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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016 (n° 3096)
TOME V
DÉFENSE
PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :
MARINE
PAR M. Gwendal Rouillard
Député
——
Voir le numéro : 3110 (annexe 12)
SOMMAIRE
___
Pages
I. UN BUDGET POUR 2016 CONSOLIDÉ, CONFORME À L’ACTUALISATION DE LA PROGRAMMATION 9
A. LES CRÉDITS PRÉVUS POUR 2016 : UN BUDGET REVALORISÉ, NOTAMMENT AU PROFIT DE L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE ET DE L’ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS 10
1. L’évolution des crédits par sous-action 10
2. La répartition des crédits budgétaires par titre 12
B. LES OBJECTIFS DE PERFORMANCE 13
1. La mesure de la performance opérationnelle 13
2. Les indicateurs relatifs à l’activité et à la disponibilité des matériels 14
C. LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE : UNE PRIORITÉ CONFIRMÉE EN 2016 16
1. Les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) 16
2. L’EPM naval 16
3. L’EPM aéronautique 17
4. Une augmentation de près de 50 % des surcoûts en EPM dus aux OPEX 17
5. Synthèse des principales opérations conduites par le service de soutien de la flotte 18
D. LES RESSOURCES HUMAINES DE LA MARINE 19
1. Un allégement des déflations suite à l’actualisation de la LPM 19
2. « Faites un pas vers votre avenir » : la nouvelle campagne de communication 2015-2017 20
3. Le basculement de Louvois à Source solde : la marine précurseur 21
E. PANORAMA DES FORCES NAVALES 21
1. Les principales composantes de la flotte de surface 21
2. Les principales composantes de l’aéronautique navale 22
3. Les principales composantes des forces sous-marines 23
4. La force des fusiliers marins et commandos 24
5. Les commandes et livraisons prévues en 2016 24
II. UNE MOBILISATION OPÉRATIONNELLE QUI NE FAIBLIT PAS 27
A. UNE SITUATION GÉOSTRATÉGIQUE TENDUE 27
1. Des risques en augmentation, qui gagnent en intensité et en simultanéité 27
2. L’attitude de certains États incite à une vigilance accrue 27
3. La globalisation amplifie les risques et les menaces 28
B. LE PANORAMA OPÉRATIONNEL DANS SES DIFFÉRENTES COMPOSANTES : INTERVENTION, PROTECTION, DISSUASION 28
1. Des choix sous contrainte 28
2. Les interventions à l’extérieur 29
3. La protection des approches et des intérêts nationaux 30
4. La permanence de la dissuasion 30
III. LES POINTS DE TENSION ET D’ATTENTION 30
A. LES ENJEUX LIÉS AUX PERSONNELS 31
1. Un mode de vie contraignant qui correspond de moins en moins aux exigences des jeunes générations 31
2. La nécessité d’une gestion fine des déflations, avec un pilotage par le besoin en compétences et non par les effectifs 32
3. Une intense activité opérationnelle doublée d’une charge liée aux rationalisations de l’outil de défense et d’inefficacités dans le soutien 32
B. LES ENJEUX LIÉS AUX MATÉRIELS ET AUX CAPACITÉS 33
1. La capacité de lutte anti sous-marine 33
2. Les forces de souveraineté 34
3. La flotte logistique 35
4. L’aéronautique navale 35
C. LA MARINE DE DEMAIN : LE PLAN HORIZON 2025 36
SECONDE PARTIE : LA MARINE ET LA PROTECTION DU TERRITOIRE 39
I. LA PROTECTION : UNE NOTION MULTIFORME, UNE MISSION PERMANENTE 39
A. LES DIFFÉRENTS ASPECTS DE LA PROTECTION 39
1. La fonction stratégique « protection » et ses composantes 39
2. La protection-sécurité : des missions au service de trois grandes fonctions stratégiques 40
B. PANORAMA OPÉRATIONNEL DE LA PROTECTION 41
1. La posture permanente de sauvegarde maritime (PPSM) 41
2. La protection des sites et installations sensibles 44
II. LA RÉFORME DE LA PROTECTION DÉFENSE AU SEIN DES FUSILIERS MARINS 47
A. PRÉSENTATION DE LA FORCE DES FUSILIERS MARINS 47
B. LA RÉFORME DE 2014 ET SON PREMIER BILAN 49
1. Une réforme rendue nécessaire pour satisfaire de nouveaux besoins opérationnels et remédier à un déficit d’attractivité du métier 49
2. Premier bilan à un an 50
TRAVAUX DE LA COMMISSION 51
ANNEXE : Liste des personnes rencontrées et auditionnées par le rapporteur pour avis 75
L’année 2016 constituera une année charnière pour nos armées. Se situant à mi-parcours dans la programmation 2014-2019, elle constitue aussi le premier exercice de la loi de programmation militaire (LPM) issue de l’actualisation intervenue en juillet 2015 (1). En outre, c’est également à partir de cet exercice que l’activité doit progressivement remonter vers les standards OTAN.
Pour 2016, la marine verra ses ressources consolidées et adaptées au contexte sécuritaire et opérationnel conformément à l’actualisation de la LPM. Tous financements compris, ses crédits de paiement seront en augmentation de 2,32 % et atteindront 2 023,06 millions d’euros au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Les autorisations d’engagement s’élèveront à 2 949,61 millions d’euros. Ce budget permettra de financer la remontée de l’activité et le maintien en condition opérationnelle (MCO), axe fort de la programmation, grâce la croissance des crédits d’entretien programmé des matériels (EPM).
S’agissant des capacités, 2016 sera une année de « bascule », avec le franchissement de jalons importants dont notamment : la livraison d’une deuxième frégate multi-missions (FREMM) – la FREMM Languedoc –, le passage de l’ensemble de la chasse embarquée au standard Rafale, la mise en service du missile de croisière naval (MdCN), le renforcement de la mission de dissuasion avec le M 51, la poursuite des livraisons de NH 90 Caïman, la commande de deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH), la livraison d’un bâtiment multi-missions (B2M), ou encore le chargement du cœur combustible du premier Barracuda.
Du point de vue opérationnel, la marine restera durablement engagée, au-delà du contrat opérationnel prévu par le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale. C’est pourquoi il convient de rester vigilant aux points de tension, même si certains sont en réalité connus de longue date. Dans le domaine des ressources humaines, cela concerne notamment le recrutement et la fidélisation des personnels, ainsi que l’efficacité du soutien. Dans le domaine capacitaire, l’attention doit en particulier porter sur la disponibilité de certains matériels (Atlantique 2, NH 90 Caïman), sur nos capacités de lutte anti-sous-marine, sur l’état de la flotte logistique et de la flotte d’hélicoptères légers, et sur nos forces de souveraineté.
Plus symboliquement, les profonds changements que connaît la marine se constatent également au niveau géographique. L’année 2016 sera également une année de consolidation des réorganisations initiées en 2015 avec, notamment, le déménagement de l’état-major à Balard. C’est ainsi une page d’histoire qui s’est tournée après 226 ans de présence à l’Hôtel de la Marine.
Le rapporteur tient à remercier chaleureusement l’ensemble des militaires et personnels civils rencontrés dans le cadre de la préparation de ce rapport. Les déplacements qu’il a effectués sur les bases de Brest, Cherbourg, Toulon, Landivisiau et Lanvéoc, au sein des Écoles de la marine – École navale, École de maistrance, École des mousses –, ainsi que les missions en mer auxquelles il a eu l’honneur d’être convié – y compris à l’étranger dans le cadre de l’opération Corymbe – ont été particulièrement enrichissants. L’ensemble de ses interlocuteurs a fait preuve d’une grande ouverture, d’une réelle pédagogie et d’une totale franchise, et le rapporteur tient à leur redire son admiration tout en leur témoignant sa reconnaissance et son soutien.
Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2015, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
À cette date, 99 réponses sur 101 lui étaient parvenues, soit un taux de 98 %.
PREMIÈRE PARTIE : DES RESSOURCES ADAPTÉES AU NIVEAU D’INTENSITÉ OPÉRATIONNELLE
Le rapporteur souhaite tout d’abord rappeler que, contraint par l’architecture budgétaire, le rapport dont il a la charge n’offre qu’une vision incomplète des crédits attribués aux forces navales.
En effet le présent avis a pour unique objet l’analyse des crédits de l’action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Or, cette action ne regroupe pas l’intégralité des ressources dont bénéfice la marine. Les dépenses d’équipements sont ainsi retracées au sein du programme 146 « Équipement des forces ». Les crédits de soutien – dont l’ensemble des dépenses de personnel – figurent au programme 212 « Soutien de la politique de défense ». Enfin, la marine se voit attribuer des ressources destinées à l’ensemble des armées : crédits concernant le soutien interarmées ou crédits relatifs aux opérations extérieures (OPEX) par exemple.
Pour ce qui concerne le seul programme 178, ce sont 2 949,61 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 2 023,06 millions d’euros en crédits de paiement (CP) qui sont inscrits au profit de marine au titre du projet de loi de finances pour 2016 (PLF). Ces ressources sont constituées par :
– des crédits budgétaires, à hauteur de 2 880,95 millions d’euros en AE et 1 954,30 millions d’euros en CP ;
– et les ressources « annexes » que constitue le versement de fonds de concours et d’attributions de produits (2), pour 68,76 millions d’euros en AE comme en CP.
Au total, l’action 3 « Préparation des forces navales » regroupe un peu moins d’un tiers des AE et plus d’un quart des CP du programme 178, soit respectivement 31,57 % et 26,96 %.
IMPORTANCE RELATIVE DE CHAQUE ACTION DU PROGRAMME 178
(en millions d’euros)
AE |
Part dans le programme |
CP |
Part dans le programme | |
178 Préparation et emploi des forces |
9 343,93 |
100 % |
7 504,50 |
100 % |
01 Planification des moyens et conduite des opérations |
434,44 |
4,65 % |
440,73 |
5,87 % |
02 Préparation des forces terrestres |
1 395,11 |
14,93 % |
1 232,26 |
16,42 % |
03 Préparation des forces navales |
2 949,61 |
31,57 % |
2 023,06 |
26,96 % |
04 Préparation des forces aériennes |
2 571,99 |
27,52 % |
1 975,99 |
26,33 % |
05 Logistique et soutien interarmées |
1 682,77 |
18,00 % |
1 522,45 |
20,29 % |
06 Surcoûts liés aux opérations extérieures |
310 |
3,32 % |
310 |
4,13 % |
07 Surcoûts liés aux opérations intérieures |
– |
– |
– |
– |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense » ; calculs du rapporteur.
A. LES CRÉDITS PRÉVUS POUR 2016 : UN BUDGET REVALORISÉ, NOTAMMENT AU PROFIT DE L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE ET DE L’ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS
L’analyse des seuls crédits budgétaires témoigne d’un niveau de ressources stable entre la loi de finances initiale pour 2015 (LFI) et le projet de loi PLF 2016, avec des crédits de paiement en très léger recul (-0,22 %).
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION PRÉPARATION DES FORCES NAVALES 2015-2016
HORS FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
Action / Sous-action |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 |
03 Préparation des forces navales |
3 002,63 |
2 880,85 |
– 4,06% |
1 958,51 |
1 954,30 |
– 0,22% |
03-01 Commandement et activités des forces navales |
256,51 |
272,08 |
6,07 % |
255,60 |
268,19 |
4,93 % |
03-05 Ressources humaines des forces navales |
42,06 |
36,29 |
– 13,73 % |
40,80 |
36,65 |
– 10,17% |
03-07 Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales |
2 583,80 |
2 497,30 |
– 3,35% |
1 543,58 |
1 572,99 |
1,91% |
03-08 Environnement opérationnel des forces navales |
120,25 |
75,18 |
– 37,48% |
118,53 |
76,46 |
– 35,49% |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense » ; calculs du rapporteur.
En revanche, si l’on tient compte de l’ensemble des ressources prévues – crédits budgétaires, attributions de produits (ADP) et fonds de concours (FDC) – on constate une augmentation de 2,32 % des crédits de paiement, qui atteignent 2 023,06 millions d’euros. La croissance des FDC et ADP, qui atteignent 68,7 millions d’euros, soit 50 millions d’euros de plus qu’en 2015, s’explique par la prise en compte du produit de la revente du TCD (3) Siroco au Brésil. Le rapporteur tient à souligner la nécessité que ces fonds soient effectivement reversés au budget de la marine, qui ne saurait se passer d’une telle somme.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION PRÉPARATION DES FORCES NAVALES 2015-2016
FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS COMPRIS
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
Action / Sous-action |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 |
2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 |
03 Préparation des forces navales |
3 021,37 |
2 949,61 |
– 2,38% |
1 977,25 |
2 023,06 |
2,32% |
03-01 Commandement et activités des forces navales |
258,46 |
273,46 |
5,80 % |
257,55 |
269,57 |
4,67 % |
03-05 Ressources humaines des forces navales |
43,45 |
41,55 |
– 4,38% |
42,19 |
41,91 |
– 0,66% |
03-07 Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales |
2 583,80 |
2 547,30 |
– 1,41% |
1 543,58 |
1 622,99 |
5,14% |
03-08 Environnement opérationnel des forces navales |
135,65 |
87,30 |
– 35,64% |
118,53 |
88,58 |
– 25,27% |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense » ; calculs du rapporteur.
● Le périmètre de la sous-action n° 1 « Commandement et activités des forces navales » comprend le commandement, les activités opérationnelles et l’entraînement des forces de la marine dans ses quatre composantes – force d’action navale, force sous-marine, aéronautique navale et force des fusiliers-marins et commandos – ainsi que la gendarmerie maritime et les formations territoriales.
Ses crédits de paiement, en augmentation de 4,67 %, permettent notamment d’assurer l’approvisionnement en munitions (recomplètement des stocks), ainsi que les dépenses de combustibles de navigation et de carburants aéronautiques.
● Les CP de la sous-action n° 5 « Ressources humaines des forces navales » sont en légère décroissance (– 0,66 %). Ils ont vocation à couvrir les dépenses liées à la formation initiale et continue du personnel militaire, sa gestion et son administration, ainsi que les activités relatives au recrutement (campagnes de recrutement, actions de communication, etc.).
L’intitulé de la sous-action et les montants associés ne doivent pas induire en erreur : ceux-ci ne servent pas à couvrir les dépenses de personnel (titre 2) dont les crédits sont, depuis l’an dernier, retracés à la sous-action n° 56 (4) du programme 212 « Soutien de la politique de défense ».
● La sous-action n° 7 « Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales » voit ses CP progresser de 5,14 %, une telle revalorisation témoignant de la priorité accordée à l’entretien programmé des matériels (EPM).
● La diminution substantielle des ressources retracées à la sous-action n° 8 « Environnement opérationnel des forces navales » (- 25,27 % en CP) s’explique par le transfert des crédits d’alimentation à terre au service du commissariat des armées (SCA) dans le cadre de l’interarmisation de la fonction restauration, hébergement, loisirs (RHL). Aussi, à compter de 2016, seuls restent inscrits à cette sous-action les crédits d’alimentation des marins embarqués.
En 2016, les seuls crédits budgétaires (5) permettront de financer les dépenses de fonctionnement (titre 3) à hauteur de 2 735,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 840,1 millions d’euros en crédits de paiement.
Pour ce qui concerne les dépenses d’investissement (titre 5), 145,2 millions d’euros d’AE et 114,2 millions d’euros de CP sont prévus.
Pour mémoire, les dépenses de personnel (titre 2) s’élèveront à 2 262,2 millions d’euros.
ÉVOLUTION PAR TITRE DES CRÉDITS DE L’ACTION 03
HORS FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS
(en millions d’euros)
LFI 2015 |
PLF 2016 | |||
AE |
CP |
AE |
CP | |
Titre 3 |
2 903,8 |
1 842,8 |
2 735,7 |
1 840,1 |
Titre 5 |
98,8 |
115,7 |
145,2 |
114,2 |
Titre 2 (pour mémoire) |
2 416,0 |
2 416,0 |
2 262,2 |
2 262,2 |
TOTAL hors T2 |
3 002,6 |
1 958,5 |
2 880,9 |
1 954,3 |
TOTAL T2 compris |
5 418,6 |
4 374,5 |
5 143,1 |
4 216,5 |
Source : ministère de la Défense ; calculs du rapporteur.
INDICATEUR 3.1 « TAUX DE SATISFACTION DES CONTRATS OPÉRATIONNELS PERMETTANT D’ASSURER LA FONCTION STRATÉGIQUE DE PROTECTION »
(en pourcentage)
2013 |
2014 |
2015 Prévision PAP |
2015 |
2016 | |
Niveau de réalisation des contrats pour la marine |
96,5 |
66 |
63 |
72 |
75 |
Niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance maritime |
85 |
83 |
83 |
83 |
85 |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense ».
Même si, en 2015, le taux de réalisation du contrat protection devrait être supérieur aux prévisions, des contraintes continuent de peser sur les forces, les empêchant d’améliorer significativement la performance mesurée par cet indicateur. En effet, la disponibilité insuffisante des Atlantique 2 (ATL2) et des hélicoptères ne permet pas d’assumer, dans la durée, l’ensemble des missions relatives à la fonction protection en métropole.
Les mêmes contraintes matérielles produisent les mêmes effets outre-mer, le retrait du service actif des patrouilleurs P 400 et de bâtiments de transports légers (BATRAL) fragilisant la fonction protection dans les territoires ultramarins. La livraison des bâtiments multi-missions (B2M) devrait compenser ces ruptures temporaires de capacité.
Le niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance maritime devrait être en phase avec les prévisions. Toutefois, cette surveillance reste incomplète et le demeurera en 2016, du fait de la réduction temporaire des forces de souveraineté outre-mer et d’un parc insuffisant pour ce qui concerne la patrouille et la surveillance maritimes.
INDICATEUR 4.1 « CAPACITÉ DES ARMÉES À INTERVENIR DANS UNE SITUATION METTANT EN JEU LA SÉCURITÉ DE LA FRANCE »
(en pourcentage)
2014 |
2015 |
2015 actualisée |
2016 Prévision |
2017 | |
Marine |
70 |
60 |
75 |
70 |
60 |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense ».
Pour 2016, la prévision est en légère baisse. Cela s’explique par le niveau des stocks de munitions, qui conditionne la capacité de la marine à soutenir un engagement majeur. Rappelons toutefois que les crédits inscrits à la sous-action n° 1, en croissance de 4,67 % l’an prochain, servent notamment à couvrir les dépenses pour recomplètement des stocks.
La dégradation de la cible pour 2017 s’explique aisément ; la capacité de la marine se trouvera mécaniquement réduite cette même année en raison de l’entretien à mi-vie du porte-avions Charles-de-Gaulle.
INDICATEUR 4.2 « CAPACITÉ À RÉALISER LES CONTRATS OPÉRATIONNELS
PERMETTANT DE GÉRER LES CRISES »
(en pourcentage)
2014 |
2015 |
2015 actualisée |
2016 Prévision |
2017 Cible | |
Marine |
87 |
73 |
70 |
75 |
80 |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense ».
Pour 2015, le résultat devrait être inférieur aux prévisions initiales en raison de la disponibilité dégradée des ATL2, des frégates anti-sous-marines et de la composante guerre des mines. Le taux de satisfaction de l’indicateur devrait toutefois progresser entre 2016 et 2017 grâce à l’arrivée des frégates multi-missions (FREMM), à la poursuite des livraisons d’hélicoptères NH 90 Caïman et à l’équipement en missiles de croisière navals (MdCN).
INDICATEUR 5.1 « NIVEAU DE RÉALISATION DES ACTIVITÉS ET DE L’ENTRAÎNEMENT »
2014 |
2015 |
2015 actualisée |
2016 Prévision |
2017 Cible |
Rappel Norme LPM | |
Jours de mer par bâtiment Marine / > 1 000 tonnes |
83 / 92 |
86 / 94 |
86 / 94 |
90 / 99 |
96 / 105 |
100 / 110 |
Heures de vol par pilote de chasse Marine / qualifié « nuit » |
136 / 194 |
150 / 180 |
161 / 193 |
180 / 220 |
180 / 220 |
180 / 220 |
Heures de vol par pilote d’hélicoptère Marine |
218 |
180 |
186 |
195 |
220 |
220 |
Heure de vol par pilote de patrouille maritime Marine |
360 |
288 |
282 |
330 |
340 |
350 |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense ».
Le cas échéant, les secondes données indiquent le nombre de jours de mer des grands bâtiments ou les heures de vol des chasseurs de l’aéronautique navale qualifiés « nuit ».
L’activité 2015 des pilotes de chasse est restée soutenue en raison du déploiement du groupe aéronaval (GAN). Les prévisions pour 2016 et 2017 sont conformes à l’objectif d’une remontée de l’activité vers les standards OTAN et vers les normes inscrites dans la LPM. Pour ce qui concerne les pilotes de l’aéronautique navale, ces cibles demeurent dépendantes de la régénération organique des matériels, préalable nécessaire à la qualification des équipages.
INDICATEUR 5.3 « DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS PAR RAPPORT
AUX EXIGENCES DES CONTRATS OPÉRATIONNELS »
(en pourcentage)
2014 |
2015 |
2015 |
2016 |
2017 Cible | |
Porte-avions |
92 |
94 |
90 |
93 |
11 |
SNA |
69 |
70 |
73 |
83 |
59 |
Synthèse autres bâtiments de la marine |
79 |
78 |
76 |
74 |
69 |
Composante frégates |
61 |
68 |
60 |
64 |
69 |
Chasse |
60 |
66 |
69 |
66 |
67 |
Hélicoptères (service public et combat) |
53 |
55 |
55 |
55 |
56 |
Guet aérien, patrouille et surveillance maritime |
50 |
53 |
53 |
54 |
56 |
Source : projet annuel de performances 2016 « Défense ».
La disponibilité du porte-avions Charles-de-Gaulle est conforme aux prévisions. Sa chute brutale en 2017 s’explique naturellement par son entrée en arrêt technique majeur pour entretien à mi-vie.
L’amélioration de la situation des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) est à souligner mais, d’après les documents budgétaires, elle « reste fragile en raison des nombreuses difficultés techniques rencontrées dues à leur ancienneté ». Leur disponibilité sera dégradée à compter de 2017 du fait de la réduction du parc d’une unité – avec le retrait du Rubis du service actif – avant l’arrivée du premier bâtiment de type Barracuda, le Suffren, en 2018.
Les résultats enregistrés par le programme FREMM à l’exportation (6) ayant conduit à prolonger le service de certaines frégates, la disponibilité prévue pour 2016 et 2017 remonte. Le faible nombre d’unités de la composante frégates ne permet toutefois pas de couvrir le besoin tel qu’il résulte du contrat opérationnel. À cet égard, le maintien, confirmé par la LPM actualisée, d’une « trame frégates » à 15 bâtiments de premier rang d’ici 2029 constitue un impératif absolu.
Pour ce qui concerne les autres bâtiments de la marine, la baisse de la disponibilité anticipée pour 2016 et 2017 s’explique notamment par l’ancienneté des navires concernés, singulièrement parmi les bâtiments de souveraineté et de présence. Un tel constat rend d’autant plus nécessaire la réalisation sans retards ni délais des programmes de remplacement des moyens – FLOTLOG (7), B2M – afin que les nouveaux navires puissent rejoindre les forces au plus vite, en particulier outre-mer. En outre d’autres programmes qui restent à ce stade à l’état de projet, à l’image de BATSIMAR (8), pourraient utilement être avancés ou du moins figurer en tant que priorité dès les premières annuités de la prochaine programmation.
Pour le matériel aéronautique, les difficultés, désormais récurrentes, rencontrées en termes de maintenance pour certaines flottes – NH 90 Caïman, Lynx, ATL2 – expliquent leur faible disponibilité. Ces trois flottes font l’objet de plans d’actions particuliers. Si des progrès sont constatés pour ce qui concerne le Lynx et le Caïman, les ATL2 demeurent tributaires de niveau de performance de l’industriel qui en a la charge, en l’espèce le service industriel de l’aéronautique (SIAé).
La LPM avait fait de la revalorisation des crédits de MCO un axe fort de la programmation. L’actualisation adoptée par le Parlement en juillet dernier confirme cette priorité, l’entretien programmé des matériels navals – traduction budgétaire du MCO – étant abondé à hauteur de 60 millions d’euros sur la période 2016-2019. Pour 2016, les crédits de paiement inscrits à la sous-action n° 7 (9) sont en hausse de 5,14 %.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS D’EPM 2014-2016
(en millions d’euros courants)
LFI 2014 |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 | ||||||
Titre |
OS |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
3 |
EPM naval |
792 |
693 |
1 524 |
641 |
853 |
665 |
-44,03 % |
+3,74 % |
EPM aérien |
543 |
431 |
651 |
488 |
612 |
529 |
- 5,99 % |
+8,40 % | |
5 |
EPM naval |
32 |
43 |
33 |
51 |
41 |
37 |
+ 24,24 % |
-27,45 % |
Total EPM |
1 367 |
1 167 |
2 208 |
1 180 |
1 506 |
1 232 |
-31,79 % |
+4,41 % | |
3 |
Dissuasion |
250 |
302 |
321 |
309 |
896 |
275 |
+179,13 % |
-11,00 % |
5 |
Dissuasion |
34 |
34 |
28 |
31 |
66 |
38 |
+135,71 % |
+22,58 % |
Total Dissuasion |
284 |
336 |
349 |
340 |
962 |
313 |
+175,64 % |
-7,94 % | |
TOTAL |
1 651 |
1 503 |
2 557 |
1 520 |
2 468 |
1 545 |
-3,48 % |
-1,64 % |
Source : ministère de la Défense ; calculs du rapporteur.
Les autorisations d’engagement de l’EPM naval hors dissuasion avaient connu une augmentation substantielle en 2015 en raison :
– d’une part, du renouvellement de contrats pluriannuels d’envergure (10) ;
– d’autre part, de la notification de deux importantes opérations : la réalisation du deuxième arrêt ATM du porte-avions et l’affermissement de la tranche conditionnelle liée à l’IPER (11) d’un SNLE en vue de sa modernisation.
Pour 2016, elles retrouvent un niveau plus « classique », en cohérence avec les besoins.
En revanche, les AE affectées à la dissuasion augmenteront fortement en 2016 du fait du renouvellement du contrat pluriannuel de MCO courant des SNLE.
Conformément aux besoins et après une baisse constatée l’année précédente, les crédits de paiement pour l’EPM naval enregistreront une hausse en 2016 (+ 1,45 %).
Avec 529 millions d’euros de CP prévus en 2016, les crédits d’EPM de l’aéronautique navale seront en augmentation de 8,4 %.
Ces besoins financiers en hausse (24 millions d’euros) s’expliquent par :
– la physionomie particulière du parc de l’aéronautique navale, qui comprend de nombreux « sous-parcs » très hétérogènes en termes d’ancienneté des matériels et de nombre, avec l’existence de micro-flottes ne comptant que quelques appareils, ce qui empêche la réalisation d’économies d’échelle ;
– des coûts de soutien et d’entretien plus élevé pour les aéronefs de nouvelle génération, tels que les Rafale ou les NH 90 Caïman.
Les deux tableaux suivants font état des surcoûts en EPM du fait des opérations extérieures (OPEX) en 2014 et tels qu’ils résultent des estimations pour 2015.
Avec 39,53 millions d’euros, ces surcoûts seraient en augmentation de 48,8 % par rapport à 2014, soulignant ainsi le fort niveau d’engagement de nos forces sur les théâtres. Ils témoignent également de la modicité des remboursements à la marine au titre du BOP OPEX ; ainsi que l’a rappelé l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine, l’activité des forces navales n’a été couverte qu’à hauteur de 2 % par les crédits OPEX en 2014 (12).
SURCOÛTS EN EPM DES OPEX 2014
(en millions d’euros courants)
Atalante |
Héraclès Mer |
Serval |
Autres |
Total 2014 | |
EPM naval |
2,06 |
8,38 |
0,00 |
3,38 |
13,82 |
EPM aéronaval |
0,77 |
6,38 |
5,14 |
0,32 |
12,61 |
TOTAL |
2,83 |
14,76 |
5,14 |
3,70 |
26,43 |
Source : ministère de la Défense.
ESTIMATION DES SURCOÛTS EN EPM DES OPEX 2015
(en millions d’euros courants)
Atalante |
Héraclès Mer |
Barkhane |
Chammal |
Autres (dont Corymbe) |
Total 2015 (estimations) | |
EPM naval |
0,25 |
3,98 |
0,00 |
12,38 |
3,22 |
19,83 |
EPM aéronaval |
0,03 |
0,35 |
0,38 |
18,50 |
0,26 |
19,52 |
TOTAL |
0,28 |
4,33 |
0,38 |
30,88 |
3,48 |
39,35 |
Source : ministère de la Défense.
● Au-delà de l’entretien courant des bâtiments, l’activité du SSF au titre de l’année écoulée (été 2014 – été 2015) a été principalement caractérisée par la conduite d’arrêts techniques majeurs (ATM).
Les grands bâtiments concernés ont été :
– le SNLE Le Triomphant, adaptation au missile M51 comprise (fin de l’ATM prévue en janvier 2016) ;
– le SNA Rubis (fin prévue en octobre 2015) ;
– la frégate antiaérienne Cassard (ATM terminé en décembre 2014).
Pour ce qui concerne les bâtiments de moindre tonnage, les opérations ont concerné :
– au second semestre 2014 : la frégate de surveillance Prairial (13), le chasseur de mines tripartite Cassiopée, le patrouilleur P400 La Moqueuse (14), le BATRAL La Grandière (15) ;
– au premier semestre 2015 : le patrouilleur de haute mer Enseigne de vaisseau Jacoubet, les chasseurs de mines tripartite Croix du sud, Céphée et Pégase, le BATRAL Dumont d’Urville (16), et le P400 La Gracieuse (17).
● Rappelons que le second semestre 2014 a également été marqué par l’incendie de la frégate de surveillance Nivôse, basée à La Réunion. Cette avarie a entraîné une période longue de réparation et de remise en état qui s’est achevée en septembre 2015.
Au premier semestre 2015, les opérations d’entretien de la FREMM Provence ont été entreprises, ainsi que le début du désarmement du pétrolier-ravitailleur Meuse et du patrouilleur de service public Glaive (18). Par ailleurs, les opérations de transformation des anciens patrouilleurs de surveillance de site Athos et Aramis ont débuté afin qu’ils puissent rejoindre les forces de la gendarmerie nationale en tant que patrouilleurs côtiers.
La loi de programmation militaire initiale avait été construite avec une cible de déflation égale à 33 675 équivalents temps plein (ETP). Compte tenu du contexte sécuritaire et opérationnel, l’actualisation adoptée par le Parlement en juillet dernier a procédé à une atténuation de « l’effort RH » en allégeant de 18 500 ETP la diminution originale. Au total, sur la période couverte par la programmation, cet effort portera sur 14 925 ETP (ce qui représente 44,3 % de la cible initiale). Il convient toutefois de souligner que ces moindres déflations correspondent à la nécessité, pour les armées, de remplir des missions nouvelles ou de renforcer certains dispositifs. Aussi, toutes choses égales par ailleurs, cette révision de la trajectoire RH implique néanmoins un effort significatif de la part des forces en matière d’effectifs.
Particularité de l’exercice 2016, celui-ci procède à des créations nettes de postes, à hauteur de 2 300 ETP, et qui permettront notamment à la force opérationnelle terrestre (FOT) de monter en puissance pour atteindre 11 000 postes à la fin de l’année afin d’assurer une permanence de 7 000 hommes dans le cadre de l’opération Sentinelle. Les effectifs contribuant au renseignement et à la cyberdéfense seront également renforcés.
TRAJECTOIRE D’EFFECTIFS PRÉVUE PAR LA LPM ET PAR SON ACTUALISATION
(en ETPT)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
TOTAL | |
LPM initiale |
– 7 881 |
– 7 500 |
– 7 397 |
– 7 397 |
– 3 500 |
0 |
– 33 675 |
LPM actualisée |
– 8 0007 |
0 |
2 300 |
– 2 600 |
– 2 800 |
– 3 818 |
– 14 925 |
Source : ministère de la Défense.
En 2016, la marine enregistrera une déflation nette de 45 ETP correspondant au solde entre 367 suppressions de postes et 322 créations de postes. D’après les informations recueillies par le rapporteur, cette déflation pourrait ralentir le renforcement des groupements de fusiliers marins de Brest et Toulon.
Le plafond ministériel des emplois autorisés (PMEA) au titre de 2016 pour la marine, et pour ce qui concerne les seuls militaires, est retracé dans le tableau suivant.
PMEA POUR LES MILITAIRES DE LA MARINE EN 2016
(en ETPT)
Officiers |
4 430,4 |
Officiers-mariniers |
23 667,5 |
Militaires du rang |
6 883 |
Volontaires |
1 060,1 |
TOTAL |
36 041,6 |
Source : ministère de la Défense.
Enfin, il convient de noter que les opérations de « dépyramidage », qui visent à réduire la part des officiers dans les effectifs totaux, se poursuivront. Le dépyramidage intra-catégoriel au sein de la catégorie des officiers touche notamment les capitaines de vaisseau et de frégate. Entre 2014 et 2016, 11 postes de capitaines de vaisseau (- 3,6 %, pour un total de 296 en 2016) et 40 postes de capitaines de frégate (- 5 %, pour un total de 772 en 2016) auront ainsi été supprimés.
Chaque année, la marine procède à environ 3 000 recrutements afin de faire face à ses besoins. En janvier 2015, elle a lancé une nouvelle campagne de communication en ce sens.
Intitulée « Faites un pas vers votre avenir », cette campagne s’appuie sur deux films publicitaires de 30 secondes, deux versions courtes de 15 secondes et trois visuels d’affichage. Réalisés au sein des différentes composantes de la marine, ces supports mettent en scène des marins en équipage en action et permettent une immersion dans l’univers opérationnel des quatre grandes composantes des forces navales : au sein des bâtiments de surface, des sous-marins, de l’aéronautique navale et des fusiliers commandos.
La première phase s’est déroulée du 18 janvier au 7 février 2015 et a été déployée sur quatre grands supports médias : télévision, affichage, cinéma et dispositif digital. D’après les informations recueillies par le rapporteur, la fréquentation du site www.etremarin.fr et le nombre des candidatures en ligne ont été multipliées par dix sur cette période.
La deuxième phase de la campagne s’est déroulée du 18 mai au 7 juin 2015. Elle a permis de multiplier par cinq l’activité du site et de doubler le nombre de candidatures. Une augmentation de l’activité sur les réseaux sociaux a également été observée.
Une troisième phase est prévue au cours du dernier trimestre de l’année, du 4 au 25 octobre 2015.
Le 22 avril dernier, le ministre de la Défense a désigné la marine – reconnue pour la qualité de son organisation et pour sa maîtrise dans le domaine de la solde – pour être la première armée à mettre en œuvre le logiciel successeur de Louvois : Source solde.
L’année 2016 sera notamment consacrée aux tests du nouveau logiciel. En plus des phases de conception et de réalisation, la phase de qualification devra permettre de vérifier la conformité du système aux exigences de l’administration. À la suite de cette étape, se dérouleront les phases de solde à blanc et de solde en double de la marine.
Le calendrier de déploiement de Source solde est très ambitieux puisque sa mise en service opérationnel pour la marine aura lieu dès 2017. Il sera ensuite successivement déployé au sein de l’armée de terre (2018), puis au sein du service de santé des armées et l’armée de l’air (2019). En effet, Source solde a vocation à remplacer non seulement Louvois, mais également le système de solde Air – l’armée de l’air disposant en effet d’un système spécifique. Il permettra ainsi de gérer la solde de l’ensemble des militaires français, à l’exception de ceux relevant du régime de paiement sans ordonnancement préalable (militaires de la direction générale de l’armement et du contrôle général des armées).
Le tableau suivant précise, pour chaque grand type de bâtiment : le nombre d’unités, la date d’admission au service actif, l’âge moyen en années, et la date prévisionnelle de retrait du service actif.
PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES FORCES NAVALES
Catégorie |
Type |
Nombre d’unités |
Année d’admission au service actif (a) |
Âge Moyen (b) |
Année prévisionnelle théorique de leur retrait du service actif (c) |
Porte-avions |
Charles-de-Gaulle |
1 |
2001 |
14 |
2041 |
Bâtiments amphibies |
TCD BPC |
1 3 |
1998 2006 à 2012 |
16 6 |
2015 2036 à 2042 |
Frégates de défense aérienne |
FAA FDA |
2 2 |
1988 -1991 2010-2011 |
25 4 |
FAA : à compter de 2022 en fonction de l’admission au service actif des FREMM DA FDA : 2037 à 2038 |
Frégates anti sous-marine |
FASM F70 |
5 |
1982 à 1990 |
29 |
2017 à 2022 en fonction des livraisons des FREMM |
Frégates multi-missions |
FREMM |
2 |
2015/2016 |
0 |
à compter de 2045 |
Frégates type La Fayette |
FLF |
5 |
1996 à 2001 |
17 |
à compter de 2026 en fonction du périmètre de rénovation à mi-vie et du calendrier du programme FTI |
Bâtiments de guerre des mines |
CMT |
11 |
1983 à 1996 |
28 |
à compter de 2018 en fonction du calendrier du programme SLAMF |
Pétroliers-ravitailleurs |
BCR |
3 |
1982 à 1990 |
28 |
2021 à 2025 en fonction du calendrier du programme FLOTLOG |
Patrouilleurs de haute mer |
PHM |
9 |
1979-1985 |
32 |
2018-2027 en fonction du calendrier du programme BATSIMAR |
Frégates de surveillance |
FS |
6 |
1992 à 1994 |
22 |
2030 à 2033 |
Source : ministère de la Défense.
(a) : ASA des unités encore en service au 30 juin 2015.
(b) : Âge moyen au 31 décembre 2014, calculé par rapport à l’ASA.
(c) : RSA des unités encore en service au 30 juin 2015.
(d) : À confirmer selon études sur la définition de la situation post-2015 du PR Meuse.
BATSIMAR : Bâtiments de surveillance et d’intervention maritime ; BCR : bâtiments de commandement et de ravitaillement ; BPC : bâtiments de projection et de commandement ; CMT : chasseurs de mines tripartites ; FAA : frégates anti-aériennes ; FASM : frégates anti sous-marines ; FDA ; frégates de défense aérienne ; FLF : frégates type La Fayette ; FLOTLOG : Flotte Logistique ; FREMM : frégate multi-missions ; FS ; frégates de surveillance ; PHM : patrouilleurs de haute mer (ex-avisos A 69) ; PR : pétroliers-ravitailleurs ; SLAMF : Système de lutte anti-mines du futur ; TCD : transports de chalands de débarquement.
Le tableau suivant précise, pour chaque famille d’aéronef : l’année d’admission au service actif, la durée de vie prévue en heures de vol, et la date prévisionnelle de retrait du service actif.
PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES FORCES AÉRONAVALES
Famille d’aéronef |
Type d’aéronefs |
Année de mise en service opérationnel |
Durée de vie prévue |
Année de retrait de service actif (a) |
Aviation embarquée |
E-2C Hawkeye |
1999 |
10 000 h |
Post 2025 |
SEM standard 5 |
2007 |
6 750 h |
2016 | |
Rafale |
2001 |
5 000 h |
Post 2025 | |
Patrouille maritime |
Atlantique 2 |
1989 |
12 000 h |
Post 2025 |
Surveillance maritime |
Falcon 50 Ms |
2014 (1980)(b) |
/ |
Post 2025 |
Falcon 50 Mi |
2000 (1980) |
/ |
Post 2025 | |
F200 Gardian |
1984 |
30 000 h |
2021 | |
Aviation de soutien maritime |
Alouette III 316B |
1962 |
7 000 h |
2019 |
Alouette III 319B |
1974 |
7 000 h |
2026 | |
Falcon 10 |
1976 |
30 000 h |
Post 2025 | |
Xingu I |
1983 |
45 000 h |
Post 2025 | |
Cap 10 |
1981 |
/ |
Post 2025 | |
Hélicoptères de combat |
Lynx |
1978 |
7 000 h |
2022(c) |
Panther |
1993 |
/ |
Post 2025 | |
NH 90 Caïman |
2011(d) |
9 000 h |
Post 2025 | |
Dauphin Pedro |
1990 |
/ |
Post 2025 | |
Hélicoptères de service public |
EC225 |
2010 |
/ |
Post-2025 |
Dauphin SP |
1994 (1982)(e) |
/ |
Post 2025 | |
Dauphin N3(f) |
2011 |
/ |
Post 2025 |
Source : ministère de la Défense.
(a) : L’année de retrait de service actif correspond à celle du dernier appareil du type.
(b) : Les F50 ont été livrés à l’armée de l’air et retirés de service entre 2010 et 2012 pour être transformés en appareils de surveillance maritime. Le premier F50 Ms est opérationnel depuis mi 2014 dans la marine nationale.
(c) : Couplé avec le RSA de la dernière frégate anti sous-marine (FASM).
(d) : Uniquement en missions de sauvetage maritime (SECMAR) et contre-terrorisme maritime (CTM).
(e) : Dauphin achetés d’occasion.
(f) : Dauphin achetés via un financement interministériel (ministères de la Défense, de l’Intérieur et du Budget – Douanes) pour réaliser des missions de l’action de l’État en Polynésie.
Les unités de la force océanique stratégique et des forces sous-marines (FOST) sont principalement :
– les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, Le Triomphant, Le Téméraire, Le Vigilant et Le Terrible, admis au service actif entre 1997 et 2010 et dont la moyenne d’âge est de 14 ans ;
– et les six sous-marins nucléaires d’attaque, le Rubis, le Saphir, le Casabianca, l’Émeraude, l’Améthyste et le Perle, admis au service actif entre 1983 et 1993 et dont la moyenne d’âge est de 29 ans.
Comprenant environ 2 300 hommes (19) dans ses rangs, la force des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO) s’est vue accorder près de 420 postes supplémentaires en 2015 dans le cadre du renforcement des missions de protection, sécurité et sûreté. Elle est commandée par un amiral (ALFUSCO) disposant d’un état-major de 80 marins installé à Lorient.
La FORFUSCO comprend neuf unités de protection défense rassemblant environ 1 500 fusiliers marins, sept commandos marine d’environ 650 hommes et une base de soutien opérationnel.
La vocation des unités de protection est défensive : il s’agit d’assurer la protection de sites sensibles de la marine et de navires civils croisant dans les zones à risques. Le rapporteur reviendra sur cette mission dans la partie thématique du présent rapport.
La vocation des commandos est offensive : il s’agit de conduire des opérations en mer, de la mer vers la terre et de participer aux opérations spéciales à terre. Dans le cadre du renforcement des forces spéciales prévu par la LPM, le septième commando marine, créé le 1er septembre dernier, a été baptisé du nom du vice-amiral Pierre Ponchardier.
Le commando marine Ponchardier
Dernier né des commandos marine, il a vocation à former une unité commando d’appui aux opérations spéciales dans les domaines aéromaritimes et terrestres au profit des cinq commandos de combat de la marine nationale : Trépel, Jaubert, de Monfort, de Penfentenyo basés à Lorient, et Hubert implanté à Saint-Mandrier, en rade de Toulon. Il reprend une partie des attributions de la base de soutien opérationnel des commandos de Lorient.
À ce titre, il est chargé de fournir les capacités immédiatement concourantes à l’action offensive commando/spéciale proprement dite (mise en œuvre d’embarcations rapides ou de véhicules tactiques, spécialistes parachutistes, etc.).
Le commando a été baptisé en l’honneur du vice-amiral Pierre Ponchardier, Compagnon de la Libération, successivement sous-marinier, pilote de l’aéronavale, résistant au sein du réseau de renseignement « Sosie » qu’il fonde avec son frère Dominique, créateur du commando de parachutistes de l’aéronautique navale surnommé « les Tigres de Ponchardier » et, plus tard, commandant de l’aviation navale en Méditerranée puis sous-chef d’état-major général de la marine.
Composé de 160 hommes environ, sa devise est : « À la vie à la mort ».
Le tableau suivant retrace les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2016 pour les principaux bâtiments, appareils et équipements destinés à la marine, en précisant les quantités commandées et les livraisons attendues. Ces crédits sont inscrits au programme 146 « Équipement des forces ».
PRINCIPAUX PROGRAMMES PRÉVUS EN 2016 POUR LA MARINE
(crédits en millions d’euros)
Programme |
AE |
CP |
Commandes |
Livraisons |
M 51 |
230,79 |
463,81 |
||
Adaptation M 51 |
51,95 |
189,11 |
||
BEM Monge |
17,49 |
11,16 |
||
SIC 21 |
0,31 |
0,75 |
1 | |
SYRACUSE III |
16,64 |
28,56 |
0 |
1station navale + 1 station sol |
RIFAN 2 |
5,90 |
14,40 |
2 |
9 |
Hawkeye (mise à niveau) |
0,44 |
32,93 |
||
MINREM |
9,15 |
1,82 |
||
NH 90 |
119,30 |
325,08 |
0 |
2 NFH |
MdCN |
20,00 |
170,02 |
0 |
120 |
AASM |
2,89 |
14,45 |
0 |
72 (air et marine) |
Rafale |
357,00 |
450,42 |
0 |
6 + 4 rétrofit (air et marine) |
PDL NG |
9,70 |
9,33 |
||
Porte-avions ATM2 |
45,79 |
138,17 |
||
Artemis |
8,85 |
44,53 |
0 |
6 |
Exocet |
12,20 |
44,10 |
0 |
8 kits SM39 |
FREMM-FREDA |
98,01 |
356,88 |
0 |
1 |
Barracuda |
168,54 |
656,06 |
0 |
0 |
FTI |
0,72 |
19,72 |
0 |
0 |
ANL |
11,39 |
86,65 |
0 |
0 |
Atlantique 2 (rénovation) |
27,85 |
121,92 |
0 |
6 |
MU 90 |
2,97 |
7,98 |
0 |
0 |
F 50 AVSIMAR |
6,90 |
3,59 |
1 |
0 |
Patrouilleurs futurs |
26,17 |
53,69 |
1 B2M |
1 B2M 1 PLG |
MIDE |
22,18 |
37,93 |
0 |
0 |
BSAH |
71,55 |
33,11 |
2 |
0 |
FSAF |
15,68 |
109,13 |
0 |
17 (air et marine) |
Source : ministère de la Défense.
AASM : armement air-sol modulaire ; BEM : bâtiment d’essais et de mesure ; MdCN : missile de croisière naval ; MIREM : Moyen Interarmées Navalisé de Renseignement d’origine Electro Magnétique (bâtiment de renseignement militaire) ; PDL NG : pod de désignation laser nouvelle génération ; RIFAN : réseau IP de la force aéronavale.
L’année 2015 a vu un regain de tension dans un contexte sécuritaire qui était déjà dégradé. Les risques sur la sécurité augmentent et présentent un défi croissant en raison de leur simultanéité et de leur intensité avec, notamment :
– l’action de Daech au Moyen-Orient et le risque terroriste qui pèse sur le territoire national ;
– la poursuite des actes de piraterie en mer, avec un recul dans le nord-ouest de l’océan Indien, mais un maintien à un niveau élevé dans le golfe de Guinée et une progression en Asie du Sud-Est ;
– les défis de l’immigration par voie de mer en Méditerranée et à Mayotte ;
– la poursuite des trafics illégaux (drogue, armes, contrebande, etc.) dans toutes les zones.
Les menaces s’expriment tout particulièrement dans le domaine maritime et s’illustrent par l’attitude de certains États.
Ainsi, la Russie développe une stratégie de provocation-tension. Elle améliore en quantité comme en qualité ses forces navales et affiche régulièrement sa puissance y compris au large des côtes françaises, ainsi que cela a été confirmé au rapporteur lors de son déplacement au centre des opérations marines de Brest. Après l’avoir abandonnée à la fin de la Guerre froide, la Russie s’achemine vers la permanence à la mer d’une force océanique de dissuasion nucléaire. Les tirs de plusieurs dizaines de missiles de croisière effectués depuis la mer Caspienne sur le territoire syrien témoignent du retour de Russie au premier rang des puissances maritimes.
De son côté, la Chine poursuit sa stratégie de puissance maritime, en s’équipant à un rythme soutenu en moyens navals modernes. Les informations recueillies par le rapporteur sont à cet égard révélatrices : en 2014, la Chine a ainsi mis sur cales, lancé ou livré quelque 60 bâtiments. Elle déploie en outre des forces navales à longue distance et dans la durée et poursuit sa recherche de points d’appui en océan Indien et autour de l’Afrique.
Enfin, l’Iran s’affirme comme puissance régionale. Il renforce ses capacités maritimes et réalise des déploiements lointains et de longue durée. Il a su user de la liberté des mers dans la crise yéménite pour affirmer ses ambitions et soutenir les Houthis (20), avec des navires civils comme militaires.
En mer, ces puissances poursuivent une stratégie du fait accompli et de territorialisation des espaces maritimes, dans le but de contrôler les ressources de ces espaces, de maîtriser leurs approches maritimes et points de passage, voire d’en dénier l’accès.
La course au gigantisme des navires marchands se poursuit, ainsi que l’intensification du trafic commercial, ainsi qu’en témoignent les travaux menés sur les canaux de Suez et Panama. Ces éléments confirment la dépendance accrue de nos sociétés aux flux maritimes (21) et les vulnérabilités associées.
Par ailleurs, les convoitises sur nos espaces maritimes et sur leurs ressources sont avérées, avec des explorations ou exploitations illégales dans les zones économiques exclusives (ZEE) ultra-marines de plus en plus nombreuses, aussi bien pour les ressources halieutiques que minières ou hydrocarbures. De telles menaces ne diminueront pas avec la récente extension du plateau continental français.
Enfin, on observe dans certains cas une interconnexion et un appui mutuel des différentes menaces et risques (djihadisme/trafic de drogue/piraterie/trafic d’armes/menace cyber, etc.) qui supposent de pouvoir lutter simultanément sur plusieurs fronts à la fois.
Dans ce contexte, le niveau d’engagement opérationnel de la marine se révèle supérieur à celui prévu par le contrat opérationnel, avec une permanence sur quatre à cinq théâtres – si l’on dissocie océan Indien et golfe Arabo-persique (22) –au lieu de « un ou deux » d’après le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 (23). Un tel engagement s’effectue, en outre, en sus du contrat « dissuasion ».
Dès lors, la marine se voit contrainte d’opérer des choix ou d’avoir recours à des capacités alternatives à celles dont elle dispose en propre, avec notamment :
– la suspension de la participation à l’opération Atalante en océan Indien pour s’engager dans l’opération Sophia en Méditerranée ;
– des périodes pendant lesquelles la tenue du contrat opérationnel d’alerte ou de surveillance de nos approches est sous tension ;
– le recours à une frégate alliée spécialisée dans la lutte anti sous-marine, le HMS Kent, pour participer à l’escorte du groupe aéronaval lors de son récent déploiement en océan Indien et dans le golfe Arabo-persique ;
– la suppression de la participation d’avions de surveillance maritime à la lutte anti-drogue ;
– le choix dans le positionnement des avions de patrouille maritime selon les priorités en océan Indien ou en bande sahélo-saharienne, sachant que la présence a déjà été réduite à un avion de surveillance maritime à Dakar.
Or, cette activité opérationnelle intense est essentiellement financée sur les crédits d’entretien programmé des matériels de la marine et non sur les crédits OPEX faisant l’objet d’un financement interministériel (24).
Un tel constat confirme le besoin d’un modèle capacitaire complet, qui comprend l’ensemble des composantes d’une marine de premier rang. Le rapporteur reviendra sur cet aspect dans la partie suivante.
En Méditerranée orientale, la marine reste évidemment très présente au large de la Syrie. Les navires de la flotte y mènent des actions de recueil de renseignement et d’analyse.
Dans le golfe Arabo-persique, une frégate française de premier rang est intégrée à un groupe aéronaval américain dans le cadre de l’opération Chammal. En outre un ATL 2 poursuit ses missions de renseignement mais également de frappe au-dessus de l’Irak et de la Syrie, en coopération avec l’armée de l’air.
La marine continue par ailleurs de participer à l’opération Corymbe dans le golfe de Guinée.
En Atlantique nord, elle participe aux mesures de réassurance de l’OTAN et approfondit sa connaissance de la zone, dans un contexte de renforcement de la présence navale russe.
Enfin, il convient de rappeler qu’au printemps 2015, trois navires français ont évacué une centaine de nos ressortissants du Yémen (RESEVAC), après la forte dégradation de la situation sécuritaire dans ce pays.
La marine est partie prenante à l’opération Sophia de lutte contre les passeurs de migrants et qui a succédé à EUNAVFOR-MED. Dans ce cadre, nos forces navales fournissent une frégate et un avion de surveillance maritime. Elle fait partie de l’état-major de conduite de l’opération, l’adjoint direct du commandant de celle-ci étant français. Notre flotte participe également à l’opération Triton menée par l’agence Frontex.
La lutte contre les narcotrafics se poursuit. Depuis le début de l’année 2015, la marine a ainsi saisi sept tonnes de stupéfiants. En quatre ans, ce sont près de 40 tonnes qui ont été interceptées par nos forces navales.
La lutte contre la pêche illégale est également toujours d’actualité, avec notamment plusieurs opérations de grande ampleur menées en Guyane.
Enfin, la marine poursuit sa mission de surveillance de nos approches maritimes, portuaires et de nos bases grâce au réseau des sémaphores, à la gendarmerie maritime, aux fusiliers marins et aux centres opérationnels de la marine qui sont mobilisés en permanence à cet effet. Le rapporteur détaillera davantage les missions menées dans le cadre de la protection dans la partie thématique du présent rapport.
La dissuasion est assurée en permanence, notamment par la force océanique stratégique (FOST) et ses SNLE. Le porte-avions et son groupe aérien embarqué contribuent à la composante aéroportée avec la force aéronavale nucléaire (FANu).
Il convient toutefois de rappeler que, au-delà des bâtiments spécifiquement dédiés à cette mission (SNLE), celle-ci implique en réalité la participation de l’ensemble des composantes de la marine : frégates, SNA, avions de patrouille maritime, chasseurs de mines, etc.
La loi de programmation militaire 2014-2019 sera probablement la première loi de programmation à être entièrement respectée. Plus encore, son actualisation en 2015 a permis son adaptation à un contexte sécuritaire inédit depuis plusieurs années.
Ces constats positifs ne doivent toutefois pas conduire à ignorer un certain nombre de points de tension qui demeurent ou sont susceptibles d’apparaître à l’avenir. Telle est également la vocation du rapporteur pour avis des crédits pour les forces navales. Les auditions qu’il a menées et les récents déplacements qu’il a effectués à la rencontre des femmes et des hommes en poste dans les bases navales de Brest, Cherbourg et Toulon et dans les bases aéronautiques navales de Landivisiau et de Lanvéoc lui ont permis d’échanger directement avec les marins. Ayant entendu leurs préoccupations il s’en fait ici le porte-parole, sans naturellement prétendre à l’exhaustivité.
Au-delà de cet inventaire des points à améliorer ou à surveiller, il ne faut toutefois pas oublier l’essentiel, à savoir que la marine de demain sera une marine parfaitement adaptée à la nouvelle donne géostratégique et d’un niveau technologique et opérationnel sans précédent avec notamment : les FREMM, les SNA Barracuda, les NH 90 Caïman, un porte-avions rénové et une chasse « tout Rafale », le MdCN et le missile stratégique M 51. Pour paraphraser l’amiral Rogel, nous assistons au passage d’une marine mécanique à une marine numérique.
À titre liminaire, le rapporteur tient à manifester à nouveau sa reconnaissance et son admiration pour les marins qui, systématiquement lors de ses déplacements, lui ont fait part de leur fierté de servir leur pays au sein d’une marine unique en Europe de par les missions qu’elle remplit. Il a également pu apprécier concrètement « l’esprit d’équipage » et leur adhésion aux valeurs de la marine.
Toutefois, comme dans tout métier, des tensions sont inévitables, et les marins lui ont fait part avec la même franchise de leurs questionnements, préoccupations et inquiétudes.
1. Un mode de vie contraignant qui correspond de moins en moins aux exigences des jeunes générations
Un premier point d’attention concerne le mode de vie même des marins. L’éloignement prolongé, la promiscuité à bord, la perte du lien avec les proches à l’heure de l’omniprésence des moyens de communication et des réseaux sociaux sont autant de contraintes, bien connues et indépassables, mais qui correspondent de moins en moins aux standards de vie des jeunes.
Le rapporteur a pu le constater auprès des marins embarqués comme auprès des élèves en école – École navale, École de maistrance et École des mousses – l’attachement aux valeurs et à la vocation de la marine permet de dépasser ces inconvénients. Il n’en demeure pas moins qu’il convient d’y rester attentif afin d’assurer, d’une part, le recrutement de jeunes marins qualifiés et motivés et, d’autre part, de garantir leur fidélisation dans le temps via leur déroulement de carrière.
Il s’agit d’une nécessité d’autant plus prégnante avec l’arrivée de bâtiments aux équipages optimisés qui va accentuer les problématiques liées à la gestion de « micro-populations ».
2. La nécessité d’une gestion fine des déflations, avec un pilotage par le besoin en compétences et non par les effectifs
La marine est l’armée la moins dotée en personnels (25). En outre, les nouveaux bâtiments qui rejoignent ou vont rejoindre les forces (FREMM, FTI) présentent un haut niveau de technicité qui suppose le maintien ou le recrutement de « marins-techniciens » de plus en plus qualifiés.
Aussi le pilotage des déflations ne saurait-il se faire uniquement sur des bases quantitatives mais doit être opéré en fonction des besoins de la marine à moyen terme afin de préserver les compétences essentielles à l’activité opérationnelle.
Dès lors, il convient sans doute de réaffirmer la nécessité d’opérer les déflations sur la base de cette analyse fonctionnelle, la marine ne pouvant se permettre, du fait de sa taille et de sa structure RH (avec des micro-populations très spécialisées), d’adopter une approche purement quantitative.
3. Une intense activité opérationnelle doublée d’une charge liée aux rationalisations de l’outil de défense et d’inefficacités dans le soutien
Par ailleurs, la rationalisation des organisations et de l’outil de défense a pu engendrer une surcharge de travail, notamment administratif, éloignant ainsi les marins de leur « cœur de métier ». L’exemple de la fonction RHL (restauration, habillement, loisirs), auparavant gérée par la marine elle-même et transférée depuis quatre ans au service du commissariat des armées (SCA) est emblématique. Ainsi, selon les avis concordants de plusieurs interlocuteurs, les conditions et les délais d’approvisionnement dans la « chaîne habillement » sont « catastrophiques », les intéressés notant une perte globale de qualité pour des articles essentiels au travail quotidiens (combinaisons, chaussures), certains marins ayant même été contraints d’acheter ces articles dans le civil.
En réponse à une question du rapporteur en commission élargie à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Défense », le ministre de la Défense a apporté plusieurs précisions rassurantes à ce sujet. Il a, d’une part, indiqué attendre, pour le 17 novembre prochain, un plan d’urgence relatif à cette question.
D’autre part, trois mesures à effet immédiat ont d’ores et déjà été prises :
– le renforcement des personnels d’accueil dans les salons d’habillement ainsi que l’extension des plages horaires d’ouverture ;
– la mise en place d’une permanence téléphonique d’assistance aux militaires ;
– enfin, le ministre a demandé au SCA de lui faire part très prochainement de ses conclusions quant à la modernisation de la fonction habillement.
Le rapporteur se réjouit de ces progrès, tant cette question est importante pour les militaires en général et les marins en particulier.
Parallèlement, l’activité opérationnelle ne faiblit pas, bien au contraire. Au-delà des grandes tendances rappelées précédemment et d’après les informations communiquées au rapporteur, une récente enquête a montré que les marins travaillent en moyenne 54 heures par semaine. À titre d’exemple, les personnels embarqués sur frégate assument 180 jours de contrainte par an tandis que les fusiliers marins chargés de la protection des sites sensibles de la marine assurent une charge hebdomadaire très lourde – 70 heures de garde auxquelles s’ajoutent 37 heures d’astreinte à deux heures (26) – pour une solde proche du SMIC.
À ceci s’ajoutent des préavis souvent très courts, parfois 48 heures voire 24 heures avant le départ, qui compliquent la gestion de la vie personnelle et qui conduisent les marins à estimer que, au-delà de leur cas personnel, ce sont les proches et les familles restés à terre qui « font le plus dur métier ». Eux, en tant que militaires, restent naturellement prêts à remplir les missions qui leur sont ordonnées, les plus délicates comme les plus inopinées. Exemple révélateur à défaut d’être fréquent, d’après les témoignages de membres d’équipages certains marins ont été contraints de reporter des événements importants préparés de longue date – mariage, baptême – en raison de l’urgence opérationnelle et de l’absence de possibilités de remplacement.
En matière de lutte anti-sous-marine, nos forces navales disposent actuellement de six bâtiments, sur les huit de ce type prévus par le contrat opérationnel : cinq frégates anti-sous-marines FASM F70 et une FREMM. Le rapporteur a d’ailleurs eu l’honneur de passer une nuit en mer au bord de la FASM La Motte-Picquet.
Les F70 sont vieillissantes, avec un âge moyen de 29 ans. En outre, trois d’entre elles (27) ont vu leur service prolongé d’un an afin de tenir le contrat opérationnel malgré le retard dans la livraison des FREMM du fait de l’exportation de l’ex-Normandie à l’Égypte.
Les six premières FREMM dont l’Aquitaine, déjà livrée, sont spécialisées dans la lutte anti sous-marine. Les cinq suivantes doivent être réceptionnées d’ici la mi-2019. Dans l’intervalle, la marine va donc devoir maintenir des bâtiments anciens qui nécessitent en outre un équipage plus important que les FREMM, ce qui peut dès lors compliquer la manœuvre RH.
À l’obligation d’assurer un certain nombre de missions incontournables – la protection anti-sous-marine d’un groupe aéronaval, l’accompagnement des SNLE dans le cadre d’une dissuasion qu’il faut assurer avec la permanence à la mer –, s’ajoutent évidemment les autres contraintes opérationnelles.
La capacité de lutte anti sous-marine est donc en tension et sa remontée en puissance indispensable pour se conformer au format cohérent avec le contrat opérationnel. Les programmes FREMM et FTI (qui seront dotées de moyens ASM) le permettront. Le rapporteur forme d’ailleurs le vœu que le document d’orientation (DOR) relatif au programme FTI soit signé d’ici la fin de l’année.
Les capacités de protection de nos approches maritimes doivent aussi être renouvelées alors que les réductions temporaires de capacités, anticipées et assumées dans le Livre blanc, risquent de perdurer au-delà du raisonnable notamment outre-mer. Le déficit actuel est de trois bâtiments sur neuf ; il sera de six sur neuf à l’horizon 2020.
Il s’agit d’un enjeu majeur depuis plusieurs années mais qui est d’autant plus actuel que l’équivalent d’une « nouvelle France métropolitaine » a été créé avec la récente extension de 579 000 km2 de notre plateau continental (28), qui a eu pour conséquence l’extension parallèle de nos droits souverains sur les ressources qui y sont associées et qui doivent être protégées.
Aussi, au-delà des avancées permises par l’actualisation – livraisons des BSAH, acquisition d’un quatrième B2M – paraît-il essentiel de faire du programme BATSIMAR une priorité absolue afin d’assurer des livraisons dès la première année de la prochaine programmation.
L’état de la flotte logistique pourrait constituer un enjeu à court terme. La réduction de la flotte de 25 % en 2015 – le pétrolier Meuse a été désarmé – pourrait avoir des conséquences sur la capacité opérationnelle surtout si l’engagement de notre flotte est appelé à se renforcer.
En effet, la marine ne dispose plus que de trois unités qui sont en outre vieillissantes – leur âge moyen est de 28 ans –, et qui ne répondent pas aux nouvelles exigences du monde la navigation civile – il s’agit de navires à simple coque (29). Le programme FLOTLOG doit procéder à leur remplacement, mais celui-ci n’interviendra qu’à l’horizon 2021-2025.
Deux points particuliers retiennent l’attention du rapporteur qui, dans le cadre de la préparation du présent rapport, s’est rendu sur les bases de Landivisiau et de Lanvéoc-Poulmic.
● Le premier concerne le NH 90 Caïman et sa faible disponibilité due, notamment, aux problèmes de corrosion rencontrés sur les appareils du fait de leur exposition régulière à l’eau salée.
D’après les informations communiquées au rapporteur, la solution technique a été trouvée afin d’y remédier et de permettre une remontée de la disponibilité des appareils, dont seuls six sur quatorze (30) sont effectivement opérationnels.
● Plus problématique est la situation des ATL 2. Les difficultés rencontrées résultent essentiellement de l’allongement, depuis la fin de l’année 2012, de la durée des visites d’entretien majeur effectuées à l’atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu. La cause principale réside dans la mise en œuvre du nouveau logiciel SAPHIR qui a perturbé l’organisation industrielle et l’approvisionnement en rechanges et équipements.
De fait la durée moyenne des visites est passée de 18 à 30 mois, entraînant un engorgement des organismes chargés du soutien industriel et une baisse de la dotation des forces. Ce phénomène a été amplifié par les immobilisations liées à la réalisation de chantiers d’adaptation technique et de mise à niveau capacitaire imposés par la réglementation en vigueur, avec le chantier dit OACI (31), ou à vocation opérationnelle, avec le programme FLIR (32).
Un plan d’action spécifique a donc été initié et suivi par la SIMMAD (33) en vue d’améliorer la disponibilité des ATL2. Il vise en particulier à réduire la durée des visites d’entretien majeur des appareils. Ce plan comprend plus de 20 mesures, notamment :
– la création d’un plot supplémentaire confié à l’industrie privée pour alléger la charge pesant sur le SIAé ;
– le changement de plan d’entretien des aéronefs ;
– l’amélioration de la logistique des rechanges (notamment via l’amélioration du processus de prévision des besoins en visite et la sécurisation du financement des approvisionnements) qui intègre une démarche de sécurisation des approvisionnements en provenance de l’industrie privée.
Il s’agit d’un sujet majeur car, d’après les informations fournies au rapporteur, seul deux à trois appareils sur les 22 que compte la marine sont disponibles pour les opérations (et entre six et huit en comptant les appareils en qualifications). Or l’ATL2 est un avion indispensable, ainsi qu’en témoignent ses déploiements sur l’ensemble des théâtres extérieurs, que ce soit dans la bande sahélo-saharienne ou dans le cadre de l’opération Chammal.
● Un dernier enjeu, moins immédiat et néanmoins essentiel, concerne l’état de la flotte des hélicoptères légers. Le vieillissement de certains matériels – les Alouettes III ont 42 ans – rend essentiel le lancement de leur processus de remplacement dans le cadre du programme HIL (hélicoptère interarmées léger).
Pour reprendre l’expression imagée mais particulièrement parlante de l’amiral Rogel, chef d’état-major de la marine, le plan Horizon Marine 2025 « n’est pas un simple coup de peinture sur la coque du bateau « Marine ». C’est un carénage de grande ampleur, qui comprend un remplacement intégral des moteurs, un changement du système d’armes, la livraison d’un nouveau système de combat requérant des compétences rares et un resserrement de son équipage… Il ne s’agit pas d’une simple adaptation. La marine change de format et d’organisation. » (34)
Ce plan constitue la feuille de route de la marine nationale pour l’atteinte des objectifs fixés par la loi de programmation militaire. Il repose sur quatre piliers, détaillés ci-après, qui correspondent chacun à un enjeu que devra relever la marine.
Le premier enjeu est la tenue du contrat opérationnel. Il s’agit pour la marine de continuer à être en mesure, en permanence et dans l’ensemble des zones maritimes, de répondre aux sollicitations opérationnelles dans les quatre milieux : sur mer, sous la mer, dans les airs et sur terre.
Pour ce faire, il convient de maintenir au plus haut niveau la disponibilité des équipements en s’appuyant sur des processus de MCO modernisés et en optimisant l’emploi des ressources.
Ce premier pilier repose sur une évolution des méthodes de préparation opérationnelle des équipages qui intègre les nouvelles possibilités offertes par la simulation et l’externalisation.
Il s’appuie également sur l’évolution des structures de commandement et de contrôle pour s’adapter au rythme des opérations interarmées et à l’évolution des nouvelles menaces.
Enfin, il vise le renforcement de la coopération opérationnelle avec nos principaux partenaires – Américains, Britanniques, Allemands notamment –, afin d’être capable de conduire, en tout temps, des opérations dans le cadre d’une coalition multinationale.
Le deuxième volet vise à faire évoluer les organisations de la marine dans un contexte interarmées et de mise en œuvre des réformes, de contraintes sur les effectifs ou de contraintes externes (normes environnementales, sociales, etc.), afin de les rendre plus efficientes. Cela passe par un travail d’optimisation, de simplification des organisations, des processus et des méthodes de travail.
L’implantation d’un nouvel état-major central à Balard relève de ce volet. Mais il s’agit également pour la marine de préserver ses savoir-faire techniques et opérationnels car, comme le soulignait le chef d’état-major de la marine, « le passage à des navires à dominante informatique requiert des compétences plus spécialisées et moins nombreuses que l’utilisation de bateaux à dominante mécanique » (35).
Volet « ressources humaines » du plan, le troisième pilier entend répondre aux enjeux du développement des performances des équipages, ainsi qu’à la nécessité de maintenir des compétences au travers des micro-filières de spécialistes de très haute technicité. Il s’agit d’un aspect essentiel pour préparer l’avenir et assurer la transition entre anciennes et nouvelles capacités.
Il s’appuie sur une politique des ressources humaines dynamique, centrée sur les compétences et individualisée et s’attachera au renforcement de « l’escalier social » au sein de la marine, « car la valorisation des carrières est tout aussi bénéfique aux marins qu’à la marine elle-même » (36).
Le dernier volet a trait à l’accueil et à l’intégration des nouvelles capacités au sein des forces navales. En effet, d’ici 2025, la marine verra l’admission au service actif de nouvelles capacités pour atteindre le format décrit dans le Livre blanc et pour répondre au contrat opérationnel : FREMM, sous-marin Barracuda, Atlantique 2 rénové, missile de croisière naval, hélicoptère NH90 Caïman, Rafale au standard F3, B2M, BSAH, système de lutte antimines futur (SLAMF), FLOTLOG, FTI et BATSIMAR.
L’arrivée de ces nouvelles capacités doit en outre s’accompagner d’une adaptation des infrastructures d’accueil et de soutien de ces unités, ainsi que d’une évolution des formations des équipages optimisés et des doctrines d’emploi, tout en continuant à mettre en œuvre les flottes déjà en service.
SECONDE PARTIE : LA MARINE ET LA PROTECTION DU TERRITOIRE
Le rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport à l’action menée par la marine dans le cadre de la protection du territoire.
Les attentats de janvier 2015 et le contexte sécuritaire ont redonné une acuité nouvelle à cette mission. Il ne faut toutefois pas oublier qu’au-delà des mesures prises pour répondre à l’augmentation du niveau de risque (opérations Sentinelle et Cuirasse) la marine assure la protection du territoire national et des Français de manière permanente, 24 h/24, 7 j/7 et 365 jours par an.
Celle-ci passe par l’armement de sémaphores, la surveillance en mer des approches maritimes immédiates, la surveillance du littoral, la protection et la mise en sécurité des points d’importance vitale, et notamment la protection des bases navales et des installations de la dissuasion. Ainsi, tout au long de l’année, ce sont 3 000 marins en métropole et 500 outre-mer qui participent à la protection des installations et des activités qui s’y déroulent, ainsi qu’à la défense maritime du territoire.
Les développements qui suivent entendent, d’une part, offrir une présentation synthétique de la fonction protection pour la marine et, d’autre part, présenter la réforme récemment intervenue au sein de la force de fusiliers marins, qui sont mobilisés en première ligne dans la mise en œuvre de cette mission.
Pour la marine, l’exercice de la fonction stratégique « protection » comprend :
– la défense maritime du territoire (DMT). Elle s’exerce sur les approches maritimes ainsi que sur le littoral français métropolitain et ultramarin et contribue à la sûreté de la population et des voies d’approvisionnement ;
– la protection et la mise en sécurité des installations de la marine, en particulier celles des points d’importance vitale (PIV) de la force nucléaire au titre de la mission permanente de défense opérationnelle du territoire (DOT) ;
– le concours à l’action de l’État en mer (AEM), fonction régalienne de défense des droits souverains et de maîtrise des risques liés aux activités maritimes.
La notion de posture permanente de sauvegarde maritime (PPSM) regroupe l’AEM et la DMT en raison de la mutualisation des moyens employés.
Enfin, la notion de protection défense (PRODEF) renvoie à celle de protection-sécurité qui se définit comme l’ensemble des dispositifs techniques, humains et organisationnels mis en place pour protéger les installations, les matériels, les informations, le personnel et activités abritées par une installation contre une atteinte physique liée à une agression armée, au terrorisme, au sabotage ou à tout acte de malveillance. Elle est donc un sous-ensemble de la fonction stratégique protection, au même titre que la sauvegarde maritime. Il convient de noter que ces différentes missions sont interdépendantes, se complètent et se renforcent, la PRODEF contribuant à protéger les capacités de sauvegarde maritime et la sauvegarde maritime contribuant à la protection en profondeur des installations et moyens de la marine, en particulier ceux qui sont proches du littoral.
Les cinq grandes fonctions stratégiques, rappelées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, sont : la connaissance-anticipation, la dissuasion, la protection, la prévention et l’intervention.
Dans son acception la plus large, la protection-sécurité recouvre des missions qui se répartissent dans trois des cinq fonctions stratégiques, à savoir la dissuasion, la protection et l’intervention.
● Au titre de la dissuasion, les missions consistent en :
– la protection et la mise en sécurité des installations de la dissuasion, à travers les PIV de la force océanique stratégique et de la force aéronavale nucléaire ;
– la protection des transferts d’éléments d’armes nucléaires et des porteurs de l’arme nucléaire.
● Au titre de la protection, les missions comprennent :
– la protection et la mise en sécurité, sur le territoire national et outre-mer, des installations de la marine et, de manière ponctuelle ou permanente, d’installations d’autres armées, directions ou services. Cette mission se concentre surtout sur la protection des PIV de la marine nationale ;
– les missions de la marine à terre dans le cadre de la participation des armées au plan Vigipirate/opération Sentinelle.
● Au titre de l’intervention, les missions s’effectuent au bénéfice :
– des navires de la marine à faibles effectifs navigant en zones à risques (protection d’une unité lors d’une escale sensible par exemple) ;
– de certains navires civils d’intérêt français navigant en zone à risques en océan Indien ou dans le golfe de Guinée (thoniers, bâtiments affrétés par le ministère de la Défense, câbliers, etc.).
● Comme rappelé précédemment, la PPSM recoupe l’action de l’État en mer et la défense maritime du territoire.
L’AEM constitue le cadre légal des missions de protection et de sauvegarde de nos intérêts nationaux. Aux termes de l’arrêté du 22 mars 2007 établissent la liste des missions en mer incombant à l’État (37), l’AEM comprend pas moins de 45 missions différentes, dont 44 sont mises en œuvre par la marine nationale et la gendarmerie maritime (placée pour emploi auprès du chef d’état-major de la marine). Seules les principales missions seront évoquées ici.
D’après le code de la défense, la DMT « concourt à assurer la sécurité du territoire, et notamment la protection des installations prioritaires de défense […] ». Mission permanente, elle comporte trois dimensions : le renseignement, la surveillance, la protection (38).
● Première contributrice de la fonction « garde-côtes », la marine nationale est un acteur majeur de l’AEM. Toutes unités confondues, un quart de son activité et environ 4 % de son budget y sont consacrés. Elle fournit notamment le volet hauturier des capacités aéromaritimes. La gendarmerie maritime, quant à elle, assure l’interface entre la mer et la terre et consacre la totalité de son activité en mer à l’AEM.
En termes de ressources humaines, la marine et la gendarmerie maritime engagent respectivement 10 % et 51 % de leurs effectifs au sein d’un dispositif permanent de surveillance et de protection immédiate des approches maritimes et portuaires. Ces effectifs comprennent :
– les 530 guetteurs de la marine qui arment les 60 sémaphores (59 armés à l’année et un armé uniquement durant l’été (39)) sur les 5 800 kilomètres de côtes métropolitaines, ainsi que les marins assurant le fonctionnement des sept CROSS/MRCC (40) en métropole et outre-mer aux côtés des personnels relevant du ministère de l’Écologie, et enfin les personnels des trois centres des opérations maritimes de Toulon, Brest et Cherbourg ;
– des gendarmes maritimes des dix brigades de surveillance du littoral et des trois pelotons de surveillance maritime et portuaire (PSMP) de Marseille, Port-de-Bouc et Le Havre ;
– des moyens aéronavals affectés à l’AEM, notamment les patrouilleurs et hélicoptères de service public de la marine nationale, ainsi que les six patrouilleurs et 24 vedettes côtières de la gendarmerie maritime.
● L’AEM comprend naturellement les opérations de secours en mer, auxquelles tous les bâtiments et aéronefs de la marine ont vocation à participer. Un dispositif spécifique et permanent d’alerte aérienne existe, constitué d’avions de surveillance ou de patrouille maritime et de cinq détachements d’hélicoptères. Chaque année, la marine porte secours à plus d’une personne en mer par jour.
● La marine met par ailleurs en œuvre plusieurs dispositifs d’alerte, allant du contre-terrorisme maritime à la sécurité maritime et à la protection de l’environnement. Au titre de ces deux dernières missions, elle mobilise :
– quatre remorqueurs affrétés (les Abeille) dont la mission est d’empêcher des navires en difficulté de s’échouer sur nos côtes. En 2014, cinq navires de charge ont été assistés (16 en 2013) ;
– quatre bâtiments spécialisés dans la lutte contre les pollutions sont également affrétés.
La marine nationale s’est par ailleurs dotée d’un Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) dont la mission générale est de préparer la marine à ses responsabilités environnementales tout en apportant un soutien et une expertise aux autorités maritimes et aux responsables opérationnels lors des opérations de lutte antipollution.
● La marine nationale et la gendarmerie maritime participent aussi à la politique nationale de contrôle des pêches :
– en métropole, la marine fournit son concours aux plans européens de contrôle des pêches hauturières ;
– outre-mer, elle s’appuie de plus en plus sur la surveillance satellitaire pour optimiser l’emploi des unités de contrôle ;
– en Guyane, ces opérations s’inscrivent dans une dimension de maintien de l’ordre public en mer.
En tout, la marine nationale et la gendarmerie maritime réalisent plus de 65 % des déroutements de navires de pêche illégaux.
● La marine nationale fournit le segment hauturier (y compris le volet coercitif) du dispositif interministériel de lutte contre le trafic de drogue. Dans le cadre d’un renforcement de la coopération interministérielle et internationale, elle est représentée dans les deux centres internationaux de coordination. Elle est également partenaire du Centre de coordination et lutte anti-drogue pour la Méditerranée (CECLAD-M, à Nanterre). Si les quantités de stupéfiants saisies en mer varient d’une année à l’autre, la marine nationale contribue en moyenne à 65 % du volume total des saisies en mer.
● Les forces navales concourent à l’effort européen de contrôle des frontières maritimes en engageant chaque année des moyens aéromaritimes dans les opérations coordonnées par l’agence Frontex, comme l’opération Triton par exemple depuis fin 2014. Outre-mer, la lutte contre l’immigration clandestine requiert une mobilisation permanente de moyens de la marine nationale et de la gendarmerie maritime à Mayotte. Depuis 2012, plus de 2 800 migrants illégaux y sont interceptés chaque année, et 169 passeurs ont été arrêtés en 2014 (environ 130 en 2013 et 2012).
L’opération Sophia (ex-EUNAVFOR-MED)
Le 23 avril 2015, le Conseil européen a souligné que l’Union européenne (UE) mettrait tout en œuvre pour éviter toute nouvelle perte de vies humaines en mer, s’attaquer aux causes profondes de la détresse humaine en Méditerranée, en coopération avec les pays d’origine et de transit, et lutter contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains.
Le 18 mai 2015, le Conseil a approuvé le concept de gestion de crise pour une opération militaire PSDC visant à démanteler le modèle économique des réseaux de trafic de clandestins et de traite des êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale (décision 2015/778 du Conseil du 18 mai 2015).
En conséquence, l’UE a lancé le 22 juin 2015 une opération militaire dans cette zone : EUNAVFOR-MED (41). Elle vise à entreprendre des efforts systématiques en vue d’identifier, de capturer et de neutraliser les navires et les embarcations ainsi que les ressources qui sont utilisés ou soupçonnés d’être utilisés par des passeurs ou des trafiquants de migrants.
Le mandat initial de l’opération est de 14 mois. Elle se décline en trois phases :
– phase 1 : collecte d’informations et organisation de patrouilles en mer pour détecter les filières de trafiquants ;
– phase 2 : saisie des embarcations en haute mer puis, dans un second temps, dans les eaux territoriales libyennes en cas d’accord du gouvernement libyen ou dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ;
– phase 3 : attaque à terre des embarcations, navires et ressources ad hoc servant aux trafiquants de migrants.
La phase 2 a démarré le 7 octobre dernier. Elle met en œuvre six navires, dont la frégate française Courbet, et sept avions et hélicoptères, dont un Falcon 50 français engagé ponctuellement. Plus précisément, l’opération est entrée dans sa phase 2A d’intervention en eaux internationales. La phase 2B correspondrait à une action dans les eaux territoriales libyennes : elle nécessiterait au préalable soit un mandat de l’ONU, soit une autorisation du gouvernement libyen, autorité difficilement identifiable à l’heure actuelle.
Commandée par le vice-amiral italien Enrico Credendino, l’opération mobilise plus de 1 000 militaires de 22 États membres (42) et son état-major opérationnel est basé à Rome. Outre le commandant adjoint de l’opération (contre-amiral Bléjean), dix militaires français y participent dont notamment le conseiller juridique et le chef de la cellule renseignement (J2).
Le coût global initial de l’opération est évalué à 11,8 millions d’euros. Il pourrait toutefois être revu à la hausse en fonction des besoins opérationnels et de l’évolution de la situation.
Dans le cadre du mécanisme ATHENA, la France contribue à hauteur de 16 % du coût total, soit pour l’heure 1,9 million d’euros.
● Avec le développement des énergies renouvelables en mer, l’activité de déminage de munitions historiques non explosées en mer et sur le littoral est en hausse. Il a augmenté de 18 % en 2013 et de 24 % en 2014.
● Enfin, la marine nationale continue d’assurer la sécurité des navires battant pavillon national navigant en zone de piraterie en y armant des équipes de protection embarquées (EPE).
Pour des raisons aisément compréhensibles, les ressources affectées aux missions relevant de la fonction dissuasion sont confondues avec celles de la fonction protection.
La protection des installations de la défense en métropole, y compris les installations de la dissuasion, mobilise quotidiennement et de manière permanente 1 250 fusiliers marins et 220 gendarmes maritimes. Celle des PIV outre-mer et à l’étranger est assurée par 220 fusiliers marins, déployés au cours de missions de courte durée (quatre mois). La protection de ses autres installations et moyens est réalisée en utilisant les ressources propres à chacune des unités (garde de sûreté et brigade de protection).
Outre les sites de la marine nationale, les fusiliers marins assurent la protection de certaines stations de transmission de la direction interarmées des réseaux d’infrastructures et systèmes d’information (DIRISI) et d’installations du service interarmées des munitions (SIMu). Leur mission s’exerce aussi bien en métropole qu’outre-mer, à Nouméa, Fort-de-France, Djibouti, ou encore sur la base navale d’Abu Dhabi.
Les fusiliers marins chargés d’une telle mission sont constitués en éléments de patrouille et d’intervention (EPI).
En sus de ces missions permanentes et compte tenu du contexte sécuritaire, la marine a par ailleurs renforcé la protection d’installations de la défense dans le cadre de la mission Cuirasse, engagée à la suite des attentats de janvier 2015. À ce titre, 26 marins et fusiliers marins sont déployés chaque mois depuis mars 2015.
La marine prend également part à l’opération Sentinelle. Dans ce cadre opérationnel, 24 fusiliers marins ont été déployés mensuellement en janvier et février 2015, puis sont passés en renfort sous court préavis à compter de mars 2015. Depuis la mi-septembre 27 fusiliers marins sont à nouveau déployés. De tels moyens peuvent sembler modestes a priori eu égard à l’ensemble des personnels et moyens mobilisés dans le cadre de Sentinelle. Ce serait oublier que la marine assure déjà, et de manière permanente, la protection du territoire national au travers des missions précédemment détaillées et qu’elle engage déjà d’importantes ressources à cet effet. En revanche et même si elle est probablement appelée à s’inscrire dans la durée, Sentinelle reste une opération ponctuelle.
En 2015 et suite à l’actualisation de la programmation, le renforcement des fonctions protection/sécurité/sûreté s’est accompagné de la création de 520 postes pour les fusiliers marins.
MISSIONS DES FUSILIERS MARINS EN MÉTROPOLE ET OUTRE-MER
Source : Marine nationale.
Pour mémoire, et en plus des EPI déployés au titre de la fonction protection, les fusiliers fournissent au titre de la fonction prévention :
– des équipes de protection embarquées au profit de bâtiments civils. Les EPE sont armées par des fusiliers marins, qui en forment l’ossature, et par des marins non spécialisés PRODEF. Entre 10 et 15 EPE (soit 70 à 110 marins) sont armées en permanence : 45 EPE et 35 EPE ont été déployées respectivement en 2013 et en 2014. Du fait de la loi sur les activités privées de protection des navires (43), un rééquilibrage des missions des EPE entre les navires de pêche et les navires d’intérêt stratégique pour la défense comme les affrétés va probablement s’effectuer ;
– des équipes de protection et de renfort (EPR) en renforcement des bâtiments militaires à équipage réduit en zones dangereuses. Le nombre d’EPR augmente chaque année compte tenu de la réduction des équipages sur les bâtiments de nouvelle génération et de l’élargissement des zones à risque. En moyenne en 2014, 20 fusiliers marins (soit trois EPR) ont été chargés en permanence à cette mission.
Les fusiliers marins sont les héritiers des Compagnies franches de la mer créées en 1622 par Richelieu. La création de la spécialité et du bataillon de fusiliers marins remonte à 1856. L’organisation actuelle au sein de la force des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO) date de 2001.
Depuis octobre 2014, la force des fusiliers marins (hors commandos) est composée :
– d’un état-major à Lorient ;
– de deux groupements de fusiliers marins (GFM) à Brest et à Toulon ;
– et de deux compagnies de fusiliers marins (CIFUSIL) à l’Île Longue et à la base navale de Cherbourg.
Les GFM de Toulon et Brest assurent la protection des installations sensibles de la marine nationale, de certains sites du SIMu et de la DIRISI. Ils sont également « unité mère » de cinq compagnies de fusiliers marins.
Les GFM comprennent 400 marins chacun, tandis que les sept compagnies comptent entre 50 et 250 fusiliers marins. Au total, ces neuf unités de protection défense comptent environ 1 500 hommes, soit 64 % de la FORFUSCO.
La CIFUSIL de l’Île Longue a pour mission de protéger la base opérationnelle. Celle de Cherbourg est un service relevant de la base navale de Cherbourg qui a pour mission d’y protéger les installations sensibles de la marine et de la direction générale de l’armement (DGA).
Comme tous les militaires, les fusiliers marins adaptent leur équipement en fonction de la menace et dans le but d’y apporter la réponse la plus appropriée.
De fait, une intervention dans un milieu confiné comme un bâtiment de guerre ne suppose pas la mise en œuvre des mêmes moyens (protection comme armement) que lors d’une opération en mer dans le cadre de la lutte contre la piraterie ou bien encore dans le cadre d’une mission de patrouille et de surveillance d’un PIV.
Dès lors qu’ils seront affectés au sein d’une EPI, d’une EPE ou d’une EPR les fusiliers marins ne choisiront par le même matériel. Aussi, ont-ils accès à une variété d’équipements, d’armes et de munitions et de moyens de mobilité détaillés ci-après (44). Précisons que 250 chiens militaires sont susceptibles de les assister.
● Armes et munitions :
‒ mitrailleuse Browning : cartouches 12,7 mm sur bande panachée ;
‒ mitrailleuse AANF1 (en cours de remplacement par la MAG58) : cartouches 7,62 mm sur bande panachée ;
‒ fusil HKG3 : cartouches 7,62 mm TE ;
‒ FAMAS : cartouches 5,56 mm balle O ;
‒ fusil à pompe VALTRO de calibre 12 : plombs de 7 ½, chevrotines, plombs 4/0, balles caoutchouc, balles Brenneke ;
‒ pistolet HK USP : cartouches 9 mm balle ordinaire.
● Moyens d’observation :
‒ caméra thermique Sophie ;
‒ jumelle de vision nocturne Lucie ;
‒ jumelle d’observation de jour Leica ;
‒ jumelle de navigation Steiner 10x50 ;
‒ jumelle avec télémètre Steiner.
● Types de protection individuelle :
Le fusilier marin en service de protection courant est équipé d’un gilet multi-missions sur lequel il peut stocker son matériel de patrouille (moyens radio, chargeurs, casque en kevlar, équipement de protection individuelle, etc.).
● Types de véhicules :
La flotte dévolue aux fusiliers marins est constituée de véhicules de patrouille (véhicules légers tactiques polyvalents non protégés type Land Rover et véhicules utilitaires routiers destinés au transport de personnel et de matériels type Renault Master) et de véhicules cynophiles type Renault Kangoo ou Maxity.
Les plus grosses unités (GFM) disposent de poids lourds tout terrain modulables destinés au transport de matériel, de personnel et au remorquage des embarcations.
● Types d’embarcations :
‒ EDOP 200 CV : il s’agit d’une embarcation de 6,70 mètres employée dans le cadre de missions de protection de plan d’eau en milieu portuaire vaste, mais également avec de grandes capacités d’évolution en eau libre (transits côtiers ou en haute mer par exemple) ;
‒ EFR 90 CV : embarcation d’environ 5,50 mètres, elle est l’outil privilégié pour évoluer sur des plans d’eau restreints dans le cadre de patrouilles et interventions. Cette embarcation permet ainsi aux éléments de protection nautique d’être au plus près des appontements et des zones les plus vulnérables ;
‒ EFR 40 CV : embarcation d’environ 5 mètres qui peut aussi bien servir en patrouille qu’en soutien pour les plongeurs de bord par exemple.
1. Une réforme rendue nécessaire pour satisfaire de nouveaux besoins opérationnels et remédier à un déficit d’attractivité du métier
La réforme de la protection défense est liée à celle de l’organisation des fusiliers marins qui avait vocation :
– d’une part, à prendre en compte les nouveaux besoins opérationnels liés à l’émergence de nouvelles menaces, avec par exemple la protection des navires civils d’intérêt français contre les actes de piraterie ;
– d’autre part, à redynamiser l’organisation et le cycle des activités des équipes de protection afin de leur donner davantage de cohérence tout en renforçant leur attractivité auprès des jeunes recrues.
En effet, depuis 2009, la FORFUSCO faisait face à des difficultés croissantes de fidélisation des fusiliers marins. Le caractère routinier du métier, l’existence de fortes contraintes (horaires, gardes) et la faiblesse de la rémunération étaient notamment en cause.
Initiée en 2012, expérimentée au premier semestre 2014 et généralisée en octobre de cette même année, cette réforme a consisté à :
– établir un nouveau rythme d’activité pour les fusiliers marins, décliné en trois temps : protection des sites, préparation opérationnelle et projection ;
– offrir une plus grande variété de projection pour chaque unité de fusiliers marins ;
– réaliser une refonte de l’organisation.
Les points clés de la réforme
● Les nouveaux rythmes
Dorénavant, les fusiliers marins alternent pendant huit mois :
– un mois de service ;
– un mois de préparation opérationnelle ;
À l’issue de ce cycle, ils bénéficient d’une période de projection opérationnelle chaque année, pendant quatre mois.
● Une plus grande variété des projections, avec :
– 22 éléments de patrouille et d’intervention outre-mer et à l’étranger ;
– 15 à 17 équipes de protection embarquées déployées ou prépositionnées ;
– deux à quatre équipes de protection de renfort déployées sur des bâtiments de la marine.
● Une organisation refondue
Les CIFUSIL sont désormais rattachées organiquement aux GFM de Brest et Toulon.
Des centres de protection des forces (CENTPROFOR) ont par ailleurs été créés au sein des GFM afin de planifier le service et les entraînements, et de répondre aux demandes d’entraînement des équipages de la force d’action navale.
Un an après sa généralisation, il semble que les résultats de la réforme soient positifs. D’après les informations communiquées au rapporteur, on note une amélioration de la performance protection/défense en termes de réactivité et de couverture du terrain. En outre, le moral des fusiliers marins s’est consolidé grâce à la variété des activités, à la qualité accrue de l’entraînement et à une meilleure cohésion du fait de la réorganisation des unités.
Toutefois, ces améliorations sont tempérées par une plus grande sensibilité aux déficits en personnel, laquelle s’est accrue avec la mise en place de renforts faisant suite aux attentats de janvier 2015. Cette tension sur les effectifs a un impact direct sur les cycles d’activité et le rythme de travail du personnel, diminuant ainsi les bénéfices attendus en termes de projection, de préparation opérationnelle et finalement d’attractivité. À cet égard, le recrutement de 520 fusiliers marins supplémentaires en 2015 a été particulièrement bienvenu.
La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096), au cours de sa réunion du jeudi 15 octobre 2015.
Mme la présidente Patricia Adam. Nous avons le plaisir d’accueillir l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine. Nous sommes particulièrement attentifs au rôle de la marine nationale dans notre défense, et deux de nos commissaires se sont déplacés dernièrement dans le golfe de Guinée où se déroule l’opération Corymbe. Par ailleurs, le bureau de la commission de la Défense vient de décider de la création d’une mission d’information pour 2016 sur le rôle de la marine nationale en Méditerranée, et je ne doute pas que vous nous apporterez une aide précieuse pour mener à bien des travaux qui porteront sur les équipements et l’engagement, mais permettront également de mieux faire connaître l’action de la marine nationale dans une zone particulièrement sensible en ce moment.
Amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine. Répondre à vos invitations est toujours un plaisir car cela me permet de lever les yeux de mes tâches quotidiennes pour me projeter dans le futur. Or la mission d’un chef d’état-major n’est pas seulement de diriger les opérations en cours mais de préparer l’outil de combat dont la France aura besoin à l’horizon 2040. Avant d’aborder la question du PLF, je commencerai par un bref panorama du contexte stratégique, qui est particulièrement évolutif, et des missions remplies par la marine nationale, car ce sont des éléments essentiels pour comprendre nos besoins.
Le monde actuel se caractérise par une série de ruptures, dont quatre sont essentielles à mes yeux. La première est une rupture économique. Le centre de gravité économique s’est sensiblement déplacé vers l’Asie. Les routes maritimes qui en émanent sont aujourd’hui les artères de nos économies, le réseau sanguin qui permet de les alimenter : en vingt ans, la quantité de biens transportés par mer est passée de 4,5 à 9 milliards de tonnes et devrait atteindre 14 milliards de tonnes en 2020 – je parle ici essentiellement de marchandises en conteneurs et non du pétrole.
Cela nous rend plus vulnérables car, si demain le détroit de Bab-el-Mandeb ou le canal de Suez devaient être fermés à la circulation, le contournement de l’Afrique entraînerait trois semaines de délai dans les livraisons, ce qui ne serait guère supportable pour nos économies à flux tendu. C’est la raison pour laquelle nous surveillons attentivement la situation au Yémen, car si les milices rebelles disposent de missiles sol-mer, les marines occidentales n’auront d’autre choix que d’accroître leur présence dans la zone pour assurer la sécurité du transport. Il nous faut par ailleurs nous prémunir contre un autre danger : la piraterie, qui explose notamment dans le golfe de Guinée et connaît une forte recrudescence en Asie du sud-est.
L’explosion des volumes transportés par mer a également entraîné une course au gigantisme qui nous pose des défis en termes de sécurité. En effet, on n’assiste pas un navire comme le Bougainville de la CMA-CGM, baptisé la semaine dernière par le président de la République et capable de transporter 17 500 « boîtes », comme un petit porte-conteneurs. C’est la même chose pour les paquebots, qui peuvent désormais transporter jusqu’à cinq mille passagers, là où le Titanic « insubmersible » n’en accueillait que deux mille. Nous devons être d’autant plus au point sur les questions de sauvetage et de sécurité que ces paquebots vont de plus en plus loin, jusqu’en Arctique ou en Antarctique, ce qui nécessite que nous nous coordonnions au niveau international, en particulier avec les pays limitrophes comme la Norvège.
Enfin, la territorialisation croissante des mers – en Chine, en Arctique ou en Méditerranée orientale – par des pays d’autant plus soucieux de préserver leurs ressources océaniques que les ressources terrestres s’épuisent est, elle aussi, un défi pour la marine nationale, qui doit protéger notre zone économique exclusive (ZEE).
La seconde rupture est une rupture environnementale. Le dérèglement climatique a d’ores et déjà des conséquences en mer. Il se traduit d’abord par une augmentation de la violence des phénomènes climatiques – je pense notamment au cyclone qui a ravagé le Vanuatu, où la marine française a été la première à intervenir pour convoyer de quoi réparer les routes et les aéroports afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire.
Ces phénomènes climatiques extrêmes alourdissent nos missions, a fortiori dans nos DOM-COM, situés dans des zones sensibles et qui ne sont pas à l’abri d’une grave catastrophe humanitaire. Je me réjouis donc de l’arrivée des bâtiments multimissions qui répondent au strict besoin d’assurer les missions de sauvegarde et d’assistance confiées à la marine.
Les changements climatiques induisent aussi des phénomènes migratoires, sur mer comme sur terre. Dans ce dernier cas, apparaissent avec les populations qui s’agglutinent sur les littoraux des problèmes de pollution et de pêche illégale ainsi que le développement de trafics côtiers ou océaniques : cigarettes, drogue, armes ou êtres humains – car n’oublions jamais qu’avant d’être coupables, les migrants sont d’abord des victimes.
Nous devons enfin surveiller de près l’évolution de la zone arctique, où la fonte des glaces va donner accès à de nouvelles ressources et ouvrir de nouvelles routes qui, à la différence de celles empruntant le canal de Suez ou le détroit de Bab-el-Mandeb ne présenteront pas de point bloquant. D’où des enjeux stratégiques importants, qui poussent déjà la Russie à renforcer ses bases navales tout au long de la route du nord-est. Nous devons donc être capables de sécuriser les flux maritimes français dans la région.
Le troisième phénomène de rupture concerne l’émergence de nouvelles puissances en mer. Il s’opère dans l’ombre de la menace actuelle, essentiellement non-étatique, mais n’en est pas moins réel. La Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil ou le Japon, qui ont parfaitement compris la nature des enjeux maritimes, développent une stratégie navale ambitieuse et se dotent de tous les outils susceptibles d’asseoir leur puissance en mer.
Quant à la Russie, sa marine est partout et se déploie aussi bien dans le golfe de Guinée qu’en Amérique latine, dans le Pacifique dans la Manche ou l’Atlantique. Elle a fait à plusieurs reprises la démonstration de ses capacités, d’abord en évacuant ses ressortissants du Yémen au printemps dernier, opération qui était une première pour elle, puis en procédant la semaine dernière au tir de vingt-six missiles de croisière navals sur la Syrie, ce qui confirme ce que je prédis depuis longtemps, à savoir le retour de la Russie parmi les puissances maritimes de premier plan.
La Chine a pour sa part publié récemment un nouveau Livre blanc de la défense, consacré pour l’essentiel au volet naval de sa stratégie. Elle a, en 2014, mis sur cale, lancé ou livré soixante bâtiments. Les Chinois, comme les Russes, sont partout, en Baltique, dans le golfe de Guinée et dans l’océan Indien où ils déploient des outils de puissance comme les sous-marins nucléaires d’attaque. On ne peut donc plus parler à propos de la marine chinoise de marine émergente, mais bel et bien d’une marine moderne, puissante et mondiale.
Reste l’Europe, qui a encore du chemin à faire pour prendre la mesure de ces nouveaux enjeux. La marine française, îlot de verdure relatif dans le marasme européen, tente humblement d’agréger autour d’elle les forces européennes, ce qui est parfois couronné de succès puisque, lors de son prochain déploiement, notre porte-avions devrait être escorté par un groupe comprenant une frégate britannique, une frégate belge et une frégate australienne.
Enfin, la quatrième rupture est une rupture technologique. L’avance considérable dont disposaient encore il y a une dizaine d’années les pays occidentaux grâce à ce que l’on a appelé la « révolution dans les affaires militaires » s’est considérablement réduite. Cela s’explique en partie par un phénomène que nous avons mal anticipé, à savoir la démocratisation de l’accès aux technologies modernes – je pense par exemple à celles qui permettent la construction d’engins explosifs improvisés (IED) sur terre, ou de bateaux-suicides sur mer mais surtout à toutes les cybertechnologies.
L’informatisation croissante de nos bâtiments nous rend plus vulnérables à la cybermenace, que nous prenons très au sérieux. C’est la raison pour laquelle un amiral de mon état-major est spécifiquement chargé des opérations de cyberdéfense. De même le porte-avions, s’il se déploie en fin d’année ; embarquera une équipe vouée à la cyberdéfense. Nous ne devons en effet pas sous-estimer les capacités grandissantes de nos adversaires dans ce domaine. J’ajoute que les Américains sont très en avance en matière de cybertechnologies même si nous nous tenons actuellement à leur niveau et que parvenir à démontrer nos propres performances dans la durée est une condition nécessaire pour coopérer avec eux et intégrer leurs réseaux.
La capacité d’action de notre marine doit également se mesurer à l’aune de trois paramètres transverses, au premier rang duquel la contraction du temps – j’entends par là la réactivité croissante dont doivent faire preuve les militaires pour s’aligner sur l’accélération du temps politique et médiatique. À l’inverse, l’espace, lui, se dilate, ce qui signifie que notre champ d’action s’étend désormais bien au-delà de nos frontières. En d’autres termes, on nous demande aujourd’hui d’agir plus vite et plus loin. Et la France a d’autres frontières que métropolitaines, il ne faut pas l’oublier. Enfin, il ne faut pas oublier non plus que la menace d’aujourd’hui n’efface pas celle d’hier, pas plus qu’elle ne préfigure celle de demain, ce qui implique, pour adapter notre marine aux enjeux des prochaines décennies, de faire dès à présent les bons choix stratégiques.
J’en viens à présent aux opérations. Les moyens de la marine restent fortement sollicités et, aujourd’hui, ce ne sont pas moins de six mille marins engagés sur la moitié de la flotte qui sont en mer, en opération ou prêts à intervenir. Notre mobilité nous permet d’intervenir au plus près des menaces, et nous avons à l’heure actuelle des bâtiments déployés autour du théâtre syrien, en Méditerranée orientale et dans le golfe arabo-persique, pour des missions de renseignement et des frappes aériennes.
Dans le cadre de notre mission de protection, nos bâtiments sont également intervenus au printemps dernier pour évacuer nos compatriotes du Yémen, et nous poursuivons, avec l’opération Corymbe, nos actions de prévention et de lutte contre l’insécurité dans le golfe de Guinée, ce qui inclut notamment des actions de formation des marines riveraines dans le cadre des exercices NEMO.
Dans l’Atlantique Nord, nous participons aux mesures de réassurance de l’OTAN, dans un contexte marqué, je l’ai dit, par le regain d’activité des forces russes. Cela s’inscrit dans la perspective d’une réappropriation des eaux froides de l’Arctique, dont je vous ai souligné les enjeux.
Pour répondre à la crise migratoire, une de nos frégates et un de nos avions de surveillance maritime sont également engagés dans l’opération Sophia – ex-EUNAVFOR Med – opération européenne de lutte contre les passeurs de migrants en Méditerranée, dans laquelle nous occupons le second poste hiérarchique au sein de l’état-major de conduite. Dans le même temps nous poursuivons notre participation à l’opération Triton, dans le cadre de l’agence FRONTEX.
En matière de lutte contre les trafics, une de nos frégates de surveillance a réalisé coup sur coup ces deux dernières semaines quatre importantes saisies d’opportunité, soit au total une prise de 1,6 tonne de cocaïne pure, ce qui correspond à huit millions de doses d’un gramme sur le marché et équivaut à une perte de 500 millions d’euros pour les trafiquants. Ces saisies représentent sept tonnes cette année et quarante tonnes en quatre ans que la marine nationale est ainsi parvenue à retirer du marché. Sans doute devrions-nous mieux communiquer sur ce volet de notre action.
En Guyane, nous menons des opérations de grande ampleur contre la pêche illégale, confiées aux commandos marine. La dernière en date a permis le déroutement de plusieurs bâtiments de pêche qui opéraient illégalement dans nos eaux territoriales.
Il faut enfin mentionner les sémaphores, la gendarmerie maritime, les fusiliers marins et les centres opérationnels de la marine (COM) mobilisés en permanence pour la surveillance de nos approches maritimes.
Je ne m’étendrai pas sur la dissuasion dont nous assurons la composante océanique depuis plus de quarante ans, me bornant à conclure en rappelant qu’intervention, protection et dissuasion forment la marine « 3+1 », le quatrième élément renvoyant à la permanence. La permanence assurée par notre marine est en effet un élément essentiel de notre système de défense, dans la mesure d’abord où il nous permet d’être réactifs – lors de l’évacuation impromptue de nos compatriotes du Liban en 2006, de Libye en juillet 2014 ou du Yémen en mars 2015, nous avons été capables d’intervenir en moins de vingt-quatre heures – mais également parce qu’elle participe d’un dispositif d’anticipation stratégique global, la marine n’ayant pas uniquement vocation à surveiller les mers mais également certains territoires qui ne sont pas accessibles autrement.
L’ensemble de ces missions occupe pleinement la marine qui connaît un dépassement du contrat opérationnel défini par le Livre blanc de 2013 – je ne dis pas une surchauffe –, dépassement qui n’est rendu possible que par des arbitrages permanents. Ainsi, notre participation à l’opération Sophia en Méditerranée n’a-t-elle été possible qu’au prix de notre retrait de la mission Atalanta dans l’océan Indien. De même, nous devons remplacer un peu partout nos avions de patrouille maritime par des avions de surveillance maritime, afin de concentrer l’effort sur les théâtres d’opérations les plus sensibles.
Au-delà de ces arbitrages, ce dépassement du contrat opérationnel ne tient dans la durée que grâce à une diminution de l’entraînement supérieur. Nous avons dû annuler plusieurs participations à des exercices majeurs et nous sommes en deçà des normes OTAN en matière d’activités opérationnelles. Il est évident que tout cela ne peut se prolonger sans problème et qu’il ne peut s’agir que d’une situation ponctuelle, mais nous misons dès cette année sur la remontée de l’activité prévue par la loi de programmation militaire et le Livre blanc.
Le dépassement du contrat opérationnel est aujourd’hui compliqué par deux facteurs. En premier lieu, des problèmes de disponibilité des matériels anciens qui vieillissent : c’est le cas des Atlantique 2, qui devraient être prochainement modernisés et des Lynx, mais aussi des SNA – sous-marins nucléaires d’attaque – de type Rubis, que nous sommes impatients de voir remplacés par les Barracuda. Les Aviso A69 et les patrouilleurs de service public sont également touchés par le vieillissement, ce qui peut conduire à des ruptures nettes de disponibilité, comme cela s’est produit à Cherbourg après que le patrouilleur de surveillance des pêches Cormoran a pris un « coup de tabac » et s’est trouvé immobilisé pour un bon moment. Ces choix de vieillissement résultent d’arbitrages assumés, mais ils n’en viennent pas moins compliquer l’actuel dépassement du contrat opérationnel. En second lieu, les réductions temporaires de capacité inscrites dans le Livre blanc compliquent elle aussi ce dépassement du contrat opérationnel.
Enfin, ce dépassement du contrat opérationnel s’opère à budget constant. Nous dépendons en effet très peu du BOP – budget opérationnel de programme – OPEX dans la mesure où dans leur définition « technocratique » les OPEX sont avant tout des opérations aéroterrestres : en 2014, l’activité de la marine n’a ainsi été couverte qu’à hauteur de 2 % par les crédits OPEX, ce qui signifie que nos opérations à l’extérieur ne sont quasiment financées que par le PLF. Il nous importe tout particulièrement qu’il soit au rendez-vous sur les crédits permettant l’activité des forces.
Au-delà de ces aléas, la transformation de notre marine se poursuit. Nous sommes engagés dans le plan Horizon Marine 2025, qui, plus qu’une évolution est une révolution. Ce plan concerne à la fois les bâtiments mais aussi les RH, les soutiens, la formation. Conformément au Livre blanc, nous diminuons notre format et avons déjà perdu cinq bâtiments cette année. La marine sur FREMM, la marine sur Barracuda, c’est le prolongement de ce qui a déjà initié avec l’arrivée des bâtiments de projection et de commandement (BPC), c’est le passage à une marine automatisée et informatisée qui fonctionnera avec des équipages optimisés.
La phase de conception du plan est derrière nous et nous sommes entrés dans la phase de mise en œuvre. 2016 sera une année charnière, une année de bascule capacitaire avec l’admission au service actif de plusieurs FREMM, le chargement du cœur du premier Barracuda, le passage de la composante embarquée au « tout Rafale », le développement du missile M51 dans la tenue de notre posture de dissuasion et enfin la mise en service du missile de croisière navale (MdCN).
Parmi tous les défis que nous pose la réforme, l’un me préoccupe plus que les autres, la tenue dans le temps des ressources humaines. Le passage d’une marine mécanique à une marine informatique signifie en effet que, là où les frégates embarquaient auparavant trois cents hommes d’équipage, il n’y en aura désormais plus qu’une centaine. Cela diminue singulièrement la masse salariale mais cela modifie aussi la structure des équipages. Très pyramidale dans l’ancien système, où l’on avait une base peu qualifiée très importante, on évolue à présent vers une structure en sapin, avec une base peu qualifiée très étroite et une proportion beaucoup plus importante de techniciens et techniciens supérieurs, ce qui signifie que l’on ne peut plus compter sur le seul recrutement interne et la promotion par l’escalier social. De plus en plus, la marine va devenir une armée de microfilières, la gestion de nos ressources humaines n’obéissant plus à une logique d’effectifs mais à une logique de compétences. Les arbitrages qui nous concerneront devront tenir compte de cette logique.
2016 sera aussi l’année des réorganisations. Avec l’abandon des sites de l’hôtel de la Marine et de la caserne de la Pépinière, l’installation de l’état-major à Balard et la migration de services vers Tours et Vincennes, le siège de la marine nationale se « dématérialise » ce qui prouve certes que nous sommes une armée moderne mais exige une réorganisation de nos services.
J’en viens au projet de loi de finances pour 2016. Vous avez voté en juillet une actualisation bienvenue de la LPM, dans la mesure où, grâce à l’augmentation des crédits d’entretien, elle permet de sécuriser les ressources. En ce sens, le PLF est tout à fait conforme à cette LPM actualisée. Il va permettre de financer la remontée d’activité à partir de 2016, et les engagements du ministre sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) sont tenus. Nous sommes donc optimistes sur notre capacité à remonter l’activité de la flotte entre 2016 et 2018 pour atteindre les normes OTAN ; nous pourrons ainsi combler le déficit d’entraînement supérieur que j’évoquais plus haut.
Dans la marine, les contrats de MCO sont pluriannuels. Les engagements pour 2016 contribueront à consolider la hausse des crédits d’entretien dans la durée. Nous avons par ailleurs réalisé un travail de fond sur le MCO naval, explorant toutes les pistes d’optimisation. J’observe cependant que les négociations avec les industriels se durcissent et qu’il devient de plus en plus difficile de parvenir à un niveau d’accord optimum.
Le MCO aéronautique connaît lui aussi des difficultés, et certains aéronefs subissent encore des retards en sortie-visite mais, globalement, nos efforts ont porté et, dans le domaine naval comme dans l’aéronautique, on constate une remontée de la disponibilité globale des équipements malgré des difficultés ponctuelles.
Pour ce qui concerne ses équipements, la marine poursuit à la fois sa réduction de format et sa modernisation. En 2016, elle se verra livrer la FREMM Languedoc, deux bâtiments multimissions qui seront basés en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, un patrouilleur léger guyanais, deux hélicoptères Caïman et six Rafale au standard multimissions, dont quatre retrofités de leur standard d’origine. Dans le même temps sera commandé le quatrième bâtiment multimissions (B2M) destiné aux Antilles, le troisième bâtiment ayant été basculé vers La Réunion, à la demande du ministère des Outre-mer. Nous attendons également deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH), utilisés dans nos missions d’assistance, de remorquage et de soutien, en particulier dans le golfe de Gascogne où, du fait de la rudesse des conditions météorologiques, nous devons repêcher un nombre croissant de conteneurs tombés en mer et qui constituent autant de dangers pour la navigation.
Ces nouvelles livraisons ne suffiront pas à compenser la réduction de format inscrite au Livre blanc et n’éviteront pas certaines ruptures temporaires de capacité. J’ai déjà évoqué les patrouilleurs, mais les hélicoptères légers sont également concernés : les Alouette III et les Lynx ont leur âge, et il n’est pas convenable que certains bâtiments partent aujourd’hui sans hélicoptère. C’est pourquoi nous attendons avec impatience le futur hélicoptère interarmées léger.
Il nous faut également porter notre attention sur les infrastructures. L’arrivée des frégates et des sous-marins de nouvelle génération, très informatisés, a en effet une incidence sur le bilan de puissance électrique demandé aux quais. Or nos infrastructures portuaires – grues, quais bateaux-portes – et électriques datent du plan Marshall et ont besoin d’être remplacées. Les travaux peuvent certes paraître coûteux, mais il faut évidemment rapporter ce coût à la durée de vie des installations – plus de soixante-cinq ans pour celles que nous utilisons aujourd’hui.
En matière de ressources humaines, nous allons être l’armée qui va expérimenter le nouveau système de paiement de la solde. C’est certes une charge de travail supplémentaire et une prise de risque, mais aussi la reconnaissance du travail que nous avons fait pour maîtriser Louvois. Notre masse salariale sera cette année encore à l’équilibre, ce que l’on doit à tous les marins qui arment le Centre d’expertise des ressources humaines (CERH) à Toulon, qui ont su faire face aux dysfonctionnements majeurs que nous avons connus.
En termes d’effectifs, la marine poursuivra dans le cadre de ce PLF les déflations prévues par la LPM. 2 120 postes identifiés par analyse fonctionnelle seront supprimés au cours de la période 2014-2019, ce qui représente 8 % des effectifs du BOP-marine. C’est d’autant plus lourd que cela intervient après une réduction encore plus importante au cours de la LPM précédente, et que la multiplicité des compétences et des certificats nous oblige à être particulièrement vigilants.
La déflation des effectifs s’appuie sur la diminution de format mais aussi sur le remplacement de bâtiments anciens à forts effectifs par des bâtiments neufs à équipage réduit. Mais ce qui la rend possible, c’est que, grâce à la LPM, nous avons pu renforcer les fonctions de protection, sécurité et sûreté, avec la création de 800 postes permanents dont des fusiliers, des atomiciens, des cyber-spécialistes ou des techniciens du renseignement, auxquels s’ajoutent 250 postes temporaires répondant à des besoins nouveaux, comme la prolongation d’un an de trois frégates d’ancienne génération suite à la vente de la FREMM Normandie, ou encore la formation des équipages étrangers sur les bâtiments que nous exportons. Au total, ce sont 2 120 postes qui sont supprimés dans la structure fonctionnelle et un peu plus de 1 000 postes créés par ailleurs.
Le maintien des compétences est un enjeu important. Nous devons entretenir un nombre croissant de microfilières de techniciens hautement qualifiés, et les viviers dans lesquels nous les puisons se réduisent, d’une part sous l’effet des déflations mais aussi à cause d’un problème de fidélisation, ces compétences étant extrêmement convoitées par des industries qui ne connaissent pas la crise. Nous devons nous assurer de ne pas en arriver au stade où en sont certaines marines européennes, qui connaissent de graves problèmes de ressources humaines, au point que certains de leurs bateaux doivent rester à quai faute de personnel pour les faire naviguer. Aujourd’hui, notre surengagement opérationnel, le nombre et la multiplicité de nos missions, notre politique de formation interne et notre valorisation des carrières jouent en faveur de notre attractivité, mais nous devons rester attentifs à ce que pour ceux qui s’engagent au service de la Nation, la balance entre contraintes et avantages penche en faveur de ces derniers, ce qui implique de leur offrir de bonnes conditions de travail et de bonnes conditions de vie.
On nous demande cette année encore d’économiser sur les frais de fonctionnement mais la diminution des crédits peut avoir des incidences sur le moral des troupes. Outre que les dépenses de fonctionnement ne sont pas des dépenses de confort mais servent, par exemple, à financer des formations ou l’externalisation de certains contrats auprès de sociétés civiles – comme la société Bourbon pour les remorqueurs de haute mer –, le métier de marin a des contraintes particulières. Au port-base, il y a des astreintes, des gardes, des alertes ; quant aux conditions de vie à bord, j’invite tous les membres de cette commission à passer une semaine à bord d’un Aviso A69 dans le golfe de Gascogne… En mission, nous sommes séparés de nos familles pendant de longues durées, parfois sans pouvoir communiquer. Il est donc important, dans notre gestion des ressources humaines, de mieux prendre en compte ces familles et les questions de garde des enfants, de travail des conjoints, tout en nous adaptant aux nouvelles réalités sociales dans lesquelles les familles pèsent plus qu’autrefois : célibat géographique, familles recomposées, etc.
J’en terminerai en mentionnant les trois décrets signés du Premier ministre qui viennent d’étendre la superficie du plateau continental sous responsabilité française aux Antilles, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie et aux îles Kerguelen. Cette extension représente 550 000 mille kilomètres carrés supplémentaires, soit exactement la superficie du territoire métropolitain. C’est un nouveau champ d’action pour la marine, à qui je ne doute pas qu’on fournira les moyens pour qu’elle y accomplisse au mieux ses missions…
Mme la présidente Patricia Adam. J’ai été particulièrement attentive dans vos propos à ce qui concernait l’Europe. Il me semble qu’en matière de défense, s’il y a un domaine où nous pourrions progresser plus rapidement qu’ailleurs c’est bien la marine, à conditions toutefois que les autres pays acceptent de nous rejoindre dans cette dynamique.
M. Gwendal Rouillard. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur le coût du porte-avions lorsqu’il est déployé en opération extérieure, notamment dans le cadre de l’opération Chammal.
En ce qui concerne les frégates de taille intermédiaire (FTI), comment arbitreriez-vous, à titre personnel, entre les besoins de la marine nationale et la volonté exprimée par le Gouvernement de pouvoir exporter ces nouveaux bâtiments dans les meilleurs délais ?
Vous avez évoqué nos marins, leur fierté d’exercer les missions que leur confie la marine nationale, mais également les contraintes de plus en plus lourdes qui pèsent sur eux et leurs familles. Un fusilier marin travaille soixante-dix heures par semaine, avec quarante heures d’astreinte pour un revenu qui reste modeste. Nous devons, vous l’avez dit, nous attacher prioritairement à consolider l’attractivité des métiers et la fidélisation des troupes. Il serait également bon de formaliser cette logique de compétences dont vous souhaitez qu’elle remplace la logique des effectifs en ce qui concerne les déflations, car le ministère de la Défense a, en la matière, une véritable mutation à opérer.
Mme Geneviève Gosselin-Fleury. La préfecture maritime et la base navale de Cherbourg assurent les missions de l’État en mer sur un littoral qui va de la frontière belge à la baie du Mont-Saint-Michel, ce qui représente 870 kilomètres de côtes, avec un trafic maritime intense. Je viens de recevoir un appel téléphonique me signalant qu’une barge vient de déverser des tonnes de fioul à proximité de la rade de Cherbourg. De plus, dans un contexte de fortes menaces terroristes, la base navale assure également des missions de sécurité du littoral et du territoire. Or cette base a dû subir les déflations d’effectifs, et l’amiral Ausseur a fait une demande d’effectifs supplémentaires. Pensez-vous qu’il aura gain de cause ?
La marine a été choisie pour tester le nouveau système de paye « Source Solde ». Cela risque de fortement accroître la charge de travail du Centre d’expertise des ressources humaines de la marine (CERH) de Toulon : allez-vous devoir recruter du personnel supplémentaire ?
M. Yves Fromion. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur l’opération Sophia et la manière dont la marine française s’y implique ?
Je tiens par ailleurs à vous remercier du ton particulièrement irénique sur lequel vous nous avez fait votre exposé. Comme l’an dernier, vous nous avez expliqué que la marine dépassait largement son contrat opérationnel et les ruptures capacitaires que cela pouvait entraîner. Cela illustre bien les tensions et les impasses auxquelles fait face notre politique de défense, et ceci depuis fort longtemps. Je m’étonne dans ces conditions que la nouvelle loi de programmation militaire apporte une réponse à ce point sous-dimensionnée aux ambitions et aux exigences formulées dans le Livre blanc. Combien de temps pourrons-nous faire semblant de remplir correctement nos missions avec les moyens dont nous sommes dotés ?
Mme la présidente Patricia Adam. En matière de défense, nous nous inscrivons dans le temps long, mais je pense que nous sommes tous d’accord ici pour considérer qu’il est nécessaire que le budget de la défense ne soit pas inférieur à 2 % du PIB.
M. Jacques Lamblin. La marine nationale est confrontée à ce paradoxe qu’il lui faut raisonner sur le temps long, car la programmation des équipements oblige à des anticipations sur trente ans, alors que, dans le même temps, la technologie évolue de plus en plus rapidement. Cette équation est difficile à résoudre mais, quels que soient les projets mis en œuvre dans les temps futurs, nous avons deux certitudes. La première est qu’il nous faudra conserver notre capacité à agir car la présence française est indispensable un peu partout sur le globe. La seconde est que, sans instrument de puissance à sa disposition, la parole de l’État n’est plus que bavardage sur la scène internationale. Nous avons donc besoin d’une marine efficace, ce qui est le cas actuellement avec notre force océanique et notre force aéronavale. Concernant cette dernière, le porte-avions va prochainement être immobilisé pendant dix-huit mois. Comment est-il envisagé de pallier son indisponibilité ? Par ailleurs, notre flotille de Super Étendard doit être progressivement remplacée par des Rafale ; sera-t-on prêt dans les temps ?
M. Daniel Boisserie. Nos nombreux engagements imposent une maintenance accrue. Il vous a été dévolu une certaine somme : vers quelles priorités aller vous flécher les dépenses ?
M. Philippe Meunier. La livraison de la FREMM à l’Égypte n’est pas sans conséquence sur la déflation des effectifs. Si vous avez obtenu des postes supplémentaires pour y faire face ainsi que du personnel supplémentaire pour renforcer vos missions de protection, les objectifs de déflation, eux, n’ont pas varié entre la LPM initiale et la LPM actualisée. Dans ces conditions, où allez-vous supprimer des postes pour atteindre ces objectifs ?
M. Gilbert Le Bris. En ce moment même se tient à l’Assemblée nationale un colloque sur Clipperton, territoire éloigné et un peu en jachère mais qui, avec ses 500 000 km2 de ZEE, soit l’équivalent de la métropole, est un atout majeur pour la France. Or le programme BATSIMAR suscite quelques inquiétudes quant à la pérennité de nos forces de souveraineté. Notre flotte de patrouilleurs outre-mer connaît déjà des réductions temporaires de capacité, et je ne vois pas comment il sera possible de tenir jusqu’en 2024. Quelles solutions envisagez-vous pour patienter jusqu’à l’arrivée des patrouilleurs de nouvelle génération ?
M. Eduardo Rihan Cypel. Quand j’entends certaines des interventions précédentes, j’ai l’impression que nous n’évoluons pas dans la même réalité. Le Gouvernement actuel est le premier à avoir stoppé l’hémorragie budgétaire et de ressource humaine dans les armées. Les militaires sont d’ailleurs bien conscients de cette réalité. Le Charles-de-Gaulle a effectué dans le golfe Persique une mission extrêmement pointue, servant les intérêts de tous les alliés dans le combat contre le terrorisme et contre Daech. Où en est la situation dans la zone et est-il prévu que le Charles-de-Gaulle y soit redéployé ?
M. Jean-François Lamour. Vous avez évoqué les efforts nécessaires en matière d’infrastructures. Un peu plus d’un milliard d’euros est affecté au budget de la défense dans le PLF pour 2016 pour faire face à ces dépenses, mais des inquiétudes persistent sur leur financement, liées notamment aux recettes attendues des cessions immobilières. En ce qui concerne la marine nationale, pourriez-vous nous préciser à quoi correspond l’effort de rénovation ou de construction de nouvelles infrastructures ?
Concernant le tuilage entre FREMM et FTI, les annonces faites par le ministre il y a quelques mois sur l’avancement du programme des FTI ne me paraissent pas forcément en adéquation avec vos besoins en matière de frégates de premier rang, a fortiori si l’on tient compte de la récente extension de notre plateau continental. Quel est votre sentiment sur la révision à la baisse du nombre de FREMM, alors que la montée en puissance des FTI n’a encore d’existence que sur le papier ? Jugez-vous réaliste l’objectif consistant à doter la marine de quinze frégates de premier plan à l’horizon 2029 ?
Vous avez insisté sur le soutien aux exportations d’armement (SOUTEX) et les 250 postes temporaires que vous aviez obtenus pour y faire face. Comment intégrez-vous cette donnée nouvelle dans votre stratégie en matière de ressources humaines, qui doit également tenir compte des déflations d’effectifs ?
Amiral Bernard Rogel. Je vous remercie, monsieur Rouillard, de m’avoir interrogé sur le coût du porte-avions en OPEX, car on nous fait souvent un très mauvais procès à ce sujet. Qu’en est-il, tout d’abord, du porte-avions lui-même ? À ceux qui font remarquer qu’un seul bâtiment ne permet pas d’assurer la permanence, je réponds que nous n’avons qu’à en prendre deux, et nous n’aurons plus de problèmes... Plus sérieusement, la question n’est pas récente : elle a été examinée dans les deux derniers Livres blancs. Le porte-avions est un outil de puissance qui nous vaut la considération de nos alliés. Je fais d’ailleurs observer qu’il s’en construit partout : les Chinois devraient en construire quatre, de même que les Indiens, les Américains en possèdent onze et les Britanniques en construisent deux.
J’en viens à votre question. La marine, qui déploie en permanence 5 000 personnes en mission, ne coûte au BOP OPEX, notamment pour les missions Chammal et Corymbe, que moins de 100 millions par an sur 1,2 milliard d’euros ; cela ne me paraît pas excessif. Il faut donc savoir raison garder et éviter d’utiliser de mauvais arguments dans des combats de périmètre.
Par ailleurs, oui, les FTI sont un enjeu majeur. Oui, elles ont été voulues par la marine. Oui, elles représentent une bonne solution. Le Livre blanc recommandait d’équiper la marine de quinze frégates de premier rang, c’est-à-dire des frégates dotées de capacités anti-sous-marines et anti-aériennes pour pouvoir se rendre dans n’importe quelle zone de crise – les frégates La Fayette, qui ne disposent pas de sonar et ne sont équipées que d’une défense anti-aérienne rapprochée, n’en sont donc pas. Nous avons alors réfléchi à la manière dont nous pouvions atteindre l’objectif fixé par le Livre blanc – qui est en réalité de treize frégates de premier rang car nous disposons déjà de deux frégates anti-aériennes (FDA) –, grâce à un panachage de FREMM et de FTI. Nous avons abouti, en étroite collaboration avec le ministre de la Défense et ses services, à une solution consistant à prendre, outre les deux FDA, huit FREMM et à bâtir un navire qui corresponde au principe de différenciation énoncé dans le Livre blanc tout en ayant la capacité de frégates de premier rang. Je me félicite que le programme ait été avancé pour une première livraison en 2023, ce qui nous fait gagner deux années durant lesquelles nous aurions pâti d’une nouvelle rupture temporaire de capacité.
Si nous avions choisi 11 FREMM en plus des deux FDA, il nous aurait fallu deux frégates supplémentaires ; or je ne crois pas à une série de deux unités : la rupture de capacité aurait été définitive. Le plan que nous avons retenu offre donc, selon moi, la meilleure solution. Il permet à la fois de respecter l’enveloppe budgétaire, de doter la marine de quinze frégates de premier rang et d’augmenter la prestation export de l’industrie française.
Selon nous, la principale menace est sous-marine : aujourd’hui – et c’est inédit, me semble-t-il –, plus de 49 nations disposent de sous-marins modernes. La FTI doit donc être dotée de capacités anti-sous-marines – je précise, à ce propos, que l’une de nos difficultés actuelles est liée au nombre des frégates anti-sous-marines (ASM) car, en raison de l’effet de biseau et de l’arrivée des FREMM, nous n’en avons aujourd’hui que six au lieu de huit prévues. Pour autant, la FTI doit être également équipée de capacités anti-aériennes pour pouvoir s’approcher des zones de crise car, et c’est la deuxième caractéristique des opérations navales actuelles, dès lors que l’on s’approche de la terre, on s’expose notamment à la menace aérienne et aux missiles sol-mer.
J’estime que ce bâtiment, qui fera entre 4 000 et 4 500 tonnes, doit être d’abord anti-sous-marin, avec une capacité d’emport NH90, puis qu’il doit disposer une capacité anti-aérienne significative. Je ne pense pas que sa taille permettra d’y installer le missile de croisière naval. Les discussions avec les industriels se dérouleront sur cette base, qui correspond aux besoins opérationnels minimums de la marine – je me battrai pour qu’ils soient reconnus, et je ne doute pas que je parviendrai à être entendu. Ensuite, il faudra s’efforcer de faire le bateau le plus intelligent possible pour qu’il soit facilement exportable. Nous travaillons « en plateau » avec les industriels et la DGA, et j’ai bon espoir que nous arriverons très vite à une définition intéressante.
Par ailleurs, il est vrai que nous rencontrons des difficultés avec les Atlantique 2, en raison tout d’abord de leur vieillissement et de la suractivité opérationnelle, car ils interviennent partout, de l’Arctique à la Syrie en passant par le Sahel. Ces difficultés sont également liées à l’appréhension de cette disponibilité par le service industriel, qui a rencontré quelques problèmes avec un logiciel de commande des pièces de rechange. De surcroît, nous allons retirer certaines cellules pour, enfin, les moderniser. Cette modernisation, décidée par le ministre de la Défense, est importante car cette capacité, que n’ont plus d’autres marines européennes, et elles le regrettent – je pense à nos amis britanniques en particulier –, est un véritable couteau suisse : de la lutte anti-sous-marine à la lutte antiterroriste en passant par le sauvetage en mer, cet avion peut tout faire. Nous nous efforçons donc de concilier le retrait de certaines cellules avec l’amélioration du taux de disponibilité, qui est actuellement de 27 %. Nous avons ainsi adopté un plan d’urgence, qui crée quelques frictions, puisque nous avons imaginé d’envoyer des avions directement chez l’industriel sans passer par le service industriel de l’aéronautique.
Le NH90, quant à lui, pèche au contraire par sa jeunesse. Il s’agit cependant, je tiens à le souligner, d’un aéronef exceptionnel – et c’est le sous-marinier qui parle – qui va bouleverser la lutte anti-sous-marine. Les capacités de l’hélicoptère et de son sonar FLASH, développé par Thales, sont tout à fait exceptionnelles, et je puis vous dire que même les nations dont les budgets militaires sont beaucoup plus importants que les nôtres nous envient le tandem FREMM-NH90.
J’ajoute, car j’ai omis de l’indiquer tout à l’heure, que le Groupe aéronaval (GAN) sera escorté, outre les bâtiments étrangers, par une FREMM et une FDA. Il s’agit déjà de la marine de 2025 que j’évoquais tout à l’heure.
J’en reviens au NH90. Celui-ci présente des défauts de corrosion – cela provient d’une perte de compétence de l’industriel, qui du reste l’a reconnu. Nous avons donc élaboré un plan pour y remédier et prévu, avec Airbus hélicoptères, d’embarquer des ingénieurs sur les bateaux dans le cadre de leur formation. Ces machines sont également souvent immobilisées pour des opérations de soutien, de sorte que nous avons élaboré un autre plan afin d’adapter le soutien aux besoins opérationnels. Sur ces deux points, les plans d’urgence devraient nous apporter des réponses assez rapidement.
Vous avez évoqué ensuite les contraintes pesant sur les familles ; c’est un sujet important. Entre les jours de mer, les jours d’alerte – durant lesquels il doit pouvoir se rendre sur son bateau en 48 heures, voire 24 heures – et les jours de garde, un marin est actuellement soumis à environ 180 jours de contrainte par an, soit la moitié de l’année. Les fusiliers marins travaillent, vous l’avez dit, plus de 70 heures par semaine. J’ai donc réclamé, et j’ai été entendu, des effectifs supplémentaires, d’abord pour faire baisser la pression, que le passage au plan Cuirasse a fait monter d’un cran supplémentaire. De fait, la force professionnelle de protection des emprises n’est pas extensible : lorsqu’on augmente le niveau d’alerte, la contrainte croît d’autant.
Nous avons également élaboré un grand plan destiné à développer l’attractivité du métier de fusilier. Il n’est en effet guère motivant de garder des clôtures entre 70 et 90 heures par semaine, pour un salaire à peine égal au SMIC. Or, nous avons besoin de spécialistes de la protection, en particulier dans la situation actuelle. Nous avons donc décidé de favoriser la mobilité des fusiliers marins : désormais, ils changent régulièrement de centre, partent en OPEX pour garder, avec les fusiliers de l’air, les avions de l’aéronautique navale et participent à la protection embarquée des bâtiments que nous devons protéger contre la piraterie. Cet effort porte ses fruits, mais nous devons avoir cette préoccupation constamment présente à l’esprit : en améliorant l’attractivité du métier, on favorisera la fidélisation des personnels, qui est absolument nécessaire.
Par ailleurs, nous ne pouvons plus raisonner en suivant une logique de nombre ; nous menons une analyse fonctionnelle permanente. Ce qui m’a beaucoup frappé, lors de l’élaboration du Livre blanc, c’est que l’on n’est pas parvenu à faire le lien entre les équipements de demain et les métiers de demain, de sorte que ce qui devait arriver arriva : les déflations se fondent sur des logiques d’effectifs et non sur des logiques de compétences. Or, aujourd’hui, il y a danger, car nous ne pouvons plus raisonner en termes d’effectifs.
Mme la présidente Patricia Adam. C’est vrai dans le soutien.
Amiral Bernard Rogel. C’est vrai partout ! Lorsqu’on nous demande de réduire les effectifs, nous ne pouvons pas « taper » dans les personnels compétents, car nous en avons besoin pour faire tourner les équipements ; nous « tapons » donc sur la base, c’est-à-dire le pied du sapin, au risque de le faire chavirer. Nous devons donc être très attentifs à ce sujet. Nous avons beaucoup diminué la masse salariale : depuis 1960, le nombre en effectifs des équipages a drastiquement baissé, et le taux d’encadrement a augmenté. De fait, cette notion d’encadrement n’a plus de sens. Je n’ai pas besoin de tant d’officiers pour encadrer tant de marins ; j’ai besoin de tant d’officiers mariniers, de tant d’officiers mariniers supérieurs et de tant de matelots pour faire tourner un bateau.
Madame Gosselin-Fleury, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien j’ai été heureux d’ouvrir une école des mousses à Cherbourg – et d’augmenter la capacité de celle de Brest, madame la présidente. Je suis en effet très fier de ces écoles qui forment des jeunes qui quittent le système scolaire à l’âge de seize ans, aux métiers de compétence que j’ai évoqué tout à l’heure. Cherbourg restera un port école, important pour nous. Mais c’est aussi un port nucléaire – et l’arrivée des équipages de Barracuda augmentera les effectifs – et un port d’action de l’État en mer (AEM), et je voudrais m’y arrêter quelques instants.
Tout d’abord, je rappelle que l’AEM ne se limite pas à la marine ; elle concerne également la gendarmerie maritime, l’administration des affaires maritimes et la douane, notamment. La Manche est un secteur sensible, où nous rencontrons actuellement des difficultés liées à l’ancienneté des bateaux. Nous n’y disposons en effet que de deux bateaux disponibles sur cinq. En cas de besoin, nous faisons donc venir des bateaux de Brest, comme c’est le cas actuellement en raison du risque de pollution provoqué par la collision de deux bateaux au large de Zeebrugge – et nous redéploierons notre dispositif pour traiter la catastrophe intervenue ce matin. Dans certains domaines, tels que la lutte antipollution en mer, la marine agit seule. C’est pourquoi je me suis battu pour que l’on nous affrète quatre bâtiments de soutien et d’assistance. En tout état de cause, nous continuerons à porter une attention toute particulière à la zone Cherbourg-Manche-Mer du Nord en interministériel, car l’augmentation des flux maritimes se traduit également par une croissance du nombre des navires qui y circulent. J’ajoute que les champs d’éoliennes implantées en Manche-Mer du Nord, non seulement risquent d’accroître le risque d’accident, mais nous ont conduits, l’année dernière, à augmenter d’un tiers le nombre de nos interventions de déminage. On estime en effet qu’il reste aujourd’hui au fond 60 % des engins historiques jetés durant les deux conflits mondiaux.
En ce qui concerne le projet Source Solde, j’ai obtenu des renforts d’effectifs – vingt-neuf personnes très exactement – pour le CERH de la marine à Toulon, dont le travail extraordinaire nous a permis de contenir la crise Louvois et d’être, depuis des années, à l’équilibre en titre 2, ce qui est un exploit de nos jours. Lorsque le ministre m’a annoncé que la marine avait été choisie – ou plutôt élue, devrais-je dire – pour mettre en œuvre le nouveau dispositif, j’ai donc réclamé un renfort en effectifs et j’ai demandé à être parfaitement intégré dans le processus de décision, étape par étape.
M. Fromion m’a interrogé sur l’opération Sophia, dont je rappelle qu’à la différence de l’opération Triton, elle est dirigée contre les passeurs – même si, de fait, elle est aussi une opération de sauvetage car on ne peut pas rester indifférent au sort de ces malheureux qui cherchent à traverser la Méditerranée. Comme l’opération Atalante et toutes les opérations d’action de l’État en mer, elle est complexe. La difficulté n’est pas tant militaire que juridique : il est inutile d’arrêter des passeurs s’ils ne peuvent pas être jugés. Des discussions sont en cours pour régler ce problème – nous y parviendrons, j’en suis convaincu, mais cela prendra un peu de temps. Comme contre la piraterie, l’action des marines est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Le meilleur moyen de lutter contre les passeurs consiste en effet à s’en prendre à leur argent. En outre, on constate qu’ils adaptent déjà leur mode d’action à la présence des marines. Il faut donc mener une action militaire, une action dissuasive et, surtout, réfléchir au meilleur moyen d’atteindre les réseaux financiers.
M. Yves Fromion. À quelle distance des côtes libyennes opérez-vous ?
Amiral Bernard Rogel. Nous sommes passés de la phase 1, de mise en place du dispositif, à la phase 2A d’intervention en eaux internationales. La phase 2B correspond à une action dans les eaux territoriales libyennes, mais elle nécessite soit un mandat de l’ONU – qui est en cours de discussion –, soit une autorisation du gouvernement libyen, qu’il est difficile d’identifier aujourd’hui. Nous sommes donc dans la phase de renseignement et de secours, et nous agissons si nous trouvons des passeurs, mais nous ne sommes pas encore dans la phase ultime qui devrait conduire à la destruction des réseaux. L’exercice n’est pas simple.
Par ailleurs, la marine nationale ne fait pas semblant de remplir ses missions, comme vous l’avez dit. Elle les remplit, même si celles-ci ne cessent d’augmenter en raison des événements climatiques, de la croissance des flux maritimes ou des OPEX. Le Livre blanc était fondé sur le constat d’un contexte budgétaire difficile. Certains scénarios budgétaires donnaient d’ailleurs le frisson : s’ils avaient été retenus, vous auriez pu me dire que nous faisons semblant. Mais l’équipe qui l’a rédigé a cherché la meilleure solution pour nous permettre de franchir le creux de la vague. Il s’agissait de conserver les compétences pour faire face aux difficultés budgétaires et mieux rebondir par la suite. Jusqu’à maintenant, les choix qui ont été faits doivent être assumés par tous, qu’il s’agisse des réductions temporaires de capacité (RTC), du vieillissement des équipements ou des retards de livraison. L’objectif était de parvenir au meilleur compromis entre efficacité et budget, tout en évitant de perdre des compétences. Aujourd’hui, la situation n’est certes pas facile, mais le pari est réussi : l’activité est sur le point de remonter. On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein…
Néanmoins, il est permis de se demander si les hypothèses du Livre blanc resteront valables en cas de multiplication des missions nouvelles. Je crois, quant à moi, que nous sommes condamnés à en rédiger un nouveau au moins tous les cinq ans. Mais un outil militaire se construit dans la durée. Il ne s’agit donc pas de donner un coup de barre à chaque révision – les coups de barre ne sont jamais bons, c’est le marin qui parle – mais de réorienter. Ainsi, en ce qui concerne la marine, il faudra se pencher sur le programme BATSIMAR – et je réponds sur ce point à M. Le Bris. En effet, si nous attendions 2024, nous serions en « rupture globale temporaire de capacité », car tous les patrouilleurs outre-mer vont s’éteindre les uns après les autres. Or, il faut tenir compte non seulement des nouvelles zones à protéger et des événements climatiques mais aussi des problématiques de souveraineté. Il ne s’agit pas seulement de Clipperton, mais de l’ensemble de la ZEE : si nous n’y sommes pas présents, d’autres viendront l’occuper à notre place. Aujourd’hui, nous faisons régner l’ordre, notamment en mettant dehors des pêcheurs asiatiques illégaux, mais si nos patrouilleurs ne sont pas remplacés – et c’est également vrai pour les patrouilleurs métropolitains –, nous rencontrerons des difficultés, car ils sont un élément important de l’action de l’État en mer.
En ce qui concerne la force aéronavale, les Super-Étendard vont être retirés du service. Le déploiement qui suivra celui qui interviendra prochainement sera en version « tout Rafale ». Pour aménager cette transition, nous avons travaillé en étroite relation avec l’armée de l’air ; nous avons ainsi un escadron de transition commun. Nous devons cependant trouver un partenaire possédant un porte-avions afin d’entraîner notre groupe aérien pendant l’arrêt technique majeur (ATM) – je suis en contact avec mon homologue américain à ce sujet. L’intérêt du déploiement du Charles-de-Gaulle est de partir au maximum de la compétence acquise pour pouvoir décroître un peu pendant l’arrêt technique majeur, et repartir ensuite. Nous chercherons, là aussi, à coopérer avec les Américains.
S’agissant du MCO, les grands enjeux à venir sont l’ATM du Charles-de-Gaulle ainsi que les négociations avec les industriels sur les frégates et les sous-marins. La gestion du MCO est une préoccupation permanente.
J’en viens maintenant aux conséquences des contrats export avec l’Égypte. En ce qui concerne les FREMM, ce fut assez difficile, car il nous a fallu envoyer la moitié d’un équipage à DCI-NAVFCO alors que nous avons encore peu d’équipages de FREMM, puisque c’est une capacité que la marine française est en train d’acquérir. Je suis plus serein en ce qui concerne les BPC, car les marins formés sont nettement plus nombreux. Mais il est vrai qu’il s’agit toujours d’un défi, car la gestion des compétences se fait à flux tendu, singulièrement sur les FREMM, pour lesquelles nous n’avons pas beaucoup de ressources humaines. Le moment est donc délicat : nous devons concilier nos besoins et ceux de l’export. Cela passe par un dialogue avec DCI-NAVFCO et les industriels, et par des solutions nouvelles qui nous permettent d’anticiper ces besoins. Nous devons veiller à trouver le bon équilibre.
Le Charles-de-Gaulle, je le répète, est un outil de puissance important, reconnu par nos alliés les plus puissants et par les marines européennes, qui nous jugent crédibles et nous considèrent comme des leaders dans ce domaine. Actuellement, nous aidons les Britanniques à remonter en puissance en vue de la mise en service de leurs deux porte-avions. Cette capacité aéronavale est un véritable signe de puissance maritime.
Enfin, qu’en est-il des efforts en matière d’infrastructures ? Longtemps, on a dit à la marine que celles-ci seraient rénovées lorsque les nouveaux bateaux arriveraient, ce qui était intelligent, du reste. Les écologistes nous ont décerné un satisfecit en matière de déconstruction. Grâce à la DGA, nous sommes également exemplaires dans le domaine de l’écoconstruction. La marine nationale s’est ainsi engagée à supprimer tout rejet à la mer, mais ces rejets doivent bien s’effectuer quelque part. Les infrastructures que nous sommes en train de construire doivent donc prendre en compte cette donnée environnementale, ce qui renchérit un peu leur coût.
Les infrastructures – portes de bassin, grues, stations hydrauliques, alimentation électrique – datent du plan Marshall ; elles ont 65 ans. Il était intelligent, disais-je, de lier la rénovation des infrastructures à l’arrivée des bateaux modernes mais, aujourd’hui, nous ne pouvons plus reculer. Sans elles, nous ne pourrons ni garer ni entretenir nos bateaux. Mais, là encore, comparons ce qui est comparable : si l’on examine tous les grands programmes de la Défense, on s’apercevra qu’ils sont équitablement répartis. Quoi qu’il en soit, nous sommes repartis pour 65 nouvelles années, de sorte que nous devrions être moins « gourmands » à l’avenir.
M. Jean-François Lamour. Permettez-moi de préciser ma question, amiral : quelle est la part du budget de 1,1 milliard consacré aux infrastructures allouée à la construction de nouvelles infrastructures de la marine nationale pour l’année 2016 ?
Amiral Bernard Rogel. Elle est de l’ordre de 200 millions. N’oublions pas, d’ailleurs, les infrastructures de vie. C’est un sujet auquel je suis très sensible et sur lequel on a fait l’impasse pendant des années, pour des raisons budgétaires. Ces infrastructures ne sont pas en très bon état ; le ministre a décrété un plan d’urgence qui a permis de rénover certaines d’entre elles, mais il faut être vigilant sur ce point car c’est un élément très important pour l’attractivité des métiers et la fidélisation du personnel. Je ne parle pas des équipages de bâtiment embarqués, mais des personnels du soutien, notamment.
Mme la présidente Patricia Adam. Pour avoir visité la base de défense de Brest, je peux en effet en témoigner de la nécessité de réaliser des travaux dans les infrastructures de vie. Je vous remercie, amiral.
Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 21 octobre 2015 à 16 heures 15 (45)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2016.
Article 24 : État B – Mission « Défense »
La commission examine l’amendement DN3 de M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Cet amendement propose de diminuer les crédits affectés à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire pour abonder la dotation annuelle consacrée aux opérations extérieures (OPEX). Je rappelle que la composante aéroportée ne représente que 15 % des missions de la dissuasion, qu’elle coûte environ 300 millions d’euros par an, et que cette somme est appelée à augmenter du fait du renouvellement des missiles ASMP-A. En effet, comme vous le savez, nous concevons des missiles dont la durée de vie est de 25 ans mais nous finançons leur remplacement dès leur mise en service.
J’attire également l’attention sur le fait que des voix de plus en plus nombreuses contestent le caractère indispensable de cette composante. Nous en avons eu la démonstration au cours du cycle d’auditions organisé en 2014, y compris de la part d’anciens responsables militaires. Par ailleurs l’actualité est venue nous rappeler que nos soldats déployés en opérations disposent de matériels souvent usés voire dégradés. Cela a été évoqué dans la discussion générale.
Cet amendement propose donc, dans un esprit pragmatique, de supprimer les crédits uniquement affectés à la composante aéroportée de la dissuasion – les crédits transversaux étant maintenus – pour abonder les crédits relatifs aux OPEX.
M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. En 2014, notre commission a organisé un cycle d’auditions sur la dissuasion nucléaire au cours duquel nous avons entendu l’ensemble des acteurs. Le général Mercier, alors chef d’état-major de l’armée de l’air, avait assuré qu’un tel effet d’éviction d’existait pas. Il soutenait au contraire, et nous le rejoignons sur ce point, que les forces aériennes stratégiques « tirent vers le haut » les forces conventionnelles aussi bien pour le ravitaillement en vol, la planification des missions ou encore l’entraînement. Par ailleurs cette mission ne représente que 7 % de l’ensemble des crédits de la dissuasion. Je pense que cela fragiliserait nos armées de réduire les crédits affectés à la dissuasion et j’émets donc un avis défavorable à l’amendement.
M. François de Rugy. Je me souviens parfaitement de l’audition du général Mercier. Je l’avais interpellé suite à ses propos et je ne me souviens pas qu’il ait avancé d’argument concret à l’appui de ceux-ci. Nous sommes en réalité dans l’ordre de la proclamation, mais cela est courant sur ce sujet.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN3. Elle examine ensuite l’amendement DN2 de M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Cet amendement propose de rompre avec le principe souvent évoqué de « sanctuarisation » des dépenses dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Il y a souvent débat autour de la crédibilité de cette dissuasion et des crédits qui y sont affectés. Mais la dissuasion doit être fondée sur un éventail de forces, et la crédibilité de la défense française doit aussi être fondée sur la crédibilité des forces conventionnelles.
Or ces forces conventionnelles souffrent d’un effet d’éviction et, parfois, d’un déclassement capacitaire. Elles nécessitent d’être entretenues, modernisées ou remplacées. Je rappelle que nos missiles M 51 transportent chacun une charge nucléaire équivalente à 35 fois la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima.
Autant dire qu’avec trois jeux de 16 missiles M 51 et 45 missiles ASMP-A, nous avons atteint le paroxysme de notre force de dissuasion nucléaire. Aussi le présent amendement propose-t-il de diviser par deux les crédits alloués aux études amont qui auraient vocation à permettre une énième modernisation de nos capacités de dissuasion. Ils seraient redéployés afin de satisfaire les besoins plus urgents de nos forces conventionnelles : financement de la politique immobilière afin de réaliser les travaux nécessaires aux troupes déployées notamment dans le cadre de l’opération Sentinelle, et pour accompagner les effectifs supplémentaires déployés dans les unités de la FOT.
Mme Isabelle Bruneau, rapporteure pour avis. Cet amendement propose de diviser par deux le budget des études amont nucléaires. Bien que je pense comme vous qu’il est nécessaire de donner à nos forces conventionnelles les moyens de remplir leurs missions, je ne peux souscrire à la réduction que vous proposez.
En effet, le niveau des crédits accordés aux études amont « nucléaire » dans le cadre du programme 144 suit les recommandations formulées dans le Livre blanc ainsi que les dispositions de la loi de programmation militaire, qui font de la dissuasion nucléaire un élément essentiel de la stratégie de défense nationale.
Or, une dissuasion forte est une dissuasion qui évolue et élève son niveau technologique afin de maintenir sa crédibilité. Il ne peut donc être question de réduire les crédits permettant cette évolution. J’émets donc un avis défavorable.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DN2. Elle examine ensuite l’amendement DN1 de M. Yves Fromion.
M. Yves Fromion. Je n’en voudrais à personne de voter contre mon amendement ! Il n’avait d’autre intérêt que de permettre d’avoir le débat sur la question du financement de l’opération Sentinelle. Les propositions de réaffectation de crédits ne sont évidemment pas opérantes ; je fais de « l’économie circulaire », ce qui n’apporte rien, mais on a les arguments qu’on peut avec les moyens que l’on a ! (Rires). Je souhaite que l’on évoque ce débat dans l’Hémicycle pour montrer que les parlementaires aident le ministre de la Défense dans sa lutte pour obtenir un financement interministériel des missions intérieures.
Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons donc remercier M. Fromion d’avoir déposé cet amendement visant à aider le ministre !
M. Charles de la Verpillière, rapporteur pour avis. Tout le monde a compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Plusieurs intervenants ont souligné au cours de cette réunion les incertitudes qui pèsent sur le financement des surcoûts des missions intérieures en 2015 et à l’avenir. Pour ma part, je n’ai pas été rassuré par la réponse du ministre, qui utilise toujours un langage et un vocabulaire extrêmement précis. Or, vous aurez remarqué qu’il a parlé de « discussion interministérielle » et absolument pas de « financement interministériel ». L’amendement de notre collègue est donc particulièrement bienvenu et j’y émets un avis favorable.
Contre l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN1. Elle examine ensuite l’amendement DN7 de Mme Isabelle Bruneau.
Mme Isabelle Bruneau, rapporteure pour avis. La subvention pour charges de service public prévue dans le PLF 2016 pour l’Office national d’études et de recherche aérospatiale (ONERA) est insuffisante. En effet, les 105 millions d’euros proposés ne permettront pas à l’ONERA de présenter un budget équilibré pour l’année à venir.
Cet amendement se propose d’augmenter de 15 millions d’euros la subvention allouée à l’ONERA afin d’assurer l’avenir de cet office, indispensable à la recherche aérospatiale militaire et civile. Il propose ainsi d’augmenter, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, de 15 millions d’euros la sous-action 07-04 « Gestion des moyens et subventions » de l’action « Prospective de défense » du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».
En conséquence, il propose de retirer en autorisations d’engagement et en crédits de paiement cette somme modeste des actions suivantes dont la conduite ne sera pas remise en question pour autant :
– 10 millions d’euros sur la sous-action 07-36 « Communiquer-CONTACT » de l’action « Commandement et maîtrise de l’information » du programme 146 « Équipement des forces » ;
– cinq millions d’euros sur la sous-action 11-90 « Investissements pour les opérations d’armement » de l’action « Préparation et conduite des opérations d’armement » du même programme.
Mme la présidente Patricia Adam. Je souhaite expliquer pourquoi j’ai cosigné cet amendement. J’ai bien entendu la réponse donnée par le ministre de la Défense précisant qu’il attendait le plan stratégique de l’ONERA pour conclure une convention avec lui, ce qui permettrait d’abonder son budget. Je comprends tout à fait la nécessité d’une telle convention dès lors que le ministère de la Défense assure 50 % du budget de l’ONERA. L’amendement proposé permet justement à la convention de s’appliquer puisque le budget pour 2016 est en déficit. Or si les ressources ne sont pas au rendez-vous il y aura des choix à faire, y compris peut-être au niveau des personnels de l’ONERA – entre autres. Je soutiens donc cet amendement et le voterai.
M. Yves Fromion. Ayant longtemps été rapporteur du programme 144, je ne peux souscrire à cet amendement. Sur le fond, vous avez raison : l’ONERA ne dispose pas de ressources suffisantes. Mais enlever des crédits au programme « Équipement des forces » qui est déjà sous-doté n’est pas envisageable. La démarche au titre d’un amendement d’appel est intéressante, mais nous ne pouvons retirer une somme aussi considérable à nos forces armées qui ont besoin de tous les crédits possibles pour être équipées convenablement. Je saisis l’intérêt de l’amendement mais, aujourd’hui, l’équipement des forces est sacré.
La commission rejette l’amendement DN7.
Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Préparation et emploi des forces : Marine » de la mission « Défense ».
ANNEXE
Liste des personnes rencontrées et auditionnées par le rapporteur pour avis
Par ordre chronologique
● Déplacement à Toulon (28 et 29 avril 2015)
Ø Base navale – vice-amiral d’escadre Philippe Coindreau, commandant de la force d’action navale (ALFAN), contre-amiral Hervé Chenal, directeur du Service de soutien de la flotte (SSF), capitaine de vaisseau Stephan Meunier, commandant l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque (ESNA)
Ø Embarquement à bord du sous-marin nucléaire d’attaque Rubis
Ø Préfecture maritime – vice-amiral d’escadre Yves-Patrick Joly, préfet maritime de la Méditerranée et commandant en chef pour la Méditerranée, M. l’administrateur en chef des affaires maritimes Éric Lefebvre, adjoint action de l’État en mer du préfet maritime, et capitaine de vaisseau Gilles Boidevezi, adjoint opérations
Ø Groupement de fusiliers marins de Toulon – capitaine de frégate Olivier Hoffmann, commandant du GFM
Ø Visite de la frégate légère furtive Surcouf
Ø Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage La Garde – M. l’administrateur en chef des affaires maritimes Antoine Ferri, directeur du CROSS
● Déplacement dans le golfe de Guinée (11-14 mai 2015)
Ø Réunion du groupe du G7 des amis du golfe de Guinée à Pointe-Noire
Ø Embarquement à bord de l’aviso Commandant l’Herminier
● Déplacement à Cherbourg (2 juillet 2015)
Ø Base navale – vice-amiral d’escadre Emmanuel Carlier, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, capitaine de frégate David Bombled, commandant de la formation opérationnelle de surveillance et d’information territoriale (FOSIT), commissaire en chef de 2e classe Jérôme Theillier, chef de la division action de l’État en mer (AEM), lieutenant de vaisseau Chun-Jen Fang, commandant du groupement de plongeurs démineurs (GPD) de la Manche, et échanges avec les membres du GPD
Ø Visite de la vigie du Homet
Ø Centre DCNS de Cherbourg – MM. Alain Morvan, directeur du centre, et Frédéric Gesnouin, directeur du service communication
● Déplacement à Brest (23 et 24 septembre 2015)
Ø Base aéronautique navale de Landivisiau – capitaine de vaisseau Pascal Cassan, commandant de la base, capitaine de frégate Marc Bourdilleau, commandant de la flottille 12F, capitaine de frégate Christophe Amilhac, commandant de la flottille 17F, et M. l’ingénieur général de l’armement Gérard Bichet, directeur des ateliers industriels de l’aéronautique de Bretagne
Ø École navale – contre-amiral Benoît Lugan, commandant de l’École navale, capitaine de vaisseau Éric Pagès, chef d’état-major, commandant en second, capitaine de vaisseau Jean-Louis d’Arbaumont, directeur des études, M. Christophe Claramunt, professeur des Universités, directeur de la recherche scientifique, M. Pierre-Etienne Boucher-Chapuy, attaché principal d’administration de l’État, directeur des services, Mme Anne-Claire Delrieu, attachée d’administration de l’État, juriste de l’École navale et adjoint au chef de projet pour l’adoption du statut d’établissement public, M. Jean-Marie Kowalski, maître de conférence et responsable de la formation en sciences humaines, lieutenant de vaisseau Laura Serhal, chef de cabinet de l’amiral et directrice de la communication, et échanges avec les élèves de la promotion 2014
Ø Base aéronautique navale de Lanvéoc-Poulmic – capitaine de vaisseau Marc Gander, commandant de la base, et échanges avec les pilotes, plongeurs et mécaniciens de la flottille 33F
Ø Embarquement à bord de la frégate anti-sous-marine La Motte-Picquet – capitaine de vaisseau Patrick Cazin, commandant de La Motte-Picquet, capitaine de frégate Pierre Lucas, commandant en second, et échanges avec les membres d’équipage
Ø Centre des opérations maritimes de Brest – vice-amiral d’escadre Emmanuel de Oliveira, préfet maritime de l’Atlantique, capitaine de vaisseau Xavier Rebour, adjoint opérations de l’amiral commandant la zone maritime Atlantique, capitaine de vaisseau Jean-Louis Fournier, M. Daniel Le Diréach, administrateur général de 2e classe des affaires maritimes, adjoint du préfet maritime de l’Atlantique pour l’action de l’État en mer
Ø Centre d’instruction naval de Brest – capitaine de vaisseau François Drouet, commandant du CIN, échanges avec les équipes éducatives de l’École de maistrance et de l’École des mousses et échanges avec des mousses
Ø Bâtiment-école Léopard – capitaine de corvette Laurence Peltier, commandant du Léopard
Ø Frégate multi-missions Aquitaine – capitaine de frégate Emmanuel Sagorin, commandant de l’Aquitaine et les membres d’équipage
● À Paris
Ø État-major de la marine – Amiral Bernard Rogel, chef d’état-major, capitaine de vaisseau Éric Vernet, chef du bureau finances, et capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman, chargé des liaisons parlementaires – cabinet du chef d’état-major
Ø Airbus Group* – M. Bertrand de Cordoue, directeur Défense et sécurité à la direction des Affaires publiques France, vice-amiral d’escadre (2S) Xavier Païtard, conseiller Défense du président, et Mme Annick Perrimond-du-Breuil, directeur relations avec le Parlement, direction des affaires publiques France
Ø GICAN* – MM. Patrick Boissier, président, Hugues d’Argentré, délégué général et Hervé Croce, responsable des relations institutionnelles
Ø Vice-amiral Anne Cullère, sous-chef « opérations » – état-major de la marine (ALOPS), contre-amiral Jean-Philippe Chaineau, sous-chef d’état-major « plans et programmes », capitaine de vaisseau François Moreau, officier de cohérence d’armée marine, capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman, chargé des liaisons parlementaires – cabinet du chef d’état-major de la marine, capitaine de frégate Guilhem Desvignes, chargé de la doctrine « protection » au bureau « études opérationnelles » de l’état-major des opérations marine
Ø DCNS* – MM. Hervé Guillou, président-directeur général et Fabien Menant, directeur des affaires publiques
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.