N° 4130 tome II - Avis de Mme Isabelle Bruneau sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4130

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME II

DÉFENSE

ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

PAR Mme Isabelle Bruneau

Députée

——

Voir le numéro : 4125 (annexe 11)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DU PROGRAMME 144 « ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE » EN 2017 9

I. UN BUDGET CONFORME AUX IMPÉRATIFS QU’IMPOSE LE CONTEXTE SÉCURITAIRE ACTUEL 9

II. SATISFAIRE DE NOUVELLES EXIGENCES EN MATIÈRE DE RENSEIGNEMENT 12

A. LE RENSEIGNEMENT EXTÉRIEUR 12

B. LE RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE 13

III. ÉLARGIR LE SPECTRE DE LA PROSPECTIVE DE DÉFENSE 13

A. L’ANALYSE STRATÉGIQUE 13

1. La baisse des crédits pour 2017 en raison d’une réforme intervenue en 2015 13

2. La pérennisation d’une approche duale de la politique de soutien à la recherche stratégique 15

3. La programmation 2017 confortée par le lancement de quatre contrats-cadres en 2015 15

B. LA PROSPECTIVE DES SYSTÈMES DE FORCES 16

1. Les études amont 17

a. Un environnement porté par l’augmentation des crédits de recherche de défense 17

b. Les crédits des études amont demeurent conformes à la trajectoire de la loi de programmation militaire actualisée 18

2. L’avancée du programme de drone MALE européen 20

IV. LA GESTION DES MOYENS ET DES SUBVENTIONS ACCORDÉS PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L’ARMEMENT 21

V. PROLONGER LA POLITIQUE D’INFLUENCE PAR UNE DIPLOMATIE DE DÉFENSE PRÉSERVÉE 23

A. DE RÉELS SUCCÈS FRANÇAIS À L’EXPORTATION MALGRÉ UNE CONCURRENCE FÉROCE 23

B. LA REVALORISATION DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ACTION 8 « RELATIONS INTERNATIONALES » 24

DEUXIÈME PARTIE : LES INSTITUTS DE RECHERCHE DE DÉFENSE SUBVENTIONNÉS PAR LE PROGRAMME 144 : L’INSTITUT SAINT-LOUIS ET L’ONERA 27

I. L’INSTITUT SAINT-LOUIS 27

A. LA TRANSFORMATION RÉUSSIE D’UN HÉRITAGE DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE 27

1. Des racines allemandes 27

2. Une tutelle française 28

3. Un institut binational 28

B. L’INSTITUT SAINT-LOUIS AUJOURD’HUI 29

1. Un statut juridique particulier 29

2. Les organes de direction de l’institut 30

a. Le conseil d’administration 30

b. Le conseil consultatif des recherches et études 30

c. La direction de l’institut 30

d. Des rencontres entre les tutelles 31

3. Le fonctionnement de l’institut 31

a. La définition des travaux 31

b. Le contrôle financier 31

4. Son personnel 31

a. Les effectifs 31

b. Le difficile recrutement de personnel allemand 32

i. Une faible appétence pour la défense 33

ii. Des salaires insuffisants 33

iii. – La localisation 34

5. Son budget 34

6. Le déséquilibre des contrats de tiers 36

a. Des pratiques très différentes 37

b. Les contrats européens 39

7. Le plan ISL 2020 40

a. Le volet scientifique 40

b. Le volet financier 41

8. Les apports de l’institut Saint-Louis 42

9. Les recherches en cours 42

a. Les technologies de protection, de sécurité et de perception avancée du combattant 42

b. Les matériaux énergétiques et les matériaux avancés de protection balistique 44

c. Les armes nouvelles, laser et les technologies électromagnétiques 44

d. Les techniques de vol pour projectiles à bas coût tirés par canon 45

10. Les équipements de l’institut Saint-Louis 45

11. L’insertion dans l’écosystème de la recherche et de la défense 46

II. L’ONERA 47

A. DES ÉVOLUTIONS POSITIVES 47

1. Le lancement des travaux de sauvegarde de la soufflerie stratégique S1MA à Modane 47

2. Le plan scientifique stratégique 2015-2025 48

3. Le contrat d’objectif et de performance 2017-2021 48

4. Une nouvelle organisation 49

5. Les prises de commandes 2015 49

6. Un record de prises de commandes extérieures en 2016 50

7. Les relations de l’office avec ses partenaires 50

a. La nette amélioration des relations entre l’office et sa tutelle 50

b. La reprise des relations avec l’ensemble des acteurs du secteur et le retour de la confiance 50

B. DES PRÉOCCUPATIONS IMPORTANTES SUBSISTENT POURTANT 51

1. Le maintien de la subvention annuelle à 105 millions d’euros ou l’adéquation des missions et des moyens 51

2. La notification tardive des commandes de la DGA 52

3. L’exécution du budget 2016 52

4. Le personnel, un capital à préserver 53

5. Le projet immobilier 53

6. Les souffleries 54

a. Un plan de rénovation indispensable 54

b. Un plan de charge nettement insuffisant 54

7. La perte du label Carnot 54

III. LA NÉCESSITÉ D’UN SOUTIEN ACCRU DE LA RECHERCHE DE DÉFENSE 55

A. DES ÉCUEILS À ÉVITER 55

1. Veiller à conserver des compétences nationales de haut niveau 55

2. Se garder d’un émiettement des capacités 55

3. Équilibrer les études à long et à court terme 55

B. INTÉGRER LA RECHERCHE DE DÉFENSE À LA POLITIQUE ET À LA DIPLOMATIE DE DÉFENSE 56

TRAVAUX DE LA COMMISSION 57

EXAMEN DES CRÉDITS 57

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis 61

INTRODUCTION

La préparation de l’avenir est au cœur du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». Ce programme a la lourde charge de fournir à la puissance publique les outils qui lui permettront de prendre les décisions qui dessineront, à très long terme, la défense de notre pays. Ceci est d’autant plus difficile que le présent est assourdissant et que se brouillent les lignes entre sécurité intérieure et extérieure ainsi qu’entre conflits entre États et conflits asymétriques.

Dans ce contexte, les crédits proposés pour le programme 144 connaissent une hausse bénéficiant notamment au renseignement, avec des dépenses d’investissement en forte croissance, et aux études amont, dans la trajectoire suivie, et renforcée, au cours de la législature.

L’Europe de la défense, qui tenait jusqu’à présent davantage de déclarations volontaristes que de décisions appelées à se concrétiser, pourrait toutefois bien être au début de son existence. En effet, la feuille de route publiée à l’issue du sommet de Bratislava du 16 septembre 2016 fixe des objectifs assortis de mesures concrètes. Dans un environnement géopolitique difficile, il s’agira notamment de renforcer la coopération de l’Union européenne en matière de sécurité extérieure et de défense.

L’Union européenne pourrait lancer, entre 2017 et 2020, une action préparatoire destinée à explorer la faisabilité d’un financement européen de la recherche en matière de défense dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel à partir de 2021. Cette action aura pour but la levée des obstacles que constituent la sélection, la conduite et la validation des projets, la souveraineté nationale, l’industrie, la propriété intellectuelle… Le programme de financement de la recherche et de l’innovation de l’Union européenne pour la période 2014-2020, Horizon 2020, auquel participe l’ONERA, pourrait servir de modèle.

La rapporteure pour avis estime donc qu’il est essentiel que la recherche de défense française soit soutenue afin de pouvoir occuper la place qui lui revient au sein de la recherche européenne et briguer les financements qu’elle sera en droit d’attendre. Dans cet esprit, la rapporteure pour avis a choisi de s’intéresser à l’institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis, qui se trouve être le seul institut binational européen. Indépendamment du grand intérêt des recherches que mène ce petit institut dans le secteur de l’armement terrestre, il représente une sorte de laboratoire pour ce type de coopération. Il a également semblé utile à la rapporteure pour avis de poursuivre le travail entrepris dans son avis portant sur le projet de loi de finances 2016 et de faire un point d’étape quant à la situation de l’ONERA.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2016, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 44 réponses sur 47 lui étaient parvenues, soit un taux de 94 %.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DU PROGRAMME 144 « ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE » EN 2017

La dégradation du contexte sécuritaire sur le territoire national et la diversification des menaces à l’encontre des intérêts français à l’international, soulignent à quel point le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » est indispensable à l’élaboration de la stratégie de défense présente et future du ministère de la Défense.

L’action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » de ce programme a fait l’objet de majorations de crédits à deux reprises depuis le début de la programmation militaire 2014-2019, sortant ainsi du cadre fixé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, dont les orientations sont traduites dans la loi de programmation militaire (LPM) :

– à la suite de la loi du 28 juillet 2015, actualisant la LPM 2014-2019 ;

– à la suite des mesures annoncées par le président de la République devant le Congrès réuni à Versailles le 16 novembre 2015, et arrêtées lors du Conseil de défense du 6 avril 2016.

Les services de renseignement bénéficient ainsi de moyens supplémentaires. D’une part, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) est concernée par l’extension de son parc immobilier dans l’esprit d’effort de rationalisation des moyens, entrepris depuis le début de la période de programmation militaire. D’autre part, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), anciennement direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), bénéficie en 2017 d’un supplément budgétaire, permettant l’acquisition d’équipements nouveaux dans le cadre d’un plan stratégique global.

Les grandes lignes de la politique de recherche en matière de défense sont renforcées en 2017 au titre de l’action 7 « Prospective de défense », en cohérence avec les orientations fixées par la LPM actualisée en faveur de la diversification du réseau d’expertise français. Cela se traduit par la refonte du dispositif contractuel en matière de recherche stratégique, le renforcement du financement public au travers de dispositifs nouveaux tels que le « Pacte enseignement supérieur », et le prolongement des études amont, conformément aux orientations définies par le ministère de la Défense en 2013 relatives aux travaux de science, de recherche, de technologie et innovation pour la période 2016-2022.

L’action 8 « Relations internationales et diplomatie de défense » relève depuis 2015 de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), qui conduit l’action internationale du ministère de la Défense, en association avec l’état-major des armées (EMA), la direction générale de l’armement (DGA) et le secrétariat général pour l’administration (SGA). La DGRIS est chargée de définir la stratégie d’influence internationale du ministère et coordonne sa mise en œuvre. À rebours de la démarche interministérielle de rationalisation des réseaux à l’étranger, telle qu’inscrite dans la LPM, un effort de soutien particulier est apporté au fonctionnement et aux activités menées par les 87 missions de défense au sein des ambassades. Les orientations budgétaires traduites dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2017 au titre de l’action 8 s’inscrivent donc dans la continuité des mesures relatives au renforcement des effectifs et des moyens alloués à la conduite de la diplomatie de défense, arrêtées en 2016.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME 144 PAR ACTION ET SOUS-ACTION

(en millions d’euros)

Hors titre 2

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2016-2017

(en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 3 : Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

262,51

240,81

324,07

257,37

+ 23,45 %

+ 6,88 %

Sous-action 31 : Renseignement extérieur

250,26

230,76

310,53

243,83

+ 24,08 %

+ 5,66 %

Sous-action 32 : Renseignement de sécurité de défense

12,25

10,05

13,54

13,54

+ 10,50 %

+ 34,73 %

Action 7 : Prospective de défense

992,44

1 009,72

1 163,90

1 034,78

+ 17,28 %

+ 2,48 %

Sous-action 71 : Analyse stratégique

9,78

6, 08

4,57

6,20

- 53,31 %

+ 1,97 %

Sous-action 72 : Prospective des systèmes de forces

20,96

20,96

21,32

21,32

+ 1,72 %

+ 1,72 %

Sous-action 73 : Études amont

680,00

706,53

856,74

720,43

+ 25,99 %

+ 1,97 %

Sous-action 74 : Soutien et subventions

281,70

276,15

281,28

286,83

- 0,15 %

+ 3,87 %

Action 8 : Relations internationales

40,76

40,76

43,79

43,79

+ 7,43 %

+ 7,43 %

TOTAL programme 144

1 295,71

1 291,29

1 531,77

1 335,94

+ 18,22 %

+ 3,46 %

Source : ministère de la Défense.

Ainsi que l’indique le tableau précédent, les crédits alloués au programme 144 pour 2017 sont en hausse de 18,22 % en autorisations d’engagement et de 3,46 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2016.

Cette évolution se matérialise par l’accroissement significatif des crédits au titre 5 « Dépenses d’investissement » du programme 144, dont 44,86 % en autorisations d’engagement et 13,41 % en crédits de paiement, ainsi que l’indique le tableau suivant.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME PAR TITRE

(en millions d’euros)

Titres

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Évolution (en %)

LFI 2016

PLF 2017

LFI 2016

PLF 2017

AE

CP

Titre 3 Dépenses de fonctionnement

1 115,85

1 307,95

1 127,69

1 154,66

+ 17,22%

+ 2,39%

Titre 5 Dépenses d’investissement

114,45

165,83

103,74

117,65

+ 44,89%

+ 13,41%

Titre 6 Dépenses d’intervention

56,66

57,68

56,66

57,78

+ 1,81%

+ 1,99%

Titre 7 Dépenses d’opération financière

8,75

0,30

3,20

5,85

-96,57 %

+ 82,81% 

TOTAL programme 144

1 295,71

1 531,77

1 291,29

1 335,94

+ 18,22%

+ 3,46%

Source : ministère de la Défense.

La stratégie du programme 144 pour l’année 2017 a été arrêtée conformément à la LPM actualisée en 2015, et dans la continuité des décisions prises en 2016, à savoir :

1/ l’amélioration de l’orientation et de la conduite de la diplomatie de défense ;

2/ le renforcement des effectifs et des moyens des services de renseignement ;

3/ le maintien des ambitions dans le domaine de la S&T.

Cette stratégie repose sur la définition d’objectifs de performance similaires à ceux du PLF pour 2016, en cohérence avec la rénovation de la démarche de la performance entreprise à l’occasion du budget triennal 2015-2017. Elle se traduit par une réévaluation de certains objectifs et indicateurs, en réaction notamment aux attentats commis sur le territoire national depuis 2015.

Cependant, et comme l’a fait observer un interlocuteur de la rapporteure pour avis, les ambitions affichées dans le PLF pour 2017 restent conditionnées au bon déroulement de la fin de gestion 2016. À ce titre, une réserve de précaution de 90 millions d’euros pèse actuellement sur les ressources du programme pour l’exercice en cours, et faute de sa levée le report de charge atteindrait l’ordre de 268 millions d’euros, jugé « insoutenable » et à même de compromettre la hausse des moyens, tant capacitaires qu’humains.

L’action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » relève de la fonction « connaissance et anticipation ». Les crédits alloués au renseignement augmentent à nouveau en 2017, en cohérence avec le renforcement des capacités de réponse opérationnelle dans le cadre du plan de lutte antiterroriste décidé à la suite des attentats survenus en janvier 2015 et traduit dans l’actualisation de la loi de programmation militaire. Les événements tragiques qui se sont déroulés depuis lors tendent à confirmer l’importance de doter l’action du renseignement extérieur d’une couverture financière plus large.

Ainsi, les crédits de paiement de l’action 3 connaissent une hausse de près de 7 % en 2017 par rapport à 2016. La dotation de l’action 3 atteint ainsi 324,04 millions d’euros en autorisations d’engagement et 257,4 millions d’euros en crédits de paiement pour 2017, soit respectivement, une augmentation de 23,45 % et de 6,88 % par rapport à la gestion 2016.

Les mesures arrêtées lors du Conseil de défense du 6 avril 2016 donnent aux services de renseignement des moyens supplémentaires répondant aux nouvelles exigences capacitaires. Les nouveaux besoins représentent en effet un effort additionnel de 94 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 83 millions d’euros en crédits de paiement jusqu’en 2019.

En matière d’effectifs, la cible terminale de la DGSE sera augmentée de 796 emplois temps pleins (ETP) d’ici à la fin de la période de programmation militaire en raison de l’accroissement des missions. Des moyens financiers supplémentaires doivent également permettre l’accélération de la modernisation technologique et la mise à niveau du nouveau format du renseignement, conformément à l’évolution de son cadre juridique induite par les dispositions de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Il s’agit avant tout de dépenses d’investissement permettant l’amélioration des systèmes d’évaluation des menaces et le développement d’un meilleur cadre d’aide à la décision pour le Gouvernement.

Les crédits de paiement de la sous-action 31 « Renseignement extérieur » sont revalorisés à ces effets de 5,7 % en crédits de paiement et de 24,08 % en autorisations d’engagement par rapport à 2016, portant ainsi la dotation de la sous-action 31 à 310,53 millions d’euros d’AE en 2017.

La dotation de la sous-action 32 « Renseignement de sécurité de défense » du programme 144 s’élève à 13,54 millions d’euros en 2017, en hausse de 34,73 % en crédits de paiement et de 10,50 % en autorisations d’engagement par rapport à 2016. Cette évolution traduit d’une part, l’application de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 précitée, et d’autre part, le renforcement des moyens de la DRSD, amorcé à la suite des attentats de janvier 2015.

Dans le détail, les dépenses d’activité progressent en 2017 en raison du renforcement des effectifs et des missions réalisées en opérations extérieures (OPEX). En effet, la cible terminale en effectifs de la DRSD sera portée à 1 541 à l’échéance de la LPM. Les dépenses d’investissement sont également revues à la hausse du fait de l’augmentation des besoins en matériels, notamment pour l’investigation technique et l’intranet métier du service, ainsi que pour les moyens de contre-ingérence en matière de cyberdéfense. Enfin, la modernisation des systèmes d’information et de communication (SIC) est poursuivie en 2017, d’où des coûts supplémentaires liés à l’adaptation des moyens de recueil et d’exploitation du renseignement de sécurité.

Conformément aux orientations de la LPM actualisée, les crédits alloués à l’action 7 « Prospective de défense » sont en hausse de 17,3 % en autorisations d’engagement et de 2,5 % en crédits de paiement pour 2017. Ils s’élèvent respectivement à 1 163,9 millions d’euros et 1 034,8 millions d’euros. La revalorisation des crédits de l’action 7 repose sur le constat d’un recul progressif du tissu de chercheurs français dans le domaine des études stratégiques. Le ministère de la Défense a défini en conséquence, à partir de 2015, une nouvelle approche globale en matière de recherche de défense impliquant une complémentarité nécessaire entre les instituts de recherche privés et les universités.

La sous-action 1 « Analyse stratégique » est pilotée par la DGRIS et regroupe les activités en matière d’analyse prospective de l’évolution de l’environnement international, en particulier de l’anticipation à moyen et long terme des risques et des menaces pouvant affecter la sécurité de la France et de l’Union européenne. Elle vise ainsi à assurer le financement :

– des études prospectives et stratégiques (EPS) ;

– du programme personnalités d’avenir et post-doctorant, qui depuis 2008 a pour but d’amplifier le rayonnement des positions françaises en matière de sécurité et de défense parmi les futures élites étrangères et, dans le même temps, d’entretenir le réseau d’influence français ;

– de la recherche stratégique.

Les besoins de la sous-action 1 « Analyse stratégique » sont couverts par les crédits de trois opérations budgétaires (OB) constituées au titre 3 « Dépenses de fonctionnement » du programme 144, comme le présente le tableau ci-après.

DOTATIONS DES OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES CONSTITUÉES AU TITRE 3
« DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT » DU PROGRAMME 144

(en millions d’euros)

OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES

PLF 2017

Autorisations d’engagement

Crédit de paiement

Études prospectives et stratégiques (EPS)

4,21

5,58

Programmes personnalités d’avenir et post-doctorat

0,00

0,26

Recherche stratégique

0,36

0,36

MONTANT TOTAL

4,57

6,20

Source : ministère de la Défense.

Comme l’a déjà observé la rapporteure pour avis dans son précédent avis, la baisse des crédits de la sous-action 1, depuis 2015, est le corollaire de la réforme du dispositif ministériel de soutien à la recherche stratégique mise en œuvre par la DGRIS. En effet, la refonte du dispositif contractuel en faveur d’une notification d’engagements pluriannuels en 2016 se traduit par un besoin en autorisations d’engagement inférieur aux crédits de paiement pour 2017, ce qu’indique le tableau ci-après. Les autorisations d’engagement sont donc en forte baisse, de près de 114 % par rapport à 2016, alors que les crédits de paiement restent relativement stables.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D’INTERVENTION
AU TITRE DE LA SOUS-ACTION 07-01

(en millions d’euros)

 

LFI 2015

LFI 2016

PLF 2017

Autorisations d’engagement

6,13

9,78

4,57

Crédits de paiement

6,13

6,08

6,20

Source : ministère de la Défense.

Par ailleurs, une attention particulière a été portée au soutien des jeunes universitaires par la création d’un « pacte enseignement supérieur ».

Le pacte enseignement supérieur

Porteur d’avenir, le « pacte enseignement supérieur » vise globalement, à stimuler l’émergence des jeunes universitaires et, plus particulièrement, à soutenir leur spécialisation sur les questions de défense. À cet effet, sont envisagés, la création d’une filière « études stratégiques » ainsi qu’un soutien renforcé aux domaines d’intérêt critiques relatifs à la dissuasion, la cyberdéfense, aux questions régionales, etc.

Le programme a été conçu en étroite collaboration avec l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire et doit permettre de :

– financer les chercheurs par l’octroi d’une série d’allocations doctorales et postdoctorales ;

– financer les projets par le soutien à la création de chaires ou de groupements d’intérêt scientifique ;

– contribuer au rayonnement de la pensée stratégique française par la « projection » des chercheurs à l’international et la création de « labels d’excellence » reconnus à l’étranger.

Source : ministère de la Défense.

En cohérence avec la gestion des exercices 2015 et 2016, la politique de soutien à la recherche stratégique pour 2017 conforte une approche duale tout à la fois directive et ouverte. Il s’agit avant tout d’orienter la recherche vers des domaines conformes aux intérêts stratégiques nationaux en matière de défense, tout en laissant libre le champ des possibles autour de thématiques porteuses d’avenir. Cette approche doit permettre in fine d’accompagner la régénération du vivier d’expertise français autour d’un réseau d’acteurs publics et privés.

La première démarche, encadrée par le comité de cohérence de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP), vise à renforcer les études au profit du ministère de la Défense autour des axes de travail prioritaires que sont les zones géographiques stratégiques, l’économie de défense, la cyberdéfense, la défense anti-missile, les enjeux environnementaux, etc.

Il ressort en revanche de la seconde démarche la volonté de soutenir l’innovation et l’intérêt stratégique à plus long terme. Le « pacte enseignement supérieur » prend, par exemple, toute sa place dans ce cadre.

Si la programmation 2015 comprenait 49 études, dont 38 prestations ont été notifiées en fin de gestion, l’exercice 2016 affiche une activité en hausse, fort de 53 études, dont 42 EPS, neuf observatoires, un contrat-cadre et un séminaire.

Par ailleurs, le succès qu’ont connu les quatre contrats-cadres notifiés en 2015 confirme la pertinence de ce nouvel outil de soutien à la recherche. À la différence des autres prestations de soutien, le contrat-cadre représente un marché pluriannuel, de trois ou quatre ans, bénéficiant d’un soutien financier accru, puisque de 300 000 à 500 000 euros peuvent être débloqués à cet effet. À titre de comparaison, une EPS ne peut dépasser un plafond de 40 000 euros, alors qu’un observatoire ne peut excéder 50 000 euros au titre des financements publics. Dans l’objectif d’une pérennisation du vivier d’expertise français en matière d’études stratégiques, les contrats-cadres doivent ainsi inciter les acteurs privés à recruter et fidéliser un réseau d’experts de haut niveau.

La sous-action 2 « Prospective des systèmes de forces » du programme 144 vise à évaluer les choix capacitaires nationaux, présents et futurs, afin de mieux appréhender l’outil de défense de demain. Parties prenantes du processus conduisant à la planification et à la programmation des opérations d’armement et d’infrastructure, ses activités sont destinées à :

– identifier les besoins opérationnels ;

– orienter et exploiter les études de défense.

Les études qui seront engagées en 2017, ont été définies conformément aux dispositions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, traduites dans la loi de programmation militaire actualisée par la loi du 28 juillet 2015 au regard des priorités qu’impose un contexte sécuritaire dégradé. Il en ressort une classification des études en systèmes de force qui permet d’optimiser et de rationaliser les efforts en matière d’équipement, l’aptitude des forces à opérer ensemble étant privilégiée à une logique différenciée. La programmation pour 2017 met ainsi l’accent sur cinq orientations : l’engagement et le combat, le commandement et la maîtrise de l’information, la protection et la sauvegarde, la projection-mobilité et le soutien, la dissuasion.

Les crédits de la sous-action 2 sont en augmentation constante depuis 2015 conformément à la LPM actualisée. Ils s’élèvent ainsi à près de 21,3 millions d’euros pour 2017, en hausse de 1,7 %, comme l’indique le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT ALLOUÉS À LA SOUS-ACTION 07-02

(en millions d’euros)

 

LFI 2015

LFI 2016

PLF 2017

Autorisations d’engagement

20,81

20,96

21,32

Crédits de paiement

20,81

20,96

21,32

Source : ministère de la Défense.

Les crédits de recherche de défense, provenant des programmes 144 et 146, sont en forte augmentation en crédits de paiement par rapport à 2016. Ils atteindront ainsi près de 4,9 milliards d’euros en 2017, soit une hausse de plus de 30 %.

Plus spécifiquement, le budget Recherche & Technologie, duquel proviennent les crédits du programme 144 attribués aux études amont, est également en légère augmentation par rapport à 2016 et s’élève à près de 851 millions d’euros en crédits de paiement pour 2017, comme indiqué dans le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
EN MATIÈRE DE RECHERCHE DE DÉFENSE

(en millions d’euros)

 

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

PLF 2017

TOTAL R&D

TOTAL Études de défense

TOTAL R&T

TOTAL EA

Études amont

745,0

738,9

706,5

720,4

 

745,0

738,9

706,5

720,4

Subventions de R&T

121,7

124,8

128

130,3

 

866,7

863,7

834,5

850,7

Recherche CEA

640,8

505,3

488,5

527,0

EPS

5,8

5,5

5,5

5,6

EOTO

20,5

20,8

21,0

21,3

Recherche duale

192,9

192,1

180,1

180,1

 

1 728,0

1 587,4

1 529,5

1 584,7

Développements (prog. 146)

1 835,1

2 051,6

2 255,2

3 343,2

 

3 563,1

3 639,0

3 784,7

4 927,9

Source : ministère de la Défense.

Une brève comparaison de l’effort consenti en faveur des crédits de recherche de défense parmi les principaux États européens indique, selon les informations fournies par le ministère de la Défense, que la France se situe dans la moyenne, voire dans la tranche légèrement supérieure, concernant la part du pourcentage du budget de la défense consacré à la recherche de défense.

Les crédits alloués par le ministère de la Défense à la recherche de défense sont ainsi conformes à ceux d’une puissance militaire de taille similaire, à savoir le Royaume-Uni. À titre d’exemple, 8,46 % du budget de la défense français et 9,09 % du budget britannique ont été consacrés en 2014 à l’effort de recherche en matière de défense, corrigé de l’effet de fluctuation résultant du taux de change entre la livre et l’euro.

Dans le cadre de la recherche de défense, les études amont constituent un élément indispensable au service de l’autonomie stratégique de la France. Elles forment la sous-action 73 éponyme du programme 144, dotée pour 2017 de 856,74 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 720,43 millions d’euros en crédits de paiement, respectivement en hausse de 25,99 % et de 1,97 % par rapport à 2016. Au 31 juillet 2016, les paiements effectués, à hauteur de 488,5 millions d’euros, sont cohérents avec les prévisions de l’année 2016.

Les études amont représentent, par leur nature et leur étendue, un outil de développement essentiel pour l’industrie de défense tant au niveau national qu’européen.

Nature et étendue des études amont

Les études amont sont une véritable contribution à la maîtrise des compétences industrielles et technologiques, au service de l’industrie de défense nationale et européenne. Elles permettent d’anticiper un besoin militaire en finançant la recherche au sein du secteur industriel, contribuant de fait au développement et à l’entretien de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Dans le cadre des programmes d’armement conduits par la DGA, les études amont fournissent aussi une expertise étatique nécessaire et préliminaire à leur lancement.

Les études amont permettent ainsi de :

– disposer des technologies nécessaires au développement et à l’évolution des systèmes pour lesquels une autonomie nationale totale ou partielle est requise ;

– disposer des compétences industrielles et étatiques permettant de réaliser les programmes futurs, dans un cadre national ou en coopération ;

– susciter et accompagner l’innovation dans les domaines intéressant la défense au moyen de dispositifs de recherche coordonnés avec l’agence nationale pour la recherche (ANR (1)) ou en favorisant la compétitivité et l’accès au marché de la défense des petites et moyennes entreprises (PME), des petites et moyennes industries (PMI) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), en lien avec la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’Économie, de l’industrie et du numérique.

Source : ministère de la Défense.

Les études amont en cours ou à venir, s’articulent autour des cinq secteurs de l’industrie de défense suivants :

– l’aéronautique et les missiles, autour du projet de démonstrateur de drone de combat franco-britannique FCAS DP (2), mais aussi de la préparation d’un futur standard de l’hélicoptère Tigre et du lancement de la phase de maturation technologique du futur missile longue portée ;

– l’information et le renseignement, notamment la surveillance de l’espace, l’imagerie hyperspectrale, l’interception des signaux, la modélisation des environnements électromagnétiques et optroniques, ainsi que la cybersécurité ;

– le domaine naval, principalement l’application des feuilles de route technologiques relatives aux frégates de premier rang ;

– le domaine terrestre, la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et la santé du militaire, autour de la robotique, des technologies de détection, de la protection des véhicules et des munitions, de la réalisation de démonstrations de technologie d’analyse innovantes ;

– l’innovation et les technologies transverses, stimulées par le programme ASTRID (accompagnement spécifique des travaux de recherche et d’innovation de défense), une politique des pôles de compétitivité, et enfin, le dispositif RAPID (régime d’appui pour l’innovation duale).

Si les études amont permettent d’anticiper un besoin militaire au niveau national, elles sont également conduites dans le cadre de politiques de coopérations internationales. Les études amont apparaissent ainsi comme un trait caractéristique des relations franco-britanniques et des coopérations multilatérales menées dans le cadre de l’agence européenne de défense (AED). En 2015, le taux de coopération en matière de défense au niveau de l’Union européenne s’élevait en effet à près de 14,4 %, et 60 % des coopérations franco-allemandes en matière de défense se déroulent dans le cadre de l’AED.

Par ailleurs, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pourrait faire évoluer ce taux vers la nécessité d’un plus grand effort des États membres en faveur du budget de l’AED conformément aux prises de positions des chefs d’État et de gouvernement à l’issue du sommet de Bratislava, le 16 septembre 2016 (3). La coopération bilatérale avec le Royaume-Uni devrait quant à elle rester un pilier essentiel de la politique de coopération française en matière de recherche de défense puisque le Royaume-Uni reste le premier partenaire de la France en matière de R&T de défense, ainsi que l’ont confirmé la signature du traité de Lancaster House en 2010 et celle de l’accord portant sur les drones de combat en 2014.

Alors que le premier accord pose le principe d’une base de 50 millions d’euros d’engagement annuel par nation dans des programmes communs de recherche et technologie, le second ouvre la voie aux études de faisabilité du programme de démonstration en préparation du système de combat aérien futur (SCAF). La participation française à ce programme s’élève à 89 millions d’euros à ce jour. L’année 2017 verra le terme de deux ans d’activités relatives à la phase de faisabilité du programme. Une nouvelle phase devrait alors permettre le développement de démonstrateurs d’ici à 2025.

L’étude de définition en cours concernant le drone MALE RPAS (4) est à ce jour une confirmation de la pertinence du dispositif des études amont dans le cadre d’une coopération entre la France, l’Allemagne, et l’Italie. Le Gouvernement espagnol a par ailleurs exprimé son souhait d’intégrer la coopération.

Pour l’heure, les ministres de la Défense allemand, français et italien et se sont ainsi entendus le 18 mai 2015, en marge du Conseil des affaires étrangères à Bruxelles, sur les termes d’une intention commune concernant le lancement d’une étude de définition préliminaire à la conduite du programme. Son budget est porté à 60 millions d’euros. Il s’agit d’évaluer le bien-fondé du projet au regard des opportunités qu’il représente en matière de souveraineté nationale et d’activité des industries de défense européennes.

La signature des derniers documents permettant d’officialiser la coopération est intervenue en août 2016 et le contrat industriel a pris effet dès septembre 2016. L’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr) est chargée de notifier les travaux et conduira l’intégralité du programme, assistée de l’AED.

Les travaux de définition sont aujourd’hui confiés, sous la conduite de l’Allemagne, à une alliance franco-germano-italienne de trois industriels : Airbus Defense and Space, Leonardo et Dassault Aviation. L’étude amont, ainsi entreprise, devra évaluer les conditions du lancement de son développement, dont la disponibilité des industriels, via un engagement crédible et notifié.

Chaque pays s’est engagé à apporter 20 millions d’euros à ce stade.

Les premières étapes du programme ont d’ores et déjà été annoncées et s’articulent de la manière suivante :

– une revue de spécification du système aura lieu après douze mois de travaux et devrait permettre à l’OCCAr de disposer des grandes lignes de faisabilité du programme ;

– une revue de définition préliminaire aura lieu après deux années d’études, avec, à la clé, l’engagement des industriels en fonction de leurs capacités de production.

Il convient de souligner que l’intégration de cet appareil dans l’espace aérien européen est l’un des principaux défis de ce programme dont les exigences opérationnelles seront définies en coopération avec les forces armées.

Enfin, si un élargissement de la coopération semble évoqué dans le cadre de l’AED, cette option pourrait ne pas être consensuelle, les parties ayant tiré certains enseignements de programmes rendus trop complexes du fait du nombre de partenaires. Initialement annoncée pour 2020, la livraison du premier système devrait en fait intervenir au plus tôt en 2025, induisant d’ailleurs un glissement sémantique de MALE 2020 à MALE RPAS…

La sous-action 4 « Gestion des moyens et des subventions » du programme 144 reprend les crédits finançant les subventions accordées aux opérateurs de l’État, à savoir l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) et les écoles sous tutelle de la DGA, ainsi que celles accordées à des instituts d’études et à l’institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis (ISL). L’ONERA et l’ISL feront par ailleurs l’objet d’une attention plus particulière de la rapporteure pour avis dans la seconde partie de cet avis.

L’évolution des subventions pour charges de service public est, à périmètre inchangé, stable par rapport à la LFI de 2016 (cf. tableau infra), conformément aux orientations fixées par la programmation budgétaire triennale 2015-2017.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ALLOUÉS À LA SOUS-ACTION 04
« GESTION DES MOYENS ET DES SUBVENTIONS »

(en millions d’euros)

NATURE DE LA DÉPENSE

LFI 2015

LFI 2016

PLF 2017

SUBVENTION POUR CHARGE DE SERVICE PUBLIC (SCSP) AU TITRE 3 « DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT »

École polytechnique

82,6

82,8

89,9

Solde des élèves de l’École polytechnique

15,57

17,35

17,35

ISAE

34,1

34,1

34,1

ENSTA ParisTech

17,1

17,1

17,1

ENSTA Bretagne

14,2

14,2

15,4

TOTAL SCSP

148

148,2

156,5

DOTATIONS EN FONDS PROPRES AU TITRE 7 « DÉPENSES D’OPÉRATION FINANCIÈRE »

ISAE

 

2,9

5,5

ENSTA Bretagne

 

0,3

0,3

Total dotations en fonds propres

 

3,2

5,8

MONTANT TOTAL

148

151,4

162,3


Source : ministère de la Défense.

De nouveaux besoins sont toutefois apparus, justifiant l’augmentation de la dotation à destination de l’École polytechnique, en hausse de 7,1 millions d’euros par rapport à 2016. Il s’agit avant tout de financer de nouvelles actions découlant des recommandations du rapport de M. Bernard Attali proposant un tournant dans l’orientation stratégique de l’établissement.

Les préconisations du plan stratégique sur l’avenir de l’École polytechnique
élaboré par M. Bernard Attali le 6 juin 2015

Le plan stratégique établi par M. Bernard Attali revient sur les fondements de ce que devrait être une école d’ingénieurs d’excellence, compétitive à l’international dans le domaine de l’enseignement supérieur. Constatant les lacunes en la matière, liées notamment à « l’héritage de l’histoire » qui pèse sur les écoles françaises d’ingénieurs, le plan stratégique définit trois objectifs que l’École polytechnique (X) doit atteindre à moyen terme :

– renforcer le lien de l’École avec la Nation en formant des ingénieurs d’excellence ;

– attirer les meilleurs élèves français et internationaux et offrir une formation internationalement reconnue ;

– pérenniser un équilibre financier en développant des ressources propres.

Si la qualité des formations dispensées à l’École polytechnique est reconnue par le rapport, ce dernier insiste particulièrement sur la taille de l’établissement, sous-dimensionnée par rapport aux ambitions d’ouverture à l’international que se prête l’École. Des propositions ont donc été avancées, dont une partie sera suivie conformément à la volonté du ministre de la Défense. Ont été proposés :

– la création d’un internat d’excellence ;

– la mise en place d’un bachelor pluridisciplinaire, sélectif et international ainsi que d’un master professionnalisant ;

– l’augmentation du nombre de doctorants et de la production de la recherche ;

– l’alignement des frais de scolarité de l’ensemble des formations sur les standards internationaux.

Enfin, et dans l’optique d’une refonte des champs de compétences des écoles d’ingénieurs du plateau de Saclay, le rapport préconise une nouvelle approche pédagogique, plus favorable à l’entreprenariat, laquelle doit être officialisée par la mise en place d’une formation en alternance, en partenariat avec l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris Tech. Plus largement, une coopération structurée sur l’ensemble des formations de l’École pourrait être envisagée à l’avenir par la conclusion d’un accord de partenariat avec l’institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE).

Source : ministère de la Défense.

Par ailleurs, un contentieux opposant l’ENSTA Bretagne à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) a nécessité un complément de subvention s’élevant à 1,23 million d’euros. En effet « l’URSSAF Bretagne a signifié à l’ENSTA Bretagne une procédure de redressement pour non-paiement de cotisations en raison du recours inadapté à des auto-entrepreneurs, principalement pour des cours de langues, de sciences humaines et sociales et de sport, et à des prestataires sous statuts d’indépendants ou d’artisans. Le plafond a également été revu pour l’ENSTA Paris-Tech qui pourrait se trouver dans une situation analogue à celle de l’ENSTA Bretagne » (5). La rapporteure pour avis s’étonne que des écoles financées par des fonds publics, qui plus est issus de la Défense, s’autorisent à contourner les règles en matière de cotisations sociales. Elle déplore également que leur tutelle n’ait pas joué son rôle d’alarme et de contrôle. La rapporteure pour avis souhaite que la gouvernance de ces écoles et leur relation avec la tutelle fassent l’objet d’un examen approfondi et que les conséquences en soient tirées.

Enfin, le renouvellement des matériels informatiques et de recherche de l’ENTSA Bretagne induit une augmentation de la dotation en fonds propres de 0,3 million d’euros pour 2017.

Par ailleurs, la rénovation du bâtiment principal de l’ISAE en région Midi-Pyrénées devrait mobiliser 5,55 millions d’euros en fonds propres pour 2017.

L’année 2015 a été marquée par la performance remarquable de la France dans la prise de commandes d’armements à l’international puisque leur montant s’est élevé à près de 16,9 milliards d’euros. Cet essor stratégique et industriel traduit, d’une part, un recalibrage de la politique d’influence dans l’action du ministère de la Défense, qui, d’autre part, permet à la France de s’imposer comme le leader européen dans le domaine de l’exportation d’armement. Cette réussite est due à un certain nombre d’atouts que le réseau diplomatique de défense a notamment su mettre en exergue.

En effet, si les matériels labellisés français jouissent d’une bonne image, souvent synonyme de qualité, ils tirent également parti de l’engagement des forces françaises sur de multiples théâtres d’opérations qui démontrent la qualité d’équipements conçus par des pôles industriels d’excellence et surtout « combat proven ». De plus, l’engagement fort des pouvoirs publics semble largement apprécié par les États importateurs.

Le rôle de l’État dans les opérations d’exportation

L’implication des pouvoirs publics français dans le commerce international des biens et services à enjeu répond avant tout à un besoin émanant des États importateurs. Dans ce cadre, le partenariat étatique devient bien souvent un paramètre nécessaire et incontournable au service de la compétitivité à l’export des offres nationales puisqu’il est un gage de qualité et de crédibilité, dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

Si le ministère de la Défense joue un rôle central dans la négociation, la conclusion, et la réalisation des contrats d’armements signés par les industriels français avec un État partenaire, il s’agit surtout de la direction générale de l’armement et de sa direction du développement international (DI) qui sont actives dans le soutien aux exportations. La DI est ainsi présente en amont des contrats, pour lesquels elle assure un environnement le plus propice possible, et veille au respect des engagements pris à l’égard de l’État importateur.

À la suite de la réforme des domaines internationaux au sein du ministère de la Défense, en 2015, les effectifs de la DI ont été stabilisés à 212 agents, principalement installés sur le site de Balard et dans 21 représentations à l’étranger, placées au sein des ambassades françaises. Ses missions ont également été précisées : soutien étatique aux exportations d’armement, pilotage du volet armement de la relation internationale de défense, élaboration de la réglementation, nationale et internationale, relative au contrôle de la fabrication et du commerce de matériels de guerre, mise en œuvre de la politique de contrôle, suivi de l’exécution des contrats d’exportation.

Source : ministère de la Défense.

Ces bons résultats ont donc permis d’accélérer un changement d’échelle dans la conduite de la diplomatie de défense. L’année 2016 semble confirmer l’orientation de 2015 puisque plusieurs contrats d’envergure ont d’ores et déjà été signés avant l’été, notamment avec l’Égypte, le Qatar et le Koweït. Malgré le renoncement du Gouvernement polonais au contrat des hélicoptères Caracal, l’année 2017 présente des signes encourageants.

Si le domaine aérien a été au cœur des contrats passés en 2015 et 2016 avec notamment l’achat de trente-six avions Rafale par l’Inde, de nouvelles opportunités semblent voir le jour dans le domaine naval entre 2016 et 2018 puisque la société française DCNS a été sélectionnée par le Commonwealth of Australia pour concevoir et construire douze sous-marins australiens du futur. La Norvège se révèle aussi être un client potentiellement intéressé en 2017 par les sous-marins Scorpène. Enfin, l’industrie des missiles reste un secteur porteur d’avenir, notamment en raison d’un besoin croissant en systèmes de défense antiaérienne (SDA) et en capacité de défense anti-missile balistique (DAMB). La perspective de l’entrée sur le marché du nouveau missile moyenne portée (MMP) français permettra en outre de répondre à la demande d’armes anti-char chez nos États partenaires.

Les crédits attribués à l’action 8 « Relations internationales » pour 2017 s’élèvent à 43,79 millions d’euros, en hausse de 7,43 % par rapport à 2016. Cette augmentation est imputable, d’une part, à l’effort consenti en faveur de la politique d’influence de la France en matière de défense, et d’autre part, à la contribution de l’État français au budget administratif de l’AED, en hausse de 10 % par rapport à 2016.

Par ailleurs, la dotation de l’action 8 prend également en charge la contribution annuelle versée au Gouvernement de la République de Djibouti afin de compenser l’implantation des forces françaises sur son territoire, en application de la convention bilatérale signée le 3 août 2003 et renforcée par un traité de coopération en matière de défense, signé le 21 décembre 2011 entre les deux pays.

On observe que l’empreinte du réseau des missions de Défense (MdD) a fortement reculé entre 2008 et 2012 à la suite d’une réduction de 30 % des effectifs d’attachés de défense. La refonte du pilotage du réseau international de défense a donné lieu, le 26 janvier 2016, à l’approbation d’un nouveau schéma directeur pluriannuel, portant sur la programmation militaire en cours. Élaboré par le comité directeur des postes permanents à l’étranger, il prévoit la préservation du réseau des missions de défense d’ici à la fin de la période de programmation militaire afin d’appuyer le rayonnement des positions françaises à l’international en matière de défense.

DEUXIÈME PARTIE : LES INSTITUTS DE RECHERCHE DE DÉFENSE SUBVENTIONNÉS PAR LE PROGRAMME 144, L’INSTITUT SAINT-LOUIS ET L’ONERA

Situé à Saint-Louis, au cœur du Pays des trois frontières, française, allemande et suisse, l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis travaille dans la recherche de défense. Outre sa bi-nationalité, sa caractéristique principale est la multidisciplinarité, rare parmi les instituts de taille moyenne. Il compte autour de 400 employés. Le champ d’action de l’institut est l’armement terrestre et les équipements de sécurité.

S’il fallait définir d’un mot l’objet des recherches de l’institut, ce serait le mot énergie : l’énergie générée et propulsée pour agir avec le maximum de précision sur la cible, l’énergie délivrée par la partie adverse qu’il convient de détecter, pour en anéantir ou en réduire les effets, et, en dernier ressort, l’énergie dont il convient de se protéger.

Allemande, française puis franco-allemande, son histoire se confond avec les soubresauts de celle du XXe siècle.

Héritage positif du conflit majeur qui laissa l’Europe exsangue, l’institut est avant tout le fruit d’une vision. Une vision scientifique d’abord qui permit d’identifier et de faire fructifier un potentiel, et humaine ensuite, qui crut en la possibilité de faire travailler ensemble les ennemis d’hier et de mêler leurs cultures afin d’atteindre l’excellence.

À l’origine se trouvait une école de formation technique de l’armée de l’air allemande, la Luftwaffe, inaugurée en 1935 sur l’ancien aéroport de Berlin Gatow et dénommée Technische Akademie, qui avait pour spécialité les recherches en balistique et sur l’ensemble des phénomènes dynamiques de la mécanique et de la chimie des explosifs, disposant des moyens métrologiques correspondants. Alors que la Technische Akademie poursuivait ses travaux durant la guerre, le professeur Hubert Scharding, qui dirigeait l’institut de balistique, fit preuve d’un sens certain de l’anticipation en faisant installer par précaution un laboratoire provisoire de repli en Souabe, à Schüssenried puis à Biberach an der Riβ. La Technische Akademie s’y replie, sur ordre, à partir du 15 février 1945. Les troupes françaises occupent ces deux localités en avril 1945.

Les chercheurs allemands jouissaient alors d’une grande renommée notamment pour leur excellente compétence en artillerie, à l’époque l’acmé de l’armement terrestre, à telle enseigne qu’il était déjà, à l’époque, question de canon à propulsion électrique en lieu et place du canon à poudre. À la fin de la guerre de nombreux chercheurs allemands ont rejoint en effet les États-Unis, l’Union soviétique et la France, apportant notamment une contribution déterminante à cette nouvelle frontière du lancement de projectiles que constitue l’essor du spatial.

La France, et les alliés, s’intéressèrent immédiatement à ce laboratoire dont ils perçurent les possibilités et il fut même brièvement envisagé de l’installer à Paris, sous le contrôle de la Direction des études et fabrications d’armement. Cela ne se fit pas, principalement en raison du caractère prématuré d’un transfert de scientifiques allemands dans la capitale française, alors que les blessures de la guerre étaient encore béantes. La France n’entendait toutefois pas renoncer à cette équipe de chercheurs, également courtisée par les États-Unis qui auraient fait une proposition individuelle au professeur Scharding, qu’il aurait déclinée car il ne souhaitait pas se séparer de ses collaborateurs.

Une installation du laboratoire en Allemagne dans une zone frontalière de la France est alors privilégiée. Divers lieux sont envisagés, dont les usines Mauser à Oberndorf, mais c’est finalement Saint-Louis qui sera choisi en raison de sa proximité avec l’Allemagne et de la possibilité d’implanter le laboratoire dans les locaux de la fonderie d’aluminium Gmöhling, fondée en Alsace en 1941, qui produisait alors des pièces pour les moteurs d’avion et de voiture(6).

Le Laboratoire de recherche de Saint-Louis (LRSL) entre en fonction dès le 1er août 1945, pourvu d’une équipe de 32 chercheurs allemands titulaires de contrats de travail français, sous le contrôle du Laboratoire central de l’armement. Dirigé par le général Cassagnou, alors chef d’escadron, le laboratoire connut une expansion rapide et comptait fin 1946, autour de 80 chercheurs allemands et 90 personnels français, principalement en charge de tâches administratives et logistiques. Des chercheurs français rejoignirent le laboratoire au cours des années suivantes.

Les années de guerre s’éloignant, la réconciliation franco-allemande étant en marche, l’idée européenne prenant forme avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, les gouvernements des deux pays souhaitèrent faire de ce laboratoire un institut binational. Au terme de longues négociations portant sur le statut spécifique de l’institut, la convention fondatrice de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis fut signée le 31 mars 1958 par MM. Jacques Chaban-Delmas et Franz-Josef Strauss, ministres de la Défense. Elle fut ensuite ratifiée par les parlements des deux pays le 22 juin 1959.

Cette convention dont le but est « de réaliser une étroite coopération en ce qui concerne les recherches et études tant scientifiques que techniques dans le domaine de l’armement et de renforcer ainsi la défense commune de leur pays » (7) fut le tout premier accord franco-allemand conclu après-guerre, avant même le Traité de l’Élysée, signé le 22 janvier 1963.

La mission de l’institut Saint-Louis est de mettre à la disposition de ses clients, publics ou privés, des innovations technologiques susceptibles d’être intégrées dans des équipements opérationnels. La recherche y est menée du niveau de maturité technologique le plus bas, TRL(8) 0 ou 1, jusqu’au niveau de la concrétisation de l’innovation par un démonstrateur avant son transfert à l’industrie, TRL 6.

L’institut exerce également une fonction d’expert auprès des ministères de la Défense et de ses clients.

La tutelle de l’institut est assurée conjointement par le ministère de la Défense et le Bundesministerium der Verteidigung (9). Le délégué général pour l’armement assure la tutelle française en vertu d’un arrêté du ministre de la Défense du 12 septembre 2005.

Conformément à l’article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 qui dispose que «les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. », la valeur juridique de la convention du 31 mars 1958 est supérieure à celle de la loi française.

La hiérarchie des normes propre à l’ISL, comparable à celle des organisations internationales, est donc la suivante : droit européen, convention binationale, décisions du conseil d’administration, statut du personnel et règlement financier, note d’organisation des directeurs et droit local. Le statut du personnel, qui a force de loi, est toutefois régulièrement adapté aux évolutions législatives intervenant dans les deux États. Le droit français s’applique lorsque la réglementation de l’ISL le prévoit explicitement ou lorsque les normes spécifiques sont silencieuses.

Le conseil d’administration (CA) définit la politique générale et contrôle les activités de l’institut. Il statue notamment sur le programme général des travaux, le budget, les effectifs et le statut du personnel. Le CA est composé de six membres, trois Français et trois Allemands nommés pour trois ans par leur tutelle respective. Son président, élu pour un an, est alternativement français ou allemand. Un vice-président de l’autre nationalité est désigné. Le CA se réunit deux fois par an, en juin et en décembre, et en tant que de besoin.

Le conseil consultatif des recherches et études (CCRE) assiste le CA quant à l’orientation technique et scientifique de l’institut. Cette construction est peu courante parmi les instituts de recherche, les conseils scientifiques agissant le plus souvent en tant qu’organe consultatif de la direction. Elle illustre le fait que l’activité scientifique de l’ISL n’est pas guidée en premier lieu par l’avancement général des sciences, comme le serait celle d’un laboratoire académique, mais a, au contraire, pour principal objectif la satisfaction des besoins concrets exprimés par les tutelles.

Le CCRE est composé de 18 membres, neuf Français et neuf Allemands, nommés par leur tutelle sur la base de leur connaissance du besoin et de leur compétence scientifique reconnue dans les domaines de recherche de l’ISL. Il se réunit en préparation des conseils d’administration. Les présidents du conseil d’administration et du CCRE sont chacun d’une nationalité différente.

La mise en œuvre de la politique générale décidée par le conseil d’administration est assurée par une direction bicéphale franco-allemande composée d’un directeur de chaque nationalité désigné par sa tutelle respective après avis de chacune des tutelles. Leur nomination est soumise à l’approbation du conseil d’administration. Les décisions sont collégiales et sont portées devant le conseil d’administration en cas de désaccord. Il s’agit, par ailleurs, de la seule fonction assurée de manière bicéphale à l’ISL. Toutes les autres fonctions sont assurées par une seule personne, indépendamment de sa nationalité. Cette direction bicéphale a été explicitement voulue par la convention fondant l’ISL qui a force de loi. Loin d’être redondante, cette construction présente de nombreux avantages dont le principal est de permettre de dépasser les différences de culture managériale de chacun des deux pays.

Indépendamment de la présence de leurs représentants respectifs dans les organes de direction de l’institut, il n’existe pas de règle ou de calendrier déterminant des rencontres périodiques des tutelles et il n’est pas certain que les rencontres à haut niveau soient très fréquentes. Certains interlocuteurs semblent le regretter car un dialogue plus soutenu serait certainement de nature à clarifier certaines divergences issues de pratiques nationales et culturelles contradictoires.

Le CCRE définit dans un premier temps une expression de besoin commun franco-allemand, le Common need paper, destinée à orienter les travaux durant une période de trois à quatre ans. Ce document est présenté au conseil d’administration pour approbation. Il sert ensuite de cadre à l’ISL pour élaborer la stratégie de recherche pluriannuelle qui est soumise en retour au CCRE puis au conseil d’administration. La dernière étape du processus est la définition par l’ISL du programme annuel, validé en conseil d’administration. Le CCRE valide également le bilan annuel de recherche préalablement à son approbation par le conseil d’administration.

Les membres français du CCRE appartiennent tous à la DGA. La diversification est plus grande du côté allemand, certains membres appartenant à des instituts de recherche, dont des instituts Fraunhofer.

Une commission de contrôle financier, composée de deux membres de chaque nationalité, est chargée de contrôler l’exécution du budget et d’examiner la gestion financière et les comptes. Pour la partie française, le Contrôle général des armées et le Contrôle général économique et financier désignent chacun un de leurs membres.

À l’instar de l’ensemble des centres de recherche, le personnel est la principale richesse de l’ISL dont l’activité repose sur une main-d’œuvre hautement qualifiée.

L’évolution des effectifs de l’ISL sur les dix dernières années est retracée dans le tableau suivant :

EFFECTIFS RÉALISÉS PAYÉS EN ÉQUIVALENT TEMPS PLEIN (ETP)

 
 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Effectifs au 31/12

400,2

375,2

357,8

371,9

363,7

360,9

365,9

369,4

380

383,6

Source : ministère de la Défense.

L’effectif décroissait régulièrement il y a une dizaine d’années. Cette tendance suivait, d’une part, celle de la DGA en matière de réduction des postes d’exécution, ouvriers et administratifs, et, d’autre part, l’application de la révision générale des politiques publiques en répliquant à l’ISL le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

Bien qu’approuvée officiellement fin 2012 par le CA, la réforme ISL 2020 a été anticipée dès 2011 par la direction de l’institut qui en était l’auteur, en privilégiant explicitement le renforcement du potentiel scientifique au détriment des postes de soutien. Cela eut pour conséquence une inversion de la tendance numérique et surtout un changement qualitatif important. La part des chercheurs, ingénieurs et doctorants représentait 56,8 % des effectifs en 2015 contre 47 % en 2006. Il est à noter un net accroissement de l’ouverture aux doctorants, à partir de 2011, puisqu’ils étaient au nombre de 34 en 2015 pour seulement quatre fin 2010. Cette tendance ascendante est appelée à se poursuivre.

La part des techniciens et des ouvriers a décru sur la période considérée : 28 % des effectifs en 2015, contre 35 % en 2006. Elle reste néanmoins significative en raison du caractère très expérimental des recherches menées à l’ISL et du poids des procédures de sécurité pyrotechnique.

Les quelque 400 équivalents temps plein de l’institut se répartissent ainsi : 33 % de chercheurs, dont 35 à 40 doctorants, 23 % d’ingénieurs, 16 % d’ouvriers, 12,5 % de techniciens et 15,5 % de personnel administratif. Toutes les équipes sont multinationales. Les salaires représentaient 66 % du budget en 2014.

Un ratio équilibré entre le personnel allemand et le personnel français est recherché pour les postes à fort enjeu. L’ISL compte aujourd’hui 60 % de Français et 40 % d’Allemands parmi les scientifiques. Ce rapport est complexe à maintenir, plusieurs éléments jouant en la défaveur de l’institut.

Le premier frein est d’ordre culturel, à savoir une faible appétence, voire un rejet des métiers de la défense. Ce fait, aux racines historiques évidentes, reste aujourd’hui encore très prégnant en Allemagne. Ainsi, plusieurs universités et écoles d’enseignement supérieur ont introduit dans leur règlement, une clause civile, Zivilklausel, proscrivant tout concours de la science et de la recherche à un objectif ou à un usage militaire. Cette disposition a été introduite à Brême pour la première fois en 1986.

Le ministère fédéral de l’Éducation et de la recherche, le Bundesministerium für Bildung und Forschung, ne souhaite pas, de son côté, avoir de contacts avec la défense.

La pénurie générale de doctorants, de jeunes chercheurs et de jeunes ingénieurs en Allemagne est donc particulièrement aigüe dans le domaine de la défense. Dans ce contexte, l’industrie allemande et les centres de recherches allemands duals qui offrent, d’une part, une localisation en Allemagne à proximité de campus universitaires, et, d’autre part, une carte de visite prestigieuse (10) pour des débutants, bénéficient d’avantages inaccessibles à l’ISL.

Les salaires sont notoirement plus élevés en Allemagne qu’en France. Le le coût de la vie y est par ailleurs plus bas. Dans les deux pays, l’industrie privée rémunère mieux que l’ISL ce qui n’est pas inhabituel pour un organisme parapublic. Il est en revanche plus singulier qu’une institution internationale rémunère moins qu’une fonction publique nationale, ce qui est pourtant le cas de l’ISL au regard de la fonction publique allemande (11) et tarit le flux de détachements vers l’ISL.

Quant aux doctorants, si la rémunération proposée par l’ISL est bien accueillie par les candidats français, elle l’est moins par les candidats allemands dont l’activité tend à être considérée en Allemagne comme un premier poste accompagné du salaire correspondant, supérieur en l’occurrence à celui que reçoit en France un chargé de recherche débutant après son doctorat.

De ce fait, les doctorants en poste à l’ISL qui sont au nombre de 39 fin octobre 2016, se répartissent ainsi : six Allemands, vingt-six Français, un Irlandais, un Italien, deux Polonais, deux Espagnols et un Américain.

L’ISL, qui est tenu par un objectif de parité entre personnel allemand et français, a renoncé depuis plusieurs années à privilégier la parité au détriment des compétences, mais fait preuve en revanche de créativité pour attirer des candidats allemands. Ainsi, ayant observé, qu’outre le niveau de salaire, la sortie du système social allemand (12)  constituait un obstacle, l’ISL travaille à la mise au point d’un contrat de travail rattaché au système social allemand. Cela impose que le lieu d’exécution du travail soit majoritairement en Allemagne : cette condition peut être remplie dans certains cas grâce à une présence plus importante du doctorant dans le laboratoire de son directeur de thèse. L’université allemande de rattachement assure alors un complément de salaire, portant sa rémunération au niveau local.

À ces difficultés s’ajoute la localisation de l’institut qui, pour être géographiquement très franco-allemande, se trouve éloignée de tout grand centre urbain allemand et proche de la Suisse alémanique qui n’est pas dépourvue d’attraits linguistiques et économiques. La concurrence des marchés de l’emploi allemand et suisse se répercute sur toutes les catégories de personnel.

Qu’il soit vu de France ou d’Allemagne, l’ISL est géographiquement excentré et pâtit certainement de sa situation dans le cadre de ses relations extérieures. Une solution pourrait consister à ouvrir une représentation à Paris où des contacts nationaux et internationaux seraient plus simples à organiser (13). Mais cela suppose des moyens et entraînerait la réciproque en Allemagne…

Compte tenu de ces différents handicaps, l’ISL développe l’attractivité extra-salariale. Ainsi l’ISL mise beaucoup sur l’intérêt des recherches, du point de vue du monde scientifique, sur sa notoriété et sur l’employabilité des scientifiques à leur départ de l’institut. Il met également en avant les moyens mis à disposition des recherches, avec un bon équipement en plateformes scientifiques, ainsi que l’environnement multiculturel.

La convention régissant l’ISL dispose qu’une contribution paritaire aux dépenses d’investissement et de fonctionnement est versée à l’ISL par les parties allemande et française. Ces contributions peuvent prendre la forme de subventions ou de contrats dits gouvernementaux dont les résultats bénéficient aux deux pays.

L’ISL peut aussi conclure des contrats de tiers, cette catégorie comprenant des commandes de l’État français ou de l’État allemand, dont les résultats ne sont pas forcément partagés, contrairement aux travaux menés dans le cadre des contrats gouvernementaux précités qui le sont impérativement. Les contrats de tiers sont également ouverts à d’autres clients : industriels, agences, États tiers, autres instituts, etc. L’absence de partage est toutefois relative car si certains résultats ne sont effectivement pas communiqués aux deux tutelles, les compétences développées constituent, quelle que soit la nature du contrat, un acquis bénéficiant aux deux tutelles.

Le partage ou non des travaux s’avère donc ne être pas un critère intangible pour distinguer ce qui relève, ou devrait relever, du financement paritaire. La rapporteure pour avis estime qu’une clarification en la matière est indispensable. Ainsi pourquoi, par exemple, le financement d’un doctorant, dont les travaux bénéficient naturellement aux deux pays, est-il inclus dans le financement paritaire, mais s’en trouve exclu si la DGA attribue une bourse de thèse en plus de ses subventions directes à l’ISL ? Pourquoi le financement d’une activité de recherche inscrite au programme de recherches approuvé par le CA est-il inclus dans le calcul de financement paritaire des deux Gouvernements, mais en est exclu si l’une des deux tutelles accepte de financer ces travaux par un contrat de tiers avec l’ISL en plus de la subvention directe ?

ÉVOLUTION DES RECETTES RÉALISÉES DE 2006 À 2015

(en millions d’euros courants)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Subventions directes des deux États

42.603

42.214

42,248

42.252

42,246

42,248

42,248

42,248

42,248

42,248

Contrats et subventions de tiers

0.313

0.531

1.279

1.445

1.841

2583

2.471

4.067

3.373

3.936

Autres recettes (produits financiers, TVA*…)

1.657

1.860

1.851

1.305

1,257

1.351

1.000

1.533

0.948

0.837

Report d’exercice

1.787

2,190

1,130

1,200

2,500

2,000

2,000

6,600

4.200

2,000

Total

46.360

46.795

46.508

46,202

47,844

48.182

47.719

52.918

50.769

49.021

* Contrairement à une comptabilité d’entreprise, le règlement financier de l’ISL est TTC, donc comptabilise la TVA perçue en recettes et la TVA reversée en dépenses.

Source : ISL

L’effet majeur de la nécessaire parité de la subvention est sa stabilité, toute minoration ou revalorisation résultant d’un dialogue argumenté et d’un accord entre les tutelles dans le cadre de la convention. À cet égard, la rapporteure pour avis s’étonne qu’il ne soit pas fait usage de la flexibilité offerte par le règlement financier de l’ISL qui permet la mesure de la parité des financements sur trois années glissantes et n’exclut pas d’éventuelles variations nationales unilatérales, sous réserve d’une compensation dans ce délai.

L’inconvénient est en revanche, comme l’indique le tableau ci-dessus, une « glaciation » figeant la subvention, dont le montant est identique depuis 2008. La DGA considère pour sa part que le maintien de la contribution française à 21,124 millions d’euros représente un effort significatif alors que l’évolution des subventions aux opérateurs de l’État, auxquels peut être assimilé l’ISL bien qu’il n’en fasse pas partie en raison de son statut particulier, est orientée à la baisse.

Mais, ainsi que l’ont fait remarquer les directeurs de l’institut à la rapporteure pour avis, les tutelles jouissent d’un retour sur investissement exceptionnel puisque, pour un financement annuel de 21 millions d’euros, elles obtiennent chacune les résultats d’un financement de 42 millions d’euros dont elles bénéficient en totalité puisque le programme de recherches est commun.

Compte tenu du montant des subventions versées à d’autres opérateurs, et toutes proportions gardées, force est de constater que l’ISL reçoit une subvention d’un niveau très élevé puisqu’elle atteint près de 90 % de son budget. Ce montant facial est toutefois trompeur car il comprend de fait l’ensemble des contrats gouvernementaux. Il s’explique également par la limitation pesant sur les contrats de tiers qui doivent eux-aussi contribuer directement à l’accomplissement du programme de recherche approuvé par le CA.

La rapporteure pour avis s’étonne toutefois de l’absence de toute revalorisation en neuf ans, de 2008 à 2017, alors que tant le contexte économique, pour ne parler que de l’inflation, que le contexte scientifique ont évolué. Dans le même temps la production de l’ISL a crû en qualité et en quantité à la suite du plan ISL 2020. Les chiffres auxquels fait référence la rapporteure pour avis sont ceux du tableau ci-dessus : en réalité la subvention était déjà d’un montant identique en 2001. La rapporteure pour avis estime donc qu’en cohérence avec le format scientifique approuvé par les tutelles dans le cadre du plan ISL 2020, une revalorisation s’impose, d’un montant supérieur à celle que la partie allemande semble avoir prévu, d’un million d’euros en 2018 sous réserve d’une décision identique du côté français.

Les subventions directes des deux tutelles ne suffisent pas à financer l’ensemble des travaux du programme de recherches approuvé par le CA. La première raison d’être des contrats de tiers est donc d’assurer un cofinancement de ce programme de recherche et de contribuer à son accomplissement, tout en satisfaisant le besoin d’un client tiers. L’objet des contrats doit en effet s’insérer obligatoirement dans la stratégie scientifique de l’institut et le conseil d’administration ainsi que le CCRE veillent à ce qu’ils ne s’en écartent pas.

Le recours aux contrats de tiers présente d’autres avantages : il exige une ouverture vers l’extérieur et l’entretien de relations étroites avec l’ensemble des donneurs d’ordre potentiels, qu’il s’agisse d’institutions ou d’industriels.

Or, ce qui s’avère déjà difficile pour l’ensemble des opérateurs de la recherche dans un contexte concurrentiel souvent très âpre, notamment avec le secteur privé qui perçoit, la rapporteure pour avis tient à le rappeler, lui aussi des crédits étatiques, l’est encore bien davantage pour l’ISL qui rend compte à deux tutelles et doit veiller à l’insertion des contrats de tiers dans sa stratégie scientifique.

Il s’ajoute à cela que la perception de ce type de contrats est radicalement différente selon que l’on se place de l’un ou l’autre côté du Rhin.

Si le ministère de la Défense français encourage le recours à des contrats de tiers et y contribue soit directement sous forme de contrats d’expertise ou de bourse de thèse, par exemple, soit indirectement en finançant les études d’un industriel qui en sous-traite une partie à l’ISL, il en va tout autrement du côté allemand.

La France considère en effet que les contrats de tiers sont la voie classique de valorisation des travaux d’un institut de recherche. Ainsi le fait qu’un client porte suffisamment d’intérêt à une innovation de l’ISL pour y consacrer un budget est un signe prometteur pour la valorisation ultime de cette innovation jusqu’à son terme, c’est-à-dire son intégration dans un équipement opérationnel. Cette logique est poursuivie tant pour les travaux les plus amont, pour lesquels les projets de recherche sont retenus par voie compétitive dans le cadre d’appels à projets, que pour la recherche plus appliquée, souvent contractualisée sous forme de plans d’études amont (PEA). Le PEA a pour objectif la validation et le développement de briques technologiques innovantes destinées à être incorporées dans de nouveaux systèmes via la réalisation de prototypes ou de démonstrateurs.

L’Allemagne distingue également les travaux technologiques les plus amont, « Stufe 1 » ou étape 1, et les travaux qui se rapprochent des plans d’études amont (PEA) français, « Stufe 2 » ou étape 2. Les pratiques françaises et allemandes peuvent sembler assez analogues dans les deux cas.

Mais de fait, la plupart des contrats de tiers émanent de donneurs d’ordre français, les contrats allemands étant réduits à la portion congrue. La qualité des travaux de l’ISL et leur nature, qui répond à un besoin commun franco-allemand, n’est pas en cause ainsi qu’en témoignent les nombreux contrats de tiers français qui lui sont confiés. Plusieurs raisons se cumulent pour expliquer cet état de fait.

Pour les travaux les plus amont, la France a mis en place différents dispositifs, ANR (14) ASTRID (15), RAPID (16), appels à projets FUI (17), etc. Ces outils de financement n’existent pas en Allemagne, à l’exception des appels à projets du ministère fédéral de la recherche desquels l’ISL est exclu de facto en raison de son étiquette défense. Les contrats de tiers auxquels est susceptible de prétendre l’ISL ne peuvent donc émaner que du ministère fédéral de la Défense ou d’industriels. Or, si le ministère fédéral de la Défense a passé il y a quelques années des contrats avec l’ISL, cette pratique est aujourd’hui proscrite, sans explication, par la tutelle allemande de l’ISL.

Par ailleurs, la DGA a fait le choix de se reposer uniquement sur l’ISL pour certains domaines de compétence dans lesquels seul l’institut détient donc une expertise. L’ISL est de ce fait un rouage indispensable pour la DGA qui s’attache à le promouvoir et à l’inclure dans ses plans de R&T, tout en veillant à la valorisation des innovations développées, quitte à faire preuve de quelque insistance auprès de certains acteurs de la défense.

Cet interventionnisme n’est guère de mise en Allemagne. À telle enseigne que le ministère fédéral de la Défense et l’office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr, le Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr (BAAINBw), mentionnent rarement l’ISL dans leurs documents de référence internes ou auprès des entreprises. De plus, en raison de sa situation géographique, l’ISL ne bénéficie pas d’une immatriculation comme acteur allemand de la recherche publique de défense et reste très peu visible aux entreprises. Le ministère fédéral de la Défense ne promeut pas l’ISL et semble assumer une non-ingérence qui ne tient compte ni de la taille, ni de la puissance des acteurs en présence (18). De plus, l’Allemagne associe plus facilement que ne le fait la France son industrie aux contrats gouvernementaux, au risque d’induire une notion trompeuse de gratuité des prestations de recherche de l’ISL, qui a fait tourner court de nombreuses propositions de l’ISL à l’industrie allemande

Finalement, l’ISL ne bénéficie d’aucun crédit public « Stufe 2 », les fonds, qui se comptent en millions d’euros, étant préférentiellement dirigés vers les instituts de l’Alliance défense appartenant à la Fraunhofer Gesellschaft, au prix d’une éventuelle duplication de travaux ou de compétences de l’ISL.

Globalement, la répartition de ces contrats, dont la quasi-totalité des travaux bénéficie en réalité aux deux tutelles, est très loin de la parité : si l’on observe la période allant de 2012 à 2016, 67,4 % du montant des financements de tiers proviennent de France, 25,7 % d’Allemagne et 6,9 % de programmes de l’Union européenne ou d’autres États. La tutelle allemande ne voit dans cet état de chose aucun motif d’y remédier car, selon elle et contre toute évidence, les contrats de tiers seraient effectivement au seul profit des clients tiers. La situation actuelle indiquerait même que la France tire davantage de profit de l’ISL que l’Allemagne. En tout état de cause l’ISL serait le seul fautif s’il ne parvient pas à acquérir des contrats de tiers en Allemagne.

Sans qu’elle semble résulter d’une volonté de nuire, cette absence manifeste de soutien de la part des autorités publiques allemandes, qui en assurent pourtant la tutelle, est principalement responsable du déficit de notoriété de l’ISL dans les cercles de la défense et, partant, de l’absence de contrats allemands. Une prise de conscience semble toutefois amorcée et l’ISL espère voir cette dynamique se concrétiser.

La rapporteure pour avis estime cependant qu’il est nécessaire que les ministres de la Défense des deux pays se saisissent de ce sujet car l’ISL est bien autre chose qu’un joyau sur la couronne de l’amitié franco-allemande. La France et l’Allemagne disposent avec cet institut d’un exemple de coopération réussie et productive, dans le droit fil des intentions formulées dans la lettre conjointe adressée à la Haute représentante de l’UE le 12 septembre 2016, préalablement au sommet de Bratislava, plaidant pour une défense commune globale, réaliste et crédible.

Les projets européens auxquels participe l’ISL sont tous civils dans l’attente du futur programme européen de recherche de défense. Mais ils ont une vocation duale, ne serait-ce que pour respecter l’exigence de contribution au programme de recherches approuvé par les tutelles de l’ISL.

Compte tenu de la taille modeste de l’institut, les contrats européens, s’ils représentent des opportunités intéressantes, constituent également une difficulté à maîtriser. En effet, le suivi administratif requis par la participation à un programme européen s’avère si lourd que la rentabilité est fortement mise en cause. Il s’agit là d’un problème commun à toutes les petites et moyennes structures, qu’elles soient institutionnelles ou industrielles.

Parmi de nombreuses difficultés, il semble souvent complexe d’accéder aux points de contacts nationaux (PCN) dont la mission est non seulement d’informer, de sensibiliser et de conseiller sur les opportunités de financement dans le cadre d’un projet de recherches européen mais également d’identifier les chercheurs susceptibles de répondre aux appels à projets et de les solliciter. Ces relais indispensables pour accéder aux programmes européens sont des personnels appartenant à des administrations, des instituts de recherche, des universités, des groupements professionnels, mais dont ce n’est pas la seule activité.

En Allemagne, en revanche, les PCN sont détachés de leur institution d’origine et se consacrent entièrement à cette tâche. Ils dépendent du ministère fédéral de la Recherche, ce qui en interdit de fait l’accès à l’ISL en raison de sa tutelle défense. L’expérience de l’ISL suggère qu’il serait pertinent de s’appuyer en la matière sur le modèle allemand qui permet :

– une aide réelle au montage de projets qu’il s’agisse de la recherche de partenaires, de l’optimisation de l’offre, des règles et des conditions d’éligibilité ;

– un accès facilité aux responsables de l’UE ;

– une participation active à la rédaction des projets ;

– une indépendance des PCN vis-à-vis de leur employeur.

Une présence plus importante d’experts français à l’évaluation des projets serait sans nul doute utile et devrait permettre une augmentation du taux de réussite des projets.

Un adossement de l’ISL à une ou plusieurs structures plus importantes serait utile à l’acquisition et à la gestion de ce type de contrats et contribuerait à la notoriété de l’institut. Il conviendrait toutefois d’identifier les structures idoines et de parvenir à un accord équilibré afin qu’un adossement ne signifie pas le dépouillement par une structure plus importante des plus-values majeures de l’ISL, mais au contraire son parrainage via une sorte de labellisation, voire de « franchise ».

En 2011, les tutelles ont demandé à l’ISL d’accroître significativement le retour sur investissement de l’ISL, autrement dit, le service qu’il rend en proportion des subventions directes qu’il reçoit. C’est la raison d’être du plan d’action ISL 2020, approuvé par le CA 2012. Les travaux menés dans ce cadre ont conclu à la nécessité d’un recentrage limité de l’institut sur les points forts identifiés et d’un renforcement des équipes scientifiques, dimensionnées systématiquement au-dessus de la taille critique dans toutes les disciplines, en dépit de leur diversité, voulue et très largement conservée au sein de l’ISL. Ce recalibrage du secteur scientifique de l’ISL devait être financé, d’une part, par des économies drastiques sur tous les autres postes de dépenses, d’autre part, par une augmentation modeste des recettes. En l’absence de possibilité d’évolution positive des subventions directes des tutelles, il a été décidé, au lancement d’ISL 2020, de faire reposer l’intégralité de l’augmentation des recettes sur les contrats de tiers.

Une évaluation scientifique externe effectuée en 2011 avait souligné que l’effectif scientifique dans certaines disciplines était parfois trop juste. Elle avait également insisté sur l’atout que représentait l’interdisciplinarité extensive en cours à l’ISL, notamment en termes de capacité à générer des ruptures technologiques. En conséquence, un nombre réduit de domaines estimés non prioritaires a été abandonné. Dans le même temps l’interdisciplinarité a été encouragée, notamment en mettant en place des groupes de recherche de taille plus importante et moins nombreux, tout en mettant l’accent sur les projets transverses, favorisant ainsi l’interdisciplinarité active. Les groupes ont été étoffés et le nombre de doctorants a été décuplé, démultipliant d’autant les partenariats scientifiques permettant à l’ISL d’orienter de la recherche civile vers ses problématiques de défense. Une stratégie scientifique a été élaborée, approuvée par le CA, et déclinée en feuilles de route par domaine. Enfin, des marqueurs d’excellence ont été promus dans toutes les disciplines : publications scientifiques dans des revues prestigieuses, enseignement dans des universités de renom, etc.

Il prévoit notamment un accroissement des ressources nettes issues de contrats de tiers de 300 000 euros par an. Cet objectif est a été globalement tenu jusqu’à fin 2015.

Une nouvelle politique en matière de ressources humaines privilégie le recours à du personnel en contrat court ainsi qu’à des doctorants, à l’instar de ce qui se pratique dans la majorité des organismes de recherche. Aujourd’hui environ 25 % des ingénieurs et des chercheurs en poste à l’ISL travaillent dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, ce qui s’approche du chiffre de 30 % communément observé dans des structures similaires.

Parallèlement, l’évolution des salaires a été modérée par le blocage du point d’indice de l’ISL de 2013 à 2016. La rapporteure pour avis observe que cette politique salariale est un frein de plus au recrutement de personnel, allemand particulièrement.

L’absence de nouveaux contrats de tiers du côté allemand pose tout bonnement la question de l’avenir de l’ISL aujourd’hui. En effet, le plan ISL 2020 mobilise déjà l’intégralité des efforts financiers réalisables sans affecter le potentiel scientifique de l’institut. Ces efforts ont été mis en œuvre dans le respect des préconisations du plan ISL 2020. Tout déficit de recettes par rapport aux projections de ce plan se traduirait logiquement par une contraction du potentiel scientifique de l’ISL. La rapporteure pour avis estime qu’une telle option serait une politique inconséquente et qu’il conviendrait, au contraire, de donner à l’ISL, modèle de coopération réussie et productive, les moyens de se développer. Elle engage donc les ministres de la Défense des deux pays à se saisir de ce sujet afin que le meilleur parti soit tiré de la valeur ajoutée de l’ISL.

Au cours de sa déjà longue histoire, l’ISL a été à l’origine de plusieurs innovations emblématiques dont l’obus Gessner à charge creuse, le projectile flèche et sa charge utile (barreau), le blindage réactif, le projectile à correction de trajectoire, la déflagration stationnaire ainsi que de nombreux moyens métrologiques pour des temps de mesure extrêmement courts tels que la chronoloupe à étincelles, les tubes de radiographie-éclair, etc.

Parmi ces innovations, la rapporteure pour avis tient à citer la mise au point d’un produit usuel et peu onéreux qui rend de grands services aux soldats sur le terrain. Il s’agit de protections acoustiques préservant l’ouïe à la fois contre les nuisances sonores continues et les détonations. Ces bouchons d’oreilles passifs permettent une atténuation progressive selon le niveau de bruit sans nuire à l’efficacité opérationnelle car ils n’obèrent pas la perception de l’environnement acoustique. Ils sont produits aujourd’hui sous licence ISL par la société 3M-France, à des millions d’exemplaires et ils équipent les armées américaine, française, allemande, britannique et belge.

Dans le domaine des poudres, a été transféré à l’industrie française un procédé présentant une très faible sensibilité aux chocs et contribuant à accroître la sécurité des forces utilisatrices de production d’un explosif, le VI-RDX.

Une autre innovation retenue pour la fusée Ariane 6 est un détonateur sans explosif primaire, initié à distance par une source laser. Insensible aux perturbations électromagnétiques et thermiques, ce dispositif peut désormais être monté au cours du circuit global de fabrication et non plus sur le pas de tir, comme c’était le cas avec le dispositif précédent. Indépendamment de la sécurisation des chaînes d’initiation pour la séparation des étages du lanceur, ce procédé permet un gain de temps et des économies considérables. Une version adaptée est à l’étude pour le domaine terrestre.

Les recherches menées par l’ISL se classent en quatre domaines interconnectés et complémentaires et, pour reprendre une expression souvent utilisée par les membres de l’institut, elles concernent « le glaive et le bouclier ». Le but de cet alinéa n’est pas de faire un panorama exhaustif des recherches menées actuellement par l’institut mais de présenter certaines d’entre elles que la rapporteure pour avis a pu découvrir avec grand intérêt lors de sa visite de l’ISL.

L’objectif est de détecter la menace en tant que source adverse d’énergie de destruction ou de perturbation, de l’atténuer autant que faire se peut et, de manière ultime, de protéger les combattants débarqués et leurs véhicules contre l’énergie de destruction ou de perturbation résiduelle.

Dans ce cadre, les recherches concernent notamment la détection et la localisation acoustique des tirs afin d’améliorer la détection des snipers, assorties de la fusion des données d’imagerie avec celles issues de la détection acoustique, ce qui permet d’accroître les capacités des combattants en matière de connaissance de la situation ou « situational awareness ». Le système IMOTEP (Improvment of optical and acoustic technologies of protection ou amélioration des technologies de protection optiques et acoustiques) repose sur un réseau de capteurs mobiles et statiques qui transmettent des informations analysées et matérialisées par une alerte sonore spatialisée dans le casque du soldat, affinant ainsi la perception qu’il a de son environnement. La marge d’erreur relative à la distance entre la menace, le tireur adverse et l’antenne est infime puisqu’elle est de 2 % environ.

Un autre système, le 3D Audio Display, couple protection auditive et information spatiale. Comme a pu l’expérimenter la rapporteure pour avis, ce système permet d’identifier la localisation des sons dans un environnement de communication indirecte, par casque en l’occurrence, ou par radio. En effet, s’il est simple de reconnaître la provenance des sons, c’est-à-dire les interlocuteurs même nombreux, en communication directe, cela devient impossible lorsque tous les sons passent par un casque. Le système permet de restituer acoustiquement la direction des locuteurs et de faciliter ainsi la compréhension d’échanges entre plusieurs interlocuteurs, ce qui s’avère particulièrement utile en situation opérationnelle dans un environnement assourdissant.

Après la protection auditive passive, transférée à l’industrie, qui équipe déjà de nombreuses armées, les études se poursuivent avec la protection auditive active pour améliorer encore la communication dans les environnements bruyants.

Le système embarqué de détection de changement permet notamment la détection d’engins explosifs improvisés (IED), d’objets suspects ou de traces de véhicules sur un itinéraire connu. Il identifie les modifications du terrain quasiment invisibles à l’œil nu par la comparaison assistée en temps réel de vidéos directes et enregistrées et mémorise les itinéraires. Ce système a été mis au point en collaboration avec l’armée de terre française. Si l’homme seul détecte 20 % des IED, le taux monte à 80 % lorsqu’il s’aide de ce système. Ce dispositif a de nombreuses applications potentielles déclinées également dans le secteur civil, notamment dans le secteur des transports.

En matière de détection de drones, le système sur lequel travaille l’ISL permet leur identification par des méthodes acoustiques et optiques dans des conditions difficiles, qu’il s’agisse de la météorologie ou de l’environnement dans lequel évolue le drone. En effet s’il semble relativement simple de détecter un drone dans le ciel, il est beaucoup complexe de le repérer dans un environnement texturé, végétation ou constructions urbaines. Ce système offre une détection acoustique allant jusqu’à 300 mètres et une détection optique allant jusqu’à 1 000 mètres.

L’institut est également en pointe en matière d’imagerie active grâce à l’avancement des recherches en matière de sources laser et d’intensificateurs de lumière. L’imagerie active permet, outre la vision de nuit, la vision en environnement dégradé, pluie, brouillard, fumée…, à une distance pouvant aller jusqu’à dix, voire quinze, kilomètres associée à la reconstruction de la scène en trois dimensions. Ce dispositif pourrait faire l’objet d’un transfert vers l’industrie dans un avenir proche.

L’objectif est la réduction de la sensibilité des matériaux énergétiques et la conception de matériaux de protection aux performances accrues.

Dans ce domaine les travaux de l’ISL portent sur la mise au point de matériaux pour des applications spécifiques. L’institut ne développe pas de nouveaux matériaux, c’est-à-dire n’invente pas de molécules inédites, mais en améliore les caractéristiques intrinsèques telles que la masse ou la résistance. Ces nouveaux matériaux de protection issus de la métallurgie de poudres très fines consistent en des composites, parfois multicouches, de métal, d’alliages métalliques, de céramiques ou de polymères. Ces matériaux se déclinent en blindages légers et transparents, pour les pare-brise des véhicules blindés par exemple, en gilet pare-balles et, plus globalement, permettant un allégement substantiel des matériels.

Des travaux sont également menés sur les poudres et matériaux énergétiques afin d’en développer l’insensibilité, pour améliorer la sécurité de leurs servants, et les performances, notamment afin d’accélérer les projectiles. Les nano matériaux énergétiques, des particules de l’ordre d’une dizaine de nanomètres, soit un dix-millième du diamètre d’un cheveu, qui modifient la dynamique d’explosion, sont étudiés par une unité mixte de recherche, regroupant l’ISL, le CNRS et l’université de Strasbourg.

L’objectif est la confirmation de la faisabilité et des bénéfices opérationnels de nouveaux types d’armes.

Il est vraisemblable que les armes nouvelles seront électriques. L’ISL est le seul en Europe à mener depuis plus de vingt ans des travaux sur le canon électromagnétique qui permettent à la France et à l’Allemagne de faire plus que se maintenir dans la course technologique. Les États-Unis enregistrent également des résultats significatifs de leur côté, grâce à des moyens sans commune mesure. Les résultats laissent entrevoir que les premiers produits opérationnels pourraient marquer cette rupture dans les concepts d’artillerie à l’horizon d’une dizaine d’années. Le canon électromagnétique devrait permettre de lancer des projectiles jusqu’à une vitesse initiale de trois kilomètres par seconde, à cadence de tirs élevée sans utiliser de poudre propulsive. Un effet terminal significatif serait atteint même en l’absence de charge militaire, du seul fait de la cinétique du projectile. L’absence de poudre propulsive supprime les risques liés à son stockage, ce qui présentera un avantage substantiel en milieu marin notamment. Les technologies associées, le stockage d’énergie à délivrance impulsionnelle par exemple, font l’objet de travaux parallèles. La technologie développée par l’ISL pour ses lanceurs obtient un très fort taux de conversion d’énergie électrique en énergie cinétique.

L’ISL poursuit également avec succès des travaux sur les lasers de haute puissance à sécurité oculaire. La convention de Genève interdit les armes aveuglantes, c’est-à-dire les armes moins dangereuses pour les autres tissus humains que pour l’œil auquel elles causeraient des dommages irréversibles. Les lasers à sécurité oculaire sont aujourd’hui les seuls permettant de développer une arme laser opérationnelle respectueuse de la convention de Genève.

L’objectif est l’amélioration de la précision et de la portée des projectiles avec des solutions peu onéreuses.

L’amélioration de la précision des frappes s’impose comme une exigence majeure afin de minimiser les dommages collatéraux. Ainsi une partie croissante des munitions sera guidée à l’avenir. Il sera donc attendu des munitions d’artillerie ou de mortier qu’elles aient la précision d’un missile sans en atteindre le coût. Or, les munitions guidées existantes atteignent le prix de petits missiles, comme la roquette du lance-roquettes unitaire (LRU), par exemple. L’ISL travaille donc sur des dispositifs à bas coûts pour le contrôle et la navigation de munitions guidées planantes gyrostabilisées. Les munitions seraient équipées de capteurs très bas coût, du type de ceux qui sont utilisés dans les téléphones intelligents, dont les performances médiocres seraient compensées par la qualité des algorithmes de contrôle du pilotage. Ainsi les coûts récurrents sont minimisés par une conception astucieuse. L’objectif calendaire est de parvenir à des solutions d’architecture aérodynamique et de guidage-pilotage de munitions pour des applications à partir de 2025.

L’institut dispose d’installations de bonne qualité dont le maintien à niveau est assuré. Parmi ses dispositifs d’essais et ses installations, l’ISL compte notamment des chambres anéchoïques électromagnétiques ou acoustiques, des sources laser de différents types, un atelier de fabrication pour le formage, l’usinage et le montage de prototypes, de dispositifs de traitement des matériaux (barre de Hopkinson, compression isostatique à chaud, frittage SPS-Spark Plasma Sintering), une soufflerie trisonique et des souffleries à chocs, ainsi qu’un terrain d’expérience en plein air à Baldersheim pour des essais en condition réelle de balistique, de détonique et d’acoustique. L’institut dispose également des équipements métrologiques correspondants.

L’ISL consacre une moyenne de 20 % de son budget annuel aux investissements scientifiques et d’infrastructures. Force est de constater toutefois que le maintien d’un budget constant depuis 2001 a pour conséquence des infrastructures assez vétustes, contrepartie d’une sanctuarisation des investissements scientifiques. De ce fait, les opérations d’infrastructure à venir, à savoir le remplacement planifié pour 2018 de trois bâtiments obsolètes par un nouveau bâtiment, nécessiteront des crédits exceptionnels d’investissement.

Ainsi que le confirment les interlocuteurs du GICAT (19) rencontrés par la rapporteure pour avis, l’ISL ne semble pas souffrir d’un manque de reconnaissance dans ses domaines d’activité, qu’il s’agisse du milieu académique ou industriel, et ses équipes de chercheurs entretiennent des liens étroits avec l’ensemble des acteurs du secteur. Les recherches menées par l’institut se voient couronnées par de nombreux prix.

L’ISL est, par exemple, membre du réseau Carnot. Ce dernier compte en 2016 vingt-neuf instituts de recherche publique labellisés par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche qui pilote le dispositif. Créé en 2006, il rassemble aujourd’hui 15 % des effectifs de la recherche publique, dans le cadre de quelque 7 500 contrats de recherche chaque année. Il vise notamment à développer la recherche partenariale entre des laboratoires publics et des acteurs socio-économiques, l’accent étant mis sur les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, au service de l’innovation, de la compétitivité et de la croissance. Les études de recherche amont en constituent un pilier essentiel. Les instituts sont organisés en filières. L’ISL est membre fondateur de l’Institut Carnot MICA.

L’institut Carnot MICA

L’institut Carnot MICA est le spécialiste des matériaux fonctionnels, surfaces - interfaces et des procédés associés, avec 17 laboratoires de recherche, centres de ressources technologiques et centres techniques industriels.

Il regroupe les universités de Strasbourg, de Haute Alsace, de Reims Champagne Ardenne, le centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), les hôpitaux universitaires de Strasbourg, l’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH) et l’ISL. Il totalise un effectif de recherche de 1 000 ETP dont 448 doctorants pour un budget consolidé de 78 millions d’euros et des recettes partenariales industrielles de 20 millions d’euros.

L’ISL entretient des relations privilégiées avec les utilisateurs finaux de ses innovations, notamment avec les forces spéciales friandes de nouvelles technologies, avant même la maturité nécessaire pour un déploiement généralisé, avec les responsables de travaux capacitaires dans les armées et avec les opérationnels de terrain. Ces relations ont permis, par exemple d’adapter de manière optimale un système d’aide à la détection d’engin explosif improvisé aux compétences des démineurs.

Toutefois l’ISL est une structure de taille moyenne qui travaille dans certains secteurs de niches et dont la communication se heurte à l’écueil de la confidentialité propre à tous les acteurs du domaine de la défense. La rapporteure pour avis regrette toutefois que l’institut et le spectre de ses recherches ne soient pas plus connus, en France et en Allemagne, au sein même de la défense : organes du ministère, états-majors, armées… Un effort en ce sens, qui n’incombe pas au seul ISL et nécessite un soutien actif du ministère, lui semble indispensable et de nature à conforter le positionnement de l’institut. Les visites de l’institut, notamment par des délégations étrangères, seraient en forte croissance actuellement, ce que la rapporteure pour avis voit comme un signe encourageant.

En tout état de cause, la rapporteure pour avis estime que l’ISL représente le succès emblématique d’une coopération binationale de long terme, qui malgré certains écueils inévitables, se poursuit en se renouvelant et remporte de brillants succès au bénéfice de l’armement terrestre et des équipements de sécurité qui sont ceux qui touchent de plus près les forces qui combattent sur le terrain. Il convient donc de lui donner les moyens de poursuivre sa mission et de porter toujours plus haut le niveau d’excellence atteint aujourd’hui.

Dans son précédent avis portant sur le budget 2016, la rapporteure pour avis avait choisi d’attirer l’attention sur la situation de l’ONERA qui lui semblait préoccupante au regard des défis de l’aéronautique de demain. Considérant l’importance de ce sujet qui relève de la souveraineté, elle a tenu à faire un point d’étape. La rapporteure pour avis tient à souligner en premier lieu les évolutions positives intervenues dans l’intervalle.

Après avoir été une préoccupation, l’affaissement prédictible de la soufflerie stratégique S1MA de Modane était devenu une urgence. Conscient de l’importance de cet équipement et de l’impossibilité pour le budget de l’ONERA de prendre en charge les travaux nécessaires, le ministre de la Défense a mis à disposition un financement exceptionnel de 20 millions d’euros, dont cinq en réserve, ce dont se félicite la rapporteure pour avis. Le versement du complément de dotation de cinq millions d’euros fera l’objet d’un examen ultérieur et sera ajusté à l’aune des dépenses réellement constatées.

Les travaux de confortement des sols et de renforcement de la soufflerie ont débuté et se poursuivent sans surprise. Sur l’enveloppe de 15 millions d’euros, 13,5 ont été engagés en dépenses externes, des paiements ont été effectués à hauteur de 3,2 millions d’euros et le seront encore entre cinq et six millions d’euros d’ici à la fin de l’année.

Cette dotation en fonds propres est toutefois loin de couvrir le montant total des travaux nécessaires à la préservation et à la modernisation de cette soufflerie stratégique, qui est évalué à 55,3 millions d’euros. Il est, pour ce faire, prévu de solliciter un financement par le PIA 3 au titre des grands équipements de recherche dans le domaine aéronautique. Toutefois, compte tenu du calendrier de la mise en place du PIA, les crédits seront disponibles au plus tôt en 2018.

Le plan scientifique stratégique (PSS), qui faisait défaut à l’office depuis 2002, a été finalisé et diffusé. Si l’élaboration du document a relevé d’un important travail interne, elle a également rassemblé dans un esprit collégial l’ensemble des acteurs concernés : différents services de la DGA, au-delà de la direction de la stratégie qui exerce la tutelle de l’Office, le CNES, la DGAC pour le ministère des Transports et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, les industriels, le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), etc.

Le PSS, colonne vertébrale de la recherche pour les dix années à venir et vision stratégique scientifique partagée, exprime l’ambition de l’ONERA. Structuré en douze défis scientifiques et techniques, il présente des orientations stratégiques pour l’activité de recherche de l’établissement et le positionnement de l’office. Loin d’être un document figé pour la prochaine décennie, le PSS reste un document vivant qui a vocation à être complété par des feuilles de route, des jalons et des actualisations régulières, toujours dans un esprit de concertation.

Les axes scientifiques et technologiques prioritaires pour les cinq années à venir seront issus des travaux préparatoires du COP en fonction des ressources attendues.

Le futur contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’ONERA, couvrant la période 2017-2021, est en cours de finalisation. Les étapes de son entrée en vigueur sont les suivantes : présentation au comité central d’établissement et au conseil d’administration qui donnera au président de l’ONERA l’autorisation de signer le COP, contreseing par le ministre de la Défense et le président de l’ONERA, puis notification à l’office.

Le COP confirme les missions de l’ONERA ainsi que le maintien de la subvention à son niveau actuel, 105 millions d’euros, jusqu’en 2019 avant une légère augmentation d’un million d’euros en 2020 et 2021. Une réduction de 6,5 % de l’effectif opérateur sous plafond est toutefois prévue sur la période couverte par le COP ainsi que celle des investissements. Un équilibre devra donc être trouvé par l’office notamment au travers d’une réorganisation interne et d’un recours accru aux ressources contractuelles.

Les domaines de compétences de l’ONERA sur lesquels la DGA met l'accent sont les suivants, étant entendu que les attentes de l’ensemble des acteurs du secteur aérospatial ont été prises en compte dans le COP :

Ø aérodynamique, énergétique et aéroacoustique ;

Ø matériaux et structures ;

Ø traitement de l’information, conception et évaluation des performances des systèmes ;

Ø électromagnétisme, radar, optique et techniques de mesures physiques.

Si la rapporteure pour avis ne souscrit pas à certaines options du COP, elle estime cependant que les missions de l’ONERA et leur exécution avaient besoin d’un cadre qui faisait défaut depuis 2009.

L’organisation actuelle de l’ONERA date de 1997. Un changement est nécessaire afin d’adapter l’office aux changements intervenus dans son environnement, qu’il s’agisse de ses partenaires publics et privés ou de ses moyens économiques, matériels et humains.

Les points principaux sont la création de trois directions transverses, défense, aéronautique et spatial, au sein d’une direction technique générale et le passage de seize départements à sept, ce qui devrait faciliter les mouvements de personnel. Cette organisation devrait pouvoir être mise en place début 2017.

L’année 2015 a enregistré globalement un redressement de 10,5 % des prises de commandes par rapport à 2014, poursuivant ainsi la tendance constatée en 2013 et 2014. On note ainsi une légère hausse des commandes en provenance du secteur de la Défense, la reprise des commandes en provenance de la direction générale de l’aviation civile (DGAC), un maintien des commandes du centre national d’études spatiales (CNES), une hausse des financements issus de l’Union européenne mais une baisse notable, - 11 millions d’euros, des commandes en provenance de l’industrie aérospatiale.

L’office a battu à fin septembre 2016 le record de prises de commandes extérieures, à savoir 64,4 millions d’euros, alors que le précédent record était de 58 millions d’euros en 2011. Toutefois la part de commandes françaises représente seulement 38 millions d’euros et moins de 10 % de l’activité des souffleries. Le premier client est le programme européen Cleansky suivi par la DGA dont d’importantes commandes sont attendues en fin d’année, puis par l’agence nationale de la recherche (ANR) via le dispositif Carnot, la Corée et la Chine occupant respectivement la cinquième et la sixième place ; la DGAC vient ensuite suivie de l’Union européenne, avec H2020, et du CNES.

Le rapprochement amorcé se poursuit et la visibilité de l’ONERA s’est considérablement accrue en l’espace de deux ans.

Les travaux préparatoires du COP et du PSS ont permis le resserrement des relations entre les deux entités. La connaissance mutuelle a progressé et des discussions plus étroites que par le passé ont eu lieu sur l’orientation des travaux et l’utilisation de la subvention. Les informations circulent mieux et la DGA est, par exemple, régulièrement tenue informée du déroulement des travaux à Modane. L’avis partagé est que la relation est dans une dynamique positive mais nécessite encore des ajustements.

La rapporteure pour avis se félicite de cette inflexion qu’elle a perçue lors des auditions qu’elle a menées dans le cadre de cet avis.

L’ONERA est sorti de l’isolement qui lui a été préjudiciable au cours des dernières années. L’office s’est rapproché désormais de l’ensemble de ses partenaires et paraît déterminé à entretenir avec eux les relations les plus étroites possibles afin d’être leur interlocuteur privilégié.

En matière académique, et pour répondre à une volonté de sa tutelle, l’ONERA s’est engagé dans une démarche de coopération avec l’institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE), notamment avec la création d’un laboratoire mixte et pluridisciplinaire, doté d’un projet scientifique unique sous double tutelle, et qui regroupe l’intégralité des chercheurs de l’ISAE et de l’ONERA-Toulouse. L’ONERA et ISAE-SUPAERO ont par ailleurs renforcé leur coopération par la signature, le 24 mars 2015 à Toulouse, d’une convention de partenariat scientifique créant ainsi deux équipes communes de recherche (ECR). Les travaux concerneront les drones et, pour le secteur civil, les méthodes de certification des avions en collaboration avec l’école nationale de l’aviation civile (ENAC).

L’ONERA fait également partie des communautés d’universités et d’établissements (COMUE) « Université Paris-Saclay » et « Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées ». Le projet de la colocalisation à Palaiseau dans un bâtiment commun d’équipes de l’ONERA issues du site de Meudon et d’équipes de l’ENSTA ParisTech et de l’École polytechnique est toujours d’actualité.

C’est à dessein que la rapporteure pour avis traite ce sujet au titre des préoccupations et non des avancées, ce qui aurait été le cas si elle avait fait sien le point de vue de la DGA. En effet, cette dernière considère que le maintien de la subvention au niveau de 105 millions d’euros représente une marque de confiance significative, alors que des efforts sont demandés à tous les opérateurs de l’État.

Le montant de la subvention prévue pour 2017 est à proprement parler de 104,7 millions d’euros en raison de la prise en compte d’un transfert de crédits vers le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », d’un montant de 334 746 euros, au titre de la contribution de l’ONERA à des dispositifs mutualisés (utilisation du réseau d’interconnexion assuré par le GIP RENATER et à l’accès aux bases documentaires scientifiques d’ELSEVIER).

La rapporteure pour avis considère que ce budget est insuffisant et que, s’il est indispensable que l’ONERA adopte une nouvelle organisation et s’il est acceptable que des efforts lui soient demandés, il ne lui sera toutefois pas indéfiniment possible de faire toujours plus avec toujours moins. Car une subvention qui n’augmente pas est une subvention qui baisse.

L’histoire enseigne pourtant que le retard en matière de recherche ne se rattrape jamais et conduit à l’obligation de faire l’impasse sur certains domaines qui sont alors laissés à d’autres qui prennent le pas non seulement sur la recherche mais également sur l’industrie et in fine sur la capacité opérationnelle. La rapporteure pour avis estime qu’en cette période d’instabilité il est indispensable de préparer l’avenir en donnant à la recherche publique de défense les moyens qu’elle est en droit d’attendre pour satisfaire les ambitions légitimes de la France en matière de défense. Il s’agit en l’occurrence d’adapter les moyens aux missions et non l’inverse.

La rapporteure pour avis tient à reprendre à son compte une suggestion qu’elle avait relayée dans son avis précédent. Le montant des commandes de la DGA en contrats de tiers s’élève à une moyenne basse de 30 millions d’euros par an. Ces contrats sont transmis systématiquement en fin d’année. Pourquoi ne pas intégrer une part de ces contrats sur lesquels ne pèse aucune hypothèque, à hauteur de 15 millions d’euros par exemple, dans la subvention ? Ce glissement déplacerait simplement des flux de crédits sans modifier l’enveloppe budgétaire globale tout en procurant à l’ONERA une plus grande souplesse en matière de gestion.

Ainsi que cela a été évoqué, la concentration des commandes de la DGA en fin d’année constitue un problème pour l’ONERA dans la planification de son activité. La DGA reconnaît cet état de fait mais en minimise les conséquences pour l’office, dont les contraintes sont celles d’un établissement de droit privé.

À titre d’exemple, les commandes notifiées par la DGA à l’ONERA entre le 1er janvier et fin août 2016 ont concerné pour l’essentiel : des prestations d’expertise technique portant sur les travaux industriels en cours sur le système ACCS (Air command and control system) de l’OTAN, des travaux d’études et d’exploitation d’essais relatifs aux missiles balistiques stratégiques, des travaux d’études technico-opérationnelles dans le domaine de la dissuasion et des travaux d’expertise dans le domaine de l’aéronautique d’une part sur des matériaux, d’autre part sur les normes d’interopérabilité de simulation.

Ces commandes représentent au total un montant d’engagements d’environ six millions d’euros TTC alors que le budget 2016 a été construit sur l’hypothèse de 33 millions d’euros de commandes en provenance de la DGA. Si le budget est respecté, 27 millions de commandes devraient parvenir à l’ONERA durant le quatrième trimestre de l’année, souvent après le 15 décembre, dont le contrat GRAVES qui a été signé mais n’a pas été notifié en 2015.

La rapporteure pour avis estime que la DGA, en tant que tutelle plus qu’en tant que client, devrait pouvoir régler cette difficulté en concertation avec l’ONERA et parvenir à répartir au long de l’année tout ou partie de ses commandes.

Voté tardivement, en février 2016, le budget inclut un léger déficit de 2,8 millions d’euros. L’équilibre global devrait être respecté malgré l’absence de la notification du contrat GRAVES.

Le nombre d’emplois sous plafond et hors plafond de l’ONERA évolue ainsi entre 2015 et 2016 :

(en ETPT)

 

Exécution 2015

Budget initial 2016

Plafond (LFI)

1 846

1 846

Effectifs rémunérés sous plafond

1 787

1 779

Effectifs rémunérés hors plafond

77

102

Total des effectifs rémunérés

1 864

1 881

Source : ministère de la Défense.

L’effectif hors plafond est composé principalement de doctorants cofinancés, de post-doctorants et d’apprentis.

Face aux défis que représentent d’un côté la réduction d’emplois prévue par le COP, le regroupement des implantations franciliennes, la réorganisation de l’office et, de l’autre, le maintien, voire l’élargissement, pédagogique notamment, des missions de l’office, l’adhésion du personnel conditionnera la réussite de l’ONERA dans les années à venir alors que des tensions se font jour.

La rapporteure pour avis souligne que, si le recours à des doctorants est une bonne chose, il faut veiller à ne pas précariser outre mesure les emplois de la recherche en privilégiant les contrats à court terme. Par ailleurs, l’accueil de beaucoup plus de doctorants nécessite un encadrement que l’ONERA ne sera plus en mesure de fournir si la réduction de 116 personnels prévue dans le COP est respectée.

La rationalisation des implantations immobilières franciliennes de l’ONERA figure parmi les objectifs du COP. Le montant du projet évoqué en 2015 a été revu à la baisse et passe de 190 à 153 millions d’euros. Un marché pour la valorisation des terrains a été notifié à la SEM 92 en septembre. Il est toutefois vraisemblable que le produit des cessions immobilières des sites de Meudon et Châtillon ne couvrira pas le coût des travaux nécessaires au regroupement francilien. L’évaluation des prix de cession des deux emprises sera connue fin 2016.

La rapporteure pour avis s’étonne que les moyens nécessaires à cette opération, pourtant annoncée, ne figurent pas dans le COP. Ils devront donc faire l’objet d’un financement exceptionnel. La rapporteure pour avis suggère à ce propos que soient réintégrés dans un prochain budget de l’ONERA les 10 millions d’euros « correspondant aux crédits qui avaient été gelés dans le fonds de roulement de l’établissement, fin 2010, pour le financement d’une opération immobilière, devenue sans objet » qui avaient été retirés du budget 2014.

Afin de maintenir le parc de souffleries au meilleur niveau mondial leur rénovation est indispensable. Un plan de rénovation, comprenant les travaux nécessaires à Modane pour partie amorcés, se montant à 218 millions d’euros a été élaboré par l’ONERA. Il est en attente d’une validation par la tutelle, un travail devant être mené préalablement par les acteurs concernés sous l’angle d’une meilleure inclusion des enjeux scientifiques. Il n’est pas budgété dans le COP.

Le point d’équilibre pour l’activité des souffleries est de 40 millions d’euros par an. L’activité sera de 13,7 millions d’euros en 2016, dont moins d’un million d’euros pour les commandes françaises. 90 % de l’activité aura donc reposé sur des commandes venant de l’étranger. Il est paradoxal que les entités nationales auxquelles sont destinés ces grands moyens qu’elles ont déclarés stratégiques ne les utilisent pas. Le parc ne pourra être maintenu sans une participation active de l’industrie.

Par ailleurs, le parc européen de souffleries est notoirement surdimensionné et les souffleries ne représentent ni en France, ni ailleurs une activité rentable. Il est à craindre qu’il faille se contenter de tendre vers un équilibre qu’il sera difficile d’atteindre alors qu’aucun grand programme aéronautique n’est en cours actuellement.

L’ONERA avait été sélectionné et nommé l’année dernière chef de file d’AirCar, la filière aéronautique des Instituts Carnot. C’est ce que confirme une présentation maison : « Un consortium conduit par l’institut Carnot ONERA, organisme de recherche dédié à la filière aéronautique AirCar couvre l’ensemble des besoins scientifiques et techniques des entreprises de la filière (20) ».

L’office a toutefois appris en juillet dernier qu’il avait perdu le label Carnot en raison, semble-t-il, de ses ambitions irréalistes en matière de contrats avec l’industrie, qui sont pourtant conformes à celles du COP établies en concertation avec les acteurs du secteur aérospatial.

L’ONERA resterait pourtant chef de la filière dont il est exclu...

À l’avant-veille d’un financement de la recherche de défense par des crédits européens, la rapporteure pour avis tient à mettre en garde contre la tentation de baisser l’effort national. C’est également ce qu’exprime M. Jorge Domecq, directeur exécutif de l’Agence européenne de défense : « L’utilisation du budget communautaire pour la R&T de défense ne doit en aucun cas remplacer les efforts nationaux, mais aidera à générer une masse critique, à faire travailler en réseau les entités européennes de recherche et, très important, à accroître l’interopérabilité et les normes ». Pour exercer une influence dans ce concert, la recherche nationale devra être au niveau de ses partenaires européens et le maintien de capacités nationales de recherche au plus haut niveau est plus que jamais indispensable.

Or, la rapporteure pour avis est légitimement préoccupée au regard de ses travaux dans le cadre du présent avis. Elle redoute, non un déficit brutal de compétences qui sont bien présentes et de très haut niveau, mais une lente érosion, avant un décrochage, face à des établissements de recherche étrangers bénéficiant d’un soutien public important et, surtout, ascendant. Il n’est que de citer la part de la subvention publique du DLR (21) allemand, qui atteint 70 % de son budget, et croît d’année en année, tout comme ses effectifs. À cela, nous opposons au mieux une stagnation et, en matière de personnel, un reflux.

À l’inverse de tendances jacobines très françaises, le monde de la recherche tend à se diviser en petites unités réparties sur l’ensemble du territoire. La moindre école crée son laboratoire de recherche et si la diversité favorise la créativité, il est également à craindre que la plupart des entités qui n’atteignent pas la taille critique travaillent en pure perte, si ce n’est à des fins de formation qui peuvent emprunter d’autres voies, et consomment des financements en vain.

La rapporteure pour avis nourrit également la crainte de voir, pour des raisons budgétaires, les contrats de recherche à court terme prendre le pas dans les plans de charge des instituts sur la recherche la plus amont, celle qui est à risque et que seuls des financements publics peuvent assurer. Il n’y a pas de technologie, donc pas d’industrie, sans science et sans recherche.

Or la recherche se déroule sur un temps long, comme le confirmait le président de Dassault Aviation à la rapporteure pour avis, à l’horizon de dix, vingt, trente ans. Le champ de bataille de demain s’anticipe dès aujourd’hui. Le drone MALE européen, qui devra relever le défi que représente l’insertion dans le trafic aérien européen, objet d’études déjà en cours, est un exemple des conséquences d’une anticipation défaillante. Les récents succès français à l’exportation sont quant à eux le fruit de décisions anciennes qu’il a fallu soutenir, parfois envers et contre tout.

Les travaux qu’elle a menés ont convaincu la rapporteure pour avis qu’il était essentiel de faire connaître les instituts de recherche de défense, en l’occurrence l’ISL et l’ONERA, le plus largement possible. Certes ces deux laboratoires sont connus et reconnus dans leur milieu et les scientifiques entretiennent des relations soutenues dans le milieu académique international. Mais il s’agit d’une notoriété confinée à un cercle d’initiés, qui au demeurant ne sont pas des décideurs. Il est donc nécessaire que l’information se diffuse, au sein du ministère de la Défense en premier lieu. La rapporteure pour avis a été surprise de découvrir combien cette richesse était méconnue, du grand public certes, mais aussi de certains élus ou des militaires.

Le succès des coopérations que conduit l’ONERA, notamment le laboratoire SONDRA ouvert avec Singapour, montre également que la recherche de défense est un atout majeur dans le cadre de l’exportation d’armement et peut figurer parmi les compensations proposées. Il est donc nécessaire que des représentants de ces instituts soient associés aux déplacements de prospection et que les attachés militaires et les attachés d’armement reçoivent durant leur formation des éléments leur permettant d’exposer l’intérêt que représente l’activité de ces laboratoires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 2 novembre 2016 à 21 heures (22)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2017.

Article 29 : État B – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN9 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Je vous ferai grâce de la lecture des exposés sommaires en cette heure tardive. Le premier amendement concerne l’augmentation de la subvention consacrée à l’office national d’études et de recherche aérospatiale (ONERA).

Mme Isabelle Bruneau, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement pour deux raisons. Premièrement, vous souhaitez ôter à cet effet des crédits à la simulation, qui est pourtant la seule alternative aux essais nucléaires. C’est donc peu cohérent. Deuxièmement, vous faites état d’une subvention réajustée de soixante-douze millions d’euros. Il se trouve cependant que le chiffre que vous évoquez ne correspond pas aux besoins qui m’ont été décrits lors des auditions. Je le trouve en effet disproportionné. D’autant que j’ai moi-même proposé l’année dernière d’accroître le budget de l’ONERA de quinze millions d’euros supplémentaires, ce qui me semblait à l’époque être davantage en adéquation avec sa situation.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je suis également défavorable à une ponction de soixante-douze millions d’euros des crédits alloués à la simulation nucléaire pour accroitre la subvention accordée à l’ONERA. Les crédits de la simulation sont justement nécessaires à la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et permettent de financer une alternative aux essais atmosphériques ou souterrains. Il faut donc continuer à investir dans la simulation nucléaire et je plaide en faveur d’une augmentation des crédits de recherche amont à cet effet, comme j’ai pu le rappeler aujourd’hui, lors d’un déplacement à Valduc avec mon collègue Jacques Lamblin. Nous avons ainsi pris connaissance des dernières avancées technologiques et scientifiques, dont les retombées sur l’emploi sont conséquentes pour un certain nombre d’entreprises françaises, notamment des PME.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN9.

Article additionnel : après l’article 55 – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN11 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à renforcer les crédits destinés à l’équipement conventionnel de nos armées, en particulier la rénovation des hélicoptères Cougar.

M. François Lamy, rapporteur pour avis. Je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je souhaiterais exprimer deux remarques, également valables pour les trois prochains amendements. Tout d’abord, les crédits de la dissuasion nucléaire correspondent à une juste suffisance, conformément à notre stratégie nucléaire. De plus, la loi de programmation militaire (LPM) ne prévoit aucune éviction du nucléaire par rapport aux armes conventionnelles et aux équipements de nos armées. Sacrifier les crédits consacrés à la dissuasion ne permettra pas de mieux équiper nos armées. J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie. La commission attend avec impatience les conclusions de la mission d’information que vous conduisez avec Jacques Lamblin à ce sujet.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN11. Elle examine ensuite l’amendement DN13 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à la construction et la présence d’un remorqueur de haute-mer à la Rochelle.

M. Gwendal Rouillard, rapporteur pour avis. Premièrement, je rappelle qu’en plus des navires affrétés, les Abeille, nos forces disposeront de huit bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) à la fin de la programmation : quatre civils affrétés et quatre militaires. Deux affrétés doivent être livrés en 2017 et les deux suivants en 2018. Pour les BSAH militaires, deux seront livrés en 2018 et les deux suivants en 2019. La LPM a donc bien pris en considération les enjeux capacitaires dans ce domaine. La question qui est posée est la suivante : faudrait-il, à temps plein, un navire de type remorqueur à La Rochelle ? C’est en réalité une question complexe. En effet, en fonction des conditions opérationnelles, direction et force des vents dominants par exemple, une intervention à partir de Brest peut s’avérer plus rapide qu’à partir de La Rochelle pour effectuer une mission dans le golfe de Gascogne. Je crois me rappeler que La Rochelle a disposé d’un remorqueur jusqu’en 2011. Le sujet peut être mis en débat mais pour ce soir, l’avis sera défavorable. Par ailleurs, je remercie notre collègue M. Candelier pour sa solidarité vis-à-vis de Lorient, mais l’invite à se tourner vers les bons canaux d’information et je lui signale que le plan de charge de Lorient est assuré pour dix ans.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN13. Elle examine ensuite l’amendement DN15 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à acquérir des hélicoptères NH90 pour renforcer la surveillance des zones maritimes dans plusieurs départements et collectivités d’outre-mer.

M. Gwendal Rouillard, rapporteur pour avis. Je partage une partie du constat de notre collègue Candelier puisque je l’ai moi-même exprimé. Les moyens de surveillance maritime, qu’il s’agisse d’ailleurs des moyens navals ou des aéronefs, sont trop modestes par rapport aux étendues à surveiller et par rapport aux intérêts à protéger. En revanche, je ne partage pas sa position concernant la dissuasion nucléaire. L’avis est défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN15. Elle examine ensuite l’amendement DN17 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à maintenir la proposition initiale de douze frégates européennes multi-missions (FREMM) aux chantiers navals de Lorient. Une frégate est nécessaire dans les plus brefs délais.

M. Gwendal Rouillard, rapporteur pour avis. Tout d’abord mon cher collègue, sachez que vous êtes dorénavant un invité permanent à Lorient (sourires). Quels que soient nos successeurs, je souhaite livrer un message : à titre personnel, je suis favorable à une augmentation du nombre de FREMM – du moins du nombre de frégates premier rang –, me faisant ainsi l’écho de l’état-major de la marine, eu égard au besoin opérationnel. Mon avis concernant cet amendement est cependant défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN17.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense »

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ».

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis

(Par ordre chronologique)

––  Dassault Aviation – M. Éric Trappier, président-directeur-général, et M. Bruno Giorgianni, directeur du cabinet du président, directeur des affaires publiques ;

––  Direction générale de l’armement, direction de la stratégie, service des recherches et technologies de défense et de sécurité – M. l’ingénieur général de l’armement Jean-François Ripoche, directeur, M. l’ICT IIIC Éric Pleska, adjoint gestion, et M. Stéphane Moizant, chef de la division en charge des tutelles sur les établissements publics de recherche ;

––  ONERA – M. Bruno Sainjon, président, et M. Jacques Lafaye, chargé de mission auprès du président ;

––  Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense – M. le vice-amiral d’escadre Hervé de Bonnaventure, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie, M. Philippe Perret, chef du service du pilotage des ressources et de l’influence internationale, et M. Mohamed Ayad, chef du bureau Programme 144, finances et prestations.

––  Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestesM. le général de corps d’armée (2S) Jean-Marc Duquesne, délégué général, et M. Philippe Gendreau, délégué général adjoint sécurité

Déplacements

– Visite du centre de l’ONERA à Modane-Avrieux ;

– Visite de l’ISL à Saint-Louis.

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