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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3096)
de finances pour 2016
TOME XIV
SÉCURITÉS
SÉCURITÉ CIVILE
PAR M. PIERRE MOREL-A-L’HUISSIER,
Député.
Voir les numéros : 3110-III-44.
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2015 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, l’intégralité des réponses attendues était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’Intérieur de leur collaboration. |
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Pages
I. LA STRUCTURE DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE » 7
II. LA LÉGÈRE HAUSSE DE LA DOTATION 8
III. LES ENJEUX STRATÉGIQUES DU PROGRAMME 9
DEUXIÈME PARTIE : L’INDISPENSABLE POURSUITE DE L’EFFORT EN FAVEUR DU VOLONTARIAT 11
I. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DES EFFECTIFS DES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES DANS UN CONTEXTE EUROPÉEN DÉLICAT 11
A. L’INSUFFISANCE INQUIÉTANTE DU NOMBRE DE CASERNES ET, MALGRÉ UNE RÉCENTE HAUSSE, DES EFFECTIFS DES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES 11
B. L’IMPÉRATIVE EXCLUSION DES VOLONTAIRES DU CHAMP DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE RELATIVE AU TEMPS DE TRAVAIL 15
II. LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN œUVRE DES ACTIONS CONCRÈTES EN FAVEUR DU VOLONTARIAT 17
A. L’INCOMPLÈTE EXÉCUTION DE L’ENGAGEMENT NATIONAL POUR LE VOLONTARIAT 17
B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA COMMUNICATION AUPRÈS DES JEUNES ET SON ADAPTATION AUX DIFFÉRENTS PUBLICS 19
1. La poursuite de la valorisation des Jeunes Sapeurs-Pompiers 19
2. L’adaptation de la communication à destination de publics peu familiers du monde de la Sécurité civile 21
C. LES PISTES COMPLÉMENTAIRES SUSCEPTIBLES D’AMÉLIORER LA SITUATION DES EFFECTIFS DE VOLONTAIRES 22
1. L’opportunité d’une généralisation de la réserve citoyenne de sécurité civile 22
2. L’association des sapeurs-pompiers dans la prévention des accidents de la vie courante 24
III. LES EFFORTS FAITS EN MATIÈRE DE LOGEMENTS ET DE GESTION DU PARC IMMOBILIER DE LA SÉCURITÉ CIVILE 25
A. LE BESOIN DE DISPOSER DE LOGEMENTS ADAPTÉS POUR LES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES 25
B. LES RÉCENTES MESURES SUSCEPTIBLES D’AMÉLIORER LA SITUATION IMMOBILIÈRE DE LA SÉCURITÉ CIVILE 26
TROISIÈME PARTIE : L’ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE ET LA GESTION DE SES MOYENS AÉRIENS 28
I. L’IMPACT DES RÉFORMES TERRITORIALES SUR L’ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE 28
A. LE MAINTIEN DE LA COMPÉTENCE DÉPARTEMENTALE EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DU SECOURS EN MER 28
B. L’AMÉLIORATION DU FINANCEMENT DES SERVICES DÉPARTEMENTAUX D’INCENDIE ET DE SECOURS PAR LA LOI « NOTRe » DU 7 AOÛT 2015 29
1. La consécration de la possibilité de transférer aux EPCI créés après 1996 les contributions communales au budget des SDIS 30
2. L’extension aux unités de Paris et Marseille de la facturation d’interventions ne se rattachant pas directement à leurs missions de service public 30
C. L’OPPORTUNITÉ D’UN NUMÉRO UNIQUE POUR LES APPELS D’URGENCE : LE 112 32
1. Les avantages présentés par un numéro unique associé à une mutualisation des centres de traitement des appels 32
2. La mise à l’épreuve du projet : les expérimentations conduites en Haute-Savoie et en région parisienne 33
II. L’ÉVOLUTION DES MOYENS AÉRIENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE 34
A. LA POURSUITE DU TRANSFERT DE LA BASE AÉRIENNE DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS LE GARD 35
B. LA QUESTION STRATÉGIQUE DU RENOUVELLEMENT DES AVIONS DE LA SÉCURITÉ CIVILE 36
1. L’état de la flotte et la nécessité de son renouvellement partiel à l’horizon 2023 36
2. Les différentes pistes explorées pour remplacer les Canadair et les Tracker 39
a. Les espoirs déçus suscités par les appareils employés par d’autres États sur le front des incendies 39
b. Le superbombardier d’eau : une force de frappe sans équivalent mais inadéquate pour la France 40
c. La solution privilégiée : l’achat de nouveaux Dash 8 41
Mesdames, Messieurs,
Les intempéries dramatiques qui ont frappé le Sud-est de notre pays au début du mois d’octobre, dont le caractère de catastrophe naturelle a été reconnu par le Gouvernement, ont fourni un nouveau témoignage de la qualité des unités de la Sécurité civile. La tragique disparition d’une jeune sapeur-pompier volontaire dans la nuit du 17 au 18 septembre, en combattant un incendie, qui s’est ajoutée aux décès en service de huit sapeurs-pompiers depuis 2014, nous rappelle les risques inhérents à l’activité de ces femmes et hommes qui vouent leur existence au bien commun. Ils commandent de notre part à tous la plus vive, sincère et profonde admiration.
C’est en effet la qualité de ses ressources humaines, alliée à son organisation, qui fait l’excellence de la Sécurité civile française. La combinaison d’un pilotage central par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et d’un échelon local avec les services départementaux d’incendie et de secours permet une réaction rapide sur tous les théâtres d’opération, pour faire face aux crises de toute nature. Il suffit, pour s’en convaincre, d’étudier les chiffres de l’activité des équipes de la Sécurité civile en 2014 : 4,3 millions d’interventions, 2 779 départs de feux dont 2 562 en métropole (plus de 7 500 hectares brûlés), sans compter les événements climatiques critiques (intempéries d’octobre dans le Sud-est, inondations dans le Sud et sur le littoral atlantique ou encore cyclones dans les outre-mer) et l’appui à d’autres États (Suède, Grèce, Serbie, Guinée et Guinée équatoriale).
Les fondements de l’organisation de la Sécurité civile n’ont pas été remis en cause par les récentes réformes territoriales, ce dont votre rapporteur pour avis se réjouit. Néanmoins, ce maintien ne doit pas dissimuler les écueils sur lesquels notre modèle de sécurité civile pourrait, à plus ou moins long terme, s’échouer en l’absence d’actions ambitieuses. Il ne s’agit pas de dresser ici un tableau alarmiste, mais de mettre en évidence les difficultés auxquelles la Sécurité civile fait ou pourrait faire face, afin d’identifier les solutions susceptibles d’être fournies. En premier lieu, et malgré une très légère hausse de leur nombre, les sapeurs-pompiers volontaires se trouvent encore dans une situation délicate eu égard à la relative faiblesse de leurs effectifs. Des efforts opportuns ont été entrepris ; il convient de les accroître, tout en restant vigilant et mobilisé sur les risques que fait peser la révision en cours de la directive européenne relative au temps de travail. En deuxième lieu, les modalités de gestion financière de la Sécurité civile, améliorées par le législateur en août dernier, gagneraient à poursuivre leur mue, notamment s’agissant du traitement des appels d’urgence. En troisième lieu, il semble indispensable d’engager une réflexion sur le renouvellement de la flotte aérienne, l’obsolescence prochaine de certains modèles risquant de limiter considérablement la capacité opérationnelle de la Sécurité civile. Tels sont les thèmes que votre rapporteur pour avis se propose d’aborder.
PREMIÈRE PARTIE : LE BUDGET 2016
Le programme 161 « Sécurité civile », dont les crédits constituaient jusqu’en 2012 une mission budgétaire, fait partie, depuis le projet de loi de finances pour 2014, de la mission « Sécurités » avec les programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ». Cette réorganisation répondait à la volonté de réunir, au sein d’une mission unique, l’ensemble des moyens financiers relevant du ministère de l’Intérieur et concourant à la protection des populations sur tout le territoire, quel que soit le type de risque.
Le programme est constitué de quatre actions – les mêmes que celles des précédents projets de loi de finances – et est placé sous la responsabilité du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).
L’action 11 « Prévention et gestion de crises », sous la responsabilité du sous-directeur de la planification et de la gestion des crises, porte sur la veille, l’alerte et la gestion interministérielle des crises (avec l’identification des risques et menaces, qu’ils soient avérés ou potentiels), sur la gestion du système d’alerte et d’information des populations – SAIP –, sur la solidarité nationale en cas de survenance d’une crise, sur la prévention opérationnelle et la protection des populations et, enfin, sur l’activité opérationnelle lors de crises (par exemple, les crédits de carburant des aéronefs).
L’action 12 « Préparation et intervention spécialisées des moyens nationaux » est animée par le sous-directeur des moyens nationaux et se décline en cinq sous-actions, chacune portant sur un « métier » propre à la Sécurité civile : avions, hélicoptères, moyens nationaux terrestres, déminage et soutien. C’est l’action qui bénéficie de la dotation la plus importante, correspondant à environ 60 % des crédits du programme, dont une part substantielle est allouée aux dépenses de titre 2 et une portion importante à la maintenance des aéronefs.
L’action 13 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » relève du directeur des sapeurs-pompiers et, sous son autorité, du sous-directeur des ressources, des compétences et de la doctrine d’emploi, d’une part, et du sous-directeur des services d’incendie et des acteurs de secours, de l’autre. Elle correspond aux activités de coordination et de formation des services d’incendie et de secours et des associations de sécurité civile. C’est d’elle que dépendent, notamment, les crédits consacrés à la politique nationale en faveur du volontariat des sapeurs-pompiers.
Enfin, l’action 14 « Fonctionnement, soutien et logistique », sous l’égide du sous-directeur des moyens nationaux, réunit les fonctions de soutien général du programme 161 : services d’état-major, inspection de la défense et de la sécurité civile, fonctions support.
Les crédits demandés pour 2016, s’agissant du programme 161, sont en légère hausse par rapport à la dotation consentie pour le précédent exercice puisqu’ils augmentent de près de 2 %.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »
(en euros)
Actions du programme 161 |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution |
11 – Prévention et gestion de crises |
32 787 823 |
31 056 821 |
- 5,3 % |
12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux |
254 620 702 |
265 606 478 |
+ 4,3 % |
13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile |
142 576 026 |
140 478 835 |
- 1,5 % |
14 – Fonctionnement, soutien et logistique |
3 199 917 |
4 442 879 |
+ 38,8 % |
Total du programme 161 |
433 184 468 |
441 585 013 |
+ 1,9 % |
Cette évolution est essentiellement due à l’action 12, qui regroupe les crédits des moyens nationaux, notamment terrestres et aériens, dans la mesure où, à l’exception de l’action 14 dont la dotation est marginale au regard du total du programme (elle en représente 1,1 %), les autres actions ont vu leurs crédits diminuer.
Les fonds de concours et avances de produits attendus, qui s’ajoutent au montant des crédits de paiement demandés pour 2016, s’élèvent à 12 350 000 euros.
Enfin, d’autres programmes, dont certains relèvent de missions distinctes, concourent à l’action de la Sécurité civile :
– le programme 176 « Police nationale », relevant de la même mission « Sécurités » ;
– le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », relevant de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » ;
– enfin, le programme 309 « Entretien immobilier de l’État », inclus dans la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Ces trois programmes augmentent de 5 563 000 euros les crédits dont le programme 161 dispose, le budget de la Sécurité civile s’élevant ainsi, au total, à 459 498 millions d’euros.
Le programme « Sécurité civile » placé sous la responsabilité de la DGSCGC a pour ambition le renforcement de l’efficience des moyens nationaux. À cet effet, six axes sont prévus pour 2016, les mêmes que ceux suivis en 2015 : accroître les synergies entre moyens nationaux, développer des partenariats avec les acteurs de la sécurité nationale (forces de maintien de l’ordre, armée, unités de secours médical, etc.), poursuivre le transfert de la base aérienne de la Sécurité civile des Bouches-du-Rhône au Gard – dont l’achèvement est programmé au premier semestre 2017 –, favoriser la montée en puissance de l’unité mobile de démantèlement des munitions identifiées, réorganiser les établissements de soutien opérationnel et, enfin, optimiser les processus d’achats au travers d’une programmation pluriannuelle.
Pour l’exercice 2016, la DGSCGC poursuivra quatre objectifs, contre cinq en 2015 (et neuf en 2014) :
– objectif n° 1 : assurer l’efficacité et l’efficience des dispositifs de lutte contre les feux de forêt ;
– objectif n° 2 : assurer l’efficacité et l’efficience des opérations de secours aux personnes en hélicoptère en milieux difficiles ;
– objectif n° 3 : faire évoluer la cartographie des centres de déminage pour éliminer les munitions historiques et faire face à la menace terroriste ;
– objectif n° 4 : harmoniser les moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).
L’objectif consistant à mettre en œuvre la réserve nationale en cas de crise, sous la responsabilité des préfectures et des SDIS, n’a pas été repris dans le projet de loi de finances pour 2016.
Les dépenses de titre 2, relatives au personnel, correspondent en crédits de paiement demandés à 167 194 449 euros, soit près de 38 % du total du programme (hors fonds de concours et attributions de produits attendus).
Deux grands projets informatiques participant à la satisfaction de ces objectifs se poursuivront pendant l’année 2016 : d’une part, le programme ANTARES, d’autre part, le projet de modernisation du système d’alerte et d’information des populations (SAIP).
Le programme ANTARES, lancé en 2013, s’est vu assigner l’objectif de moderniser les systèmes d’information des services concourant aux missions de sécurité civile. Il permet une meilleure coordination des activités opérationnelles, prémunit les systèmes de communication de toute saturation et offre des garanties supérieures en matière de sécurité et de confidentialité. Relevant de l’action 13 « Soutien aux acteurs de la Sécurité civile », il verra son financement achevé en 2016 pour un coût cumulé de 155,8 millions d’euros. Sur ce total, 23,6 millions sont demandés pour le budget 2016.
Le SAIP, quant à lui, est une exigence découlant des préconisations du livre blanc sur la défense et permettra à la France de disposer d’un système d’alerte rapide et performant. Combinant différents moyens d’information et d’alerte – sirènes, SMS, panneaux d’affichage –, il s’appuie sur une redondance volontaire afin de toucher l’ensemble de la population de la façon la plus certaine possible. Pour 2016, les crédits demandés s’élèvent à 6,2 millions d’euros ; son déploiement est censé intervenir dans le courant de l’année 2016 pour un montant cumulé, depuis 2013, de 78 millions d’euros imputés sur l’action 11 « Prévention et gestion de crises ».
Parmi les autres postes importants qui concourent à l’accomplissement par la DGSCGC des missions qui lui incombent, doivent être mentionnées les dépenses intéressant directement la flotte de la Sécurité civile.
Le carburant et le produit retardant représentent près de 10 millions d’euros, eux aussi imputés sur l’action 11. La maintenance des aéronefs, pour laquelle 70,3 millions d’euros sont demandés en crédits de paiement (dont 40,9 millions pour les avions), relève, elle, de l’action 12 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux ». Enfin, le transfert de la base aérienne de la Sécurité civile de Marignane à Nîmes-Garons fait l’objet d’une demande de 12,45 millions d’euros en crédits de paiement (également à l’action 12).
La flotte constitue l’un des principaux enjeux auxquels la DGSCGC devra faire face dans les prochaines années, eu égard à l’obsolescence, consommée ou prochaine, d’une partie de ses appareils. Or, l’efficacité opérationnelle de la Sécurité civile est indissociable d’aéronefs adaptés aux missions de lutte contre les feux de forêts. Identifier les bons avions pour remplacer, à moyen terme, ceux qui sont frappés par l’ancienneté, doit constituer l’une des priorités de l’administration.
Les crédits du programme 161 ne constituent pas, naturellement, le budget complet alloués aux acteurs de la Sécurité civile en France. D’autres personnes publiques interviennent, telles que les départements et le bloc communal, pour financer les SDIS dont le budget cumulé, en 2014, s’est élevé à 4,927 milliards d’euros (1), soit plus de dix fois la dotation du programme « Sécurité civile ».
DEUXIÈME PARTIE : L’INDISPENSABLE POURSUITE DE L’EFFORT EN FAVEUR DU VOLONTARIAT
Devant le Congrès national des sapeurs-pompiers, le 26 septembre 2015, le ministre de l’Intérieur a annoncé l’adoption, en 2016, d’un bloc statutaire répondant aux attentes des professionnels, dont votre rapporteur s’était fait l’écho dans l’avis présenté l’année dernière au nom de la commission des Lois. Une catégorie A+ pour les officiers supérieurs des sapeurs-pompiers devrait voir le jour, et la mobilité vers les fonctions publiques de l’État et des collectivités territoriales pourrait être facilitée. Par ailleurs, avec la bienveillance de l’Association des départements de France, a été décidé le principe d’une nomination conjointe aux emplois fonctionnels de direction des SDIS par le président du SDIS et le préfet.
Si les promesses sont tenues, les nécessaires réformes du statut des sapeurs-pompiers professionnels pourront enfin aboutir, ce dont votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir. Ces succès annoncés, toutefois, ne doivent pas faire oublier la réalité de la situation des sapeurs-pompiers en France, dont 80 % environ sont volontaires. Or, depuis 2004, l’état des effectifs des volontaires ne cesse de se dégrader. Des mesures opportunes, bien que sans doute un peu tardives, ont été adoptées en 2013, mais il convient de rester vigilant afin de garantir la pérennité du volontariat, armature de la Sécurité civile française. Aussi, plutôt que de se pencher sur les évolutions statutaires des sapeurs-pompiers professionnels, bienvenues mais inachevées et qui devraient être accomplies dans le courant de l’année 2016, il est apparu nécessaire à votre rapporteur pour avis de concentrer sa réflexion sur la situation du volontariat.
I. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DES EFFECTIFS DES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES DANS UN CONTEXTE EUROPÉEN DÉLICAT
Fondement du modèle français de sécurité civile, la pérennité du volontariat est menacée par deux facteurs, l’un endogène, lié à la diminution depuis dix ans du nombre de sapeurs-pompiers volontaires, l’autre exogène, avec les risques que fait peser sur le statut et donc l’employabilité opérationnelle des volontaires la future directive relative au temps de travail.
A. L’INSUFFISANCE INQUIÉTANTE DU NOMBRE DE CASERNES ET, MALGRÉ UNE RÉCENTE HAUSSE, DES EFFECTIFS DES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES
En 2014, les SDIS ont réalisé près de 4,3 millions d’interventions, chiffre stable par rapport aux précédentes années. Plus de 70 % de ces interventions concernent le secours aux victimes et l’aide aux personnes (en hausse d’un point par rapport à 2013) et les accidents de circulation (qui ont connu une augmentation de 3 % d’une année sur l’autre). Les interventions contre les incendies ont accusé une baisse de 4 %. En moyenne, les SDIS réalisent 116 interventions par jour, ce chiffre masquant toutefois des disparités d’un département à l’autre : les SDIS de première catégorie effectuent près de 230 interventions quotidiennes en moyenne, contre 24 pour ceux de cinquième catégorie ; le Bataillon de marins-pompiers de Marseille et la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, quant à eux, ont respectivement réalisé 291 et 1 213 interventions chaque jour de l’année 2014.
Pour atteindre cette activité d’une intervention toutes les 7 secondes, les services d’incendie et de secours disposent de 246 662 femmes et hommes, dont près de 80 % de sapeurs-pompiers volontaires (193 756), 17 % de professionnels (40 834) et 5 % de militaires (Brigade de sapeurs-pompiers de Paris qui réunit 8 168 personnes, Bataillon de marins-pompiers de Marseille – 2 477 personnes – et formations militaires de la Sécurité civile – 1 427 personnes). Les femmes représentent 14 % des effectifs.
La place des volontaires, les chiffres en témoignent de façon évidente, est essentielle dans le modèle français de sécurité civile dans la mesure où ils représentent près de quatre pompiers sur cinq. En outre, moins les SDIS sont importants, plus la part des volontaires est grande : dans les SDIS de cinquième catégorie, les sapeurs-pompiers volontaires représentent 93 % des effectifs.
Or, le nombre de volontaires a connu, durant la dernière décennie, une diminution inquiétante, passant de 207 583 en 2004 à 192 314 à la fin 2013, soit une perte de plus de 15 000 femmes et hommes. Cette baisse s’est parallèlement accompagnée d’une augmentation massive de l’activité des pompiers dans la mesure où, sur cette période, le total annuel des interventions est passé de 3 560 000 à 4 230 000. Le graphique suivant témoigne de cette situation.
Évolutions comparées des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires et du nombre d’interventions réalisées (2002-2013)
Les évolutions croisées des effectifs de volontaires et du nombre d’interventions illustrent une réalité problématique : les pompiers, de moins en moins nombreux, sont de plus en plus sollicités, ce qui fait peser sur chacun d’entre eux une charge de travail plus lourde qu’auparavant. La dégradation des conditions de travail, la fatigue, le stress, sont susceptibles de limiter l’attrait du volontariat et de pousser vers la sortie les volontaires engagés.
La réalité ainsi décrite supposait une réaction vigoureuse des pouvoirs publics et des acteurs de la Sécurité civile ; elle a conduit, en 2013, à la signature de l’Engagement national pour le volontariat, afin de planifier un ensemble de mesures permettant une relance des engagements volontaires (cf. infra). Les premières mesures semblent porter leurs fruits puisque, pour la première fois depuis 2004, les effectifs des sapeurs-pompiers volontaires ont connu une hausse, s’établissant pour l’année 2014 à 193 756, soit 1 442 volontaires supplémentaires par rapport à 2013 (2).
Néanmoins, cette augmentation ne doit pas dissimuler la persistance du caractère insuffisant des effectifs de cette population et ne peut en aucun cas entraîner une baisse de la mobilisation.
En premier lieu, en effet, les 1 442 effectifs supplémentaires ne correspondent pas à autant de nouveaux engagements, ces derniers avoisinant en réalité le millier : environ 450 volontaires de Mayotte, qui étaient déjà engagés, ont été intégrés aux statistiques pour la première fois cette année, conduisant à un gonflement artificiel de l’augmentation affichée.
En second lieu, surtout, la hausse est loin de compenser la diminution qui a marqué les années 2004-2013. Près de 14 000 volontaires séparent les effectifs de 2014 de ceux du pic connu en 2004. En outre, l’objectif de 200 000 volontaires en 2017, annoncé par le Président de la République à l’occasion du 120e Congrès national des sapeurs-pompiers tenu à Chambéry en octobre 2013, reste éloigné et sera difficile à atteindre car cela supposerait d’avoir plus de 6 000 volontaires supplémentaires en trois ans (en comptant l’année 2015). Par ailleurs, si la durée de l’engagement semble progresser, s’établissant en moyenne à 11 ans et 4 mois, près de 40 % des engagés ne dépassent pas 5 ans. Aussi, si une part substantielle des volontaires actuels risque de quitter les effectifs à un horizon relativement proche, l’objectif des 200 000 volontaires sera d’autant plus délicat à atteindre.
Parallèlement à la baisse des effectifs, la Sécurité civile a connu une autre diminution importante, celle du nombre de centres d’incendie et de secours. En une seule année, de 2013 à 2014, 136 centres ont fermé, faisant passer le total de 7 151 à 7 015. Le graphique ci-après retrace l’évolution du nombre de centres, cumulant les données des SDIS et celles de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris et du Bataillon de marins-pompiers de Marseille. Si la plupart des fermetures ne concernent pas des casernes rattachées à des SDIS mais des centres de première intervention, elles n’en sont pas moins néfastes et essentiellement dues, non à une rationalisation du maillage territorial, mais à une insuffisance des effectifs (en moyenne dix sapeurs-pompiers par centre).
Évolution du nombre de centres d’incendie et de secours (2008-2014)
Source : Ministère de l’Intérieur – Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
En sept ans, la Sécurité civile a perdu plus de 800 casernes. Au-delà des questions immobilières, cette évolution inquiétante a considérablement miné le maillage territorial, qui devient de plus en plus lâche. Deux types d’effets indésirables risquent de se produire si rien n’est fait pour endiguer ce phénomène.
D’une part, faute de disposer de suffisamment de centres d’incendie et de secours, les pompiers verront leur réactivité diminuer, devant mettre plus de temps pour rejoindre les sites d’accidents ou d’incendies. D’autre part, le volontariat est lié à la répartition géographique des casernes : les engagements sont favorisés par la présence à proximité du domicile des intéressés d’un centre d’incendie et de secours. L’éloignement inévitable qu’entraîne la diminution du nombre de ces centres est susceptible d’avoir un effet délétère sur les efforts en faveur du volontariat.
Au-delà des questions liées aux effectifs et aux sites, un autre péril pèse sur la Sécurité civile française, touchant au principe même de son organisation et lié aux conséquences que pourrait avoir la future directive européenne relative au temps de travail.
B. L’IMPÉRATIVE EXCLUSION DES VOLONTAIRES DU CHAMP DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE RELATIVE AU TEMPS DE TRAVAIL
Soucieuse d’adapter sa législation aux évolutions sociales, l’Union européenne s’est lancée dans un processus de révision de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil relative au temps de travail du 4 novembre 2003. Votre rapporteur pour avis tient à souligner les risques importants que cette négociation fait peser sur le modèle français de sécurité civile.
La définition de la qualité de « travailleur » retenue par la Commission européenne repose sur l’existence d’un lien de subordination dans l’exercice d’une activité planifiée, critères que remplissent sans difficulté les sapeurs-pompiers volontaires français : la planification de leurs astreintes et interventions est indéniable, de même que leur subordination aux sous-officiers et officiers qui les dirigent dans le cadre de leur activité volontaire. En outre, l’indemnité qu’ils perçoivent au titre de cette activité pourrait être vue comme une rémunération, qui s’ajouterait aux deux précédents critères.
Or, la reconnaissance de la qualité de travailleur entraîne l’application d’un régime minimal, qui peut être renforcé par les États membres, s’agissant de la durée du travail réalisé. En l’état du droit (directive 2003/88/CE), les garanties sont les suivantes :
– durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures en moyenne ;
– repos journalier minimal de 11 heures consécutives par 24 heures ;
– repos minimal de 24 heures consécutives par tranche de sept jours, qui s’ajoute aux 11 heures consécutives précédemment mentionnées.
Pour éviter que ce socle s’applique aux pompiers volontaires, le Parlement français, par l’article 1er de la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 que votre rapporteur pour avis avait eu l’honneur de rapporter, a expressément exclu le volontariat du champ des activités exercées à titre professionnel et indiqué que ses conditions d’exercice étaient soumises à un régime propre. Cette précaution législative prémunissait les volontaires contre toute interprétation contraire à l’esprit du volontariat. Leur engagement est une vocation, il diffère fondamentalement d’une activité professionnelle et n’est pas recherché pour des motifs pécuniaires. Les volontaires ne raisonnent pas en termes horaires, mais en fonction des missions qui leur incombent. Tel est le point de vue exprimé par les principaux intéressés : dans une motion commune, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et le Deutscher Feuerwehr Verband (DFV), l’association allemande de pompiers, ont fait état de leur souhait que la révision de la directive « préserve, dans un contexte d’augmentation de leur sollicitation opérationnelle, la qualité du service public assuré, quotidiennement comme en situation de crise, par les sapeurs-pompiers, volontaires et professionnels, indépendamment de l’objectif légitime de respect de leur santé et de leur sécurité dans le cadre de leur travail ou de leur activité. » (3)
Toutefois, la situation actuelle, qui exclut les volontaires du champ de la directive, pourrait évoluer. L’application du socle actuellement prévu – ou l’application d’un nouveau socle de garanties minimales – aux sapeurs-pompiers volontaires, autrement dit la prise en compte de l’engagement volontaire pour le calcul des quotas horaires fixés, aura pour effet de limiter considérablement l’effectivité de cet engagement, voire d’être « synonyme d’arrêt de mort pour le volontariat » (4).
En effet, dans la mesure où la majorité des volontaires exercent, parallèlement à leur engagement, une activité professionnelle, l’addition du premier et de la seconde entraînera vraisemblablement un dépassement des quotas fixés par la directive. La réalisation d’une journée de travail suivie d’une intervention sur le terrain, pour lutter contre un incendie, peut se traduire par une activité continue ne permettant pas d’obtenir 11 heures consécutives de repos. De la même manière, travailler du lundi au vendredi – voire au samedi – puis être mobilisé le week-end en qualité de volontaire peut avoir pour effet de priver l’intéressé de la période de repos de 24 heures exigée. Enfin, le cumul de l’activité professionnelle et de l’engagement conduira, dans de nombreux cas, au dépassement du maximum de 48 heures hebdomadaires travaillées (5). Concrètement, l’inclusion du volontariat dans le champ de la directive conduirait la France à se priver des 60 % de volontaires qui exercent une activité professionnelle à titre principal. Ces 120 000 volontaires devraient être remplacés par 60 000 professionnels, pour un montant de 2 milliards et demi d’euros, dépense difficilement soutenable.
Lors de son audition par la commission élargie chargée d’examiner les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2015, le 27 octobre 2014, le ministre de l’Intérieur avait souligné les efforts faits par le Gouvernement pour exclure du champ de la directive le volontariat des sapeurs-pompiers, au travers d’interventions auprès des autorités de l’Union européenne ou de la recherche d’une position commune avec des États partenaires, tels que l’Allemagne ou l’Italie. La France a également participé à la consultation publique organisée par l’Union européenne sur le projet de refonte de la directive, afin de solliciter en mars 2015 l’exclusion des acteurs volontaires et bénévoles de la Sécurité civile de son champ d’application.
L’attention de la Commission européenne ne saurait trop être attirée sur ce point éminemment sensible. Votre rapporteur pour avis souhaite le succès de cette démarche, à défaut de quoi les fondements mêmes de la Sécurité civile seront menacés et la capacité opérationnelle des unités de sapeurs-pompiers considérablement remise en cause.
Les difficultés auxquelles le modèle français de sécurité civile fait face, loin d’être ignorées par les pouvoirs publics, font l’objet de la part de ces derniers d’une réflexion continue qui s’est notamment traduite, en 2013, par l’adoption de l’Engagement national pour le volontariat que votre rapporteur pour avis avait déjà évoqué l’année dernière. Si l’exécution des mesures qu’il prévoit progresse et qu’une légère embellie a pu être constatée s’agissant des effectifs, elle ne le fait toutefois pas à un rythme satisfaisant. D’autres actions doivent être parallèlement conduites, telles que celles évoquées par les travaux de la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine conduite par le Président Claude Bartolone au premier semestre de cette année.
Clef de voûte de la démarche de pérennisation du modèle de sécurité civile français, l’Engagement national pour le volontariat décline, en vingt-cinq mesures réparties en cinq volets, les actions que le Gouvernement et les acteurs de la Sécurité civile comptent mettre en œuvre pour améliorer la situation des sapeurs-pompiers volontaires. Conclu le 11 octobre 2013, il associe le ministère de l’Intérieur, l’Assemblée des départements de France, l’Association des maires de France, le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, la Conférence nationale des services d’incendie et de secours et la FNSPF.
Les cinq volets de l’engagement portent sur les thèmes suivants :
– volet I : augmenter les effectifs afin de mieux répartir la charge, diminuer la sollicitation individuelle et garantir la ressource mobilisable en cas de crise (six mesures) ;
– volet II : consolider le modèle de sécurité civile dont le volontariat est la composante essentielle (dix mesures) ;
– volet III : reconnaître la place des sapeurs-pompiers volontaires au sein de l’encadrement des SDIS (quatre mesures) ;
– volet IV : faciliter l’accès des jeunes aux activités des Jeunes sapeurs-pompiers et des sapeurs-pompiers volontaires (quatre mesures) ;
– volet V : garantir annuellement la vérification de l’équilibre entre le montant de l’indemnité horaire et celui des charges que les sapeurs-pompiers volontaires supportent du fait de leur engagement (une mesure).
Ambitieux, l’Engagement national pour le volontariat tente de conforter le modèle français de sécurité civile. Ses mesures visent à développer les formations et expériences, à attirer un public plus diversifié, à prendre en compte les spécificités du volontariat dans les méthodes managériales, à valoriser les parcours – par l’accès à des postes d’encadrement et aux promotions d’officiers de l’Ordre national de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite –, à garantir le pouvoir d’achat des volontaires ou faciliter leur accès au logement social.
Sur les vingt-cinq mesures de l’engagement, treize sont déclinées de façon satisfaisante. La facilitation des relations entre volontaires et employeurs, publics ou privés, est en bonne voie avec la conclusion de plusieurs conventions avec les ministères de la Défense et de l’Éducation nationale, la SNCF ou encore Airbus. D’autres conventions sont dans leur phase de finalisation, telles que celles associant AREVA et EDF. De la même manière, les mesures relatives à la prise en compte du volontariat dans les méthodes managériales, sa promotion au sein du service de santé et de secours médical et la hausse des contingents de volontaires récipiendaires de distinctions nationales ont connues des suites concrètes. Enfin, l’ensemble du volet IV, ciblé sur les jeunes, a fait l’objet d’engagements satisfaisants (la question des jeunes et, plus généralement, de la communication auprès de publics spécifiques sera analysée plus en détail infra).
Néanmoins, une partie importante de l’Engagement national pour le volontariat – au moins dix de ses vingt-cinq mesures – restait, cet été encore, dans un état de statu quo préjudiciable à la sécurité civile ou n’avait fait l’objet que d’actions marginales ou peu convaincantes.
Ainsi, alors que l’un des objectifs de l’engagement est de promouvoir dans l’organisation des SDIS les sapeurs-pompiers volontaires, des freins semblent être mis à l’accès des officiers volontaires aux fonctions opérationnelles, situation qui préoccupe la FNSPF. Son président, le colonel Éric Faure, a ainsi attiré l’attention du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, lors de sa réunion du 12 février 2015, sur la perception négative nourrie par une partie des encadrants professionnels de la capacité opérationnelle des volontaires. Pour éviter tout rejet de la part des futurs officiers professionnels, la Fédération a sollicité de la DGSCGC une réflexion sur le module consacré au volontariat dans la scolarité à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers – l’ENSOSP – afin de se prémunir de toute image négative des volontaires chez les officiers professionnels en devenir. Cette situation fait écho à l’absence de progrès tangible s’agissant de l’ensemble des mesures du volet III de l’engagement, consacré à la place des volontaires dans l’encadrement des SDIS (6).
S’agissant du maillage territorial des casernes, rien ne semble être fait pour en assurer la pérennisation. Au contraire, la fermeture de plusieurs centres entretient une certaine inquiétude parmi les acteurs de la sécurité civile.
En conséquence, s’il ne peut que se réjouir des progrès accomplis en faveur des sapeurs-pompiers volontaires par rapport à l’année dernière, votre rapporteur pour avis regrette l’insuffisante exécution de l’Engagement national. Certaines des mesures qu’il prévoit méritent une attention particulière, en raison de leur objet et des effets à long terme qu’elles pourront avoir : ce sont celles concernant les jeunes. Toutefois, il convient de prendre garde à ne pas se limiter au contenu de l’engagement afin de ne pas se priver de pistes intéressantes qui pourront participer à l’amélioration de l’efficacité de la Sécurité civile.
B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA COMMUNICATION AUPRÈS DES JEUNES ET SON ADAPTATION AUX DIFFÉRENTS PUBLICS
La communication sur l’engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire constitue un axe stratégique. Quatre mesures de l’Engagement national pour le volontariat sont ainsi spécifiquement ciblées en direction du public jeune – collégiens et lycéens –, notamment des Jeunes Sapeurs-Pompiers (JSP) qui constituent le vivier de prédilection des futurs sapeurs-pompiers volontaires (ou professionnels, d’ailleurs). L’effort dirigé vers les jeunes est incontournable : environ 50 000 volontaires, soit le quart des effectifs, ont moins de 25 ans, et chaque année 15 % des nouveaux volontaires sont issus des JSP.
Réunissant des jeunes femmes et hommes âgés de onze à dix-huit ans, les 27 400 JSP suivent une formation consistant en un entraînement physique et sportif poussé et trois modules. Le premier, d’initiation, les familiarise avec les notions élémentaires sur le feu, le matériel incendie et les gestes de premiers secours. Le deuxième, de certification, porte sur les connaissances théoriques en matière de lutte contre les incendies et d’emploi du matériel ; il conduit à l’obtention de l’attestation de formation aux premiers secours. Le troisième, enfin, qui débouche sur le brevet de JSP, est dédié à la mise en pratique des connaissances précédemment acquises. Un quatrième module peut également être suivi pour approfondir les précédents apprentissages, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’équipement respiratoire et l’exploitation des transmissions.
Parmi les mesures de l’Engagement national pour le volontariat, peut être citée la reconnaissance de l’équivalence entre le brevet de JSP et, d’une part, celui d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA), d’autre part, le diplôme de service de sécurité incendie et d’assistance à personnes de premier niveau (SSIAP 1). Fortes de ces équivalences, les personnes concernées pourront ainsi obtenir plus facilement des postes en centres de loisirs ou en colonies de vacances. Cette équivalence est susceptible d’avoir un impact bénéfique sur les ressources financières des jeunes.
En plus des efforts réalisés en faveur des JSP par l’Engagement national pour le volontariat, votre rapporteur souhaiterait souligner la mesure 2.6 du rapport de la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine du Président Claude Bartolone (7), consistant à renforcer la promotion des JSP dans le système scolaire et à mettre en place, dès le collège, des sections dédiées à la protection civile (8). Opportune en ce qu’elle sensibilisera au système français de sécurité civile les jeunes citoyens de demain, cette mesure s’inscrit dans une logique similaire de celle qui a consisté à refondre le baccalauréat professionnel « métiers de la sécurité » pour en élargir les débouchés potentiels ; elle répond également à des motivations similaires qui avaient été celles de votre rapporteur pour avis lorsque, dans l’avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2015, il avait suggéré de faire du collège une cible privilégiée des actions de présentation de la Sécurité civile.
Enfin, en lien avec les initiatives précédemment mentionnées, il doit être fait état du dispositif des « cadets de la Sécurité civile », attestation délivrée à des jeunes collégiens et qui met en avant, dans le milieu scolaire, leur implication dans les questions de sécurité. Fruit d’une convention conclue le 18 juin 2015 entre les ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale, les classes de cadets sont le produit d’initiatives conduites dans sept académies consistant à sensibiliser les jeunes aux questions de sécurité civile. Dans plusieurs établissements, tels que le collège Châteaudun à Belfort, le collège Romainville à Avignon ou encore le collège Le Village à Évry, ces initiatives ont débouché à la rentrée 2015 à l’ouverture d’une classe de cadets qui permet aux élèves concernés de visiter des casernements et d’être sensibilisés à la prévention des risques de toute nature et aux missions des services de secours. La convention conclue en juin dernier prévoit une généralisation du dispositif à l’ensemble des départements à compter de la prochaine rentrée scolaire.
2. L’adaptation de la communication à destination de publics peu familiers du monde de la Sécurité civile
S’agissant de la communication stricto sensu, une campagne de sensibilisation a été conduite en 2014, sous le libellé « sapeur-pompier + volontaire = moi aussi », avec un budget de 500 000 euros dont une partie – 70 000 euros – a été prise en charge par la FNSPF. Si cette action est bienvenue et si votre rapporteur pour avis se réjouit de sa reconduction en 2015, elle n’est pas suffisante : l’effort de communication auprès des jeunes doit s’adapter aux publics visés.
Les jeunes issus de la diversité ne sont pas nombreux parmi les sapeurs-pompiers volontaires. Loin d’être symptomatique d’une réticence ou d’une défiance vis-à-vis de l’engagement citoyen, cette réalité est le fruit de l’histoire et du maillage territorial de la sécurité civile : les casernes, historiquement, sont peu nombreuses en banlieue et celles qui ferment dans les centres urbains ne sont pas déplacées vers les zones périurbaines. Ces dernières ne disposent donc pas – ou peu – de portes d’entrées pour les jeunes concernés, ainsi que le colonel Éric Faure le soulignait lors de son audition par la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine (9). Pour toucher ce public qui ne connait que peu l’univers des sapeurs-pompiers, il faut développer une communication adaptée, en tirant parti des casernes présentes sur les territoires périurbains et en véhiculant un message idoine. L’intérêt d’une telle action dépasse d’ailleurs le cadre de la sécurité civile pour toucher la question plus vaste de l’appartenance républicaine et de la possibilité d’offrir à tous la chance d’un engagement concret.
Les jeunes femmes forment elles aussi une population susceptible d’enrichir les effectifs des sapeurs-pompiers, d’abord au travers des JSP puis par un engagement en qualité de volontaire ; elles ne représentent toutefois que 14 % de ces derniers. La situation est plus paritaire chez les JSP, où les femmes représentent 30 % du total des 27 400 jeunes engagés. Il faut donc, pour que la proportion de jeunes femmes se confirme une fois que l’engagement au sein des sapeurs-pompiers volontaires devient possible, insister auprès d’elles sur leur capacité à mener à bien, au même titre que leurs homologues masculins, l’ensemble des missions susceptibles de leur être confiées. Trop souvent perçu comme un environnement masculin, le volontariat doit se moderniser et les instances de la Sécurité civile communiquer pour améliorer l’accueil fait aux femmes. Votre rapporteur pour avis souhaite à cet égard faire état de la proposition prochaine d’un plan d’action ciblé, destiné à développer le volontariat féminin, dans le cadre de la mise en œuvre de la mesure n° 1 de l’Engagement national pour le volontariat.
Enfin, dans un souci d’exhaustivité, il convient de souligner les actions entreprises auprès des plus jeunes publics, à savoir les enfants, dans le cadre d’un partenariat conclu avec la société Disney. Ce partenariat a conduit, d’une part, à l’édition et la diffusion d’un livret pédagogique dans tous les départements français, d’autre part, à l’occasion de la sortie du film Planes 2 (10), à l’organisation d’une journée de communication à la base aérienne de la Sécurité civile et de manœuvres associant le SDIS des Bouches-du-Rhône. Votre rapporteur ne peut que saluer une telle initiative, consistant à utiliser un vecteur ludique pour sensibiliser dès leur plus jeune âge les enfants aux problématiques de la sécurité civile.
Des pistes complémentaires pourraient améliorer la situation des sapeurs-pompiers, tant du point de vue du personnel que des interventions réalisées : constituer une réserve citoyenne de sécurité civile, d’une part, sensibiliser le grand public au risque des accidents de la vie courante en y associant les pompiers, de l’autre.
Au-delà des actions en faveur des JSP et des efforts de communication, les pouvoirs publics étudient la création d’un service citoyen de sécurité civile, tenant compte des contraintes liées à l’activité des sapeurs-pompiers (notamment s’agissant de la durée). Associant l’Agence du service civique et les SDIS, il s’est traduit par une expérimentation en Meurthe-et-Moselle. Douze jeunes ont débuté leur engagement le 1er février 2015 et bénéficieront d’une période d’acquisition d’expérience au sein d’une unité opérationnelle. Les premiers résultats étant positifs, une deuxième expérimentation est prévue dans le Nord avec le SDIS 59. L’objectif, à terme, est la généralisation du service citoyen de sécurité civile.
Une autre mesure pouvant produire des effets concrets a été proposée par la FNSPF afin de faire face à l’érosion des effectifs et à la relative faiblesse de la durée des engagements (environ onze ans en moyenne, mais 40 % des volontaires ne poursuivent pas leur activité à l’issue du premier engagement de cinq ans). Il s’agit de la réserve citoyenne de sécurité civile, qui s’inscrit dans la logique du récent rapport de MM. Jean-Marc Sauvé et Claude Onesta (11).
Actuellement, une dizaine de départements comptent en leur sein des « réserves d’Anciens sapeurs-pompiers », c’est-à-dire constituées de sapeurs-pompiers honoraires ayant effectué plus de vingt ans de service. Elles interviennent dans des missions d’appui logistique ou de soutien à la politique d’éducation du public en matière de prévention (dans le cadre de journées portes ouvertes ou au sein des écoles) et participent aux manifestations organisées par la communauté des sapeurs-pompiers (congrès, événements sportifs). D’un fonctionnement souple, elles ne supposent qu’une convention entre le SDIS et l’Union départementale des sapeurs-pompiers, qui constitue le réseau associatif. Ces réserves d’Anciens sapeurs-pompiers pourraient constituer les prémices de la réserve citoyenne de sécurité civile.
Cette réserve, votre rapporteur pour avis tient à insister sur ce point, ne constitue pas une réserve opérationnelle et n’a pas vocation à intervenir de la même manière que les sapeurs-pompiers d’active, volontaires ou professionnels. Elle est en effet composée d’anciens sapeurs-pompiers – professionnels en retraite, volontaires retirés – et a pour tâches la gestion des situations post-crises, le « retour à la vie normale », pour reprendre les mots du colonel Éric Faure (12). Après une catastrophe, telle qu’une tempête ou une inondation, les membres de cette réserve pourraient être mobilisés afin de procéder aux opérations de nettoyage des zones ou d’accueil des sinistrés. Ils pourraient compter dans leurs rangs d’anciens sapeurs-pompiers mais également toute personne souhaitant apporter son concours. L’encadrement serait assuré par des sapeurs-pompiers d’active, afin de garantir l’efficacité et la bonne coordination des missions.
Le système de la réserve citoyenne de sécurité civile est actuellement en cours d’expérimentation dans deux départements, ceux des Deux-Sèvres et des Vosges. Les premiers retours d’expérience obtenus par la FNSPF sont encourageants, militant, sinon pour une généralisation automatique, au moins en faveur d’une poursuite de l’expérimentation et d’un élargissement de celle-ci. Votre rapporteur pour avis estime ainsi qu’il serait intéressant de mettre en place une telle réserve dans certains des départements les plus touchés par les incendies ou les inondations (départements des régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, notamment). L’importance et la fréquence des interventions des unités d’active dans ces territoires pour lutter contre les feux de forêts ou d’autres catastrophes naturelles font peser une charge de travail particulièrement lourde sur les femmes et les hommes engagés ; leur adjoindre l’assistance bienvenue d’unités de réservistes pour s’occuper des suites de tels sinistres les déchargerait d’une part non négligeable de leurs activités.
La possibilité pour les sapeurs-pompiers d’active de se voir déchargés d’une partie de leurs activités sans pour autant nuire à la qualité de la réponse offerte aux besoins de la population par la Sécurité civile peut également être satisfaite par d’autres modalités, liées à la prévention des risques quotidiens.
Les accidents de la vie courante représentent la plus grande part des accidents non intentionnels mortels : en 2010, ils ont été à l’origine de 20 000 décès (13) et représentent plusieurs millions de passages aux urgences médicales. La notion correspond aux accidents intervenant aux domiciles des personnes, sur des aires de loisirs ou de sports et à l’école. En sont exclus les accidents de la route ou du travail et les agressions. Pourtant, peu de choses sont faites pour prévenir les populations et éviter la survenance de ces accidents. Votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer cette situation. Comment, en effet, expliquer que les accidents de la vie courante fassent l’objet d’une relative indifférence alors qu’ils conduisent à un nombre de décès cinq fois plus important que les accidents de la route ? Prévenir ces accidents constitue un objectif important auquel s’est attelé la FNSPF. Première étape indispensable pour l’atteindre, la formation, par l’éducation et la sensibilisation, de l’ensemble de la population.
La mise en place obligatoire des détecteurs de fumée dans les domiciles s’est inscrite dans ce processus qu’il convient de poursuivre. Ainsi, une formation aux gestes de premier secours d’un large public, de même qu’une campagne de sensibilisation aux risques domestiques, seraient des vecteurs utiles et opportuns pour permettre une baisse du nombre d’accidents de la vie courante et, partant, une diminution du nombre de décès. Un plan d’action a été annoncé sur ce sujet lors du Conseil des ministres du 22 juillet 2015. Cet enjeu pourrait également être reconnu « Grande cause nationale » pour 2016 ; tel est en tout cas le vœu des premiers intéressés : les pompiers (14).
Une telle démarche permettrait à terme une meilleure allocation des effectifs de sapeurs-pompiers, dont 80 % des interventions consistent en des opérations de secours à la personne, parmi lesquelles figurent les accidents de la vie courante. En prévenant la survenance de ces derniers, il serait possible de diminuer les interventions y afférant et, par conséquent, d’employer les sapeurs-pompiers ainsi « libérés » à d’autres activités.
Une solution alternative – ou plutôt complémentaire – à une campagne de prévention serait de mobiliser, pour certains types d’accidents de la vie courante, les réservistes citoyens plutôt que les pompiers d’active.
Les deux pistes présentées – réserve citoyenne ; prévention des accidents de la vie courante –, dans un contexte de tension sur les effectifs des volontaires, méritent, aux yeux de votre rapporteur pour avis, un approfondissement.
III. LES EFFORTS FAITS EN MATIÈRE DE LOGEMENTS ET DE GESTION DU PARC IMMOBILIER DE LA SÉCURITÉ CIVILE
Afin de pérenniser le modèle français de sécurité civile, qui repose sur des effectifs importants de sapeurs-pompiers volontaires, l’Engagement national pour le volontariat, au-delà des mesures de communication déjà évoquées, a prévu certains dispositifs touchant à la situation matérielle des volontaires. Plus généralement, la dimension logistique de la Sécurité civile, toujours dans le même souci de maintenir l’organisation actuelle et de la conforter, a fait l’objet de modifications législatives récentes.
Dans l’avis budgétaire présenté l’année dernière, votre rapporteur avait souligné l’impérieux besoin de revaloriser l’indemnité versée aux volontaires afin de tenir compte de l’inflation, pour garantir un équilibre entre l’indemnité et les charges supportées par les volontaires du fait de leur engagement.
La revalorisation de l’indemnité, prévue par la mesure n° 25 de l’Engagement national pour le volontariat, a été consacrée par le décret n° 2015-601 du 2 juin 2015, venu modifier le décret n° 2012-492 du 16 avril 2012 en relevant les montants minimum et maximum. Dès que l’indice des prix à la consommation connaîtra une évolution positive, ces montants seront revalorisés.
L’autre point sensible est celui du logement. L’engagement des sapeurs-pompiers volontaires est le fruit, de la part des intéressés, du dépassement – ou de l’acceptation – de nombreuses sujétions ; il n’est pas convenable que des difficultés d’ordre matériel s’y ajoutent, telles qu’un temps de trajet trop important entre le domicile du volontaire et sa caserne. Cette situation a un impact sur le caractère opérationnel du volontaire, qui se doit de pouvoir rejoindre rapidement sa caserne lorsqu’il est d’astreinte. Or, dans de nombreuses zones, notamment celles où la tension de logements est importante, le prix des loyers élevé et l’accès à la propriété immobilière délicat, les sapeurs-pompiers volontaires sont trop souvent contraints d’habiter loin de leur caserne, compromettant ainsi leur capacité à honorer dans des délais satisfaisants leur engagement. L’éloignement du logement influe également sur l’attractivité de l’engagement et sur sa pérennité.
L’Engagement national entend ainsi permettre aux volontaires de disposer d’un logement à proximité de leur caserne, au travers de sa mesure n° 14, leur ouvrant droit à l’accès aux logements sociaux. Le ministère de l’Intérieur s’est associé à l’Union sociale pour l’habitat afin de disposer de son expertise en matière d’accessibilité au logement social, ce qui a permis le 21 juillet 2015 la conclusion d’une convention-cadre nationale entre les ministères de l’Intérieur et du Logement, l’Union sociale pour l’habitat, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France, le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires et la FNSPF.
Cette convention-cadre devrait être déclinée localement pour tenir compte des spécificités de chaque territoire. La mise en œuvre concrète de ces conventions locales consistera en un diagnostic de la situation par les SDIS concernés, afin d’identifier les besoins en logement, puis une définition des modalités de prise en compte de la qualité de sapeur-pompier volontaire pour l’attribution des logements sociaux au travers d’une association entre préfets et acteurs locaux.
Parallèlement à celle de l’accès au logement des volontaires, la situation immobilière de la Sécurité civile pose la question des casernes et des logements de fonction.
La construction ou la réfaction de casernes et, plus généralement, de locaux affectés aux SDIS présente une importance certaine eu égard à la nécessité, pour la Sécurité civile, de disposer d’un maillage territorial suffisamment étroit. La réactivité des sapeurs-pompiers en dépend, de même que leurs effectifs. Ainsi qu’il a été vu, la fermeture de nombreuses casernes a eu pour effet d’éloigner le domicile des volontaires de leur centre d’activité, et l’abandon par la Sécurité civile de certaines zones, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, limite la connaissance qu’en ont les jeunes qui y vivent. Aussi, pour assurer au parc immobilier de la Sécurité civile un avenir pérenne, plusieurs dispositions ont été adoptées.
En premier lieu, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, l’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales a été modifié. Cet article permettait aux départements, au moyen de montages contractuels particuliers – notamment au travers d’un crédit-bail –, de construire, y compris sur leur domaine public, acquérir ou rénover des locaux destinés aux SDIS jusqu’au 31 décembre 2013. Particulièrement bienvenu dans les collectivités d’outre-mer et les départements métropolitains ne disposant que de peu de moyens, il pallie les carences éventuelles en matière d’infrastructures – principalement les casernes des SDIS. Le montage contractuel, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le département, s’inscrit en outre dans la logique de mutualisation des moyens entre département et SDIS.
La loi de finances pour 2015 a prorogé ce dispositif jusqu’à la fin de l’année 2017 (15). Adopté à l’unanimité, l’amendement du Gouvernement qui a permis cette modification a été salué par l’ensemble des députés, de la majorité comme de l’opposition, en ce qu’il permet la poursuite d’un outil juridique précieux et, à plus court terme, évite l’abandon de projets programmés ou en cours de montage et la mise à la charge du ministère de l’Intérieur seul de plus de 130 millions d’euros sur cinq ans. Reste néanmoins posée – et sans réponse immédiate – la question de la pérennisation de ce dispositif plusieurs fois prorogé (16), ainsi que le soulignait notre collègue Guy Geoffroy (17).
En second lieu, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », a introduit dans notre droit un nouveau dispositif dédié à l’amélioration et la simplification des opérations immobilières intéressant la gendarmerie et la police nationales, l’administration pénitentiaire ainsi que les SDIS. Son article 99 prévoit l’ouverture aux bailleurs sociaux de prêts à taux bonifiés garantis par les collectivités territoriales afin de réaliser des travaux en vue de l’acquisition, de la construction et de la gestion d’immeubles à usage d’habitation à destination de certains fonctionnaires, dont ceux des SDIS – travaux dont la réalisation a été reconnue aux bailleurs sociaux par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, dite « loi ENL ». Le principe du prêt à taux bonifié, qui s’inspire de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « loi Grenelle I », aura un effet incitatif vis-à-vis des bailleurs sociaux et allégera la charge financière pesant sur les collectivités territoriales.
Le montage contractuel fera l’objet d’une convention conclue entre le ou les bailleurs intéressés par l’opération envisagée, la ou les collectivités territoriales concernées et l’État – les modalités financières associant la Caisse des dépôts et consignations. La garantie de l’emprunt par les collectivités territoriales assurera le succès de l’opération immobilière en prémunissant cette dernière de tout abandon éventuel en cours de réalisation. Avec ce dispositif, les sapeurs-pompiers et, plus généralement, l’ensemble des fonctionnaires des SDIS pourront disposer plus facilement et plus rapidement de casernes et de solutions de logement adaptées aux sujétions de leur activité.
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L’ensemble des mesures prises pour améliorer la situation des sapeurs-pompiers, qu’il s’agisse des éléments intéressant le parc immobilier de la Sécurité civile (casernes, logements de fonction), l’accès aux logements sociaux pour les volontaires ou la revalorisation de l’indemnité de ces derniers, sans oublier les actions de communication et de sensibilisation au volontariat, participent à la réalisation de l’ambition que chacun d’entre nous, votre rapporteur pour avis le premier, nourrit vis-à-vis de la Sécurité civile : garantir son efficacité et sa pérennité. Néanmoins, si les moyens humains sont au cœur de cette réflexion, une Sécurité civile moderne et opérationnelle ne peut se passer d’équipements adaptés.
TROISIÈME PARTIE : L’ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE ET LA GESTION DE SES MOYENS AÉRIENS
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, initialement inscrite dans une logique de disparition programmée du département, a conforté la place de cette collectivité territoriale. Elle a, en outre, été l’occasion de modifications bienvenues touchant la sécurité civile française. Au-delà de l’obligation, désormais posée dans le code général des collectivités territoriales à l’article L. 1424-7, de révision quinquennale des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques en réponse aux critiques sur leur fréquente obsolescence et leur inadéquation (18), des réformes intéressant les modalités de gestion financière des services d’incendie et de secours ont été adoptées.
Les réformes récentes, tout particulièrement celle relative à la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux, ont nourri de réelles inquiétudes parmi les acteurs de la Sécurité civile sur la place du département, son éventuelle disparition et l’impact qu’aurait eu cette dernière. Toutefois, ainsi que votre rapporteur pour avis le soulignait l’année dernière, la gouvernance des SDIS et leur périmètre départemental n’auraient pas été touchés par une suppression de cet échelon. Cette absence d’impact tangible a été confirmé par la loi NOTRe qui, loin de préparer – voire de participer à – la suppression du département, l’a confirmé en tant que collectivité territoriale en lui reconnaissant un pré carré de compétences sur lesquelles il n’est pas prévu de revenir. Comme l’a indiqué le ministre de l’Intérieur le 26 septembre dernier devant le Congrès national des sapeurs-pompiers à Agen, « le cadre départemental comme pierre angulaire de l’organisation des services d’incendie et de secours » n’a en rien été entamé.
En revanche, des craintes se sont fait jour, au regard des nombreuses modifications de compétences initialement envisagées par le projet de loi NOTRe, en ce qui concerne la faculté des départements à pouvoir intervenir dans le domaine du secours en mer.
L’article 24 du projet de loi, en effet, supprimait la clause de compétence générale reconnue au département depuis 1871 – brièvement supprimée en 2010 et rétablie en 2014 –, empêchant dès lors cette collectivité d’intervenir dans les domaines autres que ceux que la loi lui reconnaît expressément.
Or, l’article 11 du projet ôtait au département la compétence en matière de ports maritimes et intérieurs. Cette suppression avait pour effet de priver cet échelon territorial de la possibilité de subventionner les organismes de secours et de sauvetage en mer. En effet, aux termes de cet article, seules les personnes compétentes sur les infrastructures portuaires pouvaient concourir au financement des organismes visés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure, c’est-à-dire des organismes intervenant dans le secours en mer.
Certes, votre rapporteur n’ignore pas que la part des subventions départementales dans le budget de la Société nationale de secours en mer (SNSM), qui réalise 80 % des interventions, représente mois de 3 % du total de ses ressources. Néanmoins, la SNSM n’est pas seule à agir et, en tout état de cause, le tarissement des sommes versées par les départements aurait inévitablement eu un impact sur son fonctionnement. Or, au-delà des chiffres, il y a les vies humaines qu’une limitation des capacités de la SNSM, quelle que puisse être son ampleur, pourrait mettre en péril. Pour ne citer que quelques chiffres, en 2014, la SNSM a réalisé 4 295 interventions (dont 3 488 au large) qui ont permis de secourir 7 155 personnes (5 957 en mer et 1 198 sur le littoral). Doivent y être ajoutées les 9 960 vacanciers soignés sur les plages et les 357 enfants égarés retrouvés par ses équipes.
De nombreux parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, se sont inquiétés de l’impact qu’une telle mesure allait avoir sur le budget des organismes de secours en mer et, par conséquent, sur leur capacité opérationnelle. Votre rapporteur pour avis se réjouit donc de la décision prise par la commission mixte paritaire chargée d’examiner le projet de loi NOTRe, consistant à ne pas supprimer complètement les compétences du département en matière de ports et, par conséquent, à lui permettre de concourir au financement d’organismes de secours en mer.
Cette solution, marquée du sceau du bon sens, témoigne de l’importance que le Parlement accorde aux activités de secours en mer et à l’implication incontournable qu’ont les collectivités territoriales dans ce domaine.
B. L’AMÉLIORATION DU FINANCEMENT DES SERVICES DÉPARTEMENTAUX D’INCENDIE ET DE SECOURS PAR LA LOI « NOTRe » DU 7 AOÛT 2015
Au-delà des questions intéressant le parc immobilier de la Sécurité civile, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a apporté des réponses concrètes et attendues à des questions relatives aux finances des SDIS et des unités de pompiers, introduisant dans notre droit des modifications bienvenues dans un contexte budgétaire contraint.
1. La consécration de la possibilité de transférer aux EPCI créés après 1996 les contributions communales au budget des SDIS
La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours a transféré la compétence en matière d’incendie et de secours du bloc communal aux SDIS. En conséquence, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) créés après l’entrée en vigueur de cette loi n’ont jamais détenu la compétence « incendie et secours » et se trouvaient, pour cette raison, dans l’impossibilité de participer au financement des SDIS – à la différence des EPCI antérieurs à la loi du 3 mai 1996, qui détenaient jusqu’à cette date la compétence en question. Le nombre d’EPCI concernés n’a pu être obtenu des services du ministère de l’Intérieur mais il est vraisemblablement significatif.
Les communes membres de ces EPCI continuaient donc à verser directement au SDIS leur contribution au budget de ce dernier. Le caractère obligatoire de la contribution (article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales) faisait obstacle à ce que sa charge soit transférée à l’EPCI dont la commune est membre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État (19). Cela conduisait donc des communes à devoir contribuer au budget d’un SDIS alors que leurs finances pouvaient difficilement supporter une telle charge. Les SDIS, eux, privés parfois de ressources idoines du fait de l’insuffisance des ressources de certaines communes, voyaient leur fonctionnement compromis. Dans certains départements, des communes décidaient d’ailleurs, malgré le caractère illégal d’une telle opération, de transférer leur contribution au budget du SDIS à l’EPCI afin que ce soit ce dernier, et non plus elles, qui participe au financement.
La situation découlant de cet état du droit n’était pas satisfaisante. Aussi, sous l’impulsion de nos collègues Christine Pires Beaune et Charles de Courson, et avec le concours du rapporteur du texte Olivier Dussopt, la loi NOTRe fut enrichie d’un article 97 qui a modifié l’article L. 1424-35, permettant aux communes membres d’un EPCI créé postérieurement à la loi de 1996 de transférer à celui-ci leur contribution au budget du SDIS, afin que ce soit l’EPCI, et non plus les communes, qui participe au financement de la compétence incendie et secours.
La résolution bienvenue d’un dysfonctionnement touchant le financement des SDIS et dénoncé régulièrement ne peut naturellement que réjouir votre rapporteur pour avis.
2. L’extension aux unités de Paris et Marseille de la facturation d’interventions ne se rattachant pas directement à leurs missions de service public
La loi NOTRe a introduit dans le code général des collectivités territoriales une autre modification touchant aux budgets des établissements de la Sécurité civile, portant sur l’extension de la facturation par les pompiers de certaines de leurs interventions.
Le droit en vigueur jusqu’à la promulgation de la loi NOTRe prévoyait, à l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, la possibilité pour les SDIS de demander aux bénéficiaires d’interventions ne se rattachant pas directement aux missions de service public dont les établissements sont investis une participation financière aux frais desdites interventions. La notion d’intervention « ne se rattachant pas directement aux missions de service public » correspond à toutes les activités qui n’entrent pas dans le champ de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Ce dernier recouvre la prévention, la protection et la lutte contre les incendies et autres accidents, sinistres et catastrophes, l’évaluation et la prévention des risques technologiques et naturels, ainsi que les secours d’urgence aux personnes. Toute intervention dont l’objet se situerait hors de ce périmètre, telle qu’une libération de cage d’ascenseur ou une ouverture de porte d’entrée, serait passible d’une participation financière.
Or, dans la mesure où ni l’article L. 1424-42 ni l’article L. 1424-49 – dont les I et II portent respectivement sur Paris et Marseille – ne prévoyaient expressément l’application des dispositions relatives à la facturation des interventions à la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et au Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM), les interventions réalisées par ces deux unités, à statut militaire, ne pouvaient être imputées à leurs bénéficiaires.
Cette situation n’était pas satisfaisante. D’une part, le statut militaire de la BSPP et du BMPM ne justifiait pas une différence de traitement avec les autres SDIS sur un élément touchant à la réalité opérationnelle. D’autre part, cette exclusion était difficilement compréhensible eu égard à la nature urbaine d’un grand nombre d’interventions susceptibles d’être facturées et au fait que ladite exclusion concernait les deux villes les plus peuplées de France. À titre d’illustration, votre rapporteur pour avis rappellera ainsi qu’en 2012, pas moins de 2 600 interventions liées aux ascenseurs ont été réalisées par le BMPM, sans qu’elles puissent être même partiellement prises en charge par leurs bénéficiaires. À Paris, notre collègue Philippe Goujon avait, en décembre dernier dans Le Parisien, attiré l’attention sur les difficultés budgétaires auxquelles la brigade risquait de faire face, difficultés qui pouvaient trouver une solution partielle dans la facturation des interventions. En tout état de cause, il n’était pas acceptable de faire supporter aux sapeurs-pompiers parisiens et aux marins-pompiers marseillais le coût d’interventions qui devraient relever d’autres opérateurs – sociétés de maintenance d’ascenseurs, serruriers, etc. Votre rapporteur souhaite d’ailleurs souligner qu’en dernière analyse, la distorsion entre le droit applicable à la BSPP et au BMPM et celui régissant l’ensemble des autres SDIS avait pour effet d’introduire une rupture d’égalité entre contribuables, ceux de Paris et de la Petite Couronne et ceux de Marseille finançant, par l’argent public, des interventions supportées dans le reste de la France par leurs bénéficiaires.
En conséquence, à l’occasion de la discussion du projet de loi NOTRe, la commission des Lois du Sénat, en première lecture, a adopté un amendement déposé par MM. Bruno Gilles, Jean-Claude Gaudin et Pierre Charon permettant à la BSPP et au BMPM de facturer celles de leurs interventions qui ne se rattachent pas directement à leurs missions de service public.
Cet article additionnel, devenu l’article 34 de la loi NOTRe, permet ainsi de résorber une inégalité de traitement qui n’était pas justifiée entre les unités militaires et les SDIS et de stabiliser les budgets de la BSPP et du BMPM en substituant des recettes, dues à la facturation des interventions éligibles, à des dépenses supportées jusque-là par les deniers publics.
Le principe de la facturation a également été étendu aux centres de première intervention non intégrés, c’est-à-dire aux centres d’incendie et de secours dont la gestion a été conservée par des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que le permettait la loi du 3 mai 1996. Cette extension n’est pas négligeable dans la mesure où, en 2012, il existait plus de 1 500 centres de première intervention non intégrés aux SDIS dans 29 départements.
Animé par le souci de simplifier l’action publique et de faciliter l’accès aux secours, le Conseil des Communautés européennes a, le 29 juillet 1991, décidé de la mise en place d’ici 2000 d’un numéro d’urgence unique. De nombreux États membres ont satisfait à cette décision et à l’unicité du numéro d’urgence que l’on peut ainsi composer dans la péninsule ibérique, en Suède, au Danemark ou encore dans les États baltes. La France, en revanche, si elle a bien mis en place ce numéro – qui est connu de la population, puisqu’un nombre substantiel d’appels d’urgence sont passés en composant le 112 –, ne l’a pas substitué aux numéros existants, mais l’a superposé.
Ainsi, en France, coexistent un nombre impressionnant de numéros d’urgence : 15 pour le SAMU, 17 pour la police et la gendarmerie, 18 pour les sapeurs-pompiers, 112, 115 pour l’urgence sociale ou encore 119 pour l’enfance maltraitée. Il ne s’agit en aucun cas d’une liste exhaustive, d’autres numéros étant susceptibles d’être composés en fonction de l’objet de l’appel (enfants disparus, secours en mer, sauvetage aéronautique, etc.).
1. Les avantages présentés par un numéro unique associé à une mutualisation des centres de traitement des appels
En plus de rendre peu lisible le paysage des secours aux personnes, la multiplicité des numéros d’urgence est propice à une utilisation erronée. Un numéro unique offrirait une simplification considérable et bienvenue ; il entraînerait également, au travers d’une mutualisation des centres de traitement, une économie importante.
En effet, à l’heure actuelle, il existe environ 500 centres qui traitent, selon les cas, les appels dirigés vers le 18 (centres des sapeurs-pompiers), vers le 15 (SAMU) ou le 17 (pris en charge par les fonctionnaires de la police et de la gendarmerie). S’agissant de ces derniers, il convient d’ajouter que, dans certains départements, il y a un centre par commissariat, et non une unique plate-forme pour le département. Ces 500 centres supposent des effectifs importants et induisent des coûts de gestion non négligeables.
Rationaliser la situation en diminuant le nombre de centres pour y substituer de grandes plates-formes, organisées sur des bases démographiques et traitant tous les appels d’urgence, via l’unique numéro 112, conduirait à des gains substantiels. D’après la FNSPF, l’économie serait de l’ordre de 100 millions d’euros, soit plus de 20 % de la dotation allouée au programme budgétaire « Sécurité civile ».
En outre, au-delà des aspects purement financiers, réduire le nombre de centres libèrera des activités afférentes un certain nombre de fonctionnaires qui pourront être en service opérationnel, qu’il s’agisse de policiers, de gendarmes ou de sapeurs-pompiers. Cette libération d’effectifs de terrain sera accrue par la création d’un métier spécialisé d’opérateur téléphonique qui se substituerait aux gendarmes, policiers ou pompiers assurant actuellement ce travail.
Cette mutualisation pourrait être l’occasion d’intégrer de nouvelles technologies aux centres, par l’implantation de terminaux adaptés et la formation du personnel à l’analyse des modes de communications (au moyen d’applications spécifiques que certains téléphones récents offrent).
2. La mise à l’épreuve du projet : les expérimentations conduites en Haute-Savoie et en région parisienne
Depuis 2011, en Haute-Savoie, les numéros du SAMU (15), des sapeurs-pompiers (18), des urgences sociales (115) et du 112 sont traités par une même plate-forme. D’après le directeur départemental du SDIS, le colonel Jean-Marc Chaboud, la mutualisation ainsi opérée a permis une accélération du traitement des appels de trente secondes et a entraîné un gain de cinq minutes dans l’engagement des moyens d’intervention. L’impact potentiel, du seul point de vue opérationnel, de l’entreprise de mutualisation en matière de personnes secourues et de vies sauvées, s’il n’est pas encore disponible, doit être certainement appréciable. Le SDIS de Haute-Savoie, en tout état de cause, tire un bilan très positif de l’expérimentation. Dans le Cher, où les acteurs du secours (SAMU et pompiers) ont mutualisé les appels 15 et 18 en une seule plate-forme, les conclusions sont similaires et éloquentes : diminution du temps d’intervention et meilleure compréhension mutuelle entre deux cultures parfois concurrentes militent pour une extension de la démarche.
À l’occasion du Congrès national des sapeurs-pompiers tenu à Agen, le ministre de l’Intérieur, répondant aux vœux de la FNSPF, a annoncé la mise en œuvre opérationnelle d’une plate-forme commune 17/18/112 en 2016, sous l’égide de la BSPP et dans le périmètre géographique de compétence de la Préfecture de police (Paris et « Petite couronne »). Cette expérimentation, liée à l’accueil prochain du Championnat d’Europe UEFA de football masculin 2016 (l’ « Euro 2016 »), pourrait, si elle s’avérait concluante, être étendue à d’autres départements.
Cette extension apparaît bienvenue à votre rapporteur pour avis : la région capitale a des caractéristiques qui lui sont propres, notamment d’un point de vue démographique. Par ailleurs, l’afflux de touristes étrangers, attirés par l’Euro 2016, s’ajoutera aux millions de visiteurs accueillis chaque année dans la capitale, visiteurs qui ont l’habitude, du moins pour les Européens, d’utiliser le 112 en cas d’urgence. En conséquence, pour une conclusion réellement pertinente et exploitable de la mutualisation des plates-formes, d’autres territoires devront être le théâtre d’expérimentations similaires. La Haute-Savoie a montré l’intérêt de l’entreprise et votre rapporteur ne doute pas que d’autres essais s’avèreront aussi concluants, fournissant l’onction idéale à la démarche soutenue par la FNSPF.
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Votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir des ajustements apportés par la loi NOTRe aux règles financières touchant à l’organisation de la sécurité civile française, qui témoignent du caractère consensuel et transpartisan de ces enjeux. Cet esprit de rassemblement s’avèrera précieux lorsque le Parlement sera saisi du sujet très sensible des moyens aériens, au cœur de la stratégie nationale de lutte contre les incendies.
Les moyens aériens de la Sécurité civile ont deux composantes : les hélicoptères, d’une part, les avions, de l’autre. Les premiers ont fait, l’année dernière, l’objet d’une étude approfondie, notamment sous l’angle de la mutualisation – voire de l’unification – des flottes relevant du ministère de l’Intérieur, c’est-à-dire de la Sécurité civile et de la Gendarmerie nationale. Son approfondissement, qui répond aux vœux de votre rapporteur, se poursuit. Un autre aspect de la question, lié à la concurrence de fait entre équipages de la Sécurité civile et appareils de santé (hélicoptères « blancs »), avait également été abordé. Votre rapporteur pour avis se réjouit de l’évolution notable sur ce point : le travail en commun des ministères de l’Intérieur et de la Santé a abouti au gel de toute nouvelle implantation d’hélicoptères « blancs ». Reste à étudier la délicate question des avions de la Sécurité civile, tant s’agissant du choix de successeurs aux appareils actuels qu’en se penchant sur les progrès du transfert de la nouvelle base aérienne.
Installée depuis 1963 à Marignane, dans les Bouches-du-Rhône, sur le site de l’aéroport international Marseille-Provence, la base aérienne de la Sécurité civile (BASC) va être transférée sur le site de Nîmes-Garons.
Ce transfert, annoncé par le ministre de l’Intérieur en janvier 2013 après que les conclusions d’une mission interministérielle conduite par l’Inspection générale de l’administration eurent recommandé le déménagement de la BASC dans le Gard, est mû par la gêne réciproque subie par l’activité opérationnelle de la base et l’activité commerciale de l’aéroport Marseille-Provence. Par ailleurs, l’emprise foncière de la BASC à Marignane est susceptible de répondre aux besoins de développement d’entreprises aéronautiques situées à proximité.
Plusieurs sites furent étudiés. Istres (Bouches-du-Rhône), qui dispose de l’une des plus grandes pistes d’Europe, supposait la réalisation d’investissements trop importants ; Salon-de-Provence, également dans les Bouches-du-Rhône, était quant à lui en zone inondable. Le site de Nîmes-Garons (sur l’aéroport Nîmes-Alès-Camargue-Cévennes), en revanche, présente de nombreux avantages, notamment celui de disposer d’infrastructures permettant la création d’un pôle de formation et de rassembler sur un site unique toutes les opérations de maintenance. En outre, les installations aéronautiques déjà existantes sont dans un état remarquable : le site abritait, jusqu’en 2011, une base d’aéronautique navale.
Après la phase de programmation, achevée à l’été 2014, et la phase de conception, conduite de mai 2014 à juillet 2015, le projet entre désormais dans la phase finale de réalisation, qui s’achèvera en février 2017.
Afin de ne pas nuire à la capacité opérationnelle des forces aériennes de la Sécurité civile, le transfert matériel interviendra entre les saisons de feux 2016 et 2017. Les opérations préparatoires, en revanche, ont déjà commencé. La gouvernance du projet associe le personnel de la BASC et les collectivités territoriales concernées ; le début des travaux est prévu pour la fin de l’année 2015. Ainsi que votre rapporteur l’indiquait dans l’avis présenté sur le projet de loi de finances pour 2015, un important volet social accompagne le transfert de la base, afin d’offrir au personnel ainsi déplacé toutes les garanties requises : indemnités de déménagement, aides à la mobilité et à la recherche d’emploi du conjoint, mesures individualisées pour la recherche d’un logement, scolarisation des enfants, etc. Les dépenses liées à ces mesures d’accompagnement sont estimées à 2,86 millions d’euros. Le coût de la relocalisation de la BASC, hors dépenses de personnel, est quant à lui évalué à 16,9 millions d’euros, conduisant à un coût total provisoire légèrement inférieur à 20 millions d’euros. L’effort financier le plus lourd sera supporté par les exercices 2016 et 2017 – années de réalisation effective des travaux.
D’un point de vue matériel, la future BASC répondra aux caractéristiques techniques suivantes : quatre postes de ravitaillement en produit retardant et deux postes de ravitaillement en eau seront installés, ainsi qu’une aire de rinçage et de désalinisation des CL-415 (indispensable afin d’éviter que l’eau salée dans laquelle l’appareil peut écoper ne corrode son fuselage). Un pôle de simulation, un amphithéâtre et un bâtiment de commandement et de formation – d’une superficie totale de 3 200 m² – complèteront le dispositif. En outre, le foncier voisin permettra une extension afin, le cas échéant, de développer le pôle d’excellence européen souhaité.
Plus que le centre névralgique de la réponse aérienne de la Sécurité civile, la future BASC pourra en effet devenir un pôle européen de sécurité civile, pour la formation et la maintenance, témoignant de l’ambition française dans ce domaine. La BASC, toutefois, ne vaudra que par ses appareils et leurs équipages, dont les avions.
Indispensables pour garantir l’efficacité opérationnelle de la Sécurité civile sur le front des incendies et permettre d’éteindre ceux-ci le plus rapidement possible tout en offrant aux troupes au sol un précieux appui, les avions de la Sécurité civile – de même que leurs équipages – se manifestent par leur qualité et leur adéquation aux missions qui sont les leurs. Néanmoins, l’âge et l’état de certains modèles, utilisés depuis plusieurs décennies, impose un renouvellement partiel de la flotte.
Les moyens aériens de la Sécurité civile comportent deux volets principaux, la flotte héliportée et les avions. Votre rapporteur pour avis, l’année dernière, avait fait une large place à la question des hélicoptères, surtout employés dans les opérations de secours, et aux perspectives de mutualisation, voire d’unification, entre les flottes de la Sécurité civile et de la Gendarmerie nationale. Les avions, principale arme dans la lutte contre les incendies, posent la délicate question du renouvellement de la flotte.
Actuellement, la Sécurité civile emploie 26 appareils de quatre modèles différents, chacun étant assigné à une mission bien spécifique en fonction de ses caractéristiques techniques :
– les 12 Canadair CL-415, emblématiques de la lutte contre les feux de forêt, sont destinés à l’attaque directe des incendies sur lesquels ils peuvent larguer 6 140 litres. L’âge moyen des appareils de la flotte est de 18 ans ;
– les 9 Tracker S-2 (plus exactement, des Conair Turbo FireCats, version modifiée du Grumman Tracker (20)) servent au guet aérien armé (GAAr) et à l’attaque des feux naissants ; ils disposent d’une capacité de 3 400 litres. Leur âge moyen est de 57 ans ;
– les 2 Dash 8 Q400 MR, eux, ont pour mission d’arrêter la propagation des feux en établissant des lignes d’arrêt, grâce à leur capacité de 10 000 litres. Ils sont également aptes à réaliser des missions de GAAr ;
– enfin, la Sécurité civile dispose de 3 Beechcraft King Air 200, avions légers employés pour l’aide au commandement, la coordination des moyens aériens utilisés sur un théâtre d’opération et la reconnaissance.
Il convient, dans un souci d’exhaustivité et eu égard aux promesses dont ce type d’appareil est porteur, de souligner depuis 2011 l’emploi par les formations militaires de la Sécurité civile d’un drone. Destiné aux missions de reconnaissance, il souffre dans son emploi des limitations réglementaires relatives au survol de zones peuplées ou de rassemblements de personnes. Néanmoins, la DGSCGC réfléchit à une doctrine d’emploi de ces appareils qui lui serait propre.
Les deux avions phares de la Sécurité civile, les Canadair CL-415 et les Tracker, devront être remplacés d’ici 10 ans.
Canadair CL-415
(Source : Sécurité civile)
Les CL-415 arriveront à un stade d’obsolescence avancé entre 2023 et 2025, rendant impossible, ou à tout le moins difficile, leur utilisation. Ce vieillissement, conjugué à la fermeture par le constructeur Bombardier de la chaîne de production, impose une solution de substitution. La seule hypothèse de relance de la chaîne réside dans une commande importante, que la France seule ne peut se permettre. Or, parmi les autres utilisateurs de CL-415, aucun n’a manifesté l’intention d’acquérir de nouveaux appareils. Ainsi, l’Italie dispose d’une flotte qui lui convient et ne souhaite pas acheter d’autres avions ; la flotte de la Grèce, quant à elle, est dans un état tel que ses appareils ne sont pas en mesure d’intervenir et que l’aide d’autres pays, dont la France, est nécessaire. Une autre solution, l’achat d’occasion, pose le problème de l’état : il sera difficile de trouver des appareils en condition opérationnelle.
Toutefois, il convient de noter que la nécessité de remplacer les CL-415 n’est, à moyen terme, pas impérieuse. En outre, le nouveau marché de maintenance, qui vient d’être attribué à Sabena Technics FNI, est plus équilibré et fait peser les risques sur l’industriel, non sur la Sécurité civile. Les douze CL-415 devraient donc rester opérationnels pour une dizaine d’années au moins.
La réelle urgence porte sur le second modèle d’avions, les Tracker, qui seront progressivement retirés du service entre 2018 et 2022, après plus de soixante ans d’utilisation.
Grumman Tracker S-2
(Source : Sécurité civile)
Différentes pistes ont été explorées par la DGSCGC, afin de trouver des modèles de substitution susceptibles d’apporter une réponse satisfaisante aux besoins exigeants de la lutte contre les incendies.
a. Les espoirs déçus suscités par les appareils employés par d’autres États sur le front des incendies
Ainsi que votre rapporteur pour avis l’avait souligné l’année dernière, l’appareil Air Tractor AT-802, un temps pressenti pour se substituer aux Tracker, n’a pas débouché sur une conclusion satisfaisante. Conçu pour l’épandage agricole, il peut s’avérer d’un usage difficile dans les conditions extrêmes qui prévalent lors d’un incendie, notamment face aux courants d’air qui peuvent déstabiliser un avion aussi léger (21). En outre, sa charge inférieure de près de 500 litres à celle du Tracker limite sa capacité opérationnelle. Les évaluations réalisées en 2013 ont confirmé l’inadéquation de l’Air Tractor aux exigences de la lutte contre les feux de forêt, en particulier celles du guet aérien armé.
Le Beriev Be-200, avion amphibie construit spécifiquement pour lutter contre les incendies et pouvant transporter 12 tonnes d’eau – soit près de deux fois la charge des CL-415 et plus de trois fois celle des Tracker – pouvait être un candidat sérieux au remplacement des CL-415. Utilisé par la Fédération de Russie et l’Azerbaïdjan, il a également été employé sur des théâtres d’opérations extérieurs, notamment en Grèce et en Israël. Toutefois, le Be-200 a lui aussi montré ses limites : évalué en 2011 en conditions opérationnelles, cet appareil n’a pas répondu aux besoins de la Sécurité civile. En outre, il n’a pas été possible à la DGSCGC d’obtenir un coût réel unitaire.
Autre appareil étudié, le ShinMaywa US-2 japonais présente l’inconvénient majeur – au-delà d’un relativement faible retour d’expériences susceptible de compromettre l’adéquation de l’avion aux besoins français – d’être très cher : alors que le coût unitaire du CL-415 est d’environ 31 millions d’euros, celui du ShinMaywa US-2 est de 98 millions d’euros (22). Ainsi, dans l’hypothèse d’un recours à ce modèle pour remplacer les CL-415 et d’une volonté de maintenir la capacité opérationnelle de la flotte en l’état, soit 12 appareils, le coût total du renouvellement du parc de bombardiers amphibies excèderait le milliard d’euros. Par ailleurs, ce coût est celui de la version actuellement utilisée, conçue pour la surveillance aérienne et le secours en mer, non celle modifiée pour la lutte contre les incendies, en cours de développement.
Enfin, le CASA 295, construit par EADS, figure parmi les appareils sur lesquels la réflexion de la DGSCGC a porté. Avion-cargo tactique, pouvant être utilisé pour la surveillance aérienne radar, sa configuration en bombardier d’eau est toujours au stade expérimental et n’a pas fait l’objet d’une évaluation opérationnelle. L’absence d’essais réels que cette qualité de prototype entraîne, doublée d’un prix élevé, n’en font pas un candidat sérieux pour prendre la succession des modèles prochainement retirés.
À côté des appareils précédemment décrits, il existe une piste d’une envergure radicalement différente, celle du superbombardier d’eau – appelé ainsi dans la mesure où sa capacité volumique est considérablement plus importante que celle des modèles traditionnels. Un tel superbombardier existe et est opérationnel ; il s’agit du Boeing 747-100. Son emploi par la flotte de la Sécurité civile, s’il présenterait des avantages indéniables, soulèverait toutefois certaines questions et s’avèrerait, aux yeux de votre rapporteur, trop aléatoire.
La réflexion sur l’utilisation d’un superbombardier d’eau (Supertanker) vit le jour en 2002 sous l’impulsion de l’administration américaine, à la suite de plusieurs accidents aériens impliquant des appareils de lutte contre les feux de forêts, notamment un Lockheed C-130 Hercules. La société Evergreen International Aviation (EIA) développa alors, à partir d’un Boeing 747, un appareil capable de transporter plus de 75 000 litres d’eau – ou de produit retardant – sur une distance d’environ 6 000 kilomètres. L’appareil fut utilisé pour la première fois en 2009, d’abord en Espagne puis en Californie à l’occasion de la saison des feux de forêts.
Les capacités opérationnelles du 747-100 faisant de cet appareil le plus gros bombardier d’eau existant, la société Global SuperTanker Services, qui a succédé à EIA à la suite de la liquidation de cette dernière en 2014, développa un nouveau modèle de « superbombardier » sur la base du Boeing 747-400, dont les performances dépassent celles du 747-100. La force de frappe du Boeing modifié, sans équivalent, est telle qu’un seul appareil peut transporter autant d’eau qu’une flotte. En outre, le rayon d’action étendu permet des interventions nombreuses et lointaines.
Néanmoins, ces qualités ne doivent pas occulter certaines difficultés dirimantes. D’une part, le CL-415 est un avion d’une maniabilité extrême, conçu pour combattre les incendies et donc parfaitement adapté aux conditions météorologiques que l’on trouve dans le cadre d’un feu de forêt (vents, températures, changements de pression, etc.) et qui peuvent compliquer considérablement un vol. Il est peu vraisemblable qu’un appareil de la taille et du poids d’un 747-400 chargé puisse manœuvrer avec autant d’aisance qu’un CL-415.
D’autre part, la taille et le poids de l’appareil posent un autre problème, lié à la longueur de piste requise pour décoller et atterrir – plusieurs kilomètres dans les deux cas. La piste de la future BASC, longue de 2 443 mètres, ne permettra pas à un Boeing 747 modifié de décoller, surtout à pleine charge. Seules les pistes de l’aéroport Marseille-Provence – site actuel de la BASC – et de la base d’Istres pourraient convenir. Cependant, il serait pour le moins incohérent de choisir un appareil qui ne pourrait stationner sur la nouvelle BASC, dont le transfert est en cours, ou d’engager, pour qu’il puisse y stationner, de nouvelles dépenses liées aux travaux d’agrandissement de la piste.
Enfin, le coût vraisemblablement élevé d’un seul appareil rend son acquisition virtuelle ou, à tout le moins, ne permettra pas d’équiper une flotte. Le peu d’appareils alors disponibles – quelques unités – n’offrira pas une souplesse d’intervention et une capacité de projection satisfaisante, empêchant des interventions simultanées nombreuses.
La seule utilisation envisageable d’un Boeing 747 modifié s’inscrirait dans le cadre de l’Union européenne, si cette dernière en décidait l’acquisition afin de fournir un renfort de poids aux États-membres en ayant besoin (23).
Ainsi qu’il vient d’être vu, aucune des pistes explorées n’est satisfaisante pour remplacer le CL-415. En revanche, s’agissant des Tracker, le modèle appelé à le remplacer est identifié. Le ministère de l’Intérieur a en effet retenu le Dash 8, dont plusieurs modèles seront acquis et qui pourront se voir adjoindre des CL-415. D’une capacité d’emport d’environ 10 000 litres, soit trois fois celle des Tracker, les Dash 8 sont les bombardiers d’eau les plus puissants dont dispose la Sécurité civile (qui en détient actuellement deux).
Dash 8 Q400 MR
(Source : Sécurité civile)
Il convient de souligner le peu d’enthousiasme que la mise en service des premiers Dash 8 avait suscité de la part des pilotes de la Sécurité civile. Les associations syndicales de pilotes avaient manifesté leurs doutes et le fait que les contraintes techniques inhérentes à ces appareils – notamment le fait qu’ils ne peuvent supporter qu’une accélération de 2,4 g en charge pleine là où les autres appareils encaissent 3,25 g (24) – ne permettaient pas d’atteindre l’efficacité souhaitée ni les exigences posées par les cahiers des charges (25).
Néanmoins, après une période d’acclimatation, il semble que le modèle ait été adopté. La décision d’acheter d’autres Dash 8, lorsqu’elle fut annoncée aux pilotes par le ministre de l’Intérieur, fut bien accueillie. Les capacités supérieures de l’appareil par rapport aux Tracker (charge, vitesse, rayon d’action) en font un outil efficace dans la lutte contre les feux de forêts.
En outre, dans la mesure où il s’agit initialement d’un appareil de transport et de fret, capable d’emporter une soixantaine de passagers, les avions pourront être utilisés pour transporter du matériel ou du personnel sur des zones d’opération variées, hors saison de feux (comme ce fut le cas lors de la récente intervention en Guinée).
Un comité de pilotage a été mis en place et a tenu ses premiers travaux à la mi-octobre 2015 ; d’ici la fin de l’année, le schéma-cible de la flotte renouvelée devrait être arrêté, tant s’agissant des appareils retenus que de l’échelonnement et du rythme des remplacements ainsi que, naturellement, des modalités financières : le prix unitaire d’un Dash 8, au regard des spécificités requises par la Sécurité civile, est d’environ 25 millions d’euros.
La conclusion heureuse des recherches pour trouver aux Tracker un successeur ne doit pas dissimuler une évidence : le Dash 8 n’est pas un bombardier d’eau amphibie d’une souplesse de manœuvre comparable à celle du CL-415. Il faudra donc à la DGSCGC poursuivre ses réflexions afin, à terme, d’identifier un appareil capable de prendre pleinement le relai des Canadair.
Lors de sa réunion du 29 octobre 2015, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » pour 2016.
M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre de l’Intérieur, je suis heureux de vous accueillir, en compagnie de Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, et de Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés à la mission « Sécurités ».
Je rappelle les règles qui président à nos débats en commission élargie : la parole sera d’abord donnée aux rapporteurs des commissions, qui interviendront pendant cinq minutes ; après la réponse du ministre, les porte-paroles des groupes s’exprimeront pendant cinq minutes ; puis ce sera au tour de tous les députés qui le souhaiteront, pendant deux minutes.
M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la police, la gendarmerie, la sécurité routière, le contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Dans un contexte où l’État réduit ses dépenses, l’effort financier en faveur de la mission « Sécurités », continu depuis le début de la législature, atteste qu’il s’agit d’une priorité du Gouvernement. Depuis le 11 janvier dernier, cette priorité répond à une exigence, affirmée par les millions de nos concitoyens qui ont manifesté en mémoire des victimes et pour la défense des libertés, et qui ont rendu hommage à nos forces de police et de gendarmerie.
Face à cette situation, le Gouvernement a débloqué des moyens par le décret d’avance du 9 avril 2015. De par mes activités de contrôle budgétaire, j’ai pu m’assurer de la disponibilité effective des plus de 110 millions d’euros attribués à la police et à la gendarmerie, comme je le détaille dans mon rapport.
Le budget pour 2016 prolonge cet effort. Les crédits de paiement du programme « Police nationale » s’élèveront à 9,77 milliards d’euros, en hausse de 82 millions d’euros, soit de 0,85 %, après une hausse de 50 millions d’euros en 2015.
Les crédits de paiement du programme « Gendarmerie nationale » s’élèveront à 8,12 milliards d’euros, en hausse de 64 millions d’euros, soit de 0,79 %, après une hausse de 0,4 % en 2015.
Sur l’année, le décret d’avance et le projet de loi de finances ajoutent 948 emplois pour la police, et 284 pour la gendarmerie. Faut-il rappeler que, entre 2007 et 2012, les deux forces ont perdu au total 13 700 emplois ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, le plan de lutte contre l’immigration clandestine (PLIC) apporte 900 emplois supplémentaires : 530 policiers et 370 gendarmes. Vous avez déposé un amendement pour tenir compte des effets de ce plan dans le projet de loi. Pouvez-vous en présenter le contenu et détailler l’emploi des nouveaux effectifs ?
En 2016, la police nationale pourra investir pour 259 millions d’euros, soit une hausse de près de 10 %, et la gendarmerie nationale pour 103 millions d’euros, soit une hausse de près de 22 %. Mais des contraintes demeurent. Les dépenses de fonctionnement du programme « Police nationale » sont en légère baisse, en décalage avec l’investissement, alors que ces deux postes présentent des liens. Nous le savons, les services de police rencontrent des tensions fortes sur leur budget de fonctionnement courant et de maintenance. L’ampleur des besoins fait que les véhicules et l’immobilier sont vieillissants, ce qui rend leur entretien plus coûteux, malgré les investissements. Je rappelle que ces derniers avaient été gelés lors du précédent mandat, sous la responsabilité de M. Sarkozy. Monsieur le ministre, ne faudrait-il pas consacrer davantage de moyens au fonctionnement courant des services, pour améliorer le quotidien des policiers sur leur lieu de travail ?
Pour la gendarmerie nationale, la contrainte s’exerce plutôt sur l’investissement, car la structure de ses dépenses rend le budget très vulnérable à la réserve de précaution de 8 % qui réduit considérablement les marges de manœuvre. Pouvez-vous nous confirmer que la réserve de précaution sera bien débloquée cette année, afin que la gendarmerie puisse finaliser des commandes essentielles ?
Monsieur le ministre, cet apport de moyens nouveaux est justifié par des résultats et par une efficacité opérationnelle sur le terrain.
Cette efficacité est illustrée, au premier chef, par la réponse apportée à la menace terroriste. D’une part, pour avoir rendu visite à nos unités d’intervention du contre-terrorisme, le GIGN et le RAID, je peux attester de leur niveau de préparation et d’équipement, et de leur capacité à anticiper la menace, et à adapter leurs techniques et leurs modes opératoires. D’autre part, la nouvelle organisation du renseignement a permis d’ouvrir depuis le début de l’année 157 dossiers judiciaires liés au terrorisme, concernant près de 900 personnes – dont 250 mis en examen et 147 incarcérés.
Cette efficacité est également illustrée par notre politique de lutte contre la délinquance. Si nous faisons de la sécurité une priorité, c’est pour lutter contre le sentiment d’injustice, de relégation et d’abandon par la République qui se nourrit des inégalités sociales et territoriales face à la délinquance. Dès 2012, vous avez ciblé les moyens de lutte contre la délinquance sur ces territoires, qui étaient presque abandonnés. Quel est le bilan des zones de sécurité prioritaire ? La méthode pourrait-elle être étendue à de nouveaux domaines ?
Pour vraiment cibler les moyens sur les zones les plus difficiles, il me semble qu’il faut en finir avec la situation actuelle concernant l’avantage spécifique d’ancienneté (ASA) ? Pouvez-vous nous dire si vous réfléchissez à cette refonte ?
Le redéploiement des zones de police et de gendarmerie est aussi un outil qui permet de mieux adapter les moyens aux besoins. Où en votre réflexion sur cette question ?
Enfin, la réussite de la lutte contre la délinquance implique surtout que l’on ne détourne pas les personnels de police et de gendarmerie des tâches qu’ils assurent sur le terrain de la sécurité. J’ai été très marqué par cette autre question, lorsque j’ai rencontré les forces de police et de gendarmerie. Bien sûr, il ne s’agit pas d’abaisser les droits de la défense, auxquels je tiens tout particulièrement. Mais je voudrais savoir si vous avez réfléchi à une réforme du code de procédure pénale. Avez-vous des pistes afin d’alléger la procédure ? Monsieur le ministre, comment allez-vous peser pour faire aboutir la simplification annoncée par le Premier ministre ?
M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la sécurité civile. J’ai à nouveau cette année l’honneur d’être le rapporteur spécial des crédits du programme 161 « Sécurité civile », inscrits depuis le budget pour 2014 dans la mission d’ensemble « Sécurités ».
Le projet de loi de finances (PLF) propose de porter les autorisations d’engagement pour les moyens de la sécurité civile de 394,66 millions d’euros en 2015 à 407,26 millions d’euros en 2016. Les crédits de paiement connaissent un même mouvement, puisque le PLF prévoit de les faire passer de 433,18 millions d’euros en 2015 à 441,58 millions d’euros en 2016.
Cette évolution positive doit être particulièrement soulignée, car nous connaissons tous l’importance qu’ont les actions de l’État dans ce domaine essentiel de la sécurité civile, et l’obligation qui nous est faite de consacrer des moyens significatifs à la protection des populations au quotidien ou lors des catastrophes majeures, qu’elles soient naturelles, technologiques ou industrielles.
Avant toute chose, monsieur le ministre, je voudrais saluer l’action ferme et courageuse que vous avez su conduire, et l’efficacité et la générosité dont font preuve chaque jour les nombreux intervenants de la sécurité civile.
Je souhaite aussi, comme c’est l’usage, vous poser plusieurs questions.
L’actualité récente nous a rappelé comme il est difficile de lutter contre les phénomènes de crues et d’inondations, dont la gravité est souvent très malaisée à prévoir. Quels progrès impératifs, en lien avec Météo France, pensez-vous pouvoir réaliser dans le domaine de l’anticipation de ce type de crises, et de l’alerte des populations ? Quelles améliorations opérationnelles pensez-vous pouvoir apporter avec l’ensemble des acteurs de la sécurité civile ?
Pouvez-vous nous rappeler l’état de réalisation et de fonctionnement de plusieurs grands programmes d’équipement ? Il s’agit, d’une part, de deux réseaux de communication – le réseau d’adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours (ANTARES), qui vise à l’interopérabilité des moyens de communication des différents intervenants publics en sécurité civile ; et le nouveau système d’alerte et d’information des populations (SAIP) –, et, d’autre part, de deux structures chargées des nouveaux risques – le centre national d’alerte aux tsunamis (CENALT) pour les tsunamis en Méditerranée et en Atlantique du Nord-Est ; et le centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive.
S’agissant de la lutte contre les feux de forêt, quelles précisions pouvez-vous nous donner sur le renouvellement de la composante Tracker de notre flotte d’avions, ainsi que sur le transfert, prévu en 2017, de la base aérienne de la sécurité civile à Nîmes-Garons ?
Quelle contribution les acteurs de la sécurité civile apportent-ils à la lutte contre le terrorisme, qui est une préoccupation croissante pour tous les Français ?
Nous avons parlé de la crise du volontariat des sapeurs-pompiers. Une augmentation du nombre des sapeurs-pompiers volontaires a cependant été récemment observée, sous l’effet de l’application de la loi de 2011, et des vingt-cinq mesures contenues dans l’Engagement national pour le volontariat, signé à l’initiative du Président de la République par de nombreux acteurs de la sécurité civile le 11 octobre 2013. Quelles précisions pouvez-vous nous donner sur ce point essentiel pour la pérennité de notre système de secours ?
La sécurité civile n’est pas que l’affaire des acteurs publics – État, collectivités, services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Il ne faut pas oublier le rôle très important des associations, des réserves communales et des citoyens que nous sommes tous. Quelle est votre analyse à ce propos ? Comment encourager chez les jeunes, dans la logique du vivre ensemble, l’esprit d’engagement et le sens de la citoyenneté ?
Quelles mesures particulières sont retenues dans le budget 2016 pour les outre-mer, traditionnellement confrontés à des difficultés renforcées en matière de risques naturels, comme les tsunamis, les séismes, les cyclones, les éruptions volcaniques ou les feux de forêt ?
Ma dernière question concerne votre action envers les outre-mer. Depuis 2012, il convient de saluer l’engagement constant de votre administration pour assurer une action de sécurité civile de même niveau sur nos territoires que dans l’Hexagone. J’en veux pour preuve le pré-positionnement du Dash 8 à La Réunion, sitôt la fin de la saison des feux dans l’Hexagone et le début de la saison dans l’océan Indien. Malgré une situation de sécheresse persistante, La Réunion n’a pas revécu le drame des incendies du Maïdo en 2011. Mais, malgré cet engagement, beaucoup reste à faire.
L’idée d’une sécurité civile adaptée aux outre-mer pourrait faire l’objet d’une étude particulière, pour que des solutions encore plus efficaces y soient mises en œuvre. Par exemple, les moyens héliportés sont notoirement insuffisants dans nos territoires, en particulier à l’île de La Réunion. Pour pallier ce manque tout en ayant une approche budgétaire raisonnable, des expérimentations de moyens héliportés mutualisés entre la sécurité civile, la gendarmerie et le SAMU – ce que l’on a appelé les hélicoptères bleu-blanc-rouge – ont été mises en place, notamment en Guyane. Que nous ont appris ces expérimentations ? Peut-on en prévoir également à La Réunion, où la sécurité civile ne dispose d’aucun moyen héliporté propre ? Mais, au-delà, partagez-vous, monsieur le ministre, ma proposition de mettre en place une mission qui pourrait plancher sur une organisation de la sécurité civile dans les outre-mer ?
M. David Comet, suppléant M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie nationale. M. Boisserie, rapporteur titulaire des crédits de la gendarmerie, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il m’a demandé de le suppléer et je m’acquitterai évidemment de cette tâche avec plaisir, tout en m’efforçant de relayer le plus fidèlement possible ses analyses et ses interrogations.
Je ne m’étendrai pas sur le budget et les évolutions de crédits prévus en 2016. Je me contenterai de souligner avec satisfaction que les ressources sont consolidées et adaptées au contexte sécuritaire et opérationnel. Tous financements compris, la gendarmerie bénéficiera de 8,37 milliards d’euros en autorisations d’engagement, et de près de 8,23 milliards d’euros en crédits de paiement. Pour la quatrième année consécutive, les effectifs seront en hausse, palliant ainsi en partie les effets de la politique de déflation menée sous le quinquennat précédent. Un tel effort est absolument nécessaire.
Les forces de sécurité – mais également l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire ainsi que les forces armées – ont été en première ligne à la suite des attentats qui ont frappé notre pays en janvier dernier. Je tiens ici à leur rendre hommage et à leur témoigner toute notre reconnaissance.
Cette nouvelle donne sécuritaire a conduit à une mobilisation opérationnelle sans précédent des forces de l’ordre. Il n’existe aujourd’hui aucun sanctuaire sur le territoire national face à la menace terroriste et ses ramifications, qui peuvent s’implanter aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Le niveau de menace n’est probablement pas amené à diminuer à moyen terme, et notre pays doit apprendre à vivre durablement dans un contexte sécuritaire dégradé.
Or, à ce risque sécuritaire sont venues s’ajouter les conséquences d’une crise migratoire d’une ampleur sans précédent en Europe depuis plusieurs décennies. Provoquée par des crises géopolitiques d’une violence extrême, elle voit des centaines de milliers d’êtres humains fuir la guerre, les persécutions et les violences dans l’espoir d’un avenir meilleur au sein de l’Union européenne. Au-delà des questions sanitaires et sociales, ce drame humanitaire représente un autre défi majeur en matière d’ordre public.
Je salue à cet égard l’initiative du Gouvernement qui a déposé un amendement abondant la mission « Sécurités » à hauteur de plus de 42 millions afin de mettre en œuvre le plan Migrants. Sur cette enveloppe, 19,8 millions d’euros bénéficieront à la gendarmerie, permettant le recrutement de 370 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires en plus des 184 postes déjà prévus.
Mais il ne faudrait pas croire que ces crises nouvelles ont fait disparaître les autres risques et menaces. La gendarmerie doit donc évidemment continuer à remplir ses missions traditionnelles : lutte contre la délinquance et l’insécurité, contre les trafics, maintien de l’ordre, renseignement, missions de police judiciaire, sans oublier les déploiements en opérations extérieures.
Il convient donc de saluer les décisions prises en matière budgétaire, qui permettront une augmentation des moyens humains et matériels au service de la sécurité publique. Toutefois, pour les raisons que je viens de rappeler, il est sans doute utile de faire plus à l’avenir. Je souhaiterais faire part de quelques réflexions en ce sens.
Je suis conscient que la réserve est nécessaire au pilotage de la dépense publique. Mais nous devons prendre toute la mesure du changement de monde à l’œuvre en matière de sécurité au sens large, et en tirer toutes les conséquences aux plans budgétaire et opérationnel. D’après les dernières informations dont nous disposons, les crédits encore gelés au titre de 2015 atteignent 51 millions d’euros. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer s’ils seront effectivement débloqués ?
Par ailleurs, vous avez récemment indiqué, et je m’en réjouis, que « les initiatives seront prises pour que la disponibilité des crédits budgétaires soit organisée dès le début de l’année 2016 ». Où en sont vos négociations avec Bercy sur ce point ?
Je rappelle que, si l’on soustrait les sommes faisant l’objet de dépenses obligatoires, la mise en réserve initiale d’environ 100 millions d’euros s’applique en réalité à une assiette très réduite, de l’ordre de 300 millions d’euros. Or ces sommes servent notamment à l’équipement des gendarmes. Il me semble donc absolument indispensable de dégeler dès le début de la gestion les crédits mis en réserve. Je sais votre implication constante à ce sujet ; je doute en revanche de la bonne volonté d’autres ministères…
Il n’est pas acceptable que les dégels n’interviennent qu’en fin d’année. Cela fait peser une incertitude paralysante et, pour tout dire, vexatoire pour nos forces de l’ordre, alors que notre pays et nos concitoyens comptent sur leur engagement sans faille, aujourd’hui encore davantage qu’hier.
Je souhaiterais maintenant dire quelques mots sur les effectifs. Chaque année depuis le début du quinquennat, ceux des forces de l’ordre ont été augmentés. Mais un décalage existe toujours entre le plafond des emplois autorisés par le Parlement et les effectifs réels, aux dépens de ces derniers. Certes, ce plafond fixe une limite haute en termes d’effectifs. Mais il représente surtout le nombre de postes que les pouvoirs publics estiment nécessaires à la production de sécurité et à la protection de nos concitoyens. Sinon, en toute logique, il faudrait l’abaisser.
Depuis des années, ce plafond est fictif, la gendarmerie ne disposant pas des ressources nécessaires pour procéder aux recrutements permettant d’atteindre ce niveau. En 2016, et sans tenir compte des 370 nouveaux ETPT, ce « trou à l’emploi » atteindrait 1 959 ETPT soit 2 % des emplois autorisés. Cela correspond à environ 195 brigades si l’on considère, de manière optimiste, un effectif moyen de dix hommes par brigade.
Des économies de postes peuvent probablement être dégagées après des redéploiements d’effectifs et la réorganisation de la « carte gendarmerie ». Cela permettrait d’abaisser d’autant le plafond autorisé. Mais ceci fait, il conviendrait de combler l’écart entre les effectifs théoriques ainsi recalculés et les effectifs réels.
Partagez-vous cette analyse ? Pensez-vous que ces « trous à l’emploi » doivent être résorbés, au moins partiellement, compte tenu de la nouvelle donne sécuritaire appelée à perdurer ?
Enfin, pourriez-vous nous donner des précisions sur le processus d’optimisation du maillage territorial, avec le réexamen des implantations et des petites brigades dont la faiblesse en effectifs ne permet pas une réelle production de sécurité ?
M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité. Les crédits de fonctionnement et d’investissement affectés à la police et à la gendarmerie constituent, depuis le début de la législature, une priorité budgétaire pour le Gouvernement et la majorité parlementaire, et ce dans le contexte contraint qu’exige le redressement de la trajectoire de nos comptes publics.
Concrètement, l’effort consenti cette année encore dans le budget de la nation autorisera la création de 1 118 postes nouveaux en 2016, et de 900 de plus – 530 pour la police nationale, et 370 pour la gendarmerie –, avec l’amendement déposé par le Gouvernement pour faire face à la question des flux migratoires. Cet effort permettra également de financer certains équipements – par exemple, le renouvellement de près de 4 000 véhicules.
Cette évolution, qui tranche avec la réduction constante des moyens humains, matériels et financiers déplorée au cours du précédent quinquennat, a été jugée unanimement positive par les acteurs de la sécurité qu’il m’a été donné de rencontrer lorsque j’ai préparé mon rapport, même si, bien sûr, tous estiment qu’il serait nécessaire de faire davantage pour combler les retards accumulés et faire face aux nouveaux défis de la période.
J’ai souhaité, cette année, m’intéresser aux fonctions support. Celles-ci sont très diverses et regroupent l’ensemble des activités nécessaires au fonctionnement quotidien des forces de l’ordre : gestion des ressources humaines, formation, logistique, immobilier ou encore informatique.
Des efforts de rationalisation ont déjà libéré des effectifs, occupés jusque-là par ces tâches indispensables, mais non opérationnelles. Les regroupements des ateliers automobiles ont déjà permis, par exemple, d’économiser 87 ETPT ; ils se poursuivent sous le pilotage des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI). La réforme des implantations locales des services de la sécurité publique a dégagé, pour la police nationale, 223 ETPT en 2013-2014. Au plan central, la suppression des doublons entre directions actives et directions support, le regroupement des services de communication ou la fusion d’établissements de formation ont également permis d’importantes économies de personnel.
Cet effort de rationalisation peut être, de mon point de vue, encore renforcé, et je voudrais évoquer deux exemples : la police technique et scientifique d’une part, et la politique immobilière d’autre part.
S’agissant de la police technique et scientifique (PTS), deux systèmes, aux modes de fonctionnement et aux cultures bien différents, coexistent : les policiers d’un côté, les gendarmes de l’autre. Estimez-vous qu’il soit possible et opportun, monsieur le ministre, de rapprocher les laboratoires des deux forces pour en rationaliser l’implantation sur le territoire ? Pensez-vous souhaitable d’aller vers une harmonisation des procédures de constatation, des matériels et des formations de la PTS ? Seriez-vous favorable à une évolution du statut des personnels de la police nationale, afin qu’ils puissent notamment opérer seuls, à l’instar de ce qui est possible lorsque c’est la gendarmerie qui intervient ?
Quant à l’immobilier, il est essentiel tant pour la police que pour la gendarmerie. L’entretien de l’existant comme la construction de casernes ou de commissariats représentent des enjeux budgétaires énormes pour les deux forces. Estimez-vous possible de développer la mutualisation de la fonction immobilière entre la police et la gendarmerie, par exemple au travers de marchés communs pour la maintenance des bâtiments ? La création d’une agence ayant pour mission de centraliser et de coordonner les projets immobiliers d’une certaine ampleur – construction et rénovation des bâtiments – en lien avec la direction générale de la police nationale (DGPN), la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et la direction de l’évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières (DEPAFI) et permettant l’émergence d’un véritable pôle de compétence « immobilier » au sein du ministère de l’Intérieur vous paraît-elle opportune ?
La rationalisation des fonctions support doit aussi s’accompagner de mesures visant à décharger les policiers et les gendarmes de tâches que leur encadrement et leurs représentants qualifient souvent d’« indues ». Afin de poursuivre le mouvement engagé en ce sens depuis 2012, estimez-vous possible et souhaitable de décharger policiers et gendarmes de l’établissement des procurations électorales ?
Je terminerai sur un point qui n’est pas au cœur de mon rapport, mais qui appelle toute mon attention, tant ce dispositif me semble constituer un véritable atout pour une meilleure relation entre la police et la population, en particulier dans les quartiers populaires : la généralisation des caméras-piétons au sein de la police nationale. À la suite des annonces faites par le Premier ministre ce lundi, pourriez-vous préciser, monsieur le ministre, le calendrier législatif et opérationnel de la mise en place d’un tel dispositif ?
M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile. En raison de son objet même, le programme « Sécurité civile » transcende les divisions politiques et nous permet de rendre l’hommage qu’ils méritent aux femmes et aux hommes qui, avec un dévouement, un courage et une abnégation exemplaires, risquent leur vie pour les autres et dont plusieurs, cette année encore, ont fait l’ultime sacrifice pour servir le bien commun.
Les crédits du programme sont, dans le projet de loi, en hausse de près de 2 %, s’établissant à plus de 441 millions d’euros. C’est une hausse modeste, mais significative, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.
J’ai d’autres sujets de satisfaction : l’absence de modification de l’organisation de la sécurité civile par les réformes territoriales ; les améliorations de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), notamment celles concernant le financement des services d’incendie et de secours – dont la possibilité, enfin reconnue, aux formations militaires de Paris et Marseille, de facturer certaines de leurs interventions, ce que notre collègue Philippe Goujon appelait de ses vœux ; les progrès dans le transfert de la base aérienne de la sécurité civile (BASC) dans le Gard ; enfin, les efforts faits pour améliorer la situation des volontaires et résorber leurs effectifs.
Toutefois, monsieur le ministre, tout n’est pas parfait, loin de là. Deux points, à mes yeux, méritent une attention toute particulière : d’une part, la situation des volontaires, qui est toujours précaire ; d’autre part, le renouvellement de la flotte aérienne vieillissante.
Sur le volontariat, tout en saluant les réalisations enregistrées dans le cadre de l’Engagement national conclu en 2013 et que j’avais eu l’honneur de signer au nom de l’Association des maires de France (AMF), des progrès restent à faire.
Les effectifs des volontaires, qui représentent 80 % des pompiers français, sont passés en dix ans de 207 000 à 193 000. Une légère augmentation a été enregistrée en 2014. Toutefois, la hausse réelle n’est pas celle que vous affichez : vous y avez en effet intégré environ 450 volontaires de Mayotte déjà engagés.
Je veux croire que cette hausse timide marque le début d’une progression continue. Néanmoins, l’objectif des 200 000 volontaires d’ici à deux ans restera difficile à atteindre, surtout si l’Engagement national n’est pas mis en œuvre dans son ensemble, s’agissant notamment de l’arrêt de la fermeture de centres. Le maillage territorial doit rester étroit afin de garantir des interventions rapides, et une proximité entre le domicile du volontaire et son centre.
M. Éric Faure, que j’ai eu l’occasion d’interroger, se plaignait que la loi – dont j’avais pris l’initiative – n’était pas totalement mise en application. Tous les décrets d’application ont été pris, mais il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous fournir un calendrier des mesures restant à prendre, et nous rassurer sur l’absence de nouvelles fermetures de centres ?
Le volontariat appelle de ma part une deuxième observation, liée à la directive sur le temps de travail qui est en cours de négociation. L’année dernière, vous nous aviez assuré que tout se passait bien. En mars de cette année, la France a demandé l’exclusion expresse des volontaires et bénévoles du champ de la directive. Vous le savez, son application à ces populations marquerait la fin de notre modèle de sécurité civile, puisque les volontaires ne pourraient plus exercer, et pourrait coûter 2 milliards et demi d’euros si ceux-ci devaient être remplacés par des professionnels. Monsieur le ministre, y a-t-il une chance que la France ait gain de cause ?
Enfin, l’étude de la situation du volontariat m’a permis de prendre connaissance de dispositifs complémentaires très intéressants : les réserves citoyennes de sécurité civile ; l’association étroite des pompiers à la prévention des accidents de la vie courante. Monsieur le ministre, qu’envisagez-vous de faire, s’agissant de ces pistes prometteuses ?
Un second point mérite notre attention. Je veux parler des avions de la sécurité civile. Les Canadair, et surtout, les Tracker dont certains ont plus de soixante ans, vont bientôt atteindre un stade d’obsolescence empêchant leur utilisation. Je sais que de nombreuses pistes ont été explorées par votre ministère pour trouver un successeur au Tracker. Le choix a finalement porté sur l’acquisition de nouveaux Dash, solution pertinente eu égard aux capacités de ce modèle. Néanmoins, cela ne règle pas la question qu’il faudra, à terme, se poser : quel modèle remplacera les Canadair ? Dans la mesure où la réouverture de la chaîne de production par Bombardier paraît peu probable, quelles sont les pistes étudiées ?
Enfin, au-delà de l’expérimentation parisienne pour l’Euro 2016, quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement pour substituer à la pléthore des numéros d’urgence un numéro unique, le 112, dans un souci de simplification et d’économies ?
Monsieur le président, comme je pense ne pas pouvoir rester jusqu’à la fin de la séance, je vous informe dès à présent que j’émets un avis favorable sur les crédits du programme « Sécurité civile ».
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Mesdames et messieurs les députés, je me félicite de la qualité de la contribution du Parlement au débat sur les crédits de la sécurité. Je remercie les rapporteurs pour les questions qui m’ont été posées et qui me donnent l’occasion d’apporter des réponses précises sur les orientations budgétaires du Gouvernement en matière de sécurité.
M. Galut a souligné à juste titre l’évolution des crédits de fonctionnement et d’investissement de la police et la gendarmerie, qui contraste avec la situation passée. De fait, entre 2007 et 2013, ils avaient connu une diminution de 8 %. Pour la seule police, la diminution était de 17 %, son budget hors titre 2 (HT2) étant passé de 1,131 milliard d’euros à 936 millions d’euros entre 2007 et 2013. Et il en fut de même des crédits de la gendarmerie HT2.
Pendant la même période, les crédits T2 qui financent les effectifs de la police et de la gendarmerie avaient augmenté, alors que les effectifs diminuaient de 13 000 agents. La raison en est très simple : on compensait par des mesures catégorielles très coûteuses la diminution massive des effectifs, pour éviter certaines tensions au sein des forces.
Le budget que nous proposons aujourd’hui est évidemment très différent de ce qui a prévalu jusqu’à une période récente. Pour 2016, nous proposons une augmentation de 3,1 % des crédits HT2 de la police et de la gendarmerie. En 2014, l’augmentation était de 0,2 % et en 2015 de 1,5 %. Cela signifie que, grâce aux arbitrages rendus par le Président de la République et le Premier ministre, et grâce à la mobilisation de notre administration, les crédits HT2 dont bénéficient la police et la gendarmerie augmentent de façon très significative : sa progression double par rapport à l’an dernier. J’ai en effet la volonté de remettre à niveau les moyens de la police et de la gendarmerie, dans un contexte sécuritaire difficile.
Cette évolution positive des crédits ouverts en loi de finances initiale a été consolidée par la mise en œuvre du plan de renforcement des moyens pour lutter contre le terrorisme, à la suite des attentats du mois de janvier 2015.
Je tiens à préciser que, depuis le début du quinquennat, nous avions décidé d’augmenter de 432 les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et de lui allouer un budget supplémentaire de fonctionnement de 12 millions d’euros par an. Nous avons souhaité compléter cet effort après les attentats du mois de janvier, pour procéder à une remise à niveau des moyens face au renforcement de la menace. Nous avons alors décidé de créer, jusqu’à la fin du quinquennat, 1 404 postes dans la police et dans la gendarmerie. Ces 1 401 postes se répartissent de la manière suivante entre les différents services : 500 postes supplémentaires au sein de la DGSI sur la période – ce qui porte à 1 000 le nombre de postes créés dans cette direction d’ici à la fin du quinquennat ; 500 postes au sein du Renseignement territorial ; 100 postes au sein de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPPP) ; 106 postes au sein de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ; 60 postes au sein de la police de l’air et des frontières (PAF), de manière à nous mettre à niveau au moment où nous allons devoir mettre en œuvre le Passenger Name Record (PNR) et améliorer, dans le cadre de l’ajustement de Schengen, les conditions de contrôle aux frontières intérieures de l’Union européenne. Nous voulons en effet mettre en place des contrôles systématiques et coordonnés face au risque terroriste, ce implique davantage de moyens au sein de la PAF ; enfin, 40 emplois au sein du service de la protection des personnalités (SDLP). Cela permettra à nos services, qui étaient à la peine, de disposer de moyens humains supplémentaires pour faire face au risque terroriste.
J’ajoute que nous faisons un effort budgétaire considérable sur le plan de l’équipement de nos services. Ainsi, nous avons décidé d’allouer 233 millions d’euros en crédit HT2 à nos services dans le cadre de la lutte antiterroriste. Ces crédits se répartissent en plusieurs enveloppes.
Une enveloppe d’un peu plus de 20 millions d’euros permettra d’équiper en moyens informatiques les différents services de police et de gendarmerie, et de moderniser nos infrastructures de communication, après une période de désinvestissement ayant abouti à l’obsolescence d’un certain nombre de nos réseaux informatiques. Cela nous a d’ailleurs posé des problèmes, comme on a pu le constater en octobre 2014, au moment du retour de trois djihadistes de Turquie : le système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés (CHEOPS) n’a pas fonctionné comme il l’aurait dû, en raison de ce sous-investissement.
D’autre part, 50 millions d’euros seront consacrés à l’acquisition d’armes, de gilets pare-balles et de véhicules. Ainsi, 3 092 armes, modernes et efficaces, vont être allouées aux services de police et de gendarmerie en 2015 ; quelque 4 100 gilets pare-balles lourds ; quelque 16 000 gilets pare-balles légers ; et 1 186 véhicules qui ont déjà été commandés pour équiper les forces, dans le cadre du plan de lutte antiterroriste.
Nous avons beaucoup augmenté les moyens, à la fois humains et HT2, pour faire face au risque terroriste et équiper nos forces au meilleur niveau. Si l’on veut un État qui ait de l’autorité et des forces de sécurité qui aient les moyens de faire face, il faut fixer des priorités budgétaires. Malheureusement, de nombreux moyens ont été rabotés, pour ne pas dire presque réduits à néant dans certains domaines. Je pense notamment à l’investissement dans les commissariats – et il suffit de voir l’état du commissariat de Saint-Denis pour se rendre compte de la situation. Voilà pourquoi je me battrai, aussi longtemps que je serai dans cette maison, pour que nous disposions des moyens suffisants pour remplir nos missions.
Monsieur Galut, vous m’avez également interrogé sur la prise en compte du plan de lutte contre l’immigration clandestine dans le budget 2016. Je veux d’abord rendre compte des résultats que nous avons obtenus en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Au cours de l’année 2015, année qui n’est pas encore achevée, 197 filières d’immigration irrégulière ont été démantelées. À cette occasion, près de 3 000 personnes ont été interpellées, une grande partie d’entre elles ont été judiciarisées, alors même que notre pays n’a pas connu des afflux de migrants comparables à ceux que l’on constate, par exemple, en Allemagne ou en Autriche.
Je rappelle également que le nombre de demandeurs d’asile en France a baissé au cours de l’année 2014 de 2,34 %, mais qu’il a augmenté de 8 % depuis le début de l’année 2015. Cela devrait se traduire, au cours de l’année 2015, par une augmentation de l’ordre de 20 %. Il faut bien entendu tenir compte de l’effort de relocalisation et de réinstallation dans lequel notre pays s’est engagé du fait de ses positions européennes.
J’ajoute que, bien que nous soyons beaucoup moins concernés que d’autres par les flux migratoires, le nombre des filières que nous avons démantelé en 2015 a augmenté de 25 % par rapport à 2014. De la même façon, le nombre de filières que nous avions démantelé en 2014 avait augmenté de 25 % par rapport à 2013. Comme vous pouvez le constater, nous avons une très forte activité de lutte contre l’immigration irrégulière.
Je profite de la question qui a été posée par M. Galut pour aborder le sujet des effectifs. Sur décision du Premier ministre, 900 effectifs supplémentaires viendront renforcer les forces de l’ordre pour faire face à la situation migratoire particulière à laquelle l’Europe se trouve confrontée. Un amendement qui vous est proposé aujourd’hui prévoit les mesures suivantes : 530 recrutements supplémentaires dans les rangs de la police, pour renforcer les forces mobiles, la préfecture de police, la direction centrale de la police de l’air et des frontières ; 370 effectifs supplémentaires, destinés au renforcement des escadrons de gendarmerie. Ces moyens supplémentaires permettront à nos services de faire face. J’ai lu dans un quotidien d’aujourd’hui que la PAF était à la peine. C’est vrai, pour des raisons qui tiennent au fait qu’on l’a beaucoup affaiblie, et c’est bien pourquoi je veux beaucoup la renforcer. Ces efforts correspondent à un abondement en crédits de 22,6 millions pour la police et de 19,6 millions d’euros pour la gendarmerie.
À propos d’immigration irrégulière, je voudrais apporter de nouvelles précisions sur les reconduites à la frontière, parce que j’ai constaté qu’il y avait quelques « canards sans tête » qui continuaient à courir ! Et je tiens à dire aux députés ma fermeté et ma détermination, malgré les bruits, la désinformation, les polémiques à répétition qui n’ont pas lieu d’être.
D’abord, je le répète solennellement devant votre commission : l’affirmation selon laquelle on procéderait à l’éloignement ou à la récupération de migrants avec des jets privés est un mensonge, relevant d’une campagne orchestrée par des acteurs qui n’ont pas conscience qu’ils entretiennent ainsi un climat de nature à éloigner le pays de ses valeurs. Nous utilisons un Beechcraft, dans le cadre d’un contrat de location qui a été passé en 2006 par un ministre de l’Intérieur dont chacun se rappelle le nom.
En 2012, il y a eu 108 vols d’éloignement ; en 2013, 121 ; en 2014, 131. Le nombre d’étrangers en situation irrégulière (ESI) qui ont été reconduits dans le cadre de ces vols a été, en 2012, de 382 ; en 2013, de 511 ; en 2014, de 502. Le coût de ces éloignements s’est élevé à 1,7 million d’euros en 2012 ; à 1,6 million en 2013 ; à 2,3 millions en 2014. Le coût par ESI éloigné a atteint 4 100 euros en 2015, contre 4 500 euros en 2012.
On me dit que cette audition est écoutée par la presse. Je forme donc le vœu que, sur ce sujet, on dise des choses qui correspondent à la réalité. Je tiens d’ailleurs à la disposition de tous ceux qui parlent, écrivent et font des commentaires, la totalité des documents qui sont de nature à rétablir la vérité – si toutefois la vérité intéresse quelqu’un.
Il y a un autre débat : procédons-nous à des éloignements de personnes qui ne sont pas éloignables ? Là aussi, les choses doivent être dites avec une extrême précision : à Calais, lorsque des migrants tentent de s’introduire dans le tunnel, ils sont interpellés et placés dans le centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles ou, s’il n’y a pas de places, dans un autre CRA. Cela permet de vérifier leur nationalité, les passeurs les encourageant à déclarer qu’ils sont Syriens ou Irakiens afin d’éviter les mesures d’éloignement. En vérifiant ainsi l’adéquation entre leurs déclarations et la réalité, nous appliquons tout simplement la loi. S’il s’avère que les intéressés sont éloignables, nous les éloignons. S’ils ne le sont pas, bien entendu, nous les libérons. Telle est la réalité, et c’est le cas depuis toujours.
Je continuerai à mettre en œuvre cette politique, car, si je ne le faisais pas, il serait impossible d’éloigner ceux qui sont en situation irrégulière et, dès lors, notre politique d’accueil des demandeurs d’asile ne serait plus soutenable. De plus, cela signifierait que je laisse dans l’impunité tous ceux qui tentent de franchir le tunnel et commettent, en cela, une infraction.
Dernier point : notre politique est-elle efficace ? Je vais vous donner des chiffres très précis que je n’ai pas encore rendus publics.
Dans le cadre de la visite que j’ai effectuée à Calais la semaine dernière, j’ai décidé de mettre en œuvre une politique extrêmement précise dans le Calaisis et le Dunkerquois. Premièrement, nous renforçons les moyens en matière d’asile : nous multiplions les maraudes dans le camp de la lande pour inciter les migrants qui relèvent du statut de réfugié à demander l’asile en France, dans la mesure où ils ne peuvent pas passer au Royaume-Uni. Le nombre de demandes d’asile est ainsi passé de 400 en 2013 à 1 000 en 2014, puis à près de 2 000 en 2015. Cela nous permet d’accueillir ces migrants dans des conditions décentes hors de Calais, plutôt que d’organiser leur concentration dans des conditions inhumaines à Calais. En effet, grâce au concours de plusieurs communes, que je remercie de leur implication, ils sont placés dans des centres d’attente. Ces lieux n’ont pas vocation à durer, puisque les migrants sont immédiatement transférés dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) à partir du moment où l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se sont mobilisés pour leur accorder l’asile.
Deuxièmement, nous procédons à des éloignements dans les conditions que j’ai indiquées.
Troisièmement, nous mobilisons nos forces pour bien faire comprendre aux passeurs que l’on ne passe plus à Calais. Depuis que nous avons renforcé les moyens, et organisé un commandement opérationnel sur place, nous obtenons des résultats. Je vous donne les derniers chiffres : il y a eu 1 300 tentatives d’intrusion dans le tunnel le jeudi 22 octobre ; 1 040 le vendredi 23 ; 1 057 le samedi 24 ; 162 le dimanche 25 ; 464 le lundi 26 ; 628 le mardi 27 ; 277 le mercredi 28 ; et 241 cette nuit. En l’espace d’une semaine, nous sommes donc passés de 1 300 à 241 tentatives d’intrusion. Celles-ci ont donné lieu à 606 interceptions le jeudi 22 octobre ; une semaine après, ce jeudi 29 octobre, nous en sommes à 132. Quant au nombre de migrants qui sont parvenus à passer au Royaume-Uni, il a été de 64 le jeudi 22 ; 3 le vendredi 23 ; 2 le samedi 24 ; et 3 le dimanche 25. Depuis cette date, plus aucun migrant n’est passé au Royaume-Uni.
Je n’ai absolument aucun problème par rapport à la politique que nous menons à Calais dans un contexte humanitaire et migratoire extrêmement difficile. Compte tenu des commentaires que j’entends, j’estime qu’il est de mon rôle de communiquer et d’indiquer très précisément les résultats que nous obtenons au regard des moyens que nous mobilisons.
J’ai fait une réponse un peu longue à vos questions sur l’immigration irrégulière, monsieur Galut, mais il importe de faire preuve de rigueur et de précision sur ces sujets difficiles, qui sont préemptés par des acteurs cherchant à susciter des peurs, à convoquer des instincts et à créer un climat. Certes, on n’est jamais sûr de réussir. Mais on est absolument sûr de ne jamais réussir si l’on n’a ni politique, ni cohérence, ni volonté.
Vous m’avez interrogé, messieurs Galut et Comet, sur la marge de manœuvre du budget de la gendarmerie en matière de réserve de précaution. Pour mémoire, les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la gendarmerie sont constituées à 75 % de dépenses obligatoires – loyers et paiements contractuels. Le taux de mise en réserve appliqué est de 8 %. D’où un niveau de gel de 96 millions d’euros en 2015 pour les crédits de la gendarmerie HT2. Comme l’an dernier, j’ai veillé à obtenir un dégel anticipé des crédits mis en réserve pour permettre à la gendarmerie d’assurer l’ensemble de ses missions dans des conditions appropriées. Dès le 23 septembre, j’ai obtenu un premier dégel de 38 millions d’euros qui nous permet d’acquérir des véhicules et des munitions et de soutenir l’engagement de la gendarmerie mobile. Dans le cadre des discussions relatives à la fin de gestion que nous menons en ce moment avec le ministère chargé du budget et qui s’achèveront dans les semaines qui viennent, nous demandons le solde des crédits gelés, soit 51 millions d’euros.
Pour 2016, conformément à ce qui est ressorti des échanges du 22 octobre dernier entre le Président de la République et les représentants des forces de sécurité, notamment de la gendarmerie, il est prévu que les moyens essentiels nécessaires aux forces pour assurer leurs missions – véhicules, protections, armes, munitions – soient disponibles dès le début de l’année. Ainsi, nous pourrons acquérir ces matériels dans les meilleures conditions, contrairement à ce qui se passait les années précédentes.
S’agissant de l’avantage spécifique d’ancienneté, je répète ce que j’ai dit à plusieurs reprises aux organisations syndicales : nous ne pouvons pas régler cette question sans tenir compte de la position du Conseil d’État, sous peine d’être de nouveau confrontés à un problème juridique. Nous allons donc faire en sorte que cette allocation, qui était concentrée sur un certain nombre de personnes, puisse bénéficier au plus grand nombre, non seulement dans un souci d’équité, mais aussi pour nous conformer précisément aux préconisations du Conseil d’État. Tel est l’objet des discussions que nous menons actuellement avec les organisations syndicales.
Vous m’avez aussi demandé si j’ai l’intention de peser au niveau interministériel pour alléger les contraintes de la procédure pénale sur le travail quotidien des policiers et des officiers de police judiciaire. En octobre 2014, j’ai engagé un travail interministériel destiné précisément à convaincre de la nécessité de procéder à des simplifications de cette nature, puis j’ai saisi le Premier ministre au terme de ce travail. En effet, lorsque les forces de l’ordre consacrent des semaines à interpeller des personnes qui présentent un risque sécuritaire pour notre pays, je considère qu’il n’est pas normal qu’une grande partie de leur temps utile soit dévorée par des procédures qui peuvent être simplifiées dans le respect rigoureux des principes du droit, nous permettant ainsi de gagner considérablement en efficacité.
Conformément aux annonces faites par le Premier ministre, treize mesures de simplification de la procédure pénale seront mises en œuvre afin d’alléger les tâches des policiers tout en préservant les droits des citoyens. Il s’agit notamment de permettre la récapitulation, dans un procès-verbal unique de fin de garde à vue, de l’ensemble des formalités procédurales liées aux droits de la personne gardée à vue ; de mettre en place des plates-formes téléphoniques de gestion de la garde à vue pour faciliter la recherche d’un avocat, d’un médecin ou d’un interprète, et de permettre ainsi à l’enquêteur de se consacrer au fond de l’affaire ; de dématérialiser les registres de garde à vue ; de supprimer la règle « un acte, un procès-verbal » ; d’étendre le recours aux procédures simplifiées pour les infractions pénales les plus simples et d’harmoniser ces procédures à l’échelle nationale ; de permettre au personnel de la police technique et scientifique de réaliser lui-même certains scellés judiciaires ; de permettre aux officiers de police judiciaire de requérir certaines données sans solliciter systématiquement l’autorisation du procureur – par dérogation au principe général en matière de réquisition ; de permettre aux officiers de police judiciaire d’accéder aux données de vidéoprotection ; de développer les échanges par voie électronique entre les services d’enquête et le parquet ; de décharger les enquêteurs de la notification de certaines décisions du parquet.
Vous pouvez le constater, nous avons pesé au niveau interministériel et obtenu des décisions qui n’avaient pas été prises jusqu’à présent.
Quant à l’expérimentation des nouveaux cycles de travail dans la police, elle est en cours, et nous prendrons les décisions idoines lorsqu’elle aura atteint son terme.
J’en viens aux questions posées par MM. Lebreton et Morel-A-L’Huissier sur la sécurité civile. Depuis un an, nous avons accompli des progrès considérables en matière de gouvernance de la politique de sécurité civile. Au niveau national, nous avons mis en place un véritable pacte de gouvernance avec les élus et créé un comité des financeurs. Un engagement tripartite a été signé à la fin du mois de septembre entre l’État, l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’AMF. Au niveau local, les préfets ont des objectifs clairs et mènent un dialogue étroit et permanent avec les élus, dans le respect des prérogatives de chacun.
S’agissant de l’activité opérationnelle, l’année 2015 a été marquée par une implication accrue des services de sécurité civile. Ceux-ci concourent bien évidemment à la lutte contre le terrorisme, à travers la mobilisation des secours en cas d’attentat – ainsi que nous l’avons vu lors des attentats du mois de janvier –, l’engagement des équipes NRBC – compétentes face aux risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique – ou les interventions du service de déminage dans les implantations qui doivent tenir compte du risque désormais plus prégnant d’actes terroristes ou malveillants. Si le nombre total des interventions des services de sécurité civile est en légère diminution, celui des interventions de secours à la personne, qui en constituent les trois quarts, a augmenté de 5,4 % depuis 2011.
Le réseau de communication ANTARES couvre désormais 95 % du territoire. Je confirme que tous les SDIS y seront rattachés d’ici à 2017. L’État maintient un effort financier important pour achever le déploiement d’ANTARES et améliorer la qualité de la couverture opérationnelle : il y consacrera 7 millions d’euros en 2016, après 17,8 millions entre 2013 et 2015. En outre, des travaux sont réalisés pour supprimer les « zones blanches » et répondre aux difficultés signalées par certains SDIS.
En ce qui concerne le système d’alerte et d’information des populations, il est prévu, pour un coût global de 78 millions d’euros, de réaliser un logiciel permettant la commande centralisée du système par le réseau national ou par les préfets, et d’installer près de 5 340 sirènes permettant une alerte rapide – dont certaines seront des sirènes existantes reconditionnées – dans 1 743 bassins de risques.
S’agissant de la flotte de bombardiers d’eau, je confirme ce que j’ai dit à Marignane : la priorité actuelle est le remplacement, à l’horizon 2020, des neuf Tracker, qui sont âgés de près de soixante ans. Ils sont essentiels pour le guet aérien armé et l’attaque des feux naissants. J’ai décidé de leur substituer des Dash. C’est un choix pertinent du point de vue opérationnel, qui sera inscrit dans la prochaine loi de programmation triennale. Nous comptons déjà deux Dash dans la flotte, qui pourront éventuellement être complétés par des Canadair, selon des modalités qui restent à préciser. Les Canadair et les Dash sont beaucoup moins anciens que les Tracker : les premiers sont âgés de dix-huit ans, les seconds de quatorze. Leur renouvellement n’est pas prévu à court terme. Grâce au maintien en condition opérationnelle de ces aéronefs, notre capacité d’intervention demeure à un niveau élevé.
Le transfert de la base aérienne de la sécurité civile (BASC) de Marignane vers Nîmes-Garons se poursuit sans difficulté. La livraison est toujours prévue au premier semestre de 2017. Les équipages de la sécurité civile disposeront alors d’un équipement à la hauteur de leurs besoins.
Pour ce qui est de la flotte d’hélicoptères, son dimensionnement est calculé au plus juste. Ayons l’honnêteté de le dire : il ne sera pas possible de créer de nouvelles bases sans en fermer d’autres. J’entends bien les demandes exprimées par des élus qui souhaitent disposer d’un appareil de sécurité civile dans leur département, mais, dans ce domaine, nous devons avoir une approche globale, qui tienne compte, d’une part, des besoins d’intervention dans tous les territoires, notamment en matière de santé, et, d’autre part, de la disponibilité de l’ensemble des appareils relevant des différents ministères : les hélicoptères bleus, blancs et rouges.
Les outre-mer font l’objet du même degré d’attention de la part du ministère de l’Intérieur en matière de sécurité civile que les départements métropolitains. Les moyens aériens y sont importants : la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane disposent chacune de leur base d’hélicoptères de la sécurité civile ; en Polynésie, les appareils sont mutualisés ; à La Réunion, le secours héliporté est assuré par la gendarmerie. Depuis 2012, un Dash est prépositionné à La Réunion durant la saison des feux de forêt, lesquels avaient causé des dégâts très importants en 2011.
Les investissements dans les réseaux de communication se poursuivent. J’ai indiqué précédemment ce qu’il en était pour ANTARES. En cas de crise dans les départements et territoires d’outre-mer, le contrat opérationnel des forces militaires de la sécurité civile (FORMISC) prévoit l’envoi de renforts dans un délai de quarante-huit heures après l’alerte. Des matériels d’intervention sont prépositionnés dans ces territoires.
Conformément aux engagements qui ont été pris à Chambéry, nous menons depuis plusieurs mois une action très forte de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. En 2014, pour la première fois depuis quatorze ans, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a augmenté par rapport à l’année précédente, de 1 442 précisément. La stratégie dans laquelle nous nous sommes engagés commence donc à porter ses fruits. Nous devons la poursuivre avec volontarisme.
Vous êtes beaucoup revenu, monsieur Popelin, sur les économies que l’on peut attendre des rationalisations et des mutualisations. En matière de police technique et scientifique, la police et la gendarmerie nationales ont procédé à des rapprochements extrêmement porteurs en termes de mutualisation et prometteurs pour l’avenir. Aujourd’hui, la majorité des référentiels et protocoles utilisés par la police et la gendarmerie en matière de PTS sont communs. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP), nous cherchons à créer le maximum de synergies opérationnelles.
S’agissant de la politique d’achat, l’acquisition des matériels spécifiques mobilisés par la PTS s’effectue désormais systématiquement par le biais de procédures mutualisées. À ce titre, un marché national des consommables de PTS commun à la gendarmerie et à la police est en cours de finalisation pour le cycle de 2015 à 2019. Ces équipements sont commandés et gérés par le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI).
Autre enjeu : la rationalisation de l’emploi des plateaux techniques, notamment dans les zones à faible densité de population. Nous avançons aussi de façon significative sur ce point.
Nous accentuons la mutualisation de la fonction immobilière, avec la passation de marchés communs pour la maintenance des bâtiments et la création d’une agence qui centralise et coordonne l’ensemble des projets immobiliers. Je vous communiquerai, monsieur Popelin, un document retraçant la totalité des actions engagées à ce titre.
Plusieurs d’entre vous ont abordé des questions relevant de la problématique du rapprochement de la police et de la population. C’est un sujet sur lequel je souhaite mobiliser fortement le ministère de l’Intérieur et accélérer notre action en 2016. Dans un contexte de violences croissantes commises à l’encontre des agents publics, le recours à l’enregistrement vidéo ou sonore, notamment au moyen de caméras-piétons, joue un rôle dissuasif et permet d’objectiver les faits. Je souhaite qu’un mot et un seul préside à la relation entre les forces de l’ordre et les citoyens : le respect, qui doit prévaloir dans les deux sens. Les caméras-piétons sont un des éléments qui apportent la traçabilité dont nous avons besoin en la matière. Le Conseil d’État a confirmé que leur généralisation était opportune, mais qu’elle devait fait l’objet d’une loi.
M. Yves Goasdoué. La très grande majorité des professionnels et des syndicats que nous avons auditionnés avec Pascal Popelin considèrent que les engagements sont tenus. Je ne reviens par sur les chiffres très clairs que vous avez cités, monsieur le ministre : dans le cadre budgétaire extrêmement contraint que chacun connaît, l’effort financier est continu, certain et indéniable. La pente budgétaire que vous avez décrite est aujourd’hui avérée. Néanmoins, dans un contexte d’aggravation des charges, de lutte contre le terrorisme, de lutte contre l’immigration clandestine – vous venez d’en parler abondamment et précisément – et de grandes manifestations qui s’annoncent, telle la COP21, cet effort financier permet-il de rétablir totalement la situation qui, il faut bien le dire, a été dégradée de 2007 à 2012 ? Cette question, que les forces de police et de gendarmerie nous ont posée, vous est légitimement adressée.
Je souhaite aussi vous interroger, à l’instar de Pascal Popelin, sur l’organisation des forces. Lorsque les ressources sont limitées, il faut rationaliser, réorganiser, aller à l’essentiel. En tant qu’élus, parfois aussi élus locaux, nous le savons bien. Pascal Popelin a évoqué la mutualisation des fonctions support. À cet égard, on sent un frémissement dans certains domaines : les garages, l’informatique, la police technique et scientifique, que vous avez évoquée. Cependant, à l’issue des auditions que nous avons menées, je vous fais part de mon sentiment, certainement subjectif : toute organisation humaine cherche à développer son autonomie et, donc, à posséder ses propres fonctions support. En d’autres termes, j’ai l’impression, peut-être à tort, que la transversalité n’est pas encore entrée complètement dans les mœurs et que l’organisation « en tuyaux d’orgue » ou « en silos » reste le premier réflexe. Dès lors, comment comptez-vous promouvoir, en tout domaine, l’impérieuse nécessité de coopérer et de mutualiser ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets en la matière ?
Pierre Morel-A-L’Huissier l’a souligné au début de son intervention, nous devons manifester notre reconnaissance aux policiers et aux gendarmes. Cela passe notamment par un déroulement de carrière approprié et une rémunération pour services rendus. Quelles mesures sont proposées pour favoriser le déroulement des carrières, aujourd’hui souvent perturbé par le report des départs à la retraite ? Quelles mesures sont susceptibles d’être prises en matière de revalorisation des régimes indemnitaires dans la police et la gendarmerie ?
Même si nous sommes en présence, je l’ai dit, d’un bon budget, on peut avoir le sentiment, parfois, que le compte n’y est pas exactement. Dans les départements ruraux, les petites villes sont dotées de commissariats de police « rurbaine » à l’effectif souvent réduit, à raison du caractère modéré de la délinquance habituelle. En revanche, ces commissariats se trouvent démunis en cas de flambée sporadique de violence, phénomène que je viens de connaître dans ma circonscription. En dehors des renforts classiques de commissariat à commissariat, quels dispositifs vous paraissent adéquats pour faire face à ces montées de violence ? Convient-il de renforcer le nombre d’adjoints de sécurité (ADS), de faciliter la mobilisation des réservistes ou encore d’établir un lien plus systématique avec les forces de gendarmerie ?
M. Éric Ciotti. Nous examinons ce budget dans un contexte particulier, monsieur le ministre : c’est le premier budget de votre ministère après les événements terribles qui ont frappé notre pays au début de l’année 2015 ; c’est le premier budget après les manifestations qui ont réuni il y a quelques jours, dans toutes les villes de France, des milliers de policiers qui ont exprimé leur colère et leur malaise ; c’est le premier budget dans le cadre de la crise migratoire d’ampleur inédite qui frappe l’Union européenne, notamment notre pays.
De façon, hélas, plus classique, ce budget s’inscrit une fois de plus dans un contexte d’augmentation de la délinquance, ainsi qu’en témoignent les chiffres – ce sont les vôtres, monsieur le ministre –, tant sur longue que sur courte période. Depuis le début du quinquennat du Président de la République actuel, les atteintes aux biens ont augmenté de plus de 20 %, et les atteintes volontaires à l’intégrité physique de plus de 9 %. Sur les trois derniers mois, les neuf agrégats suivis par le nouveau service statistique du ministère de l’Intérieur sont tous en hausse, sauf les homicides.
Monsieur le ministre, nous vous avons exprimé notre soutien, dans un moment d’unité nationale, lorsque vous avez dû prendre des décisions courageuses. Nous avons ainsi voté, je le souligne, tous les textes visant à lutter contre le terrorisme, qui sont désormais devenus des lois de la République. Nous vous avons aussi soutenu, je le rappelle, après les événements de Sivens, lorsque vous avez été mis en cause de manière injuste et totalement scandaleuse. Nous aurions aimé soutenir ce budget, dans un contexte qui devrait susciter l’unité nationale, ainsi que vient de le tweeter le président de la commission des lois. Mais, sincèrement, monsieur le ministre, ce budget est-il de nature à relever les défis, à y apporter des réponses concrètes ? Hélas, non ! Trois fois hélas !
Je n’ignore pas les contraintes budgétaires globales et suppose que vous avez subi des réunions interministérielles compliquées et des arbitrages difficiles, mais une augmentation de 0,96 % du budget du ministère de l’Intérieur n’est en rien à la hauteur du contexte, qui est à la fois – tout le monde en convient – inédit et tragique : des menaces permanentes et très fortes pèsent sur notre pays et sur son avenir. Nous le savons tous, mais je le redis après avoir présidé pendant six mois la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes.
Au-delà de ce chiffre très faible, il y a dans ce budget quelques artifices qu’il convient de souligner. Vous évoquez en permanence l’augmentation des effectifs. Je ne la conteste pas, mais elle est à relativiser. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le fais, mais la Cour des comptes : dans ses rapports sur l’exécution du budget, elle relève l’écart très important qui existe entre le plafond d’emplois voté chaque année en loi de finances et son exécution. En 2014, selon la Cour, cet écart s’est établi à un niveau jamais atteint : 2 395 ETP.
En outre, vous aviez annoncé, hors plan Migrants, 690 ETPT supplémentaires en 2016, dont 390 dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme. En réalité, l’augmentation ne sera que de 547 ETPT, puisque vous allez supprimer dans le même temps 143 ETPT dans des services stratégiques du ministère. Entre 2012 et 2014, je le souligne, il y a eu 2,4 millions de patrouilles en moins sur le terrain du fait de la suppression du mécanisme d’optimisation opérationnelle.
Enfin, si l’on retranche les 136 millions d’euros réservés à l’installation de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris (PJPP) aux Batignolles, on constate en fait une diminution des moyens de fonctionnement affectés à la police et à la gendarmerie nationales. Le général Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, estimait nécessaire de renouveler 3 000 véhicules. Vous allez en changer 2 000, ce qui est important, mais insuffisant.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Les Républicains voteront contre ce budget.
M. Gabriel Serville. Vous connaissez, monsieur le ministre, le contexte particulier du département de la Guyane en matière de sécurité. Vous ne m’en voudrez donc pas de cantonner mon intervention à ce territoire que je représente, avec le soutien du groupe Gauche démocrate et républicaine.
La Guyane est détentrice de bien tristes records nationaux en termes de sécurité, qu’il s’agisse de la sécurité des personnes, de celle des biens ou encore de formes de grand banditisme organisé qui n’existent presque nulle part ailleurs sur le territoire national. Je pourrais aussi évoquer le pillage des ressources, tant minérales qu’halieutiques. Mais je ne citerai qu’un seul chiffre, afin que mes collègues puissent réellement saisir le contexte dans lequel se situe ce territoire : le nombre d’homicides y atteint 10,2 pour 10 000 habitants. C’est un record national, mais c’est surtout huit fois plus que dans les Bouches-du-Rhône et dix fois plus qu’en Seine-Saint-Denis, deux départements qui font continuellement la une de l’actualité à cause des faits de violence qui s’y déroulent. Le plus préoccupant reste la délinquance juvénile, en particulier en milieu scolaire, d’autant qu’elle est trop souvent diffusée, voire glorifiée, sur les réseaux sociaux.
La hausse de 3 % des crédits alloués à la Guyane, largement supérieure à celle que nous observons à l’échelle du pays, démontre bien que le Gouvernement et vous-même avez compris l’urgence de mettre en place des actions pérennes sur cette partie du territoire français. Depuis mon arrivée sur les bancs de l’Assemblée nationale, je n’ai eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme par tous les moyens disponibles, de concert avec l’ensemble de la classe politique locale. Aujourd’hui, il est rassurant de constater que le Gouvernement a enfin compris les véritables enjeux de sécurité de ce territoire. Certes, tout n’est pas rose, et j’ai bien peur que l’effort consenti ne se révèle insuffisant, tant la tâche nous semble ardue. Même si cet effort témoigne de la prise de conscience des décideurs, je milite pour que la représentation nationale appréhende de façon différenciée le contexte guyanais, tant il se distingue du cadre national.
Permettez-moi aussi de saluer le renforcement des crédits alloués au service des douanes et à la police aux frontières, particulièrement sollicités sur cette partie du territoire. Il devrait participer de l’amélioration du dispositif de lutte contre le narcotrafic. En cette matière également, hélas, nous nous dirigeons vers une première place nationale : en seulement quelques années, la Guyane s’est muée en une véritable plaque tournante de la drogue entre l’Amérique du Sud et l’Europe, et il ne se passe pratiquement plus une semaine sans que le service des douanes n’annonce une nouvelle saisie spectaculaire.
Néanmoins, je souhaite mettre un bémol : les crédits du programme « Sécurité et éducation routières » ont été divisés par trois sur le triennal, alors même que nos routes sont de plus en plus meurtrières. La commune de Matoury, dont je suis le maire, a été récemment le lieu de deux accidents particulièrement choquants. Permettez-moi d’avoir une pensée émue pour toutes les familles touchées par ces drames, notamment pour la garde des Sceaux, qui y a perdu un très proche parent. Il me semble que la baisse de ces crédits constitue un signal défavorable envoyé aux acteurs locaux, qui font un travail de terrain considérable afin de changer les comportements. À cet égard, je retiens volontiers votre annonce, monsieur le ministre, concernant le déblocage des moyens nécessaires pour supprimer les « zones blanches ».
De façon surprenante, mais symptomatique, vous en conviendrez, le cambriolage du commissariat de police de Cayenne en juin dernier, qui s’est soldé par le vol de dix-huit armes de policiers, n’a pas fait la une de la presse. Il n’en reste pas moins dans tous les esprits. L’ensemble des responsables locaux, les syndicats et, désormais, les citoyens, à travers une pétition en ligne, réclament la construction d’un nouveau commissariat. Lors de sa venue en Guyane en 2013, le Premier ministre lui-même a annoncé sa réalisation avant la fin du quinquennat. Ce projet est-il toujours d’actualité ? Est-il ou sera-t-il inscrit dans les budgets à venir ?
Sachez, monsieur le ministre, que la Guyane vous recevra avec beaucoup de plaisir lors de votre prochaine visite, dont je vous remercie d’ores et déjà, compte tenu notamment de votre agenda très chargé.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je souligne l’effort du Gouvernement en matière de sécurité routière. Au-delà du drame humain qu’a vécu notre pays il y a quelques jours, avec cet accident qui a causé la mort de quarante-trois personnes en Aquitaine, nous sommes aujourd’hui confrontés à une difficulté lourde, en dépit d’une bonne nouvelle.
La bonne nouvelle, c’est que les jeunes conducteurs ont moins d’accidents. Nos jeunes adultes sont sans doute mieux formés dans les auto-écoles, mais aussi plus conscients de la gravité des accidents qu’ils peuvent subir. Votre visite à l’hôpital de Garches au mois de juillet, monsieur le ministre, a contribué à cette prise de conscience.
La difficulté lourde, c’est que les conducteurs plus âgés, habitués de la route, en qui nous devrions avoir toute confiance, ont plus d’accidents. À l’inverse des jeunes, ils se relâchent, ce qui pose un véritable problème de sécurité publique. Lors du dernier comité interministériel de la sécurité routière (CISR), le 2 octobre, vous avez pris des mesures importantes et adressé un message de grande fermeté. Nous constatons que les préfectures renforcent les contrôles, et c’est indispensable. J’appelle nos concitoyens à plus de vigilance.
Je souligne aussi l’engagement des forces de sécurité civile, tant des volontaires que des professionnels, auprès des populations qui ont été touchées par des inondations épouvantables, l’année dernière et cette année, à Montpellier, dans le Gard et en Provence. Rappelons les risques que prennent ces hommes et ces femmes pour protéger nos populations.
J’appelle néanmoins votre attention sur un point important qui reste à régler : au-delà de leur douleur immédiate et de la disparition de leurs papiers ou de leurs souvenirs, les sinistrés se plaignent souvent de la longueur des délais d’indemnisation. Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prises ou compte-t-il prendre pour réduire ces délais ? Selon moi, nous avons encore des progrès à faire en la matière.
M. Guillaume Larrivé. Sur la question des effectifs, monsieur le ministre, il importe de sortir des faux-semblants. Oui, sous la législature précédente, il y a eu un effort assumé de diminution de l’ensemble des effectifs de la fonction publique d’État : pendant cinq ans, 156 000 postes de fonctionnaires ont été supprimés, diminution nette considérable effectuée en vue d’une meilleure maîtrise des finances publiques. Les forces de sécurité intérieure n’ont pas été dispensées de participer à cet effort, dans la mesure que chacun connaît et compte tenu du choix qui a été fait d’augmenter la masse salariale de ces personnels afin qu’ils soient mieux rémunérés, mieux considérés, mieux reconnus, mieux encouragés. Nous sommes en 2015, vous êtes aux affaires depuis bientôt quatre ans et ces questions ne sont plus à l’ordre du jour.
Je voudrais vous interroger plus précisément sur les chiffres concernant les effectifs de la police nationale pour 2016. Vous indiquez qu’ils compteront 1 077 unités supplémentaires alors même que les crédits correspondant à la masse salariale n’augmenteront que de 0,77 %. En outre, nous savons que le glissement vieillesse technicité entraîne une augmentation naturelle de la masse salariale de 1,4 %, auxquels s’ajoutent les effets de mesures catégorielles. Comment, dans ces conditions, comptez-vous parvenir à financer la rémunération de l’ensemble des effectifs en année pleine ?
Ces effectifs seront recrutés tout au long de l’année ce qui signifie, compte tenu des délais de formation de douze mois en école, que les renforts que vous annoncez ne seront pas près d’être opérationnels sur le terrain, à moins que vous ne comptiez déshabiller les services de sécurité publique au profit des services spécialisés. Je vous demanderai de nous préciser si les effectifs de sécurité publique déployés sur le terrain augmenteront ou diminueront au début de l’année 2016.
Deuxième question, très brève, au sujet du plan d’équipement : comment allez-vous financer le renforcement que vous annoncez alors que les crédits de fonctionnement sont identiques à ceux du PLF 2015 ?
M. Jean-Pierre Decool. Je profite de cette intervention pour rendre un hommage appuyé aux hommes et femmes qui s’engagent au service de nos populations, faisant preuve au cours de leurs missions d’un courage absolu et d’un total dévouement, et ce, bien souvent, au péril de leur vie.
Malgré un contexte budgétaire contraint, je constate cette année une hausse de près de 2 % des crédits du programme « Sécurité civile ». Nous devons nous en féliciter. Je souhaite toutefois vous alerter sur un sujet préoccupant : la crise de vocation chez les sapeurs-pompiers volontaires.
Nous possédons un formidable modèle en matière de secours reposant sur la complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Les sapeurs-pompiers volontaires constituent près de 80 % des effectifs. Or, depuis le début des années 2000, leur nombre est en baisse. Les engagements diminuent et la pénurie est grandissante. Pourtant, de nombreux formateurs bénévoles poursuivent leur inlassable démarche auprès des jeunes sapeurs-pompiers, véritable vivier de recrutement pour les soldats du feu.
Le 26 septembre dernier, lors du congrès national des sapeurs-pompiers de France, vous annonciez une reprise du recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, 1 442 hommes et femmes s’étant engagés cette année. Malgré ces chiffres encourageants, le malaise persiste dans les casernes. L’objectif de 200 000 volontaires d’ici à deux ans que vous vous êtes fixé semble difficile à atteindre avec les dispositions actuelles.
Monsieur le ministre, quelles mesures restent encore à prendre ? Allez-vous proposer de nouvelles solutions pour accroître les effectifs des sapeurs-pompiers volontaires ? Envisagez-vous, par exemple, de leur consentir un départ anticipé à la retraite ?
Enfin, comment pouvez-vous garantir une répartition équitable de ces volontaires sur le territoire français afin d’assurer à l’ensemble de nos concitoyens des secours de première nécessité ?
Mme Françoise Descamps-Crosnier. La mission budgétaire que nous examinons ce matin s’inscrit dans la droite ligne des priorités de la majorité. Ce budget en témoigne en prévoyant des moyens supplémentaires dans plusieurs domaines importants comme la lutte contre le terrorisme.
Au cours du premier semestre de cette année, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, dont j’ai été membre, s’est intéressée de près à la surveillance des filières et des individus djihadistes. Son rapport, adopté à l’unanimité le 2 juin dernier, formulait des propositions dont plusieurs étaient déjà en œuvre au moment de son adoption ou en voie de l’être. Nombre de ces mesures impliquent des éléments d’ordre budgétaire, dont, bien évidemment, le renforcement des moyens aussi bien matériels qu’humains. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les suites données aux propositions formulées par la commission d’enquête, en particulier sur le plan budgétaire ?
Par ailleurs, je souhaitais vous interroger sur le volet dédié à la sécurité civile : quelles actions et quels moyens mettez-vous en œuvre pour accélérer la mise en place des plans communaux de sauvegarde ? Nous apprenons à la lecture du projet annuel de performances de la mission budgétaire « Administration générale et territoriale de l’État » que vous visez un taux de couverture du territoire national de 68 % pour l’année prochaine. Dans un contexte où les catastrophes liées aux risques naturels surviennent de plus en plus fréquemment et brutalement, il est d’intérêt public que nous nous approchions le plus vite possible d’une couverture intégrale. J’aurais pu évoquer aussi les plans de prévention des risques naturels, mais le temps me manque.
En outre, j’aimerais connaître les actions mises en œuvre au niveau des échelons déconcentrés de l’État pour accélérer la mise en place des plans communaux de sauvegarde, outil essentiel à une planification fine en matière de sécurité civile prévu par la loi de modernisation de la sécurité civile d’août 2004. Comme vous le savez, cette mise en place a pris beaucoup de retard par rapport aux objectifs initiaux.
Mme Colette Capdevielle. Des policiers ont récemment manifesté place Vendôme, sous les fenêtres de Mme la garde des Sceaux, pour exprimer leur mécontentement face à la décision judiciaire rendue par un juge d’application des peines. Il est regrettable de constater une telle incompréhension, signe de la complexité des rapports entre justice et forces de l’ordre. Chacun se renvoie les responsabilités alors que l’efficacité de l’action publique repose sur l’indispensable coordination et le nécessaire partenariat entre forces de l’ordre et justice.
Le code de procédure pénale pose le cadre juridique définissant les relations que doivent entretenir police judiciaire et justice pour traiter des infractions à la loi pénale, mais c’est un autre code qui encadre et délimite le contenu de leurs échanges ou l’équilibre de leurs rapports de force. Nous nous accordons tous sur les efforts qui doivent être entrepris pour simplifier et fluidifier la procédure pénale, dans le respect du droit des parties et des libertés. Toutefois, ceux-ci ne suffiront pas à rétablir la confiance réciproque nécessaire pour assurer un meilleur vivre-ensemble et l’efficacité des décisions de justice.
S’il apparaît que la police et la gendarmerie entretiennent des liens constants et de qualité avec les parquets, il n’en va pas de même avec les magistrats du siège. Or, pour que les décisions de justice soient comprises, il est indispensable de passer d’une relation de défiance à une relation de confiance.
Entre un amont policier difficile et un aval judiciaire compliqué, quels moyens comptez-vous mettre en œuvre, monsieur le ministre, pour restaurer la nécessaire fluidité de la chaîne pénale en vue d’une meilleure efficacité de l’action publique ?
M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur l’impact en matière de sécurité routière de la conduite automobile chez les personnes âgées. Il est reconnu que celle-ci peut être plus difficile chez les aînés pour des raisons de santé physique et mentale, notamment une diminution des habiletés visuelles, auditives, motrices et cognitives. Les conséquences des accidents de la route chez les personnes âgées sont, de surcroît, plus lourdes et peuvent entraîner des états de dépendance.
Votre politique de sécurité routière intègre la réalisation d’études et d’expérimentations visant à connaître et à mieux appréhender les risques relatifs à la sécurité routière. Plus spécifiquement, les études menées en matière d’accidentologie permettent de cibler les populations à risque. Une meilleure connaissance statistique des accidents de la route liés à la vieillesse, mais également de leurs causes et de leurs enjeux, permettrait d’améliorer la prévention et d’élaborer des mesures adaptées à cette catégorie particulière de conducteurs.
Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, quelle part du budget lié à l’action « Observation, prospective, réglementation et soutien au programme » de sécurité et d’éducation routières est attribuée à l’analyse de la problématique des conducteurs âgés ?
Permettez-moi également de vous rappeler les questions que j’ai déjà pu vous poser à propos du 112 et des réserves citoyennes.
M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le ministre, j’aimerais appeler votre attention sur la situation sécuritaire dans le département de Mayotte, dont la presse locale s’est fait largement l’écho ces dernières semaines.
Les statistiques, défaillantes dans ce département, ne rendent pas suffisamment compte de cette réalité. La situation a évolué depuis votre passage, il y a seize mois, monsieur le ministre. L’ensemble des acteurs s’en est ému auprès du Premier ministre lors de sa visite en juin dernier et ne manquera pas de le rappeler encore plus fortement à Mme la ministre des outre-mer lors de sa visite dans deux semaines.
Les atteintes aux biens et à l’intégrité des personnes physiques et la consommation de drogue ont atteint un degré préoccupant. Les stupéfiants, connus sous le nom de « chimique » et de « mangrove », font des ravages dans la jeunesse.
Cette situation a un impact négatif fort sur l’attractivité du territoire, je pense en particulier aux difficultés à pourvoir des postes dans l’éducation et la santé, qui viennent entraver les efforts du Gouvernement pour améliorer ces services. Mais, au-delà, c’est la paix civile qui est aujourd’hui menacée par la multiplication de comportements d’auto-vengeance. Il y a un réel risque d’affrontements entre la population de Mayotte et ceux qui sont considérés, à tort ou à raison, comme étant à la source de l’explosion de ce phénomène.
Ce qui s’est récemment passé dans le village de Bouyouni est une alerte à prendre très au sérieux.
Ma question est simple : quelle est la réponse gouvernementale à cette dégradation ? À défaut de créer des zones de sécurité prioritaires, comment assurer l’ordre public ? Quelles actions sont engagées pour démanteler les filières de drogue et lutter contre ces trafics qui détruisent notre jeunesse ?
Pour finir, je dis mon vœu de voir les tensions actuelles au sein du commissariat de police de Mamoudzou enfin s’apaiser.
M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre, vous connaissez la problématique de sécurité publique propre à l’agglomération de Roubaix-Tourcoing. Vous vous y êtes rendu il y a peu et je vous en remercie, comme l’ensemble des élus locaux.
À l’issue de leur scolarité à l’école de police de Roubaix, un très grand nombre de jeunes reçus au concours de gardien de la paix sont affectés en région parisienne alors qu’ils souhaiteraient rester dans leur région d’origine.
Deux questions se posent. Est-il possible d’envisager un élargissement du nombre d’affectations en sortie d’école dans l’agglomération de Roubaix-Tourcoing ? Est-il envisageable de desserrer la contrainte d’une présence minimale de cinq ans pour les affectations en région parisienne, afin de permettre un renforcement des effectifs de sécurité publique sur le pôle de Roubaix-Tourcoing, qui en a bien besoin ? Cela faciliterait la vie de bien de ces jeunes gens et de leurs familles.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Monsieur Goasdoué, vous avez salué les efforts que le Gouvernement consent et vous vous interrogez sur certains aspects de ce budget.
S’agissant de la nécessité de travailler de manière plus transversale en matière de mutualisation des fonctions de support, j’ai déjà fourni des éléments en répondant à M. Popelin. J’ai indiqué les pistes de mutualisation que nous suivons, par-delà la création des SGAMI, du SAELSI, du service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, le ST(SI)2, en expliquant qu’en matière de police scientifique et technique, de cybercriminalité, de groupement de la politique des achats, nous progressions. Je vous ferai parvenir un document précis qui vous fournira des éléments complémentaires.
Concernant les efforts demandés au personnel, je confirme que les forces de sécurité sont fortement mises à contribution. Compte tenu du niveau d’engagement qui est le leur, nous devons leur témoigner gratitude et reconnaissance. Les tensions sur les effectifs se sont considérablement accentuées au cours des dernières années du fait des sollicitations nouvelles en matière de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration irrégulière.
La difficulté du métier des policiers et des gendarmes résulte aussi du fait que beaucoup s’exposent pour sauver la vie des Français. Il y a, il faut le dire, une augmentation considérable des violences commises à l’encontre des forces de l’ordre : rappelons que 7 000 policiers et gendarmes ont été victimes d’agressions au cours de l’année 2014. J’ai toujours considéré qu’il convenait d’avoir une parole responsable sur ces sujets. On ne saurait accepter de la part des forces de l’ordre le moindre écart par rapport aux principes et aux valeurs de la République ; les inspections de la police nationale et de la gendarmerie y veillent, et le ministère fait preuve de réactivité. Les manquements sont toutefois marginaux, les policiers et les gendarmes étant éminemment républicains. De la même manière, les violences dont les forces de l’ordre font l’objet doivent appeler de notre part une réaction extrêmement ferme. Je n’accepterai jamais qu’il y ait la moindre faiblesse à l’égard de ceux qui s’en prennent avec un tel degré de violence à ceux qui protègent les Français et qui, par l’uniforme qu’ils portent, incarnent le droit.
Il ne s’agit pas seulement de leur dire notre reconnaissance, il s’agit aussi de la matérialiser. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité qu’une feuille de route, portant notamment sur les mesures catégorielles, permette de prendre des décisions rapides. Il a fixé un calendrier qui me conduira à piloter des réunions de dialogue et d’échanges sur la base desquelles je prendrai, au mois de mars, des mesures concernant divers sujets : revalorisation des carrières dans le cadre de l’application du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) applicable à la fonction publique, aménagements indemnitaires, refonte de la cotisation et de la nomenclature des postes à responsabilité, correction de certains blocages techniques embolisant les opportunités de promotion de grades dans certains corps, étude de mécanismes compensatoires de fidélisation.
Sur la soutenabilité du plan de lutte antiterroriste, je rappelle que, au-delà d’un renforcement des missions et de l’implication des services, ce sont aussi les moyens humains qui ont été accrus. Je vous communiquerai par écrit les chiffres que j’ai donnés tout à l’heure.
S’agissant des commissariats ruraux, je rappelle que le mécanisme de l’effectif départemental de fonctionnement annuel vise à répartir de manière équitable et objective entre les départements la dotation annuelle en effectifs allouée à la sécurité publique.
Bien entendu, la coordination entre police et gendarmerie, qui se développe de plus en plus, est une piste à suivre pour résoudre certaines difficultés conjoncturelles. En cas de crise ou de violences urbaines, le dispositif de la coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires permet dans l’ensemble des départements de mieux prendre en compte les situations d’urgence et les phénomènes de délinquance communs. Il vise quatre objectifs principaux : améliorer la coordination opérationnelle dans une logique de continuité territoriale, identifier et combattre les phénomènes de délinquance communs, réagir avec méthode et efficacité à une situation d’urgence opérationnelle, optimiser l’emploi de services spécialisés et de capacités spécifiques.
M. Ciotti a évoqué les raisons pour lesquelles il ne votera pas les crédits de la mission « Sécurité ». Premièrement, il affirme que les statistiques de la délinquance augmentent, en s’appuyant sur un document du ministère de l’Intérieur. En réalité, il n’a sélectionné que les chiffres qui l’arrangeaient : il n’a en effet pris en compte que les statistiques pour les trois derniers mois alors que c’est sur plusieurs mois que le travail de lutte contre la délinquance doit s’apprécier. Revenons donc aux chiffres des douze derniers mois : les homicides ont diminué de 7,3 %, les vols avec arme de 15,8 %, les vols violents sans arme de 9,6 %, les vols sans violence contre les personnes de 0,2 %, les cambriolages de logement de 4,4 %, les vols de véhicule de 1,5 %, les vols d’accessoires de véhicule de 8,8 %, les coups et blessures volontaires augmentant quant à eux de 0,7 %. Et c’est ce que M. Ciotti appelle un échec de la politique de lutte contre la délinquance ! Comme il avait l’air très angoissé, je compte sur vous, monsieur Larrivé, pour lui communiquer au plus vite ce tableau afin qu’il passe une meilleure semaine.
Deuxièmement, il s’est inquiété de certains chiffres du budget. Je dois dire que j’ai du mal à saisir son raisonnement. À l’entendre, quand les crédits de fonctionnement de la police et de la gendarmerie diminuent de 8 % pendant la période 2007-2012, c’est un renforcement des moyens, et, quand ils augmentent de 3,1 %, comme c’est le cas dans le budget pour 2016, c’est un affaiblissement de ces mêmes moyens. Quand on est dans l’opposition, on peut trouver toutes les raisons du monde pour ne pas voter un budget : encore faut-il rester rationnel. Quand les chiffres d’un budget augmentent, j’ai tendance à penser que c’est plutôt bien pour les acteurs concernés et, quand ils diminuent, que c’est plutôt mal.
Je dois constater que cette manière de faire est récurrente de la part de l’opposition. Quand j’ai décidé d’augmenter de 30 % l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) en faveur des forces mobiles, compte tenu des contraintes auxquelles elles sont soumises, la réaction de M. Ciotti a été de dire qu’il s’agissait d’une provocation. Les CRS, eux, ont su faire la différence entre la bonne manière qui consiste à ne procéder à aucune augmentation pendant quinze ans et la provocation qui consiste à augmenter en une fois de 30 % cette indemnité. Je pourrais multiplier les exemples.
J’en arrive à votre question, monsieur Larrivé. Je reprends vos termes qui sont très révélateurs de votre raisonnement : vous dites que votre majorité a consenti un « effort assumé de diminution de l’ensemble des effectifs ». Suivant la même logique que M. Ciotti, vous considérez donc qu’une diminution des effectifs revient à faire un effort et que les augmenter, comme le Gouvernement le fait, est une mauvaise manière. Vous continuez en affirmant que les moyens budgétaires ne pourront financer ces augmentations d’effectifs et les mesures catégorielles. Ce n’est pas juste : dans l’augmentation des crédits du titre 2 « Police nationale », vous oubliez de prendre en compte les modifications apportées par un amendement gouvernemental qui permet d’ajuster l’effort budgétaire à l’augmentation d’effectifs affectés au plan de lutte contre l’immigration irrégulière, grâce à 16 millions d’euros représentant 530 ETP.
Par ailleurs, monsieur Larrivé, vous qui alliez toujours précision et compétence – ce qui contribue à la richesse des échanges entre le Gouvernement et le Parlement –, vous savez parfaitement que les nominations interviennent en milieu d’année, à la sortie des écoles, et non en année pleine : même lorsque la gauche est au pouvoir, les policiers sont formés avant d’être affectés sur le terrain. Compte tenu de ces divers éléments, je peux vous assurer que les créations d’emploi ainsi que les mesures catégorielles annoncées sont bel et bien financées. Si les documents que je vais vous communiquer dans les heures qui viennent, qui portent notamment sur le séquencement du recrutement, suscitent la moindre interrogation de votre part, je vous répondrai point par point avec la même précision que celle que vous mettez dans vos questions.
Madame Le Dain, comme vous le savez, le Gouvernement est très fortement mobilisé par la sécurité routière. J’ai pris au mois de janvier vingt-six mesures, dont dix-neuf sont d’ores et déjà en application. Le comité interministériel de la sécurité routière a décidé la mise en œuvre de cinquante-cinq mesures : vingt-deux mesures d’application rapide et trente-trois mesures opérationnelles d’organisation. Dans le contexte actuel de relâchement des comportements, il s’agit d’être beaucoup plus ferme afin d’obtenir des résultats. L’augmentation de la mortalité sur les routes en 2014 a été de 3,5 %. L’objectif de diminution du nombre de morts sur les routes passe par l’intensification de la lutte contre les comportements dangereux – éthylotests antidémarrage obligatoires, tests salivaires de consommation de stupéfiants, diminution du taux d’alcoolémie chez les primo-conducteurs – et la protection des plus vulnérables – mesures concernant les deux-roues, l’utilisation des téléphones portables et des oreillettes dans les véhicules. Il s’agit aussi de faire entrer la sécurité routière dans l’ère numérique, en utilisant tous les moyens technologiques à notre disposition pour améliorer les contrôles de sécurité et faire en sorte que personne n’échappe aux contrôles afin de renforcer l’égalité devant la loi.
Vous m’interrogez, monsieur Serville, sur la sécurité routière en Guyane. Le taux de mortalité routière s’y est stabilisé en 2013-2014, mais il reste plus élevé qu’en métropole, particulièrement pour ce qui concerne les deux roues. Notre objectif est de mettre en place des mesures de sécurité routière spécifiques au département à travers la mise en place d’un plan de lutte local qui reprend les préconisations du Gouvernement en les adaptant, notamment en tenant compte des facteurs de risque principaux, l’alcool et la vitesse.
Quant au commissariat de Cayenne, il a été décidé de le relocaliser. La construction est prévue pour mai 2018. Nous nous heurtons toutefois à une difficulté liée à l’emprise foncière. Les négociations en cours avec les acteurs locaux avancent de manière rapide, ce qui nous laisse espérer une issue positive.
Mme Descamps-Crosnier a consacré son intervention aux suites financières données à la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes. La plupart des recommandations du rapport d’enquête remis en juin, qui s’inscrivent dans le droit fil du plan de lutte antiterroriste arrêté par le Gouvernement en janvier dernier, sont mises en œuvre. Je citerai en particulier les renforts d’effectifs au bénéfice de la direction générale de la sécurité intérieure, à hauteur de 500 ETP, et du service central de renseignement territorial, à hauteur de 350 ETP.
Afin d’améliorer la coordination entre les différents services, j’ai décidé de mettre en place un état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) dans une logique de complémentarité avec les services des directions générales. Il est chargé de piloter la totalité du dispositif de détection et de suivi des individus radicalisés susceptibles de commettre un acte terroriste.
Au-delà des effectifs, je veux souligner d’autres éléments importants dans cette mission de surveillance des filières et des individus djihadistes relevant du plan de lutte antiterroriste. Tout d’abord, un département de lutte contre la radicalisation a été créé au sein de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), composé désormais de vingt-deux personnes, avec en son sein le centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR), qui recueille les signalements effectués par les partenaires, via un numéro Vert – au 1er octobre, 3 247 demandes de signalement étaient enregistrées. Par ailleurs, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance a été abondé de 20 millions d’euros, dont 8,6 millions consacrés à la prévention de la radicalisation.
Monsieur Decool, dans le courant des années 2000, diverses réflexions ont été conduites pour examiner une possible bonification pour la retraite de l’engagement comme sapeur-pompier volontaire. Ces réflexions n’ont pu aboutir, compte tenu de l’extrême diversité des situations des sapeurs-pompiers volontaires, qui sont soit étudiant, soit salarié, soit retraité, soit indépendant. En contrepartie, il existe une prestation de fidélité et de reconnaissance (PFR), qui s’est substituée en 2005 à l’allocation de vétérance. Cette prestation est versée aux volontaires engagés depuis au moins vingt ans, ce qui a contribué à augmenter la durée d’engagement désormais supérieure à onze ans. Grâce aux efforts que nous faisons, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a augmenté pour la première fois depuis quatorze ans : en 2014, 1 142 personnes ont rejoint leurs rangs. Nous souhaitons amplifier ce mouvement.
Mme Capdevielle m’a fait part de sa volonté de rapprocher les gendarmes et les policiers de la population. Le développement du dispositif des délégués de cohésion police-population, l’équipement des unités en caméra-piéton, le port apparent du numéro d’identification, la mise en place des plateformes internet de signalement sont autant d’actions qui nous ont permis d’aboutir à de premiers résultats, qu’il nous appartiendra d’amplifier en 2016 à travers de nouvelles actions que je présenterai dans le courant de l’année prochaine.
M. Morel-A-L’Huissier a appelé mon attention sur les plateformes uniques d’appel. À l’occasion du congrès des sapeurs-pompiers, j’ai indiqué qu’un numéro unique d’appel posait des problèmes techniques pour des raisons d’interopérabilité des systèmes de communication entre les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). J’ai proposé que nous engagions, dans certains départements, une expérimentation destinée à rapprocher autant que possible le 17 et le 19. À son terme, nous examinerons les conditions opérationnelles qui permettraient d’aller plus loin. Je ne manquerai pas de tenir les commissions concernées informées.
Monsieur Aboubacar, sachez que la situation à Mayotte est pour moi un sujet d’extrême préoccupation. Compte tenu des dysfonctionnements existants, que vous avez vous-même pointés, j’ai décidé d’envoyer à Mayotte une mission rassemblant des membres de l’inspection générale de l’administration, de l’inspection générale de la gendarmerie nationale et de l’inspection générale de la police nationale afin qu’elle se consacre au problème de la délinquance. J’appliquerai la totalité des recommandations qu’elle formulera, y compris celles concernant le rehaussement des effectifs et des moyens des forces de sécurité de manière à les mettre en adéquation avec les difficultés auxquelles Mayotte se trouve confrontée.
S’agissant du commissariat de Mamoudzou, les travaux d’aménagement ont été engagés en 2013 et les services de police ont emménagé dans les locaux le 2 janvier 2014. Une réflexion est engagée avec le préfet de Mayotte pour évaluer les modalités d’un regroupement éventuel des services au sein de l’hôtel de police afin d’améliorer le fonctionnement des missions de support. Nous avons également procédé à la rénovation du CRA.
Je finirai avec la question de M. Baert. Je me suis rendu à Lille-Roubaix-Tourcoing il y a quelques semaines. J’ai pris des engagements concernant le rehaussement des effectifs et l’allocation d’unités de forces mobiles. Elles ont fait un travail considérable en matière de lutte contre les trafiquants. J’ai été obligé de les mobiliser il y a quelques jours à Calais et je les ai renvoyées hier dans le département du Nord : une partie d’entre elles sera utilisée à la résolution de la situation à Dunkerque et une autre sera réaffectée à la lutte contre le trafic de stupéfiants à Lille-Roubaix-Tourcoing. Vous me demandez s’il est possible d’allouer une partie des effectifs sortant des écoles à la circonscription de sécurité publique de l’agglomération de Lille. J’ai pris par écrit l’engagement de le faire, dans des proportions que j’ai indiquées aux parlementaires concernés et à la maire de Lille.
Je profite de la présence de M. Decool pour indiquer que je rendrai compte dans les prochains jours de la situation à Dunkerque, de la même manière que je l’ai fait pour Calais. Nous avons enregistré de premiers résultats que vous connaissez, monsieur le député, mais j’attends de savoir s’ils se confirment dans la durée avant de communiquer les chiffres. Cette semaine, nous avons obtenu une diminution significative du nombre de migrants dans les camps situés à Dunkerque.
Enfin, je précise que les créations de postes nettes dans la circonscription évoquée tout-à-l’heure par M. Baert seraient de 75.
M. Dominique Baert, président. Permettez au député de Roubaix que je suis d’insister sur le fait que, à Roubaix-Tourcoing, les problèmes ne sont pas les mêmes qu’à Lille, même si ces villes appartiennent à la même circonscription de police.
Est-il possible de desserrer les contraintes d’affectation en région parisienne afin de permettre aux jeunes recrues issues du Nord-Pas-de-Calais de revenir dans leur région d’origine avant le délai de cinq ans de présence minimale imposée par les règles ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Je précise que le chiffre de 75 vaut pour la totalité de la circonscription, qui regroupe Lille, Roubaix et Tourcoing, même si je veux bien admettre que Roubaix-Tourcoing n’est pas Lille. Et je pense que vous pouvez vous réjouir de cette nouvelle, monsieur Baert, les effectifs n’ayant pas toujours évolué en ce sens.
Vous m’interrogez sur la contrainte de cinq ans de présence en poste dans la région parisienne pour les jeunes gardiens de la paix dont c’est la première affectation. Je reconnais qu’elle est lourde, mais les concours sont ouverts au regard des besoins constatés sur l’ensemble du territoire national et l’obligation de durée dans les postes pour les nouvelles recrues n’est pas propre à la police. Elle répond au défaut d’attractivité de certaines régions, notamment l’Île-de-France. Les affectations à la sortie des écoles sont pour nous le seul outil à même de nous permettre de lutter contre les disparités entre les territoires, et il m’est donc difficile de vous donner satisfaction sur ce point. Au-delà de cette durée minimale de cinq ans, les mutations de policiers sont toutefois très nombreuses et permettent à ceux qui veulent revenir dans leur région d’origine de le faire.
M. Dominique Baert, président. Je redoutais cette réponse, mais je me devais de vous poser la question, motivée par une préoccupation partagée sans doute par d’autres collègues dont la circonscription compte une école de police et sollicités, comme je le suis, par les familles de jeunes recrues.
Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre, pour toutes vos réponses.
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À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Sécurités » (M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis « Sécurité » ; M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).
M. Guillaume Larrivé. J’exprime un regret sur la conduite de nos travaux. Nous n’avons connaissance qu’à la dernière minute des amendements sur lesquels il nous est demandé de donner un avis. C’est encore le cas, ce matin, avec l’amendement n° II-228 du Gouvernement qui modifie les crédits de la mission « Sécurités » au titre de l’accueil des demandeurs d’asile. J’aurais pourtant souhaité interroger le ministre afin de connaître la répartition exacte des 530 ETPT dont la création est proposée au sein du programme « Police nationale ».
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement a été mis en ligne hier soir et il était donc à la disposition de l’ensemble des commissaires. Je vous concède toutefois que cela laissait peu de temps pour en prendre connaissance.
La Commission donne un avis favorable à l’amendement n° II-228 (article 24, état B) du Gouvernement.
Conformément aux conclusions de M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis « Sécurité » et de M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2016.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
• Ministère de l’Intérieur – Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
- M. Julien Marion, adjoint au directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, directeur des sapeurs-pompiers ;
- M. Benoît Trévisani, sous-directeur des services d’incendie et des acteurs du secours ;
- M. Arnaud Lauga, adjoint au sous-directeur des moyens nationaux ;
- Mme Virginie Guérin-Robinet, cheffe du bureau des ressources humaines et financières, sous-direction des moyens nationaux ;
- M. Jean-Luc Queyla, chef du bureau des sapeurs-pompiers volontaires, sous-direction des ressources, des compétences et de la doctrine d’emploi.
• Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
- Colonel Éric Faure, président ;
- M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet.