N° 3115 tome VIII - Avis de M. Daniel Boisserie sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3115

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME VIII

SÉCURITÉS

GENDARMERIE NATIONALE

PAR M. Daniel BOISSERIE

Député

——

Voir le numéro : 3110 (annexe 43)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET 2016 EN PHASE AVEC UN HAUT NIVEAU D’ENGAGEMENT 9

I. DES CRÉDITS REVALORISÉS, DES MOYENS ADAPTÉS À L’INTENSITÉ OPÉRATIONNELLE 9

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 152 9

1. Un effort budgétaire nécessaire et bienvenu 9

2. La mise en réserve : rester vigilant sur les dégels… à défaut de mieux 11

3. Les évolutions par titre 14

4. Les principaux projets et évolutions financés en 2016 15

B. PANORAMA DES MOYENS DE LA GENDARMERIE : UNE ADAPTATION AU CONTEXTE SÉCURITAIRE QUI NE DOIT PAS MASQUER LA PERSISTANCE DE POINTS DE TENSION 16

1. Une augmentation des effectifs encore plus nette, cependant tempérée par le maintien de « trous à l’emploi » 16

2. La poursuite du plan de réhabilitation immobilier 2015-2020 18

3. Les moyens de déplacement et d’intervention 20

4. Les moyens de communication 22

II. L’ACTIVITÉ DES FORCES DE GENDARMERIE 23

A. RECENTRER LES FORCES DE SÉCURITÉ SUR LEUR CœUR DE MÉTIER ET SE LIBÉRER DE CERTAINS CARCANS 23

1. Décharger le gendarme des tâches annexes et renforcer son rôle de producteur de sécurité 23

2. Envisager d’autres mesures pour accompagner et renforcer l’action des forces de l’ordre 24

B. DEUX POSTURES RENFORCÉES : LA LUTTE ANTITERRORISTE ET LA GESTION DE LA CRISE MIGRATOIRE 25

1. La lutte contre le terrorisme : un retour au cœur de l’actualité médiatique et opérationnelle depuis les attentats de janvier 25

2. Les effets de la crise migratoire 27

C. LA POURSUITE DES MISSIONS PRIORITAIRES : LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE ET L’INSÉCURITÉ 28

1. Le bilan des zones de sécurité prioritaires à la mi-2015 28

2. La poursuite de plans nationaux ciblés 29

3. La mise en place d’un nouveau plan opérationnel : la lutte contre le trafic d’armes à feu 32

D. LES MISSIONS MENÉES HORS DE MÉTROPOLE, OUTRE-MER ET AU-DELÀ DU TERRITOIRE NATIONAL 32

1. Le « dispositif Matignon » et les opérations intérieures (OPINT) 32

2. Les opérations extérieures (OPEX) 33

SECONDE PARTIE : LE PÔLE JUDICIAIRE DE LA GENDARMERIE NATIONALE, PÔLE D’EXCELLENCE EN MATIÈRE DE CRIMINALISTIQUE ET D’INTELLIGENCE JUDICIAIRE 37

I. LE PJGN, LA CONSTITUTION D’UN TRYPTIQUE AU SERVICE DE LA PERFORMANCE JUDICIAIRE SANS ÉQUIVALENT EN EUROPE 37

A. UN « GUICHET UNIQUE » AU SERVICE DES FORCES DE L’ORDRE ET DES MAGISTRATS 37

1. Un pôle, trois entités 37

2. La réalisation de synergies au travers de plateaux communs 38

B. LES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES DÉGAGÉS DANS LE CADRE DU PLAN DE LUTTE ANTITERRORISTE ONT PERMIS D’INVESTIR DANS DES DOMAINES VARIÉS 39

1. L’analyse balistique dématérialisée 39

2. Le développement de l’odorologie 40

3. Le séquençage ADN 40

4. L’analyse des sources ouvertes 40

II. L’IRCGN, CLUSTER DE LA CRIMINALISTIQUE AU SERVICE DE L’ÉTABLISSEMENT DE LA VÉRITÉ 40

A. LES MISSIONS DE L’IRCGN 41

1. Quatre missions principales 41

2. Une capacité de projection essentielle 41

B. LES STRUCTURES ET LES MOYENS DE L’IRCGN 43

1. Une organisation articulée autour de sept pôles 43

2. Les ressources budgétaires 43

3. Les moyens humains 44

C. UNE MONTÉE EN PUISSANCE À MESURE DE L’INFLUENCE DES SCIENCES DANS L’ÉTABLISSEMENT DE LA PREUVE PÉNALE 44

1. Une structure qui a su s’adapter et évoluer 44

2. Les relations avec les organismes de la police nationale : l’Institut national de la police scientifique (INPS) et la sous-direction de la police technique et scientifique (SDPTS). 45

III. LE SCRC : SERVICE DE RÉFÉRENCE DANS LE RENSEIGNEMENT CRIMINEL ET L’ANTICIPATION DES NOUVEAUX MODES D’ACTIONS DÉLINQUANTS 46

A. DES MISSIONS QUI RECOUVRENT TOUT LE SPECTRE DE LA DÉLINQUANCE DE MASSE OU ORGANISÉE 46

1. L’élaboration du renseignement criminel 46

2. Des menaces ciblées 47

B. ORGANISATION ET MOYENS DU SCRC 48

1. L’organisation du SCRC 48

2. Les effectifs 50

3. Une entité à part : le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) 51

a. Un centre spécialisé pour une criminalité nouvelle amenée à se développer 51

b. L’organisation du C3N 52

c. Les moyens humains et techniques du C3N 53

TRAVAUX DE LA COMMISSION 55

I. AUDITION DU GÉNÉRAL DENIS FAVIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA GENDARMERIE NATIONALE 55

II. EXAMEN DES CRÉDITS 67

ANNEXE :Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 69

INTRODUCTION

Les forces de sécurité – mais également l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire ainsi que les forces armées – ont été en première ligne à la suite des attentats qui ont frappé notre pays en janvier dernier. Pour leur part, les unités de gendarmerie ont notamment mené une action déterminante qui a conduit à la neutralisation des frères Kouachi par le GIGN.

Cette nouvelle donne sécuritaire a conduit à une mobilisation opérationnelle sans précédent des forces de l’ordre. En effet, il n’existe aujourd’hui aucun « sanctuaire » sur le territoire national face à la menace terroriste et à ses ramifications, qui peuvent s’implanter aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Le niveau de menace n’est probablement pas amené à se réduire à moyen terme et notre pays doit apprendre à vivre durablement dans un contexte sécuritaire dégradé.

Or, à ce risque sécuritaire sont venues s’ajouter les conséquences d’une crise migratoire d’une ampleur sans précédent en Europe depuis plusieurs décennies. Provoquée par des crises géopolitiques d’une violence extrême, elle voit des centaines de milliers d’êtres humains fuir la guerre, les persécutions et les violences dans l’espoir d’un avenir meilleur au sein de l’Union européenne. Au-delà des questions sanitaires et sociales, ce drame humanitaire représente un autre défi majeur en matière d’ordre public qui nécessite la mobilisation de l’ensemble des forces de sécurité publique.

Mais il ne faudrait pas croire que ces crises « nouvelles » – terrorisme et pression migratoire – ont fait disparaître les autres risques et menaces. La gendarmerie doit donc évidemment continuer à honorer ses missions traditionnelles : lutte contre la délinquance et l’insécurité (cambriolages, violences, insécurité routière, etc.), contre les trafics (armes, stupéfiants, etc.), maintien de l’ordre, renseignement, missions de police judiciaire, sans oublier les déploiements en opérations extérieures.

Les gendarmes sont par conséquent soumis à une pression opérationnelle intense, qui n’est pas amenée à faiblir dans les années à venir.

C’est pourquoi il n’était pas seulement nécessaire de préserver les crédits de la gendarmerie ; il fallait les revaloriser pour permettre une augmentation des moyens humains et matériels au service de la sécurité publique. C’est ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2016, qui attribue à la gendarmerie près de 8 378 millions d’euros en autorisations d’engagement et 8 230 millions d’euros en crédits de paiement. Pour la quatrième année consécutive, les effectifs réels de la gendarmerie seront en hausse de 554 postes, dont 370 au titre du plan « Migrants » et 55 au titre de l’annuité 2016 du plan de lutte antiterroriste, palliant ainsi en partie les effets désastreux de la politique de déflation d’effectifs menée sous le quinquennat précédent.

Le rapporteur se réjouit de ces orientations, mais il estime toutefois possible d’aller encore plus loin à l’avenir. Il convient en effet de prendre toute la mesure de ce « changement de monde » à l’œuvre en matière de sécurité publique au sens large, et d’en tirer toutes les conséquences au plan budgétaire et au plan opérationnel. À cet égard, le rapporteur ne peut que répéter ce qu’il a eu l’occasion d’exprimer les années antérieures.

Tout d’abord, il est absolument indispensable de dégeler dès le début de l’exercice les crédits mis en réserve. Il n’est pas acceptable que les dégels n’interviennent qu’en fin d’année, faisant ainsi peser une incertitude paralysante et, pour tout dire, vexatoire pour nos forces de l’ordre alors que notre pays et nos concitoyens comptent sur leur engagement sans faille.

Par ailleurs, il convient de revaloriser les crédits de personnel afin de résorber les « trous à l’emploi » résultant de la différence entre le plafond des emplois autorisés par le Parlement et les effectifs réels. Ce plafond fixe certes une limite haute en termes d’effectifs ; mais il représente surtout le nombre de postes que les pouvoirs publics estiment nécessaires à la production de sécurité et à la protection de nos concitoyens. Si un tel niveau est déterminé c’est, logiquement, qu’on considère indispensable de l’atteindre ; dans le cas contraire, il conviendrait de l’abaisser.

Or tel n’est pas le cas. Ce plafond d’emplois, juridiquement contraignant, est en réalité parfaitement fictif dès lors que, depuis des années, la gendarmerie ne dispose pas des ressources nécessaires pour procéder aux recrutements permettant d’atteindre ce niveau. En 2016 et hors emplois supplémentaires ouverts dans le cadre du plan « Migrants », la vacance d’emplois représenterait encore 2 % des emplois autorisés, soit plus de 1 950 postes.

Certes, des économies de postes peuvent probablement être dégagées après des redéploiements d’effectifs et la réorganisation de la « carte gendarmerie ». Ce travail effectué et le plafond autorisé abaissé le cas échéant à due concurrence, le rapporteur estime indispensable de combler l’écart entre effectifs théoriques et effectifs réels en donnant à la gendarmerie les moyens budgétaires permettant une réelle reprise des recrutements.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2015, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 91 réponses sur 96 lui étaient parvenues, soit un taux de 95 % environ.

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET 2016 EN PHASE AVEC UN HAUT NIVEAU D’ENGAGEMENT

Le projet de loi de finances pour 2016 (PLF) proposer d’allouer 8 377,61 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 8 229,74 millions d’euros de crédits de paiement (CP) au programme 152 « Gendarmerie nationale ». Il s’agit d’un niveau de ressources global, tous modes de financement compris :

– par crédits budgétaires : à hauteur de 8 269,85 millions d’euros en AE et 8 121,98 millions d’euros en CP ;

– et par fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP) (1), pour 107,76 millions d’euros (AE=CP).

Relativement à l’ensemble des crédits de la mission « Sécurités », le programme « Gendarmerie » en représente près de 45 % des AE et 44,5 % des CP.

IMPORTANCE RELATIVE DE CHAQUE PROGRAMME DE LA MISSION « SÉCURITÉS »

FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS COMPRIS

(en millions d’euros)

 

AE

Part dans le programme

CP

Part dans le programme

Mission Sécurités

18 629,83

100 %

18 518,81

100 %

176 Police nationale

9 793,05

52,57 %

9 795,58

52,90 %

152 Gendarmerie nationale

8 377,60

44,97 %

8 229,74

44,44 %

207 Sécurité et éducation routières

39,56

0,21 %

39,56

0,21 %

161 Sécurité civile

419,62

2,25 %

453,93

2,45 %

Source : projet annuel de performances 2016 « Sécurités » ; calculs du rapporteur.

Dans le cadre de la loi de finances pour 2015, le budget de la gendarmerie avait été préservé. Le PLF pour 2016 va plus loin en procédant à une revalorisation certaine des ressources affectées à la gendarmerie nationale. En tenant compte des seuls crédits budgétaires, les autorisations d’engagement augmentent de 2,4 % et les crédits de paiement de 0,8 %, pour un total de 8,27 milliards d’euros en AE et de 8,12 milliards d’euros en CP. Une telle croissance est évidemment nécessaire au regard du contexte sécuritaire et, compte tenu des tensions qui pèsent sur les finances publiques, il convient d’en mesurer la portée.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME GENDARMERIE NATIONALE 2015-2016
HORS FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme / action

Ouverts en LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2016/2015

Ouverts en LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2016/2015

152 Gendarmerie nationale

8 074,32

8 269,85

+2,4 %

8 058,18

8 121,98

+0,8 %

01 Ordre et sécurité publics

3 191,55

3 145,43

-1,4 %

3 191,55

3 145,43

-1,4 %

02 Sécurité routière

767,43

744,52

-3,0 %

767,43

744,52

-3,0 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

1 779,20

1 896,34

+6,6 %

1 779,20

1 896,34

+6,6 %

04 Commandement, ressources humaines et logistique

2 179,50

2 350,36

+7,8 %

2 163,36

2 202,49

+1,8 %

05 Exercice des missions militaires

156,64

133,19

-15,0 %

156,64

133,19

-15,0 %

Source : projet annuel de performances 2016 « Sécurités » ; calculs du rapporteur.

Tous financements confondus, l’augmentation est de 3,3 % pour les AE et 1,7 % pour les CP. Elle doit toutefois être tempérée car elle résulte, pour partie, d’une sous-évaluation initiale des fonds de concours et attributions de produits en 2015.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME GENDARMERIE NATIONALE 2015-2016
FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS COMPRIS

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme / action

Ouverts en LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2016/2015

Ouverts en LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2016/2015

152 Gendarmerie nationale

8 111,91

8 377,60

+3,3 %

8 095,76

8 229,74

+1,7 %

01 Ordre et sécurité publics

3 191,55

3 145,43

-1,4 %

3 191,55

3 145,43

-1,4 %

02 Sécurité routière

767,43

744,52

-3,0 %

767,43

744,52

-3,0 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

1 779,20

1 896,34

+6,6 %

1 779,20

1 896,34

+6,6 %

04 Commandement, ressources humaines et logistique

2 217,09

2 458,12

+10,9 %

2 200,94

2 310,25

+5,0 %

05 Exercice des missions militaires

156,64

133,19

-15,0 %

156,64

133,19

-15,0 %

Source : projet annuel de performances 2016 « Sécurités » ; calculs du rapporteur.

● Le pilotage de la fin de gestion avec le dégel partiel de la réserve 2015

Le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), l’a affirmé lors de son audition par la commission : « La situation budgétaire que nous connaissons est moins tendue qu’il y a deux ans […] » (2).

Rappelons en effet que dans le cadre des budgets 2014 et 2015, la mise en réserve initiale pour ces deux années couplée au dégel tardif et incomplet des crédits au titre des exercices précédents – respectivement 2013 et 2014 – avaient sérieusement affecté les marges de manœuvre de la gendarmerie.

Dans le cadre de la fin de gestion 2013 notamment, le rapporteur s’était fortement mobilisé, estimant indispensable de restituer à la gendarmerie une part substantielle des crédits initialement mis en réserve. Il s’était donc réjoui des annonces faites par le ministre de l’Intérieur en commission élargie, lorsque celui-ci avait assuré aux députés que le Premier ministre avait décidé de restituer 111 millions d’euros de crédits de paiement précédemment gelés à la gendarmerie et à la police nationales. S’y ajoutaient 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement afin de répondre aux besoins immobiliers les plus pressants dans la gendarmerie.

La fin de gestion 2015 s’annonce donc « moins tendue », et c’est heureux. D’après les informations fournies par le directeur général de la gendarmerie nationale, ce sont près de 40 % de la réserve 2015 qui ont été levés, représentant 38 millions d’euros. Il s’agit d’un progrès en termes calendaires, le dégel n’étant jusqu’alors intervenu qu’en toute fin d’exercice ces dernières années, empêchant ainsi de mener une politique d’acquisition réellement efficace et cohérente (pour les achats de véhicules notamment).

Cette levée plus précoce constitue certes une amélioration, mais elle ne doit pas masquer le fait qu’elle reste partielle : il reste en effet 51 millions d’euros à débloquer d’ici la fin de l’exercice 2015 pour assurer notamment le paiement des loyers dus aux collectivités territoriales. En outre, même anticipé par rapport aux années antérieures, ce dégel partiel intervient tardivement, au début de l’automne, à quelques semaines de la fin de gestion.

● La problématique traditionnelle de la réserve initiale

Année après année, le taux de mise en réserve ne cesse d’augmenter. Fixé à 6 % hors titre 2 (dépenses de personnel) dans le cadre du PLF 2013, il avait atteint successivement 7 % en PLF 2014 et 8 % en PLF 2015. Cette tendance semble heureusement avoir pris fin puisque le même taux de 8 % – bien que toujours élevé – est reconduit dans le cadre du PLF 2016.

Mais cette pratique n’en demeure pas moins problématique. En effet, la mise en réserve s’applique en réalité à une base budgétaire extrêmement étroite. La masse effectivement pilotable, hors titre 2, s’élève à 1 373,6 millions d’euros en AE et 1 225,73 millions d’euros en CP, soit une mise en réserve de près de 110 millions d’euros en AE et de 98,05 millions d’euros en CP.

Or, une fois soustraites les sommes faisant l’objet de dépenses obligatoires (dont environ 500 millions d’euros de loyers) et celles directement liées à l’activité (notamment le « fonctionnement courant lié à l’agent », pour 207,55 millions d’euros), la masse pilotable est divisée par quatre et passe d’1,2 milliard d’euros environ à 300 millions d’euros environ ainsi que le rappelait le DGGN (3). Et c’est donc sur ce solde, qui doit notamment servir à l’équipement des forces de gendarmerie, que pèse in fine la centaine de millions d’euros gelés. Si, juridiquement, le taux de mise en réserve n’est « que » de 8 %, il représente concrètement près du tiers des crédits effectivement à disposition du gestionnaire de programme pour financer ses priorités et ses projets, ou ses besoins indispensables (véhicules, matériel informatique, etc.).

● La pédagogie étant l’art de la répétition, le rapporteur renouvelle sa demande tendant à la levée du reliquat des crédits mis en réserve au titre de l’exercice 2015. Il souhaite par ailleurs que la réserve 2016 puisse faire l’objet d’un dégel suffisant dès le début de l’exercice pour permettre à la gendarmerie d’engager des dépenses de manière efficace, sereine, rationnelle, cohérente et prévisible.

Le dégel des 51 millions toujours bloqués au titre de 2015 est d’autant plus légitime que, au-delà des crédits ouverts par le décret d’avance du 9 avril 2015 au titre du plan de lutte antiterroriste (PLAT) – 35 millions d’euros en AE et CP – la gendarmerie a dû engager 55 millions d’euros supplémentaires sur son budget propre, alors que ces crédits devaient initialement servir à financer des besoins opérationnels et matériels au titre de :

– l’engagement des escadrons de gendarmerie mobile à hauteur de 20 millions d’euros ;

– l’acquisition de nouveaux véhicules pour 17 millions d’euros ;

– l’optimisation et le renforcement des moyens de communication radio et informatiques (en particulier les postes des services contribuant au renseignement) pour 11 millions d’euros ;

– l’acquisition de moyens de protection et d’armement (gilets pare-balles, armes, munitions) pour six millions d’euros ;

– et du renforcement de la capacité d’intervention des hélicoptères (protections balistiques, systèmes de retransmission par satellite, etc.) pour un million d’euros.

Concernant le « reste à dégeler » au titre de 2015, le ministre de l’Intérieur a indiqué, lors de la commission élargie, que les discussions en cours avec le ministère du Budget aboutiraient dans les semaines à venir. Le rapporteur ne peut que le soutenir dans cette démarche, en redoutant néanmoins les traditionnelles annulations de crédits de fin de gestion.

Concernant la mise en réserve initiale, le rapporteur ne peut que se féliciter des récentes déclarations du ministre de l’Intérieur qui, le 22 octobre dernier, a affirmé que « Les initiatives seront prises pour que la disponibilité des crédits budgétaires soit organisée dès le début de l’année 2016 afin que les véhicules, armements modernisés et équipements de protection efficaces soient commandés sans délai, livrés dans les services et unités dès avant l’été prochain. Une attention particulière sera portée aux services et unités de sécurité publique les plus exposés aux phénomènes de délinquance violente, qu’il s’agisse des brigades anticriminalité de la police ou des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie. » En commission élargie, le ministre a confirmé que des mesures seraient prévues afin que les moyens essentiels – véhicules, éléments de protection, armes, munitions – nécessaires à l’accomplissement des missions des forces de l’ordre soient disponibles dès le début de l’année.

Le rapporteur soutient sans réserve une telle initiative, mais ne sera pleinement soulagé et satisfait que lorsque les crédits auront effectivement été dégelés. Dans l’attention de cette décision, il restera particulièrement vigilant.

● Les crédits de titre 2, qui correspondent aux dépenses de personnel, continuent de représenter près de 85 % des crédits de paiement et plus de 83 % des autorisations d’engagement du programme 152, soit 6 896,25 millions d’euros. Pour impressionnante qu’elle soit, cette somme est en réalité « neutre » pour le DGGN en termes de pilotage puisqu’il s’agit d’une dépense obligatoire et, par conséquent, non pilotable. C’est donc sur les crédits de fonctionnement, d’investissement et d’intervention que peuvent porter les choix de gestion – ou les non-choix, dès lors que ceux-ci sont contraints.

● La somme des crédits de titre 3 (fonctionnement), de titre 5 (investissement) et de titre 6 (intervention) atteindra 1 373,6 millions d’euros en AE et de 1 225,73 millions d’euros en CP.

Les crédits de titre 3 permettront de financer les besoins en fonctionnement courant de la gendarmerie, à savoir :

– les besoins opérationnels en matière d’équipement : maintien en condition opérationnelle (MCO) aérien, munitions et habillement ;

– les besoins prioritaires des systèmes d’information et de communication : ordinateurs, moyens radio, applications métier et MCO ;

– et le plan de modernisation des systèmes d’information et de communication, commun à l’ensemble des services du ministère de l’Intérieur.

Les dotations en titres 5 et 6 permettront de couvrir :

– les dépenses relatives aux commandes des matériels et des opérations immobilières lancées avant 2016 ;

– l’acquisition de véhicules ;

– les besoins urgents en matière immobilière (maintenance de l’existant et subventions aux collectivités territoriales pour les constructions de casernes locatives) ;

– et le plan 2015-2020 de réhabilitation d’urgence de l’immobilier domanial de la gendarmerie.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 152 HORS FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS

 

AE

CP

Part dans le programme

AE

CP

Programme 152 (tous titres)

8 269,85

8 121,98

100 %

100 %

Dépenses de personnel – titre 2

6 896,25

6 896,25

83,4 %

84,91 %

Autres titres

1 373,60

1 225,73

16,6 %

15,09 %

dont dépenses de fonctionnement – titre 3

1 235,20

1 113,80

14,94 %

13,71 %

dont dépenses d’investissement – titre 5

132,40

103,05

1,6 %

1,27 %

dont dépenses d’intervention – titre 6

6,00

8,88

0,07 %

0,11 %

Source : projet annuel de performances 2016 « Sécurités » ; calculs du rapporteur.

Au-delà des analyses purement budgétaires, le rapporteur reviendra sur un certain nombre de sujets présentés ci-après dans les parties thématiques du rapport.

● Le plan de lutte antiterroriste (PLAT) 

Dans le cadre du PLAT, 15,5 millions d’euros de crédits de titre 2 sont prévus dans le PLF 2016. Ils se décomposent en :

– 9,1 millions d’euros au titre de la réserve opérationnelle ;

– et 6,4 millions d’euros pour financer les 100 ETPT recrutés en 2015 et les 55 ETPT recrutés en 2016.

Hors dépenses de personnel, 5,15 millions d’euros supplémentaires sont affectés au PLAT. Ils permettront de renforcer les capacités de la gendarmerie nationale dans les domaines du renseignement et de la protection des personnels. Sur cette enveloppe, 2,4 millions d’euros permettront d’accentuer la présence des forces de l’ordre sur le terrain via la création d’effectifs supplémentaires et le financement de la réserve opérationnelle (correspondant à 100 000 jours de réserve) ; 2,75 millions d’euros seront en outre consacrés aux moyens informatiques (ordinateurs et serveurs).

● Le projet NEOGEND

Faisant l’objet d’une expérimentation dans le département du Nord, NEOGEND vise à doter les gendarmes d’équipements mobiles leur permettant d’accéder dans un environnement sécurisé aux systèmes d’information, en utilisant des matériels grand public (smartphones et tablettes).

Les ressources affectées à ce projet atteindront 13,2 millions d’euros en 2016.

● Le plan de réhabilitation immobilier

Le plan de réhabilitation du parc immobilier de la gendarmerie nationale couvrant la période 2015-2020 bénéficie d’un financement triennal, jusqu’en 2017, mais permet une programmation des opérations jusqu’en 2020.

Au titre de 2016 et comme l’année précédente, 70 millions d’euros d’autorisations d’engagement permettront de financer des opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes des casernes.

● Les baux locatifs

En 2016 la dotation en AE pour les loyers augmente de 118 millions d’euros. Une telle croissance résulte principalement d’une modification des règles de comptabilité budgétaire qui impose dorénavant l’engagement des AE correspondantes à la durée totale des nouveaux baux locatifs pluriannuels.

● Pour 2016, le plafond d’emplois, c’est-à-dire la limite haute des effectifs juridiquement autorisés par le Parlement, est rehaussé de quelque 442 ETPT (4), solde correspondant à :

– la création de 100 ETPT supplémentaires au titre de l’annuité 2015 du PLAT ;

– la création de 184 ETPT au titre du schéma d’emploi arrêté pour 2016 et qui correspondent au solde entre 71 suppressions de postes en administration centrale, 200 créations de postes sur le terrain, et 55 créations de postes au titre de l’annuité 2016 du PLAT ;

– la création de 313 ETPT correspondant à la mise en œuvre d’actions d’apprentissage dans la fonction publique ;

– la suppression de 1 ETPT afin de tenir compte des effectifs mis à disposition d’organismes extérieurs (EDF ou Banque de France par exemple) ;

– la suppression de 154 ETPT au titre de transferts divers (notamment 125 ETPT transférés au profit du programme 107 dans le cadre de la reprise des missions de transfèrements judiciaires par l’administration pénitentiaire).

En tout, le plafond d’emplois pour 2016 s’établit à 97 657 ETPT.

● Pour la quatrième année consécutive, les effectifs réels de la gendarmerie seront en hausse, palliant ainsi en partie les effets désastreux de la politique de réduction de postes poursuivie sous le quinquennat précédent. Toutefois, contexte sécuritaire et crise migratoire obligent, cette augmentation est encore plus nette que sous les trois exercices précédents.

Exprimée en ETP (5), la gendarmerie enregistrera une augmentation nette de 184 postes, lesquels sont inscrits dans les documents budgétaires. Toutefois, et comme l’a indiqué le directeur général de la gendarmerie nationale (6), quelque 370 postes supplémentaires seront ouverts au titre du plan « Migrants » récemment annoncé. Les crédits correspondants seront ouverts par amendement gouvernemental. Grâce à celui-ci, la gendarmerie bénéficiera de 19,45 millions d’euros supplémentaires, dont 12,69 millions afin de couvrir les dépenses de personnel. Ce sont donc en tout 554 postes supplémentaires qui lui seront accordés en 2016. Il s’agit d’une évolution aussi positive que nécessaire.

ÉVOLUTION DES EMPLOIS EN 2016

(en ETP)

Catégorie d’emplois

Sorties prévues

Entrées prévues

Solde net

Personnels administratifs

197

413

+ 216

Personnels techniques

135

191

+ 66

Ouvriers d’État

30

8

– 22

Officiers – gendarmes

339

59

– 280

Sous-officiers – gendarmes

2 622

2 887

+ 265

Volontaires – gendarmes

5 617

5 566

– 51

TOTAL

8 940

9 124

+ 184

Source : rapport annuel de performances 2016 « Sécurités ».

● Cependant cette double augmentation – d’une part, du plafond des emplois autorisés, et, d’autre part, des effectifs réels – ne doit pas faire oublier la persistance d’un décalage entre ces deux ensembles. Cette différence provoque en effet des « trous à l’emploi », aux dépens des effectifs réels.

D’après les informations fournies au rapporteur, les chiffres prévisionnels pour 2016 font état de 95 698 ETPT réalisés pour un plafond établi à 97 657 ETPT, soit une vacance d’emplois de 1 959 ETPT. Hors emplois supplémentaires prévus dans le cadre du plan « Migrants », ce « trou à l’emploi » correspondrait donc à 2 % des emplois autorisés, soit environ 195 brigades si l’on considère, de manière optimiste, un effectif moyen de dix hommes par brigade.

Le rapporteur tient donc à réitérer les observations formulées les années précédentes. Après d’éventuels redéploiements d’effectifs et réorganisation de la « carte gendarmerie », le plafond d’emplois autorisés pourrait sans doute être abaissé à due concurrence du reliquat des postes existant dans les brigades dont la taille ne permet pas une réelle production de sécurité.

Toutefois, le solde résultant de la différence entre ce nouveau plafond et les effectifs réels devrait être comblé. Par conséquent, il conviendrait de revaloriser à due proportion le titre 2 afin de permettre une réelle reprise des recrutements.

Personne ne peut nier que nous devons apprendre à vivre durablement dans un contexte sécuritaire – au sens large – dégradé. Celui-ci n’est probablement pas appelé à s’améliorer à moyen terme compte tenu, notamment, du niveau de la menace terroriste et de la pression migratoire résultant de crises internationales qui ne s’apaiseront pas avant de longues années. Dans ces conditions, le renforcement des effectifs des forces de sécurité est indispensable.

● L’état du parc immobilier de la gendarmerie constitue un autre sujet d’intérêt pour le rapporteur, qui alerte depuis plusieurs années sur la piètre qualité de certaines emprises – confinant parfois à l’insalubrité – et ses conséquences quant aux conditions de vie des gendarmes et de leurs familles.

L’an dernier, un plan de réhabilitation couvrant la période 2015-2020 et financé sur le triennal 2015-2017 à hauteur de 70 millions d’euros par an avait été annoncé. Le rapporteur avait salué cette initiative bienvenue, dotée de moyens substantiels à défaut d’être totalement suffisants pour remettre l’ensemble du parc à niveau. Mais dans un contexte budgétaire contraint et compte tenu des délais de réalisation de telles opérations, il s’agit d’un plan objectivement ambitieux – 210 millions d’euros au total – et particulièrement attendu.

Au 31 juillet 2015, plus de 15 millions d’euros ont été affectés et sept millions d’euros ont été engagés, ce qui a permis de lancer 62 opérations de réhabilitation-maintenance. Au cours du premier semestre 2015, ce sont majoritairement des études qui ont été financées. Leurs résultats devaient permettre d’engager les travaux pour près de 14 opérations au second semestre. L’ensemble des projets au titre de 2015 porte sur des travaux lourds de réhabilitation et de longue durée. Aussi la majeure partie des livraisons de chantiers devrait intervenir au cours de l’année 2016.

Pour 2016 et conformément aux engagements, 70 millions d’euros d’AE sont prévus afin de poursuivre les opérations initiées en 2015, de terminer certaines d’entre elles et d’entamer de nouveaux projets. L’ensemble des financements prévus pour l’immobilier s’élève à 89,8 millions d’euros d’AE (dont les 70 millions du plan) et 58,33 millions d’euros de CP. Une vingtaine d’opérations de réhabilitation lourde et de remise aux normes seront engagées.

● La gendarmerie occupe 3 873 casernes dont 667 domaniales. Les 3 206 autres casernes – près de 83 % – sont locatives et appartiennent à des collectivités territoriales ou à des partenaires privés et supposent donc le versement de loyers. En outre et afin de compléter le parc de logements en caserne, 8 370 logements individuels sont pris à bail hors caserne et 1 746 font partie d’ensembles immobiliers locatifs.

Rappelons que le parc de logements a 42 ans de moyenne d’âge et celui des locaux de service 49 ans. D’après les standards utilisés par les bureaux d’études, on estime que le maintien à niveau du parc immobilier de la gendarmerie nécessiterait une dépense annuelle de 200 millions d’euros pour des constructions de casernes ou des réhabilitations lourdes, et de 100 millions d’euros pour la maintenance lourde. L’état des finances publiques n’autorise pas à envisager, sauf exceptions, la réalisation d’un programme de constructions neuves. Aussi sont privilégiées les opérations de réhabilitation lourde et de maintenance de l’existant.

ÉTAT DU PARC IMMOBILIER DE LA GENDARMERIE

Source : ministère de l’Intérieur.

 

Véhicules légers

Motos

Transports en commun

Blindés

Poids lourds

Véhicules spéciaux

Total

2011

25 247

3 942

309

146

696

2 838

33 178

2012

24 356

3 615

266

158

643

2 348

31 386

2013

23 984

3 466

266

158

647

2 276

30 797

2014

23 323

3 468

266

166

619

2 313

30 155

2015

23 755

3 373

267

167

623

356

30 541

Source : ministère de l’Intérieur.

Au 1er août 2015, le parc automobile de la gendarmerie nationale comptait 30 541 véhicules, répartis en deux catégories :

– le parc opérationnel, consacré aux missions de sécurité publique, sécurité routière, police judiciaire et maintien de l’ordre ;

– le parc non opérationnel comprenant les moyens d’instruction et de transport de personnel ou de matériel.

Les véhicules légers et deux-roues du parc opérationnel ont respectivement un âge moyen de sept ans et quatre mois et six ans et quatre mois, pour un potentiel moyen de 155 000 km et 77 000 km.

L’augmentation du nombre de véhicules entre 2014 et 2015 n’est qu’apparente. Elle tient au fait que les véhicules récemment acquis sont mis le plus rapidement possible à disposition des unités, tandis que les dossiers de réforme, non prioritaires d’un point de vue opérationnel, sont traités de manière différée.

● Le parc blindé

La gendarmerie dispose de 84 véhicules blindés à roues (VBRG) entrés en service en 1974 :

– 36 sont stationnés au groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Versailles-Satory, dont quatre placés en réserve tactique ;

– 11 sont positionnés au centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier ;

– trois sont stationnés en Corse ;

– et 34 sont stationnés outre-mer.

Afin d’optimiser le MCO, le parc a été réduit, les pièces détachées nécessaires étant prélevées sur les engins réformés. Ce dispositif doit permettre de maintenir un taux de disponibilité satisfaisant jusqu’en 2016. Il atteint toutefois ses limites compte tenu de l’âge des véhicules (41 ans).

Par ailleurs, dans le cadre du son déploiement en Afghanistan, la gendarmerie avait fait l’acquisition d’un parc de 20 véhicules de l’avant-blindé (VAB) avec kit de surblindage.

D’après les informations transmises au rapporteur, un plan de renouvellement de l’ensemble de ce parc blindé devra être étudié dans le cadre du prochain triennal afin de maintenir les capacités opérationnelles de la gendarmerie.

● La flotte d’hélicoptères

En 2014, la gendarmerie disposait de 56 hélicoptères répartis en trois flottes, soit : 15 EC 145 biturbines, 15 EC 135 biturbines et 26 Écureuils. Leur taux de disponibilité est de 81 % et le coût de MCO global est de 22 millions d’euros, pour un potentiel aérien global de 18 900 heures de vol pour les années 2015 et 2016. Le MCO s’effectue grâce à des marchés mutualisés au sein de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD).

Si le parc des biturbines est dans un état satisfaisant – avec une moyenne d’âge de dix ans – le parc Écureuil est vieillissant. Il a bénéficié d’un programme de revalorisation permettant à chaque appareil d’être prolongé de 14 années supplémentaires et pourra être maintenu réglementairement jusqu’en 2025.

● Les moyens nautiques

Les unités nautiques littorales ou fluviales de la gendarmerie disposent de 34 embarcations lourdes dont la moyenne d’âge est de 21 ans. Onze unités ont été renouvelées au cours des quatre dernières années.

En outre, des canots légers, rigides ou pneumatiques, des pirogues et des canoës complètent la capacité nautique de la gendarmerie. Leur âge moyen est de 14 ans.

Le parc de plus fort tonnage – les vedettes – est déficitaire et le renouvellement des 23 embarcations les plus anciennes s’avère nécessaire.

Pour couvrir les dépenses liées aux systèmes d’information et de communication (SIC), 83,47 millions d’euros d’AE et 98,91 millions d’euros de CP seront mobilisés en 2016. Ils permettront de financer les acquisitions en matière de télécoms et d’informatique, notamment dans le cadre du plan de modernisation des SIC mené au sein du ministère de l’Intérieur, et d’assurer la maintenance de ces matériels et leur fonctionnement courant (frais d’abonnement par exemple).

Par ailleurs la DGGN a lancé, à compter de septembre 2015, la phase pilote du projet NEOGEND conduit en partenariat avec la police nationale. D’une durée de six mois et menée au sein du groupement de gendarmerie départementale du Nord, elle permet :

– l’équipement de ce groupement en appareils individuels : 1 200 tablettes ou smartphones Android sécurisés (« secroid ») ;

– l’équipement de 1 000 véhicules en tablettes collectives ;

– et l’équipement de différents services de la police nationale avec 400 terminaux à Paris et en petite et grande couronnes.

Après cette première expérimentation, le projet sera déployé dans les quatre départements de la Bourgogne. Une fois son bilan définitif établi, il pourra être étendu à tout le territoire.

NEOGEND constitue un projet phare qui permettra au « gendarme connecté » de gagner en mobilité par rapport à sa brigade et à son véhicule et d’accéder, partout, à tous les serveurs et fichiers de la gendarmerie. Rendu plus autonome, le gendarme sera en mesure de développer une nouvelle proximité avec les citoyens et de renforcer sa présence sur le territoire en tant que producteur de sécurité. Ainsi que l’a présenté le directeur général de la gendarmerie nationale devant la commission de la Défense : « Le gendarme sera beaucoup plus performant grâce à sa tablette numérique. Il sera capable d’enregistrer les plaintes partout, d’interroger des fichiers, de dresser un procès-verbal d’accident de la circulation et d’y intégrer des photographies. Cet outil, NeoGend, nous permettra de mettre en place une nouvelle proximité qui ne sera pas nécessairement territoriale, mais numérique. » (8)

Le rapporteur a déjà eu l’occasion d’exprimer son soutien à l’ensemble des mesures visant à recentrer les forces de sécurité sur leur cœur de métier à savoir la production de sécurité. Il se déclarait ainsi favorable à une revue des zones de compétences entre police et gendarmerie dans le sens d’une plus grande souplesse pour une efficacité accrue. Il appelait au même pragmatisme dans la gestion de la répartition des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) sur le territoire afin d’éviter l’existence ou le maintien de « zones blanches » en termes de sécurité publique.

À cet égard, il se réjouit des récentes déclarations du président de la République, rapportées par le ministre de l’Intérieur, qui a affirmé souhaiter que « toutes les initiatives soient prises pour que les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie soient recentrés sur leur cœur opérationnel de métier, au service de la protection des Français et de tous ceux qui séjournent ou visitent notre pays. » Un « plan interne de simplification » doit être élaboré à cet effet, après une revue préalable des missions qui devra permettre d’identifier et d’éliminer les tâches et procédures inutiles. Dans le domaine du soutien, la substitution des personnels opérationnels par des agents des corps administratifs et techniques devrait être renforcée.

Le tableau suivant synthétise l’activité de la gendarmerie dans ses principales composantes. On constate que, de manière structurelle, les gendarmes consacrent les trois quarts de leur activité aux missions opérationnelles au sens large. Les « concours aux ministères » considérés comme des missions périphériques, diminuent régulièrement, ce qui témoigne de la volonté de la gendarmerie de se concentrer sur les missions de sécurité.

L’ACTIVITÉ DE LA GENDARMERIE NATIONALE

(en heures-gendarme)

 

2012

2013

2014

1er semestre 2015

Activité opérationnelle

94 554 674

93 825 223

94 130 401

49 628 331

% activité opérationnelle

75,99 %

75,92 %

76,23 %

78,78 %

Dont activité de nuit

11 379 605

10 970 747

11 106 999

5 380 962

Dont défense civile (sécurité publique/police administrative)

50 194 164

49 724 097

48 096 248

23 936 350

Dont missions militaires

5 412 512

5 120 117

5 713 875

2 923 144

Dont missions judiciaires

34 446 686

34 899 245

36 318 374

18 840 760

Dont concours aux ministères

2 832 152

2 442 534

2 158 165

1 119 854

Activité de soutien

29 868 305

29 765 767

29 357 498

15 213 543

% activité de soutien

24,01 %

24,08 %

23,77 %

24,15 %

Dont logistique

9 755 613

9 607 579

10 134 181

5 366 279

Dont formation et entraînement

10 504 698

11 044 729

11 919 757

6 257 920

ACTIVITÉ TOTALE

124 422 979

123 590 989

123 487 900

62 996 599

Source : ministère de l’Intérieur.

Au-delà des mesures précitées, le rapporteur estime également possible d’améliorer encore l’action des forces de l’ordre sur le territoire en développant leurs relations avec d’autres acteurs publics qui sont au plus près des citoyens et des territoires – les collectivités territoriales – et en dépassant certains blocages administratifs, juridiques, voire « psychologiques ».

Dans le cadre de la préparation de la partie thématique de cet avis, le rapporteur a rencontré le général François Daouste, commandant du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), qu’il tient ici à remercier chaleureusement pour sa disponibilité et pour la qualité de leurs échanges. Il ressort de ceux-ci que le PJGN, dans ses différentes composantes, constitue un pôle d’excellence dans des domaines très variés et que cette expertise pourrait bénéficier aux collectivités territoriales, leurs représentants élus et leurs agents ayant une connaissance sans pareille de leurs territoires.

Une telle coopération pourrait prendre la forme de modules d’information et de formation, voire de développement d’outils et d’instruments techniques, mis en œuvre par les collectivités et susceptibles d’assister les forces de sécurité dans leur mission en les déchargeant de tâches parfois chronophages mais essentielles, dans le cadre d’investigations notamment.

Elles pourraient, par exemple, être autorisées à faire usage de dispositifs analogues au dispositif de lecture automatisé des plaques d’immatriculation (LAPI). Or, en l’état du droit, seuls les « services de police et de gendarmerie nationales et des douanes peuvent mettre en œuvre des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules prenant la photographie de leurs occupants » (9). Les services de police municipale ne sont ainsi pas légalement habilités à faire usage de tels dispositifs. C’est ce qu’a rappelé la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans sa délibération n° 2014-219 du 22 mai 2014 (10). Elle a par ailleurs estimé que le caractère potentiellement massif de la collecte des données concernées – l’ensemble des véhicules et leurs occupants empruntant la voie publique d’une commune pourraient être identifiés, sans discrimination – méconnaissait l’exigence de proportionnalité posée par le 3° de l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Toutefois, dans le respect des principes légitimes de protection de la vie privée et de proportionnalité des moyens mis en œuvre au regard des finalités recherchées, des avancées législatives et réglementaires sont non seulement possibles mais souhaitables. En tout état de cause, les pouvoirs publics ne sauraient s’interdire de les envisager a priori.

Certes, les collectivités et leurs agents n’ont pas vocation à constituer une troisième force de sécurité publique aux côtés de la police et de la gendarmerie. Toutefois, dans un contexte de gestion des pénuries qui peut conduire à une moindre présence des forces de l’ordre (fermeture de brigades par exemple), le rapporteur estime nécessaire d’impliquer davantage les collectivités dans le domaine de la sécurité.

Les unités de gendarmerie ont mené une action déterminante à l’occasion des attentats qui ont frappé notre pays en janvier dernier. Comme l’a rappelé le directeur général de la gendarmerie nationale, « à Dammartin-en-Goële, c’est bien l’engagement coordonné à l’échelon central des unités territoriales, renforcées par des escadrons de gendarmerie mobile, des réservistes et les forces aériennes qui a permis de déceler les frères Kouachi, les contraignant à se retrancher avant que le GIGN ne procède à leur neutralisation. » (11)

À la suite des attentats et dès le 12 janvier, le président de la République a décidé d’activer le contrat opérationnel des armées appelé « plan 10 000 hommes » afin de renforcer l’action des forces de sécurité intérieure sur le territoire national. Plus de 10 000 personnels de la défense ont alors été déployés sur le territoire national pour la protection d’un nombre limité de sites situés dans les zones publiques. Le 22 janvier, cette mission intérieure a été baptisée Sentinelle.

Le 29 avril 2015, à l’issue d’un conseil de défense, le président de la République a annoncé la pérennisation de l’opération Sentinelle avec un effectif de 7 000 militaires. Parallèlement à cette opération, qui ne concerne que le ministère de la Défense, la gendarmerie nationale participe activement au plan Vigipirate à travers la mobilisation de l’ensemble de ses composantes.

● Les gendarmeries spécialisées

Rattachées au ministère de la Défense, les gendarmeries de l’air, maritime et de l’armement participent au plan Cuirasse consacré à la surveillance et à la protection des emprises du ministère de la Défense. Assurant en permanence une mission de protection, les efforts des gendarmeries spécialisées visent à améliorer la coordination avec leurs partenaires.

● La gendarmerie mobile (GM)

Du 12 au 18 janvier 2015, l’engagement de la GM dans les mesures de protection découlant du plan Vigipirate a culminé à 34 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) sur les 108 que compte la GM (soit près de 31,5 %). Le dispositif a progressivement été ramené à quatre EGM exclusivement consacrés aux missions de ce plan, cinq autres escadrons contribuant ponctuellement.

● Le dispositif en zone de compétence gendarmerie (ZGN) avec la gendarmerie départementale

Plus de 1 000 gendarmes départementaux, renforcés par 200 gendarmes mobiles et environ 100 personnels des autres forces armées, effectuent quotidiennement des services de protection des sites confessionnels en ZGN.

Sur les 427 sites confessionnels recensés en ZGN, 3 % sont protégés en permanence, 42 % font l’objet d’un dispositif statique pendant leur fréquentation effective, les autres sites étant surveillés à partir de services dynamiques et des stationnements aléatoires.

● Enfin, la présence des patrouilles sur le terrain contribue aux mesures de surveillance et de vigilance du plan Vigipirate. C’est également le cas de certains services internes (sécurité des casernes par exemple).

Si le nombre de jours de permission et de repos accordés aux gendarmes reste stable, celui des quartiers libres a chuté de près d’un quart (- 24,84 % par rapport aux six premiers mois de l’année 2014). Cette évolution traduit une tension dans l’emploi du personnel présent afin de rendre possible le fonctionnement global des unités (ensemble des missions courantes auxquelles s’ajoutent Vigipirate et Sentinelle).

Il n’existe aujourd’hui aucun « sanctuaire » sur le territoire national face à la menace terroriste et ses ramifications qui peuvent s’implanter aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. À cet égard, l’action de la gendarmerie en matière de renseignement est déterminante afin de « travailler, sur l’ensemble du territoire national, à une perception fine des signaux faibles de la radicalisation » pour reprendre l’expression du directeur général de la gendarmerie nationale.

Dans ce contexte, la décision du ministre de l’Intérieur de créer un état-major opérationnel pour la prévention du terrorisme (EMOPT) ayant vocation à mettre en commun les informations venant de l’ensemble des services de police et de gendarmerie est particulièrement bienvenue.

Rappelons que dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, 23 millions d’euros ont été ouverts en 2015 et cinq millions d’euros de crédits seront ouverts en 2016 pour poursuivre l’achat de matériels destinés à la lutte antiterroriste.

Les crises géopolitiques particulièrement violentes qui secouent le monde ont récemment provoqué une crise migratoire d’une ampleur inédite en Europe en ce début de XXIe siècle. Elle voit des centaines de milliers d’êtres humains fuir la guerre, les persécutions et les violences dans l’espoir d’un avenir meilleur au sein de l’Union européenne.

Au-delà des questions sanitaires et sociales ce drame humanitaire, par son ampleur, représente également un défi majeur en matière d’ordre public. À cet égard, la gendarmerie est pleinement mobilisée, à l’image de l’ensemble des forces de sécurité publique. Or, cette nouvelle pression opérationnelle intervient dans un contexte sécuritaire particulièrement difficile qui a déjà conduit à accroître le niveau d’engagement des gendarmes.

Aussi la décision, rappelée par le directeur général de la gendarmerie nationale (12), d’accorder à la gendarmerie 370 postes sur les 900 créations de postes accordées au ministère de l’Intérieur dans le cadre du plan « Migrants » est-elle particulièrement bienvenue. Ainsi que l’a précisé le général Favier, il s’agira de postes de sous-officiers qui iront renforcer les effectifs des escadrons de gendarmerie mobile.

Depuis août 2012, 80 zones de sécurité prioritaires (ZSP) ont été mises en place, les dernières ayant été créées en février 2014 :

– 53 relèvent de la compétence exclusive de la direction générale de la police nationale (DGPN) ;

– neuf relèvent de la compétence exclusive de la préfecture de police de Paris ;

– 11 relèvent de la compétence exclusive de la DGGN ;

– sept relèvent d’une compétence partagée police-gendarmerie (ZSP mixtes).

En juin 2015, une enquête Planète publique-Spalian-IPSOS a été menée sur le volet « sécurité » des ZSP. D’après cette étude, le bilan est favorable, notamment en matière de lutte contre la délinquance. Il est en revanche plus contrasté en matière de prévention en raison d’une hétérogénéité dans l’engagement des acteurs, hors forces de sécurité intérieure.

Dans le seul ressort des ZSP relevant de la compétence de la gendarmerie nationale, les résultats du premier semestre 2015 sont manifestement très positifs dans le domaine de la lutte contre la délinquance. Ainsi, les cambriolages ont chuté de 12,4 % et les infractions à la législation sur les stupéfiants de 17,5 %.

Sur le volet préventif, il est à noter que dans l’ensemble des ZSP, la police et la gendarmerie nationales ont développé des actions de prévention de la délinquance ainsi que des actions destinées à rapprocher davantage les forces de sécurité et la population, avec :

– la création de postes de « délégué à la cohésion police-population » ;

– l’augmentation du nombre d’interventions des correspondants de l’école, des policiers formateurs antidrogue ;

– la mise en place du dispositif des « caméras piétons » ;

– la réalisation de sondages destinés à identifier les attentes de la population ;

– la mise en place d’actions visant à améliorer la relation de confiance entre la population et les forces de l’ordre, validées par la « cellule d’animation nationale » sur les relations entre les forces de sécurité de l’État et la population (13). Cette cellule est notamment composée de représentants des services de l’État, des collectivités territoriales, du Défenseur des droits et du monde associatif.

Un audit du volet « prévention » des ZSP a été rendu en janvier 2015 par la société Pluricité. Il a notamment mis en évidence l’inégalité des politiques de modernisation du volet « prévention » d’un site à l’autre, et leur subordination à la volonté des acteurs locaux. Il a également souligné le faible niveau d’élaboration des démarches de suivi et d’évaluation au niveau local. Afin d’améliorer l’évaluation des politiques publiques de prévention dans les ZSP, le comité interministériel de prévention de la délinquance va prochainement confier à un cabinet d’audit la mise en place d’un outil de suivi destiné au pilotage des actions au niveau local et national.

Depuis 2010, un certain nombre de plans opérationnels à dimension nationale ont été mis en place pour lutter contre des phénomènes de délinquance spécifiques. Les grandes lignes de chacun d’entre eux sont présentées ci-après.

● Le plan d’action contre l’insécurité des personnes âgées (plan « seniors »)

Initié en 2010, ce plan a pour principal objectif d’organiser des actions de protection de proximité permettant notamment de :

– renforcer la surveillance des territoires les plus exposés aux cambriolages et aux agressions de personnes âgées ;

– faire bénéficier de mesures de protection particulières pouvant donner lieu à des contacts individualisés ;

– signaler les situations anormales d’isolement, afin de prévenir tout acte délinquant ou l’aggravation des situations de fragilité.

En 2014, il a permis de sensibiliser 61 522 personnes âgées de plus de 65 ans en zone police et 66 200 personnes âgées en zone gendarmerie.

● Le plan d’action contre les bandes

Adopté en mars 2010, il repose notamment sur les renseignements recueillis par les 34 « groupes dérives urbaines » mis en place, dans les départements les plus touchés par les violences urbaines, au sein des services départementaux du renseignement territorial (SDRT). Il s’appuie également sur l’action des 35 « groupes spécialisés d’investigation sur les bandes » relevant de la direction centrale de la sécurité publique et de la préfecture de police de Paris.

Au 1er août 2015, 181 bandes étaient répertoriées sur le territoire national (236 en 2013). En 2014, 206 affrontements entre bandes ont été enregistrés (285 en 2013), dont 154 affrontements en région d’Île-de-France, soit 75 % des cas. Ils ont causé 208 blessés (281 en 2013) et six décès (dix en 2013). Ces affrontements ont donné lieu à 466 interpellations (623 en 2013), dont 235 concernant des mineurs (244 en 2013).

● Le plan d’action contre le hooliganisme

Adopté pour la saison de football 2010-2011, ce plan repose sur un partenariat étroit entre les pouvoirs publics et les instances nationales du football.

Au cours de la saison 2014-2015, 767 interpellations ont été effectuées à l’occasion des championnats professionnels de ligues 1 et 2 (14), soit une augmentation de 20 % par rapport à la saison précédente. À l’issue de la saison 2014-2015, qui s’est terminée le 23 mai, 367 interdictions de stade étaient en cours d’application (249 interdictions administratives et 118 interdictions judiciaires).

Dans la perspective de l’Euro 2016, un protocole a récemment été conclu entre l’État et la Fédération française de football concernant la sécurité de cet événement.

● Le plan national de lutte contre les cambriolages et les vols à main armée

Lancé en septembre 2013, le rapporteur l’avait présenté en détail dans son avis de l’an dernier. Les dernières statistiques disponibles témoignent de son efficacité.

Au-delà des résultats obtenus dans les ZSP relevant de la zone gendarmerie qui ont précédemment été rappelés (- 17,5 %), le nombre de cambriolages de résidences principales en zone police a baissé de 0,9 % au cours des huit premiers mois de l’année.

S’agissant des vols à main armée, les résultats sont particulièrement encourageants. En 2014 et sur l’ensemble du territoire national, leur nombre a diminué de 13,41 %. Cette baisse s’est poursuivie au premier semestre 2015 (- 4,9 %).

● Le plan d’action contre le trafic de stupéfiants

Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017 a été adopté le 19 septembre 2013. Il se décline en deux plans d’action successifs, programmés chacun pour une durée de deux ans, et comporte aussi bien des mesures de nature préventive que des mesures répressives. Une structure mixte police-gendarmerie placée auprès du directeur général de la police nationale, la mission de lutte antidrogue (MiLAD), a été créée.

Quoique restant le premier produit saisi sur le plan de quantité, le nombre de tonnes de cannabis saisies a diminué : 47 tonnes saisies en 2014, contre 75,7 tonnes en 2013 (- 39,15 %). Les saisies de cocaïne sont en augmentation de 22,52 % (6,9 tonnes en 2014, contre 5,6 tonnes en 2013). Les saisies d’héroïne enregistrent la même tendance avec 990 kg saisis en 2014, contre 570 kg en 2013 (+73,68 %). En ce qui concerne les drogues de synthèse, si les saisies d’ecstasy et de méthamphétamines ont connu une progression importante avec des évolutions respectives de 126 % et 123 %, les saisies d’amphétamines ont baissé de 45 %. Les trafics d’amphétamines sont encore marginaux.

En 2014, la valeur des avoirs criminels saisis dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue a représenté 48,4 millions d’euros, contre 50,9 millions en 2013.

● Le plan d’action contre les violences scolaires

Ce plan est mené en partenariat avec l’Éducation nationale. En 2014 et pour ce qui concerne la seule gendarmerie, les gendarmes sont intervenus devant 160 000 élèves du secondaire et 5 600 élèves de primaire pour les sensibiliser aux violences en milieu scolaire et aux dangers des drogues. Ces actions s’appuient essentiellement sur les personnels des 43 brigades de prévention de la délinquance juvénile ainsi que sur l’action des 450 formateurs relais antidrogue (FRAD).

Par ailleurs, 4 100 référents « sécurité-école » de la gendarmerie nationale ont conduit 10 937 opérations visant à sécuriser les abords des collèges et lycées.

● Le plan de lutte contre les vols et trafics de véhicules et de pièces détachées

Il a été lancé en octobre 2014 et comporte quatre volets :

– mieux partager l’analyse et le diagnostic entre la police et la gendarmerie ;

– développer les mesures préventives et dissuasives ;

– développer les mesures opérationnelles et répressives ;

– développer les mesures prospectives.

En 2014, le nombre de vols d’automobiles a baissé de 1,84 % par rapport à 2013 tandis que celui des vols à la roulotte et d’accessoires automobiles est resté stable (+ 0,23 %).

● Le plan de lutte contre la délinquance en milieu agricole

Par circulaire du 11 mars 2014, le ministre de l’Intérieur a adopté un plan d’action pour lutter contre les vols dans les exploitations agricoles. À ce jour, il est décliné dans 65 groupements de gendarmerie. Élaborés à partir d’un diagnostic d’analyse criminelle, ces plans départementaux prévoient d’assurer une présence dissuasive et ciblée de la gendarmerie dans les bassins agricoles, de mobiliser les moyens d’enquête judiciaire autour de la sécurité du monde agricole, de renforcer la protection des exploitations et de développer les partenariats avec les agriculteurs et leurs représentants.

D’après les éléments transmis au rapporteur en réponse à une question écrite (15), ce plan porte ses fruits. Une baisse de 3,41 % des atteintes aux biens commis dans les exploitations agricoles a été constatée au dernier trimestre 2014 par rapport à la même période l’année précédente. Cette tendance s’est confirmée au premier trimestre 2015, avec une diminution de 3,70 %. Ce bon résultat est notamment lié, d’une part, aux efforts de prévention des vols dans les exploitations agricoles, lesquels ont diminué de 6,96 % sur les six premiers mois de l’année 2015, et, d’autre part, à une action répressive efficace (+ 11,26 % de personnes mises en cause pour des vols simples).

Dans les trois départements de l’actuelle région Limousin, l’action de la gendarmerie a permis une baisse de 11,32 % des atteintes aux biens commis dans les exploitations agricoles au premier trimestre 2015. Ce bon résultat s’explique notamment par la diminution des vols simples, en recul de 15 % depuis le début de l’année.

 

Titre 2

Hors titre 2

 

IJAT (a)

Alimentation

Fonctionnement

Transports

Effectifs jours

Officiers / sous-officiers

Guadeloupe

1,47

1,48

0,38

0,50

5/119

Guyane

4,29

3,83

1,50

1,70

16/348

Martinique

0,89

1,03

0,13

0,29

3/77

Mayotte

1,60

1,27

0,64

0,54

3/77

Nouvelle Calédonie

6,78

3,45

1,15

3,67

13/291

Polynésie

3,04

1,92

0,27

1,26

6/140

La Réunion

0,85

0,95

0,39

0,40

3/70

Saint Martin

0,44

0,44

0,20

0,28

1/32

Total

19,35

14,37

4,66

8,64

50/1154

Total global

19,35

27,67

 

Opérations

Effectifs

Haïti (MINUSTAH)

2

Irak (renfort sécurité de l’ambassade)

28

Kosovo (mission civile EULEX)

7

Liban (FINUL)

22

Mali (EUCAP Sahel, ONU – MINUSMA – et Barkhane)

19

Niger (EUCAP Sahel et Barkhane)

7

République centrafricaine (Sangaris et EUFOR MINUSMA)

9

République de Côte d’Ivoire (Licorne et ONUCI)

10

République démocratique du Congo (MONUSCO)

5

Tchad (Barkhane)

5

Jordanie (Chammal)

3

Ukraine (EUAM)

1

TOTAL

103

Source : ministère de l’Intérieur.

Pour 2015, la prévision budgétaire actualisée fait état d’une dépense de 10,1 millions d’euros (7 millions d’euros au titre de la masse salariale et 3,1 millions d’euros hors titre 2). Cette prévision est bien sûr amenée à évoluer le cas échéant.

ÉVOLUTION DES COÛTS DES ENGAGEMENTS
EN OPEX DE LA GENDARMERIE DEPUIS 2012

(en millions d’euros)

 

Masse

salariale

(titre 2)

Fonctionnement courant

et transport

(titre 3)

Alimentation (titre 3)

Investissement (titre 5)

TOTAL

TOUS TITRES

2012

18,8

7,7

1,8

2,4

30,7

2013

11,1

4,1

0,9

0,6

16,7

2014

8,5

3,5

0,1

0,4

12,5

2015*

7

0,9

1,1

1,1

10,1

Source : ministère de l’Intérieur.

* Données prévisionnelles

LES DÉPLOIEMENTS DE LA GENDARMERIE EN OPEX

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Source : ministère de l’Intérieur.

SECONDE PARTIE : LE PÔLE JUDICIAIRE DE LA GENDARMERIE NATIONALE, PÔLE D’EXCELLENCE EN MATIÈRE DE CRIMINALISTIQUE ET D’INTELLIGENCE JUDICIAIRE

Le rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son avis au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN). Inauguré cette année, il regroupe trois capacités essentielles à la conduite des enquêtes judiciaires : la criminalistique (17), le renseignement criminel et la lutte contre les criminalités numériques.

Après avoir succinctement présenté le PJGN, le rapporteur consacrera des développements plus détaillés à chacune des entités qui le composent et qui forment un triptyque au service de la performance judiciaire unique en Europe :

– l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ;

– le service central de renseignement criminel (SCRC) ;

– et le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N).

Le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) a été créé par arrêté du 27 août 2010 (18). Aux termes de l’article 30 de l’arrêté du 12 août 2013 portant organisation de la direction générale de la gendarmerie nationale, le PJGN est « chargé d’animer, d’orienter et de coordonner au plan central les activités de criminalistique et de rapprochements judiciaires de la gendarmerie nationale ».

Ses nouvelles installations, situées à Pontoise, ont été inaugurées par le ministre de l’Intérieur en mai 2015. Le PJGN est une institution unique en Europe qui regroupe au sein d’une même structure trois leviers d’action indispensables à la conduite des enquêtes judiciaires :

– l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), laboratoire pluridisciplinaire qui dispose de capacités d’expertises uniques en France en ce qu’il regroupe sur un seul site toutes les activités liées à la criminalistique ;

– le service central de renseignement criminel (SCRC), échelon national pour le traitement de l’information à finalité judiciaire ;

– le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), qui assure le pilotage et l’appui spécialisé de l’action de la gendarmerie contre la cybercriminalité et les criminalités numériques. Même s’il est administrativement intégré au SCRC, la spécificité du C3N en fait une entité à part entière du « triptyque » PJGN.

« Guichet unique » au service des magistrats et des forces de l’ordre (notamment les enquêteurs), auxquels il fournit des prestations techniques, scientifiques et judiciaires de très haut niveau, le PJGN offre :

– une unité opérationnelle : bâtie sur la composante tactique et opérationnelle disponible 24 h/24 de l’IRCGN, du SCRC et du C3N, elle est en mesure de projeter des spécialistes hautement qualifiés et des moyens adaptés sur des affaires judiciaires sensibles, des scènes de crime complexes ou de catastrophes ;

– un outil de formation des spécialistes de la police judiciaire dans le domaine des rapprochements, des nouvelles technologies (animation du réseau CyberGEND), de la fraude documentaire, de la police technique et de la gestion de scène de crime ;

– un centre de recherche et d’enseignement appliqué à la criminalistique et au renseignement judiciaire, assurant une veille technologique permanente et entretenant des échanges avec ses homologues français et étrangers.

● Le regroupement de tous les services de la chaîne criminalistique et de l’intelligence judiciaire au sein d’un pôle unique permet de gagner en efficacité, en réactivité et de dégager des synergies. La création de plateaux communs en constitue un exemple concret. À ce jour, ont été mis en place :

– le plateau d’investigation véhicules (PIV), destiné à coordonner les activités de l’IRCGN et du SCRC au profit des requérants dans la lutte contre les véhicules volés ou maquillés ;

– le plateau d’investigations des explosifs et armes à feu (PIXAF), qui permet d’optimiser la réponse apportée dans un domaine législatif et réglementaire très évolutif et en lien direct avec le terrorisme ;

– le plateau d’investigation cybercriminalité et analyse numérique (PICYAN).

La mise en place en son sein de l’observatoire central des systèmes de transport intelligent (19) (OCSTI), qui a vocation à faire appel aux compétences des différentes branches du PJGN, est un autre exemple de ces synergies opérationnelles.

● L’optimisation s’effectue également s’agissant des moyens humains, sur le plan administratif. Le PJGN dispose ainsi d’un groupe de commandement et de soutien (GCS) réduit en lieu et place d’un état-major.

Le PJGN regroupe 565 personnels (20) pour un budget annuel de sept millions d’euros environ (six millions d’euros au titre du fonctionnement et un million d’euros au titre de l’investissement).

ÉVOLUTION DU BUDGET DU PJGN 2012-2015

(en euros)

Année

Budget

2012

6 280 984

2013

5 974 026

2014

5 905 784

2015

5 957 789

Source : ministère de l’Intérieur.

L’IRCGN a pour fonction générale de contribuer, par des examens scientifiques, à l’établissement des preuves relatives aux infractions pénales constatées par les officiers de police judiciaire de la gendarmerie et de la police nationales. L’Institut est plus particulièrement investi de quatre missions :

– effectuer, à la demande des unités et des magistrats, les examens scientifiques ou les expertises nécessaires à la conduite des enquêtes judiciaires ;

– apporter en cas de besoin aux directeurs d’enquêtes le soutien nécessaire au bon déroulement des constatations, principalement par la mise à leur disposition de personnels hautement qualifiés disposant de matériels adaptés et spécialisés ;

– concourir directement à la formation des techniciens en identification criminelle et à l’information des enquêteurs ;

– poursuivre dans tous les domaines de la criminalistique les recherches nécessaires au développement des matériels et des techniques d’investigation criminelle.

Dans ce cadre, l’IRCGN réalise différents types d’activités de criminalistique : soutien aux unités ; enseignement et formation ; recherche et développement ; relations externes et internationales.

Toutefois, de plus en plus fréquemment, l’IRCGN sort de ses missions classiques en prêtant le concours de ses experts à l’administration centrale et en participant à divers travaux interministériels portant notamment sur la cybercriminalité, la vidéosurveillance, la fraude documentaire, les engins explosifs improvisés, la protection des centres-forts, ou encore les produits de marquage dans le cadre de la protection des biens.

Mais l’IRCGN n’est pas seulement un laboratoire ; c’est aussi une composante tactique et opérationnelle disponible 24 h/24. Des spécialistes hautement qualifiés peuvent rapidement être projetés sur des scènes de crimes complexes ou de grandes catastrophes, avec des moyens matériels spécifiques et adaptés. Dans ces cas de figure il est alors fait appel à deux unités : l’unité gendarmerie d’identification des victimes de catastrophes (UGIVC) et l’unité nationale d’investigation criminelle (UNIC).

Des compétences indispensables à l’élucidation des affaires les plus complexes

L’IRCGN a récemment été sollicité pour intervenir sur des affaires de grande ampleur. Les plus médiatisées sont rappelées ici.

● Affaire Coulibaly – Hyper casher

Suite à la découverte d’une clé de véhicule sur le corps d’Amedy Coulibaly, le 10 janvier 2015, la brigade criminelle de Paris sollicite l’IRCGN afin d’identifier le véhicule correspondant.

Après expertise de la clé, des contacts sont pris avec le constructeur Renault. Ils permettent, le jour même, de réduire les recherches à une liste de 181 véhicules avec les noms et adresses correspondants. Le véhicule est retrouvé le lendemain 11 janvier dans la matinée.

● Crash du vol Air Algérie AH 5017

Le 24 juillet 2014, le vol Air Algérie AH 5017 en liaison entre Ouagadougou (Burkina Faso) et Alger s’écrase dans le désert alors qu’il transportait 116 passagers et membres d’équipage de 16 nationalités différentes, dont 54 Français.

Des équipes de l’IRCGN ont été projetées sur place afin de participer à l’identification des corps, laquelle s’est avérée particulièrement délicate compte tenu de la violence du crash (l’identification de certaines victimes a parfois reposé sur l’analyse d’une seule dent).

● Affaire Berenyss

Suite à l’enlèvement d’une petite fille retrouvée le soir même, l’IRCGN est saisi le vendredi 24 avril 2015. Le département biologie mobilise immédiatement tous ses effectifs et ses moyens pour traiter les scellés des unités locales.

Sur la quinzaine d’objets, une trentaine de prélèvements ciblés sont effectués et placés en analyses.

Le samedi 25 avril, les examens complémentaires se poursuivent et le dimanche 26 avril, à une heure du matin, les premiers résultats consolidés sont disponibles. Les données permettent d’isoler avec précision un suspect que le GIGN interpellera le mardi 28 avril.

● Crash de la Germanwings

Le 24 mars 2015, le vol 4U9525 de la compagnie Germanwings s’écrase en montagne dans la région de Barcelonnette, causant la mort de 150 personnes. L’IRCGN est alors requis par le parquet de Marseille pour procéder aux opérations de relevage des corps et aux identifications des victimes dans le cadre de l’enquête judiciaire dirigée par la section de recherches des transports aériens de Paris-Charles-de-Gaulle (SRTA). Le 15 mai 2015, l’identification formelle des 150 victimes était prononcée. La rapidité avec laquelle le processus a été mené à terme – un mois et demi – constitue en soi une prouesse compte tenu de la complexité des opérations.

La réquisition exclusive de la gendarmerie dans la direction de l’enquête et la conduite des opérations a été un facteur de succès pour le relevage des corps et l’ensemble de la mission identification. En effet, la collaboration étroite entre les nombreuses unités intervenantes (SRTA, PJGN-IRCGN, CFAGN (22), GTA (23), PGHM (24), GGD04 (25) et renforts des autres GGD, GM, etc.) placées sous l’autorité d’un commandement opérationnel gendarmerie unique a grandement contribué au succès des missions attribuées à l’IRCGN et à la mission dans sa globalité.

La mise en œuvre au sein du plateau criminalistique de crise du Laboratoire mobile de l’IRCGN (LabUnic), embarquant un dispositif innovant d’analyse ADN, a permis de tester, dès les premières heures et en temps réel, la qualité des prélèvements effectués.

Les analyses comparatives effectuées entre 2 969 profils génétiques post mortem exploitables ont permis de mettre en évidence 150 profils génétiques distincts.

La dernière étape du processus a consisté en l’appariement des divers fragments de corps dans des housses mortuaires, individualisées au nom de chacune des victimes.

Grâce aux ressources affectées au PJGN (environ sept millions d’euros), l’ensemble des services de l’IRCGN est doté de matériels particulièrement performants, souvent de dernière génération, qui permettent aux experts d’effectuer des analyses criminalistiques de plus en plus précises (microscopes électroniques à balayage, microfluorescence X, microdissection laser, analyseur ADN nouvelle technologie de séquençage, scanner, laser, radar géophysique, GPS différentiel, etc.).

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’IRCGN a reçu un budget exceptionnel de 600 000 euros pour lui permettre d’acquérir du matériel spécifiquement utilisable pour cette mission. Six départements de l’Institut sont particulièrement concernés par la lutte antiterroriste : le département Signal-Images-Parole ; le département INL (informatique-électronique) ; le département véhicules ; le département balistique ; le département environnement, incendies, explosifs et enfin le service en charge des analyses génétiques.

Au 1er août 2015, l’IRCGN comptait un effectif de 203 personnes, soit 40,7 % des effectifs totaux du PJGN. Les personnels de l’IRCGN sont essentiellement des militaires dont la majorité a rang de sous-officier. Les civils représentent une part résiduelle de l’effectif (moins de 13 %).

La grande diversité des spécialités scientifiques et techniques de l’IRCGN nécessite un recrutement fortement individualisé parmi les postulants qui doivent justifier de compétences très ciblées. Le recrutement se fait par la voie militaire ou civile (par concours).

En outre, la formation des personnels de l’Institut est permanente et continue. En raison de cette même diversité des spécialités et des qualifications existantes, ces formations s’effectuent au sein de la gendarmerie ou en partenariat avec différents organismes civils hautement spécialisés.

Au cours des années, l’IRCGN a connu plusieurs évolutions successives visant toutes au renforcement de ses capacités. Dès sa création, des efforts conséquents sont ainsi faits en faveur de l’équipement et de la formation.

Entre 1989 et 1995 le laboratoire de l’Institut développe de nouvelles compétences et ses effectifs sont multipliés par 10. Puis il crée successivement la cellule « assurance qualité » et, en 1999, le service central de préservation des prélèvements biologiques.

Attaché à garantir la qualité de son expertise, l’IRCGN entame en 2007 son processus d’accréditation ISO17025, devenu la norme au niveau européen, par le comité français d’accréditation (COFRAC). Aujourd’hui presque toutes les activités de l’Institut sont accréditées.

En 2014, dans le cadre de la nouvelle organisation envisagée en vue du transfert de l’Institut sur le nouveau site, une division supplémentaire voit le jour, totalement dédiée à la biologie. Toujours dans le cadre de cette nouvelle organisation, la division identification humaine se dote d’un département de médecine légale.

Enfin, en janvier 2015, la construction du nouveau site du PJGN s’achève, offrant à l’IRCGN une plateforme criminalistique pluridisciplinaire et une unité opérationnelle projetable, au sein duquel œuvrent des militaires de la gendarmerie, du service de santé des armées et des personnels civils.

De façon plus générale, l’IRCGN a su évoluer au gré du renforcement de l’importance de la science dans la preuve pénale. La gendarmerie a ainsi beaucoup investi dans le domaine de la criminalistique dans le but de créer une structure capable de s’adapter tant aux besoins de l’institution, en répondant aux plans ministériels, qu’à l’évolution des techniques et des expertises scientifiques. La nouvelle construction du site de Pontoise participe de cette dynamique par l’intégration de son plateau médico-légal.

Grâce à tous ces efforts, l’IRCGN bénéficie désormais d’une totale autonomie fonctionnelle pour ses missions, ce qui lui permet d’être le seul laboratoire de criminalistique français offrant la possibilité de réaliser tous types d’analyse pour un même scellé.

L’existence parallèle, d’une part, de l’IRCGN et, d’autre part, de l’INPS et de la SDPTS pourrait a priori paraître redondante. En réalité, les deux instituts sont des entités de nature différente qui remplissent des missions et disposent de moyens différents. L’INPS est un établissement public qui regroupe les laboratoires de la police scientifique de Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse, le laboratoire de toxicologie de la préfecture de police et le service central des laboratoires. L’IRCGN, pour sa part, est à la fois un laboratoire scientifique et une unité projetable sur le terrain.

Ils ont tous deux vocation à réaliser des actes technico-scientifiques dans le domaine de la criminalistique (biologie, toxicologie, balistique, incendie, etc.) sous la forme d’examens techniques et d’expertises au profit des enquêteurs et des magistrats.

Toutefois, seul l’IRCGN regroupe l’ensemble des compétences de l’INPS et de la SDPTS sur un seul et même site. L’IRCGN est également le seul institut à disposer d’une capacité de projection et à constituer un centre de formation.

Ces trois entités agissent cependant de manière complémentaire et entretiennent des relations étroites, favorisant la réalisation de progrès importants dans les différents domaines de la police scientifique.

Des coopérations particulières se sont mises en œuvre entre l’IRCGN et l’INPS. Ainsi, des groupes de travail entre laboratoires ont été créés dans le domaine des outils de recherche et de contamination ADN. En outre, des échanges ont été établis en matière de stupéfiants. Enfin, un comité de pilotage et un comité technique communs ont été créés pour le remplacement du système balistique CIBLE pour EVOFINDER.

D’après les informations recueillies par le rapporteur, un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) relatif à la police technique et scientifique dans ses deux composantes – police et gendarmerie – sera prochainement remis au ministre de l’Intérieur. Le rapporteur en suivra les conclusions avec attention.

L’information judiciaire est au cœur des enquêtes judiciaires et donne du sens à la mise en œuvre de la police technique et scientifique, tout en permettant des rapprochements entre les affaires en cours ou les phénomènes délinquants émergents. À cet effet, la gendarmerie nationale dispose d’un service spécialisé, le service central du renseignement criminel (SCRC), créé par arrêté du 13 mars 2015 et rattaché au pôle judiciaire de la gendarmerie (PJGN) de Pontoise.

Héritier du service technique de recherches judiciaires et de documentation de la gendarmerie nationale (STRJD) créé en 1976, le SCRC constitue l’échelon national de la chaîne de renseignement criminel de la gendarmerie nationale déployée au niveau local, départemental, régional et en outre-mer. Il s’appuie sur un réseau de correspondants régionaux (officier adjoint de police judiciaire et officier adjoint renseignement région) et départementaux (OAPJ et officier adjoint renseignements départementaux).

Le remplacement du STRJD par le SCRC répondait à une nécessité d’adaptation face à l’accroissement considérable de la quantité de données et des capacités de traitement, à l’évolution des modes de diffusion et à la place grandissante de la criminalistique dans les enquêtes judiciaires.

À moyen terme, le SCRC a vocation à faire bénéficier l’ensemble des acteurs du ministère de l’Intérieur de ses capacités d’analyse, de développer les partenariats avec les services équivalents en France et à l’étranger afin d’accroître ses capacités d’analyse, et de donner une traduction opérationnelle aux méthodes de traitement de données de masse et prédictives.

La connaissance de la criminalité est une nécessité pour prévenir et agir. L’objet du renseignement criminel est de collecter des informations en sources ouvertes ou fermées afin d’élaborer des renseignements de nature opérationnelle, tactique et stratégique susceptibles d’orienter les actions dans la lutte contre la délinquance.

La mission du SCRC est de centraliser les informations judiciaires collectées par les unités au cours de leurs enquêtes, d’élaborer et de diffuser le renseignement criminel utile à la lutte contre tous les types de délinquance, d’animer la chaîne nationale de renseignement, et d’apporter son concours dans les enquêtes d’ampleur nationale ou requérant des moyens spécifiques d’investigation.

Doté de matériels spécifiques dans le domaine du traitement des données, le service assure :

– l’administration des fichiers nationaux de police ;

– la détection, la description, le suivi, l’analyse et l’anticipation des phénomènes criminels à l’échelle nationale et internationale ;

– l’appui des échelons intermédiaires et des unités dans leurs missions de renseignement et d’enquêtes judiciaires ;

– la proposition des plans nationaux de recherche ;

– la mise en œuvre des techniques et méthodes d’analyse d’information de masse dans le domaine numérique ;

– l’animation, la coordination et l’élaboration du renseignement relatif à la criminalistique en collaboration avec l’IRCGN.

Service d’analyse et de recherche, le SCRC a donc pour responsabilité de constituer une documentation criminelle thématique constamment à jour à la disposition des enquêteurs, de mettre en relation les unités confrontées à un même phénomène criminel (homicides, vols à main armée, trafic d’êtres humains, agressions sexuelles, par exemple) et à des phénomènes délictueux émergents. Ainsi le SCRC analyse les principales menaces et sources de la délinquance comme :

– la circulation et le trafic des armes à feu. Le PJGN a par ailleurs mis en place le plateau d’investigation explosifs et armes (PIXAF) afin de permettre au SCRC d’identifier les filières d’approvisionnement ;

– les usurpations et fraudes à l’identité et plus généralement les fraudes à l’obtention de documents pour lesquelles le SCRC s’appuie sur le l’IRCGN et qui a suscité la création d’un plateau d’investigation fraude à l’identité et l’obtention de documents ;

– la lutte contre les trafics illicites (traite d’êtres humains, trafic de stupéfiants, d’œuvres d’art etc.) ;

– les atteintes aux biens, notamment les vols et les cambriolages qui représentent le volume le plus important d’infractions ;

– la délinquance économique et financière.

Étant rarement cantonnés à un échelon local réduit, ces phénomènes nécessitent une collaboration et une coordination poussées à l’échelle des territoires. C’est la raison pour laquelle le SCRC est également chargé de développer des contacts et des échanges avec de multiples acteurs publics nationaux et internationaux, comme la police nationale, le service des douanes, Interpol et Europol, mais également des acteurs institutionnels (CNIL, centre d’analyse technico-opérationnel de la défense de la DGA) et des acteurs privés, comme les associations de victimes.

La délinquance et la criminalité ayant également évolué au rythme des nouvelles technologies, le SCRC s’est vu confier au cours de ces dernières années la police du réseau Internet et la lutte contre toutes les formes de cybercriminalité. La création du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) témoigne de cette adaptation aux nouveaux profils de délinquance (cf. infra).

Afin de mener à bien ses missions, le service a été réorganisé en 2014. Il comporte désormais trois divisions et un centre spécialisé de lutte contre les criminalités numériques (C3N) qui lui permettent d’appuyer au niveau local et national le renseignement criminel sur tout le spectre de la délinquance.

● La division de l’administration des applications judiciaires

Cette division dite D2AJ est en charge de l’administration des fichiers nationaux de police judiciaire pour la gendarmerie nationale, en assurant l’administration des traitements automatisés de données. En étroite liaison avec les unités élémentaires, elle veille à la complétude des bases.

La division est ainsi compétente pour le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), dont le département spécialisé répond aux demandes de vérification d’identité des unités de terrain et procède à l’identification des traces papillaires et palmaires prélevées sur les scènes d’infractions.

Le département du fichier des antécédents judiciaires administre les données du traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) produites par les unités de gendarmerie. Les données collectées qui sont des données d’identité, de procédure ou des photos anthropométriques font l’objet d’un contrôle de conformité permanent et peuvent être modifiées à la demande des magistrats du parquet.

Le département des fichiers de recherche (DFRe) administre les deux principaux fichiers de contrôle en présence des individus (fichier des personnes recherchées) mais aussi des objets et des moyens de transport. Ce département dispose en outre d’un groupe dédié à la supervision du fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

Enfin, sur saisine de la CNIL, le département droits d’accès indirect (DAI), consulte JUDEX (26) et TAJ afin d’établir si la personne à l’origine de la requête figure dans ces applications. Si elle est reconnue comme auteur, une demande de procédure est faite auprès de la brigade départementale de renseignements et d’informations judiciaires concernée et les suites judiciaires sont demandées au Parquet compétent.

● La division analyse et investigation criminelle (DAIC)

En charge de l’élaboration du renseignement criminel à partir de la collecte d’information, de son analyse et de son partage à partir de rapports opérationnels, tactiques et stratégiques, la DAIC a pour domaines de compétences :

– les atteintes aux personnes : avec l’analyse du rapprochement de toute infraction commise à l’encontre des individus sur les thématiques du trafic d’êtres humains, des personnes disparues, et des homicides et de l’emprise physique et mentale ;

– les atteintes aux biens : toutes les atteintes aux biens, les vols à main armée et le trafic d’armes, œuvre de groupes criminels organisés, font l’objet d’une analyse opérationnelle ayant pour but de trouver une concordance entre les auteurs et de détecter les phénomènes délinquants émergents ;

– les délinquances économique, financière et liée aux stupéfiants font également l’objet d’analyses et d’un suivi spécifique ;

– le département de l’exploitation du renseignement et analyse stratégique a pour mission d’effectuer de la veille, d’analyser et de synthétiser le renseignement à des fins tactiques et stratégiques ;

– le département relations internationales est en charge du partenariat avec Europol et Interpol ainsi que du renseignement en matière d’affaires judiciaires internationales.

● La division « opérations et appuis spécialisés » (DOAS)

Cette division a pour mission d’apporter une expertise projetable dans des domaines de compétences spécifiques telles que la science du comportement, l’analyse criminelle, la délinquance financière et celle liée aux nouvelles technologies au profit des brigades et des sections des recherches et des offices centraux de la gendarmerie.

Le département des sciences du comportement confère à l’enquête criminelle la dimension supplémentaire de l’analyse comportementale. Projetable sur une scène de crime, les experts de ce département permettent d’orienter et de hiérarchiser les recherches, tout en accompagnant l’enquête jusqu’à la mise en cause d’un suspect.

Le département science de l’analyse criminelle est orienté autour de la mise en évidence de liens entre des éléments de l’enquête et leur hiérarchisation.

Enfin, l’unité territoriale d’appui judiciaire a vocation à apporter une expertise projetable dans les domaines de l’analyse criminelle, de la délinquance économique et financière, des nouvelles technologies et des accidents collectifs.

Officiers

35

Sous-officiers

172

Sous-officier du corps technique et administratif

7

Gendarmes adjoints volontaires

31

Personnels civils administratifs

1

Total

246

Source : ministère de l’Intérieur.

Le caractère opérationnel et judiciaire des missions du service implique des personnels majoritairement officiers de police judiciaire (OPJ) expérimentés. La majorité des personnels a une expérience de terrain en unité territoriale ou en brigade départementale et une connaissance approfondie du renseignement criminel dans leur thématique de spécialité.

Dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, cinq officiers commissionnés ont été recrutés. Il est à noter cependant que la lutte antiterroriste n’est pas le cœur de métier du SCRC, qui ne travaille sur cette problématique seulement s’il est sollicité par le bureau de la lutte antiterroriste (BLAT) de la DDGN, de la direction des opérations et de l’emploi ou de la sous-direction de la police judiciaire. Toutefois, de manière générale, les responsables de département sont sensibilisés à la question de la lutte antiterroriste afin de signaler toute information d’intérêt. Le niveau d’expertise du SCRC lui permet également de consacrer une bonne part de ses effectifs à la recherche et à l’analyse des données en cas de crise.

Le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) a été créé très récemment, en mars 2015 (27). Relevant organiquement et budgétairement du PJGN, le C3N est un service interne du SCRC.

Il est l’héritier de l’ex-division de lutte contre la cybercriminalité (DLC), dont il a repris les attributions en étendant toutefois ses fonctions. Ses missions génériques sont les suivantes :

–  la conduite d’enquêtes judiciaires, d’initiative ou sur saisine (plainte, soit-transmis, commission rogatoire) ;

– l’animation et la coordination pour la gendarmerie de la lutte opérationnelle contre la cybercriminalité, notamment au travers du réseau territorial CyberGEND dont il constitue le niveau national ;

– l’appui opérationnel aux unités territoriales, notamment au travers de l’appui technique aux enquêteurs dans leurs démarches légales vis-à-vis des opérateurs de communication électronique via le guichet unique téléphonie et Internet (GUTI) (28) ;

– la participation à l’analyse criminelle liée aux criminalités numériques, en recensant et en caractérisant finement les phénomènes naissants, afin d’élaborer des modalités pertinentes de surveillance et d’investigation numériques : identification des menaces, détection de phénomènes ou de modes opératoires émergents, bulletins d’analyse statistique, etc.

Le réseau CyberGEND

La gendarmerie dispose d’un réseau dénommé CyberGEND constitué d’enquêteurs référents en technologies numériques présents aux différents niveaux de son organisation territoriale. Il fonctionne selon le principe de subsidiarité.

Au niveau des unités élémentaires, 1 800 enquêteurs ont reçu une formation de correspondant en technologie numérique (C-NTECH). Ils peuvent recueillir des plaintes pour des infractions de droit commun recourant aux systèmes d’information et de communication, procéder à la préservation et à la saisie de la preuve et réaliser des investigations techniques simples à l’aide d’une dotation matérielle et logicielle élémentaire. L’effectif cible d’un C-NTECH dans chaque unité élémentaire est recherché à échéance d’un an.

Au sein du plateau de police technique et scientifique de chaque groupement de gendarmerie départementale et au sein des sections d’appui judiciaire régionales, les enquêteurs en technologies numériques (N-TECH) procèdent à des examens techniques complexes, en appui des C-NTECH.

Au sein des sept sections de recherches implantées au siège des juridictions interrégionales spécialisées en métropole, des groupes de lutte contre la cybercriminalité (groupes CYBER) sont constitués de quatre enquêteurs spécialisés en technologies numériques (N-TECH ou C-NTECH formés aux enquêtes sous pseudonymes), afin d’appuyer les investigations visant la délinquance organisée.

Au niveau central, au sein du PJGN, l’IRCGN, via son département informatique-électronique et le SCRC via le C3N, concentrent experts scientifiques et enquêteurs spécialisés chargés de rapprocher, d’appuyer ou de diriger les enquêtes. Les investigations et expertises sont réalisées au profit de l’ensemble des services d’investigations, en particulier des offices centraux.

Le réseau CyberGEND est animé et coordonné par le C3N.

Outre une cellule de commandement, le C3N est composé de trois départements, les deux premiers étant dits opérationnels :

– le département des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (DSTAD). Comprenant sept gendarmes, le DSTAD est chargé de mener les enquêtes judiciaires relatives aux intrusions et piratages informatiques, vols de données, piégeage de distributeurs automatiques de billets ou de terminaux électroniques de paiement, conception et diffusion de virus, etc. ;

– le département des activités illicites sur Internet (DA2I) comprend onze gendarmes. Il comporte deux sections : la section « atteintes aux mineurs et violences aux personnes », spécialisée dans la lutte contre la diffusion de fichiers pédopornographiques, les « prédateurs » de mineurs sur Internet, le phénomène de « sextorsions » (29), le harcèlement, l’apologie d’actes de terrorisme, ou encore la diffamation ; et la section « atteintes aux biens », chargée des escroqueries sur Internet, des ventes illicites de médicaments et produits de santé en ligne, et des atteintes aux droits de propriété intellectuelle ;

– le département de l’anticipation et de l’animation territoriale (D2AT), armé par 12 militaires. Le D2AT est composé du centre national d’analyse des images pédopornographiques (CNAIP) (30), du guichet unique téléphonie et Internet de la gendarmerie, de la section « animation N-TECH, formation et R&D » et de la section « prévention et suivi des phénomènes sur Internet ».

Année

Effectif autorisé

Officiers

Sous-officiers

2010

18

4

14

2011

25

5

20

2012

25

5

20

2013

28

5

23

2014

29

7

22

2015 (création du C3N)

36

10

26

Source : ministère de l’Intérieur.

● D’un point de vue technique, le C3N dispose de plusieurs « packs » matériels et logiciels dédiés à ses enquêteurs N-TECH (31), de serveurs informatiques et de plusieurs plates-formes équipées d’outils spécifiques d’investigations judiciaires sur Internet couvrant l’ensemble des vecteurs et protocoles (web 1.0, réseaux sociaux, réseaux P2P, réseau TOR/Darknet, etc.). Il dispose de connexions Internet non filtrées, « anonymisées », non géolocalisées et ne permettant pas à un délinquant d’identifier les connexions comme étant rattachées à la gendarmerie ou à l’État. Il participe à des projets de R&D appliquée aux côtés d’industriels, dans le but d’adapter des outils-prototypes aux besoins des forces de police et de gendarmerie spécialisées.

Le C3N peut en outre s’appuyer sur les capacités d’expertise les équipements technologiques de pointe de l’IRCGN, et notamment son département d’expertise informatique-électronique. En tant que de besoin, le C3N peut également recourir aux autres moyens d’expertise et opérateurs spécialisés de l’État tels que l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

L’ORGANISATION DU SCRC

Source : ministère de l’Intérieur.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096), au cours de sa réunion du jeudi 8 octobre 2015.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous sommes heureux de recevoir le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, pour une audition sur le projet de loi de finances pour 2016.

Général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale. Permettez-moi de commencer par vous éclairer sur la fin de gestion 2015. La situation budgétaire que nous connaissons aujourd’hui est moins tendue qu’il y a deux ans : une partie de la mise en réserve, environ 40 %, soit 38 millions d’euros – vient d’être levée, ce qui est essentiel, car notre marge de manœuvre est étroite. Il reste toutefois 51 millions d’euros à débloquer d’ici à la fin de l’année pour payer, notamment, les loyers du mois de décembre dus aux collectivités locales. Le ministre et moi-même sommes pleinement engagés dans cet objectif.

Pour 2016, malgré un cadre général où la nécessité de redresser les finances publiques demeure, le gouvernement a décidé d’accorder des moyens supplémentaires à la gendarmerie. Ce budget me permettra ainsi de mettre en œuvre trois priorités : conserver ma capacité de manœuvre, prendre la mesure des évolutions de la délinquance et de la menace terroriste, enfin adapter nos modes d’action par l’innovation.

Conserver notre capacité de manœuvre. Je voudrais d’abord souligner l’efficacité de notre action depuis le début de l’année. Ainsi, à Dammartin en Goële, c’est bien l’engagement coordonné à l’échelon central des unités territoriales, renforcées par des escadrons de gendarmerie mobile, des réservistes et les forces aériennes qui a permis de déceler les frères Kouachi, les contraignant à se retrancher avant que le GIGN ne procède à leur neutralisation.

En ce qui concerne le drame de l’Airbus A320 de la compagnie Germanwings nous avons conduit une opération extrêmement lourde dans une région d’accès difficile, quasi inaccessible. Nous avons, dans cette opération, coordonné des moyens spécifiques au profit des unités territoriales. L’organisation même de la gendarmerie, fondée sur la complémentarité entre les unités spécialisées et les brigades, a trouvé à s’exprimer pleinement à cette occasion. Sans hélicoptères, la manœuvre n’aurait pas été envisageable. Sans les unités de haute montagne pour encorder les techniciens qui ont fait les relevés d’empreintes, le travail de la police judiciaire aurait été impossible. Et sans techniciens capables de procéder à des prélèvements d’ADN sur le site, l’identification des victimes n’aurait pas pu se faire. Notre système intégré nous a permis de déployer une efficacité saluée par tous. La Chancelière allemande a d’ailleurs été fortement impressionnée par ce modèle permettant de s’engager efficacement dans une zone aussi déshéritée.

En dehors de ces opérations qui relèvent d’un caractère extraordinaire, nous sommes pleinement engagés au quotidien sur 95 % du territoire et au profit de 50 % de la population. Je voudrais rappeler plusieurs réussites marquantes en 2015. Je prendrai par exemple notre priorité, que constitue la lutte contre les atteintes aux biens, en premier lieu les cambriolages. Nous sommes en effet parvenus, au premier semestre 2015, à endiguer ce fléau. Les renforts d’escadrons de gendarmerie mobile et de réservistes dans les départements les plus touchés ont obtenu des succès probants. Nous avons pu garantir un dispositif estival conséquent grâce à l’engagement d’escadrons dans les zones d’activité saisonnière, ce qui a donné des résultats remarquables. Enfin, il y a quelques jours, nous avons pu redéployer des unités de gendarmerie mobile afin de relancer le plan anti-cambriolages dans les départements les plus concernés. C’est donc en manœuvrant que nous obtenons des résultats positifs contre la délinquance.

S’agissant de la lutte contre le terrorisme, il n’est pas aujourd’hui de zones préservées sur le territoire national et des ramifications de réseau peuvent s’implanter quel que soit l’endroit, urbain ou rural. Il nous faut donc travailler, sur l’ensemble du territoire national, à une perception fine des signaux faibles de la radicalisation.

C’est dans ce contexte que, quelques mois après l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier, le ministre de l’Intérieur a décidé de créer un état-major opérationnel capable de rassembler les informations venant de tous les services de police et de gendarmerie pour s’assurer que les individus signalés étaient bien suivis. La gendarmerie est pleinement associée à cet état-major et des officiers sont présents dans cette structure.

Ma deuxième priorité vise à prendre la mesure des évolutions de la délinquance et de la menace terroriste. Le budget 2016 correspond bien à cet objectif. Ma première préoccupation en la matière concerne les créations de postes. La seconde concerne le budget hors titre 2, qui nous permet de fonctionner et d’équiper nos forces.

L’année 2016 sera conséquente en termes de création de postes. D’abord dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, engagé après les attentats de janvier. La gendarmerie sera renforcée de 210 postes sur la période 2015-2017 dont cinquante-cinq postes au titre de 2016.

Ensuite au titre de l’engagement présidentiel de créer 200 postes opérationnels en 2016, nous bénéficierons de 129 créations nettes auxquelles s’ajoutera le redéploiement de 71 postes de l’administration centrale.

Enfin, récemment, il a été décidé de doter la gendarmerie de 370 créations de postes sur les 900 accordées au ministère de l’Intérieur dans le cadre du plan « Migrants ». Ce sont des postes de sous-officiers de gendarmerie, qui iront renforcer les effectifs des escadrons de gendarmerie mobile, très sollicités.

Au total, 2016 verra donc la création de quelque 500 postes. Cette dynamique nous permettra de mieux faire face aux demandes en matière de sécurité.

S’agissant des moyens, la dotation prévue hors titre 2 atteindra 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une légère augmentation de 17 millions d’euros par rapport à 2015. Ce budget permettra de maintenir le fonctionnement courant des unités opérationnelles au niveau de 2015, soit 208 millions d’euros, et d’acquérir près de 2 000 véhicules, pour un coût de 40 millions d’euros, soit un chiffre identique à celui de 2015 et supérieur à ceux des années 2012 – 900 véhicules – et 2013 – 1 350 véhicules. Nous rattrapons un peu notre retard, même si c’est encore insuffisant, le besoin étant de 3 000 véhicules par an.

Nous poursuivrons notre plan de modernisation en matière d’informatique et d’outils d’aide au commandement, avec l’achat de 16 000 ordinateurs, pour un montant de 8,4 millions d’euros.

Nous améliorerons également l’équipement des forces, avec l’achat de gilets pare-balles, d’armements plus adaptés à nos nouvelles missions et de munitions, en complément des dotations déjà existantes. Tirant les enseignements des attentats de janvier, nous avons pris des dispositions pour durcir nos capacités d’intervention et renforcer notre protection.

La dotation hors titre 2 permettra également, en 2016 comme en 2015, le financement du plan d’urgence immobilier à hauteur de 70 millions d’euros. Ce plan est indispensable au regard de l’état du parc domanial. Compte tenu de l’ampleur des travaux à mener, cet effort devra être poursuivi dans la durée pour permettre la remise à niveau des casernes domaniales.

En ce qui concerne le plan de lutte contre le terrorisme, 23 millions d’euros ont été ouverts en 2015 et cinq millions d’euros de crédits seront ouverts en 2016 pour poursuivre l’achat de matériels destinés à la lutte antiterroriste. Ma troisième priorité vise enfin à renforcer notre capacité opérationnelle par l’innovation dans les techniques et les modes d’action. Je souhaite évoquer dans ce cadre le lancement d’un projet stratégique, baptisé NeoGend, qui vise à doter chaque gendarme d’une tablette numérique pour lui permettre, où qu’il soit, d’être en quelque sorte à lui seul « la brigade qui se déplace ». Le gendarme disposera ainsi, où qu’il se trouve, de toutes les applications « métier » indispensables à l’accomplissement de ses missions. L’outil numérique va donc développer une nouvelle proximité. L’innovation est présente également dans des secteurs extrêmement importants, comme la lutte contre la cybercriminalité ou le renseignement criminel. Comment traiter les informations de masse, ce que l’on appelle le big data ? Et comment, à partir de ces informations, bâtir une forme de renseignement prédictif pour bien orienter les services ? C’est un dossier sur lequel nous sommes très engagés. Enfin, nous poursuivrons nos efforts en criminalistique, notamment dans le domaine de l’ADN. Nous avons d’ailleurs installé, cette année, un remarquable pôle de police judiciaire à Pontoise, où nous avons regroupé ces trois capacités : criminalistique, renseignement criminel et lutte contre les cybermenaces. C’est une remarquable réalisation, essentielle pour notre performance en matière judiciaire, je vous invite à la visiter.

À l’innovation s’ajoute la modernisation du dispositif territorial. Vous le savez, la question sensible du maintien de petites unités dispersées et de faible activité continue de se poser.

M. Daniel Boisserie. Cette année, mon général, nous vous avons vu à la manœuvre. Je pense aux attentats de Charlie Hebdo et au crash de la Germanwings, sans oublier la lutte contre les cambriolages. Paradoxalement, c’est cette année qu’il y a eu, dans ma circonscription, une inflation considérable des cambriolages. Cela étant, les statistiques sont globalement excellentes et marquent une baisse de la délinquance dans ce domaine.

Les crédits consacrés à la gendarmerie seront, en 2016, plus que préservés : ils seront revalorisés et atteindront 8,23 milliards d’euros en crédits de paiement. Compte tenu des tensions qui pèsent sur les finances publiques, la gendarmerie s’en sort bien. C’est la sécurité des Français qui en dépend : nous pouvons donc tous nous en réjouir.

Ma première question porte sur la mise en réserve initiale. Comme l’an dernier, elle atteindra 8 % dès le début de la gestion. Cela étant, vous avez dit que 40 millions d’euros avaient été levés au titre de l’exercice 2015. Avez-vous des informations sur cette levée de la réserve initiale pour 2016, la pratique de la réserve bloquant depuis plusieurs années les commandes de la gendarmerie ?

Dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme notamment et au titre du schéma d’emplois pour 2016, nous attendons 184 postes de gendarmes supplémentaires. Les chiffres que vous avez donnés étant supérieurs à ceux que nous espérions, nous ne pouvons, là aussi, que nous en réjouir. Sur ce nombre, combien correspondent à des créations nettes et combien à des réaffectations en unités ? Je pense notamment aux militaires relevant du service du renseignement territorial.

Ces postes devaient être ouverts au sein des unités les plus mobilisées par la lutte antiterroriste. Pouvez-vous nous donner des précisions sur la répartition géographique de ces postes ? Vous avez dit qu’il fallait lutter contre le terrorisme sur tout le territoire, y compris dans les campagnes les plus reculées. Pourrions-nous en savoir un peu plus ?

J’en viens à une question sur un sujet qui m’est cher : la politique immobilière et le casernement. Nous avons hérité d’une situation difficile…

M. Yves Fromion. C’est récurrent !

M. Daniel Boisserie. Nous avons essayé d’y remédier, mais c’est loin d’être parfait. Dans beaucoup de casernements, on trouve encore des logements insalubres. Un gros effort a été fait, mais il y a des communes qui ne savent pas comment elles vont faire pour financer leurs nouvelles gendarmeries. Pouvez-vous nous donner des informations sur le déroulement du plan de réhabilitation triennal 2015-2017 ?

S’agissant de l’opération Sentinelle, on nous a dit qu’une masse budgétaire serait dégagée selon les unités. La gendarmerie étant concernée par l’opération Sentinelle, la réhabilitation de locaux et le budget qui y est consacré pourraient-ils bénéficier d’un financement interministériel qui ne serait pas affecté uniquement à la gendarmerie ?

En ce qui concerne les tablettes numériques, je crois savoir qu’une expérimentation est en cours au sein du groupement de gendarmerie du Nord. Toutefois, n’y a-t-il pas de problème au niveau du territoire, dans la mesure où il n’est pas entièrement couvert par les opérateurs de téléphonie ?

Parmi les décisions du comité interministériel de la sécurité routière du 2 octobre dernier, la mesure 5 m’inquiète, en tant que citoyen. Il s’agit de l’expérimentation des drones radars. En outre, 10 000 radars leurres vont être installés. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

La réorganisation des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) est une question qui m’intéresse au plus haut point en zone rurale. Je pense qu’il est possible d’améliorer leur efficacité.

Enfin, à travers les visites que j’ai pu faire dans différentes unités, j’ai constaté que le moral des gendarmes était en hausse, ce qui est extrêmement important. Ils sont très fiers de leur grand chef et pensent qu’ils n’en ont jamais eu de meilleur.

M. David Comet. Il y a une « spécificité gendarmique », eu égard aux défis que nous devons relever aujourd’hui. La gendarmerie est une force vieille de 800 ans, qui présentait, selon mon professeur François Dieu, une dualité organique de force militaire et de force publique : force militaire en ce qu’elle assurait à la fois les missions d’une police militaire et la défense du territoire national ; force publique au travers de sa force de contrainte, de son activité policière et de sa participation au maintien de l’ordre.

Certes, c’est le ministère de l’Intérieur qui est maintenant votre autorité de tutelle. Il n’en demeure pas moins que la spécificité gendarmique repose toujours sur un système de valeurs particulier. J’aimerais avoir votre point de vue sur la nécessité d’éviter, à terme, un processus de fusion des forces gendarmiques et policières.

Depuis 800 ans, cette institution a réalisé un maillage territorial complet avec son réseau de brigades territoriales. Force armée chargée d’une mission de police, rattachée aujourd’hui au ministère de l’Intérieur, la gendarmerie s’est développée principalement dans les campagnes. S’adaptant au mouvement de périurbanisation, elle est également présente dans les zones les plus reculées, où elle est le symbole de la présence de l’administration de l’État.

Son utilité est grande en matière de renseignement. Elle participe à la défense du territoire et à la lutte contre le terrorisme au travers de la surveillance générale qu’elle exerce, dans une logique de proximité et de réseau. Pouvez-vous faire le point sur ce rôle de surveillance générale de la gendarmerie au profit de nos concitoyens ?

Peut-on dire que les crises, concernant ses institutions, qui ont secoué la gendarmerie en 1989, puis en 2001, sont aujourd’hui définitivement terminées ? Quid du moral des troupes ?

M. Yves Fromion. Mon général, vous avez parlé du rôle de la gendarmerie dans « la perception fine des signaux faibles ». Cette formule admirable me conduit à vous poser une question sur l’évolution du maillage de la gendarmerie sur le territoire, c’est-à-dire la présence des brigades ou des communautés de brigades.

Je suis député d’une circonscription à la fois urbaine et rurale. Quel que soit le Gouvernement, j’ai vu se fermer un certain nombre de gendarmeries. Il est évident que le maillage, qui est la force de la gendarmerie, a perdu aujourd’hui de sa densité, donc de son efficacité.

Quelle politique entendez-vous mener dans les années à venir ? Allez-vous continuer à fermer des brigades ? Les communautés de brigades, qui devaient être la version définitive du dispositif sur le territoire, vont-elles à leur tour être remises en cause ?

L’un de vos prédécesseurs, Pierre Mutz – qui fut par ailleurs mon camarade de promotion à Saint-Cyr – est venu dans ma commune mettre en place une communauté de brigades. Comme on est loin, aujourd’hui, de cette époque ! Dans mon département, il est envisagé des regroupements qui devraient prendre la taille d’une demi-compagnie ! Pendant ce temps, c’est le vide qui se crée tout autour. À l’origine, les communautés de brigades devaient permettre d’accroître la mobilité des gendarmes en évitant qu’ils ne restent derrière un guichet : aujourd’hui, ils manquent de véhicules et de carburant, et, chaque fin d’année, on les voit venir réclamer un peu d’essence aux services techniques de la ville. Il y a donc une contradiction entre le regroupement d’unités et les moyens dont vous disposez.

Que comptez-vous faire dans les années qui viennent pour maintenir le maillage sur le territoire et faire en sorte que la « perception fine des signaux faibles » soit une réalité et pas seulement une formule magique ?

La gendarmerie a la chance d’avoir un dispositif de réserve souvent cité en exemple. On le voit sur le terrain, vos réservistes participent à des missions, qui ne sont pas forcément les missions de sécurité extrêmes. Quels changements le dispositif de réserve va-t-il connaître dans le cadre de l’évolution générale de la gendarmerie et de la sécurité ?

À Saint-Martin-d’Auxigny, chef-lieu de canton de ma circonscription, les élus attendent depuis des mois que la gendarmerie apporte la subvention promise de 400 000 euros pour lancer la construction des bâtiments de la brigade. J’ajoute que les élus de ce territoire seraient ravis que vous veniez poser la première pierre.

Général Denis Favier. J’ai déjà été invité par M. Pillet, sénateur du Cher, pour poser la première pierre d’une brigade dans sa commune.

M. Yves Fromion. C’est à côté de chez moi ! Ainsi, vous pourriez faire d’une pierre deux coups, si je puis dire ! (Sourires.)

Général Denis Favier. Je vous remercie pour vos questions qui montrent tout l’intérêt que vous portez à la gendarmerie et auxquelles je vais répondre successivement.

Vous me demandez si, en plaçant la gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et non plus du ministère de la Défense, on a touché à sa militarité. Très clairement non. Je pense même qu’elle est plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’était lorsque j’y suis entré il y a une trentaine d’années, à ma sortie de Saint-Cyr. La gendarmerie a vraiment affirmé au sein du ministère de l’Intérieur, peut-être par une forme de réflexe identitaire, son statut militaire.

Y a-t-il un risque de fusion entre la police et la gendarmerie ? Non. Tous les jours, je suis en contact avec le ministre de l’Intérieur et tous les jours il se loue des services de la gendarmerie. Dans une affaire comme le crash de la Germanwings, il faut un corps militaire capable de s’engager jour et nuit dans une zone hostile afin d’aller rechercher les victimes. Dans le cadre des attaques terroristes du début de l’année, une force militaire est très bien adaptée pour conduire un contrôle de zone sur une vaste étendue de jour comme de nuit. Cela correspond bien à nos capacités, et à notre vocation. La pérennité de la gendarmerie sous statut militaire est une garantie pour les gouvernements de disposer d’une force capable d’être engagée dans des conditions très dégradées. Il ne me semble pas possible que cela soit contesté.

Vous m’avez demandé si les crises de 1989 et de 2001 étaient derrière nous. En 1989, je commandais une compagnie de gendarmerie et, en 2001, j’étais commandant de groupement : je peux attester que les problématiques sont désormais bien mieux prises en compte grâce au dialogue interne qui s’est instauré. Des relations de confiance se sont installées entre les personnels représentant leurs pairs et la hiérarchie. Quant aux associations professionnelles nationales de militaires (APNM), qui font leur apparition, elles auront une place à tenir dans le dialogue. Certes, il faut toujours être prudent dans nos jugements, mais je suis plutôt optimiste et je ne perçois pas de situation préoccupante à l’échelle de l’institution.

Monsieur Fromion, la gendarmerie a pour mission d’être présente dans tous les territoires, car aucun n’est aujourd’hui préservé. Mon intention est bien de capter les signaux faibles sur tout le territoire. Mais dois-je le faire avec le dispositif qui existait au xixe siècle et au début du xxe ? Je ne suis pas efficace avec des brigades dispersées de quatre ou cinq gendarmes car elles n’ont plus la capacité de faire face aux enjeux actuels. En concertation avec les élus, en lien avec le préfet et les autorités locales, j’essaie donc de procéder, chaque fois que cela a un sens opérationnel, à la fermeture de petites unités et d’en regrouper les effectifs et les moyens au sein de brigades plus importantes. Certes, cela augmente les distances à parcourir et nécessite des véhicules, mais je dégage davantage de puissance avec des gendarmes qui sont plus mobiles.

Une fois posé ce principe, je ne peux pas être statique. J’innove donc. En la matière, je crois beaucoup au numérique. La 4G arrivera même dans les territoires les plus reculés. Le gendarme sera beaucoup plus performant grâce à sa tablette numérique. Il sera capable d’enregistrer les plaintes partout, d’interroger des fichiers, de dresser un procès-verbal d’accident de la circulation et d’y intégrer des photographies. Cet outil, NeoGend, nous permettra de mettre en place une nouvelle proximité qui ne sera pas nécessairement territoriale, mais numérique. Ces tablettes numériques sont expérimentées actuellement dans le département du Nord. Nous en avons acheté 1 200 avec toutes les applications « métier ». Les retours que nous avons sont extrêmement positifs et dépassent même ce que j’avais imaginé lorsque le projet a été lancé. Nous tirerons les enseignements de cette expérimentation qui sera ensuite déployée dans les quatre départements de la Bourgogne, dont la Nièvre qui n’est pas parfaitement couverte par la 3G et la 4G. Lorsque nous en aurons dressé le bilan, nous étendrons le dispositif à l’ensemble du territoire.

Je dois offrir également des alternatives à la fermeture des brigades. Par exemple, nous nous abonnons à des maisons de services au public et travaillons parfois avec La Poste en occupant, dans certains villages, par exemple le jour du marché, un local où nous accueillons le public.

Dans certaines brigades, très peu de personnes se présentent à l’unité, il n’y a guère d’appels la nuit. Les gendarmes sont bien présents, mais ils ne produisent pas de sécurité. Aujourd’hui, on ne peut plus raisonner de la sorte.

Cette politique avance pas à pas. Cette année, nous procédons au redéploiement de quatre-vingts brigades. Cela se fait de manière consensuelle. Il n’y a pas eu, dans les territoires, de blocage. Les élus ont naturellement été associés. En définitive, le service de sécurité que nous proposons est de meilleure qualité, en tout cas il est jugé comme tel localement.

M. Yves Fromion. Mon général, en tant que responsable de la gendarmerie, vous assumez vos responsabilités au mieux de la perception que vous avez de votre mission. J’appelle votre attention sur des remarques que j’ai très souvent entendues de la part des gendarmes, qui nous disent rencontrer davantage de difficultés aujourd’hui pour capter le renseignement auprès de la population, parce qu’ils sont moins présents, plus éloignés. Je comprends vos arguments, mais la tablette numérique ne remplacera pas les contacts réguliers. Dans la ville dont j’ai été maire pendant vingt-cinq ans, il n’y a plus de gendarmes les jours de marché. Le danger de la politique que vous menez, c’est de couper le gendarme du contact de terrain, et donc du renseignement.

Général Denis Favier. Monsieur le député, comme je viens moi-même des territoires, je mesure la portée de ce que vous dites. Il nous faut développer d’autres possibilités de recueil du renseignement. Je pense à la concertation avec les maires qui sont bien informés de ce qui se passe dans leur commune.

Je pense également à la « Participation citoyenne » qui s’implante bien. Elle consiste à encourager l’alerte en temps réel et la remontée d’informations venant de la population dès lors qu’un fait anormal se produit.

Il ne faut pas non plus ignorer que la gendarmerie a vu l’organisation générale de la fonction renseignement évoluer autour d’elle et que les personnels, sur le terrain, ont pu avoir le sentiment qu’ils étaient moins sollicités qu’autrefois. C’est donc avec beaucoup d’énergie que nous avons remis l’accent sur le recueil du renseignement. Je suis par exemple très attentif à l’acculturation rurale des gendarmes issus du milieu urbain, notamment pour aller au contact d’un monde agricole qu’ils méconnaissent parfois.

Je considère que les effectifs de la gendarmerie sont suffisants pour faire le travail sur le territoire national. Encore faut-il que ces 100 000 gendarmes soient bien positionnés, ce qui n’est pas toujours le cas. En quoi est-il utile de maintenir l’enseigne de la gendarmerie devant une caserne quand le service se prend chaque jour à quelques kilomètres de là pour des raisons d’efficacité et de service à la population ? On donne l’impression d’être présent, alors que ce n’est pas vrai.

Quant à la réserve, elle est essentielle à la manœuvre que nous conduisons. Chaque jour, ce sont près de 2 000 réservistes qui travaillent avec nous alors qu’ils ont une activité professionnelle par ailleurs. Ce sont des citoyens qui participent à l’exercice de leur propre sécurité. Je constate que les armées se tournent vers nous car ce dispositif a une excellente image. Cette réserve opérationnelle, forte de 25 000 personnels, est donc un élément précieux. Elle a besoin d’un budget lui permettant de bien fonctionner, ce qui est le cas. Je salue également le rôle de la réserve citoyenne, qui comprend 1 300 personnes. Elle est un relais de la société civile dans de nombreux segments de la vie économique, comme la transition professionnelle, la recherche. Grâce aux deux leviers que sont la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne, il existe ainsi un lien très fort entre la gendarmerie et la Nation.

Chaque année ont lieu les assises de la réserve citoyenne de la gendarmerie. Nous recevrons demain, à Pontoise, dans le pôle « Police judiciaire », des cadres d’entreprise, des personnels du monde enseignant, etc. Des partenariats se développent et montrent qu’il y a une véritable communion d’idées en matière de sécurité.

M. Yves Fromion. Quel est le coût d’un gendarme réserviste pour une journée ?

Général Denis Favier. Tout dépend de son grade. En moyenne le coût est de 80 euros par jour.

Pour 2016, un peu plus de 40 millions d’euros ont été inscrits au budget pour la réserve, ce qui est considérable. La réserve est vraiment utile.

Vous l’avez compris, ce qui me pose problème, c’est la faiblesse de ma masse manœuvrable dans le cadre de la dotation prévue hors titre 2, qui s’élève à 1,2 milliard environ. J’ai des loyers à payer pour 500 millions environ, ainsi que d’autres dépenses obligatoires. Une fois toutes ces dépenses couvertes, il me reste environ 300 millions d’euros de marge manœuvrable pour équiper mes forces. Et c’est sur cette somme-là que la mise en réserve doit être appliquée. Quand le taux est de 8 %, on aboutit à 100 millions d’euros. C’est pour cela que, chaque année, je lutte pour obtenir ces 100 millions, sans lesquels je ne peux équiper la gendarmerie. Si le taux de réserve est de 9 %, ce qui n’est pas impossible, cela nous met dans une position très difficile. Dès le début de l’année, il me faut rechercher avec l’appui du ministre la levée de la mise en réserve.

J’en viens aux effectifs. La gendarmerie bénéficie, au titre du plan de lutte antiterroriste, de 210 postes budgétaires entre 2015 et 2017 répartis de la façon suivante : 100 effectifs en 2015, 55 en 2016, 55 en 2017. Par ailleurs, le président de la République a pris l’engagement de créer 200 postes par an pour la gendarmerie tout au long du quinquennat. Pour 2016, cela se traduira par la création de 129 postes et le redéploiement de 71 postes en état-major de l’administration centrale. Quand on additionne 129 et 55, on aboutit à 184 créations nettes auxquelles il faut désormais ajouter les 370 postes du plan de lutte contre l’immigration irrégulière qui vont venir abonder les escadrons de gendarmerie mobile. Au total, cela nous fait quasiment 500 postes budgétaires. L’année est donc positive.

L’immobilier domanial qui n’était pas budgété depuis plusieurs années à la hauteur du besoin a conduit à la mise en œuvre d’un plan d’urgence de 70 millions d’euros par an. Dans ce cadre, nous avons, cette année, engagé la rénovation de cinq casernes – au Havre, à Bouliac, à Gap, à Metz et à Niort. D’autres opérations moins importantes sont également initiées. Au total, cela permettra de réhabiliter 3 400 logements environ au titre de l’exercice 2015.

M. Daniel Boisserie. Sur ce point, je voudrais évoquer un problème récurrent. Aujourd’hui, les promoteurs privés s’intéressent de moins en moins à la construction de gendarmeries en raison d’un problème de loyer d’équilibre. Ce sont souvent les offices départementaux d’HLM qui se chargent de l’opération. Mais ce n’est pas toujours le cas. Les collectivités ne peuvent plus construire de gendarmerie, parce qu’elles n’en ont pas les moyens. Comment peut-on améliorer la situation ?

Général Denis Favier. C’est assez difficile. Une solution consiste à travailler directement avec la collectivité. M. Fromion a évoqué la subvention attendue dans sa circonscription. Elle relève du décret de 1993. La masse budgétaire que l’on m’octroie dans ce cadre-là ne me permet pas de financer plus d’opérations.

L’opération Sentinelle ne nous concerne pas au plan budgétaire. Les crédits que vous évoquez ne vont pas abonder la gendarmerie. Ces montants concernent par exemple les infrastructures pour l’accueil des forces des armées. Opérationnellement, il n’y pas non plus d’impact direct de l’opération Sentinelle dans ma zone de compétence, seuls 89 militaires des armées, sur les 7 000 qui sont déployés y travaillent.

Au-delà de l’opération Sentinelle, l’engagement des armées sur le territoire national est une question majeure car nous sommes face à des menaces terroristes importantes sur le territoire national. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) doit rendre ses conclusions dans le courant du mois de décembre. Une vraie réflexion dans laquelle nous prenons notre part a lieu sur ce sujet.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous tenons à ce qu’un débat ait lieu ici.

Général Denis Favier. Faire l’économie de l’engagement de l’armée de terre sur le territoire national serait une erreur considérable, ne serait-ce qu’en termes d’apport de capacité de recueil de renseignements. Se posera immanquablement la question de savoir comment coordonner les opérations. Le rôle du préfet est bien sûr primordial.

Monsieur Boisserie, vous évoquez la question de l’utilisation des drones en matière de sécurité routière. Il s’agit en effet de faire face à un véritable fléau face auquel il faut mobiliser toutes les volontés et tous les moyens technologiques. Je dois rendre une première évaluation sur ce thème dans les prochains jours.

À travers le rôle des PSIG, vous évoquez la question des territoires et des limites administratives. Il me semble que l’on peut aller plus loin. Il faut dépasser le cadre du département. Votre circonscription est elle-même située aux confins de trois départements : il existe des options pour renforcer sous plafond le dispositif opérationnel. Mais il s’agit de régions différentes, avec des parquets différents, des cours d’appel différentes. S’ajoutent à cela des blocages administratifs et des questions d’habilitation d’officiers de police judiciaire. L’année dernière, j’ai travaillé sur un cas similaire entre la Lozère et le Cantal, une brigade de Lozère pouvant intervenir plus rapidement dans le sud du Cantal. Nous y sommes finalement parvenus.

M. Daniel Boisserie. Il suffirait que le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur s’entendent. Je pense que l’on peut débloquer les choses assez facilement.

Je comprends mal l’attitude des préfets qui ne tiennent pas à ce qu’il puisse y avoir des PSIG interdépartementaux. Certains mettent en demeure des élus de construire une gendarmerie. Or ce n’est pas leur rôle. Vous serez certainement obligé de ramener certains à la réalité.

Général Denis Favier. Cela demandera du temps, mais les choses sont en marche. Ces sujets font débat dans le cadre de la réorganisation régionale. En tout cas, s’agissant des interventions, les limites administratives ne pourront pas perdurer. Demain, grâce à sa tablette NeoGend, on engagera le gendarme qui est le plus proche du lieu de l’opération. Il y a encore trop de barrières, notamment en zone de montagne. Cela n’a pas de sens. Mais la situation va évoluer dans les années à venir. On avance à pas comptés, mais on progresse.

M. Yves Fromion. C’est mieux que de fermer des brigades !

Mme la présidente Patricia Adam. Général, je vous remercie.

Après l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 29 octobre 2015 à 9 heures 30 (32)), la commission de la Défense nationale et des forces armées examine, pour avis, les crédits de la mission « Sécurités » : « Gendarmerie nationale » pour 2016.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

Ø M. le général d’armée Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale et M. le colonel Jean-Pierre Aussenac, chef du bureau de la synthèse budgétaire

Ø M. le général de division François Daoust, commandant du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN)

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