N° 3117
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3096)
de finances pour 2016
TOME II
ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE
PAR M. Sergio CORONADO
Député
——
Voir les numéros : 3110-III-3.
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2015.
À cette date, la totalité des réponses avait été reçue par le rapporteur pour avis, qui remercie l’ensemble des services du ministère de l’Intérieur concernés.
___
Pages
INTRODUCTION 5
PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2016 DU PROGRAMME « VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE » 7
SECONDE PARTIE : LA MODERNISATION DE L’ORGANISATION DES ÉLECTIONS 12
I. LA MODIFICATION DE LA DURÉE D’APPLICATION DE LA LÉGISLATION SUR LES COMPTES DE CAMPAGNE 12
II. LA MODERNISATION DE LA PROPAGANDE ÉLECTORALE 15
III. L’ADAPTATION AUX SPÉCIFICITÉS DES CAMPAGNES À L’ÉTRANGER 22
1. L’inscription sur les listes électorales 24
2. Les modalités de vote 25
3. La législation sur les comptes de campagne 27
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS FORMULÉES 31
EXAMEN EN COMMISSION 33
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 63
Mesdames, Messieurs,
En 2016, le programme « Vie politique, cultuelle et associative » devrait bénéficier de 100,9 millions d’euros de crédits de paiement, soit un peu moins de 4 % des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (1).
Comme de coutume, les moyens alloués à ce programme sont directement liés au calendrier électoral. Les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2015 atteignaient ainsi 361,5 millions d’euros, afin de permettre l’organisation des élections départementales (qui ont eu lieu les 22 et 29 mars), des élections régionales et de celles de l’Assemblée de Corse et des nouvelles assemblées de Guyane et de Martinique (prévues les 6 et 13 décembre) (2). Pour 2016, les crédits demandés, à ce titre, dans le présent projet de loi de finances se limitent à 23,8 millions d’euros, la majeure partie des dépenses occasionnées par les élections régionales ayant vocation à être financées par des crédits reportés depuis l’exercice 2015.
Dans le cadre du présent rapport pour avis, votre rapporteur a choisi cette année, après une brève présentation des crédits prévus pour 2016, de s’intéresser à plusieurs évolutions possibles de l’organisation des élections. Il entend ainsi contribuer à une réflexion sur la modernisation de nos processus électoraux, déjà entamée au Parlement (3), mais dont l’aboutissement concret devient de plus en plus pressant à mesure que se rapprochent les échéances de 2017.
PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2016 DU PROGRAMME « VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE »
Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » devrait bénéficier en 2016 de 101 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 100,9 millions d’euros de crédits de paiement, soit une diminution de 77 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Comme on l’a vu, la quasi-totalité de cette évolution est liée à l’absence d’élection prévue en 2016.
L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME
« VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE »
(en millions d’euros)
Exécution |
LFI |
PLF |
Variation | |
Autorisations d’engagement |
279,9 |
438,4 |
101,0 |
– 77,0 % |
Crédits de paiement |
278,5 |
439,1 |
100,9 |
– 77,0 % |
● L’action « Organisation des élections » bénéficierait en 2016 de 23,8 millions d’euros de crédits de paiement, à comparer à 361,5 millions d’euros en loi de finances pour 2015.
Les crédits prévus pour 2016 tendent, pour l’essentiel, à financer des dépenses de personnel liées aux élections régionales de décembre 2015, au titre d’indemnités pour travaux supplémentaires et pour mise sous pli de la propagande électorale. Le financement des autres dépenses entraînées par l’organisation de ces élections sera assuré par le report, sur l’exercice budgétaire 2016, des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015 et non consommés : une dérogation au plafond de 3 %, fixé à l’article 15 de la LOLF (4), du montant des reports de crédits, est demandée à l’article 21 du présent projet de loi de finances, au bénéfice du programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Le montant des crédits qui seront consommés en 2016 sera donc sensiblement plus important que celui des crédits ouverts par le présent projet.
À titre indicatif, le tableau ci-après présente le coût prévisionnel des élections régionales de décembre prochain, estimé au total à 171,4 millions d’euros (contre 153,5 millions d’euros pour les élections régionales de mars 2010).
COÛT PRÉVISIONNEL DES ÉLECTIONS RÉGIONALES DE 2015
(en euros)
Postes de dépense |
Dépenses de personnel |
Autres dépenses |
Total |
Indemnités pour travaux supplémentaires |
2 500 000 |
– |
2 500 000 |
Frais de la commission de propagande |
18 700 000 |
15 100 000 |
33 800 000 |
Autres indemnités |
500 000 |
– |
500 000 |
Remboursement de la propagande officielle |
– |
30 300 000 |
30 300 000 |
Remboursement forfaitaire aux candidats |
– |
40 000 000 |
40 000 000 |
Transferts directs aux communes |
– |
15 300 000 |
15 300 000 |
Autres frais des préfectures |
– |
6 900 000 |
6 900 000 |
Acheminement de la propagande électorale |
– |
40 943 262 |
40 943 262 |
Campagnes audiovisuelles |
– |
1 100 000 |
1 100 000 |
Autres frais de l’administration centrale |
– |
50 000 |
50 000 |
Total |
21 700 000 |
149 693 262 |
171 393 262 |
Source : ministère de l’Intérieur.
● Les crédits consacrés au financement public des partis politiques demeureraient stables : l’action « Financement des partis » bénéficierait en 2016 de 68,7 millions d’euros, soit le même montant que celui ouvert par les lois de finances initiales pour 2014 et pour 2015.
L’année dernière, le projet de loi de finances pour 2015 prévoyait de réduire ces crédits de 15 %, mais des amendements adoptés par l’Assemblée nationale – à l’initiative de M. Paul Molac, rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois, et de M. Christophe Borgel – étaient revenus sur cette réduction. Celle-ci aurait fait suite à des diminutions de près de 10 % (soit 7,6 millions d’euros) dans la loi de finances initiale pour 2013 et de 5 % (soit 4 millions d’euros) dans la loi de finances initiale pour 2012.
Votre rapporteur pour avis rappelle que les montants ouverts en loi de finances s’entendent avant mise en œuvre des modulations financières prévues à l’encontre des partis n’ayant pas respecté les règles de parité entre les femmes et les hommes dans le choix de leurs candidats lors des dernières élections législatives : en pratique, les dépenses réelles sont donc toujours inférieures – de 5,6 millions d’euros en 2015 – aux crédits inscrits en loi de finances.
Le tableau présenté ci-après récapitule les montants perçus en 2015 par les différents partis politiques, en précisant l’impact des modulations financières liées à la règle de la parité.
LES AIDES PUBLIQUES AUX PARTIS POLITIQUES EN 2015
(en euros)
I. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions (métropole) |
Première fraction |
Seconde fraction |
TOTAL |
Modulation financière liée à la parité (a) |
Parti Socialiste |
10 024 046 |
14 859 883 |
24 883 929 |
1 258 982 |
Union pour un Mouvement Populaire |
6 090 412 |
12 420 761 |
18 511 172 |
3 540 052 |
Front national |
4 921 595 |
150 100 |
5 071 695 |
78 397 |
Europe Écologie les Verts |
2 086 166 |
1 050 699 |
3 136 865 |
– |
Parti Communiste Français |
1 928 809 |
938 124 |
2 866 933 |
– |
Union des Radicaux, Centristes, Indépendants et Démocrates |
942 240 |
1 763 673 |
2 705 913 |
91 843 |
Parti Radical de Gauche |
503 037 |
975 649 |
1 478 686 |
123 698 |
Nouveau Centre |
519 852 |
637 924 |
1 157 777 |
129 135 |
Le Centre pour la France |
502 118 |
262 675 |
764 793 |
117 116 |
Forces de gauche |
510 619 |
75 050 |
585 669 |
57 206 |
Debout la République |
206 347 |
262 675 |
469 021 |
9 791 |
La France en action (Alliance écologiste indépendante) |
139 388 |
0 |
139 388 |
22 482 |
Le Trèfle - les nouveaux écologistes |
92 056 |
0 |
92 056 |
8 107 |
Sous-total I |
28 466 685 |
33 397 211 € |
24 883 929 |
5 436 809 |
II. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer |
Première fraction |
Seconde fraction |
TOTAL |
Modulation financière liée à la parité (a) |
Tahoeraa huiraatira |
8 965 |
187 625 |
196 590 |
26 895 |
Parti progressiste martiniquais |
17 324 |
112 575 |
129 899 |
10 395 |
Le Rassemblement pour la Calédonie dans la République |
6 985 |
112 575 |
119 560 |
20 955 |
Calédonie ensemble |
33 872 |
75 050 |
108 922 |
– |
Guadeloupe Unie Socialisme et Réalités |
23 579 |
75 050 |
98 629 |
– |
Mouvement indépendantiste martiniquais |
5 987 |
75 050 |
81 037 |
17 961 |
Pour la Réunion, de toutes nos forces |
41 176 |
37 525 |
78 701 |
– |
La politique autrement |
23 018 |
37 525 |
60 542 |
– |
Démocratie et République |
19 654 |
37 525 |
57 179 |
– |
Parti communiste guadeloupéen |
16 097 |
37 525 |
53 622 |
– |
Parti communiste réunionnais |
9 294 |
37 525 |
46 819 |
27 883 |
Mouvement initiative populaire |
8 146 |
37 525 |
45 671 |
– |
Cap sur l’avenir |
2 375 |
37 525 |
39 900 |
– |
Rassemblement démocratique pour la Martinique |
887 |
37 525 |
38 412 |
2 660 |
Groupement France Réunion |
19 193 |
– |
19 193 |
– |
II. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer |
Première fraction |
Seconde fraction |
TOTAL |
Modulation financière liée à la parité (a) |
Réunion avenir, une ambition pour La Réunion dans la France |
11 543 |
– |
11 543 |
– |
Rassemblement pour la Calédonie |
8 356 |
– |
8 356 |
– |
Vivre à Schœlcher |
7 885 |
– |
7 885 |
– |
Front de Libération de la Polynésie - Tavini Huiraatira no te ao ma’ohi |
7 218 |
– |
7 218 |
21 653 |
Bâtir le pays Martinique |
5 983 |
– |
5 983 |
– |
Parti pour la libération de la Martinique |
5 079 |
– |
5 079 |
– |
Union pour la démocratie |
3 747 |
– |
3 747 |
– |
No Oe E Te Nunaa |
3 615 |
– |
3 615 |
– |
la Hau Noa |
3 455 |
– |
3 455 |
– |
Rautahi |
2 500 |
– |
2 500 |
– |
Force martiniquaise de Progrès |
1 579 |
– |
1 579 |
4 736 |
Mouvement libéral populaire |
655 |
– |
655 |
– |
Archipel Demain |
536 |
– |
536 |
– |
Sous-total II |
298 703 |
938 124 |
1 236 827 |
133 139 |
TOTAL (I + II) |
28 765 388 |
34 335 335 |
63 100 723 |
5 569 948 |
(a) Montant qui aurait été perçu en plus par les partis politiques s’ils avaient pleinement respecté les exigences légales en matière de parité entre les femmes et les hommes lors des élections législatives de juin 2012.
Source : décret n° 2015-53 du 23 janvier 2015 pris pour l’application des articles 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ; ministère de l’Intérieur.
La ventilation précise de l’aide publique en 2016 dépendra des déclarations de rattachement des membres du Parlement aux différents partis politiques – lesquelles déterminent l’attribution de la seconde fraction de l’aide publique (5). Ces déclarations de rattachement seront effectuées au mois de novembre, auprès du bureau de chaque assemblée, qui les communiquera, avant le 31 décembre, au Premier ministre.
Depuis 2012, les déclarations de rattachement sont rendues publiques, pratique initiée par le Bureau de l’Assemblée nationale et désormais consacrée à l’article 14 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui prévoit leur publication au Journal officiel (6).
Autre modification introduite par cette dernière loi, applicable depuis le versement de l’aide publique en 2014 : il n’est désormais plus possible à un parlementaire élu en métropole (7) de se rattacher, pour l’attribution de la seconde fraction, à un parti ayant présenté des candidats uniquement outre-mer. Il est ainsi mis fin aux détournements du mécanisme de financement, qui consistaient à majorer artificiellement la seconde fraction perçue par des partis ultra-marins, avant de la reverser à d’autres partis non éligibles au financement public. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur ces dispositions, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution, le 18 juillet 2014 (8).
Rappelons qu’à compter des prochaines élections législatives, en application de l’article 60 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la réduction du financement public en cas de méconnaissance de l’objectif de parité sera renforcée : la modulation financière sera doublée, passant de 75 % de l’écart à l’objectif à 150 % de cet écart (9). Par ailleurs, le même article réforme les modalités de rattachement aux partis politiques des candidats aux élections législatives : en vue de mettre fin aux rattachements de candidats non investis par le parti concerné, les partis politique devront désormais établir « une liste des candidats qu’ils présentent », dans des conditions précisées par le décret n° 2015-456 du 21 avril 2015.
● Les autres dépenses du programme « Vie politique, cultuelle et associative » prévues en 2016 sont plus modestes :
– le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) nécessiterait 5,9 millions d’euros de crédits de paiement et 44 équivalents temps plein travaillés (ETPT) ;
– les cultes bénéficieraient de 2,5 millions d’euros de crédits, correspondant à 1,9 million d’euros de subventions et à 660 000 euros de dépenses immobilières. Parmi les subventions prévues, on relèvera que 0,4 million d’euros devraient être consacrés au financement de recherches universitaires en islamologie et sur l’islam de France et que 0,2 million d’euros devraient financer des diplômes universitaires visant à améliorer la formation des imams ;
– la vie associative mobiliserait 55 000 euros de dépenses de fonctionnement destinées à la maintenance et au développement du répertoire national des associations.
SECONDE PARTIE :
LA MODERNISATION DE L’ORGANISATION DES ÉLECTIONS
Parmi les nombreuses perspectives de modernisation de l’organisation des élections, votre rapporteur pour avis souhaite apporter un éclairage particulier sur trois évolutions possibles : la réduction de la période couverte par les comptes de campagne, la dématérialisation progressive de la propagande électorale et les adaptations de notre cadre juridique aux particularités des campagnes menées à l’étranger.
Actuellement, la législation sur les comptes de campagne s’applique durant l’année précédant l’élection. Plus précisément, l’article L. 52-4 du code électoral dispose que le mandataire financier recueille les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses électorales « pendant l’année précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne du candidat ».
Cette période d’une année peut apparaître excessive pour plusieurs raisons :
– les candidatures à une élection sont rarement officialisées aussi longtemps avant le scrutin ;
– le risque d’omettre certaines dépenses ou certaines recettes dans le compte de campagne est d’autant plus grand que la période couverte par ce dernier est longue. Ce risque est particulièrement élevé dans les scrutins de liste, lorsqu’il s’agit de retracer dans le compte de campagne des dépenses engagées par les différents colistiers, avant même que le mandataire financier ait été désigné ;
– en pratique, l’essentiel des dépenses des candidats est concentré dans les derniers mois de la campagne électorale ;
– il est difficile, pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) comme pour les juridictions, de contrôler le caractère électoral de dépenses très éloignées de la date du scrutin. Rappelons que les dépenses électorales sont définies par l’article L. 52-4 précité comme celles « engagées en vue de l’élection ».
Dans son dernier rapport d’activité, publié en mars 2015, la CNCCFP suggère de réduire la durée d’application de la législation sur les comptes de campagne : « l’une des origines des mises en cause récurrentes d’élus, en particulier ceux des collectivités territoriales, portant sur l’utilisation de moyens publics par un candidat sortant, réside dans la longueur de la période de douze mois pendant laquelle les dépenses électorales doivent être recensées afin d’assurer l’exhaustivité du compte de campagne. En effet, le caractère éventuellement électoral des dépenses exposées dans les douze mois avant l’élection est souvent difficile à contrôler, alors que l’essentiel de la campagne se déroule en fait dans les trois à six derniers mois. La Commission suggère ainsi que soit étudiée la possibilité de raccourcir la période de prise en compte des dépenses électorales à six ou huit mois » (10).
Entendu par votre rapporteur pour avis, M. François Logerot, président de la CNCCFP, a souligné que la réduction de la période de prise en compte des dépenses électorales pourrait, en outre, contribuer à simplifier l’état du droit applicable aux primaires dites « ouvertes » – celles-ci se déroulant généralement plus de six mois avant le scrutin.
Rappelons que, faute de dispositions législatives spécifiques relatives aux primaires, la CNCCFP a considéré que les dépenses d’impressions et de réunions publiques, effectuées avant ou pendant la campagne d’une primaire ouverte et visant la promotion du candidat auprès des électeurs, devaient être intégrées au compte de campagne (11). Cette approche a été confirmée par le Conseil d’État dans un avis du 31 octobre 2013 (12) , selon lequel les dépenses faites par un candidat, lors d’une campagne en vue d’une élection primaire avant son investiture par un parti politique, ne peuvent s’ajouter aux dépenses de la campagne postérieure à cette investiture que « pour autant que les premières dépenses puissent être regardées comme engagées ou effectuées en vue de l’obtention des suffrages des électeurs lors de l’élection, et non de l’obtention des suffrages des seuls adhérents du parti politique auquel appartient le candidat en vue de son investiture. Tel est le cas des dépenses faites par un candidat à l’occasion d’une élection primaire ouverte à l’ensemble des électeurs de la circonscription de l’élection. Par conséquent, les dépenses engagées ou effectuées à l’occasion d’une élection primaire ouverte à l’ensemble des électeurs doivent être regardées comme engagées en vue de l’élection ».
Pour votre rapporteur pour avis, fixer à six mois la période couverte par les comptes de campagne aurait également le mérite de la simplicité. C’est, en effet, la durée aujourd’hui retenue dans le code électoral pour encadrer certaines pratiques électorales : interdiction du démarchage grâce à un numéro téléphonique gratuit ; réglementation de l’affichage et des campagnes de promotion publicitaire (articles L. 50-1, L. 51 et L. 52-1 du code électoral).
Des propositions de loi retenant une durée de six mois ont, au demeurant, déjà été déposées au sein de chaque assemblée (13).
Interrogé par votre rapporteur pour avis sur cette perspective d’évolution, le ministère de l’Intérieur a indiqué : « s’il est vrai, comme le souligne la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans son seizième rapport d’activité, que [les] dépenses [électorales] se concentrent dans les six mois précédant le scrutin, tel n’est pas le cas des recettes dont la collecte peut se dérouler plus en amont. Le Gouvernement juge, dès lors, souhaitable de ne pas modifier l’état actuel du droit ».
Il pourrait être répondu à cette objection en maintenant une période d’une année pour la collecte des recettes, tout en réduisant à six mois celle de prise en comptes des dépenses.
Afin de recueillir l’avis de l’ensemble des intéressés, votre rapporteur pour avis a interrogé les principaux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale (14). Au moment de la rédaction du présent rapport, quatre partis lui avaient adressé une réponse :
– deux d’entre eux – le Parti socialiste et Debout la France – se prononcent en faveur du statu quo ;
– Europe Écologie - Les Verts préconise de limiter la réforme à la seule élection présidentielle, au motif que, pour les autres élections, la période d’une année contribue à garantir une forme d’égalité et d’équité entre les candidats, qu’ils soient « sortants » ou non. Pour l’élection présidentielle, la période couverte par le compte de campagne pourrait être réduite à six mois, à condition toutefois de mettre en place « une législation spécifique pour les recettes et les dépenses engagées dans le cadre de l’organisation d’une primaire », afin d’éviter toute rupture d’égalité entre les partis recourant à une primaire (qui engagent des dépenses visant à faire connaitre leur projet et leur candidat) et les autres partis. Un plafond spécifique de dépenses susceptibles d’être effectuées dans le cadre d’une primaire devrait être fixé, à hauteur – par exemple – de 10 % du plafond des dépenses autorisées pour la campagne présidentielle ;
– le Parti radical de gauche suggère, au contraire, de réduire à six mois la durée d’application de la législation sur les comptes de campagne pour l’ensemble des élections, tout en maintenant une période d’une année pour la seule collecte des recettes en vue d’une élection nationale.
Votre rapporteur pour avis considère, en tout état de cause, que la réduction de la période de prise en compte des dépenses électorales ne doit pas s’accompagner d’une diminution du plafond des dépenses : celles-ci intervenant essentiellement dans les derniers mois de la campagne, leur montant total ne devrait guère être affecté par la réduction à six mois.
La prochaine élection présidentielle étant prévue au premier semestre 2017, cette réforme mériterait d’être rapidement engagée, afin d’entrer en vigueur avant le 1er avril 2016, date à partir de laquelle débuterait, en droit actuel, la prise en compte des dépenses de campagne en vue de cette élection.
La question de la dématérialisation de la propagande électorale est posée depuis plusieurs années. Elle consisterait à supprimer l’expédition par voie postale, au domicile de chaque électeur, des professions de foi (« circulaires ») et des bulletins de vote des candidats (15). Pour votre rapporteur pour avis, si les tentatives passées ont, à juste titre, été refusées par le Parlement, cette réforme mériterait d’être reconsidérée, dans la perspective d’une modernisation progressive des moyens de communication électorale.
Ces dernières années, la dématérialisation de la propagande électorale a été proposée à deux reprises au Parlement.
L’article 61 du projet de loi de finances pour 2014 visait à dématérialiser la propagande électorale aux élections européennes de mars 2014. Celui-ci a été supprimé par l’Assemblée nationale, à la suite d’amendements de M. Paul Molac, rapporteur pour avis au nom de votre commission des Lois, de Mme Danielle Auroi (amendement co-signé par le signataire de ces lignes) et de M. Damien Abad. Le Sénat a confirmé la suppression de cet article.
L’année suivante, l’article 46 du projet de loi de finances pour 2015 tendait à la dématérialisation de la propagande électorale aux élections régionales et départementales de 2015. Là encore, des amendements de suppression ont été adoptés à l’Assemblée nationale, à l’initiative du soussigné, de M. Romain Colas au nom de la commission des Finances et de MM. Jérôme Chartier, André Chassaigne et Nicolas Dupont-Aignan. Le Sénat n’a pas rétabli les dispositions en cause.
Pour votre rapporteur pour avis, ces réformes présentaient l’inconvénient de ne pas avoir été suffisamment anticipées et préparées : conçues dans une logique de réduction des coûts, elles ne permettaient pas de repenser globalement les modalités d’information des électeurs.
Deux expériences – limitées – de dématérialisation de la propagande électorale peuvent cependant être évoquées.
D’une part, cette dématérialisation est aujourd’hui en vigueur pour l’élection des conseillers consulaires et des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). L’article 21 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, expressément validé par le Conseil constitutionnel (16), dispose que :
– les électeurs sont informés de la date de l’élection, des conditions dans lesquelles ils peuvent voter ainsi que des candidats ou de la liste de candidats, « par envoi électronique ou, à défaut, par envoi postal » ;
– chaque candidat ou liste de candidats peut transmettre au ministre des Affaires étrangères une circulaire électorale « afin qu’elle soit mise à disposition et transmise aux électeurs sous une forme dématérialisée ». À compter de la date d’ouverture de la campagne électorale, les professions de foi sont mises en ligne sur les sites internet des ambassades et des postes consulaires et téléchargeables depuis un lien envoyé aux électeurs à l’adresse électronique qu’ils ont communiquée à l’administration (17).
Mises en œuvre lors des élections consulaires de mai 2014, ces dispositions ont produit un résultat mitigé en pratique. La faculté de transmettre une circulaire sous forme dématérialisée a été largement utilisée par les candidats : seules 15 des 395 listes ou candidats n’en ont pas envoyé (18). La procédure a, toutefois, présenté plusieurs lacunes :
– certaines professions de foi adressées sous forme électronique n’ont pas été reçues par l’administration consulaire, sans que les candidats ne reçoivent de message d’erreur les informant de l’échec de la transmission (19) ;
– seul un document au format « pdf » pouvait être mis en ligne, sans que celui-ci puisse comporter un lien hypertexte vers un site internet, ce qui aurait pourtant été de nature à améliorer l’information des électeurs (20) ;
– environ un tiers des électeurs n’ayant pas communiqué d’adresse électronique à l’administration, le ministère des Affaires étrangères a dû leur envoyer un courrier postal les informant de l’élection, leur transmettant les listes de candidats et les invitant à se connecter sur le site internet France Diplomatie afin d’y consulter la propagande électorale. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, l’envoi de ces courriers a coûté environ 174 000 euros. Durant le seul mois de mai 2014, la rubrique « Élections » du site France Diplomatie a été consultée par 572 380 visiteurs.
D’autre part, lors des élections départementales de mars 2015, le ministère de l’Intérieur a mis en place dans cinq départements (Allier, Aude, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique et Savoie) une expérimentation, dite « e-propagande », de dématérialisation de la propagande électorale – laquelle s’ajoutait, sans pouvoir juridiquement s’y substituer, à l’envoi de la propagande sur papier. À l’instar des élections consulaires, les éléments disponibles en ligne n’étaient rien d’autre qu’une version scannée des documents électoraux traditionnels (professions de foi et bulletins de vote).
CHAMP DE L’EXPÉRIMENTATION DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA PROPAGANDE ÉLECTORALE LORS DES ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES DE MARS 2015
Départements |
Nombre de cantons |
Nombre de binômes |
Allier |
19 |
71 |
Aude |
19 |
78 |
Ille-et-Vilaine |
27 |
122 |
Loire-Atlantique |
31 |
164 |
Savoie |
19 |
82 |
Total |
115 |
517 |
Source : ministère de l’Intérieur.
Entre le 9 et le 29 mars 2015, le site internet dédié mis en place par le ministère de l’Intérieur (21) a reçu 48 002 visites, le pic de fréquentation étant atteint le jour du premier tour (8 227 visites). Au total, 343 621 documents – professions de foi ou bulletins de vote – ont été consultés. Les graphiques ci-après précisent la répartition par département.
Premier tour | |
Second tour |
Source : ministère de l’Intérieur.
Selon les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur pour avis, cette expérimentation devrait être reconduite, à l’échelle nationale, lors des élections régionales de décembre 2015.
Les investissements informatiques préalables à cette expérimentation, tant pour les scrutins départementaux que pour les élections régionales, ont représenté une dépense d’environ 2,7 millions d’euros.
Pour votre rapporteur pour avis, l’idée d’une dématérialisation de la propagande électorale mériterait d’être réétudiée : pour inévitable qu’elle soit à plus ou moins long terme, une telle réforme ne peut être réalisée que de façon progressive, sur une base volontaire de la part de l’électeur et en définissant des alternatives attractives au traditionnel support papier.
Même si l’intérêt financier ne doit pas être l’unique moteur de cette réforme, l’on doit rappeler que la propagande électorale a aujourd’hui un coût financier non négligeable. L’État prend, en effet, en charge :
– les frais liés à la mise sous pli des bulletins de vote et des professions de foi. Le respect des normes fixées par le code électoral est contrôlé, dans les communes de plus de 2 500 habitants, par des « commissions de propagande » (22). La mise sous pli est effectuée par les services des préfectures ou, de plus en plus souvent, externalisée ;
– l’affranchissement des enveloppes servant à l’expédition des bulletins de vote et des professions de foi ;
– le remboursement forfaitaire aux candidats des coûts occasionnés par la propagande électorale. S’ils ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés (23), les candidats bénéficient du remboursement du coût du papier et de l’impression des circulaires et bulletins de vote (24).
Ainsi, lors des élections présidentielle et législatives de 2012, les dépenses afférentes à la propagande électorale ont atteint 203 millions d’euros, soit environ 46 % des dépenses de l’État liées à l’organisation de ces scrutins (voir le tableau ci-après).
DÉPENSES LIÉES À LA PROPAGANDE ÉLECTORALE
AUX ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLE ET LÉGISLATIVES DE 2012
Type de dépenses |
Montant |
Proportion |
Frais de la commission de propagande (fonctionnement et mise sous pli) |
61 469 231 € |
30,3% |
Acheminement de la propagande (dépenses postales) |
86 660 730 € |
42,7% |
Remboursements des candidats |
54 938 967 € |
27,0% |
Total |
203 068 928 € |
100% |
Source : Inspection générale de l’administration, Moderniser l’organisation des élections, octobre 2014.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès du ministère de l’Intérieur, la dématérialisation complète de la propagande électorale aux élections présidentielle et législatives de 2017 pourrait engendrer des économies d’environ 156 millions d’euros (voir le tableau ci-après). Précisons qu’il s’agit d’économies brutes, qui ne prennent pas en compte les éventuels coûts supplémentaires, liés à la conception et à l’entretien de sites internet ou aux campagnes de communication visant à compenser l’absence de propagande sur papier.
ÉCONOMIES POTENTIELLES EN CAS DE DÉMATÉRIALISATION DE LA PROPAGANDE ÉLECTORALE AUX ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLE ET LÉGISLATIVES DE 2017
(en millions d’euros)
Dépenses de personnel |
Autres dépenses |
Total | |
Élection présidentielle |
|||
Frais de la commission de propagande |
8,9 |
7,1 |
16 |
Acheminement de la propagande |
– |
48 |
48 |
Remboursement de la propagande |
– |
29 |
29 |
Total élection présidentielle |
8,9 |
84,1 |
93 |
Élections législatives |
|||
Frais de la commission de propagande |
9,5 |
7,5 |
17 |
Acheminement de la propagande |
– |
36 |
36 |
Remboursement de la propagande |
– |
10 |
10 |
Total élections législatives |
9,5 |
53,5 |
63 |
TOTAL |
18,4 |
137,6 |
156 |
Source : ministère de l’Intérieur.
Une évaluation du même ordre a été réalisée par l’inspection générale de l’administration (IGA) et le contrôle général économique et financier (CGEFi) dans un rapport sur l’organisation des élections élaboré dans le cadre de la procédure de « revue de dépenses » : l’économie nette possible en 2017 serait de 150 millions d’euros, en tenant compte des coûts liés à l’envoi d’un courrier d’information aux électeurs, à la mise en place du système d’information permettant l’accès à la propagande dématérialisée et à l’organisation d’une campagne de communication à l’intention des citoyens (25).
Au-delà de l’enjeu financier, la dématérialisation de la propagande électorale permettrait également de réduire la consommation de papier et les émissions de gaz à effet de serre liées au transport et à l’envoi des documents sur papier. La propagande envoyée aux électeurs lors des élections législatives de 2012 représentait ainsi 5 000 tonnes de papier.
Par ailleurs, comme l’ont souligné auprès de votre rapporteur pour avis M. Marc Drouet, adjoint à la directrice de la modernisation et de l’action territoriale du ministère de l’Intérieur, et M. Marc Tschiggfrey, chef du bureau des élections et des études politiques (26), une version dématérialisée de la propagande électorale permettrait de porter celle-ci à la connaissance des citoyens beaucoup plus tôt qu’aujourd’hui – les documents sur papier ne parvenant généralement aux électeurs que très peu de jours avant l’élection.
Votre rapporteur pour avis considère que la réforme de la propagande doit surtout fournir l’occasion d’améliorer l’accès des citoyens aux informations en matière électorale, en enrichissant leur contenu et en élargissant leurs modalités de diffusion. C’est tout particulièrement cette absence d’alternative crédible à la distribution au format papier qui a justifié, aux yeux du signataire de ces lignes, l’opposition aux réformes proposées dans les projets de loi de finances pour 2014 et pour 2015.
Entendus par votre rapporteur pour avis, Mme Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration, et M. Louis Pauty, chargé de mission à l’inspection générale de l’administration, auteurs d’un rapport intitulé « Moderniser l’organisation des élections » (27), ont fait de la mise en place d’une contrepartie pertinente et attrayante à la suppression de la propagande sur papier l’une des conditions de réussite de la réforme (voir la procédure envisagée dans l’encadré ci-après).
Procédure envisagée de mise en ligne de la propagande
1) Lors du dépôt de sa candidature en préfecture, le candidat se voit remettre un code d’accès au web-service de téléchargement de la propagande officielle.
2) A partir de ce web service, avec un accès internet classique, le candidat construit une page internet en suivant les prescriptions techniques imposées (texte de présentation, vidéos, liens internet, photos, documents PDF). Il peut aussi, s’il ne maîtrise pas les outils proposés, fournir un document imprimé qui sera scanné et mis en ligne par la préfecture.
3) Le bureau « élections » de la préfecture reçoit une notification lui indiquant la disponibilité de la propagande. Il dispose d’un délai limité pour en valider la conformité. Dans l’hypothèse où la préfecture ne valide pas la propagande, cette décision est notifiée au candidat qui peut la contester devant le tribunal administratif.
4) La validation de la propagande entraîne sa mise en ligne immédiate.
Source : Inspection générale de l’administration, Moderniser l’organisation des élections, octobre 2014.
Pour votre rapporteur pour avis, le site internet consacré à la propagande électorale devrait être accessible à tous, quel que soit le terminal utilisé (ordinateur, tablette, smartphone) et son contenu devrait être facilement diffusable sur les réseaux sociaux. Au lieu d’un simple document inactif, il conviendrait de pouvoir y intégrer des liens hypertexte, des images ou des vidéos et, à terme, de permettre la comparaison entre les programmes des différents candidats.
Afin de permettre une application progressive de cette réforme et de tenir compte de la persistance d’une fracture numérique dans notre pays, la dématérialisation de la propagande électorale pourrait, dans un premier temps, ne se faire que dans le cadre d’un mécanisme de volontariat : suffisamment tôt en amont de l’élection, les citoyens pourraient déclarer, sur un site internet du ministère de l’Intérieur, opter pour l’absence d’envoi à leur domicile de la propagande électorale sous forme imprimée. Une campagne d’information et d’incitation au vote serait également nécessaire, dans la presse (y compris, le cas échéant, dans les journaux municipaux d’information), par voie audiovisuelle et sur internet.
Une alternative à ce dispositif déclaratif – lequel a la préférence de votre rapporteur pour avis – consisterait à maintenir un accès à la propagande électorale sur papier dans certains lieux publics, tels que les préfectures, les sous-préfectures ou les mairies.
Une suppression totale de la distribution de la propagande électorale sur papier serait possible à terme, après avoir laissé le temps aux mentalités d’évoluer au fil des scrutins. À l’heure actuelle, la dématérialisation de la propagande électorale fait encore débat au sein du corps électoral : selon une enquête d’opinion réalisée à la demande de l’Inspection générale de l’administration, 52 % des électeurs interrogés accepteraient de recevoir une version dématérialisée de la propagande électorale à la place d’une version imprimée. Cette proportion serait portée à 78 % si la dématérialisation s’accompagnait d’une mise à disposition sur papier dans un lieu public (28).
Élu de la deuxième circonscription des Français établis hors de France, votre rapporteur pour avis sait d’expérience que les campagnes électorales menées à l’étranger présentent plusieurs spécificités, tant du point de vue budgétaire qu’au plan juridique. Toutefois, ces spécificités sont aujourd’hui insuffisamment prises en compte par la législation et la réglementation applicables aux élections.
Les dépenses liées à l’organisation des élections à l’étranger sont réparties entre :
– le ministère de l’Intérieur, qui prend en charge, au moyen des crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriales de l’État », les dépenses relatives à l’organisation matérielle du scrutin (opérations logistiques, financements des différentes modalités de vote, soirées électorales, matériel électoral) ;
– le ministère des Affaires étrangères et du développement international, qui règle les dépenses spécifiques aux activités consulaires, sur les crédits du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » de la mission « Action extérieure de l’État ».
Le tableau ci-après détaille, depuis 2011, les dépenses liées à l’organisation des élections auxquelles participent les Français de l’étranger.
DÉPENSES SPÉCIFIQUES AUX FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER
LORS DES ÉLECTIONS ORGANISÉES DEPUIS 2012
(crédits de paiement, en euros)
ANNÉE - ÉLECTION |
OBJET DE LA DÉPENSE |
MONTANT |
2011 |
Vacations |
600 000 |
Crédits délégués aux postes consulaires |
775 606 | |
Communication |
655 835 | |
Formations |
34 296 | |
Mise à jour des logiciels consulaires |
828 164 | |
Vote électronique |
1 469 403 | |
Total 2011 |
4 363 304 | |
2012 |
Vacations |
823 785 |
Crédits délégués aux postes consulaires |
2 170 068 | |
Communication |
505 352 | |
Formations |
149 082 | |
Mission élection hors formation |
6 304 | |
Mise à jour des logiciels consulaires |
510 000 | |
Vote électronique |
1 854 811 | |
Achat et envoi matériel bureaux de vote |
71 649 | |
Envoi propagande élection présidentielle |
2 476 820 | |
Envoi propagande élections législatives |
2 757 559 | |
Permanences en centrale |
357 699 | |
Envois électeurs hors propagande |
531 129 | |
Total 2012 |
|
12 214 258 |
Total 2011 + 2012 |
|
16 577 562 |
2013 |
Vacations |
77 708 |
Crédits délégués aux 29 postes consulaires concernés |
211 323 | |
Vote électronique |
847 777 | |
Envoi propagande |
575 009 | |
Permanences en centrale |
110 395 | |
Total 2013 |
|
1 822 212 |
2014 |
Vacations |
424 936 |
Crédits délégués aux postes consulaires (élections européennes) |
578 881 | |
Crédits délégués aux postes consulaires (élections consulaires) |
264 686 | |
Communication |
187 281 | |
Vote électronique |
1 262 754 | |
Achat du matériel et envoi aux bureaux de vote |
101 296 | |
Envoi propagande élections consulaires |
188 949 | |
Envoi propagande élections européennes |
1 948 412 | |
Permanences en centrale (dépenses diverses) |
66 484 | |
Permanences en centrale (indemnisation agents) |
5 382 | |
Total 2014 |
|
5 029 061 |
2015 |
Stockage du matériel électoral |
2 950 |
Crédits délégués aux postes consulaires |
180 850 | |
Remboursement frais campagne par les postes |
7 368 | |
Vote électronique |
13 082 | |
Total 2015 |
|
204 250 |
Source : ministère des Affaires étrangères.
En 2012, les élections présidentielle et législatives organisées à l’étranger avaient posé plusieurs difficultés, à la fois dans leur déroulement pratique et dans l’application des règles juridiques en vigueur (29). Votre rapporteur pour avis regrette qu’à moins de deux ans des élections de 2017, la plupart de ces difficultés n’aient pas trouvé de solution.
En 2012, environ 10 000 Français inscrits sur les listes électorales consulaires, rentrés en France, ont pensé – à tort – pouvoir voter dans leur commune française de rattachement. Or, en application de l’article 8 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, lorsqu’un électeur a opté pour le vote à l’étranger, ce choix est indiqué sur la liste électorale et son droit de vote en France ne peut plus s’exercer tant que son nom apparaît sur la liste électorale consulaire (30).
En outre, en cas de retour définitif en France, la radiation des listes consulaires n’est pas automatique : elle suppose une demande expresse en ce sens. Or, nombre d’expatriés ont supposé que le simple fait d’avoir quitté leur ancien pays de résidence suffisait à rétablir leur droit de voter dans une commune française.
En conséquence, le Conseil constitutionnel a autorisé, en liaison avec le ministère de l’Intérieur, la mise en place d’une procédure exceptionnelle et dérogatoire, qui a permis à plus de 10 000 électeurs rentrés en France d’exercer leur droit de vote. Dans ses observations sur le déroulement de l’élection présidentielle formulées les 14 et 21 juin 2012, le Conseil rappelle que ce problème s’était déjà posé en 2007 : « La répétition du même dispositif d’urgence, qui souligne l’acuité des difficultés rencontrées, ne saurait constituer une solution pérenne. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel invite les pouvoirs publics à une réflexion globale sur le dispositif retenu qui autorise l’inscription simultanée d’un même électeur sur deux listes électorales, municipale en France et consulaire à l’étranger ».
Il pourrait être remédié à ces difficultés par différentes voies. À législation constante, il conviendrait de mieux informer les Français établis hors de France sur les implications d’une inscription sur les listes électorales consulaires. Si le législateur organique décidait de modifier la loi organique du 31 janvier 1976 précitée, il pourrait soit prévoir que toute désinscription du registre des Français de l’étranger entraîne de plein droit la radiation des listes électorales consulaires, soit supprimer la possibilité d’une double inscription sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale en France.
Le cas particulier des élections européennes mériterait également d’être revu : en mai 2014, certains électeurs français résidant dans un autre État membre de l’Union européenne ont été inscrits, parfois à leur insu, sur la liste électorale complémentaire de cet État, les privant en conséquence de la possibilité de participer à l’élection – en France ou dans un poste consulaire – des représentants français au Parlement européen (31).
Les Français établis hors de France disposent d’une pluralité de modes d’expression de leur pouvoir de suffrage. À toutes les élections nationales, ils peuvent voter à l’urne – personnellement ou par procuration – dans des bureaux de vote ouverts dans les ambassades ou les postes consulaires (32). Toutefois, d’autres modalités de vote sont possibles et varient d’une élection à l’autre (voir le tableau récapitulatif ci-après).
Ainsi, le vote électronique – par internet – est applicable aux élections consulaires et aux élections législatives, mais pas lors des autres types de scrutin. Quoique supprimé au plan national depuis 1975, le vote par correspondance postale n’est plus possible que pour élire les députés des Français de l’étranger (33) – cette modalité de vote ayant été écartée en 2013 pour l’élection des conseillers consulaires (34). Pour les élections au suffrage indirect (conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et sénateurs représentant les Français établis hors de France) existe, en outre, la faculté de voter par remise de pli à l’administration : le membre du collège électoral concerné vote, par anticipation, en remettant à un fonctionnaire son enveloppe contenue au sein d’un pli, acheminé jusqu’au bureau de vote à Paris par l’administration consulaire, à qui il incombe ensuite d’introduire l’enveloppe dans l’urne (35).
LES MODALITÉS DE VOTE OUVERTES AUX ÉLECTEURS FRANÇAIS À L’ÉTRANGER
Scrutin concerné |
Vote à l’urne |
Vote par correspondance électronique |
Vote par correspondance postale |
Vote par remise de pli à l’administration |
Élection du Président de la République |
Oui |
Non |
Non |
Non |
Référendum national | ||||
Élection des députés |
Oui |
Oui | ||
Élection des sénateurs |
Non |
Non |
Oui | |
Élection des représentants au Parlement européen |
Non | |||
Élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger |
Non |
Oui | ||
Élection des conseillers consulaires |
Oui |
Non |
Source : MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, rapport d’information au nom de la commission des Lois du Sénat sur le vote électronique, n° 445, avril 2014.
Une réflexion mériterait d’être menée, afin de simplifier et d’harmoniser ces différentes formes de vote. À tout le moins, le vote par correspondance postale pour l’élection de députés des Français de l’étranger apparaît comme une survivance qui n’a sans doute plus lieu d’être.
Par ailleurs, des progrès restent à accomplir dans la procédure de vote électronique. Les élections législatives de 2012 avaient été marquées par plusieurs incidents, en particulier :
– des difficultés d’acheminement des instruments d’authentification des électeurs (identifiant et mot de passe) ;
– des problèmes techniques, liés à l’absence de compatibilité de certaines versions du logiciel Java avec le dispositif de sécurité mis en place pour le vote.
Entendu par votre rapporteur pour avis, M. Christophe Bouchard, directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, a indiqué qu’un nouveau marché était en cours de passation, en vue de mettre fin à ces difficultés d’accès au vote. Le futur système de vote électronique sera permanent, alors qu’un nouveau dispositif est aujourd’hui mis en place préalablement à chaque scrutin. Le bureau du vote électronique – chargé de veiller au bon déroulement des opérations électorales et de vérifier l’effectivité des mesures de sécurité prévues pour assurer le secret du vote, la sincérité du scrutin et l’accessibilité au suffrage – sera désormais commun à l’ensemble des élections (36).
Votre rapporteur pour avis souhaite qu’une attention toute particulière soit portée à l’ergonomie de la nouvelle interface électronique, spécialement pour les fonctionnalités offertes aux candidats. À l’instar de la nécessité, déjà évoquée, de développer une alternative attractive à la propagande électorale sur papier (37), il importe d’alléger les contraintes techniques, afin de donner aux candidats une certaine marge de liberté quant au format des documents électoraux susceptibles d’être mis en ligne.
Enfin, il convient de se féliciter de la récente simplification de la procédure de transmission des procurations établies hors de France : les postes consulaires pourront désormais les envoyer directement aux mairies situées en France, sous une forme dématérialisée – alors que les délais d’acheminement par voie postale interdisent aujourd’hui à certains électeurs de participer au scrutin, faute de réception en temps utile de la procuration par les communes concernées (38).
En 2012, l’élection des députés par les Français établis hors de France a révélé l’inadaptation de certaines dispositions du code électoral.
En témoignent un taux de rejet des comptes de campagne par la CNCFFP bien supérieur pour les élections à l’étranger que dans les autres circonscriptions (respectivement 19,5 % et 1,8 % de rejet : voir le tableau ci-après), ainsi que l’annulation, par le Conseil constitutionnel, des élections de Mme Corinne Narassiguin et de Mme Daphna Poznanski-Benhamou, dans les 1ère et 8e circonscriptions des Français de l’étranger (39).
SENS DES DÉCISIONS DE LA CNCCFP SUR LES COMPTES DE CAMPAGNE
DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DE 2012 PAR TYPE DE CIRCONSCRIPTIONS
Candidats dans les circonscriptions de l’étranger |
Candidats dans les autres circonscriptions | |||
Nombre de comptes |
Pourcentage du total |
Nombre de comptes |
Pourcentage du total | |
Approbation |
39 |
34,5 % |
2 018 |
48,9 % |
Approbation après modulation |
– |
– |
5 |
0,1 % |
Approbation après réformation |
49 |
43,4 % |
2 019 |
48,9 % |
Approbation après réformation et modulation |
3 |
2,6 % |
14 |
0,3 % |
Rejet |
22 |
19,5 % |
73 |
1,8 % |
Total |
113 |
– |
4 129 |
– |
Source : CNCCFP.
Les élections à l’étranger sont caractérisées par des circonscriptions très étendues (engendrant d’importants frais de transport) et qui comportent parfois un nombre important d’États. Cette situation rend plus difficiles le règlement des dépenses de campagne (certains paiements ne pouvant être effectués depuis le compte bancaire situé en France) et les encaissements de recettes (à la suite de levées de fonds) et occasionne des frais bancaires internationaux.
Ces contraintes pourraient être partiellement surmontées en facilitant l’obtention par le mandataire financier d’une carte bancaire permettant des paiements par internet ou, dans l’attente de la délivrance de moyens de paiement, en recourant davantage aux virements bancaires.
Au-delà, il conviendrait de renforcer les pouvoirs des « mandataires délégués », désignés en application du premier alinéa de l’article L.O. 330-6-1 du code électoral. Ces dispositions permettent au mandataire financier – unique pour chaque candidat – d’autoriser une personne par pays à régler certaines dépenses, ayant vocation à être remboursées par le mandataire. En 2012, seuls 15 % des candidats ont eu recours à un ou plusieurs de ces mandataires délégués.
Pour votre rapporteur pour avis, ces mandataires délégués devraient désormais être autorisés à régler directement toute dépense locale liée à la campagne, avant de se faire rembourser par le mandataire financier depuis le compte bancaire ouvert en France. Alors qu’il n’apparaît aujourd’hui que comme un « sous-mandataire », le mandataire délégué deviendrait ainsi un mandataire de plein exercice. Les rejets de compte de campagne liés à des paiements directs de dépenses électorales effectués par les candidats devraient, en conséquence, devenir plus rares (40).
Le cas échéant, ces mesures pourraient être complétées par la définition, par le législateur, d’une fraction de dépenses susceptibles d’être réglées directement par le candidat. Dès lors qu’elle s’analyserait en une forme de « marge de tolérance », cette fraction, exprimée en pourcentage du total des dépenses, ne pourrait être que limitée (41).
Par ailleurs, le deuxième alinéa de l’article L. 330-6-1 du code électoral permet aujourd’hui, dans certains États, de déroger à la règle du compte bancaire unique, nécessairement ouvert en France (42). Cette possibilité n’est ouverte que dans les États, énumérés par arrêté ministériel, dans lesquels la monnaie n’est pas convertible, dans ceux où les transferts financiers en France sont impossibles et dans « ceux où existe un contrôle des changes faisant obstacle en tout ou partie aux transferts nécessaires aux dépenses électorales » (43).
Ces dispositions appellent deux remarques.
D’une part, en raison des législations et pratiques locales dans certains États, l’ouverture d’un compte bancaire s’avère souvent soit impossible (faute de satisfaction de la condition de résidence dans le pays concerné), soit très longue (du fait de la mise en œuvre de procédures particulières).
D’autre part, l’élargissement de la faculté d’ouvrir des comptes bancaires à l’étranger mériterait d’être étudié : il est paradoxal de limiter cette possibilité à une liste limitative d’États, dans lesquels la fiabilité et la transparence des procédures financières sont parfois moindres que dans d’autres États dans lesquels toute ouverture de compte est prohibée.
Enfin, les variations de taux de change peuvent substantiellement peser sur l’établissement des comptes de campagne. Les dépenses réglées en monnaie locale par le mandataire délégué doivent être inscrites dans le compte de campagne après une conversion en euros effectuée selon le taux de change, dit « taux de chancellerie », en vigueur le premier jour du douzième mois précédant l’élection (44). Entre cette date et l’établissement définitif du compte de campagne, la variation à la hausse du taux de change conduit le candidat à déclarer ses dépenses à un niveau inférieur à ce qui a effectivement été payé, ce qui revient à réduire le montant du remboursement. En sens inverse, une baisse du taux de change pourrait conduire à déclarer des dépenses supérieures à la réalité, de nature à rendre le compte déficitaire et justifier son rejet en application de l’article L. 52-12 du code électoral.
Entendu par votre rapporteur pour avis, M. François Logerot, président de la CNCCFP, a recommandé de fixer le taux de chancellerie à une date plus proche du scrutin, ce qui limiterait les risques de variation des taux de change. Il a suggéré de s’inspirer de la doctrine fiscale applicable aux entreprises françaises ayant une activité à l’étranger, selon laquelle la TVA est calculée au vu du taux de change du dernier jour du mois (45).
Enfin, il convient de souligner que beaucoup des difficultés qui précèdent seraient atténuées si, à l’étranger comme en France, les comptes de campagne s’étendaient sur une période plus courte qu’aujourd’hui (46).
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS FORMULÉES
Proposition n° 1 :
Procéder, à moyen terme, au renforcement des ressources humaines, budgétaires et matérielles de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CCCFP).
Proposition n° 2 :
Réduire la durée d’application de la législation sur les comptes de campagne à six mois, conformément à la proposition émise par la CNCCFP.
Proposition n° 3 :
Initier une réflexion pour donner un cadre légal aux primaires que les partis organisent pour choisir leur candidat à l’élection présidentielle.
Proposition n° 4 :
Mettre en place un mécanisme de volontariat dans le cadre des expérimentations menées sur la dématérialisation des documents de propagande électorale. Suffisamment tôt en amont de l’élection, les citoyens pourraient, sur un site internet du ministère de l’Intérieur, opter pour l’absence d’envoi à leur domicile de la propagande électorale sous forme imprimée. Une campagne d’information et d’incitation au vote serait organisée dans la presse (y compris, le cas échéant, dans les journaux municipaux d’information), par voie audiovisuelle et sur internet.
Proposition n° 5 :
Mener une réflexion globale sur le dispositif autorisant l’inscription simultanée d’un même électeur sur deux listes électorales, en France et à l’étranger, et sur la double inscription dans le cadre des élections européennes.
Proposition n° 6 :
Supprimer le vote par correspondance postale pour l’élection des députés des Français établis hors de France, afin d’harmoniser les modalités de vote à l’étranger – le Parlement ayant supprimé le vote par correspondance pour l’élection des conseillers consulaires.
Proposition n° 7 :
Renforcer les pouvoirs des mandataires financiers délégués pendant la campagne de l’élection des députés des Français établis hors de France.
Proposition n° 8 :
Pour l’établissement des comptes de campagne des candidats à l’élection des députés des Français établis hors de France, retenir le taux de change du premier jour du sixième mois précédant l’élection.
Lors de sa réunion du mardi 27 octobre 2015, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2016.
M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La mission « Administration générale et territoriale de l’État » constitue le cadre budgétaire de gestion des moyens humains, matériels et financiers dont dispose le ministère de l’intérieur afin d’assumer trois de ses responsabilités fondamentales : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques ; assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire national ; mettre en œuvre à l’échelon local les politiques publiques nationales.
Le projet de loi de finances pour 2016 propose de consacrer à l’ensemble de ces actions environ 2,52 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,54 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse des crédits de 12,33 % en autorisations d’engagement et de 12,51 % en crédits de paiement – chiffres qui ne tiennent pas compte des amendements déposés par le Gouvernement. Ce constat de diminution doit cependant être nuancé. La diminution observée tient, pour une part non négligeable, à la réduction des dépenses du programme 232, qui varie sensiblement en fonction du calendrier des scrutins électoraux ; aucun scrutin n’est prévu en 2016.
Après examen du projet annuel de performance, nous pouvons considérer que les crédits de la mission répondent, pour l’essentiel, à deux impératifs : prendre leur juste part à l’effort de réduction des déficits publics ; optimiser l’utilisation des ressources, sans préjudice pour le service rendu à l’usager et pour les devoirs qu’il incombe à l’État d’assumer sur l’ensemble du territoire. La rationalisation de la dépense publique ne saurait se résumer à une gestion comptable des effectifs et des moyens. Félicitons-nous donc du fait qu’un chemin de réforme ait été tracé en ce qui concerne le réseau préfectoral, notamment dans le cadre du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) et de la réforme de l’administration territoriale. Il importe aujourd’hui de donner corps aux nouvelles perspectives ouvertes par le Gouvernement en formalisant les réflexions engagées et en menant à bien les modernisations nécessaires. Cette exigence vaut tant pour l’organisation de l’administration territoriale que pour celle des fonctions support du ministère de l’intérieur et celle des scrutins électoraux, et c’est précisément sur ces sujets, monsieur le ministre, que je souhaite vous interroger.
Le ministère de l’intérieur a obtenu une atténuation de l’application du schéma d’emploi pour l’exercice 2016, en contrepartie de l’engagement d’une réforme structurelle de l’organisation des missions du réseau préfectoral dans le cadre du PPNG. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser l’état de la concertation en cours avec les organisations syndicales, ainsi que les principales conclusions des six groupes de travail thématiques constitués pour réfléchir aux modalités de mise en œuvre du PPNG ?
Reposant sur une redéfinition des missions prioritaires et des méthodes de travail des services, ce plan comporte notamment une réforme des procédures de délivrance des titres visant à réduire les démarches qui nécessitent un passage au guichet des préfectures. Selon les estimations du ministère, cette réorganisation permettrait de libérer 2 000 équivalents temps plein (ETP) de tâches inhérentes à la délivrance des titres et d’en redéployer 700 sur les autres missions prioritaires. À terme, pour quelles démarches faudrait-il encore passer au guichet des préfectures ? Par ailleurs, quelles mesures sont envisagées afin d’assurer la formation et la reconversion des agents appelés à travailler sur les plateformes assurant le traitement des demandes des titres ?
J’en viens à la réforme de l’administration territoriale. Pourriez-vous nous préciser les principales orientations arrêtées en ce qui concerne l’implantation des directions régionales, la spécialisation des sites par métier et la mutualisation et la rationalisation des moyens de fonctionnement ?
Au niveau infradépartemental, à la suite du remaniement de la carte des sous-préfectures en Alsace-Moselle, le ministère de l’intérieur a demandé aux préfets, sur d’autres parties du territoire, de présenter des propositions relatives au maillage des sous-préfectures. Je souhaite connaître les suites que le Gouvernement entend donner à ces travaux, et le rôle qui sera attribué demain aux sous-préfets dans le cadre de la réorganisation de l’administration territoriale de l’État. Plus spécifiquement, comment le Gouvernement souhaite-t-il articuler le réseau des préfectures et sous-préfectures avec la mise en œuvre des schémas départementaux d’accessibilité des services au public ?
Le projet annuel de performances fait état de résultats pour le moins inégaux en ce qui concerne l’organisation des élections au meilleur coût, dans le cadre du programme 232. Comment assurer l’efficience de la dépense publique dans l’accomplissement de cette mission essentielle ? Le Gouvernement a-t-il de nouveaux éléments à apporter au débat sur la dématérialisation de l’envoi de la propagande électorale ? Comme l’an dernier, je considère qu’elle pourrait connaître une première mise en œuvre lors du prochain scrutin présidentiel, compte tenu de la visibilité de cette élection structurante pour la vie politique française.
M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour les programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». En tant que rapporteur pour avis des programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », je me suis plus particulièrement penché, cette année, sur les conséquences, pour les services déconcentrés de l’État, des fusions de régions qui interviendront le 1er janvier 2016. La France métropolitaine comptera alors douze régions, au lieu des vingt et une régions actuelles, la Corse étant, elle, une collectivité territoriale à statut particulier.
L’administration territoriale de l’État a déjà connu de nombreuses évolutions et plusieurs réformes ces dernières années, dans un contexte de réduction des effectifs. La création des nouvelles régions obligera à de nouvelles réorganisations des services déconcentrés : les fusions de régions entraîneront des fusions de services, mais aussi de nombreuses réorganisations, qui s’étaleront de 2016 à 2018. Cette réforme est censée entraîner des économies, mais elle aura également un coût en termes d’accompagnement indemnitaire des agents et de nouveaux investissements.
Cela m’amène à une première série de questions. Quelles mesures d’accompagnement prévoyez-vous – en termes financiers ou de ressources humaines – en faveur des agents concernés par des réorganisations de services ? Dans quelle mesure les économies et les dépenses supplémentaires liées aux réorganisations de l’administration territoriale de l’État sont-elles prises en compte dans la construction du projet de loi de finances pour 2016 ? Au total, quelles économies nettes pouvons-nous attendre sur la période 2016-2018 ?
Un autre enjeu de la réforme sera, dans de nouvelles régions parfois très grandes, de maintenir une certaine proximité des services de l’État et d’empêcher une dévitalisation de certains territoires. Comment cette problématique de l’équilibre des territoires est-elle traitée dans la réorganisation de l’administration territoriale de l’État ? Quelles sont les règles retenues en matière d’implantation des sites des différents services de l’État ? Dans quelle mesure les redéploiements d’effectifs au niveau régional bénéficieront-ils au niveau départemental ? Plus généralement, quelles évolutions connaîtront les administrations départementales de l’État ?
La réorganisation de l’administration territoriale, dans le contexte des nouvelles grandes régions, pose également la question du rôle des préfets de région. Les fusions de régions entraîneront mécaniquement la disparition de neuf postes de préfets de région. On peut toutefois s’interroger sur la pertinence du maintien de la règle selon laquelle le préfet de région est le préfet du département où est situé le chef-lieu de la région. Dans le cadre de grandes régions, aux compétences renforcées, le cumul de ces deux fonctions paraît plus difficile à justifier qu’aujourd’hui. Comment envisagez-vous l’évolution du rôle des préfets de région dans les années à venir ? Pourquoi ne pas avoir mis fin à cette pratique actuelle du cumul ?
Mes dernières questions n’ont pas de lien direct avec les fusions de régions.
Un décret du 15 mai 2015 a modifié le statut des préfets, en particulier en supprimant la position dite « hors cadre », critiquée à plusieurs reprises, notamment par la Cour des comptes, qui s’était inquiétée en 2014 d’une « dérive des effectifs » des préfets hors cadre. Cependant, il crée de nouveaux types d’affectation des préfets en dehors de postes territoriaux. Les préfets peuvent ainsi : être nommés « conseillers du Gouvernement pour accomplir des missions auprès des pouvoirs publics », ou bien être affectés dans une administration centrale du ministère de l’intérieur ou du ministère des outre-mer ou dans un cabinet ministériel, ou encore devenir membres du Conseil supérieur de l’administration territoriale de l’État, devenu Conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE). On ne mesure donc pas très bien ce que change concrètement ce décret. Je souligne d’ailleurs que, le 1er octobre dernier, on comptait plus de préfets sans affectation territoriale – ils étaient 128 – que de préfets affectés à un poste territorial – ils étaient 127. Au-delà de la suppression de la position « hors cadre », que change donc, monsieur le ministre, ce décret du 15 mai 2015 ?
Enfin – la question est devenue quasi rituelle au sein de la commission élargie consacrée à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » –, où en est la réflexion sur l’évolution des sous-préfectures ? De nouvelles expérimentations, semblables à celles menées en Alsace en 2014, ne devaient-elles pas être annoncées par le Gouvernement d’ici à la fin de cette année ?
M. Sergio Coronado, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Permettez-moi tout d’abord de me réjouir du maintien du financement public des partis politiques à son niveau actuel. L’enveloppe prévue pour 2016 est effectivement de 68,7 millions d’euros, comme en lois de finances pour 2014 et pour 2015. Le financement public des partis avait été réduit de près de 10 % en loi de finances pour 2013 et de 5 % en loi de finances pour 2012. Sa stabilité ultérieure est due à un amendement que j’avais déposé, et que nous avions adopté en faisant preuve d’un bel unanimisme.
Le thème de mon rapport pour avis est, cette année, la modernisation de l’organisation des élections. Aucun scrutin n’étant prévu en 2016, c’est l’occasion de réfléchir à une évolution, afin d’éviter que ne se reproduisent en 2017 certaines difficultés rencontrées lors des précédents scrutins. Ce très vaste sujet a déjà suscité plusieurs contributions, tout particulièrement celle de Romain Colas, auteur d’un récent rapport d’information, et des projets de réforme sous la houlette du très actif président de notre commission des lois.
Je m’en suis, pour ma part, tenu à trois aspects de la question, sur lesquels j’interrogerai M. le ministre.
Le premier est la durée d’application de la législation sur les comptes de campagne. La durée de la période pendant laquelle les dépenses doivent être intégrées aux comptes de campagne est aujourd’hui d’une année pour l’ensemble des élections. À plusieurs reprises, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), présidée par M. François Logerot, a recommandé de la réduire à six mois, notamment parce que l’essentiel des dépenses se concentre dans les derniers mois de la campagne. Si nous souhaitons suivre cette recommandation lors des prochaines élections présidentielle et législatives, il faut évidemment que le Gouvernement ou le Parlement s’en saisissent très rapidement. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Le deuxième aspect de la question auquel je me suis intéressé est la dématérialisation de la propagande électorale. À plusieurs reprises, l’Assemblée nationale a rejeté les propositions du Gouvernement tendant à supprimer l’envoi aux électeurs, par la poste, des bulletins de vote et professions de foi des candidats aux élections européennes, régionales et départementales. À titre personnel, j’estimais que les dispositions proposées étaient conçues uniquement dans une logique d’économies budgétaires et qu’elles entraînaient un basculement trop brutal vers une procédure totalement électronique.
Cette année, le projet de loi de finances lui-même ne comporte aucune disposition sur cette question, mais l’une de ses annexes – le « jaune » consacré à la « revue de dépenses » – fait état d’une possible réforme d’ici aux élections présidentielle et législatives de 2017. L’économie attendue serait d’environ 150 millions d’euros.
Sur le fond, je ne suis pas hostile à la dématérialisation de la propagande électorale. Elle est d’ailleurs déjà en vigueur pour l’élection des conseillers consulaires à l’étranger, et connaît à ce titre des fortunes diverses. Elle avait été partiellement mise en œuvre lors de l’élection des députés des Français de l’étranger.
Cependant, pour qu’elle puisse être étendue à d’autres scrutins, deux conditions me semblent nécessaires. Il faudrait, tout d’abord, proposer une démarche progressive, sur la base du volontariat, en permettant aux électeurs qui le souhaitent d’opter pour une propagande électorale sous forme électronique plutôt que sur papier. Il s’agit, ensuite, d’offrir une réelle alternative, plus attractive et plus riche, à l’actuelle propagande sur papier. Le numérique, ce n’est pas l’imprimerie. Ce n’est pas en scannant – mal – une profession de foi imprimée ou en créant un document au format PDF que l’on améliorera l’information des citoyens en matière électorale.
Concrètement, on pourrait envisager un site internet accessible à tous, quel que soit le matériel utilisé, dont le contenu devrait être facilement diffusable sur les réseaux sociaux. Il pourrait comporter des liens hypertexte, des images ou des vidéos. À terme, il serait possible de comparer les programmes des différents candidats. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur les intentions du Gouvernement en la matière ?
Le dernier aspect concerne les difficultés spécifiques des campagnes et des élections à l’étranger. Élu de la deuxième circonscription des Français établis hors de France, je sais d’expérience que les campagnes électorales menées à l’étranger présentent plusieurs particularités qui ne sont malheureusement pas suffisamment prises en compte par notre législation et notre réglementation. Il serait irresponsable de ne pas traiter cette question d’ici aux élections législatives de 2017, alors que nous avons pu constater, en 2012, les insuffisances de la législation — qui se sont traduites par plusieurs invalidations, notamment celle de l’élection d’une collègue membre de la commission des lois.
J’évoquerai trois difficultés, parmi de nombreuses autres. Premièrement, en ce qui concerne, les modalités de paiement à l’étranger, il me paraît nécessaire de renforcer les pouvoirs des mandataires délégués. Cela permettrait de limiter les rejets de comptes de campagne motivés par des paiements directs effectués par les candidats eux-mêmes. Deuxièmement, la faculté d’ouvrir des comptes bancaires à l’étranger est aujourd’hui très limitée et se heurte à de nombreuses difficultés pratiques. Troisièmement, il n’est pas possible de continuer à appliquer le taux de change, dit « taux de chancellerie », en vigueur un an avant l’élection pour convertir en euros les dépenses réglées en monnaie locale. Je propose de retenir le taux en vigueur six mois avant l’élection.
Tous ces points peuvent paraître techniques, mais ils sont cruciaux pour la bonne organisation des scrutins à l’étranger. Il nous faut agir vite, avant les échéances de 2017. Quels sont, monsieur le ministre, les projets du Gouvernement en la matière ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je remercie tout d’abord infiniment M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis. Leur travail, de très grande qualité, témoigne d’un ensemble de préoccupations que le Gouvernement partage. Je veux donc leur répondre de manière extrêmement précise.
M. Colas m’interroge sur les conditions dans lesquelles nous allons mettre en œuvre la réforme de l’administration territoriale de l’État et plus particulièrement, pour ce qui relève des compétences de mon ministère, le plan « Préfectures nouvelle génération ». Entre 2006 et 2012, ce sont 3 700 emplois qui ont été supprimés dans l’administration préfectorale et sous-préfectorale. Chaque préfecture comptant environ 250 à 300 emplois, cela signifie qu’a été supprimé l’équivalent de douze à treize préfectures. L’application de cette logique de rabot a conduit, dans un certain nombre de territoires, à une aporie de l’administration de l’État : des collectivités territoriales ont constaté qu’elle contribuait à les affaiblir elles-mêmes. En milieu rural, les collectivités locales sont effectivement désormais dans l’impossibilité de bénéficier de services d’ingénierie de l’administration préfectorale et sous-préfectorale, alors que la complexité croissante des normes environnementales et d’urbanisme, entre autres, rend un tel accompagnement indispensable à la réalisation de leurs projets, quand bien même elles ont, par ailleurs, les moyens de les financer. J’ai donc engagé, au terme d’une discussion approfondie avec mes services, une réforme très ambitieuse de l’administration préfectorale et sous-préfectorale, réforme que rend également nécessaire notre réforme des collectivités territoriales, puisque trois grands textes de loi – la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), la loi relative aux régions et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) – redessinent le visage des collectivités territoriales.
En quoi consiste ce projet « Préfectures nouvelle génération » ? Nous visons trois objectifs. Il s’agit, tout d’abord, de sortir de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de redonner de la force à l’administration préfectorale et sous-préfectorale, grâce à une réforme structurelle et à un abandon de la logique de rabot. La mise en place de plateformes régionales, interrégionales et nationales de titres conduira ainsi à mutualiser un certain nombre de fonctions dans le domaine des titres d’identité, des passeports et d’autres pièces, comme les cartes grises. Selon nos calculs, cela permettra de dégager 2 000 ETP. Or l’effort budgétaire que le secrétaire d’État au budget demande au ministère de l’intérieur de fournir d’ici à 2017 est de 1 300 ETP. Cela signifie que notre réforme structurelle permettra de libérer 700 emplois de plus. Je propose d’en profiter pour remettre de la substance et de la compétence dans l’administration préfectorale et sous-préfectorale, notamment dans les domaines dans lesquels les collectivités nourrissent certaines attentes à son égard.
Il s’agit, ensuite, de recentrer les préfectures sur leur cœur de métier. Après l’ingénierie, je pourrais évoquer la lutte contre la fraude, domaine dans lequel je souhaite que l’administration préfectorale et sous-préfectorale renforce ses compétences, ou le contrôle de légalité, en amont duquel les collectivités locales ont besoin d’un plus fort accompagnement par les services de l’État, mais je n’épuiserais pas la totalité des questions que l’administration placée sous ma responsabilité pourrait avoir à traiter. C’est donc une véritable refonte du cahier des charges de l’administration préfectorale que je souhaite.
Il s’agit, enfin, de profiter de ce grand mouvement de réforme pour reconfigurer, au plan infradépartemental, la carte des préfectures, sous-préfectures et maisons de l’État. La réforme régionale divise par deux le nombre de préfectures de régions. Les préfectures départementales, pour leur part, bénéficieront de compétences nouvelles. En vertu de la charte de la déconcentration, les préfets de département disposent désormais de compétences en matière de gestion budgétaire et de gestion des ressources humaines qu’ils n’avaient pas auparavant.
Quant aux sous-préfectures, je souhaite que leur carte, inchangée depuis 1926, soit adaptée. Il ne s’agit pas de prendre la carte de France pour faire des croix sur les sous-préfectures que l’on veut supprimer, comme cela fut fait pour les tribunaux il y a quelques années ; il s’agit de supprimer des sous-préfectures là où les évolutions sociologiques et démographiques le justifient, d’en créer à d’autres endroits où, au contraire, le besoin de présence de l’État se fait plus fort, et de déterminer dans quelles conditions les maisons de l’État que l’on crée peuvent se substituer à des sous-préfectures. Les maisons de l’État peuvent effectivement être le fruit d’une ré-articulation d’un certain nombre de services de l’État avec des services de collectivités locales ou se substituer à d’anciennes sous-préfectures avec un élargissement du périmètre d’intervention à la faveur de coopérations avec des services de collectivités locales ou d’autres services de l’État, non préfectoraux. Ainsi ai-je récemment inauguré, dans les Pyrénées-Atlantiques, une maison de l’État exerçant des compétences interministérielles que la sous-préfecture n’avait pas jusqu’à présent.
Nous souhaitons que ce travail soit mené à bien à l’horizon 2017. J’ai mandaté les préfets de région pour déterminer ce qu’il convient de faire et redessiner la carte des sous-préfectures et des maisons de l’État. Par ailleurs, dans le cadre des schémas départementaux d’accessibilité des services au public, ce sont 1 000 maisons de service public que nous souhaitons créer en plus des maisons de l’État et de la refonte des sous-préfectures pour renforcer considérablement le maillage des services publics territoriaux.
Toute cette réforme que j’ai engagée appelle bien entendu une attention particulière à la gestion des ressources humaines. Nous allons effectivement devoir permettre une mobilité fonctionnelle pour éviter de recourir à la mobilité géographique. J’ai donc confié au secrétaire général du ministère de l’intérieur le soin de mettre en place une cellule d’accompagnement des personnels dans la formation. Mettons vraiment l’accent sur la formation des personnels pour leur offrir des perspectives de carrière qui ne leur étaient pas ouvertes jusqu’à présent et accompagnons-les dans le développement de leurs compétences. Cette démarche devra se doubler d’un effort particulier de dialogue social avec les personnels des préfectures et des sous-préfectures.
Les questions de M. Zumkeller me donnent l’occasion de préciser l’impact de la réforme des régions sur l’administration déconcentrée de l’État. Qu’en est-il, tout d’abord, des effets de la fusion des régions en matière d’accompagnement financier ou en termes de ressources humaines des agents concernés par des réorganisations de services ? Je l’ai dit tout à l’heure, le nombre de régions passe de vingt-deux à treize : l’organisation des services de l’État se fondera donc dès le 1er janvier 2016 sur cette nouvelle cartographie.
Deux stratégies étaient possibles. L’une aurait consisté à concentrer l’ensemble des directions régionales de l’État dans la nouvelle préfecture de région des régions fusionnées. Sans doute aurions-nous ainsi gagné en centralisation et peut-être en rationalité, mais nous aurions beaucoup perdu en proximité et en aménagement du territoire. Il s’agissait donc de veiller à l’équilibre du territoire sans compromettre les économies que l’État attendait de cette réforme.
J’ai donc proposé une démarche qui permette d’atteindre les deux objectifs à la fois et confié aux préfets préfigurateurs des régions – les préfets des chefs-lieux régionaux issus de la fusion – le soin de répartir les administrations régionales de l’État entre les anciennes capitales régionales, en tenant compte de ce que sont les spécificités territoriales et économiques des régions avant la fusion. Ainsi, il était évident pour nous, pour des raisons qui tiennent à la spécificité de l’activité champenoise, que la direction régionale de l’agriculture de la nouvelle région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, dite Grand Est, fût implantée à Châlons-en-Champagne plutôt qu’ailleurs, tandis que les moyens de la zone de défense devaient être maintenus à Metz, pour des raisons qui tiennent à l’histoire et pour éviter que cette ville ne pâtisse d’un autre choix. Quant au rectorat, nous l’avons maintenu à Nancy. Nous avons donc réparti les grandes directions régionales de l’État en fonction des spécificités territoriales et des blocs de compétences. Par exemple, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), plus particulièrement chargées des conséquences environnementales des activités agricoles, ont vocation à être établies au même endroit que les directions régionales de l’agriculture. Il s’agit de permettre aux services de coopérer les uns avec les autres et de veiller à une lisibilité globale de la réforme.
D’où viendront les économies ? Tout d’abord, les effectifs des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) seront réduits de 30 %, car il n’y aura plus qu’un SGAR par grande région fusionnée. La mutualisation rendue possible par la fusion des SGAR permettra donc des économies de 30 %. Même si une partie des compétences sont redéployées pour mettre en place des équipes d’ingénierie projetables, notamment, vers les territoires ruraux et les intercommunalités rurales, nous réaliserons un gain incontestable. S’y ajoutera par ailleurs un gain mécanique résultant de la mutualisation, au niveau des grandes régions, de l’ensemble des fonctions support des anciennes directions régionales, puisqu’il y avait autant de fonctions support que de préfectures régionales.
Comment chiffrer ces économies de fonctionnement ? Je vous garantis qu’elles seront au rendez-vous, mais je ne peux vous donner de chiffres précis avant que ce travail n’ait abouti. Si leurs présidents en sont d’accord, je reviendrai donc dans quelques mois donner à vos commissions des chiffres précis. Ainsi le Parlement pourra-t-il jouer son rôle de suivi. Par ailleurs, même si elles ne dépendent pas de mon ministère, n’oublions pas les économies qui résulteront, à terme, du même mouvement de mutualisation opéré au sein des conseils régionaux.
Je crois donc avoir indiqué de façon synthétique comment la problématique de l’équilibre territorial avait été traitée. Quant aux redéploiements d’effectifs, le dispositif de mobilité et d’accompagnement de la formation des personnels que j’évoquais tout à l’heure, à propos du plan « Préfectures nouvelle génération », vaut également pour la refonte de l’administration territoriale de l’État. Cette cellule placée auprès du secrétaire général de mon ministère permet ainsi de suivre la totalité de la réforme de l’État.
Qu’en est-il du métier de préfet ? Avec les dispositions réglementaires prises au mois de mai dernier, nous avons engagé une importante réforme du corps préfectoral. Celle-ci était fort attendue, comme en témoignaient les remarques, justifiées, de la Cour des comptes, auxquelles elle entend répondre.
La réforme repose sur plusieurs principes. Il s’agit tout d’abord de mettre fin à certaines pratiques, qui n’étaient pas bonnes. Ainsi le maintien en activité de préfets qui avaient dépassé leur âge limite d’activité contribuait à l’embolisation du corps préfectoral. Certains avaient manifestement du mal à surmonter l’angoisse que leur inspirait le passage à l’inactivité professionnelle – c’était oublier qu’une autre activité est possible après l’activité professionnelle. J’ai mis fin à cela. On ne peut plus, désormais, poursuivre son activité professionnelle au-delà de l’âge limite, et cela vaut pour tout le monde.
J’ai également mis fin au statut de préfet « hors cadre », notion péjorative et dévalorisante pour le corps préfectoral. Je veux des préfets forts, car il est bon pour les services publics et la République d’avoir des préfets forts dans un État fort. Le ministère de l’intérieur doit rompre, dans ses habitudes, avec tout ce qui est de nature à affaiblir le corps préfectoral. Nous avons donc substitué aux préfets hors cadre des conseillers du Gouvernement, nommés en conseil des ministres, ouvert la hors cadre au président et vice-président du CSATE, et arrêté un principe d’affectation des conseillers du Gouvernement dans des fonctions réelles. Autrement dit, je souhaite qu’il n’y ait plus du tout de membres du corps préfectoral sans fonctions.
Vous estimez, monsieur Zumkeller, que le nombre de 128 préfets sans affectation territoriale témoigne du fait que nous n’avons pas réglé le problème. Je veux apporter des précisions. Outre les conseillers du Gouvernement à qui j’ai confié des missions particulières, qui me conduisent à les rencontrer souvent et à les mobiliser toujours, outre les préfets affectés au Conseil supérieur de l’administration territoriale de l’État, les préfets affectés en administration centrale et les préfets en cabinet ministériel, il y a également des préfets détachés, pour exercer des missions au service d’autres ministères dans divers domaines, comme l’environnement ou des questions internationales. Mon objectif est de faire en sorte qu’une mission soit bien confiée à tout conseiller du Gouvernement ou préfet sans affectation territoriale et de réduire à zéro le nombre des préfets sans mission à l’horizon 2017.
Est-il bien sérieux de maintenir le cumul entre la fonction de préfet de région et celle de préfet de département chef-lieu ? Je le maintiendrai, faute de quoi nous ne ferions pas d’économies. En outre, nous ne nommons que des préfets énergiques et volontaires, qui ont choisi les ennuis plutôt que l’ennui. Ainsi chacun peut-il s’épanouir dans les fonctions qui lui sont confiées.
Est-il envisageable, me demande M. Coronado, de réduire à six mois la durée de la période pendant laquelle les dépenses doivent être intégrées dans les comptes de campagne ? La commission à laquelle vous appartenez, monsieur le député, y réfléchit et le président Urvoas a lui-même quelques idées sur la question. Je ne saurais me montrer ouvert aux propositions des parlementaires membres de votre commission si je fermais la porte avant qu’ils ne commencent à les formuler ; ce ne serait pas une bonne méthode de travail.
Cela dit, il y a des avantages et des inconvénients. Une durée suffisamment longue permet de retracer les dépenses faites dans un contexte où elles peuvent, pour un certain nombre d’élections, être antérieures à la période de six mois précédant le scrutin. En effet, certains candidats commencent leur campagne bien plus tôt, notamment dans le cadre de primaires, phénomène nouveau dans la vie politique française et dont il faudra tenir compte pour procéder à la comptabilisation des dépenses de campagne. En même temps, les expériences récentes et les remarques de la CNCCFP montrent qu’une durée longue ne permet pas forcément toute la traçabilité et toute la transparence nécessaires.
Je vous propose de ne pas clore ce débat aujourd’hui. Le Gouvernement est ouvert à l’idée d’examiner la question avec les parlementaires, pour peu que ceux-ci y soient disposés – mais c’est généralement le cas au sein de la commission des lois. Considérons tous les avantages et tous les inconvénients des deux durées afin de prendre la décision la plus consensuelle possible. Je parle d’un consensus non pas simplement entre le Gouvernement et le Parlement, mais aussi entre les formations politiques de la majorité et de l’opposition. Lorsqu’il s’agit de définir des règles électorales, plus le consensus et le compromis règnent entre les formations politiques, moins les objectifs visés nourrissent la suspicion.
Ministre du budget, j’étais très favorable à la dématérialisation des élections et de la propagande électorale, qui peut permettre de très significatives économies. Je le suis resté après être devenu ministre de l’intérieur, parce que je considère que tous les ministères doivent contribuer aux efforts budgétaires et que, lorsqu’il s’agit du redressement des comptes et des intérêts supérieurs de l’État, il ne saurait être question de changer de point de vue à la faveur d’un changement de maroquin. Si je suis très favorable à cette évolution, c’est aussi parce qu’un très grand nombre de pays européens, pas moins démocratiques ni plus numérisés que la France, l’ont connue. Elle a pu susciter des débats, mais le résultat n’en a pas moins été un dispositif beaucoup plus moderne, qui permet une diffusion de la propagande électorale beaucoup plus rapide et efficace qu’auparavant. La modernisation de la société doit aussi permettre d’engranger des progrès, de faire des économies et de renforcer l’accessibilité des citoyens à l’information électorale.
Je n’en partage pas moins le point de vue que vous avez exprimé : cela ne peut pas se faire de façon brutale, sans concertation avec les formations politiques concernées qui concourent au scrutin ni avec les maires eux-mêmes. La connexion à internet reste difficile en certains endroits de notre pays. En outre, quand bien même les réseaux numériques sont présents, certains de nos concitoyens n’y ont pas accès. Il nous faut donc définir les conditions dans lesquelles la dématérialisation n’obère pas l’accès de tous à l’information électorale.
À l’occasion des élections départementales, nous avons lancé, dans cinq départements, une expérimentation qui s’est révélée assez concluante. Il s’agissait de permettre un accès numérique à la propagande électorale en même temps qu’un accès sur papier, et de sensibiliser les citoyens à la nécessité de préférer le numérique au papier. Si vous en êtes d’accord, je propose un travail partenarial entre la commission des lois et le Gouvernement, qui permette de tirer tous les enseignements de cette expérimentation et de déterminer les conditions et le calendrier de son éventuelle extension. Il nous faut notamment réfléchir à l’implication des associations d’élus dans cette réforme afin qu’elle soit la plus consensuelle possible. Des propositions de loi sont à l’étude. Qui dit proposition de loi dit étude d’impact et nécessité d’une réflexion commune. Il y a donc matière à faire, vite, bien et ensemble. En tout cas, ma position est fort claire : je suis très favorable à cette évolution.
J’en viens à votre question non intéressée et par ailleurs tout à fait légitime, monsieur Coronado, sur les difficultés spécifiques rencontrées lors des campagnes et des élections à l’étranger. Selon vous, ces difficultés sont de trois ordres. Premièrement, s’agissant des modalités de paiement à l’étranger, il vous paraît nécessaire de renforcer les pouvoirs des mandataires délégués, ce qui permettrait de limiter les rejets de comptes de campagne lorsque des dépenses sont payées directement par les candidats eux-mêmes. Deuxièmement, vous souhaitez élargir la faculté d’ouvrir des comptes bancaires à l’étranger, laquelle est aujourd’hui très limitée et se heurte à de nombreuses difficultés pratiques. Troisièmement, pour convertir en euros les dépenses réglées en monnaie locale, il n’est pas possible, d’après vous, de continuer à appliquer le « taux de chancellerie » en vigueur un an avant le scrutin.
Je souhaite vous faire part de deux réflexions. D’une part, lors des élections législatives de 2012, les décisions de la CNCCFP relatives aux candidats dans les circonscriptions des Français de l’étranger se sont distinguées par une proportion d’approbation pure et simple et d’approbation après réformation nettement inférieure à celle qui a été constatée pour l’élection des autres députés de France. Je propose donc que nous soyons prudents avant d’envisager de grandes évolutions.
D’autre part, le financement des campagnes pour l’élection des députés des Français de l’étranger fait déjà l’objet, je le rappelle, de règles très spécifiques, formulées dans les articles L. 330-6-1 et suivants du code électoral, qui prennent en compte la situation particulière des candidats. Ainsi, les modalités de financement diffèrent selon le pays considéré : il y a les pays dans lesquels la monnaie est convertible ; les pays dans lesquels le mandataire délégué peut payer certaines dépenses qui lui sont remboursées par le mandataire, sans pour autant être autorisé à ouvrir un compte spécial ; les autres pays, dans lesquels le mandataire délégué peut ouvrir un compte spécial. Je conviens que ces dispositions sont complexes à mettre en œuvre pour les candidats, particulièrement pour ceux qui se présentent dans des circonscriptions qui couvrent plusieurs pays.
Je propose d’engager une réflexion. Il s’agirait d’assouplir le dispositif pour les candidats en matière de paiement des dépenses ou de perception des ressources, tout en maintenant un contrôle efficient des comptes par la CNCCFP. Plusieurs solutions peuvent être envisagées dans ce cadre, quel que soit le pays considéré : permettre au mandataire délégué d’ouvrir un compte bancaire spécial ; élargir la liste des dépenses pouvant être payées par les mandataires délégués ; permettre au mandataire délégué d’utiliser la carte bancaire du mandataire liée au compte du candidat. Je souhaite que ces solutions fassent l’objet d’une expertise technique approfondie et que soit mis en place, à cette fin, un groupe de travail qui associerait le ministère des affaires étrangères, celui de l’intérieur, celui des finances et des comptes publics, la CNCCFP, la Banque de France, l’ordre des experts-comptables et des parlementaires concernés.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je saisis vos propositions au vol, monsieur le ministre. La réflexion sur le financement des campagnes à l’étranger requérant une ingénierie assez lourde, je propose que nous prenions un peu de temps pour la mettre en place. En revanche, si vous en êtes d’accord, monsieur Coronado, je suis disposé à vous solliciter pour mener rapidement une réflexion sur la dématérialisation de la propagande électorale, pour ce qui relève de la commission des lois. En la matière, il me paraîtrait opportun de commencer par la prochaine élection présidentielle.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget très structuré, qui prend acte du fait que l’année 2016 ne sera pas une année électorale et permet d’entrer dans une dynamique de modernisation, ainsi que vous venez de l’évoquer à l’instant, avec notamment l’enjeu du numérique.
L’administration de l’État incarne la force de la loi et du droit, mais elle est aussi garante de la pondération des politiques publiques. Son action est indispensable sur tous nos territoires. Vous savez à quel point certains de nos concitoyens se sentent parfois loin de tout.
Quelle place le numérique va-t-il prendre dans le plan de modernisation des préfectures ? Actuellement, tous les territoires ne sont pas encore entièrement couverts par une connexion à internet de bon niveau. Or une telle connexion est nécessaire pour permettre aux préfectures d’assumer toutes les fonctions qui leur reviennent, pour sécuriser le travail des services et des fonctionnaires, et pour assurer la solidarité entre les territoires. Quelle politique comptez-vous mener en la matière ? D’autre part, de quelle façon l’État va-t-il accompagner les membres du personnel qui vont devoir adapter leurs compétences, individuelles et collectives, aux nouvelles missions qui vont leur incomber à la suite de la restructuration des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ?
Je vous remercie d’avoir engagé le travail de mise en place des plates-formes régionales d’instruction des demandes de passeport et de naturalisation. Cette réorganisation indispensable sera enfin réalisée. Je tiens à le souligner.
Je salue le regroupement des services du ministère de l’intérieur et du ministère de l’écologie compétents en matière de sécurité et d’éducation routières. Il donnera une véritable cohérence à notre action en la matière, essentielle sur l’ensemble du territoire national, ainsi que nous l’avons encore constaté cette année, notamment avec l’accident d’une exceptionnelle gravité qui s’est produit il y a quelques jours. Je présente mes condoléances aux familles et aux collectivités territoriales qui ont été touchées, et rends hommage à l’ensemble des services qui sont engagés sur le terrain.
Vous avez fait du renforcement des effectifs dans les services régionaux de l’État une orientation forte, prenant acte des réformes que nous avons votées et qui ont été engagées, avec la nouvelle carte territoriale et la montée en puissance des régions et des métropoles. Cela se traduira par une baisse des effectifs dans les services départementaux. C’est, là encore, une réforme essentielle.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ce budget opérationnel, dont les objectifs sont clairs, et qui porte la marque d’une action constante et déterminée.
M. Olivier Marleix. Cette année, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » doivent évidemment s’analyser à l’aune du « big-bang régional » qui s’est réalisé dans les conditions que chacun sait, un soir d’avril 2014 dans le bureau du Président de la République, le territoire métropolitain de la République passant de vingt-deux régions à treize. Nous assistons ainsi à une reconcentration des moyens de l’État autour de treize « super-préfets de région » alors que, dans le même temps, les effectifs des préfectures continuent de fondre, avec, pour 2016, la disparition prévue de 1 159 ETP dans les services départementaux de l’État. Vous donnez vous-même ce chiffre à la page 35 de votre « bleu budgétaire », monsieur le ministre : le plafond d’emplois – seule réalité que je connaisse en matière d’effectifs – passera de 26 191 à 25 032 ETP dans ces services. De notre point de vue, il y a une contradiction entre, d’une part, la réduction du nombre de régions, l’accroissement de leur périmètre et la réorganisation des services de l’État dans ce cadre et, d’autre part, l’affaiblissement de l’échelon départemental.
Les députés du groupe Les Républicains et beaucoup d’autres collègues s’inquiètent : il s’agit d’un éloignement sans précédent des services de l’État. Et la répartition géographique des grandes directions régionales que vous avez évoquée tout à l’heure n’y change pas grand-chose, aussi habile ou opportune soit-elle. Je parle d’éloignement sans précédent car, depuis qu’il existe des préfets de départements, c’est-à-dire depuis le Consulat et, plus précisément encore, depuis l’an VIII, c’est bien l’échelon départemental qui est le pivot central de notre organisation administrative.
Dans ce contexte de reconcentration au niveau des préfectures de région, la réduction d’un millier d’emplois dans les services départementaux va véritablement « sous-préfectoraliser » les préfets de départements. Face à ce mouvement, nous aurions aimé, au contraire, que le rôle et les moyens des préfets de département soient réaffirmés. Sur ce point, votre plan « Préfectures nouvelle génération » ne nous rassure pas. L’enjeu est évidemment non pas le sort personnel du préfet de département ou celui de son secrétaire général, mais celui de la proximité pour l’exercice de politiques publiques, ainsi que l’a souligné Michel Zumkeller.
Lorsque l’on connaît les difficultés qu’a aujourd’hui un préfet de département à mobiliser certains services régionalisés de l’État dans de petites régions comptant quatre à six départements – dans ma commune d’Eure-et-Loir, nous avons ainsi le plus grand mal à obtenir, avec le préfet de département, que la DREAL exerce ses pouvoirs de police spéciale sur une installation classée, car c’est, de son point de vue, un petit dossier concernant un territoire relativement périphérique –, on n’ose imaginer ce que cela donnera dans les futures grandes régions comptant douze ou treize départements telles que Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ! Cette myopie va nécessairement s’aggraver. En l’absence de moyens humains, monsieur le ministre, vous auriez pu ouvrir un chantier, certes interministériel, sur les moyens juridiques dont devraient disposer les préfets de départements pour saisir les services régionalisés de l’État, désormais bien lointains.
Compte tenu du besoin de proximité que vont créer vos grandes régions, le sort des sous-préfectures revêt une importance nouvelle. À la fin du mois d’août, à Bayonne, vous avez affirmé vouloir « réformer profondément l’organisation infradépartementale de l’État ». Vous venez de nous en dire un peu plus à ce propos. Si l’on peut comprendre qu’il soit nécessaire d’adapter la carte des sous-préfectures, la réduction de leur nombre et leur remplacement éventuel par des maisons de l’État entraîneront, selon moi, une perte en qualité de service pour les territoires concernés. Le Premier ministre a déclaré à plusieurs reprises vouloir « faire reculer le sentiment d’abandon des territoires ruraux ». Nous craignons, bien au contraire, que vous n’aggraviez encore ce sentiment, ainsi que vous l’avez déjà fait avec le redécoupage brutal des cantons.
Je terminerai par deux questions. Premièrement, ce sont les services des préfectures qui reçoivent les déclarations d’acquisition et de détention d’armes de catégorie C et D. Il s’agit d’armes de chasse, mais aussi, parfois, de fusils à pompe. Or la faiblesse des moyens humains dont disposent aujourd’hui les préfectures rend cet enregistrement quasi automatique. Pouvez-vous nous rassurer sur le fait qu’il y a bien une consultation systématique des fiches S chaque fois qu’une telle déclaration est faite ?
Deuxièmement, vous proposez d’accroître significativement les moyens consacrés à la formation des imams. C’est, selon moi, une bonne chose que l’État s’assure de la qualité de cette formation, et même une évidence lorsqu’il s’agit d’aumôniers. En revanche, je m’interroge sur le fait qu’elle soit financée par des fonds publics. Cela vous semble-t-il conforme à la loi de 1905 ?
M. Michel Zumkeller. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer, mais je souhaite revenir sur un certain nombre de points qui ont été soulevés.
Dans la mesure où il intervient après une réforme territoriale d’ampleur, ce budget doit vraiment être l’occasion d’une réorganisation globale des territoires. Il faut aussi en profiter pour dématérialiser les procédures et utiliser des moyens modernes, notamment la vidéoconférence, afin de maintenir des services dans des territoires relativement isolés. Cette idée est revenue fréquemment au cours des auditions que nous avons conduites. Si ces nouvelles technologies nécessitent d’investir des moyens au départ, elles seront source, ensuite, de nombreuses économies. Nous serons vigilants sur ces aspects très importants.
Malgré son importance, l’élection présidentielle est très certainement la plus propice pour tester la dématérialisation de la propagande électorale. Je pense que nos compatriotes comprendront que c’est plutôt une bonne chose, en dépit du choc de départ.
À ce stade du débat, le groupe Union des démocrates et indépendants n’a pas d’objection majeure à l’adoption des crédits de cette mission.
M. Dominique Baert, président. Merci, c’est un bon début !
M. Paul Molac. Les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » enregistreront une baisse par rapport à l’année 2015, marquée par les élections départementales puis régionales, ces dernières devant être moins dispendieuses. Les années passées, j’étais rapporteur pour avis pour les crédits de ce programme et j’avais cosigné les amendements tendant à empêcher la dématérialisation de la propagande électorale pour les élections européennes, puis pour les élections départementales et régionales. Lesdits amendements avaient été votés par les députés et acceptés par le Gouvernement, d’ailleurs de bonne grâce. Je note avec intérêt votre volonté d’avancer sur ce sujet, monsieur le ministre, avec une méthode. La fracture numérique peut être technique, mais il peut aussi s’agir de personnes âgées qui ne savent pas se servir de l’outil informatique – quoiqu’il ne faille pas verser dans la caricature : certains anciens l’utilisent très bien. L’année dernière, nous nous étions accordés sur l’idée de commencer par l’élection présidentielle, emblématique et très bien reprise par les médias. Cet accord semble perdurer aujourd’hui, ce dont on ne peut que se féliciter.
Nous sommes satisfaits que les crédits dédiés au financement des partis se stabilisent à 68,7 millions d’euros en 2015 et en 2016, après une baisse de 10 % en 2014, que nous avons acceptée. Les partis sont un élément fondamental de notre démocratie, d’où l’importance de leur financement. À cet égard, je ne reviens pas sur certaines mauvaises pratiques qui ont défrayé la chronique.
S’agissant de l’exercice des cultes, je note les crédits destinés à financer les formations universitaires et de recherche en islamologie. On se rend compte que les imams ont quelques difficultés à s’adapter à notre mode de vie lorsqu’ils viennent de pays où les pratiques sociales sont très différentes des nôtres, par exemple l’Arabie saoudite. C’est donc plutôt une bonne chose de les former directement chez nous. Cela contribuera à faire émerger un islam de France, avec des imams plus en phase avec les pratiques sociales du pays dans lequel ils sont amenés à dispenser leur enseignement. Je constate un certain accord de la part de mes collègues sur ce point.
Je salue les propositions intéressantes formulées dans le rapport pour avis de Sergio Coronado concernant la modernisation de l’organisation des élections, ainsi que dans le rapport d’information établi par Romain Colas au nom de la commission des finances sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales. Elles visent à répondre à des situations de plus en plus complexes. Compte tenu de mon expérience en la matière, je me propose d’apporter ma modeste contribution à cette réflexion.
M. Gaby Charroux. Dans le cadre de cette mission, nous examinons les moyens correspondant à trois responsabilités essentielles du ministère de l’intérieur, que plusieurs intervenants, notamment Romain Colas, ont rappelées.
Je m’intéresserai principalement aux programmes 307 « Administration territoriale » et 232 « Vie politique, cultuelle et associative ».
S’agissant du programme 307, après 1’adoption de la réforme territoriale et de la nouvelle carte des régions, ce budget pose les premières pierres du plan « Préfectures nouvelle génération », qui vise à redéfinir le positionnement de l’État, ses missions et ses modes d’intervention. Vous nous avez donné quelques éclaircissements, monsieur le ministre, mais nous ne connaissons pas encore les contours exacts de ce plan, puisque la concertation ne devrait aboutir qu’à la fin de l’année.
Quoi qu’il en soit, cette réforme d’ampleur suscite des interrogations. Vous avez indiqué qu’il y aurait désormais treize préfets de grande région, auxquels vous souhaitez confier un rôle beaucoup plus stratégique qu’aux actuels préfets de région. Quant aux préfets de département, ils seront désormais plutôt chargés de la déclinaison opérationnelle des politiques publiques. Par ailleurs, notamment lors du comité technique central des préfectures de juin dernier, vous vous êtes engagé à préserver la mission de délivrance des titres, à renforcer les missions prioritaires, à maintenir l’échelon infradépartemental et à mettre en œuvre un plan de requalification des agents.
Si ces annonces sont rassurantes, nous constatons toutefois que votre projet s’inscrit dans la continuité des réformes précédentes, qu’il s’agisse de la réforme de l’administration territoriale de l’État ou de la directive nationale d’orientation des préfectures pour les années 2010 à 2015, qui arrive à échéance. Néanmoins, vous avez abandonné – et c’est heureux – la logique aveugle du rabot budgétaire qui prévalait avec la RGPP. Plutôt que de raboter les moyens au détriment des missions, vous privilégiez un recentrage de l’action de l’État sur ses missions jugées essentielles : la sécurité publique, le contrôle de légalité, la lutte contre la fraude, la coordination territoriale. J’approuve cette méthode et vous remercie de l’avoir adoptée.
Cependant, qui dit recentrage dit réduction du périmètre d’intervention de l’État, délaissement de certaines missions et rationalisation des moyens de fonctionnement. Ce qui se profilerait – j’emploie le conditionnel –, ce sont de nouvelles réductions d’effectifs à hauteur de 2 000 ETP d’ici à 2017, dont 1 300 seraient « rendus à Bercy », c’est-à-dire supprimés, et 700 redéployés. Vous avez donné des informations à ce sujet, mais nous aimerions avoir des précisions concernant l’avenir, au-delà du budget d’attente que vous nous présentez aujourd’hui.
De réforme territoriale en revue des missions, de nouvelles chartes en nouveaux plans, l’administration territoriale de l’État est plongée depuis des années dans une forme d’incertitude quant à son avenir et au sens de ses missions. En tant qu’élus, nous sommes nous aussi dans l’incertitude. C’est pourquoi nous demandons à nouveau que soit dressé un bilan sérieux et exhaustif des réformes et des réductions d’effectifs auxquelles on a procédé ces dernières années, afin d’évaluer leurs conséquences sur la qualité des services rendus aux usagers et de voir, le cas échéant, ce qui n’a pas fonctionné.
S’agissant du programme 232, les crédits dédiés à la vie associative passeront de 75 millions d’euros cette année à 55 millions en 2016. Comment expliquer cette baisse ? Quelles en seront les conséquences concrètes pour le tissu associatif ?
D’autre part, nous continuons de penser que le dispositif de financement des partis politiques pèche par son manque d’équité. Il serait nécessaire d’établir de nouvelles règles de répartition de l’aide publique qui donnent plus de poids à la fraction assise sur les suffrages exprimés en faveur de chaque parti. Il conviendrait de modifier la loi du 11 mars 1988 en ce sens.
Quant au programme 216, il ne nous semble pas, à ce stade, appeler de remarques particulières.
M. Olivier Dussopt. Ainsi que vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, le programme 307 est marqué par un recul de 825 ETP. Cependant, à l’instar de Gaby Charroux, je tiens à vous féliciter d’être sorti de la logique de la RGPP : plutôt que de passer le rabot de manière aveugle, vous articulez les moyens avec les besoins et vous menez des réformes structurelles de manière à dégager les effectifs nécessaires à l’exercice des missions qui reviennent à votre ministère. À cet égard, je souligne le décalage persistant entre les différents discours : d’un côté, on demande toujours plus d’économies ; de l’autre, on regrette que la réorganisation que vous conduisez, avec efficacité selon moi, se traduise par une diminution des moyens.
Lorsque l’on examine la manière dont se répartira cette diminution de 825 ETP, on constate que la baisse des effectifs dans les services départementaux de l’État sera un peu plus marquée que la montée en puissance des effectifs dans les services régionaux. Comment cet écart s’explique-t-il ? Vous avez évoqué des regroupements de services au niveau régional, notamment la mise en place de plates-formes d’instruction des demandes de passeport.
Vous avez présenté la réorganisation des services de l’État au niveau des grandes régions, mais j’aurais aimé en savoir plus sur vos intentions en ce qui concerne les niveaux départemental et infradépartemental. Dans le cadre de l’application des lois de réforme territoriale, compte tenu du plafond d’emplois qui s’impose à vous, comment comptez-vous accompagner le transfert aux intercommunalités de compétences telles que la gestion de l’eau et des milieux aquatiques, l’assainissement et la prévention des inondations ? Il faut veiller à ce que les élus locaux puissent bénéficier d’un appui sur ces questions très techniques.
M. Pascal Popelin. Lorsque j’entends nos collègues du groupe Les Républicains récuser chacune des mesures d’économie que nous mettons en œuvre, ainsi que vient de le faire M. Marleix, je me demande où ils trouveront les 100 milliards d’économies qu’ils promettent aux Français !
Le plan « Préfectures nouvelle génération » a vocation à faire entrer pleinement l’administration déconcentrée de l’État dans l’ère de la modernité. Il s’agit de proposer à nos concitoyens un service de meilleure qualité : plus accessible, plus efficace et plus rapide. Pour concrétiser ces objectifs, ainsi que vous l’avez évoqué, monsieur le ministre, le recours aux nouvelles technologies et aux procédures dématérialisées sera généralisé. L’activité du réseau préfectoral sera recentrée sur ses missions premières, au premier rang desquels la lutte contre toutes les formes d’insécurité.
Le changement suscite, par nature, des inquiétudes. Dès l’annonce du projet de refonte du réseau préfectoral au début de cette année, les organisations syndicales ont exprimé leurs craintes quant à la dégradation du service rendu à la population que pourrait entraîner cette réforme. Elles s’inquiètent également des effets négatifs qu’elle pourrait avoir sur les conditions de travail des agents. Le personnel de la police nationale, en particulier, redoute une perte de proximité dans la gestion des ressources humaines – j’en suis particulièrement informé en tant que rapporteur pour avis des crédits de la mission « Sécurités ». Pouvez-vous apporter des éléments de réponse à cette préoccupation des policiers et préciser le calendrier d’application de la réforme prévue en la matière ?
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Votre ministère est amené à repenser le réseau des préfectures et des sous-préfectures pour le mettre en adéquation avec la nouvelle carte des régions et la réforme territoriale. Tel est l’objet du plan « Préfectures nouvelle génération » que vous avez lancé en juin 2015 et dont la mise en œuvre est prévue en 2016.
Les préfectures et les sous-préfectures, en tant que garantes de la permanence de l’État sur l’ensemble du territoire français, sont le premier contact de proximité pour les citoyens – vous avez eu l’occasion de le constater récemment à Florac. La proximité et l’accessibilité pour les usagers, a fortiori dans les territoires ruraux, doivent être le fil rouge de la réforme de leur maillage territorial.
L’accent a été mis jusqu’à présent sur l’amélioration de la qualité du service et de l’accueil des usagers, notamment avec la mise en place des labels « Marianne » et « Qualipref ». La qualité du service passe, certes, par la réactivité de l’administration, par l’uniformisation des informations et par la dématérialisation des échanges. Cependant, la dématérialisation ne peut pas être totale et ne doit pas faire perdre de vue la nécessaire proximité du service, notamment pour les usagers isolés et ruraux. L’inspection générale de l’administration a rendu un rapport sur le maillage territorial des sous-préfectures. Vous venez vous-même d’évoquer ce sujet, monsieur le ministre, mais on ne voit pas bien où vous voulez en venir en termes de suppressions, de transformations et de restructurations. Je vous ai bien écouté : vous souhaitez redéfinir le rôle des préfectures et des sous-préfectures, développer des maisons de l’État et créer jusqu’à 1 000 maisons des services au public. Mais avec quel budget allez-vous faire tout cela ?
De nombreux préfets se plaignent d’avoir perdu des agents d’autorité de catégorie A. Quelles mesures budgétaires et sociales envisagez-vous dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP) concernant l’encadrement des services déconcentrés de l’État ?
Mme Françoise Descamps-Crosnier. Le projet annuel de performances (PAP) décrit l’année 2016 comme une « année de transformation » pour le programme « Administration territoriale » en raison de la réforme de la carte des régions. Il cite également les suites de la MAP engagée depuis 2012, notamment le plan « Préfectures nouvelle génération », qui doit encore être arrêté après une phase de consultation. On mesure à ces deux réformes structurantes l’importance des chantiers qui attendent l’administration déconcentrée de l’État.
Vous avez déjà abordé ce sujet en répondant aux rapporteurs. Mais, lors des auditions que j’ai menées en tant que rapporteure du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, j’ai pu constater que les fonctionnaires de l’État s’interrogeaient sur ces chantiers. S’ils en comprennent la nécessité et la logique, qu’ils partagent, ils se demandent quel accompagnement leur sera proposé en termes de ressources humaines. Certaines dispositions du projet de loi en cours d’examen sont de nature à les rassurer, en particulier l’actuel article 21, qui instaure une priorité d’affectation ou de détachement au profit du fonctionnaire dont l’emploi est supprimé. Cependant, nous connaissons le poids de la pratique dans ce domaine.
Parmi les chantiers en perspective, le PAP mentionne la modernisation de la gestion des parcours professionnels des agents par le biais d’un plan de requalification des emplois parallèlement à la reconfiguration des missions. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment les services déconcentrés de l’État se préparent aux évolutions à venir, notamment du point de vue de l’accompagnement en matière de ressources humaines ? De quels éléments d’information disposez-vous quant au plan de requalification évoqué ?
M. Jacques Valax. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la clarté de vos propos et de vos engagements. Vous avez rappelé avec détermination que nous voulons tous un État fort, des préfets forts, des services forts, pertinents et efficaces.
Je reviens sur la question du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire, bien que vous ayez déjà apporté un certain nombre de réponses à ce sujet. Les textes que nous venons d’adopter, en particulier la loi MAPTAM et la loi NOTRe, vont amener un bouleversement que les élus devront s’approprier progressivement. Cela ne se fera sans doute pas aussi rapidement que nous pourrions le souhaiter. La clause générale de compétence a été supprimée, et les compétences ont été clarifiées. Cependant, la loi prévoit un certain nombre d’exceptions définies très précisément. Par exemple, les transports interurbains et les transports scolaires qui relevaient auparavant du département seront confiés à la région, mais celle-ci pourra les déléguer à nouveau au département. Des problèmes vont donc se poser en matière de contrôle de légalité. Je rappelle que ce contrôle, mentionné à l’article 72 de la Constitution, reste indispensable afin de vérifier la conformité des actes pris par les collectivités territoriales.
En pratique, de nombreux juristes s’inquiètent de la disparité des contrôles d’un département à l’autre, laquelle tient à la fois au faible nombre d’agents affectés à cette mission dans les préfectures et à la qualité inégale des équipes – c’est une réalité. Selon moi, il convient de maintenir la qualité tant des contrôles que des conseils apportés par les préfectures aux collectivités territoriales afin d’éviter la saisine du juge administratif. Je pense que vous partagez cette analyse, monsieur le ministre. D’après vous, au-delà des mesures de dématérialisation prévue dans le plan « Préfectures nouvelle génération », l’évolution des effectifs affectés au contrôle de légalité permettra-t-elle de tenir compte, au cours des trois prochaines années, de cette nouvelle étape de la décentralisation et de la « montée en compétences » de l’administration locale, notamment des EPCI ?
M. Alain Chrétien. Lancé il y a quelques années, le projet de carte nationale d’identité électronique a avorté notamment en raison de sa complexité et de la censure du Conseil constitutionnel, qui a jugé que le procédé de recueil des données biométriques envisagé était trop intrusif dans la vie privée des citoyens. Pourtant, la carte nationale d’identité électronique serait un outil particulièrement intéressant en matière de lutte contre le terrorisme et de contrôle des infractions. Selon un rapport du ministère de l’intérieur publié en 2013, « seule est autorisée une carte nationale d’identité électronique comportant un seul composant électronique sécurisé contenant l’état civil du titulaire avec la photographie et les empreintes digitales ». Vous avez confié une mission à ce sujet à un inspecteur général de l’administration. Ce projet est-il toujours d’actualité malgré son coût non négligeable ? Aura-t-il une suite ? Est-il utile, selon vous ? Fait-il partie des chantiers du ministère de l’intérieur pour les années qui viennent ?
M. Didier Quentin. Vous avez rappelé la nomination de sept préfets préfigurateurs chargés, dans les nouvelles régions fusionnées, d’élaborer et de coordonner le projet de réorganisation régionale de l’administration de l’État ainsi que de définir et de conduire les grandes étapes de sa mise en place jusqu’en 2018, avec notamment l’objectif de renforcer la proximité dans l’action de l’État sur le territoire. Or force est de constater que, sur le terrain, beaucoup d’élus locaux s’inquiètent de la disparition de services publics de proximité – on l’a constaté lors de la préparation du congrès de l’association des maires de France.
Je rappelle que, en 2013, un projet prévoyait la suppression de 47 sous-préfectures sur les 233 que compte notre pays. Dans mon département, il avait été question de la fermeture de la sous-préfecture de Rochefort, ce qui a valu quelques va-et-vient et un peu de rétropédalage.
Un département littoral comme la Charente-Maritime possède une direction départementale des territoires et de la mer. Aucune garantie ne nous est donnée quant à la préservation des services spécialisés dans les affaires maritimes. Que vont devenir ces services spécifiques de proximité ? Nous sommes tous d’accord pour considérer qu’une réorganisation de l’État, complémentaire de celle des très grandes régions, est impérative, mais elle ne doit pas mener à une aporie
– je reprends votre expression – de la représentation de l’État aboutissant à une dégradation du service public.
Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de nous préciser le calendrier que vous entendez mettre en place pour maintenir des services de l’État efficaces et proches de nos concitoyens, car ceux-ci ne veulent pas « moins d’État », mais « mieux d’État ». Que répondez-vous à ceux qui craignent un renoncement à une véritable politique d’aménagement du territoire ?
Mme Cécile Untermaier. Depuis 2012, nous avons voté de grandes lois, avec le souci de mettre nos territoires en cohérence et de les rendre compétitifs, dans une économie qui ne peut échapper à la métropolisation et à la mondialisation. La loi NOTRe, que nos élus doivent porter avec ambition en s’interrogeant sur le périmètre des bassins de vie, fait l’objet actuellement de toutes les discussions.
Dans un tel contexte d’ambitieuses réformes, l’État a toute sa place. Je considère que la situation complexe que nous vivons requiert un État fort dans nos territoires. L’administration territoriale accompagne cette réorganisation ; elle change de visage. Les maisons de l’État – l’une d’entre elles est installée à Louhans dans ma circonscription – rassemblent des services de l’État jusque-là dispersés. Sont désormais réunis la direction départementale des territoires (DDT), l’inspection académique, l’Office national des forêts, aux côtés des services préfectoraux, et bientôt peut-être une maison des services publics regroupant la Mutualité sociale agricole, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), transformant la sous-préfecture en un véritable centre administratif. Il faut plus que jamais, dans des structures qui prennent tout leur sens au service du territoire et pour dynamiser dans la proximité les politiques du Gouvernement, maintenir à leur tête un représentant de l’État. Sur ces deniers points, je souhaite connaître la force de l’engagement de l’État et les délais dans lesquels cette réorganisation doit être mise en place.
Mme Colette Capdevielle. Monsieur le ministre, j’ai eu l’honneur et le plaisir de vous accueillir cet été pour visiter la nouvelle maison de l’État à Bayonne, une ancienne sous-préfecture d’un département totalement bicéphale. Vous avez qualifié cette maison de l’État de « modèle d’excellence », évoquant la qualité du service public. Je le confirme : les usagers, comme les élus, sont satisfaits. Non seulement les services cohabitent, mais ils travaillent ensemble et ont même su créer des synergies. Sont ainsi regroupés les services traditionnels d’une sous-préfecture, mais aussi l’agence régionale de santé, la DREAL. Je salue votre volontarisme pour engager cette réforme, alors que rien n’avait été fait depuis 1926.
Entendez-vous analyser précisément les besoins des usagers et les moyens disponibles dans les territoires pour choisir la configuration la mieux adaptée ? En d’autres termes, allez-vous faire du cousu main ?
Depuis quelques semaines, les préfets proposent de nouvelles cartes intercommunales, qui comportent souvent de futures intercommunalités de très grande taille – très largement au-delà du seuil de 15 000 habitants prévu par la loi – et, parfois, à cheval sur plusieurs départements. Avez-vous l’intention d’adapter les structures de l’État à ce nouveau paysage qui se dessine autour des EPCI et qui ne correspond plus du tout à nos anciens départements ?
M. Éric Alauzet. Vous avez insisté sur la spécificité de chacune des régions, sur les blocs de compétence ainsi que sur la cohérence de ces derniers avec l’organisation des régions. Comment les grandes régions organiseront-elles leurs services ? Doivent-elles rechercher un parallèle avec les services de l’État ? Pour les services déconcentrés de l’État, y aurait-il un intérêt à rechercher des cohérences entre, par exemple, la DREAL et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), entre la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi et Pôle emploi, ou entre les chambres de commerce et d’industrie et les directions régionales concernées ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame Le Dain, j’ai parfaitement conscience que la numérisation est très attendue de la part des administrés et qu’elle représente pour l’État une occasion extraordinaire de se moderniser en reconfigurant ses administrations et en les faisant travailler autrement.
Nous souhaitons que le service public soit accessible pour tous. La numérisation peut le permettre, mais aussi l’empêcher pour des territoires qui n’ont pas encore accès autant qu’on pourrait le souhaiter au numérique. Pour les personnes qui ne pourront pas accéder facilement à des guichets numériques, nous sommes en train de réfléchir à des modalités d’accompagnement, par exemple la mise en place de points de contact dans un certain nombre de services publics – mairies, postes, maisons de l’État –, en concertation étroite avec les organisations syndicales. Notre objectif est aussi de faciliter l’accès au numérique sur l’ensemble du territoire national. Nous travaillons dans ces deux directions dans un souci d’efficacité.
M. Marleix fait des remarques qui appellent des précisions de ma part. Je tiens d’abord à vous tranquilliser en vous livrant des chiffres précis. Entre 2006 et 2012, le nombre d’emplois perdus dans les préfectures et sous-préfectures s’élève à 3 700, ce qui correspond à une perte d’effectifs annuelle d’environ 800. Dans le budget qui vous est présenté cette année, le nombre d’emplois supprimés dans les préfectures et sous-préfectures est de 180. Je n’ai pas souhaité aller au-delà des économies produites par la mutualisation. Vous citez des chiffres, mais vous n’êtes pas exhaustif dans leur commentaire. Le chiffre que vous indiquez résulte du transfert d’effectifs du budget du ministère de l’intérieur vers le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », c’est-à-dire vers les services du Premier ministre, du fait de la création des directions de l’action du gouvernement, soit 684 ETP. Il n’y a pas de diminution des effectifs. Essayons d’être honnêtes, monsieur Marleix. La véritable diminution des effectifs de mon ministère porte sur 180 postes, là où, au cours des années précédentes, elle était de 800 par an. Je veux mettre fin à la RGPP, qui, avec 3 700 suppressions d’emplois, avait abouti à l’affaiblissement de l’administration territoriale de l’État. À vous entendre, lorsqu’on supprime 3 700 emplois, c’est bon pour l’administration préfectorale, mais, lorsqu’une réforme permet de diviser par sept les suppressions d’effectifs, c’est une mauvaise affaire. Je pense que les fonctionnaires de l’administration préfectorale préféreront ma mauvaise affaire à votre bon traitement ; eux voient parfaitement la différence. Les organisations syndicales avec lesquelles je négocie comprennent ce que nous faisons quand elles comparent à ce qui a été fait.
Entre 2007 et 2012, 3 700 emplois ont été supprimés, et, depuis 2012, 1 500. Depuis 2014, j’ai divisé les suppressions d’emplois de façon significative, puisque nous sommes passés de 800 suppressions lorsque vous étiez aux responsabilités à 400 en moyenne au début du quinquennat, puis à 180 maintenant. La réforme que je vais conduire permettra d’atteindre l’objectif que je vous ai indiqué.
Vous vous inquiétez de la réforme des sous-préfectures. M. Quentin vous a apporté la réponse, en faisant état d’un projet de 2007 qui consistait à en supprimer 47 sur près de 300. À l’époque, c’était sans doute un excellent projet qui ne vous inquiétait pas. Quant à moi, je n’ai que l’intention d’essayer de créer des sous-préfectures là où elles sont nécessaires et d’en supprimer là où elles ne le sont plus, mais aussi de créer des maisons de l’État pour densifier le réseau des acteurs de l’administration territoriale de l’État. Je n’ai pas de projet de suppression des sous-préfectures comparable à celui de 2007, que j’ai choisi de ne pas évoquer pour ne pas être indélicat, mais que M. Quentin a mentionné à ma place, ce dont je le remercie. La suppression de sous-préfectures avec une règle à calcul serait une très mauvaise manière d’assurer la proximité dont le pays a besoin. Pleinement conscient de cette exigence, je propose de mettre fin à la RGPP, de changer de méthode et de recréer des emplois, notamment en milieu rural ou dans un certain nombre de villes.
L’échelon départemental n’est absolument pas affaibli puisque les schémas d’emplois pour le programme « Administration territoriale » ont été adoucis et que le rôle du département va être renforcé dans le cadre de la réforme territoriale, précisément pour assurer la proximité. Avec de grandes régions, il est indispensable de créer les conditions de la proximité des services publics par le renforcement de l’échelon départemental. C’est ce que je souhaite faire à travers la mise en place du plan « Préfectures nouvelle génération ».
Vous demandez ensuite si la formation des imams n’est pas une manière de remettre en cause le principe de la laïcité. Mais dans quelle partie de mon budget voyez-vous une ligne consacrée à la formation des imams ? Il n’y a pas de formation théologique.
M. Olivier Marleix. Il y a des formations à l’université.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. C’est autre chose. Ces diplômes universitaires ne sont pas des diplômes de formation des imams, mais des diplômes de formation aux principes de la République et de la laïcité. Ils existent depuis des années, sont totalement laïques et ouverts à des étudiants qui ne s’intéressent pas aux questions religieuses. Nous allons en augmenter le nombre, mais nous n’avons aucunement l’intention de former des imams sur le plan théologique. Ce n’est pas le rôle de l’État dans une République où s’applique la loi de 1905. En revanche, nous imposons aux imams aumôniers recrutés par l’État l’obtention de ce diplôme de formation à la laïcité et aux principes de la République.
M. Olivier Marleix. Nous finançons donc la formation des imams puisque ce diplôme est financé par l’État !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Ne dénaturez pas tous les sujets dont vous vous emparez ! Il est normal que le ministère de l’intérieur, qui est le ministère des valeurs de la République, finance les diplômes universitaires de formation aux principes de la laïcité et de la République. Nous souhaitons que ces formations soient désormais obligatoires pour les aumôniers recrutés dans les administrations de l’État, quelle que soit leur religion, car nous estimons qu’ils doivent parler français et être formés aux principes et aux valeurs de la République. Comment peut-on transformer ce sujet, qui devrait faire consensus, en objet de polémique ? Depuis des années, dans toutes les universités – celle de Strasbourg, par exemple, où je me suis rendu –, vous verrez des étudiants qui n’ont rien à voir avec la religion et qui préparent ces diplômes.
On a déjà voulu polémiquer à propos d’avions qu’on nous a reproché d’avoir affrétés alors qu’ils sont utilisés par le ministère de l’intérieur depuis 2006 et qu’ils ont fait l’objet d’un contrat de location signé par l’un de mes illustres prédécesseurs, dont certains d’entre vous sont ici les porte-parole. Dans un contexte marqué par des débats dictés par l’agenda du Front national, je commence à être las de voir certains préempter tous les sujets pour asséner des contre-vérités, avec les résultats que l’on sait. Les rapporteurs peuvent venir vérifier sur pièce et sur place la véracité de ce que je dis. Cessons d’instrumentaliser ces questions de façon malsaine pour lancer des débats malsains qui ont des conséquences malsaines.
Monsieur Charroux, rassurez-vous, les crédits ne passent pas de 75 à 55 millions d’euros, mais de 75 000 et 55 000 euros et correspondent aux crédits de maintenance du répertoire national des associations. Cette baisse n’est pas de nature à remettre en cause le soutien que nous apportons aux associations. Je souhaitais dissiper votre inquiétude sincère en vous apportant cette précision et lever toute ambiguïté sur les objectifs que nous poursuivons.
Monsieur Molac, nous maintenons les crédits pour le financement des partis politiques, après plusieurs années consécutives de baisse. Je partage votre sentiment sur la nécessité de ne pas diminuer encore davantage les moyens des partis politiques qui concourent à l’expression démocratique et au suffrage.
Quant à la dématérialisation, je rejoins votre préoccupation sur laquelle, en réponse au rapporteur, j’ai proposé que nous avancions ensemble.
Monsieur Dussopt, la réforme territoriale vise notamment à renforcer l’échelon infradépartemental de proximité. Dans ce cadre, notre objectif est d’améliorer l’ingénierie territoriale par la mise en place d’équipes projetables auprès des intercommunalités afin de leur permettre de bénéficier d’un soutien plus efficace. Les nouvelles compétences des intercommunalités et des EPCI issues de la loi NOTRe vont accroître le rôle des intercommunalités : les préfets sont saisis de cette question, ils ont convoqué les commissions départementales de la coopération intercommunale auxquelles ils présentent leur pré-projet. La concertation commence : l’approbation des schémas départementaux de coopération intercommunale est fixée à la fin mars et le périmètre doit être établi dès cet été.
Pour les aspects plus techniques – l’eau et les risques aquatiques –, la loi NOTRe a repoussé les délais. Un travail approfondi a été conduit par Mme Lebranchu avec l’AMF ; les préfets sont mobilisés pour assurer l’appui des services de l’État. Plus globalement, l’objectif du ministère de l’intérieur dans le cadre du PPNG est de renforcer l’appui aux collectivités locales en termes d’ingénierie administrative. J’espère que vous serez rassuré quant à la volonté du Gouvernement d’atteindre cet objectif.
Monsieur Morel-A-L’Huissier, le PPNG sera mis en œuvre à compter de 2017 pour pouvoir prendre en compte l’ensemble des éléments d’aménagement du territoire. L’année 2016 sera mise à profit pour préparer la réforme et former les agents des préfectures concernées. Le plan prévoit une formation et une requalification qui permettront de renforcer les compétences des agents des services au bénéfice des usagers.
Madame Descamps-Crosnier, un dispositif centralisé a été mis en place auprès du secrétaire général dont le principal objectif est d’accompagner la mobilité fonctionnelle des agents afin d’éviter autant que possible la mobilité géographique. Compte tenu de la modularité de l’organisation territoriale de l’État que nous préconisons, les préfets font remonter des territoires des projets de programmes de formation qui s’appuient sur la concertation engagée avec les personnels pour faire du cousu main. Ces informations permettront d’affiner le dispositif global d’accompagnement prévu par le secrétaire général et sur lequel je lui ai demandé de travailler de façon approfondie. Je vous transmettrai dès la fin de la réunion une note précise sur les moyens mobilisés par l’État pour la mobilité fonctionnelle et géographique ainsi que pour la formation professionnelle.
Monsieur Valax, la centralisation en préfecture du contrôle de légalité lancée en 2009 s’est accompagnée d’une réduction très importante des effectifs chargés de ce contrôle, ces derniers passant de 1 173 à 866, soit une baisse de 26,2 %, entre 2009 et 2012. L’objectif de cette centralisation était de concentrer l’expertise juridique en préfecture et d’harmoniser les pratiques de contrôle à l’échelle départementale, en particulier dans les domaines prioritaires tels que la commande publique ou l’urbanisme, des sujets sur lesquels les risques juridiques sont considérables et les éléments de technicité incontestables. Les missions de contrôle sont désormais exercées au sein d’une direction chargée des relations avec les collectivités locales ; des pôles spécialisés sont mis en place compte tenu des priorités de contrôle établies par les préfets ; les agents de catégorie A et B dans les préfectures disposent, pour la plupart, d’une formation juridique. Cependant, un plan de formation, composé de deux volets, national et régional, doit permettre de développer les capacités d’expertise des agents concernés. Dans le cadre du PPNG, je souhaite renforcer considérablement le contrôle de légalité qui a été très affaibli alors même que la complexité juridique des sujets traités par les collectivités locales s’accroissait. Je souhaite donc augmenter l’accompagnement juridique des collectivités locales afin que les difficultés auxquelles nous avons été confrontées ne se perpétuent pas.
Monsieur Chrétien, le ministère de l’intérieur travaille sur la mise en place d’une identité électronique et numérique très sécurisée. La carte nationale d’identité électronique (CNIe) en est une modalité, mais son coût est élevé et doit être mis en regard du niveau de sécurité numérique qu’elle assure, d’autant que d’autres moyens permettent d’atteindre ce niveau. Je souhaite conjuguer sécurisation maximale et coûts maîtrisés. C’est la raison pour laquelle je concentre les moyens du ministère sur la carte d’identité sans puce électronique depuis l’annulation du projet de CNIe. Des mesures fortes pour protéger l’identité ont été mises en place ; la sécurisation des procédures, la transmission informatisée des dossiers des mairies vers les préfectures – le dispositif COMEDEC (Communication électronique des données de l’état civil) –, ainsi que le dispositif de lutte contre la fraude doivent permettre d’atteindre un niveau de sécurité maximal avec des coûts mieux maîtrisés. Je suis tout à fait disposé à rendre compte devant vos commissions de la mise en place de ces projets et des résultats que nous obtenons, au regard de la préoccupation très légitime que vous avez exprimée.
Mesdames Capdevielle et Untermaier, les maisons de l’État ne sont pas un substitut aux sous-préfectures, mais cette substitution n’est pas interdite si l’opportunité territoriale s’en présente. Des maisons de l’État sont implantées dans des territoires dans lesquels les sous-préfectures sont maintenues ; des maisons de sous-préfecture sont installées dans des maisons de l’État. Ce qui compte pour moi, c’est la modularité territoriale : l’adaptation de l’organisation de l’État aux spécificités des territoires, à leur évolution démographique et sociologique, ainsi qu’aux opportunités de coopération avec les collectivités, comme la création de maisons dans lesquelles les administrations des collectivités et de l’État cohabitent.
Pour répondre à M. Morel-A-L’Huissier, nous avons augmenté les budgets consacrés à la création de maisons de l’État. J’ai obtenu, en 2014, une disposition réglementaire et un abondement du budget qui ont permis de passer de treize maisons construites ou en cours de construction à trente-trois projets, dont un certain nombre sont en cours de réalisation. Grâce aux moyens budgétaires, on constate un très fort succès des maisons de l’État et une appropriation par les préfets et les élus, si bien que je suis souvent conduit à poser des premières pierres ou à inaugurer des maisons dans des départements ou villes où elles représentent une formidable opportunité de modernisation.
Bien entendu, l’État est désireux d’adapter sa présence à l’émergence des intercommunalités. Vous êtes bien placés pour savoir que certains vieux projets territoriaux peuvent ressortir à la faveur de l’émergence d’EPCI. Ceux qui préconisaient la création d’intercommunalités n’y sont parfois plus favorables dès lors que l’opportunité se présente de les réaliser. Cela fait partie des charmes de la vie politique française… Votre département est un très bon exemple de notre capacité à adapter l’organisation de l’État aux nouvelles intercommunalités. J’ai d’ailleurs prononcé un discours à Bayonne allant dans ce sens et précisant les moyens à notre disposition – maison de l’État, refonte de la carte des sous-préfectures, création des maisons de service public –, dans le cadre des schémas d’accessibilité au service public. Nous sommes donc dans la bonne direction.
Je reconnais la fibre maritime et rochelaise de M. Quentin dans sa question : s’agissant des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), le Premier ministre a décidé de maintenir l’organisation des directions départementales interministérielles (DDI) sous réserve des mutualisations en matière de cohésion sociale. Le conseil des ministres a pris un engagement très clair en ce sens le 31 juillet. Mme Royal a demandé aux services placés sous sa responsabilité d’examiner les missions et agents susceptibles d’être détachés des DREAL pour renforcer les DDTM et les DDT. La rationalisation de l’organisation de l’administration de l’État au plan régional ne remet pas en cause le maillage territorial existant pour des administrations spécifiques dont la présence sur des territoires présentant des particularités – territoires de montagne ou maritimes – leur est très nécessaire.
M. Popelin m’a posé beaucoup de questions, mais il a dû partir. Je propose de lui adresser par écrit une réponse précise.
M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.
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* *
À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » et de M. Sergio Coronado, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative », les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2016.
La Commission donne un avis favorable aux amendements n°s II-179 et II-184 (article 24, état B) du Gouvernement.
Puis, conformément aux conclusions de M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » et de M. Sergio Coronado, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2016 modifiés.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
● Ministère de l’Intérieur
— M. Marc DROUET, adjoint à la directrice de la modernisation et de l’action territoriale (DMAT)
— M. Marc TSCHIGGFREY, chef du bureau des élections et des études politiques (47)
● Ministère des Affaires étrangères et du développement international
— M. Christophe BOUCHARD, directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire
— M. Sylvain RIQUIER, sous-directeur de l’administration des Français
● Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)
— M. François LOGEROT, président
–– M. Régis LAMBERT, secrétaire général
● Inspection générale de l’administration (IGA)
— Mme Corinne DESFORGES, inspectrice générale de l’administration
— M. Louis PAUTY, chargé de mission