N° 2267 tome XIII - Avis de M. Pascal Popelin sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)



N
° 2267

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2234)
de
finances pour 2015

TOME XIII

SÉCURITÉ

PAR M. Pascal POPELIN

Député

——

Voir le numéro : 1428-III-43.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2014, pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’Intérieur de leur collaboration.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2015 6

DEUXIÈME PARTIE : LES MUTUALISATIONS POLICE-GENDARMERIE : QUEL BILAN ? 9

I. DES MUTUALISATIONS LARGEMENT ENGAGÉES 9

A. LES EFFORTS ACCOMPLIS 9

1. Au sein de l’administration centrale 9

a. La direction de la coopération internationale 9

b. Le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure 10

c. Le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure 11

d. La mutualisation des fonctions logistiques 13

2. Au sein des services déconcentrés 16

a. La mutualisation locale du soutien logistique 16

b. La création des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur 17

B. IL FAUT ALLER PLUS LOIN DANS LES MUTUALISATIONS LOGISTIQUES 18

1. En matière de systèmes d’information 19

a. Une mutualisation progressive dans le domaine de fichiers judiciaires opérationnels 19

b. Des logiciels de rédaction des procédures distincts 21

2. En matière de formation 22

a. Une mutualisation quasiment inexistante en matière de formation initiale 22

b. Des efforts de mutualisation engagés en matière de formation continue 23

II. DES EFFORTS SUPPLÉMENTAIRES DOIVENT ÊTRE RÉALISÉS 25

A. UNE SITUATION AMÉLIORABLE 25

1. Une mutualisation opérationnelle limitée 25

a. Les groupes d’intervention régionale 25

b. La coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires 27

c. Une nécessaire expérimentation des salles de commandements départementales 28

2. La répartition géographique des compétences des deux forces perfectible 28

a. La police d’agglomération 28

b. La police des autoroutes 29

B. UNE NÉCESSAIRE RÉORGANISATION DES FORCES DE SÉCURITÉ 30

1. Les limites de l’organisation polycentrique de la police nationale 30

2. La réorganisation de la gendarmerie nationale 31

a. La réforme de son organisation territoriale 32

b. La réforme de ses implantations 32

3. Une mutualisation de la police technique et scientifique encore timide 32

a. Un plan national d’action 33

b. Des expérimentations dans certains départements 34

c. Une nécessaire mutualisation à approfondir 34

EXAMEN EN COMMISSION 37

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 71

Mesdames, Messieurs,

Poursuivant l’effort engagé depuis 2012, le projet de loi de finances prévoit une hausse des crédits de la police et de la gendarmerie nationales de 0,5 %. Dans le contexte budgétaire actuel particulièrement contraint, le maintien de cet effort est tout à fait remarquable.

Plus précisément, dans la logique de la rupture avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui avait conduit à la suppression, entre 2007 et 2012, de 13 726 postes dans les deux forces de sécurité intérieure (1), le projet de loi de finances propose de créer 243 emplois dans le programme « Police nationale » et 162 emplois dans le programme « Gendarmerie nationale ». Cet effort a été unanimement qualifié de positif par les personnes entendues par votre rapporteur pour avis, même s’il a parfois été jugé timide.

Les crédits de fonctionnement des deux forces demeurent cependant contraints, alors même les attentes de nos concitoyens en matière de sécurité restent extrêmement élevées, dans un contexte de forte pression sur les dépenses publiques. La mission « Sécurités » participe, en effet, à l’effort de maîtrise des dépenses publiques avec une économie de 120 millions d’euros sur le budget triennal 2015-2017. Si cette économie est de 33 millions d’euros en 2015, elle atteindra 42 millions d’euros en 2016 et 45 millions d’euros en 2017.

C’est pourquoi votre rapporteur pour avis a souhaité cette année évaluer les effets des mutualisations entre la police et la gendarmerie nationales. En effet, la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale l’a rattachée au ministère de l’Intérieur. Il semble temps, cinq ans après, d’évaluer les synergies dégagées entre les deux forces, mais aussi les chantiers de mutualisation peu ou pas ouverts.

Lors des auditions qu’il a conduites, votre rapporteur pour avis a observé plusieurs niveaux d’appréciation de la situation, allant de ceux jugeant les mutualisations réalisées comme suffisantes, ceux estimant que de nouvelles mutualisations doivent être engagées et ceux qui souhaitent la fusion pure et simple des deux forces de sécurité intérieure. Sans se prononcer sur cet éventuel objectif, votre rapporteur pour avis s’est attaché à analyser les nombreuses mutualisations déjà engagées et à explorer de nouvelles pistes permettant de mettre en place des synergies supplémentaires.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2015

En 2015, le budget de la police nationale s’élèvera à 9 696,9 millions d’euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), en hausse de 0,5 %. La gendarmerie bénéficiera d’un budget de 8 061,6 millions d’euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), en hausse de 0,4 % par rapport à 2014.

Les tableaux suivants présentent l’évolution des crédits de paiement du programme « Police nationale » et du programme « Gendarmerie nationale » :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME « POLICE NATIONALE »

(en millions d’euros)

TITRE

LFI 2014

PLF 2015

Évolution

Titre 2. Dépenses de personnel

8 708,6

8 718,4

+ 0,1 %

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

703,4

699,7

- 0,5 %

Titre 5. Dépenses d’investissement

192,9

237,2

+ 23,0 %

Titre 6. Dépenses d’intervention

41,5

41,5

Total hors fonds de concours

9 646,4

9 696,9

+ 0,5 %

Fonds de concours

25,4

25,3

- 0,4 %

Total

9 671,8

9 722,2

+ 0,5 %

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME « GENDARMERIE NATIONALE »

(en millions d’euros)

TITRE

LFI 2014

PLF 2015

Évolution

Titre 2. Dépenses de personnel

6 816,5

6 848,9

+ 0,5 %

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

1 078,1

1 115,9

+ 3,5 %

Titre 5. Dépenses d’investissement

117,7

87,6

- 25,6 %

Titre 6. Dépenses d’intervention

13,6

9,2

- 32,4 %

Total hors fonds de concours

8 025,9

8 061,6

+ 0,4 %

Fonds de concours

33,6

37,6

+ 11,9 %

Total

8 059,5

8 099,1

+ 0,5 %

Les dépenses de personnel de la police nationale atteindront 8 718,4 millions d’euros en 2015 et celles de la gendarmerie nationale de 6 848,9 millions d’euros.

En 2015, un montant de 20,9 millions d’euros sera consacré aux mesures catégorielles pour la police nationale. Ces crédits permettront de financer :

— la poursuite de la revalorisation indiciaire du corps d’encadrement et d’application prévue en 2014, pour 13,6 millions d’euros. Cette mesure entrera en vigueur en mai 2015 et son coût en année pleine sera de 20,4 millions d’euros. L’adaptation de la nouvelle grille s’accompagne également d’une mesure nouvelle, qui entrera en vigueur en décembre 2015 et dont le coût en année pleine sera de 13,3 millions d’euros. Des organisations syndicales ont regretté la date retenue pour la mise en œuvre de cette disposition, dont la justification se fonde sur son impact budgétaire significatif ;

— le repyramidage du corps des responsables d’unité locale de police (RULP), pour 0,47 million d’euros. Cette mesure concernerait 80 fonctionnaires ;

— la revalorisation de l’indemnité de police technique et scientifique, pour un million d’euros. L’extension en année pleine de cette mesure représentera une dépense de 2 millions d’euros ;

— la poursuite de la revalorisation des régimes indemnitaires et indiciaires des personnels administratifs et techniques, pour 4,6 millions d’euros. Cette revalorisation sera effective dès le 1er janvier 2015 ;

— enfin, la mise en œuvre du « corps interministériel à gestion ministérielle » implique une dépense de 100 000 euros.

En 2015, un montant de 16,1 millions d’euros sera consacré aux mesures catégorielles de la gendarmerie nationale. Ces crédits permettront de financer une mesure catégorielle en faveur des personnels civils pour 820 000 euros.

Les dépenses « hors titre 2 » – c’est-à-dire les dépenses de fonctionnement et d’investissement – de la police nationale seront de 978 millions d’euros en crédits de paiement et de 944 millions d’euros en d’autorisation d’engagement, soit une augmentation de 4 % des crédits de paiement et de 6,8 % des autorisations d’engagement.

Cette augmentation est liée : aux travaux immobiliers (60,3 millions d’euros), notamment le relogement de la police judiciaire dans le quartier des Batignolles qui représente 34 millions d’euros à lui seul ; à la montée en puissance de la direction générale de la sécurité intérieure, dans le cadre de la réforme du renseignement, pour 12 millions d’euros ; à l’engagement du plan « Police 3.0 » préconisés par le groupe de travail sur les technologies de la sécurité intérieure pour la modernisation des systèmes d’information et de communication, pour 6,9 millions d’euros.

Cependant, les dépenses de fonctionnement courant passent de 158 millions d’euros à 150,6 millions d’euros de 2014 à 2015, soit une baisse de 5 %, avec le souci de continuer d’optimiser l’emploi de ce type de crédits.

Les dépenses « hors titre 2 » de la gendarmerie nationale en 2015 s’établiront quant à elles à 1 212 millions d’euros en crédits de paiement.

S’agissant de l’achat des véhicules, 40 millions d’euros seront affectés à chacune des forces. Pour autant, la consommation de ces crédits subit directement les aléas de la régulation budgétaire. À titre d’exemple, la gendarmerie a pu commander 1 250 véhicules en 2013 et 1 400 en 2014. En 2015, elle envisage d’en acquérir 2 000. Mais, compte tenu du retard accumulé durant le quinquennat précédent, le besoin annuel serait de 3 000. Le vieillissement du parc automobile s’accroît donc.

Enfin, s’agissant du projet annuel de performances (PAP) pour 2015, votre rapporteur pour avis a relevé deux maladresses d’écriture qu’il invite le Gouvernement à corriger dans l’avenir. Il s’agit, en premier lieu, d’une mention figurant dans la présentation stratégique du PAP, selon laquelle les expérimentations de caméras-piétons (2) sont « le gage d’une police respectueuse de la population ». Il conviendrait de souligner que ces caméras sont également une protection pour les forces de l’ordre dans les situations complexes. Il semble important de mentionner cette dualité d’objectifs. En effet, si le principe des caméras-piétons suscitait à l’origine certaines réserves de la part des personnels, leur expérimentation recueille aujourd’hui une très large adhésion.

En second lieu, la présentation de l’objectif n° 1 du PAP précise qu’« évaluer objectivement la prévention de la délinquance est la première mission de la police nationale ». S’il s’agit bien du premier objectif, au sens de la LOLF, dans la présentation des crédits, sembler réduire la mission de la police à l’évaluation de la prévention de la délinquance est quelque peu réducteur et diversement ressenti par les acteurs de la sécurité publique.

DEUXIÈME PARTIE :
LES MUTUALISATIONS POLICE-GENDARMERIE : QUEL BILAN ?

Cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, qui a rattaché cette dernière au ministère de l’Intérieur, il a semblé opportun à votre rapporteur pour avis de dresser le bilan des synergies opérées entre les deux forces et aussi des chantiers de mutualisation peu ou pas engagés.

Depuis 2009 – en réalité, avant même cette date, s’agissant de la création d’offices centraux ou des groupes d’intervention régionale, nés en 2002 – des efforts notables de mutualisation ont été accomplis entre la police et la gendarmerie nationales. Il s’agit, pour l’essentiel, de mutualisations en matière logistique, dans le soutien des deux forces. Cet effort doit être renforcé, notamment en matière de systèmes d’information et de formation.

La mutualisation de certaines fonctions, à l’échelon central, prend la forme d’offices communs aux deux forces. Trois offices sont d’ailleurs rattachés à la direction générale de la gendarmerie nationale. Il s’agit de l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) et l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).

La mise en place de directions communes en administration centrale atteste des progrès de la mutualisation de nombreuses fonctions essentielles de soutien des deux forces de sécurité.

Créée le 1er septembre 2010, la direction de la coopération internationale (DCI) est une direction commune à la police et à la gendarmerie nationales rattachée organiquement à la direction générale de la police nationale (DGPN).

Elle a repris les attributions du service de coopération technique internationale de police (SCTIP) et de la sous-direction de la coopération internationale (SDCI) de la gendarmerie nationale. D’autres attributions ont été prises en compte par la DCI : le suivi des accords de coopération en matière de sécurité intérieure et des groupes de haut niveau, le suivi de l’institutionnel européen et des organisations internationales, les travaux du G8, les travaux relatifs au Collège européen de police (CEPOL), le suivi des crises extérieures.

La direction de la coopération internationale participe ainsi, à titre principal, à l’application de la stratégie internationale et européenne du ministre et à la mise en œuvre de la politique étrangère de la France en matière de sécurité intérieure. Elle anime et coordonne les coopérations opérationnelle, technique et institutionnelle de la police et de la gendarmerie nationales à travers le réseau unique des attachés de sécurité intérieure implantés dans 81 pays et couvrant 152 États.

À l’occasion des auditions qu’il a conduites, votre rapporteur pour avis a noté la satisfaction générale sur les effets positifs de l’existence de ce service commun, qui a permis de rationaliser l’action de nos forces de sécurité à l’international.

Cette démarche de mutualisation n’est cependant pas achevée, puisque la DCI doit présenter en décembre 2014 un schéma directeur de la coopération internationale pour mieux évaluer le réseau commun des attachés de sécurité intérieure. En 2014, la gendarmerie représente près de 25 % des effectifs totaux de la direction, contre 18 % en 2009. Elle fournit 21 des 82 attachés de sécurité intérieure et 59 des 239 personnels affectés au sein de la structure centrale.

Créé le 1er septembre 2010, le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, dit « ST(SI)² » est un service commun à la gendarmerie et à la police nationales. Il est rattaché organiquement à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et a repris les attributions de la sous-direction des télécommunications et de l’informatique de la DGGN et de différents services de la DGPN (notamment du service des technologies et des systèmes d’information).

Le ST(SI)² contribue à la définition de la stratégie du ministère de l’Intérieur en matière de systèmes d’information et de communication et de sécurité des systèmes d’information. Il participe aux travaux de la mission de gouvernance ministérielle des systèmes d’information et de communication, rattachée au secrétaire général du ministère. Assurant déjà la maîtrise d’œuvre de systèmes d’information de la gendarmerie nationale et de la police nationale, le ST(SI)² assure dorénavant la conduite et le pilotage de tous les projets opérationnels du domaine de la sécurité intérieure qui lui sont confiés dans le cadre du décroisement avec la direction des systèmes d’information et de communication du ministère, celle-ci reprenant pour sa part les mêmes responsabilités pour l’ensemble des applications et projets transverses. Il coordonne les services de proximité de la police et de la gendarmerie en matière de systèmes d’information et de communication. Il anime la politique d’innovation technologique et assure enfin le pilotage et l’animation du service de développement et de mise en œuvre des logiciels (SDMOL), du centre national d’assistance aux utilisateurs de la sécurité intérieure (CNAU), du service de traitement de l’information de la gendarmerie (STIG), du service central des réseaux et des technologies avancées (SCRTA) et du centre national de formation des systèmes d’information et de communication de la gendarmerie (CNFSICG) qui lui sont fonctionnellement rattachés.

Dans le cadre de la mise en place de nouveaux logiciels dans les deux forces de sécurité, les directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationales ont conjointement décidé la création d’un centre national d’assistance aux utilisateurs de la sécurité intérieure (CNAU-SI) composé de deux entités similaires : le CNAU-GN et le CNAU-PN. Selon les informations transmises par le Gouvernement, « la mutualisation des procédures, des technologies et des socles organisationnels se fait dans le respect des deux cultures et processus métiers ».

La mutualisation des achats des deux forces est une étape essentielle de leur rapprochement. C’est un domaine dans lequel des économies substantielles peuvent être réalisées. Ces achats en communs devraient connaître un nouvel essor avec la mise en place, cette année, d’un service central d’achat.

Le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) a été créé le 1er janvier 2014, dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Il résulte de la fusion, au sein d’un seul et même service, de structures appartenant précédemment à la DGGN, à la DGPN et à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).

En charge de manière mutualisée des achats, de l’équipement et de la logistique pour ces trois directions générales, cette nouvelle structure est placée sous l’autorité conjointe des trois directeurs généraux. Le SAELSI organise et met en œuvre la commande publique pour l’ensemble de la mission « Sécurités ». Il assure notamment la passation des marchés publics dans ce périmètre.

Le SAELSI assure le recueil des besoins, la conception, l’achat et la mise à disposition des équipements et moyens techniques nécessaires à l’accomplissement des missions des services et unités de la direction générale de la police nationale, de la direction générale de la gendarmerie nationale et de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

Sous l’autorité de chaque directeur général :

—  il anime la politique de maintenance des équipements ;

—  il veille à la cohérence d’ensemble de la politique des achats, des équipements et de la logistique mise en œuvre au sein de la mission sécurité ;

—  il propose toute mesure de mutualisation et de rationalisation.

Sur le plan budgétaire, le SAELSI est rattaché au programme « Gendarmerie nationale » et près de 250 ETPT sont transférés depuis le programme « Police nationale ».

De manière générique, l’ensemble des procédures de marché sont aujourd’hui conduites en commun par le SAELSI au profit des deux forces. Le mandat du SAELSI est précisément de construire le marché afin qu’il puisse être commun pour les deux forces. La Sécurité civile y est associée chaque fois que la nature de l’équipement s’y prête.

Parmi les premiers dossiers traités depuis début 2014 en matière de mutualisation des achats, on peut relever :

—  le nouveau marché portant sur le « matériel de franchissement », qui est effectif depuis le 1er juillet 2014. Commun à la gendarmerie et à la police nationales, il permet en moyenne de réduire les coûts des équipements de 20 %. Ce marché permet de normaliser les équipements tout en offrant les meilleures garanties de sécurité pour les agents, de répondre aux besoins en matière d’intervention et de secours en montagne, tout en simplifiant le processus de commandes ;

— un projet commun d’acquisition d’une nouvelle tenue d’intervention du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, d’une part, et de l’unité « recherche, assistance, intervention, dissuasion » (RAID) et des forces d’intervention de la police nationale, d’autre part. Le SAELSI pilote la passation du marché et la commande ;

—  le nouveau marché des kits ADN buccaux, qui permet d’obtenir un coût unitaire de 5 euros HT, au lieu de 7,09 euros HT, soit une baisse du coût unitaire de 30 %.

À l’échelle du ministère, l’activité du SAELSI s’insère dans le cadre fixé par le responsable ministériel des achats. Au plan local, les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) mettent en œuvre les marchés d’achats sous l’autorité du SAELSI.

Au 1er août 2014, 68 supports juridiques mutualisés sont gérés par le SAELSI, contre 54 procédures d’achats mutualisées au 1er août 2013. D’ici le début de l’année 2015, 26 procédures mutualisées supplémentaires devraient voir le jour. Il s’agit :

—  dans le domaine de la mobilité : des valises tactiques pour équiper les véhicules de location de moyens radios, des casques motos, la fourniture de pièces détachées moto, ou encore de protections vitrées pour les véhicules.

—  dans le domaine de la protection des personnels et de l’habillement : les caméras-piétons, les tenues des forces d’intervention, ou encore les équipements pare-coups ;

—  dans le domaine de l’armement et des munitions : des étuis pour les armes de service, des munitions de défense à courte portée, des pistolets semi-automatiques de calibre 9x19 mm, ou encore des dispositifs lacrymogènes de grande capacité.

—  dans le domaine des équipements spécifiques : des équipements et des consommables de police technique et scientifique, un marché en matière de cybercriminalité, des détecteurs de métaux, la location d’éthylotests électroniques, la vérification des cinémomètres, des prestations de fret aérien, maritime et routier, un système de détection de victimes d’avalanche avec brancard pour hélitreuillage.

Une commande récente de 1 300 pistolets à impulsion électrique commune aux deux forces a généré une économie unitaire de 300 euros, soit une économie de 390 000 euros, permise par la massification des volumes commandés ayant permis d’atteindre la masse critique nécessaire.

Outre la question des achats, la gestion optimisée des stocks représente également une piste substantielle d’économies qui mériterait d’être creusée. En effet, les trente équipements majeurs (armes, munitions, effets de protection de l’homme, matériels de dépistage, de sécurité routière, etc.) constituent l’essentiel des achats de la police et de la gendarmerie (à l’exception des véhicules et de l’habillement). Une meilleure gestion des stocks existants et du rythme d’utilisation des équipements, commune aux deux forces, doit permettre d’effectuer les achats au meilleur moment et au meilleur prix possible.

Plusieurs fonctions logistiques font d’ores et déjà l’objet d’une mutualisation.

L’atelier de reconditionnement des gilets pare-balles de la police et de la gendarmerie est commun aux deux forces depuis 2009 ; il se trouve au Blanc (Indre). En 2011, sa capacité technique a été étendue aux études de vieillissement. Cette nouvelle compétence permet d’affiner les normes de renouvellement et pourrait susciter, à terme, des économies substantielles.

Étape supplémentaire, dans le cadre de la création du SAELSI, l’ensemble des stocks de gilets pare-balles des deux forces a été regroupé depuis le 1er juillet 2014 sur le site du Blanc, au Centre national de soutien logistique de la gendarmerie nationale, entité dépendant du SAELSI. Cette centralisation permet une meilleure gestion des stocks et une plus grande rapidité dans les livraisons, en relation avec les SGAMI, chargés d’effectuer les commandes.

L’atelier central automobile de l’établissement central logistique de la police nationale de Limoges (Haute-Vienne) réalise pour la gendarmerie les véhicules spéciaux de ses techniciens en investigations criminelles, des véhicules pour équipes cynophiles et les dispositifs de « retenue autonome du public » destinés aux unités de maintien de l’ordre. La mutualisation se développe en 2014 avec l’aménagement d’engins spéciaux pour la gendarmerie nationale et s’amplifiera à partir de 2015 avec la réalisation, sur un cahier des charges similaires, de véhicules destinés aux forces mobiles (pour les CRS et les gendarmes mobiles), dont le véhicule de commandement est développé sur une base technique commune.

Le service de diffusion de la gendarmerie, implanté à Limoges travaille régulièrement depuis 2006 au profit de la police nationale (impression de documents, supports pédagogiques, etc.). Il est également sollicité par le secrétariat général du ministère de l’Intérieur pour des travaux d’impression. Le service de diffusion est d’ailleurs devenu le pôle majeur de l’impression au sein du ministère, permettant d’envisager la réalisation d’économies d’échelle encore plus significatives. La police y a affecté un fonctionnaire afin de contribuer aux charges administratives générées par ses commandes. Le service de diffusion de la gendarmerie participe aux opérations de préparation des élections professionnelles de la fin de l’année 2014.

Depuis 2008, un protocole police-gendarmerie fixe l’utilisation réciproque des stands de tir par les deux forces pour la formation et l’entraînement des personnels. Les militaires de la gendarmerie sont autorisés à tirer dans les installations domaniales ou privées utilisées par la police nationale. Une cartographie des stands affiliés à la fédération française de tir est disponible sur le site du SAELSI.

Conformément à une circulaire conjointe du secrétariat général du ministère et des deux directions générales de la police et de la gendarmerie nationales du 30 avril 2014, la direction de l’immobilier de chaque SGAMI a la responsabilité des agréments et homologations des infrastructures de tir. Dans ce cadre, une commission zonale va être créée pour traiter les dossiers d’homologation des stands domaniaux et d’agrément des stands de la fédération française de tir utilisés par les deux forces. Ce domaine fait partie des programmes zonaux de mutualisation que les préfets de zone peuvent proposer.

Depuis janvier 2009, le centre technique de l’armement (CTA) de l’établissement central logistique de la police nationale de Limoges a pour mission d’assurer le soutien des armes de la police nationale. Une centaine de pistolets est ainsi reconditionnée chaque semaine. La gendarmerie nationale s’appuie sur le CTA pour regrouper au niveau national la maintenance lourde de ses propres armes, qu’elles soient destinées aux missions de police ou spécifiquement militaires. Le protocole organisant le soutien de l’armement de la gendarmerie par le CTA a été signé le 14 décembre 2010. La gendarmerie a mis en place quatre armuriers au CTA afin d’effectuer la maintenance de ses armes. Réciproquement, depuis septembre 2011, cinq armuriers de la police nationale ont été formés à l’atelier de formation des armuriers de la gendarmerie à Rochefort. L’objectif est de créer une filière cohérente de soutien de l’armement pour les deux forces, en s’appuyant sur les installations techniques du CTA.

Cette filière aura également en charge la formation des personnels en partenariat avec l’atelier de formation de Rochefort. Désormais, les armuriers-pyrotechniciens de la gendarmerie voient leurs activités prioritairement orientées vers les munitions et les études de sécurité pyrotechnique. Les réparations des armes nécessitant des opérations de premier niveau (dépannage, inspection sur place) ou de deuxième niveau (réparations simples ou rapides) demeurent de leur compétence. À terme, celles nécessitant un équipement technique spécifique seront réalisées au sein du CTA.

Le service central des munitions, créé par la gendarmerie, a pour fonction d’englober la totalité de sa filière munition : approvisionnement, stockage, distribution, vérification, élimination des obsolètes et déchets de tir. Cette fonction sera, dans le cadre du SAELSI, mutualisée avec la police nationale en 2015.

Depuis septembre 2010, les laboratoires et départements de balistique, chimie, matériaux et textile de la gendarmerie et de la police sont désormais regroupés sur un même site, au Chesnay (Yvelines) au sein d’une structure commune. Cette unité, rattachée au SAELSI, comprend 14 fonctionnaires de la police et 4 personnels de la gendarmerie (dont l’adjoint du chef du centre). Elle a vocation à devenir le bureau d’études techniques du SAELSI.

Le centre de formation technique et de documentation (CFTD) de l’établissement central logistique de la police nationale a assuré la formation continue de 66 mécaniciens de la gendarmerie en 2009. Depuis lors, cette mutualisation est en forte progression avec 42 gendarmes formés en 2010, 112 personnels en 2011, 320 en 2012 et 437 personnels en 2013.

Enfin, une maîtrise d’œuvre commune du système de lecture automatisé des plaques d’immatriculation (LAPI) existe depuis le premier déploiement au ST(SI)². Les deux forces sont dotées 669 matériels (dont 20 fixes).

Pour contrôler et valider l’emploi des équipements et des matériels de leurs services opérationnels, la police et la gendarmerie nationales ont mis en place un centre mutualisé de recherche, d’expertise et d’appui logistique (CREAL). Ce centre est une structure d’experts scientifiques, commune aux deux forces, qui contribue au développement des matériels utilisés au quotidien par les unités opérationnelles. Il participe également au processus d’achat en définissant les spécificités techniques des matériels faisant l’objet de marchés publics portés par les sous-directions de l’équipement et de la logistique de la police et de la gendarmerie. Ainsi, par exemple, pour le marché à venir des gilets pare-balles, le CREAL a accompagné le bureau de l’armement et des matériels techniques dans la rédaction du cahier des charges et effectuera la campagne d’essai dans le cadre de la sélection des matériels proposés.

Dans le domaine de la recherche, le centre entretient également des partenariats internationaux avec les services spécialisés des polices européennes (Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Finlande, Italie, Pays-Bas, Norvège).

La mutualisation locale du soutien logistique prend la forme, pour l’essentiel, de la mutualisation de l’entretien des véhicules (même si d’autres chantiers ont été engagés).

Un accord-cadre national prévoit un programme d’actions à conduire entre 2009 et 2015 pour mutualiser l’entretien des véhicules de police et de gendarmerie. Il fixait les règles générales relatives aux opérations de mutualisation entre les deux forces, notamment dans les domaines techniques, financier et humain, dans la perspective de parvenir in fine à une logique d’atelier de proximité, quelle que soit la force nécessitant une prestation d’entretien. La police nationale disposait, en 2008, d’un réseau de 56 ateliers, réduit à 46 en 2014 ; la gendarmerie a réduit son réseau de 250 ateliers en 2008 à 104 en 2014. Là où les deux forces disposent d’ateliers distincts, l’une des deux structures doit être fermée et sa charge transférée vers l’atelier le mieux adapté. Dans les autres, cas, l’accès aux ateliers de l’autre force est ouvert, en vue d’améliorer la couverture géographique et de limiter ainsi les déplacements des unités pour accéder à un site de maintenance.

Les plans zonaux de mutualisation des ateliers de soutien automobile ont été validés en juillet 2010. Sur 106 projets validés, 73 auront été finalisés d’ici à la fin 2014 et 33 autres opérations sont programmées jusqu’en 2016.

En 2016, 21,7 % du parc de la police nationale devraient être entretenus par la gendarmerie nationale, la police de son côté assurant à la même échéance le soutien de 15,4 % du parc de la gendarmerie.

Interrogées sur ce point par votre rapporteur pour avis, les deux directions générales de la police et de la gendarmerie nationales estiment que ces taux correspondent « au besoin réel de chacune des deux forces et permettent de remplir les missions opérationnelles grâce à un réseau de maintenance optimisé ». Elles estiment donc qu’il n’est pas utile de faire progresser de nouveau ces taux
– ce qui ne relèverait pas d’un intérêt opérationnel avéré – puisqu’un atelier mutualisé sera présent dans chaque département – accessible à l’une ou l’autre des forces de sécurité.

Les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) ont été mis en place le 1er mai 2014, en application d’un décret du 6 mars 2014 (3). Ces structures, qui ont vocation à être les plateformes de soutien de l’ensemble du ministère de l’Intérieur (police, gendarmerie, sécurité civile et préfectures) sont dans une phase de montée en puissance.

C’est la direction générale de la police nationale qui assure la coordination du dispositif ; le programme 176 « Police nationale » en est le support. Ce programme recevra donc, en 2015, 624 ETPT en provenance du programme 216 « conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » et 279 ETPT pour le programme 152 « Gendarmerie nationale ».

Ces nouveaux outils, mis en place au siège des six zones de défense et de sécurité et qui se substituent notamment aux secrétariats généraux pour l’administration de la police, ont pour objet de permettre :

– la mutualisation des plateformes de paiement Chorus de la police et de la gendarmerie nationales ;

– la rationalisation des achats, sous l’égide du SAELSI ;

– la mutualisation des chaînes logistiques et des ateliers techniques ;

– la mutualisation de la gestion des ressources humaines autour des « pôles d’excellence et de service » ;

– la rationalisation des systèmes d’information et de communication sous le pilotage de l’administration centrale ;

– l’optimisation de la gestion immobilière, pour améliorer l’entretien des bâtiments.

Plus précisément, la circulaire du 30 avril 2014 permet aux préfets de demander au SGAMI d’être compétent pour la « préparation des budgets des services de police » et pour le « suivi de l’exécution des budgets ». De même, les généraux commandant la gendarmerie dans les zones de défense peuvent faire une même demande. Votre rapporteur pour avis s’est donc interrogé sur la mise en œuvre de ces compétences « optionnelles ».

Dans la police nationale, les préfets de zone étaient déjà responsables de budgets opérationnels de programme (BOP), les SGAP étant l’administration gestionnaire de ces BOP zonaux. Aucun changement n’a donc été opéré dans la police nationale, même si des réflexions sont en cours pour mieux responsabiliser les responsables zonaux en leur déléguant la totalité des crédits zonaux (comme les réparations automobiles) ;

Dans la gendarmerie nationale, le préfet de zone devient le responsable du BOP à la place du commandant de région. Le préfet de zone conserve la possibilité de déléguer cette fonction au commandant zonal de gendarmerie, mais l’administration gestionnaire de ce BOP devient le SGAMI.

Selon les termes mêmes utilisés par le ministère de l’Intérieur, les SGAMI permettent de converger, au niveau des BOP des deux programmes, vers une préparation et une exécution du budget « co-localisées ».

Si cette réforme doit améliorer la gestion déconcentrée des services du ministère de l’Intérieur, elle peut avoir, ponctuellement et à court terme des effets négatifs. C’est ainsi que la gendarmerie, qui n’a payé que 700 euros d’intérêts moratoires au titre des factures qu’elle a acquittées en 2013, devrait débourser plusieurs centaines de milliers d’euros d’intérêts moratoires en 2014, en raison de retards de paiement occasionnés par la mise en place de la gestion par les SGAMI.

Les effets positifs de la mise en place des SGAMI doivent pouvoir effacer ces dysfonctionnements liés à la période de transition vers le nouveau système. Certains interlocuteurs de votre rapporteur pour avis ont cependant déploré l’absence d’étude d’impact préalable à cette réforme d’ampleur.

Plusieurs mutualisations devraient voir le jour très prochainement. Dans le domaine des structures logistiques, une étude est actuellement conduite par les centres des établissements logistiques de la police (Limoges) et de la gendarmerie (Le Blanc) pour dégager les synergies autour d’un pôle d’aménagement et de maintenance des équipements et d’un pôle de soutien logistique pour les forces, qui s’inscrira en cohérence avec les plans de mutualisation élaborés par les préfets de zone.

En matière de marchés publics, le SAELSI prépare le renouvellement du marché passé avec l’union des groupements d’achat public (UGAP) pour les véhicules sérigraphiés et banalisés de l’ensemble du ministère, qui arrivera à expiration à l’été 2015. Des exemples de véhicules inadaptés aux besoins des forces de l’ordre ont été portés à connaissance de votre rapporteur pour avis (par exemple des coffres trop petits pour recevoir le matériel de protection des fonctionnaires des brigades anti-criminalité) ; il souhaite donc que le prochain marché corrige cette situation.

Par ailleurs, une étude est engagée afin de définir les modalités d’un accord-cadre commun visant à l’acquisition de pièces détachées destinées à la maintenance du parc automobile de deux forces. Les résultats de cette étude seront connus à la fin de l’année 2014.

Plus précisément, votre rapporteur pour avis a identifié deux domaines où l’effort de mutualisation doit être renforcé : l’informatique et la formation.

La police et gendarmerie ont, à partir des fichiers judiciaires existants, développé une politique de mutualisation des accès.

Ainsi, sans attendre la création de la base commune TAJ (Traitement des antécédents judiciaires), des accès réciproques ont été ouverts à l’échelle des principaux centres de renseignements judiciaires des deux forces. La base TAJ étant déployée et opérationnelle depuis avril 2013, la totalité des unités de gendarmerie et police ont accès, de facto, à l’ensemble des données issues des bases de la gendarmerie et de la police, ces deux fichiers étant mutualisés dans TAJ.

L’alimentation du fichier est assurée automatiquement par le logiciel de rédaction de procédure mis en place dans les deux forces. Toute erreur de re-saisie et les pertes de temps associées sont ainsi évitées. La mise à jour des données sera facilitée par la création d’un lien descendant avec le système d’information du ministère de la Justice (CASSIOPEE). Ce flux retour de CASSIOPEE vers TAJ est en phase de vérification. Les tests en site pilote – le tribunal de grande instance de Grenoble – ont commencé en octobre 2014.

Le ST(SI)² a achevé en avril 2013 une étape importante de la modernisation du système de contrôle d’accès aux bases de données de la police nationale (CHEOPS NG) qui partage désormais la même base technique que la gendarmerie nationale et offre d’importantes évolutions fonctionnelles comme l’authentification par carte à puce. Actuellement, une nouvelle étape de la modernisation est en cours : elle consiste à refondre les modalités d’attribution aux utilisateurs de la police de leurs droits d’accès aux applications. Visant à plus d’automatisation, la nouvelle gestion permettra un recentrage des administrateurs locaux sur le soutien informatique, une meilleure réactivité opérationnelle et une conformité plus aisée et plus visible aux contraintes législatives et réglementaires.

—  Les fichiers les plus anciens sont gérés à partir de plates-formes distinctes.

Pour les fichiers de recherches, tels que le fichier des personnes recherchées et le fichier des véhicules volés, la gendarmerie nationale dispose d’une copie de la base police. Pour le fichier automatisé des empreintes digitales, il existe trois plates-formes d’alimentation et de consultation : deux au sein de la police nationale, à la sous-direction de la police technique et scientifique à Écully (Rhône) et à la préfecture de police de Paris et une au sein du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, au service technique de recherches judiciaires et de documentation.

Les travaux visant à l’élaboration d’un nouveau marché ont débuté en 2012. Ce marché a été notifié le 23 juillet 2013 pour une durée maximum de 7 ans avec date d’effet au 1er août 2013. Des négociations commerciales ont permis une amélioration significative de l’équilibre économique précédant, en induisant une réduction du coût d’environ 40 %.

—  Une mutualisation intégrée dès l’origine pour la refonte du système d’information judiciaire

En coordination avec le ministère de la Justice, les forces de sécurité ont engagé une rénovation d’envergure de leurs fichiers judiciaires. Le dispositif final constituera un véritable système d’information, où la mise à jour automatisée des applications permettra de disposer de bases de données plus fiables. Ces nouvelles bases de données font l’objet d’un développement commun de la part de la gendarmerie et de la police nationales.

La base de données TAJ (4), opérationnelle depuis avril 2013, constitue un outil moderne d’aide à l’enquête utilisant des technologies innovantes (analyse textuelle, reconnaissance faciale, etc.) et permet un suivi des phénomènes de délinquance dans une perspective opérationnelle. L’exploitation technique de ce système est assurée par la gendarmerie au sein d’une plate-forme unique installée à Rosny-sous-Bois et son administration fonctionnelle s’effectue sous l’autorité conjointe des directions générales des deux forces de sécurité, au moyen d’une unité composée de policiers et de gendarmes implantée à Écully ;

La refonte du fichier des personnes recherchées a été lancée en 2014 dans une logique de mutualisation. L’objectif initial consiste à mettre en place, en 2016, un système unique sur un environnement technique rénové permettant la prise en compte de l’ensemble des règles de droit et des obligations européennes dans le domaine des personnes recherchées.

Le dispositif de « pré-plainte en ligne » sur internet (5) a été réalisé conjointement par la police et la gendarmerie à partir d’un système de traitement de données unique. Il permet à toute personne victime d’atteintes aux biens contre auteur inconnu de déclarer les faits sur le site internet dédié avant de signer sa plainte à la brigade de gendarmerie ou au commissariat de police de son choix. Les éléments recueillis permettent de faciliter le dépôt formel de la plainte. Le déploiement généralisé a été finalisé en mars 2013. Il a été accompagné d’une campagne de communication dynamique tant au plan national que local. Les policiers et gendarmes ont pu se former individuellement par le biais d’un module dédié mis en ligne sur les intranets et des fiches techniques. Le soutien est assuré par le centre national d’assistance aux utilisateurs, commun à la police et à la gendarmerie.

Ce dispositif contribue à l’amélioration des conditions d’accueil du public en réduisant les délais d’attente auxquels sont confrontées les victimes tout en réduisant le temps nécessaire à l’enregistrement de la plainte par les personnels de police ou de gendarmerie.

Les chiffres du premier semestre 2014 semblent montrer l’intérêt de ce dispositif. Le nombre de pré-plaintes déposées atteint 105 758 pour la police nationale et 12 246 pour la gendarmerie nationale, soit une progression de, respectivement, 49 % et 16 % par rapport à la même période en 2013.

Si des mutualisations ont permis des améliorations en matière informatique, l’attention de votre rapporteur pour avis a été attirée sur les différences qui demeurent dans la gestion des procédures par les deux forces de sécurité.

En effet, les logiciels de rédaction des procédures ont été récemment modernisés dans la police et la gendarmerie nationales.

Un premier décret du 27 janvier 2011 (6) a mis en place un logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN), tandis qu’un second décret (7) du même jour instaurait un logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale (LRPGN).

Les finalités du LRPPN sont :

—  de permettre aux services de police d’assurer la clarté et l’homogénéité de la rédaction des procédures judiciaires et administratives qu’ils ont compétence pour mettre en œuvre en vertu des lois et règlements ;

—  d’en réaliser l’archivage ;

—  de permettre la collecte des informations issues de ces procédures, en vue de leur diffusion et de leur exploitation ;

—  de permettre, en vue de leur alimentation, la mise en relation avec des traitements de données relatives aux procédures judiciaires.

Les finalités du LRPGN sont plus concises puisque l’article 1er du décret qui l’institue prévoit qu’il doit « permettre aux unités de gendarmerie, dans l’exercice de leurs missions de police judiciaire et de police administrative, d’assurer la clarté et l’homogénéité de la rédaction des procédures judiciaires et administratives » ainsi que la transmission d’informations qui en sont issues vers le système judiciaire d’exploitation.

Les objectifs assignés aux deux systèmes ne sont pas exactement les mêmes. Surtout, de l’avis unanime des personnes entendues par votre rapporteur, le LRPPN semble beaucoup plus lourd à utiliser par les policiers que le LRPGN par les gendarmes.

La version 3 du LRPPN est déployée et des améliorations sont attendues pour le printemps 2015, notamment pour que certaines informations saisies dans le cadre d’une pré-plainte en ligne soient intégrées pleinement dans le système.

Une convergence des deux systèmes – la police et la gendarmerie nationales appliquent le même code de procédure pénale – paraît logique, source de simplification pour les utilisateurs et d’économies pour l’État.

La formation est apparue, au cours des auditions, comme un domaine particulièrement sensible en matière de mutualisation. Des réticences ont ainsi pu être exprimées quant à l’hypothèse d’unification des processus de formation, au motif qu’il convenait de respecter l’identité de chacune des deux forces.

Selon les termes des réponses fournies par le Gouvernement à votre rapporteur pour avis, les formations initiales des policiers et des gendarmes, « creusets de l’identité de chaque force », n’ont « pas vocation à être mutualisées ».

Il apparaît que des enseignements spécifiques y sont dispensés, et, s’agissant de la gendarmerie, l’acquisition des savoir-être et de savoir-faire relevant du domaine strictement militaire s’opère sur la totalité du spectre des périodes de formations initiales.

Cependant, dans un souci de connaissance des deux institutions, des échanges croisés sont déjà mis en place :

—  un stage de découverte, d’une durée de deux jours, a été mis en place pour les élèves-gendarmes et les élèves-gardiens de la paix. Ce stage se réalise en tenue et avec arme dans les unités opérationnelles ;

—  les commissaires stagiaires sont accueillis durant une semaine au sein de groupements de gendarmerie départementale et, réciproquement, les officiers élèves de gendarmerie sont accueillis dans des commissariats de police dans la dernière phase de leur formation.

Votre rapporteur pour avis estime que des efforts supplémentaires d’échanges réciproques doivent être engagés en matière de formation initiale.

La formation continue est un domaine dans lequel des efforts de mutualisation ont été entrepris. En matière de formation continue, des progrès notables semblent se dessiner. Dans le « bilan social pour l’année 2013 », la gendarmerie nationale souligne les axes de mutualisation de formation qui pourraient se développer. Allant de la réalisation d’outils pédagogiques communs jusqu’à des formations communes, ces mutualisations effectives bénéficient déjà à de nombreuses spécialités au sein des deux forces.

—  Des mutualisations en matière pédagogiques

Des supports pédagogiques communs ont été élaborés, par exemple sur la réglementation applicable en matière de vidéoprotection. La mise en place d’outils informatiques communs aux deux forces a, logiquement, conduit à la mise en place de formations communes. Elles ont ainsi conçu ensemble une formation à distance pour l’application FOVeS (fichier des objets et véhicules signalés). Des engagements d’échange de modules d’enseignement à distance entre les deux directions générales ont également été pris pour la fin de l’année 2014. De même, une commission commune pour l’examen technique d’officier de police judiciaire a été constituée.

En matière de police judiciaire, les deux forces appliquant le même code de procédure pénale, des échanges d’intervenants sont réalisés dans le cadre de séminaires organisés par la police ou de stages du centre national de formation à la police judiciaire de la gendarmerie à Fontainebleau. Ces échanges concernent des domaines variés : délinquance économique et financière, lutte contre les dérives sectaires, coopération policière, etc. Les interventions sont soit généralistes dans le cadre de la découverte des deux institutions, soit spécialisées pour des stages plus ciblés comme, par exemple, pour la formation des personnels civils et militaires affectés dans les groupes d’intervention régionaux (GIR).

Des formations sont organisées de manière commune dans un cadre géographique : c’est en particulier le cas des formations d’instructeurs en secourisme, ou encore des formations linguistiques, pour lesquelles les stagiaires sont répartis selon leur région d’affectation auprès d’un centre de la gendarmerie ou de la police.

Par ailleurs, des formations spécifiques ont été élaborées au profit des deux forces. C’est ainsi que la direction centrale de la police aux frontières forme depuis 2008 des militaires de gendarmerie à la qualification d’« enquêteurs immigration irrégulière ». De même, dans le cadre de la mise en place de missions civilo-militaires à l’étranger, le centre national de formation aux langues et à l’international de la gendarmerie accueille des policiers.

—  Des formations communes peu nombreuses

Une formation commune de référent-sûreté, impliquant un encadrement et des formateurs issus des deux forces de sécurité, a été créée et initialement dispensée dans les locaux du centre national d’études et de formation (CNEF) de la police nationale à Gif-sur-Yvette, déplacée depuis 2014 dans ceux de l’école nationale de police de Oissel. Des cadres de la gendarmerie participent systématiquement aux sessions. Des personnels du service technique des systèmes d’information de la sécurité intérieure ST(SI)² ainsi qu’un officier expert de l’institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN) interviennent sur le thème de l’exploitation judiciaire de la vidéoprotection ; un officier de gendarmerie dispense les cours relatifs à l’intelligence économique.

La formation des personnels des deux forces, en charge de la sensibilisation anti-drogues (formateurs-relais anti-drogues – FRAD – dans la gendarmerie, policiers formateurs anti-drogues – PFAD – dans la police) suit également un processus d’harmonisation. Des gendarmes ont reçu une formation PFAD au sein de l’institut national de formation de la police nationale (INFPN) de Clermont-Ferrand, et un séminaire regroupant des FRAD et des PFAD, sous l’égide de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, est organisé à l’automne 2014.

Par ailleurs, à ces réalisations nationales, s’ajoutent des initiatives locales : les délégations régionales au recrutement et à la formation de la police nationale ouvrent de nombreux stages aux militaires de la gendarmerie nationale.

—  Des efforts qui pourraient être accentués

Au cours des auditions qu’il a conduites, votre rapporteur pour avis a pu identifier des domaines dans lesquels les deux forces de sécurité intérieure pourraient utilement développer des formations communes :

—  en matière de cynotechnie : les maîtres-chiens des deux forces sont confrontés à des problématiques similaires. Une étude est par ailleurs en cours sur la possibilité de former des chiens d’avalanche dans un centre dépendant de la police à Chamonix (Haute-Savoie). Le centre de la gendarmerie de Gramat (Lot) formerait les chiens de la police à la recherche et la détection des explosifs, armes et munitions ;

—  en matière de plongée : là aussi, les techniques déployées en matière de plongée sont identiques. Le Centre national d’instruction nautique de la gendarmerie d’Antibes (Alpes-Maritimes) pourrait accueillir les plongeurs de la Préfecture de police de Paris dès 2015, en proposant des stages répondant à leurs besoins spécifiques ;

—  en matière de haute montagne : les effectifs de police ou les gendarmes déployés dans ce milieu pourraient utilement bénéficier de formations communes. À cet égard, il convient de souligner que des formations techniques sont en cours d’harmonisation : le centre national d’instruction de ski et d’alpinisme de la gendarmerie (CNISAG) et le centre national d’entraînement à l’alpinisme et au ski de la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité ont ainsi rédigé un référentiel commun pour le secours en montagne ;

—  en matière de formation motocycliste. Sur ce point, votre rapporteur pour avis constate que centre national de formation des motocyclistes (CNFM) de la police nationale et le centre national de formation à la sécurité routière (CNFSR) de la gendarmerie sont installés, respectivement, à Fontainebleau-Avon et à Sens, sont distants de moins de 60 kilomètres. En outre, votre rapporteur pour avis relève qu’un référentiel commun des fonctions de motocycliste a été réalisé, permettant ainsi d’envisager une mutualisation de la formation en cette matière.

Si les mutualisations en matière logistiques peuvent encore être améliorées, de gros progrès pourraient être réalisés en matière de coopération opérationnelle de la police et de la gendarmerie nationale.

Comme votre rapporteur pour avis a pu l’entendre, il convient de se demander si l’on a pas « mutualisé a minima par souci d’équilibre » entre les deux forces. Il semble que des projets soient ralentis par la question : « qui va commander ? ». Des efforts supplémentaires, en matière de mutualisation opérationnelle doivent aujourd’hui être réalisés.

Si les groupes d’intervention régionale semblent être un bon exemple de la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie nationales, la mutualisation opérationnelle apparaît, par ailleurs, très limitée.

Les groupes d’intervention régionaux (GIR) ont été institués par la circulaire interministérielle du 22 mai 2002 (8). Il s’agit de structures permanentes, capables de mobiliser et de coordonner l’action de tous les services de l’État. En faisant travailler côte à côte policiers et gendarmes, il s’agit d’illustrer la nouveauté que constitue le rassemblement de ces deux forces sous la seule responsabilité opérationnelle du ministre de l’Intérieur. La création des GIR répond en outre à l’ambition de faire participer les autres administrations de l’État, au premier rang desquelles les douanes ou l’administration fiscale, mais aussi l’inspection du travail ou la répression des fraudes.

L’intervention du GIR dans chaque département est décidée conjointement par le préfet et le procureur de la République, à partir d’un « diagnostic commun ». La circulaire prévoit qu’en cas de requêtes multiples, le concours du GIR sera attribué sur décision conjointe du préfet de région et du procureur général près la cour d’appel, assistés du directeur du service régional de police judiciaire, du commandant de la section de recherches de la gendarmerie nationale et du chef du GIR.

Aujourd’hui, le dispositif comprend 37 GIR (et 3 antennes locales). Parmi ceux-ci, 22 sont dirigés par la police nationale et 15 à la gendarmerie nationale. Alors qu’en 2002 les GIR disposaient de 268 personnels dédiés dans leurs unités d’organisation et de contrôle et de 1 400 personnels « ressources » pouvant être mobilisés ponctuellement, ils ont aujourd’hui un effectif théorique de 457 personnels (9) et de 2 100 personnels « ressources ».

Depuis le 1er septembre 2008, une coordination nationale des GIR dirigée pour des périodes alternatives de trois ans par un commissaire de police et un officier supérieur de la gendarmerie assure la coordination d’ensemble des GIR.

Les GIR ont permis la saisine de plus de 80,4 millions d’euros au cours du 1er semestre 2014 (contre 83 millions d’euros au cours du 1er semestre 2013, qui avait été particulièrement favorable). Sur la même période, les 37 GIR ont participé à 635 opérations qui ont permis de mettre en cause 3 070 personnes. Au total, 2 184 procédures pénales, douanières ou administratives (10) ont été ouvertes grâce à l’action des GIR. Au total, 101 opérations en zone de sécurité prioritaire ont été réalisées, permettant de saisir pour 9 millions d’euros d’avoirs criminels.

Il apparaît donc que les GIR permettent de faire travailler efficacement ensemble policiers et gendarmes. Cette impression favorable a été confirmée à plusieurs reprises au cours des auditions.

Face à des problématiques de sécurité souvent communes, il est indispensable d’améliorer la coordination entre la police et la gendarmerie nationales aux limites des zones de compétence des agglomérations et des territoires. C’est l’objet de la coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT), qui répond à cet objectif en permettant aux responsables territoriaux de développer sur des zones contiguës des opérations coordonnées. Déclinaison de l’analyse opérationnelle de la délinquance, des directives gouvernementales et des orientations de l’autorité préfectorale, la CORAT est mise en œuvre au niveau départemental.

Ses modalités ont été fixées par une circulaire du ministre de l’Intérieur du 10 juin 2011.

La coordination opérationnelle répond aux objectifs suivants :

—  améliorer la coordination opérationnelle dans une logique de continuité territoriale ;

—  identifier et combattre des phénomènes de délinquance communs. Dans ce cadre, les actions conduites par exemple par les cellules anti-cambriolage (CAC) suscitent des progrès indéniables ;

—  réagir à une situation urgente et exceptionnelle (violences urbaines majeures, manifestations ou rassemblements spontanés présentant des risques avérés de troubles à l’ordre public, etc.). Ces situations nécessitent une mobilisation importante et rapide des forces de sécurité. Lorsque le directeur départemental de la sécurité publique – en zone police – ou le commandant de groupement – en zone gendarmerie – ne peut faire face à un événement avec ses ressources propres, une assistance mutuelle immédiate peut permettre de rétablir la situation et de ramener le calme. Cela nécessite de définir, par anticipation, les modalités d’assistance réciproque afin que les situations d’urgence puissent être abordées avec méthode et efficacité ;

—  optimiser l’emploi de services spécialisés ou de capacités spécifiques (compétence cynophile, par exemple) ;

—  respecter l’organisation et l’emploi de chaque force.

Selon la doctrine du ministère de l’Intérieur, la mise en œuvre de la CORAT ne saurait se traduire par la modification des règles d’organisation et d’emploi de chaque force. C’est pourquoi, afin de garantir cet équilibre et de préserver la liberté d’action et l’initiative de chacun, il convient que la coordination renforcée n’entraîne ni subordination, ni transfert de moyens et que, préalablement à tout renfort mutuel, chaque force déploie l’intégralité de ses propres moyens et capacités internes et anticipe les actions à venir.

Au vu des éléments exposés à votre rapporteur pour avis, il semble que la dynamique instaurée par la CORAT s’essouffle.

Il apparaît que des expérimentations en la matière sont particulièrement nécessaires, par exemple pour les salles de commandement où sont centralisés les appels téléphoniques, notamment la nuit. Une expérimentation pourrait être conduite en région Rhône-Alpes. Les personnes entendues par votre rapporteur pour avis ne se sont pas montrées hostiles à la mise en place de centres opérationnels communs :

—  certains imaginent que les centres opérationnels de la police et de la gendarmerie pourraient être « co-localisés » dans un lieu unique afin de permettre des échanges entre les deux responsables départementaux de la police et de la gendarmerie. Cette solution a le mérite de tenir compte du fait que le système de communication radio des deux forces n’est pas similaire ;

—  certains imaginent que les centres opérationnels de la police et de la gendarmerie pourraient totalement fusionner pour permettre de répondre le plus efficacement à un appel téléphonique faisant état d’un besoin en un point donné du département, en permettant d’y envoyer l’équipage le plus proche, mais hors de sa zone de compétence ;

—  d’autres, enfin, imaginent même un centre opérationnel commun aux deux forces de sécurité, intégrant aussi les pompiers et le SAMU. Il s’agirait alors de fournir la réponse la plus adaptée aux besoins exprimés à l’occasion d’un appel téléphonique : envoi de forces de police ou de secours à la personne ou bien des deux selon la nature de la situation et de manière coordonnée dès la connaissance de la situation.

Il semble raisonnable à votre rapporteur pour avis de s’en tenir, dans un premier temps, aux deux premiers types d’expérimentation envisagés.

En 2011, la mise en œuvre de la police d’agglomération a essentiellement consisté en un redéploiement autour de quelques grandes villes (Paris, Lille, Lyon, Marseille et Bordeaux), avec l’intégration en zone police de communes formant le prolongement naturel d’agglomérations importantes et, corrélativement, la reprise par la gendarmerie de circonscriptions de sécurité publique isolées.

L’objectif était triple :

– donner aux circonscriptions de sécurité publique de ces grandes villes des contours collant davantage à ceux des bassins de délinquance en vue d’une plus grande continuité ;

– créer des possibilités de concentrer ponctuellement à une plus grande échelle l’emploi d’unités placées au niveau local sous un commandement unique ;

– rechercher une cohésion territoriale en supprimant des circonscriptions de sécurité publique isolées en zone de gendarmerie nationale.

La mise en œuvre de la « police d’agglomération » s’est conclue, en 2011, par le transfert de onze communes de la zone gendarmerie vers la zone police et de sept circonscriptions de sécurité publique à la gendarmerie. En 2013, treize communes ont été transférées en zone police (11) dix communes en zone gendarmerie (12). Aucun transfert n’est prévu en 2014 ou 2015. Il a été indiqué à votre rapporteur pour avis que ces redéploiements ne présentaient pas que des avantages. Il est vrai qu’ils ont un coût immobilier (sous dimensionnement ou sur dimensionnement des bâtiments transférés) et social puisque des primes sont versées aux fonctionnaires et militaires. De même, votre rapporteur pour avis a bien noté l’hostilité de certaines organisations syndicales à la fermeture de nouveaux commissariats.

Pourtant, selon les conclusions de l’évaluation de l’expérience de trois années de police d’agglomération (2009-2012), les opérations de redéploiement ont permis à la gendarmerie et à la police nationales de renforcer leur action territoriale au sein de certaines zones. La logique de bassin de vie ou de délinquance permet ainsi de rendre plus pertinentes les notions d’action dans la profondeur des territoires et de contrôle des flux. Ces notions structurantes de la manœuvre des unités territoriales de la gendarmerie ou des services de police engagés dans la lutte contre la délinquance permettent notamment d’envisager d’autres opérations de redéploiement.

Votre rapporteur pour avis s’est interrogé sur la répartition des compétences entre la police nationale (dans les faits, fréquemment les compagnies républicaines de sécurité) et la gendarmerie nationale sur les axes autoroutiers. En effet, leurs compétences respectives sont définies tronçon par tronçon.

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la redéfinition des compétences entre la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de la police nationale et le groupement de gendarmerie dans le Haut-Rhin. Il s’agit, en l’espèce, d’harmoniser la compétence sur l’autoroute A36. Le projet de loi de finances concrétise la consolidation de la compétence de la gendarmerie sur cet axe en procédant au transfert d’un ETPT du programme « Police nationale » vers le programme « Gendarmerie nationale ».

Votre rapporteur pour avis estime que cet exemple – évidemment très limité – doit conduire à s’interroger sur la redéfinition des compétences entre les deux forces sur les grands axes autoroutiers. Une compétence globale, par axe, pour chacune des deux forces pourrait ainsi rationaliser l’implantation des forces et faciliter l’exercice de la mission des forces de l’ordre.

Outre les fonctions de soutien, les activités opérationnelles de la police nationale sont assurées par quatre directions centrales :

—  la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), qui assume à titre principal la mission d’assurer la sécurité des personnes, des biens et des institutions. Par son maillage territorial, elle est le principal outil de la police nationale dans la lutte contre la petite et moyenne délinquance. Elle est engagée en première ligne contre les violences urbaines et contre l’insécurité routière et constitue un instrument important de la prévention ;

—  la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) veille au respect des règles relatives à la circulation transfrontière. Elle anime et coordonne au plan national, par l’intermédiaire de l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre, la lutte contre la délinquance en ces domaines ;

—  la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) qui a pour mission de lutter contre la criminalité organisée, la grande délinquance et la drogue. Elle dispose également à cet effet d’offices centraux spécialisés.

—  la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) et ses 61 unités mobiles constituent la réserve de la police nationale. Outre les opérations de maintien de l’ordre, auxquelles elle concourt, en particulier avec la DCSP, elle participe à la sécurisation de la population dans les zones sensibles ainsi qu’à l’aide aux personnes (sécurité routière, en mer et en montagne).

Cette organisation est héritée de l’histoire de la police nationale, tout comme d’ailleurs l’existence d’une préfecture de police à Paris. Celle-ci, compétente pour les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, y assume les fonctions dévolues à la DGPN.

À plusieurs reprises au cours des auditions, les limites de l’organisation en « tuyaux d’orgues » de la police nationale ont été soulignées.

Entendu par la mission d’information de la commission des Lois sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire le 9 septembre 2014, le directeur général de la police nationale estimait qu’une mutualisation des différentes forces de la police nationale était nécessaire « avant de parler de mutualisation avec la gendarmerie, ou avec d’autres [services] du ministère ». Il s’était ainsi interrogé : « Est-ce que la police nationale, telle qu’elle a été organisée il y a des dizaines d’années, doit continuer à être organisée ainsi, tant au niveau central que territorial ? »

Il estimait qu’organisation plus intégrée de la police nationale pourrait être développée. Constatant les synergies opérées entre les différents services de la police nationale dans les zones de sécurité prioritaires, il a indiqué que pourraient « converger vers un même lieu un certain nombre de forces de l’ordre » : sécurité publique, police judiciaire, compagnies républicaines de sécurité et police aux frontières.

Outre la convergence des différentes directions de la police nationale, des réorganisations internes à chacune d’elles sont possibles.

La direction centrale de la sécurité publique a déjà fortement rationalisé son organisation en regroupant les circonscriptions de sécurité publiques en districts, notamment. Des coordinations zonales permettent également de concentrer l’action des services de sécurité publique dans certaines zones.

La direction centrale de la police aux frontières a récemment adapté son administration territoriale pour faire en sorte d’être présente sur l’ensemble du territoire, au moyen de directions interdépartementales.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur pour avis a également entendu une suggestion tendant à réfléchir à l’organisation de la « filière judiciaire » au sein de la police nationale (brigades de sûreté urbaine, sûreté départementale, police judiciaire).

Enfin, la question de la poursuite de la déflation du nombre des officiers de police, évoquée à plusieurs reprises au cours des auditions, doit être traitée. Une harmonisation des taux d’encadrement de la police et de la gendarmerie nationales mérite d’être réfléchie.

Depuis son intégration au ministère de l’Intérieur en 2009, la gendarmerie nationale a fait évoluer ses structures.

L’actuel directeur général a mis en place une « feuille de route » qui a conduit la gendarmerie à revoir ses méthodes de fonctionnement. Plus de 250 mesures ont été mises en place en 18 mois. Une expérimentation est en cours sur l’opportunité d’utiliser des tablettes numériques dans le quotidien des gendarmes. Cependant, ces améliorations ne peuvent porter pleinement leurs fruits qu’appuyées sur une réforme de son organisation.

La gendarmerie a notamment procédé à une réforme de son organisation territoriale, achevée en 2014. Elle a ainsi simplifié ses échelons territoriaux de commandement, pour donner à son organisation davantage de lisibilité tout en participant au mouvement ministériel de convergence des soutiens vers le niveau zonal. Dans les régions dont le chef-lieu n’est pas le siège d’une zone de défense et de sécurité, le commandement régional et le commandement du groupement du département concerné sont unifiés.

Cette organisation tend à rapprocher l’organisation territoriale de la gendarmerie de celle de la police nationale.

Votre rapporteur pour avis observe donc que cette évolution doit permettre d’accroître les synergies avec la police nationale.

Le redéploiement des implantations territoriales de la gendarmerie nationale semble pertinent. En effet, des brigades de trois à cinq gendarmes, même regroupées en communauté de brigades avec d’autres unités proches, ne peuvent assumer correctement une mission de sécurité publique. Ces petites brigades sont, en effet, parfois qualifiées de « faux vecteurs de sécurité ». Leurs horaires d’ouverture au public sont souvent pointés.

La réorganisation pourrait ne pas reposer sur une logique purement géographique, mais bien sur la volonté d’améliorer le service rendu au public quand et où cela est nécessaire. Une telle réflexion est actuellement conduite par la direction générale de la gendarmerie nationale.

La police technique et scientifique (PTS) fait déjà l’objet de mutualisations. Pour autant, la montée en puissance de la « PTS de masse », à laquelle il est désormais demandé, par exemple d’effectuer des prélèvements sur toutes les scènes de cambriolages, implique une réflexion profonde. La police technique et scientifique, si elle contribue largement à l’élucidation des crimes et délits, représente un coût croissant, en raison de l’évolution de sa technicité.

Votre rapporteur pour avis estime que le développement de la PTS ne sera soutenable, dans le cadre budgétaire contraint, qu’au prix de lourds efforts de mutualisation entre la police et la gendarmerie.

Dans le prolongement d’un premier plan d’action (2008-2010) commun aux deux forces et destiné à accroître les performances obtenues notamment grâce à l’exploitation des empreintes digitales et génétiques, un deuxième plan triennal d’action mutualisé pour les années 2011-2013 a été mis en place, avec un pilotage confié à un comité national de coordination et de suivi police-gendarmerie. Ce dispositif a été pérennisé le 18 mars 2014.

Un deuxième plan national d’action pour le développement des performances de la police technique et scientifique s’appliquant aux deux forces de sécurité a été appliqué de 2011 à 2013. Les vingt-sept mesures qu’il comportait concernaient notamment tous les stades de l’alimentation et de l’exploitation des deux grandes applications criminalistiques communes à la police et à la gendarmerie que sont le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Par ailleurs, et dans le prolongement de l’expérimentation de mutualisations des bornes T4 (permettant le relevé et le transfert des empreintes digitales et des traces papillaires) réalisée en région Rhône-Alpes, la gendarmerie a doté 22 unités départementales de terminaux en 2010. Son maillage territorial a été complété en 2011 par 53 autres bornes T4. Le réseau des bornes de signalisation comprend donc désormais 490 bornes sur l’ensemble du territoire, ce qui contribue à d’excellents taux de signalisation. En parallèle, des mutualisations de bornes T4 de la police prennent forme sur les départements à activité judiciaire modérée.

Huit nouveaux sites de mutualisation des bornes T4 sont retenus pour une étude en deux vagues : une première vague de cinq chefs-lieux de départements (13), au 1er juillet 2014 et une seconde vague au 1er novembre 2014 (14).

En matière d’analyse et d’identification génétique, la mise en commun des moyens s’est concrétisée par une répartition des tâches entre police et gendarmerie nationales. La police nationale assure la gestion du traitement automatisé à Écully (Rhône) où deux sous-officiers de gendarmerie ont été affectés et la gendarmerie nationale assure la conservation des scellés avec le service central de préservation des prélèvements biologiques implanté à Pontoise (Val-d’Oise). Deux chaînes de génotypage permettent désormais de faire procéder aux analyses des profils d’individus par des laboratoires publics : l’unité automatisée de génotypage au sein du service de la police à Écully et le service central d’analyse génétique de la gendarmerie de Pontoise.

Une expérimentation de synergies en matière de PTS a débuté en janvier 2013 dans le département de la Creuse. Le dispositif consiste en une prise en charge complète, par la gendarmerie nationale, des actes de PTS sur son plateau technique pour le compte des deux forces de sécurité intérieure. Pour la remontée des relevés d’empreintes des dix doigts vers le FAED, la gendarmerie, non dotée d’une borne T4, utilise celle déjà installée dans les locaux de la police nationale. Compte tenu des bons résultats observés, cette expérimentation est devenue une mutualisation pérenne depuis le 1er juillet 2013.

Désormais, vingt départements « à faible activité judiciaire » seront concernés d’ici 2015 par de tels processus de mutualisation (15).

La mutualisation dans certains départements connaît des limites et semble difficilement transposable à l’ensemble des départements dans lesquels l’activité judiciaire est plus fournie.

En premier lieu, plusieurs entités sont en charge de la PTS : l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ; l’institut national de police scientifique (INPS) (16), qui est un établissement public dépendant de la police nationale ; la sous-direction de la police technique et scientifique (SDPTS) d’Écully qui dépend de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ; la préfecture de police de Paris, qui dispose de son propre laboratoire central.

Bien qu’étroitement coordonnées, selon les propos entendus par votre rapporteur pour avis, la multiplicité de ces entités ne semble pas favoriser une mutualisation :

– interne à la police nationale, la SDPTS travaillant au profit de l’ensemble des directions de la police nationale (et, pour l’essentiel des volumes, au profit de la direction centrale de la sécurité publique) alors qu’elle dépend de la DCPJ. En outre, le statut d’établissement public de l’INPS l’empêche de bénéficier des commandes groupées de la police et de la gendarmerie ;

– entre la police et la gendarmerie. Sur ce dernier point, les auditions conduites par votre rapporteur pour avis lui ont permis de mesurer les différences d’organisation de la PTS dans les deux forces. Si dans la gendarmerie, elle est assurée par des militaires, elle peut être mise en œuvre, dans la police soit par des policiers actifs soit par des personnels scientifiques. Or, compte tenu des critères d’accréditation, ces derniers ne peuvent accéder aux bornes opérées par la gendarmerie nationale. Votre rapporteur pour avis relève qu’alors que ces personnels scientifiques se rendent sur les lieux d’infraction, le document budgétaire précise que « leurs statuts d’emplois ne les engagent pas sur le terrain » (17).

Une mutualisation approfondie de la « filière PTS » suppose donc l’approfondissement de la réflexion sur les statuts des personnels qui la mettent en œuvre.

Cette réflexion portant sur les statuts et les structures pourrait à la fois être poursuivie au sein de la police nationale ; votre rapporteur pour avis a ainsi fréquemment entendu que cette réorganisation était un préalable à un rapprochement avec la gendarmerie nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 27 octobre 2014, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » pour 2015.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis très heureux de vous accueillir, en compagnie de Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois, et de Nicolas Bays, vice-président de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Sécurités ».

Je rappelle les règles qui président à nos débats en commission élargie : la parole sera d’abord donnée aux rapporteurs des commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes, sous la forme de questions au ministre. S’exprimeront ensuite, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes.

Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre, leur intervention étant limitée à deux minutes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Pour ce qui est de la Commission des lois, nous avons deux rapporteurs pour avis. Pascal Popelin, rapporteur pour avis pour la Sécurité, a porté son regard avisé sur la partie sécurité proprement dite et s’est intéressé notamment aux mutualisations entre la police et la gendarmerie, afin de voir si elles peuvent être développées ou s’il faut, au contraire, arrêter ce mouvement souvent présenté comme vertueux. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis pour la Sécurité civile, connaisseur parfait de ces questions, s’est penché sur la valorisation des moyens humains dans la sécurité civile et notamment sur les difficultés que connaît volontariat. Il revient aussi sur la rationalisation des moyens aériens, sujet sur lequel nous travaillons depuis le début de la législature.

M. Nicolas Bays, président. La Commission de la défense est saisie pour avis, comme il est de tradition, des crédits de la gendarmerie au sein de la mission « Sécurités ». Nous demeurons très attachés, comme les gendarmes eux-mêmes, au statut militaire de cette institution. Notre rapporteur pour avis, Daniel Boisserie, s’est attaché cette année à traiter un sujet peu connu : la sécurité des installations nucléaires, qui joue un rôle essentiel dans le contrôle gouvernemental de l’outil de dissuasion.

M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances pour la police, la gendarmerie, la sécurité routière, le contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Les crédits du programme « Police nationale » s’élèveront en 2015 à 9,66 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 0,7 %, et à 9,69 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0,5 %.

Les crédits du programme « Gendarmerie nationale » s’élèveront en 2015 à 8,07 milliards d’euros en autorisations d’engagement – + 1,6 % – et à 8,06 milliards d’euros en crédits de paiement – + 0,4 %.

En 2015, comme en 2014, les effectifs de la police seront augmentés de 243 fonctionnaires et ceux de la gendarmerie de 162 militaires.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de me féliciter de cette évolution et de saluer les efforts consentis par le Gouvernement. Ces chiffres sont à rapprocher des 7 000 emplois perdus dans chacune de ces forces entre 2007 et 2012.

Les crédits de la police et de la gendarmerie, comme en 2014, seront en hausse. En ces temps de contrainte budgétaire, ces augmentations traduisent clairement la volonté du Gouvernement de faire de la sécurité l’une des priorités de sa politique.

Malgré les augmentations d’effectifs et l’entrée en application de quelques mesures catégorielles, les dépenses de rémunérations et de charges sociales n’augmenteront que faiblement, signe d’une gestion rigoureuse – + 9,8 millions d’euros pour la police et + 32,3 millions pour la gendarmerie. En conséquence, la part des moyens consacrés au fonctionnement et aux investissements augmente, passant de 10 à 11 % pour la police et dépassant les 15 % pour la gendarmerie.

Je me félicite également du plan de réhabilitation immobilière de 70 millions d’euros, que vous avez mis en place pour l’immobilier de la gendarmerie. La gendarmerie sort de plusieurs années « blanches », pendant lesquelles seuls des moyens dérisoires étaient disponibles pour faire face aux opérations d’urgence. Or, en 2015, grâce à ce plan, les investissements immobiliers vont pouvoir reprendre et une trentaine d’opérations de réhabilitation lourde va pouvoir être lancée. Ce sujet touche non seulement au bon fonctionnement de l’institution, mais aussi à la vie privée des gendarmes, qui sont logés par nécessité absolue de service. Il est donc primordial d’y apporter la plus grande attention.

Monsieur le ministre, je souhaiterais, dans le temps qui m’est imparti, appeler votre attention sur trois points.

J’évoquerai d’abord les difficultés que rencontrent tant la police que la gendarmerie pour renouveler leur parc de véhicules. Certes, la nouvelle majorité a inversé la courbe, et les commandes de véhicules sont reparties à la hausse. En 2013, les achats ont permis de stopper la contraction du parc automobile de la police, qui se réduisait année après année. Pendant longtemps, le parc auto de la police a compté plus de 30 000 véhicules. Au 1er janvier 2013, il avait atteint son étiage avec seulement 27 980 véhicules. Depuis cette date, il a commencé à se reconstituer et comptait au 1er janvier 2014 28 190 véhicules.

En 2015, comme en 2014, ce sont 1 200 à 1 400 véhicules qui seront achetés selon les forces. C’est un effort que je salue, mais qui reste insuffisant. L’âge moyen des véhicules augmente – six ans pour la police et six ans et demi pour la gendarmerie –, le kilométrage moyen également – 150 000 à 200 000 kilomètres. La gendarmerie envisage de conserver ses véhicules en service pendant dix ans. Il faudrait commander pratiquement le double de ce qui est actuellement acheté pour permettre un renouvellement satisfaisant du parc. Quel est, monsieur le ministre, votre sentiment sur ce sujet ?

Je voudrais ensuite appeler votre attention sur une forme de criminalité dont on parle peu, mais qui constitue une réelle menace pour notre pays : la cybercriminalité. Le tissu industriel français de la cybersécurité, dominé par le groupe Airbus et par Alcatel-Lucent, est aujourd’hui dynamique et diversifié. Il compte des acteurs de toutes tailles couvrant la plupart des sujets structurants de la cybersécurité.

Ne pensez-vous pas qu’il serait utile de créer une structure administrative chargée de soutenir à l’exportation les services français de cybersécurité et qui aurait pour vocation de concentrer les moyens et la stratégie d’ensemble ? Je suis, pour ma part, convaincu de la nécessité d’une telle structure de coordination.

Enfin, je souhaiterais saluer l’initiative prise par votre prédécesseur – que vous avez confortée, monsieur le ministre – de créer un médiateur interne à la police nationale. Mis en place l’an dernier, ce médiateur, personne de grande qualité, a déjà traité, à la tête d’une équipe réduite, plusieurs centaines de dossiers. Il tente de remettre de l’humanité dans un monde qui en manque parfois, en essayant notamment d’expliquer des décisions administratives qui ne sont pas toujours bien comprises. Son action est révélatrice d’un besoin qui existait au sein de la police. Je souhaitais vous demander, monsieur le ministre, votre sentiment sur cette médiation, en vous suggérant de conforter son rôle qui me semble très utile.

M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances pour la Sécurité civile. J’ai l’honneur de vous présenter le rapport portant sur les crédits du programme 161 « Sécurité civile », inscrits depuis le budget pour 2014 dans la mission d’ensemble « Sécurités ».

Pour 2015, avec 439,55 millions d’euros, les crédits de paiement sont en augmentation de 2,66 % par rapport à 2014. Les autorisations d’engagement, qui atteignent 401 millions d’euros, sont en diminution de 187,51 millions d’euros. Cette réduction résulte du montant qui avait été inscrit dans la loi de finances pour 2014 pour le financement pluriannuel du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle des avions de la sécurité civile.

J’insiste sur le fait que les grandes actions et les programmes d’investissements touchant à la sécurité civile sont maintenus en 2015. Nous savons tous l’importance des actions de l’État en ce domaine et l’obligation qui nous est faite de consacrer des moyens significatifs à la protection des populations au quotidien ou lors de catastrophes majeures, qu’elles soient naturelles, technologiques ou industrielles. C’est pour ces raisons que je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de cette mission.

J’aurais cependant souhaité, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter un éclairage sur les sujets suivants.

Pourriez-vous refaire le point devant nous sur l’évolution des moyens du programme Sécurité civile, sur les actions majeures retenues en 2015 et sur l’effort de rationalisation des dépenses que traduit ce budget ?

Quel bilan tirez-vous ensuite du rassemblement des crédits de la sécurité civile, opéré depuis le budget pour 2014 dans un seul programme, le programme 161 ?

Quel bilan tirez-vous, par ailleurs, de la création décidée, il y a maintenant trois ans, de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ?

La réforme territoriale annoncée, avec la disparition possible de l’échelon départemental, aura sans doute un impact sur le dispositif de sécurité civile et sa structuration. Quels éléments pouvez-vous nous communiquer aujourd’hui sur ce point ?

La période récente semble marquée par la survenue fréquente d’inondations sur le territoire national. D’autres risques, comme le risque pandémique, sont par ailleurs bien réels. Quelles adaptations opérationnelles pensez-vous apporter, en lien avec d’autres acteurs publics ?

Quel est l’état précis de réalisation ou de fonctionnement, en octobre 2014, des grands équipements indispensables à la politique de prévention et de gestion des crises ? Je pense au réseau ANTARES, autrement dit l’Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours, qui vise à une interopérabilité des moyens de communication des différents intervenants en sécurité civile ; à la mise en place du service d’alerte et d’information des populations (SAIP), qui remplace le système actuel d’alerte, devenu obsolète ; à la création du Centre national d’alerte aux tsunamis (CENALT) pour la Méditerranée et l’Atlantique du nord-est, ou encore à la mise en œuvre du centre de formation civile et militaire en matière de lutte contre les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques et explosives, dont l’existence doit mettre un terme à l’hétérogénéité des formations jusque-là dispensées aux décideurs.

Concernant plus particulièrement les sapeurs-pompiers, 80 % d’entre eux sont des volontaires qui réalisent 70 % des interventions, mais leur nombre tend à stagner. Or l’augmentation de leur effectif est indispensable à la pérennité de notre système. Quel bilan peut être fait de l’application de la loi de 2011 et, plus récemment, de l’Engagement pour le volontariat, conclu en 2013 à l’incitation du Président de la République ?

Les moyens aériens sont essentiels dans la lutte contre les feux de forêts, même si la saison « feux » 2013 a vu un recul inédit des surfaces incendiées et que les hélicoptères de la sécurité civile jouent un rôle indispensable, reconnu et croissant, dans le domaine du secours à la personne.

Pouvez-vous nous rappeler brièvement l’état l’avancement de plusieurs dossiers majeurs, tels que le transfert de la base aérienne de sécurité civile à Nîmes, le renouvellement des contrats de maintenance et celui de la flotte d’avions elle-même, particulièrement des Tracker ?

Les actions de sécurité civile tendent de plus en plus à s’internationaliser face à des problèmes récurrents, tels que les cyclones, les inondations ou les séismes. Quelles indications pouvez-vous nous donner sur les interventions récentes à l’étranger et sur les modifications touchant le mécanisme européen de sécurité civile ? Quels progrès peuvent, selon vous, être réalisés en matière de coopération européenne, s’agissant, notamment, de la préparation à la gestion des crises et de l’information du public ?

Pour conclure sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, j’aurais souhaité avoir vos retours sur les expérimentations de moyens héliportés mutualisés entre la sécurité civile, la gendarmerie et le SAMU, les fameux hélicoptères bleus-blancs-rouges. Quelle appréciation faites-vous de l’expérimentation menée en Guyane depuis le début de l’année ? Imaginez-vous un déploiement similaire à La Réunion, où la sécurité civile ne dispose, rappelons-le, d’aucun moyen héliporté propre ?

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la Gendarmerie nationale. Je tiens tout d’abord à saluer l’action de l’ensemble de nos forces de sécurité, et en particulier nos gendarmes. Je souhaite leur manifester ici tout mon soutien et toute mon admiration.

Je ne m’attarderai pas sur les évolutions de crédits pour 2015, qui sont présentées en détail dans mon rapport. Je me contenterai de souligner avec satisfaction que le budget de la gendarmerie est globalement préservé.

Monsieur le ministre, mes premières questions auront trait à la réserve : le suis conscient qu’elle est nécessaire au pilotage de la dépense publique, mais, telle qu’elle est mise en œuvre, elle me semble parfois inadaptée.

Le dégel en fin de gestion est un jeu « perdant-perdant » : perdant pour Bercy, car les crédits sont finalement dépensés ; perdant pour leur bénéficiaire, qui est contraint de les engager dans l’urgence, sans politique d’acquisition cohérente. Entre-temps, les négociations sur la réserve se traduisent par une perte de temps et d’énergie considérable pour tous les ministères, les « régulateurs » comme les « dépensiers ».

Le reliquat des crédits mis en réserve en 2014, s’il existe, sera-t-il rapidement et intégralement dégelé ? Pouvez-vous m’indiquer si la réserve 2015 fera l’objet d’une levée, au moins partielle, dès le début de gestion, afin de pouvoir engager des dépenses de manière efficace et rationnelle ? Il ne s’agit évidemment pas de dépenses de confort, accessoires ou superflues, mais de dépenses qui répondent à un véritable impératif opérationnel.

Autre thème, malheureusement traditionnel : l’immobilier. Je ne rappellerai pas l’état du parc, bien connu de tous.

Je suis constamment à la recherche de leviers pour accélérer la remise à niveau du parc domanial et réduire les dépenses de fonctionnement. Depuis 2006, le ministère de la défense bénéficie d’un retour intégral des produits de cessions immobilières qu’il réalise. La gendarmerie était soumise à ce régime jusqu’à 2009 et son rattachement à votre ministère. Depuis, ses produits de cessions se voient appliquer une décote d’environ 50 %, principalement au titre de la participation au désendettement de l’État.

Il ne s’agit pas de demander le retour d’un droit acquis qui aurait été perdu ; l’argument serait un peu court. Mais, compte tenu des besoins pour remettre le parc à un niveau acceptable, il serait légitime que le retour intégral soit de nouveau appliqué à la gendarmerie. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Je ne suis pas drogué à la dépense publique. Toutefois, j’estime qu’entre deux devoirs, assurer des conditions de vie et de travail décentes à nos gendarmes et à leurs familles, d’une part, et résorber – parfois aux dépens de notre sécurité – l’endettement du pays, d’autre part, c’est le premier qui doit primer. Un plan de réhabilitation ambitieux est prévu, et je m’en réjouis, mais compte tenu de l’urgence, j’estime que tous les leviers possibles doivent être actionnés.

Quelques remarques sur la massification des marchés publics. Chaque marché est unique et, dans le cas des marchés de fournitures, la passation de gros marchés peut permettre des économies d’échelle. Pour ce qui concerne les marchés de prestations de services, les résultats sont parfois moins positifs. D’une part, ces gros marchés excluent de fait les petites entreprises locales ; d’autre part, ils peuvent se traduire par une baisse de la qualité de service. Pourrait-on redonner davantage de pouvoir aux gestionnaires locaux en la matière ? Cela soutiendrait le tissu économique local et améliorerait sans doute le service rendu. Cela conduirait aussi à une responsabilisation plus grande des gestionnaires.

Je terminerai par quelques observations sur la protection des centrales nucléaires.

Il est inutile de rappeler le contexte géopolitique et sécuritaire actuel, et l’importance vitale que représentent les centrales nucléaires. Or on constate aujourd’hui une décorrélation totale entre la sensibilité extrême de ces sites et le cadre légal relatif à leur protection. Les auteurs d’intrusions sont condamnés à des peines relativement clémentes : quelques mois de prison avec sursis, éventuellement assortis d’amendes. L’infraction retenue par les magistrats est celle de la violation de domicile. N’est-il pas temps d’adapter notre régime juridique et de créer, enfin, un délit spécifique punissant de manière réellement dissuasive ces intrusions ? Un tel renforcement ne violerait aucune liberté publique ni aucun droit fondamental. La liberté d’expression et de manifestation peut parfaitement s’exercer à l’extérieur des centrales, sans réduire la force ou la portée du message de ceux qui exercent ces libertés. Le drame qui vient de se produire dans le Tarn ne fait que me renforcer dans la conviction que mes propositions sont fondées.

S’il est nécessaire que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités en la matière, il faudrait que l’opérateur EDF fasse de même en menant les investissements indispensables au renforcement des mesures de sécurité passive.

Dans le même domaine, nous devrions également prendre en considération la question des drones, en interdisant par exemple de façon permanente le survol des installations nucléaires civiles. Ils peuvent en effet constituer un risque réel de collecte d’informations sensibles, d’intrusion, voire d’endommagement. Monsieur le ministre, quel est votre point de vue sur ce vaste sujet ?

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Sécurité. Les crédits de fonctionnement et d’investissement de nos deux forces de sécurité s’inscrivent dans un contexte financier plus que jamais contraint, même s’ils font l’objet d’une priorité politique de la part du Gouvernement et de la majorité parlementaire. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi, cette année, d’évaluer les effets des mutualisations entre la police et la gendarmerie nationales, cinq ans après le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, décidé par la loi du 3 août 2009. Les réflexions en matière de mutualisation semblent être une piste qu’il faut continuer d’explorer pour dégager des moyens nouveaux en faveur des politiques de sécurité publique attendues par les Français.

Les mutualisations logistiques de soutien des forces sont bien engagées, tant à l’échelle centrale avec, par exemple, pour les achats, le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), qu’au plan déconcentré, avec la création des Secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI).

J’ai toutefois identifié deux domaines où l’effort de mutualisation doit être, de mon point de vue, renforcé : l’informatique et la formation.

À titre d’exemple, les logiciels de rédaction des procédures des deux forces, déployés depuis peu, ne sont pas exactement les mêmes. De l’avis unanime, le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN) semble beaucoup plus lourd à utiliser par les policiers que le logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale (LRPGN) des gendarmes. La police et la gendarmerie nationales appliquent pourtant le même code de procédure pénale. Une convergence – pour ne pas dire une unité – des deux systèmes ne m’apparaîtrait pas illogique. Elle serait source de simplification pour les utilisateurs et d’économies pour l’État. Comptez-vous, monsieur le ministre, engager cette réflexion ?

La formation constitue un domaine particulièrement sensible en matière de mutualisation. Des réticences ont ainsi pu être exprimées, au motif qu’il convenait de respecter l’identité de chacune des deux forces. J’ai toutefois listé dans mon rapport une série de domaines dans lesquels des progrès pourraient être accomplis : la cynotechnie, l’intervention en haute montagne, la plongée, les unités motocyclistes. Partagez-vous, monsieur le ministre, cette analyse ? D’autres domaines font-ils l’objet de réflexions ?

Au-delà des mutualisations logistiques, des efforts supplémentaires de mutualisation opérationnelle peuvent et doivent, à mon sens, être réalisés rapidement.

La coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT) permet aux responsables territoriaux de développer, sur des zones contiguës, des opérations coordonnées. Il semble pourtant que la dynamique instaurée par les CORAT s’essouffle. Quel bilan tirez-vous de ce dispositif, monsieur le ministre, et entendez-vous lui donner un nouveau souffle ?

J’ai aussi la conviction, même si je mesure le chemin à parcourir pour la faire partager, que des expérimentations de mutualisation des salles de commandement départementales, où sont centralisés les appels téléphoniques, notamment la nuit, doivent être engagées. Ces expérimentations pourraient, dans un premier temps, prendre la forme d’un regroupement en un lieu unique des centres opérationnels de la police et de la gendarmerie. Certains centres pourraient même totalement fusionner, afin de permettre une réponse plus efficace aux appels, par l’emploi des forces disponibles les plus proches.

Le maillage territorial de la police et de la gendarmerie doit aussi continuer d’évoluer. Dans mon rapport, j’invite, par exemple, à réfléchir à l’opportunité de redéfinir les compétences des deux forces sur les grands axes autoroutiers. L’expérimentation envisagée en 2015, concernant l’autoroute A 36, à la faveur de la redéfinition des compétences entre la Direction départementale de la sécurité publique de la police nationale et du groupement de gendarmerie dans le Haut-Rhin, sera, de ce point de vue, intéressante.

Enfin, je suis arrivé à la conclusion qu’une mutualisation plus poussée des deux forces de sécurité suppose une réorganisation préalable de chacune d’entre d’elles. Les limites de l’organisation « en tuyaux d’orgues » de la police nationale sont régulièrement évoquées. Outre la convergence des différentes directions de la police nationale, je note dans mon rapport des réorganisations internes envisageables pour chacune d’entre d’elles. De la même manière, la réorganisation territoriale de la gendarmerie doit être poursuivie : des brigades de trois à cinq gendarmes, même regroupées en communautés de brigade avec d’autres unités proches, ne peuvent assumer correctement leur mission de sécurité publique. Elles sont même parfois qualifiées de « faux vecteurs de sécurité ». Leurs horaires d’ouverture au public sont souvent pointés. Ces pistes de réorganisation vous paraissent-elles souhaitables, monsieur le ministre ?

J’en terminerai par la police technique et scientifique (PTS), qui illustre parfaitement l’ensemble des enjeux de mutualisation entre les deux forces. En effet, le développement de la PTS « de masse » ne sera soutenable, dans un cadre budgétaire contraint, qu’au prix de lourds efforts de mutualisation entre elles. D’où ma dernière question : une réforme d’ampleur de la « filière » commune de PTS est-elle envisagée ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Sécurité civile. Je me réjouis d’avoir une nouvelle fois le privilège de rapporter devant vous, au nom de la Commission des lois, l’avis budgétaire relatif aux crédits de la Sécurité civile, non seulement en raison de l’intérêt que je porte à ce thème, mais aussi parce que ce sujet transcende les clivages entre familles politiques et nous permet de nous retrouver sur la question essentielle de la sécurité de nos concitoyens. Il nous offre également la possibilité, à travers nos débats, de réaffirmer notre reconnaissance, notre admiration et notre soutien aux femmes et aux hommes qui, au sein des équipes de la sécurité civile, s’investissent et risquent leurs vies pour venir au secours des autres.

Les crédits du programme « Sécurité civile », à la différence de nombreux autres postes de dépenses, n’ont fort heureusement pas été trop durement touchés par le contexte budgétaire. S’élevant dans le projet de loi à 439 550 666 euros, ils ont même légèrement augmenté par rapport à l’année dernière.

Néanmoins, d’un avis budgétaire à l’autre, j’ai pu constater la fragilisation progressive de la situation de la sécurité civile française. Cette fragilisation porte sur les moyens humains, et plus particulièrement sur les sapeurs-pompiers volontaires dont les effectifs diminuent de façon inquiétante, sur la gouvernance, dans le contexte actuel de réformes territoriales de grande ampleur, et sur les moyens matériels, notamment les hélicoptères.

Ce sont ces trois thèmes que j’ai souhaité approfondir dans cet avis budgétaire, afin que celui-ci puisse contribuer à l’identification de solutions, non seulement nécessaires, mais aussi urgentes, pour assurer la pérennité de notre sécurité civile, ce modèle français auquel, monsieur le ministre, je vous sais attaché ; j’ai pu le constater lors de votre visite dans le département de la Lozère.

J’évoquerai d’abord le volontariat, qui connaît depuis de nombreuses années une crise démographique préoccupante. En dix ans, pas moins de 14 000 volontaires sont partis sans pouvoir être remplacés : les effectifs, depuis 2004, sont passés de 207 000 à 193 000. En cinq ans, pas moins de 600 casernes ont dû fermer sur tout le territoire. Or les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % du contingent des pompiers français. La préservation du volontariat revêt donc un caractère essentiel.

À mon initiative, le Parlement, en 2011, a doté les volontaires d’un statut plus clair, plus protecteur et plus valorisant. Votre prédécesseur a poursuivi l’effort sur les volontaires et a conclu, en octobre 2013, l’Engagement pour le volontariat dont les vingt-cinq mesures ont vocation à stopper l’hémorragie actuelle. Si je ne peux que saluer cette initiative, à laquelle j’ai participé en qualité de représentant de l’Association des Maires de France, je reste sensible à ce qu’elle ne se limite pas à des annonces sans suite, à un effet d’affichage stérile. Des actions concrètes sont indispensables, assorties d’un dispositif de suivi précis, qui serait parallèle à l’action du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, créé par la loi de 2011.

Je suis naturellement prêt à m’investir personnellement dans cette tâche essentielle à l’enrayement de la diminution des effectifs, et me tiens, pour ce faire, à votre disposition. Des mesures, qui pourraient être réglementaires, me paraissent devoir être rapidement prises pour fournir aux volontaires salariés un crédit d’heures au sein de leurs entreprises, notamment pour pouvoir se former, sans que cela soit à la charge de ces dernières, et pour octroyer aux employeurs privés de volontaires des aides fiscales. À cet égard, je ne peux que déplorer, comme l’année dernière, l’absence d’éléments sur le mécénat d’entreprise, prévu par la loi du 1er août 2003. Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de nous fournir des précisions sur l’impact concret de ce dispositif ? Bercy est toujours resté très silencieux sur l’impact de la loi sur le mécénat, dans le secteur des pompiers volontaires.

Plus généralement, disposez-vous d’éléments ou de projections concernant certaines des mesures prévues par l’engagement de 2013 ? Pourriez-vous notamment indiquer les modalités envisagées pour faciliter l’accès des volontaires aux logements sociaux ? Cette question est stratégique, dans la mesure où, en plus d’assurer une stabilité matérielle bienvenue aux sapeurs-pompiers volontaires, elle garantit aux intéressés une proximité géographique avec leur caserne.

Enfin, disposez-vous d’informations concernant l’avancement des négociations sur le projet de directive européenne, consacré au temps de travail, dont les orientations risquent de mettre à mal le principe même du volontariat français ? J’insiste sur le volontariat, car, depuis quatre ans, malgré la loi de 2011 et en dépit du plan national, on constate toujours une perte de SPV, qui se considèrent comme des supplétifs par rapport à des professionnels et qui se sentent aujourd’hui mal aimés.

Le deuxième thème principal de l’avis porte sur la gouvernance des Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et leur articulation avec les autres acteurs de la sécurité civile. Deux points appellent plus particulièrement des observations.

Tout d’abord, selon quelles modalités les associations agréées de sécurité civile pourraient-elles voir leur rôle renforcé dans la gestion de crises ? Au regard des moyens et de l’expérience dont elles disposent, il s’agit en effet d’une précieuse ressource dont il convient de tirer le meilleur parti possible.

Ensuite, s’agissant des projets de réforme territoriale, vous avez, à l’occasion du Congrès national des sapeurs-pompiers, tenu en Avignon au début du mois, fourni plusieurs garanties, dont la pérennité du département comme structure administrative et le maintien du volume financier des SDIS. Une poursuite de la gouvernance actuelle apparaît donc possible.

Est-elle pour autant souhaitable ? Je ne le crois pas, ou plutôt, je crois qu’il nous faut profiter de l’opportunité créée par ces réformes pour améliorer la gouvernance de nos services d’incendie et de secours. Cette amélioration passe d’abord par une réaffirmation des communes et des intercommunalités, acteurs de proximité essentiels, mais qui se sentent délaissés au profit des conseils généraux. Elle suppose ensuite une mutualisation de certaines fonctions, notamment logistiques, à un échelon territorial pertinent. Elle appelle enfin un pilotage national nécessaire afin de fournir des orientations claires à une politique régalienne, aussi indispensable que l’est la sécurité civile.

Ce souci d’un meilleur pilotage se retrouve dans le troisième axe développé par l’avis et consacré aux moyens héliportés.

Face aux résultats mitigés de la mutualisation des flottes héliportées de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale, quelle solution vous paraît devoir être adoptée afin de renforcer l’efficience de la « flotte rouge », sans gaspillage d’argent public et d’énergie ? Le statu quo est inacceptable ; les obstacles financiers dus à la maintenance, à l’approvisionnement en carburant et à l’adaptation technologique des appareils ne pourront être surmontés qu’au travers de mesures énergiques et ambitieuses.

À cet égard, une solution que j’avais déjà abordée l’année dernière devant votre prédécesseur me paraît opportune : l’unification des flottes de la sécurité civile et de la gendarmerie, associée à leur rationalisation. Cette rationalisation suppose une réduction du nombre d’appareils et un meilleur maillage territorial pour adapter le volume des flottes aux besoins réels. Elle me semble indispensable ; elle pourra au demeurant être associée à des dispositifs de renforts ponctuels, tels que le détachement saisonnier.

Enfin, après un été tumultueux entre votre ministère et celui de la santé au sujet de la concurrence entre les hélicoptères « rouges » et « blancs », j’ai pu constater avec satisfaction que l’apaisement prévalait, traduit notamment par la mise en place d’une réflexion concertée entre ces deux acteurs du secours. Pourrait-on envisager, monsieur le ministre, d’aller plus loin dans cette coordination, dont les prémices sont palpables, pour aboutir à une mutualisation des deux flottes ? Quelles sont les perspectives en la matière ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je redoutais de ne pouvoir alimenter le débat, mais vos questions pourraient me permettre de tenir jusqu’à demain matin…

Je rappellerai pour commencer quelques ordres de grandeur, qui permettront de mesurer les efforts que nous faisons en faveur de la mission « Sécurités », définie par le Président de la République et le Premier ministre comme étant prioritaire.

La police et la gendarmerie, vous vous en souvenez, ont connu des déflations d’effectifs extrêmement importantes durant la période 2007-2012 : ce sont, d’un côté, 6 000 emplois, de l’autre, 7 000, soit au total 13 000 emplois qui ont été supprimés. Dans le budget pour 2015, nous confirmons, pour la mission « Sécurités », une orientation définie par le Président de la République et le Premier ministre au début du quinquennat et visant à renverser cette tendance en recréant des postes pour permettre à nos forces d’assumer leurs missions dans de bonnes conditions, compte tenu des défis nouveaux auxquels nous sommes confrontés, et particulièrement à la montée des risques liés au terrorisme. Nous consentons un effort considérable en créant cette année 405 postes ; cette tendance se poursuivra puisque nous en créerons 500 jusqu’en 2017.

Sur les crédits hors titre II nous faisons également des efforts très significatifs. Alors que les crédits d’investissement pour la police, destinés notamment à la rénovation des commissariats, avaient diminué de 17 % durant la période 2017-2012, nous reprenons un effort assez significatif à la hausse : + 22 % d’autorisations d’engagement, + 9,7 % de crédits de paiement. Je le dis pour tous ceux qui considèrent qu’il n’y a pas assez de policiers, alors qu’ils ont soutenu des budgets dans lesquels on en a supprimé beaucoup, ou qu’il n’y a pas suffisamment d’efforts d’investissements, alors que, dans une période assez récente, les crédits d’investissement avaient diminué de 17 %. Car créer des postes de policiers et de gendarmes, si ceux-ci ne sont pas correctement équipés, ne sert absolument à rien ; c’est la raison pour laquelle le Premier ministre et le Président de la République ont souhaité que 108 millions d’euros soient affectés à l’équipement de nos forces, dans le cadre du programme dit « Sécurité 3.0 », au cours des trois prochaines années.

Pour ce qui concerne la gendarmerie, vous avez insisté, monsieur Boisserie, sur la nécessité d’investir de façon significative dans les casernes. Le logement des gendarmes est consubstantiel à leur mission ; créer des conditions de logement convenables pour les gendarmes, c’est aussi créer les conditions d’un bon déploiement de leurs missions sur le territoire national. Là aussi, alors qu’il y avait une diminution des crédits, 70 millions d’euros seront affectés au logement des gendarmes au cours des trois prochaines années.

En ce qui concerne la sécurité civile, vous avez évoqué vingt-cinq mesures en faveur du volontariat. Ces engagements ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre à Chambéry, en octobre 2013 ; il nous appartient de les faire vivre.

Après ce cadrage général rappelant des ordres de grandeur, des priorités politiques et quelques évolutions de crédits, je vais entrer dans le détail en répondant aux rapporteurs.

Monsieur Galut, vous constatez les efforts que nous faisons, mais vous vous vous demandez s’il y a une adéquation entre ces efforts et la nécessité de combler des retards accumulés depuis longtemps. C’est une question que je me pose moi-même, et je me suis mobilisé afin que nous ayons un budget convenable. Pour ce qui concerne les automobiles, nous avons obtenu, en fin de gestion 2014, des dégels de crédits significatifs, qui permettront de commander 2 000 véhicules avant la fin de l’année 2014. Ces véhicules permettront à nos forces d’atteindre un niveau d’équipement conforme aux objectifs que mon prédécesseur s’était assignés à lui-même et que, dans mes fonctions de ministre du budget, j’avais accompagnés de ma bienveillance. Le Premier ministre a, à son tour, accompagné de sa bienveillance les demandes que j’avais formulées pour tenir les engagements qu’il avait pris à une autre époque…

Au 1er janvier 2014, le parc automobile se composait de 28 190 véhicules, répartis entre les deux-roues, les véhicules légers et les véhicules utilitaires. Entre 2009 et 2014, le nombre de véhicules, dans la police, a sensiblement diminué – environ moins 8,7 % –, le parc ayant été ramené à 2 418 véhicules. Toujours au 1er janvier 2014, l’âge moyen des véhicules était de six ans, en augmentation constante depuis 2008. Un plan exceptionnel a ramené l’âge moyen à 4,8 années. Le renouvellement des véhicules dépend, non seulement de leur âge, mais aussi de leur kilométrage. Pour 2015, le budget prévisionnel est de 40 millions d’euros, afin de remédier à la dégradation du parc automobile. Nous consacrerons 34,4 millions d’euros aux véhicules à quatre roues, 2,6 millions aux deux-roues et 3 millions aux poids lourds. Nous faisons aussi des économies sur l’entretien du parc de véhicules pour dégager des marges de manœuvre, dans le cadre d’une mutualisation avec notamment la gendarmerie.

Le parc automobile de la gendarmerie a également vieilli, avec une durée moyenne de vie des véhicules de sept ans et sept mois et des kilométrages très significatifs. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules, pour un montant de 60 millions d’euros. Cet effort est permis grâce, notamment, à la décision prise par le Premier ministre de dégeler, en septembre 2014, 51,8 millions d’euros dont 28 au titre de l’acquisition de véhicules dans la gendarmerie, soit 1 400 véhicules.

Vous m’avez aussi interrogé, monsieur Galut, sur la lutte contre la cybercriminalité. C’est l’une des priorités qu’avait fixées mon prédécesseur pour 2014, en adoptant un plan ministériel relatif aux cybermenaces. Les deux forces sont largement engagées dans la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, qui résultent de l’utilisation des technologies numériques par les filières organisées du crime.

Le dispositif de prévention et de répression a été considérablement renforcé. Ce plan de lutte contre la cybercriminalité recouvre un certain nombre d’enjeux : la mise en adéquation du dispositif opérationnel, dans nos forces, à la menace, en termes de moyens juridiques, humains et matériels, la prise en compte des contentieux de masse par une approche qui doit être de plus en plus innovante et efficace, compte tenu de la criminalité, et le développement de la coopération internationale. À ce titre, nous réunirons le 6 novembre prochain à Paris un G6, c’est-à-dire une réunion restreinte des ministres de l’intérieur de l’Union européenne, où la question de la cybercriminalité et de son lien avec le terrorisme sera abondamment abordée.

J’en termine par le développement des partenariats industriels et académiques.

L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, en application d’un décret pris en 2000, coordonne l’ensemble des actions relatives à la lutte contre cette forme de criminalité. Outre les améliorations mises en œuvre par le travail de l’OCLCTIC, je nommerai d’ici à la fin de l’année un préfet coordonnateur en charge de la lutte contre la cybercriminalité, qui coordonnera notre action et qui travaillera à la mise en relation de nos propres services avec les services du ministère de l’économie et des finances. Vous avez travaillé avec moi, dans une autre configuration, sur la lutte contre la fraude fiscale ; vous savez à quel point les grands fraudeurs utilisent les moyens numériques et les technologies modernes de communication pour commettre leurs méfaits. Nous avons, dans ce domaine, un travail important à mener et, de ce point de vue, le préfet en charge de la lutte contre la cybercriminalité sera très utile pour assurer cette coordination.

Vous avez insisté à juste titre, monsieur Galut, sur le rôle du médiateur interne de la police nationale, dont la fonction a été créée par la circulaire du 31 décembre 2012. M. Frédéric Lauze, inspecteur général de la police nationale, a été nommé à ce poste en janvier 2013. Ainsi que vous l’avez souligné, sa mission est très utile, voire stratégique : il favorise la prévention et la diminution des contentieux entre les citoyens et la police nationale ; il donne à l’administration l’occasion de mieux expliquer ses actions ; il trouve une solution à des problèmes et stoppe les dynamiques conflictuelles ; il émet des avis indépendants qui visent à proposer des solutions dans les situations de litige ou de contentieux entre l’administration et l’administré. Ce travail est important et doit être encouragé.

Je réponds maintenant aux questions que M. Lebreton et M. Morel-A-L’Huissier m’ont posées sur la sécurité civile.

La loi de finances pour 2014 a opéré la fusion des deux programmes de sécurité civile, qui peinaient à atteindre une taille critique : 168 millions d’euros pour l’un, 280 millions pour l’autre. Leur regroupement facilite la gestion, donne une assiette financière beaucoup plus large, permet des redéploiements et une fongibilité entre les actions, offre davantage de possibilités au ministère de l’intérieur pour répartir les gels entre différents postes – nous essayons de les concentrer sur des postes qui ont vocation à être mécaniquement dégelés, afin précisément d’obtenir plus facilement ces dégels. La fusion ne nuit en rien à l’identification de la sécurité civile comme une activité spécifique : elle apparaît très clairement comme un programme au sein de la mission « Sécurités ».

J’en viens aux grandes priorités du budget de la sécurité civile pour 2015. Premier objectif : le maintien en condition opérationnelle de nos équipements – essentiel pour assurer une couverture du territoire face aux risques sécuritaires à tout moment –, ainsi que la modernisation et le fonctionnement des moyens nationaux de sécurité civile. Cela concerne toute la palette des instruments dont nous avons besoin pour intervenir sur les théâtres où peuvent se produire des inondations ou des incendies sérieux : bombardiers d’eau, hélicoptères, formations militaires de la sécurité civile, crédits d’urgence, etc. Deuxième objectif : poursuivre les grands programmes d’investissement dans les infrastructures de communication – notamment dans le réseau ANTARES – et le soutien de l’État à d’autres structures d’intérêt national, telles que le Centre d’alerte aux tsunamis et le Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive.

Je me suis exprimé sur la réforme territoriale et les services départementaux d’incendie et de secours à l’occasion du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon il y a quelques semaines. Je répète ce que j’y ai dit : la réforme territoriale ne compromet pas l’organisation des SDIS. Cela tient tout d’abord à la structure de financement particulière de ces services : le budget global des SDIS s’élève à 4,8 milliards d’euros. Les intercommunalités, on ne le sait pas assez, apportent 41 % de ce budget et les départements prétendent financer le solde, oubliant que sur ces 2,3 à 2,5 milliards d’euros qu’ils s’attribuent, 800 millions à 1 milliard correspondent à l’affectation par l’État aux départements d’une partie du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance.

M. Éric Ciotti. Ce n’est pas exact.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Si. Ces éléments sont incontestables et je les tiens à votre disposition. Et si cela ne correspond pas à la réalité, je vous convie dans le meilleur restaurant de votre choix à Paris…

M. Éric Ciotti. Je prends le pari ! Et si vous avez raison, je vous convie à Nice…

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Et comme je vous sais extrêmement gourmand et gourmet, j’ai conscience de prendre un risque considérable : c’est dire à quel point je suis sûr de ce que j’avance. Les départements ont fait beaucoup pour les SDIS – il faut le reconnaître –, mais la contribution qu’ils affichent en matière de financement des SDIS ne correspond pas à la réalité. Le dispositif est en réalité assez équilibré. Aussi, compte tenu du montant de la contribution financière de l’État et du rôle de garant qu’il joue en matière d’égalité des citoyens devant les secours d’urgences aux personnes et les SDIS, compte tenu par ailleurs du développement de la coopération européenne et de l’engagement de plus en plus fréquent de nos forces sur des théâtres européens, j’estime, en ma qualité de ministre de l’intérieur, que l’État doit contribuer à définir les orientations de la politique nationale de sécurité civile ; celle-ci ne peut pas se résumer à la juxtaposition des politiques des différents SDIS.

S’agissant de l’assise territoriale des SDIS, même si les conseils départementaux devaient disparaître dans un certain nombre de territoires où le fait urbain est prédominant, le département lui-même ne disparaîtra pas : il restera une circonscription administrative de l’État. C’est même à l’échelon du département que doit se faire la déconcentration. Il n’y a donc aucune raison de modifier l’organisation départementale des SDIS. Nous avons d’ailleurs d’autant plus d’intérêt à la maintenir que 80 % des agents des SDIS sont des sapeurs-pompiers volontaires : nous ne pourrions pas préserver le modèle français sans ancrage territorial. L’organisation départementale est de ce point de vue tout à fait optimale.

Quant aux territoires dans lesquels les conseils départementaux viendraient à disparaître, j’ai donné la garantie que les dotations affectées par l’État à ces départements pourraient être utilisées pour le financement des SDIS. Je le confirme devant la représentation nationale. Nous avons réfléchi avec la DGSCGC à la meilleure manière d’organiser territorialement les SDIS et les secours d’urgence aux personnes pour éviter tout préjudice.

En matière de prévention des risques d’inondation, nous menons deux types d’actions. Sur le plan opérationnel, les outils de prévision sont affinés et renforcés. La DGSCGC travaille très étroitement avec Météo-France et le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations : cela nous a permis d’éviter bien des difficultés lors des récentes inondations dans l’Hérault. Je me suis rendu dans ce département à trois reprises et j’ai constaté, avec les élus locaux, que les services dépendant de la DGSCGC, les autres administrations de l’État compétentes en matière de prévention, Météo-France et les SDIS travaillaient ensemble dans des conditions satisfaisantes.

En ce qui concerne les risques pandémiques, un plan national de prévention et de lutte contre une pandémie grippale a été élaboré en 2009 et 2010 au moment de l’épisode de grippe H1N1 et décliné aux échelons zonaux et départementaux ; actuellement, il sert de matrice pour l’élaboration du plan Ebola par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. D’autre part, nous avons réformé la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de telle manière que le Conseil des ministres se prononce lors de la réunion qui suit immédiatement la catastrophe constatée, afin que le processus d’indemnisation puisse s’engager dans les meilleurs délais.

Vous m’avez également interrogé, messieurs, sur l’état d’avancement d’un certain nombre de grands dossiers qui concernent la sécurité civile. Le déploiement du réseau ANTARES se poursuit conformément au calendrier prévu. Nous pensons que l’objectif de couverture de 100 % des SDIS à l’horizon 2017 sera tenu. En 2015, malgré les contraintes budgétaires, l’État consacrera 17,7 millions d’euros en crédits de paiement et 7,6 millions en autorisations d’engagement à la poursuite du développement d’ANTARES. Quant au Centre d’alerte aux tsunamis, il est opérationnel depuis le 1er juillet 2012 et a confirmé sa pertinence. Sa mission est d’alerter les autorités dans les quinze minutes qui suivent un événement potentiellement dangereux et d’avertir les centres d’alerte relais. À terme, il pourra surveiller l’océan Indien et les Antilles françaises. L’État a financé la totalité des investissements et appuiera les missions de ce centre. Enfin, la mise en place du centre civilo-militaire de formation NRBCE se poursuit. L’objectif est de rapprocher les formations et de disposer d’une compétence unifiée en matière de risques NRBCE.

J’ai fait un point précis sur le plan d’action pour le volontariat devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon. Nous nous employons à le mettre en œuvre de façon précise, cadencée et volontariste. Au cours des dernières semaines, nous avons lancé une grande campagne nationale de communication baptisée « Sapeur-pompier + volontaire = moi aussi ». Elle s’intensifie actuellement. D’autre part, nous sommes en train de négocier des conventions avec les grands employeurs pour aménager le temps de travail afin de faciliter l’engagement citoyen. De telles conventions ont déjà été signées avec l’Association des maires de France, AREVA et les services de remplacement des salariés agricoles. Cette démarche implique aussi un grand nombre de collectivités territoriales. Mon objectif est de conclure des conventions de ce type avec le maximum d’acteurs socio-économiques afin de faciliter l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Nous incitons en particulier les jeunes à devenir sapeurs-pompiers : la formation initiale et les conditions d’aptitude médicale ont été aménagées à cette fin. L’insertion professionnelle des jeunes est encouragée avec la rénovation du baccalauréat professionnel « sécurité-prévention ». Enfin, nous préparons avec la ministre du logement des dispositions destinées à favoriser l’accès des sapeurs-pompiers volontaires au logement social, y compris dans des conditions incitatives. La demande est très forte en la matière. Je souhaite que nous puissions travailler sur ce sujet avec les grands bailleurs sociaux, dans l’intérêt des territoires et du développement du secours aux personnes.

En ce qui concerne le projet de directive communautaire relatif au temps de travail, nous poursuivons notre mobilisation afin que le modèle français en matière de secours, qui repose sur la juxtaposition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, ne soit pas remis en cause. D’autres États membres présentant un modèle comparable au nôtre, les sapeurs-pompiers volontaires se sont rassemblés à l’échelle européenne et sont intervenus auprès de la Commission pour tenter de la convaincre. Des contacts ont été pris avec la nouvelle Commission, qui n’a pas encore pris ses fonctions. Elle semble assez compréhensive à l’égard des demandes formulées.

S’agissant de la flotte d’hélicoptères du ministère de l’intérieur, la coordination opérationnelle entre la gendarmerie et la sécurité civile monte en puissance. Elle est déjà effective au centre de maintenance de Nîmes-Garons. En visitant cette base cet été, j’ai pu constater que les hélicoptères bleus et rouges étaient désormais entretenus par des équipes intégrées qui font un travail remarquable. Les techniciens échangent leur expérience et suivent des formations communes. Il convient de conforter ce centre de maintenance et de faire en sorte que l’expérience continue à se développer positivement. Je souhaite d’ailleurs aller plus loin encore dans la mutualisation de la maintenance des flottes d’hélicoptères qui concourent à la sécurité civile, en intégrant notamment les hélicoptères blancs. Il n’y a pas de raison de ne pas le faire à un moment où l’argent public est rare. J’ai saisi le Premier ministre par lettre en ce sens.

En ce qui concerne la modernisation des moyens nationaux, je ne reviens pas sur le transfert de la base de Marignane à Nîmes-Garons que j’ai déjà évoquée. Par ailleurs, je vous confirme que le renouvellement des contrats de maintenance est en cours. Il doit permettre d’améliorer le taux de disponibilité opérationnelle et de réaliser des économies. Les discussions avec les différents prestataires s’étant révélées insatisfaisantes, le marché a été déclaré infructueux. Cependant, nous relançons le processus de manière à aboutir à un dispositif conclusif. Pour ce qui est du renouvellement de la flotte de bombardiers d’eau Tracker d’ici à 2020, le choix interviendra en 2015.

Je sais, monsieur Boisserie, à quel point le budget de la gendarmerie vous tient à cœur. Vous vous mobilisez en permanence et de manière très efficace sur ce sujet. S’agissant de la mise en réserve des crédits de la gendarmerie, je suis comme vous obsédé par le dégel, avant même que le gel n’intervienne : je tiens à m’assurer que les crédits votés par le Parlement sont utilisés en totalité. Je partage votre analyse sur ce point. Chaque année depuis 2012, nous avons obtenu des dégels importants pour la gendarmerie nationale : 64 millions d’euros en 2012, 69 millions en 2013, 52 millions en 2014. Pour 2015, nous devrons à nouveau nous mobiliser. Les discussions auront lieu le moment venu et je ne peux pas vous indiquer aujourd’hui le niveau des crédits mis en réserve ni les conditions dans lesquels le dégel pourra intervenir. Je peux simplement vous dire que, jusqu’à présent, nous avons réussi à faire en sorte que les crédits nécessaires à l’exercice de leur mission par nos forces soient débloqués dans de bonnes conditions. Tel a notamment été le cas en septembre dernier.

La création du SAELSI a permis d’optimiser les achats. Néanmoins, ainsi que vous l’avez relevé, la massification des marchés n’est qu’un des leviers de la performance en matière d’achats. Les gains issus de cette massification pour les marchés notifiés en 2014 notamment par le SAELSI ne représentent qu’un peu plus de 20 millions d’euros sur les 88 millions qui ont déjà été enregistrés. Mais nous espérons que la montée en puissance de la mutualisation et de la politique des achats permettra d’obtenir des résultats plus significatifs.

La protection des centrales nucléaires est un sujet que j’ai eu à connaître à Cherbourg. Les centres nucléaires de production d’électricité sont classés « points d’importance vitale ». La création d’un délit spécifique d’intrusion à l’intérieur des CNPE fait l’objet de réflexions au sein de différents ministères, en particulier de ceux de l’intérieur et de la justice. La coordination interministérielle est menée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Monsieur Popelin, l’objectif de convergence des logiciels de rédaction des procédures de la police et de la gendarmerie est pertinent. Mais, si les deux logiciels ont le même usage en front office – la rédaction des procédures –, tel n’est pas le cas en back office : à la différence du LRPGN, le LRPPN sert également à l’élaboration des statistiques de la police nationale. De même, l’organisation des deux logiciels est différente. Nous devons donc prendre un minimum de précautions en matière de convergence.

La formation continue est un domaine intéressant pour la mutualisation, en même temps qu’un sujet sensible. Si la formation initiale doit rester du ressort de chaque force, il est possible d’aller beaucoup plus loin – j’en suis convaincu – dans la mutualisation de la formation, notamment des formations spécialisées que vous avez citées, monsieur Popelin. Il convient de s’appuyer sur les pôles d’excellence de chaque force et d’identifier les économies potentielles en termes d’investissement, notamment dans l’immobilier. Ce chantier doit être relancé, sans renoncer à chercher des éléments de mutualisation avec d’autres ministères, notamment avec celui de la défense en matière de cynotechnie ou d’interventions en montagne, comme cela se pratique déjà dans le domaine de la plongée. Des travaux ont été engagés et vont se poursuivre pour certaines formations techniques, notamment pour celle des unités motocyclistes et celle des unités cynophiles.

La CORAT a pour objectif de renforcer l’efficacité des forces de gendarmerie et de police dans le respect des compétences et de la culture professionnelle de ces forces, notamment dans les zones limitrophes jouxtant la zone gendarmerie nationale et la zone police nationale, ainsi que dans les zones de sécurité prioritaires mixtes. Concrètement, cela passe par plusieurs éléments : l’approfondissement de la coopération opérationnelle au niveau des responsables départementaux ; le renforcement de la coordination dans le domaine judiciaire ; le partage de l’information opérationnelle en temps réel ; l’amélioration de la coordination en matière d’emploi des moyens spécialisés et dans les situations d’urgence. Nous sommes déterminés à avancer sur l’ensemble de ces sujets.

En ce qui concerne les salles de commandement départementales, je suis très favorable à l’extension du traitement des appels par des plates-formes communes, afin que chaque centre opérationnel n’ait à traiter que ce qui le concerne.

Le maillage territorial de la police et de la gendarmerie doit continuer à évoluer. Nous procédons à des redéploiements réguliers et permanents à l’échelle nationale. Je souhaite qu’ils puissent se faire dans la concertation, afin d’éviter les heurts. Nous déployons des policiers là où intervenaient auparavant des gendarmes, et inversement, afin de tenir compte de la spécificité d’un certain nombre de zones et d’être ainsi plus efficaces. Les redéploiements assez significatifs que nous avons effectués cette année ont fait peu parler d’eux, car ils ont été conduits dans le cadre d’un dialogue aussi étroit que possible avec les personnels. Nous poursuivons les redéploiements sur plusieurs axes routiers, notamment sur l’autoroute A 36.

Nous avons engagé la mutualisation entre la police et la gendarmerie au moyen de trois grands outils : le SAELSI, les SGAMI et le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure dit STSI2. Nous allons poursuivre ces efforts. En 2015, la mutualisation pourrait s’intensifier dans deux domaines : la cybercriminalité et la police scientifique et technique. La mise en commun de certains outils peut permettre non seulement de réaliser des économies et de dégager des marges de manœuvre, mais aussi de faciliter le travail d’élucidation.

M. Hugues Fourage. En 2012, un Français sur deux ne faisait plus confiance à sa police. De son côté, le personnel était amer, voire démoralisé, en raison de l’absence d’objectifs clairs, qui avaient laissé place à une politique du chiffre effrénée. Le nouveau gouvernement a donc trouvé non seulement une situation dégradée et un outil obsolète, mais aussi des Français exigeants en matière de sécurité et un personnel impatient de voir sa situation s’améliorer. Dès 2012, le Gouvernement a assuré que le budget de la sécurité serait prioritaire, au même titre que ceux de la justice et de l’éducation nationale. Prioritaire, ce budget l’est resté depuis lors : en 2013, des moyens ont été débloqués dans la mesure du possible ; en 2015, le budget augmentera, certes trop modestement aux yeux de certains, mais conformément à nos capacités budgétaires, que chacun connaît.

En 2014, nous avons voté la mise en place de nouveaux outils juridiques en matière de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance, de géolocalisation et de lutte contre le terrorisme, notamment contre sa forme actuelle, le djihadisme. Ces outils vont dans le sens d’une réelle modernisation. Dans la même logique, la présentation stratégique de la mission « Sécurités » donne la priorité à la poursuite globalisée des délinquances : l’amélioration de la sécurité quotidienne implique de lutter contre les réseaux, notamment contre le vol et le trafic international de voitures. Dans le cadre de cette mission, la sécurité est envisagée dans sa dimension globale, tant à l’échelon local que national, voire international. Cette approche, qui consiste à se battre sur tous les fronts, est à la fois réaliste et novatrice. Les députés du groupe SRC soutiennent bien évidemment votre politique, monsieur le ministre.

M. Éric Ciotti. Je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez finalement obligé de m’inviter, mais ce sera avec grand plaisir : nous avons d’excellentes adresses à Nice… En effet, si la TSCA a été effectivement transférée aux départements par l’article 53 de la loi de finances pour 2005, ce transfert avait été gagé par une réduction à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement : c’est donc bien l’État, et non les départements, qui a réalisé une économie. Les départements assument seuls la charge des SDIS.

Le budget que vous nous présentez s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour la sécurité de nos concitoyens, ainsi qu’en témoignent les derniers chiffres de la délinquance : les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes ont augmenté de 2,64 % entre août 2013 et août 2014 ; les atteintes aux biens ont connu une hausse de 0,8 % et les cambriolages, de 0,7 %. De plus, la présentation de ce budget intervient à un moment où, d’une part, le risque terroriste n’a jamais été aussi élevé dans notre pays et où, d’autre part, les flux migratoires explosent tant à Calais qu’à Menton – où 20 000 immigrés clandestins ont été interpellés depuis le mois de mars.

Face à cette situation très préoccupante et à ce degré élevé de menace, le budget ne nous paraît pas correspondre aux enjeux. S’agissant des augmentations d’emplois que vous évoquez, je vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de 2013, qui souligne la forme de supercherie que contient votre discours en passant sous silence l’écart considérable qui se confirme d’année en année entre le plafond d’emplois annoncé en loi de finances initiale et son exécution, dont vous ne parlez guère. En exécution, le nombre d’emplois dans la police et la gendarmerie nationales a baissé de 1 200 entre 2011 et 2013. La Cour explique très précisément ce phénomène à la page 34 de son rapport et fait le commentaire suivant, lui aussi très clair : « Malgré la volonté affichée de donner une visibilité accrue aux forces de l’ordre, la gestion suivie paraît obéir à une logique rigoureusement inverse. » Je ne voudrais pas qu’on laisse perdurer l’idée que les emplois augmentent ! Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP s’opposera à ce budget, qui ne répond en rien aux urgences de la situation que connaît notre pays.

M. Michel Zumkeller. Pour le groupe UDI, la mission « Sécurités » concerne une des prérogatives essentielles de l’État : assurer la protection de nos concitoyens et améliorer l’efficacité de la lutte contre la délinquance. Or les forces de l’ordre doivent faire face, dans des conditions difficiles, à une délinquance qui ne cesse de croître et qui devient toujours plus violente. En effet, les chiffres sont mauvais et, fait récent, la délinquance touche particulièrement les territoires ruraux.

Comme l’an dernier, ce budget en légère hausse est présenté comme salvateur pour la sécurité de notre pays, mais nous craignons qu’il ne s’agisse seulement d’un budget d’affichage. Il se résume à la création de 405 emplois supplémentaires dans la police et la gendarmerie, chiffre identique à celui qui était prévu dans le PLF pour 2014. Compte tenu des 1 200 postes non pourvus, nous risquons de ne pas voir les effets de cette politique sur le terrain. En outre, il conviendrait de remédier à l’inégalité persistante dans la répartition des effectifs de police d’un département à l’autre.

La réalité quotidienne des forces de police et de gendarmerie est devenue très problématique. Les équipements essentiels – véhicules, téléphones portables, ordinateurs – manquent. L’essence est pratiquement rationnée dans certains départements. Le renouvellement du parc automobile de la gendarmerie nécessiterait l’achat de 3 000 véhicules par an, alors que 2 000 seulement sont prévus pour 2015. L’an dernier, le ministre de l’intérieur avait obtenu le dégel de 111 millions d’euros, chiffre que nous avions jugé insuffisant au regard des difficultés de fonctionnement que connaissent la gendarmerie et la police. Qu’en sera-t-il cette année ?

Enfin, concernant le programme « Sécurité civile », le groupe UDI souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour endiguer la crise du volontariat qui sévit chez les pompiers. Il convient de rendre l’engagement volontaire plus attractif par une politique nationale ambitieuse. Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera contre les crédits de cette mission.

M. André Chassaigne. L’ensemble de la mission « Sécurités » figure au rang des priorités affichées par le Gouvernement. Cela étant, les crédits ne progressent que légèrement, avec une enveloppe de 12,17 milliards d’euros en 2015, soit une hausse de 0,2 % contre 1 % l’an dernier. En réalité, il s’agit d’un budget stable par rapport à 2014. Il prévoit, comme l’année dernière, la création de 405 emplois dans la police et la gendarmerie. Les crédits des différents programmes sont tous en augmentation, sauf ceux de la sécurité routière, qui reculent de 5,7 %. Le budget de la police nationale progresse de 0,7 % et celui de la gendarmerie nationale, de 1,6 %. Mais les crédits de l’action « Ordre et sécurité publics » baissent de 4,7 % et ceux des missions qui relèvent de la sécurité routière de 17,8 %.

En ce qui concerne la police, je cite les propos tenus par un ancien directeur général de la police nationale : « L’Intérieur a beau mettre en avant un budget global préservé, il ne dit pas tout. Sur les 9 milliards de budget de la police, 8 milliards concernent les traitements et pensions. Mais les crédits de fonctionnement ne cessent de baisser : de 1,2 milliard d’euros en 2010 à 900 millions aujourd’hui. » De fait, les syndicats dénoncent unanimement depuis des années une paupérisation de la police, notamment pour ce qui est des moyens matériels, obsolètes ou périmés.

Quant à la gendarmerie nationale, elle sort de dix années de réforme, pendant lesquelles toutes les marges de manœuvre ont été exploitées en matière de maîtrise de la dépense, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Je rappelle à nos collègues de droite que 6 700 postes ont été perdus au cours de la précédente législature, notamment entre 2008 et 2012. Les réductions d’effectifs ont lourdement pesé sur le service quotidien.

J’appelle plus particulièrement votre attention sur la nécessité de maintenir une présence des gendarmes en milieu rural. En effet, depuis quelques années, la délinquance en milieu rural est en augmentation constante : de septembre 2013 à août 2014, 11 158 vols dans les exploitations agricoles – hors vols de carburant et de tracteurs – ont été déclarés aux services de police et de gendarmerie, soit une augmentation de 60 % par rapport à 2009. Afin de dégager des marges de manœuvre financières, la gendarmerie a entrepris, semble-t-il, une réforme de ses échelons de commandement territoriaux ; l’objectif est de gagner en performance et de libérer des effectifs qui pourraient être redéployés dans les zones où les enjeux de sécurité sont les plus importants. Encore faudrait-il que cela ne se fasse pas au détriment des territoires ruraux !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je vous remercie de votre action et de vos paroles, monsieur le ministre, concernant les inondations dramatiques qui ont touché de nombreuses localités de l’Hérault, des Hauts cantons jusqu’au littoral, de Lamalou-les-Bains jusqu’à Montpellier.

Je vous remercie également pour la mutualisation de la maintenance de la flotte d’hélicoptères – les bleus de la gendarmerie, les rouges de la sécurité civile et les blancs du SAMU –, notamment sur la base de Nîmes. Cela ne va pas sans difficulté, car les imputations budgétaires et les cultures ne sont pas les mêmes. D’une manière générale, l’effort de rationalisation que vous avez conduit permet de disposer d’un budget de la sécurité civile évolutif et stabilisé sur trois ans : 439 millions d’euros, puis 435 millions, puis à nouveau 439 millions. Vous parvenez à tenir les budgets tout en augmentant les effectifs, grâce à la rationalisation des missions, au dialogue avec les services et à la construction d’outils communs. L’inflation constante n’est pas une fatalité.

S’agissant de la diminution du nombre de pompiers volontaires – de 200 000 à 137 000 –, il faut aussi s’interroger sur le changement de monde que nous vivons : nous assistons à un rééquilibrage en faveur des villes et au détriment des campagnes, ainsi qu’à une évolution des attitudes à l’intérieur des familles, où l’on devenait auparavant pompier de père en fils, voire de père en fille. Ainsi que vous l’envisagez, il convient en effet de lancer une vaste réflexion nationale et un grand chantier dans les départements qui sont très impliqués dans la gestion des SDIS – ils le sont tous, notamment l’Hérault.

Quant au déminage, il ne concerne plus seulement les armes anciennes : il prend une dimension nouvelle avec le développement du terrorisme. Enfin, on parle peu du deep web – l’internet caché –, qui constitue pourtant un nouvel espace pour la grande criminalité, non seulement le terrorisme, mais aussi le trafic de drogue et la traite des êtres humains. Quel est votre sentiment sur ces questions, monsieur le ministre ?

M. Philippe Goujon. Ainsi que viennent de l’évoquer tous les orateurs, la police et la gendarmerie ont déjà bien des difficultés à remplir leur mission. Or, comment vont-elles faire pour assumer le surcroît de travail que va leur apporter la loi Taubira du 15 août 2014 ? En effet, cette loi a décidé d’un transfert de charges très lourd de la justice vers la police – notamment en matière de suivi de la contrainte pénale et de transaction pénale – qui ne s’accompagne d’aucun transfert de moyens correspondant. De plus, d’autres évolutions de la procédure pénale auront un impact considérable sur le fonctionnement des services et sur la qualité des investigations qu’ils mènent. La réforme de la garde à vue et celle de l’audition libre, notamment, vont alourdir les tâches administratives des policiers et des gendarmes. Les formalités multiples représentent aujourd’hui environ les deux tiers du temps consacré à un dossier. Il ne reste donc plus qu’un tiers du temps pour l’enquête, et encore ! Les officiers de police judiciaire passent désormais plus de 40 % de leur mission à des tâches administratives, ce qui contribue au malaise dans la police, voire à une désaffection pour les services de police judiciaire. Comment allez-vous procéder, monsieur le ministre ? Vous devrez soit alléger les procédures, soit renforcer encore les moyens, ce que votre budget ne permet pas de faire.

M. Luc Belot. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les efforts réalisés pour favoriser la présence des policiers et gendarmes sur le territoire, toujours appréciée d’une population à la recherche d’une bien légitime sécurité. Toutefois, la présence de ces hommes, pour utile qu’elle soit, n’est pas toujours suffisante car la délinquance a su, ces dernières années, se nourrir des progrès technologiques et des nouveaux usages des outils numériques. C’est évidemment le cas du terrorisme qui, par ce moyen, forme, recrute et guide vers les lieux de djihad, ainsi que d’escrocs de nouvelle génération, et de façon générale, de toutes les bandes organisées. Il n’est pas pour moi question de hurler avec les loups passéistes contre la nécessaire évolution digitale de notre société, bien au contraire : convaincu de l’utilité de bonnes pratiques et du bon usage de ces outils, j’estime nécessaire que, nos forces de gendarmerie et de police s’adaptent en conséquence. Trop de retard a été pris au cours de ces dix dernières années, notamment avec la politique du chiffre et la diminution des effectifs et du peu d’attention portée à ces enjeux d’équipement. Vous avez évoqué tout à l’heure dans votre propos les moyens nationaux et les coopérations internationales et industrielles face au cyberterrorisme ; mais dans chacun de nos territoires, la modernisation de nos forces est également une urgence, leur équipement en techniques et matériels sophistiqués et leur formation une nécessité. Qu’avez-vous prévu pour faire en sorte que nos policiers et gendarmes puissent remplir leurs missions de prévention comme celles de police judiciaire ?

M. Guillaume Larrivé. Je souhaiterais revenir sur la question du rapprochement entre la police nationale et la gendarmerie nationale, initié par une loi de 2009 – rapprochement qui prouve bien, contrairement à ce que vous venez d’affirmer à l’instant, que sous le quinquennat précédent, nous ne nous sommes pas préoccupés que de chiffres ; nous avons eu le souci d’engager des réformes structurelles que, d’ailleurs, vous poursuivez. Quel bilan tirez-vous de ces cinq années de rapprochement ? Si vous en avez beaucoup parlé du point de vue budgétaire, qu’en est-il sur le plan opérationnel ? Cette politique, que vous n’avez sans doute pas votée en 2009, vous paraît-elle bénéfique ? Quelles perspectives souhaitez-vous lui conférer d’ici à 2017 ?

Au-delà des questions budgétaires, j’attire votre attention sur le respect de l’identité militaire de la gendarmerie nationale alors que, le 2 octobre, une chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu contre la France un arrêt Mately ouvrant la voie à l’introduction des syndicats dans les armées en général et au sein de la gendarmerie nationale en particulier. Il me semble nécessaire que le Gouvernement demande le renvoi de cette affaire Mately devant la grande chambre de la Cour européenne, comme il en a le pouvoir dans les trois mois qui suivent un arrêt de celle-ci. Le rapprochement fonctionnel et opérationnel des deux forces de la sécurité intérieure sera d’autant plus efficace que l’on respectera leurs identités respectives et que le Gouvernement continuera, comme l’ont fait les précédents, à s’opposer à la légalisation des syndicats au sein des armées en général et de la gendarmerie en particulier.

M. René Dosière. Ma question concerne la sécurité dans les outre-mer : en 2013, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a souligné une hausse vertigineuse des faits de délinquance – dans les Antilles, en particulier, où des augmentations à deux chiffres ont été relevées en ce qui concerne les cambriolages de locaux industriels et commerciaux, les violences contre les personnes et la délinquance liée au trafic de stupéfiants, particulièrement forte en raison de la situation géographique de ces territoires. Moins connue, mais tout aussi inquiétante est la situation policière de Saint-Martin, particulière en raison de l’existence de la zone refuge que constitue la partie hollandaise où nos forces de sécurité ne sont pas en mesure d’intervenir. Au début de cette année, le Président de la République a fait part, lors d’un de ses déplacements en outre-mer, de sa préoccupation à l’égard de cette délinquance dans la zone caraïbe et préconisé un renforcement des forces de gendarmerie et des zones de police. Quelles actions ont-elles été menées et sont-elles prévues dans ces régions ? Quels progrès concrets envisagez-vous en matière de coopération policière avec la partie hollandaise de Saint-Martin ?

M. Alain Moyne-Bressand. Empêtrés dans une procédure pénale envahissante, policiers et gendarmes ont de plus en plus de mal à accomplir leurs missions. Cet inquiétant constat émane du rapport de la mission d’information sur la lutte contre l’insécurité présidée par notre collègue Jean-Pierre Blazy. Selon ce document, la réforme de la garde à vue s’est traduite par la multiplication du nombre d’actes de procédure, qui limite par voie de conséquence le temps consacré à l’investigation et à la présence sur le terrain, qui devraient pourtant constituer une priorité. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour réduire la paperasserie et les rapports de toute nature et favoriser la présence de nos policiers et de nos gendarmes sur le terrain ? Un plan de réorganisation des commissariats de police et des gendarmeries est-il prévu au niveau national ?

Par ailleurs, mon collègue Didier Quentin m’a prié de vous interroger concernant les renforts saisonniers de CRS ou de gendarmes, qui se réduisent à une période de quatre, voire trois semaines, dans les stations balnéaires ou touristiques l’été. Le corollaire en est, par exemple, l’augmentation de plus de 40 % des cambriolages dans la circonscription de sécurité de Royan. Qu’envisage le ministère ? Pouvons-nous espérer un retour à deux mois complets de renforts durant ces périodes de pic de fréquentation ?

Mme Catherine Troallic. En matière de sécurité, notre pays possède un atout considérable : un gisement de forces mobiles, de gendarmes et de policiers chargés du maintien de l’ordre, très utile dans la lutte contre la délinquance. Ces femmes et ces hommes peuvent être envoyés partout sur le territoire national à tout moment. Je veux ici leur rendre hommage, saluer leur engagement et leur dévouement. De quelle manière les forces mobiles peuvent-elles être employées ? Nous avons au Havre la chance de disposer en caserne d’un escadron de gendarmerie et d’une compagnie de CRS. En outre, deux zones de sécurité prioritaire (ZSP) ont été créées : les forces qui y sont présentes ont souvent grand besoin de l’appui de leurs collègues CRS ou gendarmes mobiles pour accomplir pleinement leurs missions. Ils ne sont pas seulement une force d’appoint mais aussi une force d’appui. Or ces gendarmes ou CRS peuvent être envoyés vers d’autres régions ; cela a été le cas par exemple il y a quelque temps vers Marseille. De tels déplacements, qui ont un coût, ne sont évidemment pas sans conséquences opérationnelles sur place. Quelles sont vos intentions quant à l’emploi de ces forces mobiles – notamment au regard de la nécessité de lutter contre la délinquance dans les ZSP et de maîtriser les dépenses budgétaires ?

M. Jean-Pierre Decool. L’examen du budget de la sécurité est un moment important du débat au sein de notre assemblée. Je profite de cette prise de parole pour rendre un hommage appuyé aux gendarmes, aux sapeurs-pompiers et aux policiers. Je peux témoigner de la qualité des actions qu’ils mènent dans le cadre de leurs missions, ayant souvent l’occasion de les voir à l’œuvre dans ma circonscription et d’y apprécier l’efficacité de leur engagement. Cette année encore, le manque de crédits de fonctionnement reste criant. Dans la gendarmerie, la situation s’aggrave chaque année et les tensions persistent – qu’il s’agisse de l’entretien des véhicules, de l’accès au carburant ou de l’immobilier de l’État. Composé de 30 000 véhicules, le parc automobile de la gendarmerie se dégrade de façon inquiétante. Dans le Nord-Pas-de-Calais, 20 % des véhicules du groupement ont déjà plus de dix ans d’âge. Le budget 2015 prévoit l’achat de 2 000 véhicules alors que le besoin annuel s’élève à 3 000 véhicules. En outre, pour les années 2013 et 2014, 2 650 véhicules seulement ont été achetés. Le véhicule fait pourtant partie du système d’armes de la gendarmerie de sorte que l’état actuel du parc altère la capacité opérationnelle de cette dernière. Ce constat alarmant est d’ailleurs le même dans la police. Monsieur le ministre, je vous alerte aujourd’hui sur la nécessité de renforcer rapidement les moyens dont disposent la gendarmerie et la police. De ces moyens dépendront leur action de proximité et leur efficacité future. Pour la police, je pense plus particulièrement aux nécessaires travaux de réhabilitation du commissariat de Dunkerque.

Permettez-moi aussi d’évoquer la nécessité pour l’État de soutenir le remarquable modèle français de sécurité civile, qui repose en grande partie sur le volontariat des sapeurs-pompiers. La France compte 250 000 sapeurs-pompiers dont 80 % sont des volontaires. Or, depuis une dizaine d’années, le nombre de ces volontaires diminue dangereusement, ce qui remet en cause la disponibilité des secours pour tous. C’est pourquoi il convient aujourd’hui de concrétiser le plan d’action de vingt-cinq mesures signé par votre prédécesseur, notamment l’encouragement du recrutement de sapeurs-pompiers volontaires par les collectivités territoriales ou encore à l’accès privilégié de ceux-ci aux logements sociaux situés à proximité des casernes.

Mme Elisabeth Pochon. Il est un phénomène qui alourdit le sentiment d’insécurité de nos concitoyens au quotidien : l’usage intempestif d’engins motorisés en milieu urbain – motos, quads. Le coût social de ce phénomène récurrent est très élevé. Les nuisances sonores troublent la tranquillité des habitants, l’été en particulier, et provoquent l’exaspération des populations. Plus grave encore, ces rodéos constituent un vrai danger aussi bien pour ceux qui s’y livrent que pour ceux qui en sont les témoins, voire les victimes. Enfin, les difficultés d’intervention rencontrées par les fonctionnaires de police et les risques importants d’accident que génèrent les interpellations constituent un véritable facteur d’explosion sociale. Souvenons-nous de Villiers-le-Bel. Plus récemment, dans ma circonscription, à Villemonble dans le 93, une course-poursuite s’est terminée par un drame au pied des immeubles, et une femme a perdu un œil lors d’affrontements entre des jeunes et la police. La loi du 26 mai 2008 réglemente la commercialisation et l’utilisation de ces engins, mais son efficacité est limitée. Récemment, une proposition de loi a été déposée par le groupe socialiste afin de lutter contre ces circulations abusives en aggravant les sanctions existantes et en renforçant les pouvoirs de la police en matière de confiscation, mais l’enjeu est moins juridique que pratique. Je tenais donc à vous interpeller quant aux moyens ou techniques nouvelles que vous comptez dédier à la lutte contre ce fléau, et à évoquer la trentième proposition du rapport d’information sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire : celle-ci vise à étendre le dispositif de caméra piéton ou embarquée à de multiples territoires, ce qui faciliterait l’élucidation et le repérage à moindre risque des contrevenants. L’exploration de cette piste serait-elle envisageable sur le plan budgétaire ? Le nombre de questions posées par les parlementaires à ce sujet au cours des précédentes législatures témoigne de la pérennité de cet enjeu et de la nécessité d’y trouver des solutions concrètes.

M. Jean-Luc Reitzer. Je souhaiterais vous interpeller, monsieur le ministre, au sujet de l’inégale répartition des forces de police, ce à partir d’un exemple précis. Notre assemblée a auditionné récemment M. Falcone, le directeur général de la police nationale, lequel a annoncé que la répartition des effectifs de policiers et de gendarmes sur le terrain devait désormais s’opérer à partir de nouveaux outils de pilotage. Dans ma circonscription du Haut-Rhin se trouve le commissariat de police de Saint-Louis-Huningue qui rayonne sur une circonscription de sécurité publique au carrefour de trois frontières – l’Allemagne, la France et la Suisse – et à proximité immédiate de la ville de Bâle, zone urbaine dépassant les 800 000 habitants. Par sa situation frontalière, ce territoire fait l’objet de nombreux passages et est la porte d’entrée de nombreux trafics. S’y ajoutent un aéroport trinational – le septième de France pour son trafic de passagers – et le plus grand lycée d’Alsace. Quarante-trois personnes sont affectées à ce commissariat, ce qui peut paraître normal pour un établissement de cette importance. À ceci près qu’il s’agit d’un effectif théorique : dans les faits, manquent en permanence une dizaine d’agents, pour des raisons diverses : accidents de travail, dépression, maladie de longue durée… Or, si le travail effectué par le personnel restant est particulièrement remarquable, ce personnel est à bout, usé et fatigué à tel point que l’an dernier, treize agents ont demandé leur mutation. De plus, quatre OPJ seulement sont affectés à ce commissariat pour gérer une circonscription de 30 000 habitants dans une conurbation de près d’un million d’habitants. À titre de comparaison, dans un commissariat voisin, où les délits sont trois fois inférieurs, il y en a dix-sept ! Compte tenu des espoirs que le directeur de la police nationale a fait naître en annonçant l’instauration de nouveaux outils de pilotage, comment pensez-vous pouvoir réagir à la situation particulière du commissariat de Saint-Louis-Huningue, qui me tient particulièrement à cœur ?

M. Patrick Lebreton. L’an passé, j’ai été missionné par le Gouvernement pour réfléchir aux solutions permettant une meilleure intégration professionnelle des ultramarins dans leur région d’origine. Or un des points de crispation que j’ai identifiés concerne les gardiens de la paix originaires des outre-mer qui éprouvent les plus grandes difficultés à obtenir un retour dans leur région d’origine, compte tenu des règles de mutation défavorables en vigueur. Ces blocages sont particulièrement forts en ce qui concerne les gardiens de la paix d’origine réunionnaise qui ne peuvent espérer un retour dans leur île d’origine avant d’avoir effectué plus de vingt-cinq années de service dans l’hexagone. J’ai donc proposé l’octroi d’une bonification pour les agents justifiant d’un centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) et le retour à la règle dite de l’ancienneté de la demande, en lieu et place de celle de l’ancienneté administrative, remise en cause en 2002 par un précédent ministre de l’intérieur. Lors de son déplacement à la Réunion au mois d’août dernier, le Président de la République s’est engagé à prendre en compte ces propositions et à les traduire dans les textes dès le début de l’année 2015. Quel est l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces deux décisions ?

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, je vous ai trouvé moins précis sur le nombre de véhicules de la gendarmerie que de ceux de la police nationale. Pour ce qui est de la gendarmerie, les bleus budgétaires de l’an dernier et de cette année font état de la disparition d’un millier de véhicules, preuve de l’épuisement du parc. Et il y a quelques jours, j’ai constaté dans la compagnie de Dreux l’existence d’un véhicule d’intervention que l’on essayait tant bien que mal de faire avancer avec 360 000 kilomètres au compteur… C’est dire si la situation est préoccupante.

Ma première question rejoint le propos tenu tout à l’heure par Philippe Goujon lorsqu’il a évoqué ses vives inquiétudes à l’égard de l’exécution des mesures de contrainte pénale : cette préoccupation est largement partagée par l’ensemble des organisations syndicales du ministère de l’intérieur qui ont peur de voir les OPJ se transformer en agents de probation. Le président de Synergie a d’ailleurs eu une formule assez juste, affirmant que la seule contrainte existant dans la loi Taubira, c’est celle que subira la police… Nous aurions donc souhaité connaître l’état de vos échanges avec la chancellerie en la matière.

Ma deuxième question porte sur une proposition avancée par notre collègue Jean-Pierre Blazy dans le cadre de la mission d’information relative à la lutte contre l’insécurité, qui vise à confier aux futures régions la construction de commissariats de police et de bâtiments pour la gendarmerie. Il est vrai que dans le passé, certains conseils généraux ont, de manière volontaire, fait preuve de beaucoup de détermination pour construire des bâtiments pour leurs brigades de gendarmerie. Mais ce n’a pas été le cas de tous, ce qui montre à quel point il serait inquiétant que cette préconisation soit généralisée demain. Il ne me semble pas qu’une mission régalienne puisse devenir une compétence régionale. Qu’en pensez-vous ?

M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la contribution des communes et intercommunalités au SDIS. Or, si jusqu’à une certaine date, les intercommunalités pouvaient se substituer aux communes en ce domaine, on nous indique que ce n’est plus possible aujourd’hui. À l’avenir, les intercommunalités pourraient-elles reverser le produit de cette taxe directement au SDIS ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je commencerai par réagir aux interventions à caractère général des orateurs des groupes afin d’apporter une contribution au débat.

M. Ciotti m’ayant interrogé concernant l’exécution des plafonds d’emploi par le ministère dans le domaine de la police et de la gendarmerie, je vous fournirai des chiffres vérifiables par ceux qui bénéficient d’un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place. En ce qui concerne la police, la LFI 2013 avait prévu 142 317 équivalents temps plein. L’exécution de cette loi de finances a porté les effectifs de la police à 142 286 ETP, soit une sous-exécution de 31 ETP. Pour 2014, l’objectif est de 142 963 ETP. Or, compte tenu des recrutements, les effectifs auraient augmenté de 677 ETP par rapport à 2013. Ces chiffres illustrent notre volonté de procéder à des recrutements, après qu’on a supprimé 13 000 emplois entre 2007 et 2012 dans la police et la gendarmerie.

M. Éric Ciotti. Dans la gendarmerie, les effectifs ont diminué de 1 812 ETP !

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Voici les chiffres de la gendarmerie : l’exécution 2012 : 95 168 ETP ; exécution 2013 : 95 283 ETP ; prévision pour 2014 : 95 387 ETP. Je tiens à l’entière disposition des parlementaires ici présents l’ensemble des tableaux et des éléments statistiques qui illustrent qu’à l’exception de 2013, année marquée par une sous-exécution de 31 ETP. Cette exécution sera en 2014 de + 577 pour la police. Et pour la gendarmerie, nous sommes entre 2012 et 2013 à + 115, et la prévision pour 2014 s’élève à + 104 ETP.

En ce qui concerne les éléments qui ne relèvent pas du titre II, je vous ai fourni tout à l’heure les chiffres relatifs à l’investissement immobilier, qui ne sont pas sans compter dès lors que nous décidons de moderniser nos forces. Si les investissements dans la police ont diminué de 17 % entre 2007 et 2012, les perspectives budgétaires pour 2017 en la matière, qui se traduiront par des engagements dès 2015, prévoient une augmentation de 9,7 % des crédits de paiement et de 22 % en autorisations d’engagement. Que l’on nous reproche de ne pas en faire assez avec plus 500 ETP par an alors que l’on en a supprimé 13 000, c’est un raisonnement auquel je peux accéder à cette heure tardive, mais au prix, je le reconnais, d’un énorme effort sur moi-même !

J’en viens à présent aux statistiques de la délinquance depuis le début de l’année 2014 : ces chiffres présentent l’intérêt d’intégrer l’effet des plans engagés par le Gouvernement, et en particulier ceux du plan de lutte contre les cambriolages décidé par mon prédécesseur au mois de septembre dernier et qui donne des résultats. Comme je souhaite être exhaustif en la matière et m’interdire toute manœuvre d’enfumage, je vous fournirai aussi bien les bons chiffres que les mauvais. Je précise que ces statistiques sont élaborées à l’aide d’un nouveau système statistique ministériel résultant d’un rapport de l’inspection générale de l’administration, celle-ci ayant pointé les incongruités du système précédent.

Les violences aux personnes se sont globalement stabilisées : au cours des premiers mois de l’année 2014, la police et la gendarmerie ont constaté 376 255 faits de violence aux personnes contre 365 534 faits au cours de la même période en 2013 – soit une augmentation de 2,93 %. Les violences physiques crapuleuses, durement ressenties par les Français, sont, elles, en très nette diminution, de 7,69 %. La délinquance crapuleuse – qui était en très nette progression depuis 2011 en raison de la hausse de certains comportements, de celle du cours de l’or et de l’intérêt des délinquants pour les smartphones – semble aujourd’hui contenue. En revanche, les violences physiques non crapuleuses augmentent et expliquent la hausse globale des violences aux personnes : il s’agit de violences intrafamiliales face auxquelles nous menons un travail interministériel : nous n’allons pas mettre un policier dans chaque famille…

Les atteintes aux biens sont globalement stabilisées : si elles étaient orientées à la hausse de 2,63 % en 2013, elles diminuent en 2014. La hausse des cambriolages a été jugulée : l’évolution est de -0,06 % entre janvier et septembre. Et depuis plusieurs mois, le nombre de cambriolages de résidences principales est orienté à la baisse, de 6 %.

J’insisterai également sur l’activité très soutenue des services. Les taux d’élucidation progressent : pour les homicides, ils sont de 84,21 % contre 79 % en 2013 ; pour les vols à main armée, de 46,13 % contre 37,21 % en 2013. Ces taux d’élucidation ont également progressé pour les cambriolages. Ces chiffres témoignent du très fort engagement des services de police et de la gendarmerie pour réduire les faits de délinquance constatés. Et comme je me suis engagé à vous rendre compte tous les six mois des statistiques de la délinquance élaborés à l’aide de notre nouveau système statistique ministériel, vous aurez la possibilité de mesurer au long cours le décalage qui peut exister entre les objectifs que nous nous assignons et les résultats que nous obtenons.

Je conclurai ma réponse à MM. Zumkeller et Ciotti en insistant sur trois points : premièrement, les effectifs augmentent ; deuxièmement, nos crédits d’investissement sont en hausse ; et troisièmement, depuis le début de l’année 2014, notre politique ainsi que plusieurs plans transversaux, tels que le plan de lutte contre les cambriolages, commencent à produire leurs effets, de sorte que les résultats en matière de prévention de la délinquance ne sont pas négligeables.

M. Luc Belot m’a interrogé sur le défi technologique auquel sont confrontées les forces de sécurité intérieure. Par le biais d’une lettre de mission du 19 septembre 2013, signée par le directeur général de la police nationale, nous avons créé un groupe de travail chargé d’identifier les apports des technologies dans la modernisation des forces de sécurité intérieure. Ce groupe était composé de représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, de la direction générale de la gendarmerie nationale et de la direction générale de la police nationale, auxquels ont été associés des experts extérieurs. Le groupe de travail propose que la modernisation technologique du ministère se concentre sur quatre enjeux stratégiques. Le premier consiste à répondre à une société de plus en plus numérique par une proximité renouvelée ; il s’agit d’utiliser les technologies numériques pour favoriser la proximité entre la police, la gendarmerie et les citoyens, d’unifier les plateformes d’appel du 15, du 17, du 18 et du 112 en raison de l’augmentation constante du volume d’appels en lien avec la multiplicité des sources, et de développer un réseau social de l’intérieur réservé aux seuls agents. Le deuxième axe consiste à améliorer l’efficacité du primo-intervenant ; le troisième, à développer les capacités d’anticipation et de conduite opérationnelle ; le quatrième axe enfin, à lutter contre la criminalité à l’aide de moyens technologiques mieux adaptés à la menace. Nous vous transmettrons une fiche présentant avec précision la totalité des actions que recoupent ces quatre axes prioritaires.

Monsieur Dosière, les forces de sécurité outre-mer s’élèvent globalement à 8 360 policiers et gendarmes : dont 3 500 personnels permanents pour la gendarmerie, renforcés par près de 1 500 gendarmes mobiles et environ un millier de réservistes. L’évolution globale des effectifs de la police nationale dans les DOM-COM est marquée par une hausse de quatre-vingt-huit unités entre le 31 décembre 2008 et le 30 septembre 2014 – la dotation passant de 4 772 à 4 860, soit un gain d’effectifs de 1,8 %. La police de l’air et des frontières enregistre une forte progression, avec quarante-trois agents supplémentaires ; vient ensuite la sécurité publique hors services de renseignement territorial, avec une hausse de vingt-quatre.

Les forces de sécurité outre-mer font face, dans les départements que vous avez mentionnés, à des formes de délinquance très variées et à des phénomènes de violence bien supérieurs à ceux constatés en France métropolitaine. Les violences crapuleuses et homicides commis à l’aide d’armes à feu sont notablement surreprésentés dans les Antilles et en Guyane. Et les violences non crapuleuses sont partout très présentes, y compris en Nouvelle Calédonie, à La Réunion et en Polynésie française. Nous avons alloué des moyens supplémentaires à la lutte contre la délinquance économique et financière (DEFI) à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, tels les enquêteurs DEFI à la brigade de recherche de Saint-Martin. De même, peut intervenir la section de recherche de Guadeloupe de la DIPJ aux Antilles ou du GIE. Il est certain que les unités de recherche se concentrent sur les phénomènes les plus violents puisque l’on approchera sans doute en 2014 la centaine de vols à main armée sur la seule partie française de Saint-Martin. Par ailleurs, je me rendrai très prochainement en Guyane afin de définir les modalités d’adaptation du dispositif existant, compte tenu des actes de délinquance qui ont pu y être constatés.

M. Larrivé m’a interrogé au sujet de l’arrêt de la CEDH condamnant la France pour avoir rendu le syndicalisme incompatible avec le statut militaire. Notre approche est très pragmatique sur ce point : des instances de dialogue existant déjà au sein de la gendarmerie, elles ne sont plus à inventer. Elles ont évolué en profondeur depuis quatre ans et ont permis de renforcer le dialogue interne au sein de la gendarmerie nationale. Notre objectif est donc de valoriser l’existant pour apporter la démonstration que nous avons depuis longtemps intégré les préoccupations de la CEDH, que nous avons constamment développé le dialogue au sein de la gendarmerie nationale et que le point auquel nous en sommes arrivés nous paraît une réponse adaptée à ces préoccupations.

Madame Troalic, les services territoriaux peuvent bénéficier de l’appui des compagnies républicaines de sécurité là où elles sont implantées dans le cadre de la lutte contre la délinquance. Ce renfort de forces peut s’effectuer de deux manières : tout d’abord, dans le cadre du principe de la zonalisation des forces mobiles, le préfet de zone peut décider de l’affectation des unités du ressort de sa compétence. Cela correspond au dispositif zonal de sécurisation ; en complément de celui-ci, à la demande de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et dans le cadre d’un dispositif centralisé, la DGPN peut mettre à disposition de l’autorité l’emploi d’unités de forces mobiles. C’est ce que nous avons fait cet été à Calais, ainsi que dans les villes soumises à des risques de débordements au terme de manifestations sportives ou accueillant de grands événements justifiant que l’on renforçât les moyens de sécurité publique pour assurer le bon déroulement de ces événements, comme lors du 70e anniversaire du débarquement.

MM. Goujon et Moyne-Bressand m’ont interpellé sur l’importance des tâches qui seront confiées à la police nationale en raison des multiples réformes et de la complexification des procédures. J’ai eu l’occasion, à la faveur du discours que j’ai prononcé devant les forces de sécurité il y a quelques semaines, en présence du président Urvoas, d’exprimer ma préoccupation de voir ces procédures et ces réformes ne pas alourdir le travail de la police nationale. Je propose pour ce faire de travailler dans deux directions dans le courant de l’année 2015, d’abord en associant très étroitement le ministère de l’intérieur à l’élaboration des textes d’application de la réforme Taubira de manière à ce que le contenu de ces textes d’application donne toutes garanties à nos forces sur les conditions dans lesquelles elles exerceront les missions qui leur sont confiées au titre de cette réforme pour ne pas alourdir leurs tâches ; ensuite en vérifiant si, dans le cadre de la réflexion conduite par le président de la République sur la simplification, on pourrait adopter des ordonnances de simplification dans les domaines là où cela est juridiquement possible. Nous pourrons ainsi alléger les tâches de notre police.

Madame Pochon, s’agissant des nuisances occasionnées par les quads et les mini-motos, je vous transmettrai des éléments précis par écrit : cette question très pointue appellerait des développements très longs sur le port des équipements de sécurité, le respect des règles de circulation, la mobilisation de moyens de lutte contre les nuisances sonores et les conditions d’engagement de nos forces pour répondre à ces enjeux et la prévention.

Monsieur Decool, l’hôtel de police de Dunkerque va faire l’objet d’un investissement de 580 000 euros dont 250 000 en 2015, notamment au titre de la rénovation de son accueil.

Monsieur Reitzer, je vous fournirai également une réponse détaillée et chiffrée par écrit sur la CSP de Saint-Louis. D’ici au 31 décembre 2014, deux départs devraient intervenir ; quatre gradés et gardiens de la paix doivent également arriver. À la fin de l’année 2014, la dotation d’agents du corps d’encadrement et d’application (CEA) se situera ainsi légèrement au-delà des effectifs de référence.

En ce qui concerne l’affectation d’agents d’origine d’outre-mer dans les DOM-TOM, monsieur Lebreton, le droit en vigueur offre la possibilité d’opter, selon le lieu de naissance, pour un régime commun ou un régime dérogatoire. Nous avons évoqué cette question à l’occasion de mon déplacement à La Réunion. Les candidats métropolitains comme ultramarins au concours de recrutement de sous-officier sont soumis, depuis l’instauration du concours national en 2012, aux principes d’égalité de traitement et d’égalité d’accès à la fonction publique. Si nous modifiions le dispositif existant, nous courrions le risque considérable de voir certains fonctionnaires ultramarins pénalisés.

Monsieur Marleix, la gendarmerie possède au 1er juillet 2014 30 155 véhicules dont 1 537 proviennent du marché de l’externalisation pour lequel l’option d’achat a été levée. Les véhicules légers sérigraphiés et deux-roues du parc opérationnel ont en moyenne sept ans d’ancienneté et 175 000 kilomètres au compteur. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules pour un montant de 60 millions d’euros. Or il n’est plus satisfait à une telle exigence depuis quatre ans. En 2014, la construction initiale du budget de l’équipement prévoyait 40 millions d’euros de crédits au titre du renouvellement du parc automobile. L’ensemble de ces crédits a fait l’objet d’un gel dans le cadre de la mise en réserve. Toutefois, 12 millions d’euros ont été annulés au titre de la loi de finances rectificative pour 2014 sur cette même enveloppe – ramenant celle-ci à 28 millions d’euros. Au 30 septembre 2014, nous avons obtenu le dégel de 51,8 millions dont 28 millions au titre de l’acquisition de 1 400 véhicules.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre. Je rappelle que la discussion et le vote en séance publique de cette mission auront lieu le jeudi 30 octobre prochain.

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À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Sécurités » (M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis « Sécurité » ; M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).

Conformément aux conclusions de M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis « Sécurité » et de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2015.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS (18)

• Direction générale de la police nationale

—  M. le préfet Jean-Marc FALCONE, directeur général

—  M. François-Xavier LAUCH, conseiller budgétaire

• Direction générale de la gendarmerie nationale

—  M. le général d’armée Denis FAVIER, directeur général

—  M. le colonel Jean-Pierre AUSSENAC, chef du bureau de la synthèse budgétaire

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• Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN)

—  Mme Céline BERTHON, secrétaire générale

—  M. Jean-Luc TALTAVULL, secrétaire général adjoint

—  M. Paul PRIAM, stagiaire

• Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP)

—  M. Jean-Paul MEGRET, secrétaire national

• Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI)

—  M. Jean-Marc BAILLEUL, secrétaire général

—  Mme Chantal PONS-MESOUAKI, secrétaire générale adjointe

• Synergie officiers

—  M. Mohamed DOUHANE, secrétaire national

—  Mme Isabelle TROUSLARD, conseillère technique

• Unité SGP Police – Force ouvrière

—  M. Henri MARTINI, secrétaire général

—  M. Franck FIEVEZ, secrétaire national

• Alliance police nationale

—  M. Henri BONTEMPELLI, délégué national

• UNSA Police

—  M. Philippe CAPON, secrétaire général

—  M. Thierry LAUNOIS, secrétaire national CRS

—  M. Christophe TIRANTE, secrétaire national préfecture de police

• Syndicat national des personnels de police scientifique

—  M. Samuel REMY, secrétaire général adjoint

—  Mme Frédérique GIRARDET, secrétaire nationale

Table ronde de syndicats de personnels civils de la gendarmerie :

• UNSA-Gendarmerie nationale et Service militaire adapté (SMA)

—  M. Dawi Mario LIBOUBAN, secrétaire général

—  M. Benoît COULON, secrétaire national

• SNPC-FO Gendarmerie

—  M. Dominique LACOSTE, secrétaire national adjoint

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