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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096),
TOME IV
DÉFENSE
PAR M. Guy TEISSIER
Député
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Voir le numéro 3110.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
I. UN CONTEXTE INTERNATIONAL EN PLEINE ÉVOLUTION ET UN ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ DE PLUS EN PLUS DÉGRADÉ AUX PORTES DE L’EUROPE ET JUSQUE SUR NOTRE SOL 11
A. LA REDISTRIBUTION DES PUISSANCES ET LES EVOLUTIONS CONTRASTÉES DES BUDGETS MILITAIRES 11
1. L’émergence des nouvelles puissances 11
a. Des budgets militaires en hausse, sauf pour les Alliés de l’OTAN, jusqu’à très récemment 11
b. L’affirmation de la Chine 13
2. Le retour de puissance américaine et ses limites 15
3. L’insuffisante structuration de la dimension européenne de l’Alliance atlantique 17
a. Une coopération en mode mineur dans le cadre de l’Union européenne 17
b. Une politique de sécurité et de défense commune qui se traduit principalement sur des opérations militaires et civiles réussies et essentielles, mais sans perspective d’ensemble 19
c. La crise des migrants : miroir des insuffisances européennes en matière de politique étrangère commune 21
d. La grande réactivité opérationnelle de l’OTAN face aux risques et aux nouvelles formes de conflits 22
B. DES STRATÉGIES DE PUISSANCE QUI REMETTENT EN CAUSE À DES DEGRÉS DIVERS, MAIS DE MANIÈRE CERTAINE, LE DROIT INTERNATIONAL ET SES ÉQUILIBRES 23
1. La stratégie chinoise de déploiement en Mer de Chine 23
2. Un retour sur le terrain de la puissance russe 25
a. La violation certaine, bien que retenue, des règles de base du droit international et de la sécurité européenne en Ukraine 25
b. L’implication russe en Syrie comme défenseur de la stabilité au profit du Gouvernement de Bachar el Assad 27
C. LA MENACE DU TERRORISME INTERNATIONAL DANS L’IMMÉDIATE PROXIMITÉ DE L’EUROPE 27
1. Daech au Levant et les ambitions du Califat autoproclamé 27
2. La zone sahélo-saharienne et la Libye 29
a. La BSS, le Mali et la présence d’AQMI 29
b. Boko Haram dans l’immédiate proximité 30
c. La Libye 31
D. LA PERMANENCE D’AUTRES MENACES SUR LA SÉCURITÉ 31
1. Le Proche-Orient 31
2. Les incertitudes de l’évolution de la situation en Afghanistan 33
3. Une sécurité maritime toujours menacée 34
4. Un seul défi de sécurité a priori résolu cette année : le nucléaire iranien 35
E. DE NOUVELLES FORMES D’AFFRONTEMENT 36
1. La nécessité d’opérations militaires face à un terrorisme qui se renforce du Moyen-Orient à l’Afrique, et menace le territoire national 36
2. La guerre hybride 37
3. La cybermenace 39
II. UN APPAREIL MILITAIRE QUI FAIT FACE, MALGRÉ UN SURENGAGEMENT 41
A. LE MODÈLE D’ARMÉE PRÉVU PAR LA LPM INITIALE DE 2013 41
B. DES THÉATRES EXTÉRIEURS QUI S’AJOUTENT AUX PRÉCÉDENTS 43
1. De nouvelles opérations, plus longues et plus éprouvantes 43
2. Des engagements majeurs sur quatre théâtres 44
a. La bande sahélo-saharienne : Barkhane 44
b. L’opération aérienne Chammal en Irak, étendue récemment à la Syrie 45
c. L’opération Sangaris 45
d. Le contingent Daman au Liban 45
e. La participation aux opérations de l’Union européenne et aux opérations internationales 46
3. Le renforcement de la protection du territoire national : le déploiement de l’armée de terre sur le territoire national dans le cadre de l’opération « Sentinelle » 46
a. La protection du territoire national, mission courante de l’armée de l’air et de la marine 46
b. Le nouveau théâtre intérieur : l’OPINT 47
4. Les déploiements en nombre croissant de la marine nationale 48
a. Des déploiements permanents au-delà des objectifs du contrat opérationnel 48
b. La nouvelle mission Sophia en Méditerranée 49
c. Un succès dont la pérennité repose sur une présence prolongée : l’opération Atalanta et la lutte contre la piraterie 49
d. La sécurité dans le Golfe de Guinée : Corymbe 50
5. Une opération spécifique mais essentielle : les mesures de réassurance dans le cadre de l’OTAN 50
III. DES MOYENS ACCRUS PAR LA RÉVISION DE LA LPM ET CONFIRMÉS PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016 53
A. L’ACTUALISATION DE LA LPM 53
1. Les effectifs supplémentaires 53
2. Les équipements : une réponse aux besoins les plus urgents révélés par le haut niveau d’engagement 54
a. Un relèvement des moyens 54
b. Combler des lacunes capacitaires 54
c. Répondre à certains besoins spécifiques opérationnels, notamment apparus lors des opérations extérieures 56
d. Des effectifs et des moyens pour la cyberdéfense 58
3. La levée de l’hypothèque des ressources exceptionnelles par la rebudgétisation des ressources 59
B. UN FACTEUR FAVORABLE EN ARRIÈRE-PLAN : LA CROISSANCE DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT 59
C. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016 62
1. Les données budgétaires 62
a. Les acquis de la révision récente de la LPM : des crédits en hausse 62
b. Un effort correspondant à la présence militaire française dans le monde 62
c. Une première traduction de l’effort d’équipement 63
2. L’arrière-plan : la transformation des armées 66
a. Un exemple remarquable de réforme et de réorganisation 66
b. La réorganisation de la fonction internationale : la création de la DGRIS 68
c. L’amélioration du renseignement avec notamment un cadre législatif adapté 69
3. Des limites sur les équipements 69
a. Des taux de disponibilité en hausse, mais une vigilance maintenue sur certains équipements 69
b. La persistance de limites capacitaires 70
c. Le point sur l’A400 M 70
4. Les limites financières 71
a. L’inscription prévue de 450 millions d’euros pour les OPEX 71
b. L’accroissement de la tension de trésorerie 71
c. Une vigilance nécessaire sur la future loi de finances rectificative de fin d’année 73
IV. TROIS REFLEXIONS DE FOND À MENER 75
A. LE MAINTIEN DANS LA DURÉE DU DÉPLOIEMENT DE L’ARMÉE DANS LE CADRE D’OPÉRATIONS INTERIEURES ? 75
B. LA FINALITÉ DES INTERVENTIONS À L’EXTÉRIEUR : L’IMPÉRATIF D’UNE STRATÉGIE D’ENSEMBLE POUR GAGNER LA PAIX AU-DELÀ DES INTERVENTIONS MILITAIRES 77
1. Les origines politiques des mouvements terroristes 77
2. Des interventions en coopération qui mobilisent plusieurs acteurs 78
3. La nécessité d’une approche globale 79
C. LES EFFORTS NÉCESSAIRES POUR ASSURER LE MAINTIEN DE LA FRANCE À SON RANG ACTUEL À PARTIR DES ANNÉES 2020 80
1. Un effort budgétaire à court terme après 2017 pour respecter la LPM révisée 80
2. Des besoins capacitaires avérés pour la période d’après l’actuelle LPM 82
3. Bien anticiper le coût du nécessaire maintien de l’impératif de la dissuasion nucléaire dans la prochaine décennie 83
TRAVAUX DE LA COMMISSION - EXAMEN DES CRÉDITS 85
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 87
Comme chaque année, la commission des affaires étrangères doit se prononcer sur les crédits de la mission Défense.
Ce rendez-vous annuel n’a jamais rien de formel. C’est encore davantage le cas cette année.
En premier lieu, l’année 2015 est une année particulière pour le monde de la défense, à deux titres.
D’abord, c’est celle où l’ampleur de la menace terroriste a conduit à déployer sur le territoire national, en opération, l’armée de terre au-delà du seul contingent, limité, antérieurement prévu dans le cadre de Vigipirate. Après les attentats contre Charlie Hebdo le 7 janvier puis contre l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, le 8 janvier, une force allant jusqu’à 10 000 soldats a été utilisée pour faire face à la menace.
Ensuite, c’est l’année où se sont dénouées, et de manière favorable, trois incertitudes majeures qui grevaient – depuis plusieurs années pour deux d’entre elles – nos exportations d’armement :
– 2015 est l’année des deux premiers contrats de vente de Rafale, à l’Egypte d’abord et au Qatar ensuite, avec en outre des perspectives en Inde ;
– 2015 est l’année de la vente d’une FREMM, à l’Egypte également ;
– 2015 est enfin l’année du règlement de la question des deux BPC de type Mistral, que les conditions politiques ne permettaient plus de livrer à la Russie depuis l’annexion internationalement illégale de la Crimée et l’apparition, avec un soutien plus ou moins discret de Moscou, du séparatisme armé dans les régions orientales, et russophones, de l’Ukraine.
En deuxième lieu, il convient toujours que la France continue à disposer d’un outil militaire conforme à son statut de grande puissance, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et disposant de l’arme nucléaire stratégique.
Le succès des opérations menées sur les théâtres extérieurs doit continuer à pouvoir faire la fierté de nos soldats et du pays, dont le renom est ainsi consolidé.
La France doit par conséquent maintenir au plus haut sa capacité d’intervention en premier sur un théâtre et, ainsi, un niveau d’équipement de ses armées et une industrie de défense lui permettant sans rupture capacitaire majeure d’être présente sur l’ensemble du spectre.
En troisième lieu, alors que la situation internationale était déjà tendue d’une manière particulièrement préoccupante aux portes de l’Europe, avec l’an dernier le retour de question russe sur le flanc Est et le développement sans précédent du terrorisme sur les flancs Sud et Sud-Est, nous avons connu une nouvelle évolution avec l’expansion de Daech hors de son territoire d’origine, qui sort du Levant pour s’établir en Libye, se rapprochant encore de nos frontières.
Sa principale conséquence, la crise des migrants, a pris une ampleur inédite. Faute d’un Proche-Orient stabilisé, les populations partent, et elles partent vers l’Europe qui représente pour elles une zone de stabilité, ainsi que de prospérité.
Les attentats de janvier ont en outre confirmé le diagnostic, pessimiste mais avéré, d’une menace terroriste intérieure très étroitement liée aux menaces extérieures, avec une porosité très importante entre les combattants étrangers de Daech en Syrie, et les terroristes restés sur le territoire national ou revenus du Proche-Orient.
La France et l’Europe sont sous le spectre du retour de ceux que la presse internationale appelle les « combattants étrangers », les Foreign fighters, qui sont pour nous des nationaux partis nous combattre d’abord sur le terrain du Proche-Orient et ensuite, le cas échant, dans leur pays d’origine.
En outre, ces défis interviennent au moment même où les rapports de puissance se modifient dans le monde, notamment en Asie et où ils le font avec une intensité et une rapidité qui ne peuvent laisser indifférents ni notre pays ni notre continent, dès lors qu’ils veulent conserver une certaine maîtrise de leur destin et rester à la hauteur des engagements réciproques qu’ils ont contractés envers leurs alliés, notamment américains dans le cadre de l’OTAN, et envers leurs différents partenaires.
La chute du Mur de Berlin et la fin de la Guerre froide ont permis en deux décennies une transformation complète de nos armées qui sont passées d’un format essentiellement fondé sur le nombre et centré sur la défense territoriale, avec quelques capacités de projection et d’intervention à l’extérieur, notamment en Afrique, à une armée professionnelle de type expéditionnaire parfaitement adaptée aux opérations de gestion de crises et de maintien de la paix selon le concept identifié dès la réunion de l’UEO à Petersberg en juin 1992 sur la base d’un accord établi quelque jours auparavant dans le cadre de l’OTAN, à Oslo.
Il s’agissait alors de tenir compte des besoins nouveaux constatés tant lors de la première guerre du Golfe pour libérer le Koweït, après son invasion par l’Irak, que face à la situation dans l’Ex-Yougoslavie.
La mise en place de ce nouveau format s’est accompagnée en France, comme dans de nombreux autres pays, de la fin du recours aux conscrits et de la baisse de l’effort de défense, dans le cadre des « dividendes de la paix ». Cette évolution, largement poussée par le ministère des finances qui y a trouvé une variable d’ajustement budgétaire après la crise financière de 2008 notamment, a clairement été excessive.
Par conséquent, le format de nos armées tel qu’acté par les dernières lois de programmation militaire, et notamment celle de 2013, a très clairement atteint ses limites, face à la multiplication des théâtres et des menaces.
Même en intervenant en coopération avec nos alliés et partenaires, nos armées ont été mises sous tension de manière croissante : ni l’entretien et le remplacement des matériels, usés par des interventions en milieu difficile, notamment au Mali, ni l’entraînement des hommes et des femmes, pourtant garant du maintien des savoirs qui conditionne le maintien de la compétence de à long terme, n’ont pu être assurés dans des conditions pleinement satisfaisantes.
En outre, un front intérieur est apparu mobilisant jusqu’à 10 000 soldats dans le cadre de l’opération Sentinelle, s’ajoutant aux nombreux déploiements hors de nos frontières.
Dans ce contexte, la révision à la hausse des moyens initialement prévus par la loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM), laquelle entérinait une baisse regrettable du niveau d’ambition de notre effort de défense, est devenue inéluctable.
Elle se traduit par un effort substantiel, de 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires, sur la période 2016-2019, et c’est très appréciable. C’est un ajustement aux besoins.
Avec, pour la mission Défense, 31,976 milliards d’euros en crédits de paiement, y compris 250 millions de crédits exceptionnels, contre 31,4 l’année précédente en loi de finances initiale, le projet de loi de finances pour 2016 n’est pas un mauvais budget. Il est correctement ajusté.
Néanmoins, comme il ne comble pas toutes les lacunes ni ne répond à toutes les interrogations, votre rapporteur pour avis estime, pour sa part, qu’il ne peut que s’abstenir sur la mission Défense.
I. UN CONTEXTE INTERNATIONAL EN PLEINE ÉVOLUTION ET UN ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ DE PLUS EN PLUS DÉGRADÉ AUX PORTES DE L’EUROPE ET JUSQUE SUR NOTRE SOL
La fin de la Guerre froide et la diffusion de la croissance et du progrès économique dans le cadre de la mondialisation entraînent une redistribution considérable des rapports de puissance dans le Monde.
D’abord, la hiérarchie des économies évolue. Selon les approches en parité de pouvoir d’achat, et non en termes nominaux, trop dépendants de cours des devises, la Chine est dorénavant la première puissance économique du monde. Le simple affaiblissement de sa croissance que l’on constate depuis l’été suscite d’ailleurs une inquiétude pour l’ensemble de l’économie mondiale.
Petit à petit, les émergents, dont les BRICS ne sont que les plus emblématiques, ont montré qu’après le monde bipolaire de la Guerre froide, et les quelques années de la suprématie américaine, encore en place, le monde évoluait vers une structuration multipolaire et que cette dernière n’était pas homogène, mais avait un centrage prononcé sur l’Asie.
Cette émergence de nouvelles puissances se traduit dans les budgets militaires.
Publiées en avril dernier, les données comparatives de l’Institut international de Stockholm sur la paix (SIPRI) montrent que sur les 1 776 milliards de dollars de dépenses militaires en 2016, soit 2,3% du PIB mondial, la part des Etats-Unis et de l’Europe occidental a diminué sur la dernière décennie, depuis 2005.
Si l’effort militaire s’est légèrement réduit aux Etats-Unis, avec une baisse de 0,5 %, et plus nettement en Europe de l’Ouest et centrale, avec une diminution de 8,3 %, depuis 2005, on a assisté à une augmentation spectaculaire en Asie, sous l’effet notamment de la Chine avec une augmentation de 167 %, de la Russie (+97 %), de l’Inde (+39 %), et de la Corée du Sud (+34 %).
En marge du continent asiatique, l’Australie a également procédé à un rehaussement significatif de 34 %.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement le Proche-Orient, l’effort militaire a été particulièrement marqué depuis 2005 dans le contexte de concurrence et de tension régionale avec l’Iran, en Arabie saoudite (+97 %), aux Emirats arabes Unis (+135 %), et aussi en Turquie (+15 %).
Les pays d’Afrique du Nord, dont l’Algérie et l’Egypte, ont accru leurs dépenses de 144 %, pour leur part.
Marquant sa volonté d’apparaître comme la première puissance régionale, le Brésil a procédé à une augmentation de 41 %, qui a en fait était réduite sous l’effet des réductions budgétaires dans les années les plus récentes. Le pays n’a fait que suivre l’augmentation générale de 48 % de l’ensemble du sous-continent.
Même l’Afrique subsaharienne n’est pas restée à l’écart de cette évolution, avec une croissance des dépenses militaires de 66 % sur 10 ans.
La principale conséquence de ces évolutions a été la modification de la hiérarchie des budgets militaires.
Le classement originel marquant la suprématie occidentale en 2005, avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et aussi la Chine et le Japon, a été bouleversé.
En 2014, la Chine a été clairement au deuxième rang avec 216 milliards de dollars, devant la Russie, au troisième rang avec 84,5 milliards, l’Arabie saoudite au quatrième rang, avec 80,8 milliards de dollars.
Si la France et le Royaume-Uni sont aux rangs suivants avec respectivement 62 et 60 milliards, viennent ensuite l’Inde (50 milliards de dollars), puis l’Allemagne (46 milliards) et le Japon (45,8 milliards), juste devant la Corée du Sud, qui est au dixième rang, avec 37 milliards, et le Brésil, à la onzième place avec 32 milliards.
Ces niveaux ne sont pas en soi une difficulté car les Etats-Unis continuent à assurer avec 610 milliards de dollars plus du tiers du total mondial, et les pays d’Europe centrale et de l’Ouest font, avec 292 milliards de dollars, davantage que la Russie et même que la Chine, mais c’est dès maintenant qu’il convient de tenir compte de ces évolutions.
Elles ont, en effet, notamment pour la Chine, en termes qualitatifs, des incidences fortes. En arrière-plan des chiffres, ce sont des moyens nouveaux ou renouvelés, en matière navale, en matière de cybersécurité ou en matière nucléaire ou de défense-antimissile, qui sont programmés ou mis en place.
C’est une dynamique de rééquilibrage des puissances que l’on ne peut ignorer.
Cette dynamique n’a pas été inversée par l’augmentation des efforts de défense des pays européens en 2014 (Autriche, Belgique, Danemark, Estonie, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Suède), notamment les pays frontaliers de l’Ukraine et de la Russie.
On observe aussi avec attention l’évolution progressive de l’Allemagne sur les questions de sécurité internationale, sous l’impulsion du président Joachim Gauck et des ministres de la défense Ursula von der Leyen et des affaires étrangères Franz-Walter Steinmeier, exprimée en 2014 lors de la conférence de Münich sur la sécurité. A été affichée la conviction que l’Allemagne devait prendre une part plus grande dans la résolution des conflits mondiaux, y compris dans leur dimension militaire. Son effort de défense devrait augmenter dès 2016, avec 1,2 milliard d’euros supplémentaires, et l’objectif d’accroître de 6,2 % le budget de la défense en cinq ans.
Hormis le parti Die Linke, les partis représentés au Bundestag s’accordent sur la nécessité d’un engagement accru de l’Allemagne, avec un rôle central en Europe.
Le 3 septembre dernier a été l’acmé de la réaffirmation de la puissance chinoise, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, intervenue seulement en août 1945 dans le Pacifique.
Au prix de quelques rectifications de l’histoire, puisque le gouvernement alors légal du Kuomintang et le général Tchang Kaï-check sont passés sous silence, la cérémonie a été une démonstration de la puissance retrouvée de la Chine et l’occasion de certaines annonces.
Le président Xi Jinping a ainsi annoncé la diminution de 300 000 hommes de l’Armée populaire de Libération (APL), sur les quelque 2,3 millions actuellement estimés.
L’objectif est de faire la réforme la plus importante depuis 30 ans, et de donner ainsi à la Chine des capacités de projection destinées à la rapprocher du modèle expéditionnaire des pays occidentaux, avec une réduction des forces terrestres, mais un développement des forces maritimes et aériennes.
Il s’agit de mieux équiper et d’accroître l’efficacité des unités, ainsi que de simplifier la structure de commandement et d’acquérir des capacités de projection à l’extérieur, proche ou lointain.
L’APL justifie notamment son investissement par son éventuelle participation dans des missions humanitaires ou transverses, pour lesquelles elle reste en l’état peu mobilisée en dehors des pays où elle a ou a eu des ressortissants (Mali et Yémen) ou relevant de son voisinage immédiat (Népal).
Il s’agit pour la Chine d’affirmer son statut et d’assoir sur le plan politique sur des bases plus larges ses projets d’infrastructures destinées à sécuriser son commerce international, fondé sur les importations de matières premières et les exportations de biens manufacturés, selon sa vocation à rester l’Atelier du Monde.
Le projet de nouvelle route de la Soie comprend, en effet, une double dimension, non seulement terrestre, avec le développement du rail via l’Asie centrale, mais aussi maritime, avec le Collier de Perles dans l’Océan indien.
Les projets les plus spectaculaires concernent la voie terrestre. Il s’agit de compléter les seuls accès actuels à l’Europe par le transmandchourien ou le transmongolien puis le transibérien, et par la voie ferrée de Tchongking à Duisbourg, ce qui prend 14 jours, par une voie routière et ferroviaire plus directe via le Kazakhstan. Au Nord, une voie ferrée express mettrait Pékin à deux jours de Moscou et au Sud un projet à beaucoup plus long terme permettrait de faire une boucle ferroviaire jusqu’à Londres en passant notamment par l’Inde, l’Iran, la Turquie et l’Autriche.
Il faut aussi mentionner les projets d’autoroutes via l’Asie centrale avec en outre une bretelle permettant de relier Kachgar au port de Gawdar au Pakistan, de manière à faire la liaison avec les points d’appui maritimes.
La ceinture maritime, déjà largement réalisée, repose sur des investissements massifs dans des ports commerciaux en Birmanie, au Sri Lanka et, comme on vient de le voir, au Pakistan.
Il s’agit de réduire à un mois et demi, contre actuellement deux mois, le trajet maritime, sachant que celui-ci reste moins cher que le transport terrestre. Actuellement, le rapport est de un à deux.
La dimension militaire de cette grande stratégie chinoise qui repose notamment sur une influence économique croissante en Asie centrale et dans l’Océan indien, sur les pourtours de l’Inde, a été confirmée par le Livre blanc publié le 26 mai dernier.
Il met l’accent sur la protection des « mers ouvertes » et indique que la flotte « passera progressivement d’une stratégie de défense des eaux au large des côtes à une stratégie combinée de défense de ces eaux et de protection en haute mer ».
On observe aussi un développement de la marine chinoise, qui s’équipe de manière à n’être plus une marine d’eaux côtières, « d’eaux jaunes », mais aussi une marine de haute mer, « d’eaux bleues ».
Depuis le lancement en 2012 du premier porte-avions, le pays vise l’objectif d’en avoir quatre d’ici 2020 et s’équipe massivement en outre en frégates et en bâtiments de débarquement, alors même qu’il renouvelle ses sous-marins d’attaque. Le rythme actuel de construction est de l’ordre d’un sous-marin tous les quatre mois et d’une frégate tous les trois mois.
Ce développement arithmétique ne doit pas masquer que l’écart technologique avec les pays occidentaux reste réel, même s’il se réduit, et il n’en révèle pas moins un changement profond de la vision chinoise de la place du pays dans le monde.
Les Etats-Unis sont la première puissance militaire du monde. La fin de la Guerre froide les a placés en situation de suprématie, acteur global capable d’exercer une influence décisive partout dans le monde si la sécurité et la stabilité l’exigent, mais avec néanmoins des limites.
Comme on l’a vu, le budget de défense des Etats-Unis est le premier au monde avec plus d’un tiers des dépenses militaires totales (37 % en 2013 selon les données du SIPRI), à mettre en regard avec un PIB et une population représentant respectivement 22 % et 4 % du total mondial.
Sur le plan des capacités, l’armée américaine dispose également de la même suprématie, étant la première au monde. Celle-ci ne s’exprime pas tant sur les effectifs, puisque l’on compte toutes catégories confondues, y compris les civils et les réserves, 4,8 millions de personnes pour l’armée indienne et 3,5 millions pour l’Armée populaire de Libération chinoise, et 3,36 millions pour l’armée russe, dont 2 millions de réservistes, contre 2,34 pour l’armée américaine, que sur leur répartition et les matériels : c’est dans l’organisation et la technologie que s’affirme la suprématie américaine.
L’écart des effectifs militaires d’active de l’armée de terre (1,6 million pour la Chine, 1,13 pour l’Inde, et 586 000 pour les Etats-Unis) est plus que compensé par la capacité de projection et d’intervention.
Assurant la sécurité des mers, ainsi que la liberté de navigation et de commerce sur les océans, les Etats-Unis ont une flotte inégalée de très grandes unités, à raison de 10 porte-avions, 72 sous-marins d’attaque et 97 croiseurs, destroyers ou frégates, contre 1 porte-avions encore en cours de mise en service, 70 sous-marins et 69 autres grandes unités pour la Chine, et la Russie ne compte que 64 sous-marins d’attaque et 39 autres grandes unités, ainsi qu’un porte-avions. Néanmoins l’écart tend à se réduire en raison de l’important programme chinois de constructions navales déjà engagé.
La suprématie américaine s’exprime aussi dans les airs avec notamment 3 165 avions de combat et reconnaissance, contre 1 769 pour la Chine et 1 179 pour la Russie, 907 hélicoptères d’attaque contre respectivement 108 et 392, ainsi que 727 avions de transport contre 184 pour la Russie, 65 pour la Chine et 33 pour l’Inde.
S’agissant de l’espace, les 117 satellites militaires américains représentent plus du double des satellites chinois (59) et le double de ceux de la Russie (63), sans même une nouvelle fois rappeler l’écart technologique.
Sur le plan nucléaire, les quelque 7 300 têtes américaines assurent la parité vis-à-vis des 8 000 russes et 250 chinoises.
Cette situation s’appuie sur une économie qui n’est plus la première du monde en termes absolus, en raison de la part croissante de la Chine dans l’économie mondiale, mais qui conserve de fait le premier rang compte tenu de la faiblesse du PIB par tête chinois, lequel ne représente qu’un quart de celui des Etats-Unis.
L’économie américaine a été revigorée jusqu’à ces derniers mois par la révolution du gaz et du pétrole de schiste, qui assure au pays l’indépendance gazière à bas prix, et ainsi les conditions d’une base industrielle solide dans les secteurs de la chimie et des énergo-intensifs, et un allègement de sa dépendance au pétrole, notamment vis-à-vis des importations du Proche-Orient.
Pour autant, les Etats-Unis ne sont pas en situation d’assurer seuls la sécurité du monde.
D’abord, leur effort budgétaire a ses limites. Après avoir connu un pic à 691 milliards de dollars en 2010, le budget de la défense est retombé autour de 560 milliards de dollars en 2015. Pour 2016, 585 milliards de dollars ont été demandés par le Département de la Défense.
Ensuite, les crises ne sont pas uniquement provoquées par des tensions entre Etats ou par des conflits entre un Etat et la société internationale, mais ils le sont essentiellement par des groupes non étatiques qui se développent sur les décombres des Etats faibles ou faillis, comme on l’a vu en Somalie et au Mali, et comme on le voit encore avec Boko Haram au Nigéria, Daech au Levant et aussi en Lybie. Elles exigent des interventions complexes, longues et difficiles, en association avec des alliés et partenaires. Elles sont également coûteuses.
Après les interventions en Irak et en Afghanistan, on a constaté une certaine lassitude de l’opinion publique aux Etats-Unis. Cet élément compte d’autant plus que les résultats des deux campagnes ont été pour le moins incertains, en particulier en Irak.
Enfin, sous la conduite du président Obama, les Etats-Unis ont prévu un rééquilibrage ou pivot vers l’Asie, qui implique que 60 % de leurs forces.
Sur le fond, ils n’ont plus, non plus, souhaité être une république impériale, comme l’écrivait Raymond Aron en 1973, mais une puissance d’influence. En atteste notamment leur attachement à la maîtrise d’Internet et des technologies de la communication.
Cependant, les Etats-Unis continuent à jouer sur la scène internationale un rôle à part : ils ne peuvent, sauf exception, se désintéresser d’une zone déstabilisée.
Que ce soit en Libye ou au Mali, la puissance militaire américaine est restée à l’arrière-plan pour fournir les capacités, notamment de renseignement, que ni les Anglais et les Français, pour le premier théâtre, ni les Français pour le second ne détenaient.
Cet épisode du leading from behind a rapidement trouvé sa limite, car les Etats-Unis, que la perspective de l’indépendance ou au moins d’une large autonomie énergétique pouvait éventuellement éloigner du Proche-Orient, y ont été très vite ramenés par les événements.
Le développement aussi rapide qu’imprévu de Daech, en raison de la la situation en Syrie, au fur à mesure que la guerre civile s’est prolongée, a conduit à une dégradation telle de la situation en Irak que les Etats-Unis ont dû se réengager dans le pays, d’abord avec l’envoi de formateurs conseillers, et ensuite en devenant le pivot de la coalition internationale dont les modalités d’intervention ont été les suivantes : des bombardements ; la formation des militaires et des forces de sécurité irakiennes. Ils ont dû le faire alors même aussi que le pays recevait une aide de l’Iran.
De même, face à Boko Haram, le président Obama a dû envoyer 300 militaires au Cameroun.
L’Alliance atlantique, et l’organisation qui en émane, l’OTAN, ont été dès l’origine l’instrument de la sécurité du continent européen, en y impliquant directement les Etats-Unis, et aussi le Canada contre la menace soviétique, au sortir de la Seconde guerre mondiale.
L’Alliance a survécu à la fin de la guerre froide et a trouvé sa légitimité dans les opérations de gestion de crise, lorsqu’aux portes de l’Europe, l’éclatement de la Yougoslavie a débouché sur une crise que les pays européens seuls n’ont pu régler sans implication américaine.
Depuis l’échec de la Communauté européenne de défense, en 1954, la question de la structuration de la dimension européenne de l’Alliance est en effet posée.
Quels que soient les vocables utilisés, Europe de la défense, pilier européen de l’Alliance, les progrès ont été difficiles et lents, et les résultats trop faibles.
Le traité de Lisbonne a prévu trois avancées significatives, dont deux sont en place : l’institution du Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, vice-président de la Commission européenne et reprenant les fonctions diplomatiques autrefois exercées par le secrétaire général du Conseil, le Haut-Représentant à la Politique étrangère et à la Sécurité commune et le commissaire européen aux Relations extérieures ; la reprise de la clause d’assistance mutuelle automatique entre pays européens, en cas d’agression armée, contre l’un d’entre eux, reprise du traité de l’Union de l’Europe occidentale ; la faculté pour les pays les plus avancés de procéder à une coopération structurée permanente.
Après le mandat de Mme Catherine Ashton comme Haute Représentante, l’action internationale de l’Union européenne a connu impulsion et visibilité avec la nomination de Mme Federica Mogherini, mais n’a pas débouché sur une véritable politique étrangère européenne.
Il est notamment significatif que pour réagir à la crise ukrainienne, l’Union européenne ne s’en soit tenue qu’aux deux volets qui relèvent de sa compétence économique, à savoir les sanctions et les mesures en matière d’approvisionnement énergétique du marché intérieur, et que le volet politique de la négociation avec la Russie ait été traité dans le Format Normandie, établi lors des commémorations du soixante-dixième anniversaire du débarquement du 6 juin 1944, et associant la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France.
La difficulté tient essentiellement à l’absence de vision commune des pays européens, dont chacun tend à rester focalisé sur son environnement immédiat.
Une césure sépare ainsi les anciennes grandes puissances autrefois présentes sur tous les continents, le Royaume-Uni, et la France, et les autres pays, avec en outre, pour l’Allemagne, la difficulté de se projeter vers l’extérieur.
De plus, les deux principales puissances militaires européennes, le Royaume-Uni et la France, n’ont pas la même conception de la coopération militaire : le Royaume-Uni la conçoit multilatérale dans l’OTAN, et bilatérale sinon, comme dans le cadre des accords de Lancaster House, et sur des bases très concrètes et très pragmatiques ; la France est davantage soucieuse de donner à l’Europe la consistance politique qui lui fait tant défaut pour s’affirmer dans le monde au niveau réel où elle se situe.
La réintégration de la France en 2009 dans toutes les structures du commandement intégré de l’OTAN autre que le Groupe des plans nucléaires, parfaitement justifiée, a montré que ce n’était pas uniquement parce qu’elle craignait l’Europe de la défense ne fût une alternative à l’OTAN, et non un raffermissement, que le Royaume-Uni était réticent à une coopération européenne accrue.
C’est une différence d’approche très profonde et très structurelle qui prend ses racines dans le tréfonds des mentalités des peuples et qui mériterait de ce point de vue des études qui dépassent le cadre du présent rapport.
b. Une politique de sécurité et de défense commune qui se traduit principalement sur des opérations militaires et civiles réussies et essentielles, mais sans perspective d’ensemble
L’Union européenne est actuellement engagée dans six missions et opérations militaires et onze missions civiles au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). L’année 2014-2015 a permis le déploiement de plusieurs missions et opérations à un rythme inégalé depuis la création de la PSDC : trois nouvelles missions ou opérations militaires (deux en République centrafricaine et une en Méditerranée) ont ainsi été lancées, ainsi que deux missions civiles (l’une au Mali et l’autre en Ukraine).
Parmi les missions et opérations militaires en cours, deux ont été lancées au cours de l’année 2015 :
– d’une part, EUMAM RCA, mission militaire non-exécutive de conseil et d’assistance aux forces armées centrafricaines lancée le 16 mars 2015, vise à permettre une continuité de l’action de l’UE en République centrafricaine, tout en conservant les acquis de l’opération de PSDC militaire (EUFOR RCA) de sécurisation de quartiers stratégiques de Bangui - achevée le 15 mars 2015 - dont le travail de stabilisation a été un succès ;
– d’autre part, EUNAVFOR MED, opération militaire visant à endiguer les trafics au large des côtes libyennes a été lancée, conformément à la décision du Conseil européen extraordinaire du 23 avril 2015, lors du Conseil Affaires étrangères du 22 juin, afin de contribuer à l’effort collectif de l’Union et des États membres dans la lutte contre les trafics de migrants en Méditerranée.
Parmi les onze missions civiles en cours, deux ont été déployées en 2014 :
– EUCAP Sahel Mali d’une part, dédiée au renforcement des capacités des forces de sécurité civiles maliennes ;
– EUAM Ukraine d’autre part, consacrée à l’assistance aux autorités ukrainiennes dans la réforme du secteur civil de la sécurité.
Parallèlement, et dans le cadre de ce qui pourrait être une approche d’ensemble, l’Union européenne développe des stratégies régionales visant à coordonner les politiques européennes en matière d’action extérieure. Elle s’est ainsi dotée le 24 juin 2014 d’une stratégie de sûreté maritime destinée à protéger les intérêts de l’Union et de ses Etats membres sur l’ensemble du domaine maritime mondial. Sur la base du plan d’action adopté le 16 décembre 2014, les travaux de mise en œuvre concrète de cette stratégie ont débuté et la France reste pleinement impliquée dans le suivi de cette mise en œuvre.
Enfin, consciente que l’efficacité et la crédibilité de son action extérieure reposaient sur sa capacité à agir à toutes les phases d’une crise, par le déploiement d’une multitude d’instruments tant en matière de sécurité que de développement, l’Union européenne a entrepris une réforme de ses structures de gestion de crises. Celle-ci n’est pas encore aboutie, mais les travaux amorcés tendent vers un plus grand décloisonnement des instruments actuels et de meilleures synergies entre les institutions. Si cette réforme constitue un enjeu majeur dans les mois à venir, la France veillera à une place centrale de la PSDC, y compris dans son volet militaire. Un renforcement des capacités de planification d’anticipation et de conduite des opérations et des missions de la PSDC demeure indispensable.
En matière capacitaire, l’Union européenne intervient aussi, mais les résultats sont plus modestes.
La première initiative, le développement du partage et de la mutualisation des capacités (pooling and sharing), qui ont leur pendant dans le cadre de l’OTAN avec les initiatives de « défense intelligente » (smart defence). L’initiative en matière de partage et de mutualisation des capacités de l’Union européenne comprend aujourd’hui 24 projets multinationaux. La France soutient notamment quatre projets majeurs mis en œuvre par l’Agence européenne de défense (AED). L’initiative de ravitaillement en vol consiste ainsi à faciliter l’acquisition d’avions multi-rôles à capacité duale (ravitaillement en vol et transport stratégique) et à mutualiser l’emploi des moyens actuels et futurs. Par ailleurs, la définition du drone MALE (moyenne altitude longue endurance) est engagée dans le cadre d’une démarche trilatérale, avec nos partenaires allemand et italien, en vue de permettre un développement en commun. La réforme du cadre réglementaire de l’Agence, finalisée à l’été 2015, a permis en outre de renforcer son attractivité, notamment par la consécration d’un mécanisme incitatif prévoyant, sous conditions, une exonération de TVA pour les activités conduites par l’AED.
La seconde initiative concerne le renforcement des synergies civilo-militaires, à savoir les questions spatiales, la cybersécurité, la sûreté maritime et l’intégration des drones dans le trafic aérien.
Sur le plan industriel, les Etats membres, la Commission européenne et l’AED se sont engagés dans un exercice de renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), mais le calendrier est lent.
Un programme précurseur en matière de recherche, complémentaire aux programmes nationaux et appelé « action préparatoire », dont les travaux de définition intègrent notamment des représentants de l’industrie de défense française, sera lancé en 2017 pour mettre en place les bases d’un futur programme de recherche et de technologie orienté défense à l’horizon 2021.
Enfin, sur le plan des grandes initiatives, le Conseil des affaires étrangères de mai et le Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 ont eu des résultats trop minces, en-deçà des attentes françaises en tout état de cause.
Le principal d’entre eux a été le mandat donné à la Haute Représentante, Mme Federica Mogherini, pour élaborer avant juin 2016 une nouvelle « stratégie européenne de sécurité et de politique étrangère », l’actuelle datant de 2003 et n’ayant été actualisée qu’une seule fois.
Il faut espérer que ce sera l’occasion de donner à l’Union européenne la perspective d’ensemble qui lui permette de se concevoir dans le monde comme une puissance agissante, capable de maîtriser son destin, en plein partenariat avec ses alliés nord-américains et européens de l’OTAN.
c. La crise des migrants : miroir des insuffisances européennes en matière de politique étrangère commune
La crise des migrants ne relève pas strictement du présent avis, mais elle ne peut non plus être ignorée.
Si l’on s’est focalisé sur les réfugiés du Proche-Orient, en raison de la situation en Syrie, il faut aussi mentionner qu’elle a un volet méditerranéen depuis que l’incapacité de la Libye à se doter d’un Gouvernement unique et stable après la chute du Colonel Khadafi a fait de ce pays le point de passage de l’immigration économique de l’Afrique notamment subsaharienne, ou des personnes qui fuient l’Erythrée.
Avant même de considérer la question des flux et la manière dont on vient en aide aux personnes concernées (sous quelle forme et où ?), on ne peut manquer d’observer que dans un cas comme dans l’autre, c’est faute d’avoir eu une politique étrangère commune que la situation a évolué à ce point pour l’Europe.
Les migrations venant de Syrie ne sont que le résultat d’une absence de stratégie claire. Selon un schéma classique, la poursuite de la guerre civile a conduit à une polarisation sur les extrémistes, qui sont par nature les plus combatifs, car les plus violents, marginalisant sur le terrain et rendant vulnérables les laïcs qui représentaient une alternative à Bachar el Assad.
Cette absence de stratégie européenne, et aussi américaine, a été perçue par le monde entier, indépendamment de savoir si la mesure était ou non justifiée, lorsque des frappes aériennes ont été envisagées à la fin de l’été 2013, sur les sites chimiques de l’armée syrienne. La France était prête, le Parlement du Royaume-Uni s’est opposé, et en définitive, après avoir hésité, le président Obama a renoncé.
Le dossier syrien a été dès le départ extrêmement complexe, et a été obéré par l’absence de résultat sur le dialogue politique entre les différentes parties. Il est néanmoins clair que l’absence de vision commune a donné l’impression à Bachar el Assad que la partie n’était pas nécessairement perdue pour lui, ce qui l’a certainement exonéré de davantage de souplesse, de même que ses soutiens, dans les négociations.
d. La grande réactivité opérationnelle de l’OTAN face aux risques et aux nouvelles formes de conflits
Quelques mois après la crise ukrainienne, en septembre 2014, le Sommet de l’OTAN du Pays de Galles a prévu en matière de défense deux catégories de mesures essentielles.
D’abord, il a réaffirmé l’objectif d’un effort de défense représentant 2% du PIB pour chacun des Alliés, tout en demandant que 20% au moins des dépenses militaires soit affecté à l’acquisition de nouveaux équipements ainsi qu’à la R&D (recherche et développement), afin d’avoir des armées projetables, bien équipées et bien entraînées, et non des armées statiques de soldats nombreux et appartenant à des unités insuffisamment équipées.
Ensuite, dans le cadre du plan d’action pour la réactivité (RAP), les mesures nécessaires pour faire face à la dégradation de la sécurité de l’environnement européen, non seulement à l’Est, mais aussi au Sud et au Sud Est, « à 360° », selon l’expression du secrétaire général de l’OTAN, M. Jens Stoltenberg.
Des mesures d’assurance ont été prises envers les alliés d’Europe centrale, sous forme d’une présence militaire visible et effective, par rotation, pour ne pas enfreindre l’acte fondateur de 1997 sur les relations entre l’OTAN et la Russie qui interdit le stationnement permanent d’unités.
Ensuite, dans le cadre du volet « adaptation », trois axes principaux ont été retenus :
– le renforcement de la Force de réaction de l’OTAN (NRF). L’effort porte essentiellement sur la réorganisation de sa composante terrestre afin de la rendre plus réactive : elle comprendra trois brigades pouvant atteindre ensemble la taille d’une division (20 000 hommes) dont la première sera déployable dans un délai compris entre deux et sept jours et les deux autres sous un préavis de respectivement 30 jours (phase de régénération) et 45 jours (phase de préparation). Les modifications apportées aux composantes aériennes et maritimes demeurent limitées. Par ailleurs, le commandement tactique des composantes sera séparé et l’interface interarmées confiée au niveau supérieur des commandements de composante (Joint Force Command ou Joint Task Force HQ) ;
– la formation d’une « force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation » (VJTF). Cette force fer de lance comprendra la première brigade de la NRF rénovée et sera appuyée par des composantes aériennes et maritimes ainsi que par des forces spéciales. Elle sera placée sous la responsabilité de « nations-cadres » prenant un tour d’alerte annuel, chargées non seulement de son commandement et de sa préparation opérationnelle, mais aussi de la fourniture d’au moins un bataillon et de l’identification des bataillons complémentaires que devront apporter les Alliés dans un souci de « partage du fardeau ». Sept nations cadres se sont proposées (dont la France en 2022) ;
– l’installation d’unités permanentes de commandement et de contrôle dites NFIU sur le territoire des alliés orientaux pour faciliter le déploiement de la VJTF (en temps de crise) ou d’unités lors d’exercices interalliés ou multinationaux (en temps de paix). Les six premières « unités d’intégration des forces » seront officiellement établies en septembre 2015 (Bulgarie – Estonie – Lituanie – Lettonie – Pologne – Roumanie).
B. DES STRATÉGIES DE PUISSANCE QUI REMETTENT EN CAUSE À DES DEGRÉS DIVERS, MAIS DE MANIÈRE CERTAINE, LE DROIT INTERNATIONAL ET SES ÉQUILIBRES
La Chine met à l’épreuve ses voisins et le droit international dans la mer qui porte son nom.
La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 a relancé les revendications territoriales des Etats riverains, qui l’ont tous ratifiée, à l’exception de Taïwan.
Elle recèle, en effet, trois éléments majeurs à l’origine du conflit dans le Sud de cette mer qui comprend plusieurs archipels composés de plusieurs milliers d’îlots inhabitables dans leur immense majorité, et parmi lesquels les Paracels et les Spratleys sont les plus importants.
D’abord, la convention permet aux Etats de délimiter au-delà de leur mer territoriale la zone économique exclusive, dans laquelle ils peuvent exploiter les ressources naturelles, notamment du sol et du sous-sol marin, et au-delà, de demander une extension du plateau continental, extension qui ne concerne que le sol et le sous-sol marin, et non la colonne d’eau.
Ensuite, elle précise également que les îles et îlots donnent droit à une zone économique exclusive dès lors qu’il ne s’agit pas de rochers non habitables.
Ainsi, les droits sur les îlots sont la clef de l’accès aux ressources naturelles, notamment aux éventuelles ressources en gaz et en pétrole offshore.
La Chine s’appuie sur des éléments historiques pour asseoir ses revendications, notamment sur les sources écrites remontant aux anciennes dynasties impériales à partir du XIIe siècle.
Elle a adopté en 1992 une loi les intégrant dans ses eaux territoriales.
Récemment, la Chine a entrepris une opération de construction d’infrastructures portuaires et aéroportuaires de certains de ces îlots, communément appelée entreprise de « poldérisation », l’objectif étant le cas échéant de contrôler autour une ZEE de 200 miles marins alors même que cette faculté n’est ouverte qu’aux îles naturelles et non aux îles artificielles.
Il a été précisé que les bases correspondantes seraient à usage mixte, civil et militaire, ce qui reporte d’autant la frontière stratégique du pays à proximité des autres pays revendiquant ces îlots ou dont la possession contrarie les visées en application du droit de la mer : les Philippines, qui font état d’une occupation des Spratleys après que le traité de San Francisco en 1951 en eut dépossédé le Japon, comme de toutes ses conquêtes dans la région ; le Viet Nam, qui revendique pour sa part les Paracels, et aussi l’Indonésie. La situation inquiète aussi la Malaisie.
La volonté chinoise est d’ordre politique et, en l’état, les propositions des autres parties de régler par le droit la question, comme cela se fait couramment en matière de droit de la mer, soit devant la Cour internationale de justice, soit par arbitrage, n’ont pas été suivies.
A l’autre bout de sa frontière maritime, en Mer de Chine orientale, la Chine a développé une stratégie agressive vis-à-vis des îles Senkaku/Daoyu, dont elle conteste au Japon la souveraineté. Elle a même institué en novembre 2013 une « zone d’identification de la défense aérienne ».
La création de cette nouvelle zone de défense aérienne s’accompagne de règles que doivent observer tous les avions qui la traversent, sous peine d’intervention des forces armées, notamment fournir leur plan de vol précis, afficher clairement leur nationalité, et maintenir des communications radio leur permettant de « répondre de façon rapide et appropriée aux requêtes d’identification » des autorités chinoises.
On observe un certain jeu de bascule dans la tension, avec le déplacement de celle-ci d’un point à l’autre de la Mer de Chine selon les circonstances.
La carte suivante récapitule les principaux éléments du litige, étant précisé que Taïwan a sur le fond les mêmes positions que la République populaire sur le caractère chinois de la zone maritime litigieuse.
Carte de la Mer de Chine et des litiges en cours
a. La violation certaine, bien que retenue, des règles de base du droit international et de la sécurité européenne en Ukraine
Bien que membre de l’ONU depuis l’origine, à la suite de la concession faite à Staline, qui souhaitait y bénéficier d’une influence accrue, l’Ukraine n’est redevenue indépendante qu’après la chute du mur de Berlin, en 1991. La Biélorussie a suivi le même parcours.
L’Ukraine a été reconnue indépendante dans ses frontières d’alors, ce qui incluait la Crimée, primitivement rattachée à la Russie, mais que Krouchtchev lui avait attribué par décret en 1954, et avec elle, la base maritime essentielle de Sébastopol, et non dans celles de 1945.
Cette situation n’a pas semblé poser de problème majeur puisque le Mémorandum de Budapest en 1994, signé par la Russie, ainsi que par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, a garanti ses frontières en contrepartie de l’abandon de son arsenal nucléaire.
L’annexion en mars 2015 de la Crimée par la Russie, après un référendum non reconnu par la communauté internationale, est intervenue en violation caractérisée de toutes les règles de droit international, celles de l’ONU et de l’Acte final d’Helsinki, à l’origine de l’OSCE, sur le respect de l’intégrité territoriale, l’inviolabilité des frontières et l’absence de recours à la force ou à la pression, et en infraction avec la règle du respect des traités et accords internationaux conclus.
L’échange auquel a procédé l’Ukraine entre son arsenal nucléaire certes vieillissant et coûteux, mais réel, et une garantie supplémentaire de sécurité de la part de trois grandes puissances membres permanents du Conseil de sécurité est apparu en définitive désastreux, ce qui est particulièrement choquant au regard du droit international.
C’est la première fois depuis la fin de la Seconde mondiale qu’une telle situation s’est produite en Europe.
Ensuite, avec un soutien russe parfois très peu discret, le séparatisme des ukrainiens russophones s’est manifesté par les armes dans l’Est du pays, dans le bassin du Donbass.
Après une première tentative de cessez-le-feu dans le cadre du premier d’accord de Minsk en septembre 2014, la situation a été stabilisée grâce à l’accord dit de Minsk 2 en février dernier, à la suite de discussions dans le format dit « Normandie » réunissant la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France.
Pour être plus exhaustif, après une période assez incertaine, le cessez–le–feu est assez bien respecté depuis le début du mois de septembre
Elle a été consolidée lors du Sommet dans ce même format qui s’est réuni à Paris le 2 octobre dernier, et qui a relancé le processus politique avec un calendrier étendu par rapport au calendrier initial, avec deux enjeux essentiels : l’organisation des élections locales ; le statut spécial des régions de l’Est de l’Ukraine.
À l’issue du Sommet, le président Porochenko s’est dit prudemment optimiste. Les premiers faits lui ont donné raison, avec le report des élections locales illégales prévues dans les régions séparatistes.
La prolongation d’une telle situation fait cependant que l’Ukraine est en train de rejoindre les pays entravés ou paralysés par les conflits gelés, notamment la Moldavie et la Géorgie.
La relative stabilité actuelle peut au moins partiellement être attribuée à une certaine retenue de la Russie, avec deux explications possibles.
L’une est d’ordre politique, puisque la Russie s’est davantage impliquée en Syrie en renforçant ses troupes qui y sont déployées et en appelant à la mi-septembre à une coalition internationale pour faire du combat contre Daech en Irak et en Syrie une priorité, faisant remarquer que la vague de réfugiés est constituée avant tout de Syriens fuyant les décapitations barbares et autres atrocités commises.
La seconde est d’ordre économique : on peut y voir l’effet des sanctions auxquelles est soumise l’économie russe, de la part de l’Union européenne et des Etats-Unis, sachant que ces sanctions ont un effet considérablement amplifié par la baisse des prix du pétrole.
b. L’implication russe en Syrie comme défenseur de la stabilité au profit du Gouvernement de Bachar el Assad
Le retour de la Russie sur la scène internationale dans le cadre de la guerre civile en Syrie est d’abord intervenu en septembre 2013, avec l’accord sur l’élimination des armes chimiques, qui a permis de sortir de l’impasse après la volte-face du président Obama sur les frappes aériennes sur les sites concernés.
Il est intervenu avec plus d’acuité encore le mois dernier, lorsque le président Vladimir Poutine, faisant référence à la lutte contre l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale, a proposé lors de la 70ème Assemblée générale des Nations unies une large coalition internationale pour lutter contre Daech. Tant le président Obama que le président de la République lui ont opposé une fin de non-recevoir sur le soutien apporté à Bachar el Assad, estimant que ce dernier ne pouvait faire partie de la solution politique.
Renforçant son dispositif militaire sur place à partir de la base de Tartous, la Russie a alors dans le cadre d’une alliance avec l’arc chiite comprenant l’Iran, fortement impliqué en Syrie dès l’origine pour soutenir Bachar el Assad, ainsi que l’Irak, avec la création d’un centre de coopération conjoint sur le renseignement, et le Hezbollah libanais, a entrepris le 30 septembre des opérations aériennes qui ont suscité le doute quant à leur objectif réel, car les zones visées ne concernaient pas uniquement Daech, mais des zones tenues par les autres opposants au gouvernement de Bachar el Assad, affaiblissant ainsi l’un des trois acteurs. En outre, ces frappes se sont accompagnées de violations de l’espace aérien de la Turquie. L’Iran déploie de manière renforcée des troupes au sol en appui de l’armée syrienne.
Une démonstration de force est également intervenue le 7 octobre avec le tir de 26 missiles de croisière SS-N-30 à partir d’un navire situé dans la Mer Caspienne, sur le territoire syrien. Non indispensable sur le plan opérationnel, ce tir a été interprété comme un message à l’OTAN.
C’est sur les décombres de la guerre civile en Syrie, et sur les difficultés de la situation intérieure en Irak, que Daech, que l’on peut aussi appeler le prétendu Etat islamique, a prospéré, après une expansion éclair qui a constitué la grande surprise stratégique de l’année 2014.
A l’origine, il s’agit d’un petit groupe qui s’est affranchi d’Al Qaeda pendant l’intervention américaine. Il est devenu l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), fortement implanté en Syrie à la faveur du chaos créé par la guerre civile, à partir de 2013. En 2014, la fulgurance de sa montée en puissance a tenu à sa capacité d’utiliser les opportunités notamment la politique exclusive du Premier ministre irakien d’alors, M. Nouri al-Maliki pour s’allier les tribus sunnites laissées pour compte et mener une offensive sur le territoire irakien, ainsi que d’anciens baasistes.
La prise la plus importance de Daech a été Mossoul le 9 juin 2014, lui donnant une assise suffisante pour s’autoproclamer « Etat islamique » le 29 juin, et annoncer la mise en place du Califat, entraînant notamment la persécution des minorités chrétiennes, turkmènes et yézidies.
L’objectif est clair : est visée la plus grande extension territoriale possible, comme à l’époque du maximum de l’extension territoriale arabe.
Les difficultés de la progression de Daech, à partir de septembre 2014 en Irak, en raison des frappes aériennes américaines puis de la coalition mise en place en septembre, l’ont conduit à mettre l’accent sur ses offensives en Syrie, prenant le contrôle de vastes zones au Nord et à l’Est du pays, notamment Palmyre, et menaçant à un moment la ville kurde de Kobané, frontalière avec la Turquie.
Le groupe est passé d’une logique de conquête territoriale à une logique plus asymétrique, se mêlant aux populations locales pour déjouer la campagne de bombardements aériens.
Le danger de Daech tient à trois éléments.
D’abord, c’est le nombre. Sans que l’on puisse fournir une donnée précise, il s’agit de plusieurs dizaines de milliers de combattants en majorité étrangers, avec selon les estimations publiées en août dernier par le site d’information The Telegraph, quelque 20 000 étrangers à la zone du Levant, dont 5 000 tunisiens, 2 700 saoudiens, 2 500 jordaniens et 2 000 russes provenant semble-t-il des républiques constituées autour des minorités ethniques. Au total, 81 nationalités seraient présentes. Plus récemment, les services de renseignements américains ont estimés à 30 000 le nombre de ceux venus en Syrie et en Irak depuis 2011, provenant de 100 pays, et estime le flux à 1 000 recrues par mois.
Ensuite, avec Daech, se développe une nouvelle génération de terroristes, extrêmement radicalisés, utilisant la terreur et une violence totalement désinhibée contre leurs adversaires et les populations des territoires conquis. Ils exercent une forte influence sur les jeunes radicalisés dans le monde entier, et sur les autres mouvances terroristes, grâce à un usage intensif des moyens de communication modernes, en particulier des réseaux sociaux.
Le recours à la propagande est permanent avec la volonté de marquer un affranchissement total vis-à-vis des règles de la société internationale, notamment par la mise en scène pour leur diffusion des exécutions macabres et par la destruction des pièces et sites archéologiques, en particulier lorsqu’ils sont inscrits au patrimoine de l’Humanité. C’est la marque d’un défi lancé non pas à quelques Etats ou à l’Occident, mais au monde entier, y compris au monde musulman sunnite qui ne partage pas ses extrémités et son radicalisme.
Le spectre d’une jonction entre des groupes auparavant relativement indépendants les uns des autres, du Golfe de Guinée au Moyen-Orient, reste par conséquent prégnant.
Enfin, Daech a réussi à se structurer de manière suffisamment efficace pour se financer et assurer un certain nombre de fonctions lui permettant d’avoir un soutien suffisant dans la population sunnite pour s’y fondre.
Ses principaux point d’échec ont ainsi été le Kurdistan, les approches de Bagdad défendues avec un soutien iranien, et les parties de la Syrie suffisamment tenues soit par Bachar El Assad, soit par les opposants non extrémistes.
Si ni les frappes aériennes ni les oppositions bien structurées n’ont réussi à éliminer la menace, ni même à réduire son intensité, Daech ne contrôle toutefois aucune des deux grandes capitales qui seraient emblématiques en raison de leur rôle dans le califat historique : Bagdad et Damas.
Une particularité du conflit syrien est l’utilisation périodique de l’arme chimique, même depuis la neutralisation des stocks de l’armée syrienne après l’automne 2013.
Daech a réussi à déborder hors de son espace d’origine et à s’implanter en Libye, sur une bande côtière autour de Syrte au cours de cette année, et à partir de là, tente de s’établir plus au Sud.
Au Mali, en janvier 2013, des groupes terroristes avec notamment AQMI, ont été très proches de prendre le contrôle de l’Etat, en débordant de la partie nord qu’ils contrôlaient, sur le Sud.
Ils ont été arrêtés sur la route de Bamako par les troupes françaises de l’opération Serval, qui ont ensuite opéré un rétablissement de l’autorité du Gouvernement central dans le Nord. Un processus politique a également été engagé pour régler les tensions entre les populations du Nord et celles du Sud.
L’accord de paix issu des négociations d’Alger a ainsi été signé en juin dernier, mais la situation sécuritaire dans le nord du pays demeure instable, la région restant un sanctuaire pour les terroristes. Il existe, de fait, une forte porosité entre certains chefs locaux, les trafiquants et les terroristes, dont le potentiel continue de se régénérer, en dépit des actions de contre-terrorisme menées avec succès contre les têtes de réseau par les forces spéciales françaises. Certains terroristes, parviennent à se réfugier hors d’atteinte des forces françaises, en jouant sur les frontières. Au total, la situation du pays reste très vulnérable, en dépit de la forte présence de la France et de la communauté internationale.
La situation des pays de la bande sahélo-saharienne, déjà très difficile à cause de la conjonction défavorable de facteurs économiques, sociaux et sécuritaires, s’est aggravée avec le développement de deux nouveaux foyers de crise : la région du lac Tchad ravagée par les violences du groupe terroriste Boko Haram, et la Libye, où règne un vide sécuritaire qui offre aux groupes terroristes de nouvelles possibilités en termes de régénération de leur potentiel et d’acquisition d’armement en provenance des anciens arsenaux de Kadhafi.
Depuis 2009, Boko Haram a fait dans le Nord Est du Nigéria environ 17 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés.
Boko Haram est sorti de son territoire du Borno, situé au Nord-Est du Nigéria, et a mené des incursions au Cameroun, puis au Niger, où il disposait de nombreuses cellules dormantes. Il a une méthode de recrutement efficace. Les jeunes enrôlés par Boko Haram se voient promettre une femme, une moto et 300 000 francs CFA, qu’ils ne pourraient sans doute jamais obtenir par d’autres moyens.
Les pays de la commission du bassin du lac Tchad (CNLT, qui rassemble le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad) et le Bénin se sont mobilisés pour contrer l’expansion du groupe terroriste par la mise en place d’une force ad hoc, la Force multinationale mixte.
La situation dans le pays s’est nettement améliorée après l’élection du président Buhari, qui a fait de la lutte contre le terrorisme islamiste, une priorité, période qui a été marquée par un retour de l’armée, mais on ne peut que s’inquiéter de la capacité de récupération, de résilience, de Boko Haram qui reste capable de mener des opérations asymétriques, d’autant que la mise en place de la Force multinationale mixte prend du retard.
Notamment, les pays voisins, le Tchad, le Niger et le Cameroun sont toujours menacés.
Ainsi, lors de la rédaction du présent rapport, le président Obama annonçait le déploiement de 300 soldats américains au Cameroun dans le cadre de la lutte contre le groupe islamiste.
L’objectif de ces forces est de mener des opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance aérienne. Elles seront armées pour leur propre protection mais n’auront pas un rôle de combat.
La Libye a de nouveau sombré dans la guerre civile, en raison de l’enlisement du processus politique et en l’absence d’institutions solides susceptibles d’asseoir l’autorité du Gouvernement sur l’ensemble du territoire.
Avec deux gouvernements l’un à Tobrouk, avec un parlement reconnu par la communauté internationale, et l’autre à Tripoli, où siège le Conseil général national (CGN), le rôle des milices et l’irruption de Daech autour de Syrte, la situation est devenue de plus en plus confuse.
Les efforts entrepris par Bernardino Leon, représentant spécial des Nations Unies pour la Libye, afin de trouver une solution politique entre les principaux acteurs du conflit, ont permis d’aboutir à la perspective d’un règlement politique avec la conclusion de la négociation par un texte à Shkirat le 21 septembre. Il convient maintenant que ce texte soit approuvé par les différentes parties. C’est certes une bonne nouvelle mais il ne faut pas négliger la volonté de nombreux extrémistes de ne pas aboutir. C’est regrettable, car seule la restauration d’une autorité étatique permettra de ramener un niveau minimal sur le territoire libyen. La Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères, Mme Federica Mogherini, a soutenu l’accord en appelant les libyens à un geste courageux.
Au moment de la rédaction du présent rapport, la constitution d’un Gouvernement d’unité nationale présidé par M. Fayez Sarraj, proposée par M. Leon, et soutenue une déclaration conjointe des gouvernements des Etats-Unis et des principaux pays européens, à savoir l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni, n’était toujours pas acquise. Parmi les conditions de la réconciliation, le CGN fait figurer le départ du chef de l’armée libyenne, le général Haftar.
La répression du printemps arabe par Bachar el Assad a aggravé la déstabilisation du Proche-Orient au-delà des conséquences les plus désastreuses de l’intervention américaine en Irak de 2003.
En Syrie, la guerre civile qui fait rage depuis plus de quatre ans a fait des dizaines de milliers de morts, a conduit au déplacement de plusieurs millions de réfugiés, y compris à l’extérieur du pays, et a débouché cet été sur la crise de migrants vers l’Union européenne.
L’absence de perspective militaire a été aggravée par l’irruption de Daech en 2014.
La situation s’est fixée autour d’un équilibre instable avec quatre acteurs : le gouvernement de Bachar el Assad, l’opposition avec ses propres divisions, Daech et les Kurdes.
Largement bloquée en raison d’un repli de fait du régime de Bachar-al-Assad sur le littoral, la région d’Homs et Damas, d’une présence de l’opposition dans l’Ouest et d’un contrôle de l’Est par Daech, et du Nord-Est par les kurdes, la situation militaire pourrait connaître une certaine évolution selon le niveau de l’engagement russe annoncé par le président Poutine, qui souhaite une coordination internationale. Le régime peut encore compter sur une armée nombreuse et sur l’appui des Iraniens, de plus en plus présents sur le terrain. De son côté, l’opposition « modérée » reste trop faible et relativement déconnectée de l’opposition politique constituée par la Coalition syrienne, elle-même fragilisée par ses divisions. Les efforts de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies, Staffan de Mistura, n’ont à ce jour pas abouti.
En Irak, les frappes aériennes opérées par la coalition internationale conduite par les États-Unis ont permis de freiner l’expansion territoriale de Daech et de redonner des marges aux forces irakiennes et kurdes, sur qui repose l’action sur le terrain. L’armée irakienne a cependant essuyé des revers avec la conquête par Daech de la ville de Ramadi, à l’ouest de Bagdad, le 17 mai dernier.
Quelque 3 000 conseillers militaires américains sont en Irak.
Cela a montré la limite de l’action militaire pour éradiquer la menace terroriste et rétablir la paix, ce qui impose au gouvernement du Premier ministre al-Abadi de mettre en œuvre un processus de réconciliation nationale permettant de rallier autour d’un Irak uni les composantes sunnites, chiites et kurdes. Mais cette réconciliation nationale tarde à se concrétiser. Sur le terrain, les milices chiites sont très autonomes, et ont été parfois accusées de se livrer à une épuration ethnique dans les régions « libérées » de Daech.
Les tensions sont également perceptibles avec les zones kurdes.
La situation de la lutte contre Daech a été passablement compliquée avec l’entrée de la Turquie, qui a procédé également à des actions contre extrémistes kurdes.
Au Yémen, les efforts de médiation conduits par l’ONU pour trouver une solution au conflit entre les rebelles Houthis, dont le fief se situe à Sa’dah, dans le nord du pays, et le Gouvernement du Président Hadi ont été anéantis avec la prise de la capitale, Sanaa, par les Houthis, en septembre 2014. En janvier 2015, ils ont placé le Président en résidence surveillée et l’ont forcé à démissionner. Poussant leur avantage, les Houthis ont ensuite progressé vers le sud, en direction d’Aden, où le Président s’était replié. Les Houthis ont finalement pris le contrôle de la ville au mois de mars. Dans le même temps, l’Arabie saoudite a décidé d’intervenir pour stopper l’avancée des Houthis avec l’opération « Tempête du Désert », une campagne de bombardements aériens associant ses principaux alliés du Golfe. Cette crise a ainsi pris une dimension régionale, l’Iran apportant de son côté un soutien aux rebelles houthis. Al-Qaeda dans la péninsule arabique (AQPA), bien implanté, a profité du chaos pour étendre son influence. Au cours de l’été, le Sud du pays et Aden ont été repris par le Gouvernement aidé par les Saoudiens et d’autres Etats, dont le Qatar, mais la perspective d’un règlement politique s’est éloignée avec la crainte d’un conflit prolongé dans les montagnes.
Pour sa part, la perspective d’un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien reste toujours aussi éloignée, ce qui a des effets déstabilisateurs sur l’ensemble de la région. Les élections législatives de 2015, qui ont vu la victoire du parti du Premier ministre Benyamin Netanyahou, le Likoud, ont donné lieu, suite à d’intenses négociations, à la mise en place d’un Gouvernement ancré à droite, laissant peu d’espoirs d’ouverture politique et risquant de renforcer l’isolement d’Israël sur la scène internationale.
Sur le terrain, la situation reste tendue avec notamment des attentats contre les ressortissants israéliens. S’étant rendu sur place, le secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon a indiqué le 21 octobre aux membres du Conseil de sécurité n’être pas optimiste, après ses entretiens sur place.
La fin de la mission de de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan est intervenue le 31 décembre 2014, au terme du processus de transition qui s’est traduit par l’élection du chef de l’Etat, M. Ashraf Ghani, et la formation d’un gouvernement d’union nationale dont le chef, appelé chef de l’Exécutif, est l’ancien candidat battu à l’élection, M. Abdullah Abdullah.
Néanmoins, la situation n’a pas été suffisamment stabilisée et a débuté en janvier 2015 la mission Resolute Support, dirigée par l’OTAN, de conseil, d’assistance et de soutien aux forces de défense et de sécurité nationale afghanes. Engagée sur d’autres théâtres, la France ne prend pas part à Resolute Support.
L’objectif a notamment été de conserver suffisamment de forces dans l’attente des opérations offensives des talibans habituellement menées au printemps et en été. Le pays reste, en effet, encore sous la menace des réseaux insurrectionnels, terroristes et criminels.
Initialement, la mission devait durer deux ans, comprendre 12 000 soldats, américains pour l’essentiel, et aller en diminuant. Les Etats-Unis avaient aussi prévu de retirer la moitié des forces qu’ils conservaient d’ici la fin de l’année 2015, mais ce schéma a été modifié à la demande du président Ghani tant pour appuyer Resolute Support que pour la menée des opérations anti-terroristes.
En effet, le processus de réconciliation avec les talibans a été lancé, mais après la mort du mollah Omar en juillet, le doute a plané sur l’avenir des négociations, le mollah Akhtar Mohamed Mansour ayant appelé à une reprise du Djihad, ce qui s’est accompagné d’une reprise des attentats à la bombe. La prise temporaire de Kunduz a montré la gravité de la situation. Sa reprise s’est faite avec une implication américaine directe avec, en outre, la tragédie du bombardement de l’hôpital de MSF.
Le 9 octobre, les ministres des pays membres de l’OTAN ont certes validé l’approche d’une clôture de Resolute Support et d’une transition vers une nouvelle mission, cette fois civile avec une légère empreinte militaire, mais ils l’ont fait « sous conditions », c’est-à-dire au regard de l’évolution de la sécurité dans le pays et des capacités des forces afghanes.
Le 15 octobre, reconnaissant que les forces afghanes ne sont pas aussi fortes qu’elles le devraient, le président Obama a reporté les échéances prévues en indiquant que le contingent américain serait maintenu à 9 800 hommes pour l’année 2016 et qu’ensuite, pour 2017, 5 700 soldats seraient stationnés sur quatre bases (Kaboul, Kandahar, Jalalabad et Bagram), au lieu d’un millier.
En l’état, 2 300 soldats américains sont morts en Afghanistan. Le coût total de l’intervention est de 60 milliards de dollars pour les Etats-Unis.
Comme le rappelle l’Amiral Rogel, chef d’Etat major de la marine, le monde devient de plus en plus maritime. Cette « maritimisation » est le résultat direct de la mondialisation qui a modifié la division internationale du travail, en décomposant la chaîne de valeur non plus sur une base nationale ou continentale, mais sur une base intercontinentale. L’explosion du commerce international, essentiellement maritime, a également bénéficié depuis 40 ans de la révolution du conteneur et de la diminution des coûts qu’elle a permise.
A cet élément d’ordre économique, s’ajoutent trois autres facteurs de basculement du monde maritime : le changement climatique, qui ouvre les routes du Nord ; le développement de la force navale dans les pays autres que les Etats-Unis, les pays européens et la Russie ; le développement technologique qui permet aussi à des petits groupes de menacer les grandes puissances en des points précis.
La première alerte sur la sécurité maritime est intervenue dans le Golfe d’Aden et plus largement dans les approches de la Mer rouge, avec le développement de la piraterie dans la Corne de l’Afrique à l’occasion de l’effondrement complet de la Somalie.
Les actes de piraterie ont cessé en raison de l’intervention internationale à partir de Djibouti, avec notamment l’opération Atalanta de l’Union européenne et l’opération Ocean Shield de l’OTAN, associant non seulement les Etats-Unis et le Danemark aux pays européens, mais aussi des pays partenaires de l’OTAN comme le Japon et même des pays tiers comme la Chine.
La vigilance concerne maintenant le Golfe de Guinée, où les activités illicites de tous ordres sont notamment facilitées par la situation au Nigéria.
Enfin, la tension avec l’Iran depuis la Révolution de 1979 a également régulièrement relancé les craintes d’une fermeture des deux chenaux du détroits d’Ormuz, véritable « veine jugulaire de l’Occident » selon la formule de Cyrus Vance, ancien secrétaire d’Etat de l’Administration Carter, et aussi de l’Asie orientale avec un transit quotidien de 17 millions de barils jour de pétrole brut.
La même crainte concerne le détroit de Bab el Mandeb à l’entrée de la Mer rouge, compte tenu de la situation au Yémen, et c’est en ce sens qu’il faut saluer, sur le plan stratégique, l’acquisition des deux BPC de type Mistral par l’Egypte.
Ce rappel de la situation internationale serait incomplet s’il ne mentionnait pas l’accord conclu avec l’Iran sur le nucléaire qui met fin au contentieux plus que décennal entre ce grand pays et la communauté internationale. Conclu le 14 juillet, il est entré en vigueur le 18 octobre.
Certes, cet accord n’est pas parfait en ce qu’il consolide certaines avancées de l’Iran qui ne revient donc pas à la situation initiale, et l’on peut comprendre les réserves et inquiétudes qui ont été exprimées par certains observateurs et certains pays.
Cependant, il a le mérite de répondre à suffisamment d’exigences pour éloigner l’Iran de la capacité d’acquérir dans un délai très bref l’arme nucléaire et il évite le recours à la seule alternative en cas d’accord, qui était l’intervention directe en vue de la destruction des installations litigieuses.
Sa mise en œuvre se fait selon un calendrier échelonné sur dix ans avec notamment une levée progressive des sanctions.
Dans les circonstances actuelles, il n’est pas inutile d’éviter de créer un nouveau théâtre.
C’est également dans cette perspective que l’on doit considérer que l’accord n’a pas été invalidé par un refus du Congrès américain.
Cependant, l’Iran est encore considéré comme devant rester sous un régime strict puisque le régime d’embargo sur les armes décidé en 2007 par les Nations unies, est temporairement maintenu.
La doctrine de l’Iran est pour sa part restée inchangée avec une posture défensive sur les frontières et de soutien à ses alliés, notamment en Syrie et au Liban, ainsi qu’au Yémen avec le soutien aux houtistes. En outre, le 11 octobre dernier, l’Iran a procédé à un tir de missile à longue portée.
1. La nécessité d’opérations militaires face à un terrorisme qui se renforce du Moyen-Orient à l’Afrique, et menace le territoire national
Le terrorisme n’a cessé de se développer ces dernières années dans la zone de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient au sens large, selon un arc de crise qui va de l’Atlantique au Golfe arabo-persique en passant par la Corne de l’Afrique et l’Océan indien.
En dépit des interventions militaires, aucun des territoires sur lequel il est apparu n’en a été définitivement libéré, même le Mali, et les groupes terroristes ont montré une capacité d’adaptation et de dispersion qui leur donne une certaine capacité de récupération.
La menace reste toujours très présente. Il s’agit d’une lutte de longue haleine.
En outre, comme l’ont montré les attentats de janvier dernier contre Charlie Hebdo et contre l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris, il y a un lien entre les foyers terroristes hors d’Europe et le risque terroriste sur le territoire national.
Plus précisément, l’opération Serval, lancée en janvier 2013, a bien endigué la montée en puissance des groupes armés terroristes et les a empêché de prendre le contrôle de l’Etat, mais les groupes les plus radicaux se sont dispersés dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne.
Le dispositif militaire français a ainsi dû être régionalisé et réparti l’an dernier pour venir en appui des cinq pays voisins concernés : Mali, Mauritanie, Tchad, Niger, Burkina Faso.
Au cours de l’été 2014, en Irak et en Syrie, la militarisation de la menace terroriste s'est accentuée et a franchi un nouveau seuil avec la progression de Daech, comme on l’a vu.
Celui-ci non seulement manifeste une volonté d’implantation territoriale au Levant, mais la supériorité de ses capacités militaires et financières lui permet de rivaliser avec des groupes terroristes plus anciens, comme Al Qaeda ou Boko Haram, et de viser des implantations au-delà de la seule zone qu’il contrôle.
Il est ainsi implanté en Libye où il contrôle une partie de la côte à partir de Syrte et représente un défi supplémentaire pour le Gouvernement de Tobrouk, mais aussi aux groupes locaux en particulier Al Qaeda, ce qui accroît encore la confusion et l’instabilité du pays déjà en plein chaos. Au Mali, le groupe Mourabitoune s’y est affilié.
Le spectre d’une connexion de ces foyers entre eux ne peut être écarté. Si des liens existent entre les différentes mouvances terroristes, il semble en l’état que ces allégeances de type « franchise » n’aient pas de conséquences opérationnelles trop fortes.
Cependant, la mobilité de ces groupes et la capacité d’opérer des fusions fait que l’ensemble des foyers de crise doit faire l’objet d’une attention constante.
Enfin, la menace terroriste fait clairement apparaître le lien, le continuum, entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure.
Celui-ci était déjà très clairement perceptible lors des attentats du 11 septembre, puisqu’un groupe basé en Afghanistan, Al Qaeda alors commandé par Oussama Ben Laden, a été défier les Etats-Unis sur leur propre territoire.
Les attentats de janvier ont montré que la France, comme d’autres pays européens, était directement exposée, avec en arrière-plan le problème des individus qui s’expatrient pour le djihad et rentrent ensuite en Europe pour y mener des actions terroristes, ou y développer la propagande djihadiste, utilisant tous les ressorts de la communication.
Face à cette situation, les forces armées sont dorénavant engagées à grande échelle dans des opérations de nature militaire, de contre-terrorisme.
La notion de guerre hybride a pour origine l’utilisation par l’auteur d’une atteinte à la sécurité de modes opératoires qui ne relève en principe pas de sa catégorie.
À l’origine, a été considérée comme hybride toute menace émanant d’un acteur non-étatique utilisant des instruments relevant habituellement des Etats. Puis, la notion a été étendue aux Etats qui, à l’inverse, recouraient à des instruments ou à des modes d’action infra-étatiques ou asymétriques pour parvenir à leurs fins.
Elle a par conséquent été employée lorsque la Russie a pris de contrôle de la Crimée en mars 2014, avec des troupes sans insignes apparents et sans identification (les « petits hommes verts »), associée à une multiplicité de procédés, notamment la communication et la propagande, pour réduire la capacité de réaction des Etats-Unis et des pays européens de l’OTAN, partenaires de l’Ukraine et seuls susceptibles de mettre fin à cette violation flagrante du droit international.
Au Sud également, la notion trouve à s’appliquer avec des groupes non étatiques, comme Daech mais pas seulement, qui prospèrent soit sur l’affaiblissement des Etats en place, soit contribuent à les affaiblir encore, comme c’est le cas en Irak, et mènent des stratégies qui prennent de cours les réactions des forces armées conventionnelles.
L’un des points clefs de la guerre hybride est que les Etats sont pris de court par le recours à des procédés inhabituels qui rendent par conséquent inopérants ou peu opérants leurs propres postures et procédures de défense.
Celle-ci repose ainsi sur l’engagement simultané et combiné d’outils qui ne sont pas spécifiquement militaires (désinformation, action cyber, déstabilisation politique, corruption), d’outils militaires non conventionnels (forces spéciales sans insigne ou opérant dans la clandestinité), et aussi de forces conventionnelles de manière limitée (exercices militaires aux frontières, soutien aux forces rebelles locales, manœuvres d’intimidation, envoi de « volontaires »).
L’infériorité, en nombre et en équipements, est ainsi transformée en avantage tactique.
La guerre hybride fait l’objet de réflexions de fond non seulement en France et dans les autres armées, au niveau national, notamment au sein de l’armée américaine, mais aussi au niveau multilatéral, tant au sein de l’OTAN, où l’objectif est d’adopter une stratégie de le guerre hybride, lors du sommet de Varsovie, en 2016, qu’au sein de l’Union européenne avec vraisemblablement une mention explicite dans le cadre de la stratégie européenne en matière de politique étrangère et de sécurité que le Conseil européen a demandé à la Haute représentante, Mme Federica Mogherini, de présenter en juin prochain.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a pour sa part introduit le concept de « menaces hybrides » pour caractériser un adversaire non-étatique qui dispose de capacités de niveau étatique ou de haut niveau technologique ou a contrario les forces de certains États qui recourraient à des modes d’action asymétrique. C’est cette approche qui domine la vision française.
À titre exploratoire ainsi, le centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE) a publié en mars 2015 une étude intitulée « Généralisation de l’hybridité - Conflictualité dans un monde interdépendant et dépendant des nouvelles techniques de communication et d’information ». Le conflit hybride y est défini comme « une forme ambiguë d’affrontement, combinant des actions militaires conventionnelles et non conventionnelles ainsi que des actions non militaires, fondée sur une stratégie de déstabilisation de l’adversaire par l’usage de leviers variés et complémentaires. Il réserve une part importante aux actions d’influence dans tous les domaines en exploitant notamment des outils psychologiques et les possibilités offertes par le cyber espace afin d’atteindre l’objectif final recherché par effets synergiques en jouant sur les asymétries et en affaiblissant jusqu’à l’annihiler la résistance de l’adversaire ». L’originalité de cette étude est de proposer une liste de leviers (militaires ou non) utilisables dans le cadre d’une stratégie hybride et d’analyser les facteurs influant sur leur emploi. Il élabore ensuite une contre-stratégie hybride visant notamment à protéger les vulnérabilités de l’acteur agressé.
Les éléments de propagande sont particulièrement présents dans la guerre hybride avec notamment une utilisation très active d’Internet et des réseaux sociaux pour diffuser les éléments les plus macabres, comme les exécutions publiques.
La cyberguerre a été prise en compte par le Livre blanc en raison de la vulnérabilité croissante de l’Etat et de la société face à des attaques de plus en plus dangereuses, susceptibles de provoquer la paralysie, voire la destruction d’infrastructures d’importance vitale, de systèmes d’armes ou de capacités militaires stratégiques.
Si le précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale envisageait bien, dès 2008, la possibilité d’une attaque informatique d’ampleur contre les systèmes nationaux, cette éventualité est désormais élevée au rang de menace majeure, à forte probabilité et à fort impact potentiel, juste après les agressions armées contre le territoire national et les attaques terroristes.
La menace revêt trois formes :
– le vol de données à des fins soit criminelles soit d’espionnage. Ce dernier est massif et souvent d’origine étatique. En matière industrielle et commerciale, il atteint tous nos secteurs de souveraineté. L’actualité récente a souligné la volonté et les capacités de certaines puissances étrangères. Cela justifie pleinement les mesures de sécurité prônées par l’ANSSI pour protéger les réseaux les plus sensibles. Les intrusions visant l’Etat, les opérateurs d’importance vitale (OIV), ainsi que les autres grandes entreprises du pays, sont aujourd’hui quotidiennes. En outre, la récurrence des attaques en provenance d’Etats peut indiquer que des informations sont méthodiquement collectées afin de rendre possible, dans une situation de conflit, une attaque d’une envergure telle qu’on pourrait la considérer, en elle-même, comme un acte de guerre ;
– des actions de déstabilisation, par le biais de messages hostiles ou de propagande placés sur des sites Internet mal protégés. Les crises internationales récentes ont confirmé que ce mode d’action est devenu un nouveau moyen de protestation ;
– le sabotage, qui vise à perturber le fonctionnement d’installations connectées aux réseaux. Des attaques importantes contre des réseaux bancaires américains ou coréens en 2013 les ont rendus inaccessibles.
À titre indicatif, s’agissant des réseaux informatiques des administrations sur lesquels l’ANSSI déploie des moyens de détection, plus de 1 600 « tickets d’incidents » ont été ouverts en 2013. Près de 340 ont donné lieu à des alertes et 10 restitutions ont été menées auprès des ministères afin d’apporter des préconisations indispensables à la bonne compréhension des attaques qui ont été détectées.
En 2014, les équipes de cyberdéfense du ministère de la défense ont détecté près de 650 incidents significatifs dont certains démontraient un ciblage du ministère. L’année écoulée atteste d’un renforcement et d’une structuration des actions malveillantes dans le cyberespace. Ces incidents ont des conséquences opérationnelles en majeure partie de faible ampleur et relèvent essentiellement de la cyber-criminalité et de la cyber-contestation. Néanmoins, des tentatives d’intrusions ou d’attaques contre nos forces en opérations ont été détectées.
L’attaque la plus commentée cette année a été celle contre TV 5 Monde, avec la prise de contrôle de son site au début du mois d’avril, avec une interruption des programmes.
Hors de France, certaines attaques emblématiques comme celle menée en 2007 contre l’Estonie et contre la Maison blanche à la fin de ce même mois d’avril, puis la découverte d’un cheval de Troie à l’origine de dommages dans le dispositif de sécurité informatique du Bundestag.
Dans le cadre du document rendu public à l’occasion de son évaluation annuelle de la menace présentée en mars dernier, la communauté américaine du renseignement a maintenu au premier rang la cybermenace dans son classement implicite.
L’une des grandes difficultés de la cyberattaque subie est l’identification de l’origine et des auteurs, comme on l’a vu lors de l’attaque contre Sony Pictures Entertainement et c’est une concordance d’éléments forts qui a conduit les Etats-Unis à désigner la Corée du Nord comme étant à son origine.
En retour, certains Etats comme la France se dotent de capacités de cyberattaque.
La loi de programmation militaire 2014-2019 a prévu un modèle d’armée fondé sur des enveloppes et des effectifs précis, avec des missions des capacités bien identifiées.
Sur le plan financier, elle a dédié 158,6 milliards d’euros à l’effort de défense, avec un financement essentiellement budgétaire, mais reposant également sur des crédits exceptionnels nécessairement aléatoires : 6,1 milliards au total, dont 4,8 sur les trois premières années.
Du point de vue des effectifs, la LPM initiale a prévu une déflation des effectifs de 33 675 équivalents temps plein (ETP) sur l’ensemble de la période.
Sur le plan opératoire, cinq fonctions stratégiques ont été identifiées :
– la connaissance et l’anticipation, avec notamment le renseignement technique, et humain, dont le spatial et l’aérien, y compris les drones, et le cyber parmi les composantes essentielles ;
– la dissuasion nucléaire ;
– la protection du territoire national, avec notamment la faculté de renforcer à hauteur de 10 000 hommes issus des forces terrestres les forces de sécurité intérieure et de sécurité civile et les capacités civiles ;
– la prévention des crises avec, entre autres, les déploiements navals permanents et les moyens pré-positionnés en Afrique ou sur la base d’Abu Dhabi aux Emirats arabes unis ;
– l’intervention, avec les capacités de projection hors du territoire national.
Pour les opérations de gestion de crise, les capacités militaires ont été prévues de manière à pouvoir intervenir sur deux ou trois théâtres distincts, avec des alliés ou des partenaires, dont un théâtre en tant que contributeur majeur.
Il s’agit de déployer avec les moyens de commandement et de soutien adaptés : des forces spéciales et de soutien ; l’équivalent d’une brigade interarmes de 6 000 à 7 000 soldats des forces terrestres ; une frégate, un groupe de BPC et un sous-marin d’attaque en fonction des circonstances ; une douzaine d’avions de chasse répartis sur les théâtres ; le cas échéant, des moyens supplémentaires pour les frappes à distance à partir de plateformes aériennes ou navales.
Pour les opérations dites à dominante de coercition contre un adversaire de niveau étatique, les capacités ont été prévues de manière à mener en coalition et sur un théâtre unique une opération majeure dans un contexte de combat à haute intensité, avec un préavis de 6 mois.
L’engagement des forces est alors défini comme plus substantiel avec :
– un ensemble significatif de forces spéciales ;
– deux brigades interarmes de 15 000 hommes des forces terrestres, susceptibles d’être renforcées de brigades alliés pour constituer une division de type OTAN ;
– 45 avions de chasse, y compris de l’aéronautique navale ;
– le porte-avions Charles de Gaulle, deux BPC, un noyau clef national d’accompagnement à base de frégates, d’un sous-marin nucléaire d’attaque et d’avions de patrouille maritime ;
– les moyens nécessaires au commandement, à la logistique et au renseignement.
En outre, il s’agit d’être en mesure de déployer sur le théâtre, à l’issue de l’engagement, une force interarmées pouvant participer à une opération de gestion de crise, dans la durée.
Enfin, de manière permanente, un échelon national d’urgence de 5 000 hommes en alerte est prévu, rassemblant des moyens adaptés aux opérations de gestion de crise comme de coercition et permettant de constituer une force de réaction immédiate de 2 300 hommes projetables dans un délai de 7 jours à 3 000 kilomètres du territoire national, ou d’une implantation militaire à l’étranger. Dans l’intervalle, les armées doivent pouvoir mener une action immédiate par des moyens aériens.
Les moyens prévus avaient été ainsi calibrés avec en particulier :
– la modernisation des deux composantes de la dissuasion, avec notamment la livraison du missile M. 51.2 et le lancement des travaux pour le SNLE de la troisième génération comme pour le missile M. 51.3, pour la composante océanique ;
– le développement des capacités de renseignement avec notamment la mise en œuvre de la composante spatiale optique (CSO) de MUSIS, l’acquisition de drones MALE ;
– le renforcement des moyens de la cyberdéfense ;
– le renforcement des effectifs et des équipements des forces spéciales ;
– une organisation des forces terrestres selon l’architecture suivante : 66.000 hommes projetables comprenant les unités des forces spéciales, 7 brigades interarmes, des unités d’appui et de soutien opérationnel ;
– l’organisation en complémentarité de ces 7 brigades interarmes : deux brigades lourdes pour l’entrée en premier, de deux autres dites légères pour l’intervention d’urgence et trois dernières dites multirôles appelées à faire de la gestion de crise.
– la modernisation et le renouvellement des capacités de combat terrestre, avec le programme d’ensemble Scorpion pour l’équipement du soldat et le renouvellement de la composante blindée ;
– la modernisation des moyens de combat aéromobile et d’aéro-mobilité intra-théâtre, avec le remplacement progressif, et partiel, des Gazelle par des Tigre, et des Puma par des NH 90.
S’agissant de la marine, il faut pour l’essentiel mentionner le remplacement en 2019 d’un sous-marin nucléaire d’attaque Rubis par le premier exemplaire du Barracuda, et la poursuite des livraisons de FREMM, et, pour les forces aériennes, 225 avions de chasse fin 2019 et pour le transport, l’entrée en service de l’A 400 M et la rénovation des C 130, ainsi que le début de la modernisation du missile Scalp.
L’armée française est actuellement engagée sur quatre théâtres majeurs de crises, dans la bande sahélo-saharienne, avec l’opération Barkhane, en République centrafricaine (RCA) avec l’opération Sangaris, au Levant, avec l’opération Chammal, et l’opération Daman, nom de la contribution de la France à la FINUL, laquelle est en place depuis 1978.
Il faut aussi mentionner les autres engagements : l’opération Corymbe dans le Golfe de Guinée, les opérations en Méditerranée dans le cadre de l’Union européenne et, aussi, les opérations de réassurance intervenues en faveur des pays de l’Est à la suite de la crise ukrainienne.
Ces engagements qui concernent les trois armées, selon des modalités variables, sont multiples, extrêmement divers, mais caractérisés par des conditions de vie souvent difficiles mettant fortement à l’épreuve les hommes et les équipements.
Il s’agit aussi, pour l’essentiel, d’engagements sur le long terme, qui répondent à de fortes attentes de la part des pays où nous intervenons et aussi de la communauté internationale.
Même si elle est aidée par ses partenaires et alliés, la France joue dans ces différentes opérations soit le premier rôle, soit un rôle majeur aux côtés des Etats-Unis.
À partir du mois d’août 2014, la France a redéployé son dispositif militaire concentré au Mali lors de l’opération Serval sur l’ensemble de la bande sahélo-saharienne, dans le cadre de l’opération Barkhane, qui englobe également l’ancien dispositif Épervier, positionné au Tchad depuis 1986. Cette opération a pour but de développer la coopération avec les armées du G5 Sahel, lequel est cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité, créé en février 2014 par cinq Etats : la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Leurs armées coopèrent entre elles pour assurer la sécurisation des zones frontalières. Elle comporte également une dimension de contre-terrorisme, reposant sur des actions ponctuelles menées par les forces spéciales. Au total, plus de 3 000 soldats français sont mobilisés sur une zone grande comme l’Europe. Cette opération fait peser des contraintes spécifiques sur les équipements, en raison de ses grandes élongations et des conditions climatiques extrêmes qui accélèrent le vieillissement des matériels et peuvent diminuer leurs performances (capacité d’emport des hélicoptères). Cette présence est appelée à durer, pour plusieurs raisons. En premier lieu, le conflit malien, à l’origine du développement de la menace terroriste dans la zone, n’a pas encore trouvé de solution politique. Une forte conflictualité persiste dans le nord du pays, ce qui exclut que la MINUSMA (Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali) puisse assurer pleinement le relai de l’armée française, qui est en réalité son assurance ultime. En outre, les armées du G5 Sahel n’ont pas encore toutes les compétences et les moyens nécessaires pour garantir un niveau minimal de sécurité sur leur territoire. Enfin, plusieurs crises non résolues en périphérie ont pour effet de déstabiliser les pays de la bande sahélo-saharienne. Il en va ainsi de la menace Boko Haram, qui mobilise fortement le Tchad et le Niger, ainsi que du vide sécuritaire libyen, qui offre des possibilités nouvelles de régénération aux groupes armés circulant entre le sud de la Libye et le nord du Mali.
A la date du 1er septembre dernier, 3 450 soldats étaient déployés dans ce cadre. Sur le plan des équipements, ce sont 260 véhicules logistiques, 250 blindés, 8 avions de chasse, une quinzaine d’hélicoptères, 5 drones et une dizaine d’avions de transport qui sont déployés. Deux points d’appui permanents, à Gao au Mali, et à N’Djamena au Tchad appuient la mission.
L’un des point forts du déploiement est le détachement temporaire au Nord Niger (DTNN) à Madama pour surveiller les points de passage et, surtout, perturber les trafics le long de la frontière libyenne.
Le 19 septembre 2014, la France s’est engagée aux côtés des Etats-Unis dans une campagne aérienne menée contre les positions de l’organisation terroriste Daech en Irak, pour laquelle une coalition internationale a été réunie. Récemment, la France a étendu le champ de ses interventions aériennes à la Syrie. Cette campagne a vocation à apporter un appui aérien aux troupes de l’armée irakienne et aux combattants kurdes aux prises avec l’organisation terroriste sur le terrain. En réalité, cette opération ne peut avoir, à court terme, que l’objectif modeste de contenir l’avancée de Daech, et de soulager les forces armées irakiennes et kurdes pour leur permettre de monter en puissance. À plus long terme, seule une solution politique aux divisions confessionnelles et ethniques irakiennes pourra véritablement réduire la menace constituée par Daech. La France a affirmé son engagement dans la lutte contre Daech, considérée comme une menace à la sécurité nationale en raison de la forte attractivité de ce groupe auprès de « combattants étrangers » français et de sa propagande active pouvant conduire des individus radicalisés à conduire des attentats sur le sol national. À l’heure actuelle, cette opération mobilise environ 700 militaires, dont une centaine de militaires déployés sur le terrain pour des actions de conseil et de formation aux forces armées irakiennes. Par ailleurs, elle peut compter sur une quinzaine d’avions de chasse, répartis entre la Jordanie et la base d’Al-Dhafra, aux Émirats arabes unis.
La France maintient encore, à l’heure actuelle, ses soldats en Centrafrique, où elle était intervenue pour mettre fin aux cycles des violences entre milices ex-Séléka et antibalaka et rétablir un niveau de sécurité minimum, afin de permettre l’installation d’une force internationale de sécurité. Ce passage de relai a débuté, la force Sangaris ayant d’ores et déjà abandonné le secteur ouest du pays à la MINUSCA, la mission des Nations Unies déployée sur le terrain à partir de septembre 2014. Il est prévu que les effectifs de Sangaris soient abaissés à 800 soldats à compter de l’automne. Ils étaient 947 au 1er septembre.
L’armée française est engagée au Liban depuis 1978, depuis que la Force intérimaire des Nations unies au Liban a été créée.
Le mandat actuel est fixé par les résolutions du Conseil de sécurité dont celle de 2006. Il s’agit de contrôler la cessation des hostilités, accompagner, aider et appuyer les forces armées libanaise, et prêter assistance aux populations.
Le contingent français Daman a été stabilisé à environ 850 militaires (832 au 1er septembre), plaçant notre pays au sixième rang des 38 nations contributrices, dont 13 européennes. Le contingent total de la FINUL est d’environ 10 000 hommes.
La France intervient également à l’extérieur de son territoire en prenant part aux opérations extérieures menées en coopération dans le cadre de l’Union européenne, de la politique de sécurité et de défense commune, ainsi que des opérations de l’OTAN et de l’ONU.
Les effectifs sont moindres et figurent dans la carte ci-après.
3. Le renforcement de la protection du territoire national : le déploiement de l’armée de terre sur le territoire national dans le cadre de l’opération « Sentinelle »
La protection du territoire national est la mission originelle de l’armée de l’air et de la marine dans le cadre postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime.
La posture permanente de sûreté aérienne a été prévue après les attentats du 11 septembre 2001, avec deux objectifs : la souveraineté nationale dans l’espace aérien français ; la défense du territoire contre toute menace aérienne. Elle mobilise, sous l’autorité du centre national des opérations aériennes (CNOA), cinq centres de détection et de contrôle (CDC), des avions de chasse implantés sur différentes bases aériennes, une capacité de ravitaillement en vol, un système de détection aéroporté E-3F, des hélicoptères spécialisés disposant de tireurs embarqués, éventuellement des moyens sol-air ainsi qu’en permanence, pilotes, mécaniciens, contrôleurs aériens et personnels de toutes spécialités. Au total, 900 personnes demeurent mobilisées en permanence pour cette mission, et plus de 500 autres sont en astreinte pour intervenir en cas de nécessité.
La posture permanente de sauvegarde maritime vise à protéger les côtes et le littoral français contre les atteintes à l’ordre public et à l’environnement. Cette mission englobe à la fois la lutte contre les menaces susceptibles de venir de la mer (terrorisme, narcotrafic, transport illicite de migrants, etc.), la défense de la souveraineté et des droits souverains en mer et la maîtrise des risques liés à l’activité maritime (accidents de mer, pollution, etc.). Au total, cette posture mobilise le quart des moyens de la marine, tous bâtiments et aéronefs confondus.
C’est après les attentats du 11 janvier qu’est intervenu, de manière progressive, le déploiement du dispositif Sentinelle de l’armée de terre sur le territoire national.
La chronologie de ce déploiement au mois de janvier 2015 est la suivante :
– du 7 au 9 janvier, lors des attentats terroristes en région parisienne, le niveau « alerte attentat » a été adopté en zone de défense et de sécurité de Paris (ZDS-P) et ponctuellement en Picardie, et le déploiement de la réserve Vigipirate (158 militaires) a été opéré ;
– du 8 au 10 janvier, il y a aussi eu déploiement d’un renforcement supplémentaire du dispositif Vigipirate (850 militaires) à Paris ;
– le 11 janvier, le Premier ministre a décidé d’activer la mesure Vigipirate BAT 13-04 visant à confier aux armées la protection de sites sensibles ;
– le 12 janvier, le Président de la République a activé le contrat protection du territoire national ;
– du 12 au 16 janvier, sont intervenus le déploiement et l’engagement du deuxième échelon (7 500 militaires) ;
– le 14 janvier, le Premier ministre a prolongé le niveau « alerte attentat » en Île-de-France et en Provence Alpes Côte d’Azur jusqu’au 22 janvier inclus ;
– le 22 janvier, il a reconduit le niveau « alerte attentat » en ZDS-P pour huit jours. Le niveau est inchangé pour les autres zones et les outre-mer (vigilance renforcée).
Par conséquent, on est passé d’un déploiement de plus de 1 000 militaires le 9 janvier, sur le territoire national au titre des mesures de renfort à la sécurité publique du plan Vigipirate, à 2.025 militaires le 10 janvier, à 3 000 le 12 janvier et à plus de 10 000 dès le 15.
Au 22 janvier, 10 300 militaires des forces terrestres étaient, en effet, déployés, soit 2 états-majors de grande unité (renforts au niveau zonal), 26 états-majors tactiques (niveau départemental) et 170 unités élémentaires auxquels s’ajoutent environ 200 militaires de l’armée de l’air et de la marine nationale. Principalement engagés en Île-de-France (5 800 hommes), ils étaient également répartis dans les six autres zones de défense avec en particulier 1 500 hommes en zone Sud, et 900 hommes pour chacune des zones Est et Sud-Est.
Après plus de sept semaines de déploiement, le volume de la force Sentinelle a été ramené à 7 000 hommes, niveau auquel il est aujourd’hui stabilisé, en conservant la capacité à remonter en sept jours à 10 000 hommes en cas de nécessité. La zone de défense Île-de-France concentre 56% des effectifs.
Les militaires engagés au titre de l’opération Sentinelle remplissent les missions confiées aux armées par les préfets à travers les réquisitions préfectorales :
– surveillance dans des sites correspondant aux mesures socles du plan gouvernemental Vigipirate (aérogares, ports, gares ferroviaires et routières, tunnel sous la Manche, bâtiments publics, RER), déjà mises en œuvre avant les attentats de janvier ;
– missions additionnelles de protection des sites à caractère confessionnel juifs, chrétiens et musulmans, comme des écoles ou des lieux de culte.
Ce sont, en tout, une centaine de sites dédiés aux mesures « socle » et plus de 650 sites à caractère confessionnel qui sont aujourd’hui surveillés ou protégés par les armées.
Fin juillet, les surcoûts de cette opération sont estimés pour l’année 2015 à environ deux cent millions d’euros (environ 80 millions d’euros pour les rémunérations et charges sociales et 115 pour les autres dépenses).
Le Livre blanc de 2013 a prévu que la France serait en mesure de « s’appuyer sur des déploiements navals permanents dans une à deux zones maritimes ».
En réalité, comme le relève le chef d’état-major de la marine, l’Amiral Rogel, la France tend en réalité à être présente en permanente dans cinq, voire six zones maritimes : l’océan Indien et le golfe arabo-persique ; la mer Noire ; la Méditerranée ; le golfe de Guinée ; l’Atlantique ; l’Atlantique nord. Ces déploiements nombreux tiennent, d’une part, aux contributions essentielles apportées par la marine aux engagements extérieurs en cours (lutte contre le terrorisme, réassurance), et, d’autre part, à une maritimisation croissante des enjeux de sécurité avec, entre autres, le développement des trafics et de la piraterie.
Dès le mois de mai 2015, pour faire face à l’afflux de migrants en provenance de Libye, la marine nationale a contribué au renforcement de l’opération Triton coordonnée par Frontex, l’A gence européenne pour la surveillance des frontières. Cette opération avait été lancée en novembre 2014 pour aider l’Italie à contrôler ses frontières maritimes et récupérer les migrants sur des embarcations en déperdition. La marine y a déployé le patrouilleur de haute-mer Commandant Birot.
Par ailleurs, une opération de plus grande ampleur menée dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), l’opération EUNAVFOR Med a été lancée le 22 juin dernier par le Conseil affaires étrangères.
L’opération, dorénavant appelée EUNAVFOR Sophia, vient de passer dans sa deuxième phase le 7 octobre dernier. Il ne s’agit plus seulement de recueillir du renseignement sur les trafics de migrants, mais aussi d’arraisonner, d’inspecter et de saisir, éventuellement, en haute mer, des navires suspects de trafic d’être humains ne battant pas pavillon ou pour lequel l’Etat du pavillon a donné son accord pour une telle intervention. La France y contribue avec une frégate, le Courbet de classe La Fayette, parmi les cinq engagées autour du porte-aéronefs italien Cavour, avec la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne.
c. Un succès dont la pérennité repose sur une présence prolongée : l’opération Atalanta et la lutte contre la piraterie
Pour lutter contre le développement de la piraterie dans la zone stratégique du détroit de Bab el Mandeb à l’entrée de la Mer rouge, l’Union européenne a lancé en 2008 l’opération navale ATALANTA qui est un succès incontestable de la PSDC : aucun bâtiment de commerce n’a été détourné par des pirates depuis plus de 3 ans et l’aide humanitaire est acheminée en sécurité. Elle s’est déroulée à partir de Djibouti.
La prolongation du mandat jusqu'en décembre 2016 devrait permettre de mettre en œuvre une stratégie de transition vers un dispositif opérationnel plus léger, adaptée au contexte politique à terre et à même de se développer sur les acquis de l’opération.
La contribution française en moyens a été ajustée pour l’année à venir et se limitera, de façon occasionnelle, à une frégate et un avion de patrouille maritime en périodes d'inter-moussons (septembre-novembre et mars-mai) en plus des 9 militaires français insérés au sein de l’état-major commandant l’opération. Par ailleurs, la contribution financière française aux coûts communs de l’opération reste stable (environ 1,1 million d’euros par an sur une enveloppe totale annuelle de 7,3 millions).
De manière complémentaire, l’opération Ocean Shield a débuté le 17 août 2009, dans le prolongement de la première opération de lutte anti-piraterie menée par l’OTAN, « Allied Protector ». Les Alliés ont validé la poursuite de cette opération jusqu'en décembre 2016. Elle est conduite depuis 2015 de manière discontinue, uniquement pendant les périodes d’inter-moussons (septembre-novembre et mars-mai).
La France soutient très ponctuellement l’opération Ocean Shield lorsque l’un de ses pétroliers ravitailleurs est sollicité pour des ravitaillements dans la zone.
Par ailleurs la France, premier contributeur avec les Britanniques, arme 10 % des effectifs (environ 30 militaires) du commandement maritime de l’OTAN (MARCOM). Unique état-major maritime permanent de l’OTAN, implanté à Northwood près de Londres, MARCOM assure entre autres le commandement de l’opération Ocean Shield dont l’avenir fera l’objet de discussions au siège de l’OTAN d’ici la fin de l’année 2015.
Depuis le début des années 1990, la France déploie dans le Golfe de Guinée en permanence un bâtiment de la marine nationale. Depuis la fin du mois d’août, la 130ème mission Corymbe est ainsi assurée par la frégate Germinal.
Destinée à la protection de nos intérêts et de nos ressortissants, à accompagner les pays africains dans les opérations de gestion de crise et à apporter une coopération opérationnelle en soutien aux marines des Etats riverains pour améliorer la lutte contre les trafics et la piraterie, l’opération contribue à sécuriser la zone dans laquelle ont transité les BPC de l’opération Tamarin de lutte contre l’épidémie d’ébola.
En réaction à la crise ukrainienne, le sommet de l’OTAN du Pays de Galles, en septembre dernier, a décidé la mise en place d’un plan d’action pour la réactivité (RAP - Readiness Action Plan) qui définit les mesures immédiates d’assurance face à la menace russe telle qu’elle est perçue par les alliés orientaux dans le contexte de crise russo-ukrainienne.
La France participe activement à sa mise en œuvre, avec des mesures dites d’assurance ou de réassurance.
Conçues pour durer « aussi longtemps que nécessaire », ces mesures d’assurance sont assorties d’une clause de révision annuelle visant à évaluer la nécessité de leur maintien, ce qui rend malaisé le chiffrage des contributions futures.
Certaines contributions sont opportunément associées aux mesures d’assurance, comme le déploiement quasi-continu de bâtiments de la marine nationale en Mer noire depuis mars 2014, les patrouilles en Méditerranée et le déploiement permanent de moyens en Méditerranée orientale, bien que n’étant pas directement placés sous commandement OTAN.
Dans le domaine maritime, les moyens participant aux exercices sont, chaque fois que possible, placés au sein de forces navales permanentes de l’OTAN. Selon les opportunités, les bâtiments de la marine nationale, en mission sous contrôle opérationnel national dans les zones pouvant intéresser l’OTAN, sont placés en soutien associé.
Dans le domaine aérien, un E3F effectue des missions régulières au-dessus de l’est-européen depuis le 1er avril 2014 pour renforcer la surveillance des espaces aériens de l’Europe de l’Est, aux côtés des autres aéronefs de l’Alliance. Le rythme de ces missions a été progressivement diminué pour permettre de faire face aux autres engagements opérationnels des forces françaises.
En 2015, la France a intensifié sa participation au programme d’assurance T&E (Train and Exercise) qui a pour but de maintenir une activité continue des forces de l’OTAN sur les territoires de l’Est.
Plus précisément, pour 2014, les armées françaises ont participé activement au plan d’assurance développé par SACEUR (Supreme Allied Commander Europe) de trois manières.
D’abord, le 16 avril 2014, l’OTAN a sollicité la France pour engager des capacités complémentaires à l’E3F mis en œuvre depuis le 1er avril. Avec l’accord du gouvernement polonais, 4 avions de chasse ont ainsi été déployés du 28 avril au 1er septembre 2014 sur la base aérienne de Malbork, au Nord de la Pologne afin de conduire une double mission : réaliser des vols d’entraînement à la police de l’air aussi appelée « NATO air policing » aux côtés des aviateurs polonais et contribuer à la souveraineté des espaces aériens lituanien, letton et estonien, en assurant une permanence opérationnelle.
Quatre avions Rafale puis quatre Mirage de l’armée de l’air ont été successivement engagés pour réaliser cette mission, soutenus par environ 90 militaires français. Le prochain détachement de ce type est prévu en 2016. Des missions ISR (Intelligence Surveillance Reconnaissance) ont également été réalisées.
En matière navale, chaque fois que cela a été possible, y compris lors des exercices maritimes bilatéraux, la France a intégré les bâtiments français participants aux exercices au sein des SNF (Standing Naval Forces).
Pour 2015, la France a soutenu le nouveau plan annuel sur les mesures d’assurance consécutif à la crise russo-ukrainienne, en prenant ainsi part à une série d’exercices dans les zones orientales de responsabilité de l’OTAN et notamment Livex 2015, objectif prioritaire de l’OTAN (exercice de certification de la NRF – Nato Response Force – 2016). De fait, sa participation a été significativement renforcée.
Dans le domaine aérien, les missions ISR se poursuivent.
Dans le domaine terrestre, un sous-groupement tactique interarmes (SGTIA) à dominante blindée, avec 300 soldats et un détachement de quinze chars Leclerc, a été déployé en Pologne du 20 avril au 7 juin. La capacité de planification au sein de l’Etat-major de l’OTAN et la coopération sont également renforcés avec le déploiement d’officiers supplémentaires.
S’agissant de la contribution française à la NRF, conformément à ce qui a été annoncé lors de la conférence de génération de force (spécifique à la NRF) qui s’est tenue en juin 2014, la France commande cette année la composante aérienne et participe au bataillon NRBC allemand avec une compagnie. C’est d’ailleurs sur la base de cette contribution à l’IRF (Immediate Response Force) que la France construit sa participation à la VJTF intérimaire (Very High Readiness Joint Task Force) en réduisant les délais d’alerte de certains aéronefs à cinq jours (l’emploi de ces forces ne se fait toutefois que dans un cadre opérationnel, excluant de fait la participation à des exercices).
S’agissant de notre contribution au partage du renseignement, il convient de noter que les bâtiments déployés participent à la veille stratégique de l’Alliance. Plus généralement, le partage d’informations est régulier avec le centre de cyberdéfense de l’OTAN à Bruxelles et la France s’est engagée à titre bilatéral à soutenir l’Estonie contre une cyber-attaque.
Le coût total de la contribution française aux mesures d’assurance, pour l’année 2014, s’élève à 46 millions d’euros provenant pour l’essentiel de notre activité de police du ciel et de surveillance.
En 2015, ce coût est estimé à environ 68 millions d’euros, dont environ 60 au titre de la participation française au programme T&E.
III. DES MOYENS ACCRUS PAR LA RÉVISION DE LA LPM ET CONFIRMÉS PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016
La révision de la loi de programmation militaire par la loi n° 2015-917 du 28 juillet dernier s’est d’abord traduite par un relèvement de 3,8 milliards d’euros courants de l’enveloppe prévue pour l’effort de défense pour les années couvertes 2014-2019.
Ces 3,8 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires hors pensions portent ainsi à 162,4 milliards d’euros l’effort pluriannuel en faveur de la défense nationale.
Parmi ces dotations supplémentaires, 2,8 milliards sont destinés au financement des effectifs supplémentaires (et les coûts de fonctionnement afférents) par rapport à la cible établie par la programmation initiale dans le cadre du nouveau contrat protection.
Cette dernière prévoyait près de 34 000 suppressions de postes sur la période. L’actualisation permet d’en épargner 18 750 sur ce total. Ainsi, le total des déflations restant à accomplir sur la période 2015-2019, après les 8 007 postes supprimés en 2014, s’élève à 6 918.
Les réformes et restructurations engagées dans les ressources humaines du ministère ne sont toutefois pas remises en cause : ainsi, l’essentiel des suppressions initiales (à hauteur de 30 324 postes) est maintenu, tandis qu’un plan de recrutement doit être mené en parallèle, à hauteur de 15 399 créations de postes.
Pour l’essentiel, il s’agit de tirer les conséquences de l’opération Sentinelle et d’amener dans le cadre du nouveau contrat Protection les effectifs de la Force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes, contre les 66 000 initialement prévus, comme on l’a vu. Ainsi, 60% des moindres déflations financées par l’actualisation sont ainsi dédiées à la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (soit 11 000 « non-déflations » de postes sur un total de 18 750). Cette remontée en puissance doit être mise en œuvre au cours des années 2015 et 2016 : des recrutements massifs sont prévus au cours de ces deux années, à raison de 5 000 dès cette année, et 6 000 entre 2016 et les tout premiers mois de 2017. Du point de vu des ressources humaines, cette opération de moindre déflation ne se traduit pas par un arrêt des départs, mais par des recrutements.
Il faut également mentionner les forces spéciales dont la LPM a prévu un accroissement des effectifs, de 3 000 à 4 000. Pour ce qui concerne l’armée de terre, il faut saluer la création d’un groupement d’appui aux forces spéciales, qui permet d’augmenter les moyens tout en assurant le lien entre les forces classiques et les forces spéciales, de manière à éviter tout découplage qui serait contraire à la cohésion et la cohérence qui ont inspiré la réforme de nos armées.
Par ailleurs, la baisse des cibles de suppressions de postes est destinée à permettre la montée en puissance des secteurs clé, comme la cyber-sécurité et le renseignement, avec respectivement 1 000 et 650 postes supplémentaires. Certaines spécialités particulièrement « en tension » exigent des efforts particuliers, comme les équipages de drones Reaper.
Il faut observer l’augmentation des moyens du renseignement avec notamment une forte dimension technologique.
Par ailleurs, les non-déflations ont aussi vocation à compenser la mobilisation d’effectifs au profit du soutien aux exportations (SOUTEX). C’est le résultat des récents succès à l’export du Rafale et de la frégate multi-mission (FREMM)
Enfin, les armées doivent aussi, comme corollaire de l’opération Sentinelle, assurer une protection accrue de leurs installations et emprises, ce qui implique le recrutement de personnels ad hoc, fusiliers marins ou commandos.
2. Les équipements : une réponse aux besoins les plus urgents révélés par le haut niveau d’engagement
Une enveloppe de 2 milliards d’euros supplémentaires est prévue pour les équipements, dont un milliard d’euros réellement supplémentaires aux équipements, dont 500 millions d’euros doivent aller à l’entretien programmé des matériels (EPM), et 500 autres à l’acquisition de nouveaux équipements ou à l’avancement du calendrier de certains programmes, lesquels sont complétés par un autre milliard d’euros redéployé au bénéfice des opérations d’armement, du fait de l’évolution favorable des indices économiques, ou coûts des facteurs, depuis le vote de la LPM 2014-2019.
C’est une réponse aux besoins les plus urgents tels qu’ils ressortent du haut niveau d’engagement extérieur de la France et de la très forte tension sur les équipements qu’il suscite, dans un contexte où notre pays devait déjà faire face à certaines lacunes capacitaires auxquelles la loi de programmation initiale s’efforçait de remédier à moyen terme.
• Le ravitaillement en vol : les MRTT
L’une des grandes lacunes en termes de capacité concerne le manque de ravitailleurs en vol puisque la flotte actuelle de C135 a une moyenne d’âge de 51 ans. Elle a été clairement identifiée lors de la programmation initiale. Un programme visant à doter la France de 12 ravitailleurs Airbus MRTT avait été lancé. 9 de ces ravitailleurs devaient être commandés au cours de la période de programmation, les 3 derniers étant placés en tranche conditionnelle. La LPM révisée affermit cette tranche conditionnelle, pour obtenir la commande avant 2019 et la livraison entre 2018 et 2025 de la totalité des 12 MRTT.
C’était une nécessité absolue au vu des besoins suscités par nos opérations dans la bande sahélo-saharienne, où les élongations sont telles qu’il n’est pratiquement pas possible d’entreprendre une opération sans prévoir de ravitaillement à mi-parcours. Dans l’attente de ces livraisons, la France bénéficie d’une aide des États-Unis, qui mettent un avion ravitailleur à la disposition des opérations françaises dans cette zone.
• Le transport stratégique
Le transport stratégique fait également partie des lacunes capacitaires identifiées en 2013.
Cette-ci tient largement due mais pas uniquement au fait que l’A 400 M a subi des retards et surcoûts qui ont empêché le schéma idéal de remplacement des C 160 et des C 130. Les premières livraisons sont intervenues en 2013 et non 2010, et le programme accuse un surcoût de plus de 6 milliards d’euros.
L’accident de Séville en mai dernier a encore aggravé la situation, même si les livraisons ont repris.
En outre, l’avion ne dispose pas encore de toutes ses capacités opérationnelles (capacité de largage de parachutistes notamment). Par ailleurs, l’avions A400M ne répond pas aux besoins spécifiques des opérations des forces spéciales. En particulier, il ne dispose pas de la capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères.
L’armée de l’air s’est par conséquent orientée vers l’acquisition de quatre avions C130 supplémentaires, dont deux auraient la capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères, ainsi que vers l’armement de deux C130 au profit des forces spéciales, avec la perspective d’un équipement d’armement offensif.
• La marine nationale
La révision de la LPM a confirmé l’objectif de 15 frégates de premier rang, c’est-à-dire de frégates ayant des capacités de défense suffisantes pour être exposées au premier rang en cas de conflit.
Le « paquet frégates » représente un peu moins de 150 millions d’euros supplémentaires. Ont été confirmées la livraison des 6 FREMM anti-sous-marines avant le milieu de l’année 2019, rendant ainsi vaine toute inquiétude après la livraison à l’Egypte de la FREMM Normandie, et la livraison en 2021 et 2022 des deux FREDA de défense anti-aérienne. La cible FREMM au profit de la marine nationale sera atteinte avec ces huit unités, à raison de 6 FREMM ASM et 2 FREDA.
De manière plus précise, la frégate Aquitaine, la première de la série, a été réceptionnée en novembre 2012, et après la vente de la frégate Normandie à l’Egypte, c’est la Provence de type ASM, qui poursuit la série, livrée en juin dernier. La production en série se poursuit avec la mise à l’eau de l’Auvergne en septembre dernier, et une unité par an est prévue dans les années à venir.
La livraison de la 6ème FREMM ASM est ainsi prévue avant la fin de l’année 2019 et les deux unités suivantes, qui seront celles dotées de la capacité de défense anti-aérienne renforcée, seront livrées d’ici 2022 pour remplacer les deux frégates antiaériennes d’ancienne génération Cassart et Jean Bart et compléter les deux unités de type Horizon, qui sont le Forbin et le Chevalier Paul et seront modernisées.
L’effectif de 15 frégates de premier rang sera donc ultérieurement atteint avec le programme de frégate de taille intermédiaire (FTI) encore en cours de définition, mais dont la première livraison interviendrait en 2023 pour atteindre le format en 2029. Les travaux d’étude sont prévus pour être financés dès cette année.
Pour la mission classique de souveraineté de l’action de l’Etat en mer, la révision de la LPM a prévu la livraison en 2017 d’un quatrième bâtiment multi-mission de type B2M, qui aura vocation à être basé à La Réunion. L’enveloppe est de l’ordre de 20 millions d’euros supplémentaires. Il s’agit spécifiquement de répondre aux nouveaux défis apparus dans la région du Canal du Mozambique, où la pêche illégale tend à se développer et de palier la réduction de capacité en matière de patrouilleur type P 400.
En outre, a également été prévue l’acquisition d’un quatrième bâtiment de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) destiné à assurer la surveillance des approches maritimes métropolitaines, pour un surcoût de l’ordre de 40 millions d’euros. Les quatre unités sont prévues pour être acquises en 2018 pour les deux premières et en 2019 pour les deux autres.
c. Répondre à certains besoins spécifiques opérationnels, notamment apparus lors des opérations extérieures
L’expérience acquise en OPEX a mis en lumière certains besoins spécifiques qui justifient des commandes supplémentaires.
• Le renseignement
Il s’agit d’abord du développement des capacités d’observation spatiale avec un troisième satellite d’observation optique en coopération avec l’Allemagne dans le cadre du programme MUSIS. Un accord franco-allemand est intervenu en ce sens. La livraison interviendrait après la fin de la période couverte par la LPM.
De même, pour les drones, la révision de LPM a prévu plusieurs éléments.
D’abord, le succès de l’utilisation des drones MALE (moyenne altitude longue endurance) américains MQ9-REAPER dans le Sahel a permis de confirmer la livraison de 9 autres unités, avec 3 systèmes de 3 vecteurs dont la livraison est prévue en 2016, en plus des deux déjà acquis en 2013 et livrés au Niger, et de celui livré en mai dernier. En outre, leur efficacité est accrue par l’acquisition d’une charge de renseignement électro-magnétique (ROEM). Celle-ci permet de détecter une cible mieux que le fait la capacité d’imagerie.
Ensuite, il faut mentionner le projet d’eurodrone depuis que l’Allemagne, l’Italie et la France ont signé une lettre d’intention, dans le cadre d’un projet ouvert à ceux qui le souhaitent, pour le futur drone MALE
• L’aviation de combat
La révision de la LPM a prévu de relever de 20 à 45 le nombre des acquisitions de pods de désignation laser de nouvelle génération montés sur les avions de combat leur donnent la capacité de rechercher une cible quelles que soient les conditions, puis de la désigner à une munition guidée par un laser. Les 25 nouveaux pods TALIOS doivent être acquis pour les Rafale et Mirage 2000.
On rappellera pour mémoire que 137 Rafale, dont 97 pour l’armée de l’air, et 40 pour la marine nationale, avaient été livrés fin 2014. Le développement de la nouvelle norme F3R qui permet notamment d’emporter le missile Meteor et le pod de désignation laser de nouvelle génération a été lancée fin 2013.
• La correction de la forte attrition des matériels en OPEX
Une partie des crédits supplémentaires dégagés par l’actualisation de la LPM ont été destinés à compenser l’usure accélérée – l’attrition – des équipements extrêmement sollicités sur les théâtres d’opération extérieurs, singulièrement dans la bande sahélo-saharienne où les conditions d’emploi sont extrêmes.
Par priorité, l’effort a porté sur l’entretien programmé des matériels (EPM), qui permet de régénérer le matériel de retour des théâtres d’opérations, avec 500 millions d’euros sur l’ensemble de la fin de la période de programmation, ce qui permet de relever le niveau de préparation opérationnelle des militaires, dans la mesure où ceux-ci disposeront de plus de matériels disponibles pour s’entraîner.
• Les VBL
On doit ainsi mentionner la régénération des VBL pour une enveloppe un peu supérieure à 35 millions d’euros sur la période 2016-2019.
• Les 7 hélicoptères de combat Tigre supplémentaires
De même, un effort supplémentaire en faveur des hélicoptères, particulièrement vulnérables aux conditions qui prévalent dans la bande sahélo-saharienne, en raison de l’usure accélérée des moteurs par le sable et des températures très élevées diminuant la capacité d’emport. A été affermie la tranche conditionnelle de 7 hélicoptères de combat Tigre au format HAD supérieur à l’ancien standard HAP, et dont la LPM a prévu la généralisation. La LPM avait initialement prévu 60 appareils pour 2019 et la cible est maintenant de 67 unités à l’horizon 2025.
Le Tigre permet des opérations d’appui à proximité des troupes terrestres, appui feu, attaque au sol, reconnaissance et protection contre la menace aérienne. Son engagement en Afghanistan, en Libye et au Mali a montré son exceptionnelle manoeuvrabilité et sa capacité de survie.
Au total, compte tenu également d’un nouvel équipement de roquettes de précision métrique, ce sont pour les hélicoptères Tigre environ 226 millions supplémentaires qui sont programmés.
• Les 6 hélicoptères NH 90 supplémentaires
L’actualisation de la LPM inclut aussi l’acquisition de 6 unités les livraisons de NH90/TTH pour le transport tactique de matériels et de troupes. Cet appareil a montré toutes ses qualités au Mali, où deux unités sont déployées depuis octobre 2014. Ces 6 NH90/TTH supplémentaires seront livrés d’ici 2019, ce qui portera à 74 le parc de TTH. L’enveloppe est évaluée à plus de 250 millions d’euros.
En matière de cybersécurité et de cyberdéfense, il faut d’abord préciser que c’est au Premier ministre qu’il appartient de définir et de coordonner l’action gouvernementale en matière de sécurité et défense des systèmes d’information.
Il dispose donc de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSII), rattachée au secrétaire général de la défense nationale et dont l’effectif devrait être de l’ordre de 500 personnes en fin d’année.
Pour sa part, le ministère de la défense a engagé un vaste plan d’ensemble doté d’un milliard d’euros sur 5 ans, pour la période 2014-2019.
Il détient les capacités pour faire face à une crise majeure et l’actualisation de la LPM a permis, comme on l’a vu, non seulement l’augmentation des effectifs, à raison de 1 000 civils et militaires jusqu’en 2019, un accroissement du rôle de la réserve, avec la création d’un commandement de la réserve de cyberdéfense et d’une réserve à l’emploi spécifique, et la poursuite du durcissement de systèmes essentiels.
Dans l’histoire des finances publiques françaises, la loi de programmation militaire initiale 2014-2019 restera comme un cas d’espèce en raison de l’importance des recettes exceptionnelles prévues.
Déjà peu orthodoxe en soi sur le plan budgétaire, l’opération s’avérait particulièrement délicate en raison de quatre éléments.
D’abord, l’exécution de la précédente loi de programmation 2009-2014 montrait que l’écart entre les prévisions de recettes exceptionnelles et les rentrées effectives n’était pas un risque vain.
Ensuite, le niveau des recettes exceptionnelles, de 6,1 milliards d’euros, était particulièrement élevé pour la totalité de la période de programmation.
De plus, cette enveloppe était particulièrement concentrée sur les trois premières années de la programmation à raison de 4,8 milliards d’euros.
Enfin, une large part devait provenir du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences dite 700 MHz, comprise entre 694 et 790 MHz, transférée grâce aux progrès technologique de la compression de la TNT à la téléphonie mobile. Or, ce projet a pris beaucoup de retard, car c’est un investissement lourd que les opérateurs de téléphonie ne feront que lorsque leur besoin sera avéré dans le contexte qui plus est d’une concurrence internationale accrue.
C’est donc avec satisfaction que la révision de la LPM a conduit à la réduction, jusqu’à une part résiduelle tout à fait convenable, des ressources exceptionnelles, à 930 millions d’euros pour la période 2015-2019, en se fondant uniquement sur les cessions immobilières des emprises du ministère de la défense, notamment en région parisienne, mais aussi sur des cessions de matériels et de pièces détachées.
De manière plus précise, 730 millions d’euros sont prévus au titre des cessions immobilières, et 200 des cessions de matériels pour les années 2015 à 2019, avec 230 millions au total pour 2015, 200 pour 2016 et 100 millions d’euros pour chacune des années suivantes.
Il faut se féliciter de l’excellence des résultats de l’année 2015 en matière d’exportation d’armements avant même que celle-ci ne soit achevée.
Dès le mois de juin, le chiffre de 15 milliards d’euros pour l’année était anticipé.
C’est d’ailleurs, sur longue période, une récupération et un retour à la normale après plusieurs années de creux autour de 2010, comme le montre le graphique suivant.
Source : Rapport (2015) au Parlement sur les exportations d’armement.
En 2014 et 2015, les principaux contrats obtenus par l’industrie française ont été signés avec les Emirats arabes unis dans le secteur satellitaire (contrat Falcon Eye portant sur deux satellites d’observation), avec l’Arabie saoudite que ce soit dans le domaine terrestre, naval ou aéronautique (financement à hauteur de 3 milliards de dollars octroyé au profit de l’armée libanaise pour l’acquisition de matériels français), ainsi qu’avec l’Egypte dans le secteur naval et aéronautique (quatre corvettes Gowind pour ainsi que 24 Rafale, une FREMM, le Tahya Misr, initialement destinée à la Marine nationale, sous le nom de Normandie), et les armements associés. La signature avec l’Égypte du contrat pour la revente de deux bâtiments de projection et de commandement initialement produit pour la Russie rapportera environ 950 millions d’euros, et enfin avec le Qatar dans le domaine aéronautique, avec 24 Rafale avec les armements.
Ce sont tous des contrats commerciaux.
Les contrats Rafale à l’export signés avec l’Égypte et le Qatar font l’objet d’un accompagnement étatique sous forme de prestations réalisées par la direction générale de l’armement (DGA) et les forces armées.
Les pourparlers sont toujours en cours avec l’Inde pour 36 appareils.
C’est enfin la reconnaissance à sa juste mesure de cet appareil multi-rôle.
Récemment, Thales vient également de remporter l’appel d’offres pour l’équipement en blindés de l’armée australienne, pour 1 100 unités.
Certains de ces contrats concernent nos armées de deux manières.
C’est d’abord le cas en termes capacitaires, de manière provisoire.
En effet, la livraison sur étagère de la frégate à la marine égyptienne a décalé d’un an le programme de livraison, ce qui implique le maintien pendant cette même année de la durée de vie de trois frégates d’ancienne génération F 70 avec leur équipage, plus nombreux.
De même, la livraison des avions Rafale à l’Egypte impacte directement les livraisons prévues à l’armée de l’air. Le contrat de 24 avions ne concerne en outre que des biplaces, lesquels intéressent seuls l’armée de l’air égyptienne.
Par conséquent, le 6 premiers Rafale livrés sont prélevés sur la chaîne dès cette année parmi ceux qui devaient être livrés à l’armée de l’air. Au total, ce sont 11 avions qui seront ainsi prélevés au titre du contrat avec l’Egypte.
Comme l’a expliqué le délégué général pour l’armement, M. François Collet-Billon devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale, le 26 mai dernier, ce sont au total compte tenu du contrat avec le Qatar, une trentaine d’avions exportés qui se substitueront aux livraisons nationales.
Au-delà de cet impact capacitaire, le deuxième effet des exportations d’armement sur nos armées concerne le personnel dans le cadre des opérations de soutien aux exportations d’armement (SOUTEX).
Les actions de SOUTEX peuvent prendre deux formes principales : une mise à disposition de personnel des armées par mesure individuelle auprès d’intervenants privés ou, plus généralement, une activité ou une prestation effectuée par les armées (unité ou personnel).
Pour 2014, les effectifs ont été pour chacune des armées de quelques dizaines. Ils sont prévus en augmentation pour l’année 2015.
Le soutien aux exportations des services de l’Etat est un élément favorable aux ventes françaises à l’étranger, et celles-ci se conçoivent dans le cadre d’une relation de confiance, donc de long terme avec les pays acheteurs, et la France qui a consolidé sa position parmi les principaux fournisseurs mondiaux, les autres grands pays exportateurs étant les Etats-Unis (48 % du marché mondial), la Russie (12 %), la Chine, devant la France, et ensuite l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Si elle veut continuer à consolider, la France doit donc développer une réflexion stratégique intégrant dans les effectifs militaires, qui sont clairement calculé de manière très juste, les marges de manœuvre permettant de déployer ses capacités exportatrices.
En phase avec l’actualisation de la LPM en juillet dernier, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une dotation de 31,98 milliards d’euros pour la mission Défense, hors pensions, contre 31,4 en loi de finances initiales pour 2015.
C’est une augmentation d’un peu moins de 600 millions d’euros (580 millions d’euros), à mettre en regard des 2 300 emplois créés net.
C’est l’effet de la révision de la LPM, avec notamment pour les équipements 17 milliards d’euros contre 16,7 si celle-ci n’était pas intervenue.
La part des recettes exceptionnelles, issue des cessions, est stable à 250 millions d’euros, soit moins de 1 % des crédits de la mission (0,8 %).
Les crédits budgétaires passent donc de 31,15 à 31,73 milliards d’euros.
L’évolution est différenciée selon les programmes.
Hors titre 2, ainsi :
– les crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », sont réduits, passant de 1,33 milliard d’euros à 1,28 ;
– ceux du programme 146 « Equipement des forces » sont en revanche majorés, de 9,85 à 9,95 milliards d’euros ;
– ceux du programme 178 « Préparation et emploi des forces », également de 7,69 à 9,96 milliards d’euros ;
– ceux du programme 212 « Soutien de la politique de défense » tout autant, passant de 2,19 à 2,23 milliards d’euros. C’est ce programme qui comprend notamment l’ensemble des rémunérations.
Les dépenses de personnel du titre 2 y compris les OPEX, mais hors pensions, s’établissent dans le PLF 2016 à 19,13 milliards d’euros, contre 18,72 pour 2015.
La France est militairement présente sur l’ensemble des continents non seulement dans le cadre des OPEX, mais également et surtout, car de manière pérenne, par ses forces déployées outre-mer et prépositionnées.
Ce dispositif assez exceptionnel est actuellement le suivant :
Présence des forces françaises dans le monde
Source : Ministère de la défense
Les crédits d’équipement progressent légèrement, comme on l’a vu, de 16,7 milliards d’euros à 17 milliards d’euros.
L’essentiel concerne le programme 146 « Equipement des forces » avec 13,61 milliards d’euros en autorisations de programme et 9,953 en crédits de paiement.
Trois priorités sont affichées. La première concerne la cyberdéfense et le renseignement, avec la poursuite de l’effort engagé, notamment d’acquisition d’équipements spécialisés et de développement des capacités de recueil, de traitement et de diffusion des renseignements.
La deuxième concerne les grands programmes d’équipement, avec l’accent sur le transport tactique, le renseignement ou encore les hélicoptères. Sont ainsi prévus en 2016 la livraison de 3 avions A 400 M, de 6 hélicoptères NH 90, de 9 avions Rafale, dont 3 modernisés, de 5 hélicoptères Tigre, d’une FREMM et du premier B2M. L’enveloppe est de 5,6 milliards d’euros.
Pour les commandes, sont prévus la rénovation de 45 Mirages 2000 D, un système de drone de lutte antimines, une quatrième FREMM et deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturière (BSAH) sur les quatre prévus au total.
Il faut également mentionner le maintien des crédits de paiement relatifs aux infrastructures, de 1,12 milliard d’euros, hors dissuasion, et 1,2 avec la dissuasion, infrastructures notamment nécessaires aux nouveaux équipements, et qui relève du programme 212 « Soutien de la politique de défense », lequel représente l’essentiel des crédits de la mission Défense à raison de 21,456 milliards d’euros en autorisations de programme et 21,356 milliards d’euros en crédits de paiement. Pour la R&D, 3,8 milliards sont alloués.
Un léger effort de 22 millions d’euros de crédits supplémentaires est prévu pour l’entretien programmé des personnels, et l’investissement dans le futur de la base industrielle et technologique de défense (BITD) est préservé avec la reconduction du niveau des crédits des études d’amont (710 millions d’euros).
De manière concrète, comme l’a indiqué lors de son intervention devant la commission de la défense le 7 octobre dernier, le délégué général pour l’armement, M. François Collet-Billon, les points essentiels « de l’année 2016 seront la poursuite de travaux sur les architectures modulaires de guerre électronique, la préparation des futurs standards du Tigre, la préparation de la future composante sous-marine océanique stratégique, la feuille de route technologique liée à la frégate de taille intermédiaire (FTI) et de nouvelles études dans le domaine de la cyberdéfense.
« Même s’il n’est pas prévu en 2016 de lancement de programme majeur, on notera les commandes suivantes : un système de drones de lutte anti-mines ; un quatrième bâtiment multimissions (B2M) ; la régénération de véhicules blindés légers ; la commande du fusil d’assaut de nouvelle génération, arme individuelle future (AIF), destinée à remplacer le FAMAS ; des équipements sécurisés cyber ; des stations satellites COMSAT NG et des roquettes à précision métrique pour le Tigre, particulièrement utiles pour les opérations dans la bande sahélo-saharienne. Enfin, nous commanderons probablement en 2016 des avions de transport Cl30, le périmètre et les modalités de cette commande étant en cours d’étude, comme indiqué dans la loi d’actualisation.
« Les livraisons se poursuivront à un rythme soutenu en 2016 avec 11 hélicoptères Tigre et NH90 – deux en version navale et quatre en version terrestre –, six Rafale neufs et trois Rafale marine mis au standard F3, 25 poids lourds pour les forces spéciales attendus avec impatience par le COS, trois A400M en théorie, deux premiers lots de missiles de croisières navals (MdCN) ; un lot de missiles M51 ainsi que l’adaptation du secondSNLE NG, Le Triomphant. Il faut y ajouter un centre de détection et de contrôle (ARS) à Cinq-Mars-la-Pile dans le cadre du programme SCCOA, une FREMM, un système de drones MALE et 31 missiles Aster 15 et Aster 30 B1. »
Sur le programme 146 « Equipement des forces », de manière plus précise, l’année 2016 consolide les efforts engagés en 2014 et 2015 pour rallier le modèle d’armée défini par la loi de programmation militaire 2014-2019, en intégrant les efforts supplémentaires que le chef de l’État a décidé d’engager à l’occasion de l’actualisation de la programmation militaire pour garantir la capacité des forces armées à faire face dans la durée à l’ensemble de leurs engagements opérationnels, sur le territoire national comme en intervention extérieure.
Evolution des crédits du programme 146
CP-M€ courants, y.c REX
Source : ministère de la défense
Nota :
* pour mémoire, en application de la réforme de la gouvernance des effectifs du ministère et le pilotage de la masse salariale (crédits du titre 2) décidée par le ministre de la défense, le programme 146 ne présente plus, depuis le 1er janvier 2015, de crédits de personnel (titre 2) et les effectifs associés. Ainsi, l’ensemble des crédits de personnel (titre 2) et les effectifs associés sont, depuis le budget 2015, unifiés au sein du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration du ministère de la défense. Au sein de ce programme, les crédits sont désormais repartis, essentiellement, par gestionnaire des ressources humaines, chacun pour ce qui le concerne en charge d’un budget opérationnel de programme.
* en 2015, les crédits de paiement inscrits en LFI 2015 au profit du P146 prennent en compte les 2,17 Md€ ouverts sur le programme 762 (CAS « Fréquences »). En vertu de la loi du 28 juillet 2015 portant actualisation de la LPM sur la période 2015-2019, ces crédits ont été remplacés par des crédits budgétaires, et ce dès l’année 2015 par le biais de la LFR de fin d’année.
Les crédits de paiement de l’action 6 « Dissuasion » sont stables tandis que l’augmentation en AE entre 2015 et 2016 traduit le lancement de la réalisation du marché M51.3 et le lancement de l’opération SNLE 3G, de 3ème génération.
La hausse de la dotation en CP de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » traduit l’importance donnée à ce système de force avec en particulier la montée en puissance des programmes CERES, COMSAT NG, CONTACT (radio tactiques) et MALE (notamment drone Reaper).
La hausse de la dotation en CP de l’action 8 « Projection - mobilité – soutien » traduit la montée en puissance du programme MRTT, ainsi que la poursuite des paiements sur les programmes NH90 et A400M.
L’évolution à la baisse des crédits alloués à l’action 9 « Engagement et combat » traduit la mise à jour des besoins de paiement des grands programmes entrainée par la mise en œuvre de la LPM (moindres livraisons RAFALE, étalement des livraisons FREMM…), et la baisse des besoins de paiement des programmes VBCI et FELIN qui arrivent en fin de cycle. Ces baisses sont compensées en partie par le lancement du programme SCORPION et la montée en puissance de la rénovation des ATL2 et du maintien des capacités du porte-avion dans le cadre de l’arrêt technique majeur n°2.
L’évolution à la hausse des crédits alloués à l’action 10 « Protection Sauvegarde » traduit le lancement et la monté en puissance du programme patrouilleurs futurs (Bâtiments multi-missions (B2M) et Patrouilleurs Légers Guyanais (PLG)), du programme Bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH) et de celui de la rénovation des Mirage 2000D.
Il faut également mentionner que la composante dissuasion atteint dans le programme 146, 2,89 milliards d’euros en crédits de paiement et 3,72 en autorisations d’engagement.
Le ministère de la défense et les armées ont certainement été l’entité qui a le plus évolué au sein de l’Etat.
L’une des grandes réformes engagées au cours des dernières années a été celle des bases de défense déployées à partir du 1er janvier 2011, à raison de 51 en métropole et 10 outre-mer, pour mutualiser les soutiens communs et les fonctions d’administration générale.
Au-delà, comme l’a rappelé à votre rapporteur pour avis, le chef d’Etat major des armées, le général de Villiers, et comme il l’a confirmé lors de son audition par la Commission de la défense le 15 octobre dernier, le ministère de la défense fait l’objet d’un processus de réforme complet de manière à rester adapté à son temps.
Pour la première fois dans l’histoire du ministère, ce processus relève d’une cohérence d’ensemble au sein d’un projet commun intitulé « Cap 2020 », déployé pour chacune des armées avec la pleine implication des chefs d’état-major.
Pour l’armée de terre, le nouveau modèle, « Au contact », définit une nouvelle architecture d’armée, plus souple et dynamique, organisée autour de 8 piliers spécialisés : force scorpion, avec deux divisions de 3 brigades chacune, forces spéciales, aérocombat, territoire national et quatre piliers spécialisés : renseignement ; systèmes d’information et de communication; logistique ; maintenance.
Plus précisément, la réorganisation du commandement se fait autour de deux divisions, avec deux états-majors à Besançon pour la 1ère division et à Marseille pour la 3ème, au lieu et place des deux états-majors de force, qui sont dissous.
Pour la marine nationale, les mesures de réorganisation 2015-2016 s’inscrivent dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre du plan stratégique de transformation « Horizon Marine 2025 », dont l’objectif est de disposer d’une marine opérationnelle, hauturière, forte de ses équipages, qui se modernise et adapte son organisation pour agir, en permanence, sur toutes les mers, en vue de relever les défis présents et futurs.
Le plan de transformation de la marine repose donc en grande partie sur la manœuvre capacitaire (balance admission au service actif/retrait du service actif).
Les mesures capacitaires 2015-2016 comprendront notamment le désarmement de 9 bâtiments et l’armement de 8 nouveaux, dont 6 pour l’outre-mer, le renforcement de la fonction protection en densifiant les groupements de fusiliers marins, ainsi que la réduction du maillage territorial avec la fermeture et la rationalisation d’organismes, notamment la base navale de l’Adour, le commandant maritime de Bayonne et celui de Strasbourg, et la réorganisation des bases navales, sous-marines et aéronavales, ainsi que la création d’une nouvelle Ecole de Mousses à Cherbourg.
Pour l’armée de l’air, les réorganisations 2015-2016 s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre du plan stratégique « Unis pour Faire Face » dont l’objectif est de construire une armée de l’air opérationnelle et modernisée. Elles entraînent ainsi le resserrement du dispositif et la densification des bases aériennes tout en mettant en œuvre la préparation opérationnelle différenciée.
Les mesures capacitaires comprennent notamment la dissolution en deux ans de la base aérienne 102 de Dijon-Longvic avec le transfert du commandement des forces aériennes (CFA) vers la base aérienne 106 de Bordeaux-Mérignac et sa fusion avec le commandement du soutien des forces aériennes (CSFA) et le transfert d’une majeure partie du commando parachutiste de l’air n°20 (CPA 20) vers Orange, comme celui de l’escadron de formation des commandos de l’air (EFCA) de Dijon-Longvic et du centre de formation militaire élémentaire (CFME) de Saintes-Thénac, ainsi que la fermeture de la plate-forme aérienne 110 de Creil impliquant le transfert des escadrons de transport (CASA) et une partie de l’escadron de soutien technique vers la base aérienne 105 d’Évreux, la réorganisation de la base aérienne 116 de Luxeuil-Saint-Sauveur et transformation de la base aérienne 901 de Drachenbronn en élément air rattaché (EAR) à la base aérienne 133 de Nancy et, enfin, la densification de la fonction protection des bases, des capacités de commandement et de contrôle, cyber et drones.
Ce processus de réforme concerne non seulement chacune des armées, mais aussi les différentes directions et services du ministère.
La direction du renseignement militaire (DRM) et la cyberdéfense bénéficient de créations de postes pour renforcer leurs capacités respectivement d’analyse et de lutte informatique défensive (LID) au sein des armées et en interarmées avec notamment la création de l’ « état-major interarmées de la cyberdéfense » implanté à Paris et du commandement des réserves et de la préparation opérationnelle cyber-défense.
Le service de santé des armées (SSA) met en œuvre un nouveau modèle « SSA 2020 » visant à une refonte de la fonction hospitalière, un renforcement de la médecine des forces, un accroissement des synergies entre la recherche médicale militaire et civile, une optimisation de la composante de ravitaillement sanitaire et celle de la formation, une simplification de la gouvernance et de son administration centrale et une concentration des structures.
Les mesures de réorganisation 2015-2016 du service du commissariat des armées (SCA) s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre du projet « SCA 21 » qui répond à un objectif de rationalisation de l’administration générale et du soutien commun par application d’une logique de « bout en bout » qui a en particulier conduit au rattachement des groupements de soutien de base de défense (GSBdD) au SCA.
La direction des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) met en œuvre son projet de service « Quartz » qui vise à moderniser le fonctionnement d’ensemble du ministère tout en garantissant la disponibilité des moyens indispensables au commandement opérationnel.
Le service des essences des armées (SEA) poursuit le regroupement des dépôts au sein de grands complexes avec une mutualisation de fonctions, la transformation de dépôts en annexes de dépôts principaux, la fermeture de centres de ravitaillement des essences (CRE) et le transfert de leur mission de stockage de sécurité vers les dépôts de l’OTAN, ainsi que la gestion du soutien pétrolier territorial des armées par les échelons de proximité des établissements des essences (EPEE).
Le service interarmées des munitions (SIMu) réalise sa transformation selon trois axes majeurs : la fermeture de dépôts selon un cadencement d'un dépôt par an, la réorganisation après fusion de certains échelons de direction d'établissements principaux des munitions, la rationalisation par réduction d'effectifs de l'échelon central et des dépôts pérennes.
Essentielle à mentionner du point de vue de la commission des affaires étrangères est la réorganisation de la fonction internationale avec la création par le décret n° 2015-4 du 2 janvier 2015 fixant les attributions et l'organisation de la direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la défense, de la DGRIS, dont le directeur général est M. Philippe Errera, qui était auparavant Représentant permanent de la France auprès de l’OTAN.
Outre les améliorations apportées sous forme d’effectifs et de moyens supplémentaires au renseignement par la loi de programmation et son actualisation, le cadre du renseignement, intérieur et international, s’est amélioré cette année, avec d’une part, la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement et, d’autre part, la proposition de Mme Patricia Adam et M. Philippe Nauche relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
De même, comme il l’a été confirmé à votre rapporteur pour avis, les services de renseignements font l’objet d’améliorations.
La disponibilité des équipements affiche sur certains segments des faiblesses mesurables, puisqu’elle fait l’objet d’un indicateur de performance, l’indicateur 5.2.
La disponibilité technique opérationnelle (DTO) mesure ainsi le rapport entre le niveau du matériel effectivement disponible et le besoin généré par les contrats opérationnels les plus exigeants.
Il n’appartient pas au présent rapport de faire état de manière détaillé de cet indicateur, mais de noter quelques éléments parmi les plus caractéristiques.
Pour l’armée de terre, les indicateurs s’améliorent dans l’ensemble depuis 2013, mais on observe, pour les matériels utilisés en OPEX, des marges de progression sur les VAB, les blindés médians, notamment les AMX 10 RC, en phase de rénovation profonde, et les hélicoptères. C’est à la fois l’effet du vieillissement du matériel, en cours de remise à niveau, et aussi des activités soutenues sur les théâtres exigeants.
Pour la marine nationale, l’évolution du parc la vigilance porte pour les prochaines années sur certains navires, après le retrait du service actif en 2015 d’un transport de chaland de débarquement, d’un pétrolier ravitailleur, d’un patrouilleur et en attendant l’arrivée de nouveaux moyens, en particulier pour l’outre-mer, essentiellement due à la situation fragile des bâtiments de souveraineté et de présence.
Mais, la disponibilité des flottes de l’aéronautique navale fait également l’objet d’une certaine attention notamment pour la flotte Atlantique 2 (ATL2) et quelques difficultés pour la montée en puissance du NH90 Caïman.
Pour l’armée de l’air aussi, les disponibilités peuvent être améliorées sur les hélicoptères, notamment les PUMA, dont le vieillissement est important. En outre, ils entrent en chantier pour une mise au standard OACI.
Pour la flotte de chasse, les Mirage 2000 et les Rafale permettent ont des taux de disponibilité importants, et c’est donc sur le transport tactique que les préoccupations se portent par priorité, avec le retrait des C 160 et la mise aux normes OACI des C130, alors que l’A 400 M n’a pas atteint sa maturité.
L’actualisation de la LPM a fait beaucoup, mais n’a pas remédié à certains défis capacitaires immédiats.
Le premier concerne les stocks de missiles et de munitions, missiles, roquettes et bombes, « au plus juste » vis-à-vis des hypothèses d’engagement intense. Le problème ne devrait pas être structurel, car les réductions temporaires de capacité ainsi consenties sont accompagnées de capacité de remontée en puissance industrielle.
Ensuite, les armées commencent à subir les conséquences des mesures d’étalement budgétaire passées et de la prolongation de l’utilisation des matériels, qui vieillissants, sont plus fragiles.
Il faut aussi mentionner les limites propres à certains petits équipements recensées lors des opérations.
C’est pour la marine que les réductions temporaires de capacités sont évoquées le plus nettement après le retrait, qui vient d’être évoqué, de certaines capacités le temps que les nouvelles soient en place dans quelques années. C’est notamment le cas pour les ravitailleurs et les moyens déployés outre-mer.
L’A 400 M continue à faire l’objet d’une grande attention, car il le transport est l’une des limites capacitaires actuelle, comme on l’a vu pour Serval.
D’abord, le calendrier des livraisons a été modifié à la suite de l’accident dramatique de Séville, en mai dernier. Si les mesures conservatoires prises en France ont pu être rapidement levées à la suite des vérifications techniques de la flotte de l’armée de l’air et de la modification de certaines procédures opérationnelles, les autorités espagnoles ont bloqué pendant six semaines les livraisons, de plusieurs appareils, dont un pour l’armée de l’air, d’où un décalage.
Au total, 15 avions sont prévus pour être livrés d’ici 2019 et 7 l’ont été avant juin dernier. Les performances sont sans surprises supérieures à celles du C 160, mais il reste un certain nombre de difficultés pour développer des capacités opérationnelles (capacités de ravitaillement en vol des hélicoptères, aérolargage de personnels et de matériels, appareil de vision nocturne, dispositif d’auto protection pour les zones menacées). Les capacités tactiques sont attendues pour 2016 et 2017.
Ces carences sont regrettables car ce sont elles entre autres qui ont conduit à recourir comme on l’a vu, dans la révision de la LPM, à des C 130.
Cependant, la première capacité logistique opérationnelle devrait être déclarée l’an prochain, ce qui permettrait notamment de se passer de la location d’Antonov comme ce fut récemment nécessaire.
En « cohérence avec les contrats opérationnels et les priorités stratégiques établies par le Livre blanc », le montant budgété pour les OPEX s’établit à 450 millions d’euros.
Il s’agit clairement d’un montant qui sera dépassé compte tenu du contexte international particulièrement préoccupant, et il est clair que la sincérité budgétaire gagnerait à le réévaluer.
Les conditions du dépassement de cette somme n’ont pas été améliorées par la révision de la LPM. C’est donc l’application de la clause de sauvegarde de 2013 qui prévaut, avec un financement interministériel selon des modalités qui n’épargnent pas le ministère de la défense de contribuer à financer ses propres surcoûts.
Votre rapporteur ne peut que regretter que l’on se mette en porte à faux avec la Cour des Comptes qui a relevé la sous-estimation systématique des OPEX avec pour 2014 un écart de 665 millions d’euros, à raison de 1,115 milliards d’euros pour la dépense effective et 450 millions pour l’estimation initiale, soit un niveau particulièrement élevé, même si c’est en fait en raison de la raideur des modes de fonctionnement du ministère des finances qui, sinon, feraient supporter la totalité du coût des OPEX au seul ministère de la défense.
Le ministère de la défense est structurellement en tension pour deux raisons.
En premier lieu, le report de charge est élevé, de l’ordre de 3 milliards d’euros, ce qui laisse peu de souplesse de ce côté-là. Certains progrès ont été faits sur certains postes, mais sont davantage le fruit des mesures prises avant 2012.
Plus précisément, le report brut s’établissait à 3,498 milliards d’euros à la fin de l’année 2014, à raison de 2,29 milliards pour les dettes envers les fournisseurs, 1,068 milliard pour les charges à payer et 135 millions pour les avances dues. 500 millions étaient à retrancher au titre des reports de crédits, pour 250 millions, et de la dernière ouverture de crédits au titre du programme d’investissements d’avenir.
En second lieu, il y a le surcoût des OPEX, c’est-à-dire l’écart entre la somme prévue en loi de finances initiale et la dépense effectivement constatée à ce titre, l’OPINT et les autres surcoûts éventuels. Pour 2015, la situation est particulièrement tendue pour deux raisons supplémentaires.
D’abord, pour saine qu’elle soit sur le plan budgétaire, la substitution des ressources budgétaires aux ressources exceptionnelles qui auraient pu être issues de la cession de la bande des fréquences 700 MHz, a un impact significatif. Les quelque 2,2 milliards d’euros correspondants ne seront en effet mis à disposition qu’en fin d’année, en application de la loi de finances rectificative qui interviendront à ce moment-là.
Ensuite, l’intensité accrue de l’engagement dans les OPEX et sur le territoire national avec l’opération Sentinelle se traduit par « une mobilisation des ressources budgétaires supérieure à celle de 2014 », selon les éléments communiqués.
Selon les évaluations avancées, les surcoûts en année pleine seraient cette année de l’ordre de 950 millions d’euros au total pour les OPEX, tels qu’actuellement anticipés, par rapport à la loi de finances initiale, et de l’ordre de 200 millions pour l’OPINT.
Comme elle l’a elle-même mentionnée dans le cadre de son rapport précité n° 2181 sur la révision de la LPM, la présidente de la commission de la défense, Patricia Adam, estime cette situation préoccupante et les moyens permettant d’y remédier doivent être dégagés rapidement :
« Cependant, la mise à disposition de 2,14 milliards d’euros de crédits pour 2015, dans le cadre du collectif budgétaire de fin de gestion, combinée au besoin de financement du programme 178 « Préparation et emploi des forces » au titre des surcoûts des opérations extérieures (OPEX) et intérieures (opération Sentinelle) pourraient engendrer des tensions de trésorerie sur ces deux programmes et de façon générale sur l’ensemble de la mission « Défense ».
« Pour y remédier, le ministère de la Défense examine avec le ministère du Budget différentes mesures qui pourraient être :
« – une levée anticipée de la réserve de précaution pour les programmes de la mission « Défense » (2,2 milliards d’euros en AE et 1,4 milliard d’euros en CP) ;
« – un décret d’avance anticipé. Traditionnellement ce décret d’avance est mis en œuvre début novembre.
« Ces mesures devraient permettre de gérer la fin de gestion 2015, sans différer de livraisons ou commandes de matériels.
« Quoi qu’il en soit, la fin de gestion de l’année 2015 sera déterminante pour une bonne exécution du présent projet. La situation est d’autant plus tendue qu’il n’existe pas de marges pour faire face à des aléas
« Ainsi, si les sommes correspondant aux mises en réserve, « gels » et « surgels » n’étaient pas débloquées rapidement, le report de charges augmenterait mécaniquement et fragiliserait dangereusement les conditions de réussite de l’exercice 2016, le budget 2016 n’étant pas en mesure d’absorber une nouvelle augmentation du report de charges. »
A la date de la rédaction du présent avis, votre rapporteur ne peut que rappeler ces préoccupations partagées.
Elles sont d’autant plus importantes que le programme 146 a en outre été amené à avancer la somme de 950 millions d’euros dans le cadre du rachat des BPC russes au début du mois d’août, comme l’a indiqué lors de son audition M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Remboursée partiellement par DCNS après un règlement de la COFACE via un fonds de concours de 893 millions d’euros, il reste 57 millions à charge des crédits budgétaires.
En outre compte tenu d’éléments inédits, le report de charge du programme 146 à la veille de la LPM pourrait être de 4 milliards d’euros.
Comme l’a indiqué en substance le chef d’état-major des armées, la révision de la LPM a donné aux armées le strict nécessaire pour leurs moyens budgétaires.
Comme l’a indiqué à votre rapporteur pour avis le délégué général pour l’armement, le programme 146 est cette année dans une tension de trésorerie inédite, et le report de charge pourrait vite monter de 1,7 à 2,3 voire 2,4 milliards d’euros, faisant grimper mécaniquement celui de la mission défense.
Il convient donc que l’intégralité des sommes prévues au titre de la rebudgétisation soit inscrite dans le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, de même que les surcoûts, soit plus de 3 milliards d’euros.
Dans l’urgence, comme on l’a vu, l’opération Sentinelle a été mise sur pied pour sécuriser le territoire national avec les ressources de l’armée de terre.
Cet appel à l’armée de terre présente plusieurs avantages qui ont été présentés par le ministre de la défense lors des débats en commission des affaires étrangères sur le projet de loi révisant la loi de programmation militaire, le 26 mai dernier.
Ils sont de quatre ordres.
D’abord, l’affectation à la protection du territoire des forces armées professionnelles est prévue par « le contrat opérationnel entre les armées et le Gouvernement, qui prévoit la protection du territoire, qu’elle soit terrestre, aérienne ou maritime. Les LPM précédentes prévoyaient ainsi la capacité de mettre en place, en cas de crise, 10 000 militaires – ce qui a été fait dans l’opération Sentinelle. C’est le choix en faveur d’une armée professionnelle vis-à-vis de menaces globales. »
Ensuite, c’est l’unité de l’armée qui est invoquée. « Il faut une armée unique amenée à remplir des missions différenciées au cours d’une même année, liées soit aux OPEX, soit à la protection du territoire – que l’opération s’appelle Vigipirate, Sentinelle ou autrement, si demain on a besoin d’une intervention d’un autre type. Dans tous les cas, on est confronté à un même danger et il y a une continuité entre action intérieure et action extérieure. Sentinelle doit donc être intégrée dans une conception globale, qui doit faire, en effet, l’objet d’un débat, y compris avec le Parlement – même s’il nous faut apporter une réponse immédiate, la menace étant permanente. Le CEMA et le CEMAT souhaitent aussi qu’on y réfléchisse. »
Dans cette perspective, la question devient essentiellement une question de préparation et de formation spécifique : « Il est, dès lors, essentiel que les soldats soient aussi formés aux opérations intérieures (OPINT), ce qui a commencé à être fait. Ainsi, un mois après les attentats de janvier, après la diffusion, un matin, d’un message de Daech appelant à attaquer les forces françaises à l’arme blanche, l’après-midi, à Nice, un individu a agressé et blessé trois soldats de l’opération Sentinelle avec ce type d’arme : or ceux-ci, qui étaient armés et pouvaient ouvrir le feu, ont eu une maîtrise suffisante de leur arme et de leurs capacités pour empêcher cet individu d’agir sans tirer. C’est une illustration exemplaire d’une armée professionnelle. »
C’est enfin la réponse adaptée à une évolution majeure qui fait bouger les cadres et références conceptuels traditionnels : « Compte tenu des menaces asymétriques et des nouveaux types de risques, on n’est plus dans le concept antérieur de l’armée de terre et de l’armée professionnelle. La même armée de terre doit désormais s’occuper de cyberdéfense et avoir une brigade d’aérocombat, ce qui n’existait pas auparavant. Les mêmes hommes doivent donc avoir des formations différenciées, qui se complètent les unes les autres. Les questions que vous vous posez, je me les suis posées aussi avant que le choix soit fait d’augmenter la FOT, qui est globale et a des missions différentes, effectuées par ses sept brigades. »
Pour sa part, le général Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, a indiqué lors de son audition en septembre dernier, qu’une modification des modalités d’emploi des forces ainsi déployées allait être opérée, à Paris. C’est d’autant plus important que c’est en région parisienne qu’est déployé l’essentiel de Sentinelle.
Lors de son audition par la commission de la défense le jeudi 15 octobre dernier, le chef d’Etat major des armées, le général de Villiers, a indiqué que Paris allait être découpé en trois zones, avec pour chacune d’entre elles, un état-major tactique, un EMT, et un chef de corps, et que les missions seraient conçues de manière à faire apparaître la plus-value de l’intervention militaire avec notamment l’utilisation des équipements de nuit.
Pour autant, votre rapporteur pour avis considère que le débat n’est pas clos.
Si effectivement Sentinelle est une réussite, il n’en reste pas moins que le métier de soldat est dans un modèle d’armée de type expéditionnaire telle que la France l’a souhaité et organisé, fondé sur la professionnalisation, le faible nombre et le haut niveau de technicité et de préparation, très différent des fonctions de garde statique ou de présence dynamique en milieu urbain qui sont le cœur de l’opération. Aucune formation spécifique n’est d’ailleurs prévue pour ces missions de sécurité intérieure.
Le principe de l’unité de l’armée de terre ne doit pas entraîner la dilution de sa doctrine d’emploi par extension de ses missions qui ne relèvent clairement pas de son métier, mais de celui des forces de police.
Ce n’est pas là le meilleur usage de la force militaire, à contre-emploi, alors même qu’au-delà de nos frontières les théâtres et les menaces se multiplient et que les moyens sont trop mesurés. En outre, c’est faire de nos soldats des cibles potentielles, ce qui n’est pas bon.
B. LA FINALITÉ DES INTERVENTIONS À L’EXTÉRIEUR : L’IMPÉRATIF D’UNE STRATÉGIE D’ENSEMBLE POUR GAGNER LA PAIX AU-DELÀ DES INTERVENTIONS MILITAIRES
Le développement du terrorisme correspond clairement à la résurgence, en Afrique et en Asie, de conflits politiques, qui ont été gelés par la colonisation et ensuite par le modernisme et, pour les pays arabes, par le progressisme et le nassérisme.
Il n’est pas inutile d’observer que les quatre pays les plus touchés par le printemps arabe ont été l’Egypte, la Tunisie, la Syrie et la Libye, chacun construit autour d’un Etat fort d’inspiration au départ occidentale et renforcé par la teinture socialise du progressisme et les coopérations avec l’Union soviétique.
C’est en effet l’effacement de l’Etat, trop dépendant d’un pourvoir personnel, qui est à l’origine de la majorité des crises. La capacité à les surmonter dépend clairement des éléments structurants du pays.
Le cas le plus difficile est celui des Etats faillis. Le concept était marginal, il tend à s’amplifier. Des Etats faillis, comme la Somalie, ou dysfonctionnels, comme le Nigeria ou le Kosovo, sont sources de tension pour l’ensemble du système international. Beaucoup d’entre eux sont en Afrique et sont soumis à des blocages qui entravent leur développement, sous l’effet notamment de la démographie.
C’est un paramètre important car derrière la violence ou les tensions dans ces Etats, apparaissent des inégalités économiques et sociales génératrices de crises dès lors qu’elles se superposent en outre avec des fractures historiques antérieures.
Boko Haram est le nom que s’est choisi dans son combat la population des Foulanis, qui n’a pas bénéficié de la manne pétrolière du Nigeria.
Daech est le nom de sunnites qui se sont sentis marginalisés par le Gouvernement de Bagdad, à la suite de la chute de Saddam Hussein, et qui trouvent sous un étendard d’islamisme radical un semblant idéologique cimentant avec toute la force de l’absolu et de la transcendance leur résistance au Gouvernement issu de la communauté chiite, la première du pays.
En Syrie, l’attachement de certaines communautés, les alaouites et aussi les chrétiens, à Bachar el Assad correspond à la crainte de voir ressurgir, dans le cadre d’un retour de l’histoire, les vieilles discriminations envers les minoritaires.
En Libye, jusqu’à l’implantation de Daech autour de Syrte, qui a créé une quatrième zone qui tend à s’étendre, les clivages politiques recouvrent la partition du pays entre ses trois grandes régions : Cyrénaïque, Tripolitaine et Fezzan.
A l’opposé, ni en Tunisie, ni en Egypte, qui ont connu deux évolutions politiques opposées, la situation n’a évolué aussi mal car chacun de ces pays est perçu par ses habitants comme une unité en soi, avec une consistance géographique et historique, et donc la capacité à envisager l’Etat au-delà de la chute de ceux qui l’ont incarné pendant des décennies.
Même au Mali, où l’intervention de France a eu une part prédominante avec l’opération Serval, seule à même de sauver la situation dans les délais qu’exigeait sa gravité, les interventions extérieures se font dans le monde en coalition, d’une manière générale.
Une puissance chef de file, non seulement les Etats-Unis, mais aussi la France, et même la Russie pour la partie relative à son implication en Syrie, reçoit l’appui d’autres Etats, qu’il s’agisse de fournir du renseignement, des équipements, des capacités logistiques ou des femmes et des hommes, combattants ou non, intervenant sur le terrain.
Deux éléments aident particulièrement à la constitution de ces interventions en commun.
Il s’agit d’abord de l’OTAN, avec le concept d’interopérabilité, qui s’est avéré très utile en Afghanistan, et celui de sécurité coopérative, qui implique le travail en commun avec d’autres acteurs, et notamment les partenaires. L’interopérabilité est entretenue notamment avec les exercices en commun.
Elle a été étendue à des degrés divers à différents pays partenaires, avec plusieurs cercles. Il faut ainsi mentionner les partenaires euro-atlantiques, dont l’Ukraine, la Géorgie, ainsi que les pays des Balkans occidentaux et d’Asie centrale. Il y a également les partenaires du dialogue méditerranéen, Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Mauritanie, Maroc et aussi Tunisie, ainsi que ceux de l’initiative de coopération d’Istanbul : Bahreïn, Qatar, Koweït et Emirats arabes unis. Enfin, les partenaires du monde concernent les relations bilatérales avec un certain nombre de pays : l’Australie, le Japon, la République de Corée, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, l’Irak, l’Afghanistan et la Mongolie, qui coopèrent avec l’OTAN dans des domaines d’intérêt commun et certains peuvent contribuer activement aux opérations de l’OTAN, soit sur le plan militaire soit d’une autre manière.
Même lorsque l’OTAN n’est pas impliquée sur un théâtre, car n’étant pas concernée, l’interopérabilité qu’elle a constituée est mise en œuvre et ce sont ainsi les outils qu’elle a contribué à construire qui sont utilisés.
Le deuxième élément clef est l’Union européenne avec notamment une capacité d’intervention dans le civil et dans le civilo-militaire qui en fait un instrument très utile, et qui associe, régulièrement, également, des pays non membres, comme la Géorgie, à ses opérations.
Selon les conclusions du Conseil européen de juin dernier, l’Union doit être concentrée sur un objectif en matière de renforcement des capacités des États-tiers : la mise en œuvre de l’initiative « train and equip » (former et équiper). Son objectif est de contribuer aux équipements des forces armées formées dans le cadre des missions de PSDC. Sa déclinaison opérationnelle constitue une priorité française et figure parmi les objectifs portés par la lettre cosignée en avril 2015 par les ministres des affaires étrangères et de la défense en format Weimar. Ce projet revêt une importance majeure en vue d’affirmer l’Union européenne comme un acteur global de gestion de crise, capable de déployer différents instruments de son action extérieure et de répondre à la fois à des enjeux de sécurité et de développement. Cet objectif a été reconnu par la communication conjointe du SEAE et de la Commission européenne - diffusée en mai dernier – intitulée « Renforcement des capacités des partenaires dans le domaine de la sécurité et de la défense ».
Enfin, interviennent également l’ONU, par ses agences et organismes spécialisés, ainsi que les ONG.
La notion d’approche globale est apparue à l’occasion des opérations en Afghanistan, avec trois objectifs.
L’un d’ordre militaire, comme un moyen de la contre-insurrection, conformément à la stratégie déployée par le général Petraeus.
L’autre, plus conforme à l’objectif de long terme de l’intervention, a été notamment développé par le général McChrystal, dans le but d’associer les populations aux objectifs de l’intervention militaire.
Le dernier, enfin, relève de la conception suivant laquelle le but de l’intervention militaire dans une opération de gestion de crise ou de maintien de la paix, est de rétablir un Etat ce qui implique des opérations dans le domaine de la gouvernance, du développement économique, de la sécurité et aussi de l’éducation et du social.
Sur le fond, l’approche globale vise donc à créer ou recréer un Etat disposant de capacités dans le domaine de l’administration, de la sécurité, de la police, de l’éduction, de la santé et des services aux populations, et disposant également de la légitimité politique.
Elle fait naturellement intervenir en arrière-plan une stratégie de développement qui implique notamment les acteurs mondiaux que sont la banque mondiale, le PNUD, l’Union européenne et les Etats donateurs, avec l’exigence de stratégies coordonnées dans le cadre des conférences de donateurs.
C’est la question politique qui est la plus difficile, car l’expérience de l’Afghanistan montre qu’au-delà de la formation de l’armée afghane, des résultats en matière d’éducation, notamment des filles, et des construction de l’Etat, c’est celle dont tout dépend encore tant qu’elle n’est pas réglée. Certes, l’autorité est exercée par un président élu et un gouvernement national, mais il reste à organiser les élections législatives et locales, et le maintien de l’insécurité et de la rébellion montre que le principe de base de la construction d’un Etat, qui vise à lui conférer le monopole de la contrainte et à abandonner pour soi le recours à la violence en cas de désaccord, n’est pas acquis.
C’est aussi on le voit l’absence de résultat sur le dialogue politique qui conduit au maintien du blocage en Libye.
De ce point de vue, le rôle de l’ONU reste irremplaçable par sa capacité de nommer des médiateurs dès lors qu’ils peuvent agir dans la durée.
C. LES EFFORTS NÉCESSAIRES POUR ASSURER LE MAINTIEN DE LA FRANCE À SON RANG ACTUEL À PARTIR DES ANNÉES 2020
Le changement de pied de l’armée française depuis 20 ans a été une réussite puisque l’on est passé d’un format fondé sur le nombre et le statique, à un format de type expéditionnaire fondé sur et un haut niveau d’équipement.
L’armée française est l’une des quelques armées au monde à avoir ainsi une capacité d’entrée en premier et à avoir des capacités lui permettant d’intervenir sur la totalité du spectre, de la très haute intensité avec dans les situations les plus extrêmes la capacité nucléaire stratégique, aux opérations de faible intensité, et aux opérations civilo-militaires.
Elle est en Europe l’une des très rares, pour ne pas dire la seule, dès lors que l’armée britannique connaît une certaine éclipse, à être capable d’assurer en même temps la protection de son territoire, et de sa population, la dissuasion de toute agression étatique éventuelle et d’opérer sur des théâtres extérieurs les interventions nécessaires pour défendre pour défendre non seulement ses intérêts mais aussi ceux de l’Europe, et de contribuer en outre la préservation de la paix et de la sécurité internationale par sa capacité de prévention et de gestion des crises.
En outre, elle dispose d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) française, composante indispensable de sa souveraineté et de son autonomie : les entreprises de défense françaises des grands groupes aux PME, conçoivent, développent et produisent en effet la presque totalité des équipements militaires de nos armées, parmi lesquels les équipements critiques de très haute technologie, et figurent parmi les plus performantes au monde dans de nombreux secteurs. Plus de 150 000 personnes sont employées dans le secteur.
C’est cette étendue qui donne à notre pays toute sa place tant dans l’OTAN que dans la politique de sécurité et de défense commune dans le cadre de l’Union européenne.
La préservation de ces capacités est d’ores et déjà planifiée, avec tant pour la LPM révisée, notamment pour la fin de période 2018-2019, que pour l’après LPM, des efforts d’équipement substantiels.
Toute la question est de savoir si ces projections sont en l’état crédibles.
Avant d’examiner les éléments à envisager, il faut rappeler que sur le long terme, la capacité d’un pays à fournir un effort de défense suffisant dépend de ses performances économiques. Le budget de défense peut certes représenter un pourcentage plus ou moins élevé du PIB, autour de la norme OTAN de 2 %, qui est acceptable pour un pays démocratique, mais sur plusieurs années, son évolution suit globalement la croissance. Par conséquent, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que celle-ci soit en France insuffisante en grande partie en raison des insuffisances de la politique économique du Gouvernement qui n’a pas fait les réformes structurelles nécessaires.
De manière plus précise, la trajectoire de la LPM révisée prévoit une augmentation de la dépense militaire à partir de 2017, dernière année de l’actuelle législature, avec notamment une augmentation significative entre 2017 et 2019, comme l’indique le tableau suivant.
EFFORT DE DÉPENSES DE DÉFENSE DE LA FRANCE 2013-2019
|
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Dépenses de défense en Md€ courants (hors pensions) |
31,38 |
31,38 |
31,38 |
31,98 |
32,26 |
32,77 |
34,02 |
Part du PIB (hors pensions) |
1,48 % |
1,46 % |
1,44 % |
1,43 % |
1,40 % |
1,38 % |
1,38 % |
Dépenses de défense en Md€ courants (pensions comprises) (1) |
39,39 |
39,27 |
39,17 |
39,73 |
40,32 |
40,83 |
42,08 |
Part du PIB (pensions comprises) |
1,86 % |
1,83 % |
1,79 % |
1,77 % |
1,75 % |
1,72 % |
1,71 % |
(1) En l’absence de prévisions consolidées, le niveau des dépenses de pensions pour les années 2018 à 2019 a été estimé identique à l’année 2017, tel qu’arrêté lors de l’adoption du budget triennal.
Source : ministère de la Défense in rapport n° 2816 de Mme Patricia Adam, députée.
Il y a donc 2 milliards d’euros de plus à inscrire en loi de finances entre 2017 et 2019, la dépense de défense de la France passant de 32,26 à 34,02 milliards d’euros. C’est essentiellement pour les dépenses d’équipement, puisque, comme l’indique le tableau suivant, les dépenses de personnel connaîtront une stabilité autour de 11 milliards d’euros.
RÉPARTITION DES CRÉDITS PAR GRANDE MASSE BUDGÉTAIRE
(en milliards d’euros)
|
LFI 2014 |
LFI 2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total |
Moyenne 2014-2019 |
Moyenne |
Masse salariale hors pensions |
10,98 |
10,76 |
11,09 |
11,11 |
11,08 |
10,97 |
65,98 |
11,00 |
11,00 |
Équipement |
16,42 |
16,66 |
16,98 |
17,28 |
17,73 |
19,09 |
104,16 |
17,36 |
17,55 |
Opérations extérieures |
0,45 |
0,45 |
0,45 |
0,45 |
0,45 |
0,45 |
2,70 |
0,45 |
0,45 |
Fonctionnement et activité |
3,47 |
3,52 |
3,47 |
3,41 |
3,51 |
3,51 |
20,90 |
3,48 |
3,48 |
Total mission Défense hors pension |
31,32 |
31,40 |
31,98 |
32,26 |
32,77 |
34,02 |
193,75 |
32,29 |
32,48 |
Source : Ibid.
Pour les années 2020, on constate que les prévisions d’acquisition d’équipement sont extrêmement importantes, pour ne s’en tenir qu’aux seuls programmes relatifs aux équipements lourds.
C’est au cours des années 2020 à 2025 que les réductions temporaires de capacité devraient être les plus importantes notamment pour les capacités de projection (aviation de transport), l’équipement des forces terrestres (blindés), les bâtiments de projection des approches maritimes et de présence dans les zones économiques exclusives ou même les missiles, bombes ou roquettes, selon les actuelles projections.
Sur les munitions ou missiles, la politique d’entretien au plus juste de l’ensemble de stocks a certes ses avantages, mais la réduction temporaire des capacités que l’on constate trouve toute leur fragilité dès lors que les besoins opérationnels sont supérieurs aux prévisions, compte tenu de la nature des engagements prévisibles.
Plus précisément, les forces terrestres traversent actuellement une période de renouvellement profond, avec notamment l’opération d’ensemble Scorpion.
Sur le fond, les matériels actuels ont été conçus dans les années 1970 et sont vieillissants ou en fin de vie, notamment les plates-formes de combat, notamment les hélicoptères Gazelle, les VAB, les AMX 10 RC, les ERC 90, les P4 et les MILAN.
Le cycle de renouvellement entamé par l’actuelle LPM se renouvellera au-delà de 2020 et concerne aussi les hélicoptères de transport et les véhicules de transport logistique.
Ainsi que l’a indiqué lors de son audition par la commission de la défense le 13 octobre dernier le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Bosser : « je souhaite que soit pris en compte, à horizon de la prochaine LPM, les besoins de VBMR légers et VLTP à hauteur de la FOT 77 000. »
Pour la marine nationale, il faut d’abord considérer que l’absence de permanence à mer d’un groupe aéronaval, dû à l’absence de deuxième porte-avions, ne sera comblée que par la coopération bilatérale avec le Royaume-Uni dans le cadre de la force intégrée prévue par les accords de Lancaster House à l’horizon 2020.
La principale réduction de capacités concernera le ravitaillement en mer, ce qui affecte la capacité de projection des forces, à partir de 2020 et jusqu’à la livraison après 2025 du troisième ravitailleur prévu dans le cadre du programme « Flotte logistique » dont la commande de la première unité est prévue pour 2019.
Mails il faut aussi rappeler les difficultés pour les petites unités de patrouilleurs qui feront l’objet de ruptures importantes à partir de 2020.
Sur les frégates, l’ambition de 15 frégates de premier rang à l’horizon 2025 dépend du programme FTI encore en cours de définition.
Pour ce qui concerne l’armée de l’air, c’est essentiellement sur le ravitaillement en vol et le transport tactique et stratégique, en raison du retard de l’A 400 M, que porte l’attention.
3. Bien anticiper le coût du nécessaire maintien de l’impératif de la dissuasion nucléaire dans la prochaine décennie
La dissuasion nucléaire n’est pas définitivement acquise. Elle doit faire l’objet d’une mise à niveau constante.
Comme cela a été indiqué à votre rapporteur pour avis, les arsenaux des autres Etats nucléaires sont actuellement en cours de modernisation, notamment en Russie, où un plan très ambitieux notamment au regard des capacités financières du pays, prévoit un renouvellement du parc à l’horizon 2025, ainsi qu’en Chine, laquelle se trouve, de même d’ailleurs que le Pakistan et l’Inde, dans une logique d’accroissement et de diversification de ses capacités.
Aux Etats-Unis, un investissement important est envisagé pour la modernisation de l’infrastructure et le maintien des compétences clés. Publiée le 6 avril 2010, la dernière Nuclear Posture Review affiche deux objectifs qui ne sont qu’apparemment contradictoires : celui d’un monde sans arme nucléaire ; celui de l’engagement des Etats-Unis à maintenir un arsenal sûr, fiable et efficace tant que les armes nucléaires existeront.
Au Royaume-Uni, le contrat de définition du SNLE de nouvelle génération, successeur du SNLE Vanguard, a été lancé.
Pour la France, il est impératif de rester dans le cercle fermé des Etats possédant l’arme nucléaire stratégique au niveau le plus exigeant pour trois raisons.
D’abord, c’est la garantie de sécurité contre toute agression étatique. Point n’est besoin de développer cet élément auquel nos partenaires européens sont d’ailleurs attentifs, puisqu’il n’y a sur le continent européen que trois puissances nucléaires : le Royaume-Uni, la Russie et la France.
Ensuite, c’est le volet militaire de la place de la France dans le monde, et notamment de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies qu’il faut mentionner. Sans cet atout, la place de la France à l’ONU ne reposerait que sur sa seule légitimité historique, notamment celle d’avoir été à la table des vainqueurs à la fin de la Seconde guerre mondiale, grâce au Général de Gaulle et à l’appui de Winston Churchill. Au regard des débats récurrents sur la réforme du Conseil de sécurité, cela risquerait d’être passablement insuffisant.
L’existence d’une force de dissuasion en France est aussi dans l’équilibre de l’Union européenne, et notamment au sein du couple franco-allemand, un élément essentiel. Elle est l’un des contrepoids politique à la prépondérance économique de l’Allemagne, dont elle est aussi un élément de sécurité puisque le couple franco-allemand est, comme on le voit avec la Russie, un acteur important du dialogue et de la maîtrise des tensions et des risques d’escalade en cas de crise internationale.
Enfin, la force de dissuasion est l’une des clefs de l’excellence française dans certaines technologies. Comme le rappelle le chef d’état-major de la marine, dont dépend la Force océanique stratégique (FOST), l’Amiral Rogel, un SNLE concentre quatre technologies relevant du plus haut niveau. Il est à la fois un submersible, une centrale nucléaire électrique de petite taille, un pas de tir de fusée fonctionnant sous immersion, qui plus est, et le support d’une arme de très haut niveau qu’est le missile nucléaire.
D’ailleurs, les premières études ont été lancées pour le SNLE de 3ème génération, comme l’a confirmé en commission élargie le ministre de la défense.
Selon les estimations actuelles, les moyens budgétaires annuels nécessaires passeraient de l’ordre de 3,5 milliards d’euros par an à 6,9 milliards d’euros en 2025. Ce doublement ne manquera pas de faire débat dans les futures années, notamment pour la prochaine loi de programmation militaire pour l’après-2019. Compte tenu de l’ensemble de ces charges, certains estiment que le budget de la défense devrait passer à 2 % du PIB.
Pour sa part, votre rapporteur pour avis estime que pour la France une telle charge ne sera pas excessive, car il en va de notre sécurité, de notre statut et de notre futur.
À l’issue de la commission élargie (1), la commission des affaires étrangères examine pour avis les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2016.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
Mardi 22 septembre 2015
– M. Bernard Bajolet, directeur général de la sécurité extérieure (DGSE)
– Général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre
Mardi 29 septembre 2015
– Amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine
– Général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air
Mardi 13 octobre 2015
– Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées
Mardi 20 octobre 2015
– M. Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l’armement (DGA)