement a parfaitement compris les enjeux des outre-mer.
La contribution du programme 303 « Immigration et asile » est évaluée sur une estimation de 4 % de ces crédits à l’outre-mer, principalement au titre de l’exercice de la garantie du droit d’asile et de la lutte contre l’immigration irrégulière. Cela représente 24,3 millions d’euros qui, contrairement aux autres programmes, ne sont pas répartis par territoires. Monsieur le ministre, je fais confiance à vos services pour flécher ces crédits vers les territoires les plus éprouvés par l’immigration clandestine, à savoir Mayotte et la Guyane. Cette dernière accueille environ trois cinquièmes des primo-arrivants en outre-mer. Il faut savoir que ce chiffre est en augmentation de 17 % sur un an.
J’en profite pour saluer le réaménagement du centre de rétention administrative de Guyane, en partie financé par cette mission, et relever l’attention soutenue accordée aux locaux des zones d’attente, qui témoigne de votre volonté d’allier lutte efficace contre l’immigration clandestine et respect strict des droits de l’homme.
Pour conclure, j’aimerais savoir pourquoi aucun des crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » n’est fléché pour 2015 vers les outre-mer, alors que ces territoires ont conclu 5 200 contrats d’accueil et d’intégration en 2013.
M. Michel Heinrich. Par application de la convention internationale des droits de l’enfant, principe confirmé par la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance, les mineurs isolés étrangers doivent être accueillis sur notre territoire et protégés. Cette prise en charge est assurée par les conseils généraux, par le biais des services de protection de l’enfance, une circulaire de 2014 organisant la répartition des adolescents sur le territoire, ainsi que le contrôle de leur âge et de leur isolement.
Outre que la charge de cette mission pèse sur les départements, au prix d’une forte pression sur les dispositifs d’accueil, et donc au détriment des adolescents locaux, alors qu’elle devrait être assumée par l’État au titre de la maîtrise des flux migratoires, je voudrais souligner les conséquences de l’accueil des mineurs isolés étrangers sur l’immigration, et tout particulièrement sur l’immigration clandestine. D’une part, pour des raisons évidentes et, hélas ! Semble-t-il, souvent organisées et calculées, l’accueil des mineurs précède et favorise l’arrivée de leur famille en France, accentuant le flux migratoire. D’autre part, ce dispositif favorise le développement de filières illégales. En outre, les mineurs qui n’obtiennent pas de qualification à l’âge de dix-huit ans, s’inscrivent dans la problématique des adultes en situation irrégulière.
Ce système devrait être mieux encadré. Une prise en charge par l’État de cette problématique serait beaucoup plus appropriée dans le cadre de notre politique de lutte contre l’immigration clandestine. Dans le département des Vosges, dont je suis élu, les associations locales ont refusé de répondre à l’appel à projets du département, considérant que les moyens alloués étaient insuffisants pour assurer correctement leur mission. L’unique association à avoir répondu à l’appel d’offres, et qui l’a emporté, est extérieure au département, et la répartition d’un groupe d’une trentaine de mineurs dans ma ville entre appartements, maisons de l’enfance et hôtels, augure assez mal de leur intégration et semble sous-encadrée. Je voulais, monsieur le ministre, appeler votre attention sur cette question préoccupante.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je salue, à mon tour, l’esprit de réforme qui souffle sur ces deux domaines difficiles que sont l’asile et l’immigration.
Ma première question touche au futur système d’orientation contraignant vers les places d’hébergement des demandeurs d’asile. Ce système est très important, y compris sur le plan budgétaire. En effet, de nombreuses associations, dans des villes, petites ou moyennes, de province, avouent ne pas savoir que faire en matière d’accueil et payer, parfois de leur poche, l’hébergement lorsque le petit hôtel ou les deux hôtels principaux de la ville sont pleins. Tout cela ne fonctionne pas bien du point de vue d’une saine gestion administrative, et donc, budgétaire. Je me demande même s’il ne faudrait pas renforcer le système d’hébergement contraignant, en prévoyant une sanction visant, au-delà du non-versement des aides, à ce que le traitement des demandes ne soit pas prioritaire.
S’agissant de Calais, vous avez souligné la volonté du Gouvernement, sinon de régler ce problème douloureux qui se pose depuis au moins vingt ans, du moins d’avancer dans la recherche de solutions. Ne pourrions-nous pas aller plus loin, dans la négociation que nous avions engagée avec les autorités britanniques à la fin des années 90, en prévoyant une instruction commune des demandes d’asile ? Je fais référence à une proposition de France Terre d’Asile d’un bureau franco-britannique d’instruction des demandes d’asile. Ce bureau pourrait s’installer à Calais, mais il devrait aussi se tenir très en amont, que ce soit à Menton ou sur les points d’entrée des différentes filières. Ce serait l’occasion de mettre les autorités britanniques devant leurs responsabilités.
Enfin, nous n’avons pas beaucoup avancé en matière d’accueil des étudiants et de délivrance des visas de séjour. Un système d’instruction commune des préfectures et des universités avait été mis en place, qui permettait à la fois de réaliser des économies administratives et de simplifier les démarches. À l’issue de cette instruction commune, les titres de séjour étaient délivrés par les universités elles-mêmes. Je regrette que certains corporatismes, notamment du côté de l’université, n’aient pas permis de donner suite à cette démarche fort utile d’un point de vue budgétaire.
Mme Véronique Louwagie. L’objectif n° 3 de la présente mission est d’améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière. Je note que les dotations de l’action 3 du programme 103 sont maintenues, avec une légère revalorisation, à 73,8 millions d’euros.
L’aide médicale d’État est dotée, selon le rapporteur, d’un montant de 669 millions d’euros, soit plus de 64 millions par rapport à la loi de finances pour 2014 dans la mission « Santé ». Si l’immigration clandestine va malheureusement de pair avec des drames humains, elle a également un lien avec l’AME, dont le Gouvernement donne un chiffre contesté.
Depuis août 2012, la franchise médicale de 30 euros, imposée en 2011 aux étrangers sans papiers bénéficiaires de l’AME, est supprimée et les soins hospitaliers coûtant plus de 15 000 euros ne font plus l’objet d’une procédure d’agrément. Nous pensons que le système actuel de l’AME constitue une incitation à l’immigration illégale. On peut déduire de l’évolution du nombre de bénéficiaires de l’AME qu’un lien fort existe entre les nouvelles dispositions mises en place en 2012 et l’accroissement des dépenses.
Monsieur le ministre, vous dites vouloir contrôler l’immigration, mais avez-vous des moyens d’action suffisamment pertinents pour contrer la communication des filières organisées, fondée notamment sur l’argument d’une AME sans restriction ? L’AME telle que nous la connaissons ne s’oppose-t-elle pas, finalement, à la lutte contre l’immigration clandestine ?
M. Jean-Paul Bacquet. Il me semble que l’immigration est indissociable de l’aide au développement. En France, le sujet est soit évité, soit envisagé sous l’angle de la polémique, soit abordé courageusement, ce que vous faites, monsieur le ministre. Dans tous les cas, on n’est pas sûr de répondre aux attentes de l’opinion publique. Il s’agit donc d’un sujet extrêmement difficile.
Pour autant, il est des réalités qui doivent nous interroger. Celle de l’Afrique, par exemple, qui comptera 2 milliards d’habitants en 2050. Alors qu’en Afrique subsaharienne, 17 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, ils seront 350 millions d’ici à 2025. Dans les quinze ans à venir, le Sénégal gagnera 5 millions de jeunes, à raison de 300 000 chaque année, le Mali doublera sa population, et le Niger recensera 70 millions d’habitants supplémentaires. Parallèlement, l’espérance de vie continuera d’augmenter, la mortalité infantile de diminuer, et le nombre d’enfants par femme sera encore à la baisse, quoique toujours très lentement. Face à cette équation, qui se traduira forcément par de nouveaux mouvements migratoires, notre politique d’aide au développement n’est pas à la hauteur.
Dans cette perspective, plutôt que d’envisager la problématique de l’immigration avec une vision court-termiste, notre pays doit faire preuve d’ambition. Face aux enjeux mondiaux, mieux vaut rassembler que pratiquer la récupération politicienne.
M. Jacques Myard. Effectivement, en matière de flux migratoires, nous ne sommes qu’au début d’un processus, le pic est loin d’être atteint. Les drames vont se multiplier ; c’est le rocher de Sisyphe qui est devant nous. Malheureusement, la politique de notre pays en matière d’asile n’est pas à la hauteur, même si j’ai bien conscience qu’elle est difficile – tous les gouvernements se sont cassé les dents. Certes, monsieur le ministre, il n’existe pas de frontière hermétique, mais entre un hermétisme illusoire et la passoire actuelle, il faut trouver un compromis.
Je crains fort que la situation ne perdure à Calais, car les Anglais camperont sur leur position, et vous le savez bien. Aussi la convention de Schengen, même si elle n’est pas, je vous l’accorde, la seule cause des flux migratoires, doit être revue, car les habitants du Sud savent qu’il est possible d’entrer aisément en Europe, ce qui crée un appel pour ceux qui fuient la guerre à venir s’installer sur le Vieux continent. Sans une coopération forte, indispensable, avec les pays du Sud on ne parviendra pas à stabiliser les flux.
Bref, fermeté et coopération sont deux conditions indispensables, faute de quoi vous échouerez, monsieur le ministre, tout comme vos successeurs.
Mme Françoise Imbert. Les jeunes arrivants étrangers isolés, dont le nombre ne cesse d’augmenter, sont pris en charge par les centres départementaux de l’enfance et de la famille, ainsi que par le service d’accompagnement des mineurs isolés. Cependant, un rapport commun des inspections des services judiciaires, des affaires sociales et de l’administration, constate que 57 % des jeunes étrangers se présentant aux services des conseils généraux comme mineurs isolés sont écartés de l’aide sociale à l’enfance, souvent après avoir été considérés comme majeurs, aucun moyen ne permettant de déterminer précisément l’âge d’une personne dont l’état civil est inconnu. Comment améliorer l’évaluation de la situation de ces jeunes ? Est-il possible de définir une pratique cohérente d’accueil pour tous les départements ?
M. Guy Geoffroy. Un grand nombre de migrants passant par Lampedusa vivent un drame terrible, victimes de sévices et de tortures dans leur pays, hier en Tunisie, aujourd’hui en Syrie, ou encore en Erythrée. Vos conclusions sur le passage du dispositif Mare Nostrum à l’opération Triton me laissent sceptique, monsieur le ministre. Les autorités italiennes elles-mêmes s’inquiètent de l’infériorité des nouvelles capacités d’intervention, tandis que les autorités européennes indiquent que Triton vient en complément de Mare Nostrum.
Par ailleurs, 95 % des migrants ne demandent pas l’asile en Italie ni dans notre pays, mais souhaitent se rendre en Grande-Bretagne ou en Europe du Nord. Pour autant, ils doivent bénéficier d’un traitement humain. Le gouvernement français a-t-il la capacité de discuter avec les gouvernements peu enclins au dialogue, en particulier celui de l’Erythrée ?
M. Boinali Said. Monsieur le ministre, quelles stratégies et quels moyens sont prévus pour les territoires ultramarins, en particulier la Guyane et Mayotte, touchées par des flux d’immigration clandestine très préoccupants, qui s’accompagnent de drames en mer quasi quotidiens à Mayotte ? Les réformes seront-elles étendues dans ces territoires où les législations sont encore très spécifiques, notamment en matière de séjour et de traitement des mineurs en errance ?
M. Lionel Tardy. L’année dernière, je n’avais pas obtenu de réponse claire de la part de Manuel Valls sur la régionalisation de la demande d’asile, qui n’apparaît pas dans l’annexe budgétaire. L’impact de la régionalisation en termes budgétaires est-il significatif ?
Les frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière ont baissé de 3 millions d’euros en 2014 par rapport à l’année précédente, laquelle avait déjà enregistré une baisse de 1 million en raison d’éloignements réalisés vers des pays proches. Pour 2015, ces frais sont stables, à 21,4 millions d’euros. Cela signifie-t-il que les migrants viennent davantage de pays éloignés ou qu’un plancher a été atteint ?
Mme Chantal Guittet. La diminution des délais est certainement une bonne chose, mais elle ne doit pas se faire au détriment de la qualité de l’accueil des migrants. L’utilisation de la vidéoconférence en outre-mer peut ne pas convenir aux personnes en situation de grande vulnérabilité. Aussi une attention toute particulière doit-elle être portée aux migrants en outre-mer, afin qu’ils bénéficient des mêmes conditions d’accueil et des mêmes droits que les migrants en métropole.
M. Jacques Bompard. Je n’interviens pas par présupposé politique ni par volonté de dire combien le choix d’une immigration massive est néfaste à la fois pour les Français et pour la civilisation française. J’entends déjà les soupirs faussement choqués de certains de nos collègues, puisqu’il est interdit d’avoir une position forte au sujet de l’immigration sans que ne s’envolent les récriminations et les accusations les plus odieuses.
Et pourtant, voilà où notre politique dispendieuse et oublieuse du peuple nous a conduits. Les « petits blancs », comme les appelle le criminologue Xavier Raufer, finissent par bondir contre une mixité communautariste qui détruit leur mode de vie, leurs coutumes, et provoquent une inégalité fondamentale entre nouveaux arrivants et Français de souche dans le besoin.
Le géographe Christophe Guilluy vient de mettre en exergue la constitution d’un vivre-ensemble paradoxal. Les populations françaises qui vivent au quotidien les effets de l’immigration sont les premières à la rejeter. Ce sont elles qui inventent une manière d’être au monde, avec une population qui change fondamentalement, et ce sont elles que les idéologues bien-pensants briment au quotidien au nom d’un prétendu racisme et autres balivernes bobos.
Pourtant, il me faut bien vous dire que les crédits alloués à cette politique sont fort loin de couvrir l’ensemble des dépenses liées à l’immigration, qu’elles soient directes ou indirectes, mais aussi qu’ils sont aujourd’hui insupportables pour le peuple français, en ayant le double tort de masquer les dépenses réelles liées au « grand remplacement » et de révéler que l’effort financier porté par les familles de France dans le PLFSS serait largement amoindri par une refonte des aides sociales incitatives à l’immigration.
C’est ainsi que les équivalents temps plein travaillant à la mission immigration sont plus de deux fois supérieurs à ceux de la justice. En outre, plus de 123 millions d’euros sont dédiés aux dépenses de fonctionnement de la mission et 4 millions aux investissements. Un autre chiffre laissera les Français pantois. Comment peuvent-ils en effet accepter que plus de 500 millions d’euros de dépenses d’intervention soient alloués à cette mission, quand partout les économies budgétaires entravent leur quotidien, en particulier celui des familles ?
Mais ce qui m’interroge le plus, c’est le manque de précision des imputations budgétaires au sujet de l’immigration. Vos tableaux n’en montrent absolument pas l’étendue. Où sont les surcoûts pour l’éducation nationale, exposée aux actes de violence et aux difficultés d’enseignement ? Où sont les incidences sur la politique du logement, avec la création de ghettos et la subvention d’habitat pour les nouveaux arrivants, quand on sait la difficulté à gérer le parc immobilier français ? Où sont les conséquences sur l’insécurité, dont pourtant un rapport édifiant…
M. Dominique Lefebvre, président. Votre temps de parole de deux minutes est largement dépassé !
M. Jacques Bompard. En démocratie, le peuple doit être le premier servi et le premier averti. Nos discussions de cet après-midi sont sans valeur aucune. Tant qu’un référendum sur la politique migratoire et ses coûts ne sera pas organisé, nous nous arrogerons un droit qui n’est pas le nôtre. Nous devenons paradoxalement les élus d’un mondialisme destructeur de la concorde nationale, plutôt que les serviteurs de la volonté populaire, et cela est inacceptable.
M. Guillaume Larrivé. À mi-mandat de la présidence de François Hollande, je m’interroge sur l’objectif de la politique d’immigration au regard de quatre indicateurs, issus des chiffres publiés le 10 juillet par la direction générale des étrangers en France (DGEF).
L’immigration légale a augmenté de 5,6 % entre 2012 et 2013, et le regroupement familial de 15 % entre 2011 à 2013 ; l’immigration clandestine, évaluée d’après le nombre d’allocataires de l’AME, a augmenté de 35 % en deux ans, passant de 209 000 en 2011 à 282 400 en 2013 ; les régularisations de clandestins, ce que l’on appelle l’admission exceptionnelle au séjour, sont passées de 23 294 en 2012 à 35 270 en 2013, soit une augmentation de 51,4 %. Enfin, s’agissant du nombre d’éloignements d’étrangers en situation irrégulière, les services de l’État continuent à faire leur travail bon an mal an, sous le contrôle des autorités juridictionnelles, mais ni le bleu budgétaire ni le document de politique transversale n’affichent d’objectif en la matière pour 2015-2016,
Sans dire que la politique conduite avant 2012 était parfaite, une réduction globale des flux d’immigration, qui passe par une organisation intelligente, nous semble indispensable. Or votre politique, monsieur le ministre, a pour effet de les augmenter.
M. Patrick Mennucci. Monsieur le ministre, votre ministère a participé en octobre dernier à la sixième conférence du Réseau européen des migrations, dont le thème était « l’identification des victimes de la traite des êtres humains dans les procédures d’asile et de retour ». L’étude rendue propose des pistes pour les personnes victimes de cet esclavage moderne qu’est la traite des êtres humains. Quelles conclusions tirez-vous de cette étude ? Les mesures proposées peuvent-elles inspirer la politique du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame Apperé, plutôt que de multiplier les bornes Eurodac, je pense plus efficace de mettre en place, comme cela est prévu dans le projet de loi sur l’asile, un hébergement plus directif, afin d’éviter que les demandeurs d’asile ne se concentrent dans certaines villes, comme Rennes.
En outre, nous travaillons avec le ministère du logement à la mise en place de dispositifs de préparation au retour. Une fois ce travail abouti, je reviendrai volontiers devant vous pour en discuter.
Monsieur Richard, l’unification du système d’allocations versées aux demandeurs d’asile proposée dans le projet de loi a été conçue de manière à n’engendrer aucun surcoût. Au demeurant, l’étude d’impact ne mentionne aucune augmentation du coût, puisque le nouveau barème sera adopté par la loi réglementaire. Nous veillerons à ce que les demandeurs d’asile hébergés en CADA comme ceux qui sollicitent un hébergement sans pouvoir l’obtenir et qui perçoivent actuellement l’ATA ne voient leurs prestations baisser.
Toutefois, deux éléments viendront minorer le coût global de la nouvelle allocation : la réduction des délais, car elle aura un impact net sur le montant total de l’allocation, et la plus grande directivité de l’hébergement, qui pourra avoir de manière marginale un impact sur le nombre de bénéficiaires.
S’agissant de l’hébergement des demandeurs d’asile, le projet de loi relatif à l’asile prévoit l’instauration d’un schéma national. Une première étape, en 2015, consistera à adopter un schéma national d’orientation fixant les objectifs par région en matière d’offres d’hébergement. Ces objectifs seront définis sur le critère de population, auquel pourront s’ajouter d’autres indices, en cours d’arbitrage. Le schéma arrêté prendra en compte les capacités existantes, afin d’éviter la fermeture de CADA ou d’HUDA (hébergement d’urgence des demandeurs d’asile) sur certains territoires.
Vous réclamez la création de 10 000 places supplémentaires. Le Gouvernement a pour ambition d’augmenter dans les années qui viennent la part des demandeurs d’asile hébergés en CADA de 50 %, avec la création de 5 000 places supplémentaires, dont 1 000 par transfert de l’hébergement d’urgence. Ces places supplémentaires s’ajouteront aux 4 000 créées en 2013 et 2014. Cet effort très significatif créera les conditions de la soutenabilité de notre politique de l’asile en France.
Il m’a été demandé s’il est possible d’estimer le taux de présence des déboutés du droit d’asile en hébergement d’urgence généraliste. Comme je l’ai indiqué précédemment, cela est extraordinairement difficile.
Je vous confirme la création de cinquante-cinq postes supplémentaires au sein de l’OFPRA pour accélérer le traitement des dossiers des demandeurs d’asile. La possibilité d’ouvrir des antennes territoriales de l’OFPRA a été discutée dans le cadre de la concertation menée en 2013. Pour l’heure, cette option n’a pas été retenue. La possibilité de recourir à des missions foraines de l’Office en cas de nécessité est utilisée massivement dans un certain nombre de villes, notamment à Calais, même si c’est l’OFII qui est mobilisé en liaison avec les services de la préfecture. En la matière, nous préférons une mobilisation des effectifs de l’OFPRA, car la centralisation de l’examen des dossiers permettra d’en traiter plus et plus vite. L’expérience nous dira si nous devons apporter des modifications au dispositif.
Concernant le financement des plateformes associatives par le FER et le FAM, le nouveau dispositif a dû être adapté aux nouvelles orientations budgétaires de l’Union européenne pour la période 2014-2020. Néanmoins, nous avons demandé que les fonds soient alloués avant même que l’ensemble des documents de l’Union européenne ne soit élaboré. Nous pensons ainsi pouvoir faire face.
Je m’arrête sur le dispositif exceptionnel pour Calais. À Calais, 2 000 personnes – y compris des femmes et des enfants – sont dans une situation épouvantable, exposées au froid, à la faim, à l’exploitation des passeurs, victimes de la traite des êtres humains. La préoccupation que j’ai exprimée correspond à une réorientation de la politique de l’État conforme à mes valeurs, car ce n’est pas en laissant les gens mourir de faim ou se faire exploiter que l’on réglera le problème de l’immigration en France.
Aussi, notre première décision a-t-elle été de faire en sorte que toutes ces personnes en situation de vulnérabilité absolue et relevant du droit d’asile puissent obtenir l’asile en France, car nous voulons arracher ces personnes aux filières abjectes de passeurs. Sur ces 2 000 personnes, nous n’avons réussi à en convaincre que 150 de demander l’asile en France. Notre objectif est ainsi de lutter contre les filières de l’immigration irrégulière, domaine où nous obtenons des résultats.
Deuxièmement, nous avons décidé la mise en place d’un accueil de jour à Calais. Les 3 millions d’euros dont vous parliez correspondent à l’accueil de jour ajouté au centre d’hébergement pour les personnes vulnérables : 300 000 euros sont consacrés à l’augmentation des capacités d’accueil existantes à destination des personnes vulnérables, accueil réalisé par une association de façon remarquable ; et un peu plus de 2,8 millions sont prévus pour le centre de jour, grâce notamment aux fonds européens.
Troisièmement, nous voulons démanteler les filières de l’immigration irrégulière. Dans cet objectif, j’ai donné des consignes claires aux forces de l’ordre, dont j’ai augmenté les effectifs à deux reprises cet été, auxquels se sont ajoutées 100 personnes supplémentaires au cours des dix derniers jours. Les forces de l’ordre font à Calais un travail extraordinairement difficile, mais avec beaucoup d’humanité.
S’agissant des personnes relevant de l’immigration irrégulière et non de l’asile, nous procéderons à des reconduites à la frontière. Faute de quoi, notre politique ne sera pas soutenable sur le plan humain.
Enfin, deux sujets concernant Calais sont très importants.
D’abord, la coopération franco-britannique, comme l’a souligné Mme Bechtel. Malgré les accords du Touquet, les Britanniques n’ont pas apporté la preuve de leur mobilisation. Aussi, la maire de Calais m’a-t-elle demandé de dénoncer ces accords. Je ne les ai pas dénoncés, car les migrants, une fois arrivés en Grande-Bretagne, nous auraient été de toute façon retournés le lendemain, ce qui aurait contribué à densifier plus encore les flux. En revanche, j’ai demandé aux Britanniques de contribuer à hauteur de 15 millions d’euros sur trois ans à la sécurisation du port et aux actions humanitaires que nous menons. Surtout, j’ai demandé, non pas des policiers britanniques à Calais, comme une erreur de traduction de mon interview à la BBC a pu le laisser croire, mais la création d’un bureau franco-britannique.
À Calais, se pose aussi la question de l’origine des migrants et de la nécessité de contrôler les flux. J’entends, monsieur Larrivé, celui qui veut devenir le nouveau responsable de votre organisation politique demander un Schengen 2 afin de régler tous les problèmes de l’immigration. Je constate qu’au cours des dernières années, particulièrement de 2007 à 2012, le nombre des migrants qui venaient en France n’était pas moins important que celui d’aujourd’hui. Je demande que l’on s’entende sur les chiffres relatifs aux demandes d’asile –60 000 a indiqué M. Ciotti –, car ils sont comparables, enregistrant même une baisse de 4 % cette année. Pour ce qui concerne l’immigration hors asile, les chiffres sont identiques en France pour ces dernières années. Il n’y a donc pas de flambée de l’immigration, et, même si M. Bompard n’a pas posé de question, je souhaite tout de même lui répondre qu’il n’est pas raisonnable d’alimenter de tels phantasmes.
J’observe encore que rien n’a été obtenu au cours des cinq dernières années jusqu’à notre tournée européenne. Au moment des printemps arabes, les migrants persécutés chez eux arrivaient en nombre identique sur le territoire de l’Union européenne, en Italie, sans que nous ayons jamais obtenu la moindre implication de Frontex pour contrôler les frontières extérieures de l’Union. Nous l’avons obtenue en substitution de l’opération Mare Nostrum, par un accord avec les Italiens et avec les pays l’Union Européenne. Il n’y aura pas de maîtrise des flux migratoires sans contrôle des frontières européennes. C’est précisément ce que nous avons obtenu de l’Union européenne.
En ce qui concerne le nombre des filières d’immigration irrégulières démantelées, j’ignore d’où proviennent vos chiffres. Quant aux chiffres officiels, ils indiquent que 30 % de filières supplémentaires ont été démantelées en 2013 par rapport à 2012, soit 250 filières, et encore 30 % de plus entre 2013 et 2014. Nous savons que ce nombre sera encore supérieur cette année. J’avoue mal comprendre ces campagnes relatives à l’immigration. Mme Le Pen s’est rendue à Calais pendant quelques minutes pour dire que nous ne faisions rien alors qu’on n’a jamais fait autant. Je m’étonne de vous entendre reprendre ce discours sur l’immigration irrégulière, qui ne correspond pas à la réalité. Sur ce sujet, nous faisons des efforts considérables grâce à la mobilisation de nos forces, en étroite liaison avec les services et les polices des autres pays. Vous finirez par décourager ceux dont vous pensez qu’ils votent pour vous à force de dire cela. Nous démantelons les filières de trafic des êtres humains de façon massive.
Protection des frontières extérieures, démantèlement des filières de l’immigration irrégulière, mais aussi application des règles de Dublin et Schengen en Italie, ce qui n’était pas le cas. J’ai dit à mon homologue italien que tout le monde arrive en Italie mais que les gens en partent pour l’Allemagne, la France, ou ailleurs. Si les migrants ne sont pas enregistrés en Italie, sur la base Eurodac, si les empreintes ne sont pas prises, les dispositifs de réadmission de Dublin ne peuvent pas fonctionner, faute de quoi, Schengen demeure sans effet. Aussi, avant de demander Schengen 2, il conviendrait de s’employer à faire fonctionner Schengen 1. C’est ce que nous essayons de faire aussi à Calais.
Monsieur Dollez, la circulaire du 6 juillet 2012 a permis la division par dix du nombre de placements en rétention de familles avec enfants entre 2012 et 2013. Je reste très vigilant sur ce point. Quant à la circulaire du 11 mars 2014 relative à l’éloignement, je n’envisage pas de la modifier, mais j’ai compris que vous n’aviez pas le souhait d’être en accord sur tout avec la politique du Gouvernement.
En ce qui concerne les populations roms, nous avons mis en place la fin des aides au retour, les diagnostics sociaux d’hébergement et d’évacuation, et réduit de 30 % le nombre des campements illicites en France. M. Goujon m’a interrogé sur les Roms qui doivent aussi pouvoir vivre dans leur pays. Ce n’est pas leur être hostile que de dire que beaucoup d’entre eux ne partent pas de leur plein gré et que les pays d’origine n’utilisent pas à bon escient les fonds européens qu’ils perçoivent. J’avais fait, à l’époque où j’étais ministre des affaires européennes, avec M. Valls, le voyage en Bulgarie et en Roumanie où nous avions proposé tout notre soutien et notre savoir-faire. C’est la seule politique que nous conduisons en France à l’endroit de ces populations, en coopération avec les gouvernements et en mobilisant les fonds européens, afin que ces populations soient alphabétisées, logées, accompagnées et soutenues dans leur pays d’origine. Cette politique n’est pas infâmante et nous l’assumons totalement.
Mme Mazetier veut savoir si le programme Accelair va être étendu à toute la France. Ce programme a été décidé en 2002 sur la base du programme européen axé sur l’aide à l’emploi ; le principe autour duquel s’articule la méthode de ce programme est de ne pas séparer les questions du logement et de l’emploi en apportant un accompagnement adapté à ceux qui souhaitent accéder à l’emploi. Notre objectif est de développer et de soutenir ce programme.
En réponse à la question de M. Binet relative aux logiciels AGDREF 1 et AGDREF 2, l’appropriation de la nouvelle application par les utilisateurs a été facilitée au cours des derniers mois par le maintien du logiciel antérieur AGDREF 1 qui, malgré son ancienneté, a prouvé son efficacité et sa robustesse. Pour garantir l’aspect opérationnel du système, une modernisation progressive a été arrêtée et nous allons tenter d’améliorer son ergonomie applicative en refondant l’interface homme/machine et en ajoutant des fonctionnalités nouvelles, sans pour autant nuire à l’efficacité du système. Le dispositif sera complété par de nouvelles fonctions biométriques, avec la base centrale de données pour les empreintes, et statistiques, avec la rénovation du module AGDREF 1. Un travail en profondeur sera entrepris sur l’architecture applicative du logiciel afin de gagner en efficacité.
Mayotte a été le premier territoire ultramarin dans lequel je me suis rendu, alerté par la situation humaine très dégradée des réfugiés. J’ai d’ailleurs été choqué par ce que j’y ai vu. Le CRA sera entièrement reconstruit en 2015 et comptera 410 places. Tout à fait moderne, il offrira des conditions d’accueil bien meilleures que par le passé. Les territoires d’outre-mer bénéficieront des dispositions de la loi relative à l’immigration, qui permettront aux préfectures d’avoir une gestion administrative beaucoup plus souple. Si le programme 104 ne comporte pas de fléchage précis pour les crédits des départements d’outre-mer, ceux-ci ne bénéficient pas moins pleinement de l’ensemble des crédits dévolus à l’intégration.
En réponse à la question de M. Heinrich au sujet des mineurs étrangers isolés et la protection judiciaire de la jeunesse, l’État participe aux mesures en faveur des mineurs isolés, dans le cadre de ses compétences. Des discussions interministérielles sont en cours pour fixer les compétences de l’État dans ce domaine, la principale relevant des départements. Mais nous restons présents et sommes prêts à faire tout ce qui nous revient.
Madame Bechtel, on ne demande pas l’asile à Calais, Cherbourg ou Nantes mais à la France. Si nous voulons avoir des capacités d’accueil dignes réparties sur l’ensemble du territoire, il faut éviter les processus de concentration tels qu’on a pu les constater à Calais. La directivité de l’hébergement demeurera et, dans un dialogue attentif, conditionnera l’attribution des prestations correspondantes.
S’agissant de l’interdiction du territoire pour certains ressortissants de l’Union européenne dans le cadre de la loi relative au terrorisme, j’ai lu dans la presse des interprétations curieuses. Voilà bien un procès faux, absurde et stupide : notre intention n’a jamais été de fermer nos frontières aux ressortissants bulgares et roumains. Il s’agit d’empêcher le retour sur le territoire national d’étrangers qui ont commis des actes terroristes et sont susceptibles de mettre en danger nos ressortissants.
Monsieur Goujon, je déduis de votre allusion aux six mesures coercitives prises en un mois à l’encontre de jeunes Roumains par le parquet pour mineurs de Paris que vous vous interrogez sur l’action de la justice après que la police a neutralisé les intéressés, ce qui constitue un sujet récurrent dans vos questions. Il s’agit d’une question de politique pénale qui implique en premier lieu les autorités judiciaires. À cet égard je voudrais souligner la difficulté qu’il y a à apporter une réponse pénale et sociale adaptée dans un domaine qui concerne des mineurs étrangers et isolés. Pour éviter la récidive, il faut les mettre à l’abri des réseaux qui les exploitent, car beaucoup des intéressés ont subi des pressions ou ont été martyrisés pour pratiquer la mendicité agressive. Nous travaillons, en collaboration avec la justice, les acteurs sociaux, les conseils généraux, les collectivités territoriales et la ville de Paris, à arracher ces mineurs aux réseaux d’immigration illégale. Par une politique volontariste, nous voulons démanteler les filières de la traite des êtres humains. Nos résultats sont bons, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure à M. Larrivé, avec un niveau de judiciarisation des affaires traitées extrêmement fort.
Madame Louwagie, l’AME est conforme à nos valeurs : on ne peut pas laisser les étrangers gravement malades sans perspective de soins. Nous n’en sommes pas moins déterminés à lutter résolument contre les fraudes, et Mme Marisol Touraine est engagée dans ce travail indispensable. Il faut accroître le démantèlement des filières et, sur ce point, je vous renvoie aux résultats que nous obtenons.
M. Bacquet a évoqué le lien entre politique migratoire et aide au développement, comme M. Myard. C’est un sujet central qui doit être traité au plan européen. Parmi les propositions que j’ai faites à l’Union européenne au mois d’août, qui ont été retenues par le Conseil, figure la constitution d’un coordonnateur européen pour les migrations en Méditerranée centrale. La volonté existe pour que les services de l’Union européenne, en coordination avec le Haut comité aux réfugiés (HCR), puissent aller dans les pays de provenance pour voir ce qui relève de l’asile. Dans ces pays où sont concentrés les demandeurs, nous souhaitons établir des procédures d’asile accélérées, ce que nous faisons avec les minorités concernées en Irak et en Syrie. Par ailleurs, il faut que nous puissions développer avec eux des programmes permettant d’accueillir, dans la bande nord-africaine, les réfugiés économiques, de les garder en développant des plans d’alphabétisation, l’accès à l’emploi et le développement d’activités. Je suis extrêmement favorable à ces politiques qu’il convient de développer. L’Union européenne prend le problème à bras-le-corps, la France a été entendue et un accord obtenu. Demain à Paris, se tiendra la réunion du G6 qui rassemblera les ministres de l’intérieur de l’Italie, de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Espagne et de la Pologne, avec des représentants des États-Unis, du Canada et de la Turquie. Cette réunion, pour son volet européen, permettra d’approfondir les propositions françaises sur ces sujets.
Enfin, s’agissant des ressortissants érythréens, ils sont parmi les nationalités très représentées à Calais, avec les Somaliens, les Soudanais et les personnes en provenance d’Irak et de Syrie. Pour traiter ces cas, notre objectif est de recourir à la procédure accélérée avec un traitement rapide des dossiers et l’augmentation des moyens de l’OFII à Calais. Il s’agit de créer le plus rapidement possible les conditions de l’asile et de répartir les intéressés sur le territoire national dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile que nous avons financés.
M. Guillaume Larrivé. Si vous le permettez, monsieur le ministre, tous les chiffres que j’ai cités sont exacts proviennent de vos services et sont publiés sur internet. Personne ne conteste, surtout pas nous, le travail préfectoral et policier sur ces questions. Le sujet, selon nous, est l’attractivité sociale de notre pays.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Larrivé, je ne voudrais pas qu’à chaque fois que les préfets, les policiers et les gendarmes font bien leur travail, ce soit en dépit du ministre de l’intérieur et qu’à chaque fois qu’il y a un problème, ce soit à cause de lui. S’ils font bien leur travail, c’est qu’ils reçoivent de notre part des instructions, ce qui n’enlève rien à leur valeur intrinsèque. Cela dit, je comprends que, étant dans l’opposition, vous souhaitiez les féliciter sans dire quoi que ce soit d’aimable à mon égard.
M. Dominique Lefebvre, président. Vous avez bien fait, monsieur le ministre, d’apporter cette précision.
Je rappelle que la discussion et le vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » en séance publique auront lieu le mercredi 12 novembre.
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À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure pour avis « Immigration, intégration et accès à la nationalité française » ; M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis « Asile »).
Suivant les conclusions de Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure pour avis « Immigration, intégration et accès à la nationalité française », et contrairement à celles de M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis « Asile », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2015.
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
• Ministère de l’Intérieur - Direction générale des étrangers en France (DGEF)
— M. Luc DEREPAS, directeur général
— M. Nicolas PEHAU, adjoint au chef du service de l’Asile
• Société d’économie mixte ADOMA
— M. Bruno ARBOUET, directeur général
— Mme Nathalie CHOMETTE, directrice de l’exploitation
• M. Jean-Philippe DE SAINT-MARTIN, inspecteur des finances, coauteur d’un rapport sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile (avril 2013)
• Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
–– M. Pascal BRICE, directeur général
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