N° 4130 tome VI - Avis de M. Christophe Guilloteau sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4130

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME VI

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

AIR

PAR M. Christophe GUILLOTEAU

Député

——

Voir le numéro : 4125 (annexe 12)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET DEVANT FAIRE L’OBJET D’UNE CERTAINE VIGILANCE AU REGARD DE LA PRESSION OPÉRATIONNELLE 9

I. UN PROJET DE BUDGET EN COHÉRENCE AVEC L’ACTUALISATION DE LA LPM, MAIS TENDU AU REGARD DE L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE 9

A. LES HYPOTHÈSES DÉPASSÉES DE LA LPM 9

1. Les préconisations du Livre blanc et les dispositions de la LPM 9

2. Des contrats opérationnels durablement dépassés 10

B. UN PROJET DE BUDGET EN COHÉRENCE AVEC LA LPM ACTUALISÉE, TENANT NÉANMOINS COMPTE DU CONTEXTE OPÉRATIONNEL 15

1. Présentation générale des crédits du programme 178 consacrés à l’armée de l’air 15

2. Présentation par titre et par opération stratégique 17

a. Dépenses de fonctionnement 17

b. Dépenses d’investissement 18

II. DES POINTS D’ATTENTION POUR L’AVENIR 18

A. ÉVALUER LES CONSÉQUENCES DE LA SURACTIVITÉ ET DE LA SURINTENSITÉ 19

1. Les risques sur l’activité 19

a. L’aviation de chasse 19

b. L’aviation de transport 20

c. Les ravitailleurs en vol 20

d. Les hélicoptères 20

2. Les risques sur l’équipement 21

a. L’aviation de chasse 21

b. L’aviation de transport et les hélicoptères 21

c. Les pods de désignation laser 21

B. GARANTIR À L’ARMÉE DE L’AIR LES MOYENS DE MENER SES MISSIONS 22

1. Améliorer la disponibilité des matériels 22

a. Le plan d’action pour limiter les risques 22

b. Améliorer le MCO aéronautique 22

2. Assurer la bonne tenue des programmes d’équipement 24

a. L’A400M 25

b. Le Rafale 26

c. Le programme de rénovation du Mirage 2000D 26

d. Le programme de rénovation des AWACS 26

e. Le programme de rénovation des ravitailleurs 27

f. Le système intérimaire de drones (SIDM) MALE 27

g. Le système MALE Reaper 28

h. Neuron 28

i. L’armement air-sol modulaire (AASM) 29

j. Le système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA) 29

k. La famille de systèmes Sol-Air Futurs 29

l. L’ASTER 30 Block 1 NT 30

m. Le missile d’intervention à domaine élargi 30

3. Fournir un effort en direction des personnels 30

DEUXIÈME PARTIE : LES OPÉRATIONS AÉRIENNES EN IRAK ET EN SYRIE DANS LE CADRE DE L’OPÉRATION CHAMMAL 33

I. L’ACTION DES FORCES FRANÇAISES AU SEIN DE LA COALITION 34

A. L’ORGANISATION DES FORCES FRANÇAISES 34

1. L’intégration dans une coalition internationale 34

2. La structure de commandement française garantit l’autonomie de l’action française et le contrôle national 34

B. L’ACTION FRANÇAISE 36

1. Les moyens français 36

a. La BA 104 37

b. La BAP 38

2. Le bilan de l’action française 39

II. LES POINTS DE VIGILANCE À L’AVENIR 41

A. GARANTIR LES MOYENS D’ACTION 41

1. Les munitions 41

2. Les ravitailleurs 41

3. Les pods 41

B. TENIR DANS LA DURÉE 43

1. Assurer le financement à long terme 43

2. Reconstituer le potentiel 43

TRAVAUX DE LA COMMISSION 47

I. AUDITION DU GÉNÉRAL ANDRÉ LANATA, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR 47

II. EXAMEN DES CRÉDITS 63

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis 67

INTRODUCTION

Cette année encore, les armées françaises ont payé un lourd tribut à la défense de notre pays et de ses valeurs à travers le monde. À l’heure de la rédaction du présent avis budgétaire sur les crédits consacrés à l’armée de l’air par le projet de loi de finances pour 2017, votre rapporteur pour avis tient à rendre hommage à l’ensemble des militaires français morts ou meurtris dans leur chair en effectuant leur mission, à leurs familles et à leurs proches. Il salue en particulier la mémoire du lieutenant-colonel Patrick Vallot, décédé le mercredi 5 octobre 2016 sur l’aéroport de Conakry en service aérien commandé lors d’un vol d’entraînement sur ULM-Tetras, et adresse ses plus chaleureuses pensées aux deux militaires du CPA-10 d’Orléans blessés le 2 octobre 2016 par un drone piégé près d’Erbil, où ils étaient déployés auprès des combattants kurdes irakiens.

Le présent rapport est consacré à l’étude des crédits budgétaires alloués à l’armée de l’air par le projet de loi de finances pour 2017. Centré sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », il ne peut néanmoins faire l’économie d’une évocation plus large des financements et actions prévus par la mission « Défense » dans son entier, qui regroupe également les crédits des programmes 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », 212 « Soutien de la politique de la défense » et 146 « Équipement des forces ».

De manière objective, votre rapporteur pour avis ne peut que constater que les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2017 sont en cohérence avec les prescriptions de la loi de programmation militaire (LPM) pour 2014-2019 actualisée. Toutefois, l’intensité de l’activité opérationnelle, symbolisée par l’accroissement du nombre des sorties aériennes et des frappes en Irak et en Syrie, couplée au maintien des missions traditionnelles de l’armée de l’air, invitent à la plus grande vigilance au moment d’examiner ce projet de budget.

En effet, le dépassement des contrats opérationnels est plus que jamais une réalité. Comme le rappelait devant la commission de la Défense nationale et des forces armées le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air : « vingt avions de combats sont déployés au lieu des douze prévus dans les contrats opérationnels issus du Livre blanc. Quatre bases aériennes sont projetées au lieu d’une prévue. Trois à quatre théâtres d’opérations sont investis en permanence au lieu d’un ». Cette situation est particulièrement préoccupante, et engendre des risques sérieux sur le maintien des capacités de l’armée de l’air : les aéronefs se dégradent vite, ce qui réduit leur disponibilité et accroît la pression sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, les hommes et les femmes sont fatigués, la formation des jeunes pilotes moins bien assurée ; en somme, c’est la reconstitution du potentiel qui est mise à mal.

Votre rapporteur pour avis consacrera la première partie du présent avis à l’analyse des crédits consacrés à l’armée de l’air. Alors que l’Assemblée nationale examine le dernier projet de loi de finances de la législature, il a souhaité insister sur les préoccupations concernant l’avenir, tant pour ce qui est des matériels que des personnels de l’armée de l’air. La seconde partie de l’avis, thématique, sera quant à elle consacrée cette année aux opérations aériennes menées en Irak et en Syrie. Alors que le groupe aéronaval (GAN) a récemment rejoint, pour la deuxième fois, le théâtre des opérations, votre rapporteur pour avis a souhaité se rendre sur la base aérienne 104 d’Al Dhafra, sise aux Émirats arabes unis, ainsi que sur la base aérienne projetée (BAP) en Jordanie, d’où décollent les Mirage et les Rafale déployés dans le cadre de l’opération Chammal. Votre rapporteur pour avis tient à saluer le courage et le professionnalisme de ces hommes et de ces femmes qui mettent leur vie au service de la défense de notre pays et de la lutte contre Daech. Si le bilan de l’action des forces françaises au Levant, et plus largement de la coalition internationale, est évidemment positif, car Daech recule, force est de constater que des points de tension existent, qui doivent faire l’objet de la plus vive attention de la part du Parlement bien sûr, mais de l’ensemble des citoyens.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2016, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 115 réponses sur 122 lui étaient parvenues, soit un taux de 94 %.

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET DEVANT FAIRE L’OBJET D’UNE CERTAINE VIGILANCE AU REGARD DE LA PRESSION OPÉRATIONNELLE

S’exprimant devant la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, reconnaissait avoir besoin d’une « parfaite exécution de la loi de programmation militaire actualisée compte tenu de l’absence de marges de cette programmation et d’une telle situation d’engagement ». L’appréciation du projet de budget pour 2017 pourrait être faite à l’aune de ce simple constat. La loi de programmation militaire, même actualisée, a reposé sur des hypothèses qui apparaissent aujourd’hui dépassées. L’activité opérationnelle est plus intense que jamais : outre l’engagement au Levant, l’armée de l’air est présente au Sahel dans le cadre des opérations Barkhane et Sabre, en République centrafricaine au sein de l’opération Sangaris en Centrafrique, où les hélicoptères Fennec apportent l’appui renseignement mais aussi l’appui-feu nécessaires, tandis que les groupements de chasse et de transport de N’Djaména participent ponctuellement à cette opération, et actuellement en Lituanie, dans le cadre des mesures de réassurance prise par l’OTAN. Bien évidemment, ces engagements s’ajoutent aux autres missions de l’armée de l’air. C’est ce qui rend aujourd’hui le projet de budget particulièrement tendu.

Pour rappel, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a défini une évolution du format des armées, traduite concrètement, pour son premier volet, dans la LPM 2014-2019, actualisée en 2015. Les forces aériennes doivent pouvoir assurer les trois fonctions fondamentales suivantes :

– la protection aérienne du territoire national et des populations grâce à leurs moyens de détection, d’identification et d’intervention dans son espace aérien et dans ses approches ;

– la dissuasion nucléaire au travers de la mise en œuvre de la composante aéroportée ;

– l’intervention visant à protéger nos ressortissants, à défendre les intérêts de la France, à honorer nos alliances et à respecter nos engagements internationaux.

Pour remplir l’ensemble de ces missions, le format défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la loi de programmation militaire 2014-2019 comprend notamment 225 avions de chasse – air et marine –, une cinquantaine d’avions de transport tactique, sept avions de détection et de surveillance aérienne – air et marine –, douze avions ravitailleurs multi rôles, douze drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et huit systèmes sol-air de moyenne portée.

Dans le cadre de l’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, les points saillants pour l’armée de l’air se déclinent autour de trois axes :

– un axe « protection » : une contribution révisée à la réduction de la diminution des effectifs civils et militaires à hauteur de 1 313 ETPT sur le domaine fonctionnel Air, ce qui entraîne un besoin supplémentaire évalué à 28 millions d’euros et une participation au financement du plot français au Qatar dans le cadre de la mission de soutien à l’exportation du Rafale, à hauteur de 93 millions d’euros ;

– un axe « capacitaire » : acquisition complémentaire d’avions C130 (1), commande avancée des trois derniers MRTT avant 2018 pour des livraisons avant 2025, acquisition d’une charge ROEM pour compléter la capacité des drones Reaper et commande de 25 pods de désignation laser Talios supplémentaires ;

– un axe « régénération » : 214 millions d’euros supplémentaires consacrés à l’entretien programmé du matériel sur la période 2016-2019 afin d’améliorer la disponibilité des flottes.

Ces efforts avaient vocation à améliorer les indicateurs d’activité opérationnelle, la disponibilité technique, ainsi qu’à maintenir dans la durée des opérations sur le territoire métropolitain comme sur les théâtres extérieurs. Votre rapporteur pour avis tient à souligner que la plupart de ces mesures ont été financées par des ressources internes au ministère. Par ailleurs, au regard de l’évolution du contexte sécuritaire, de nouvelles décisions ont été prises au début de l’année 2016, afin de fournir un effort financier conséquent sur les munitions air-sol, à hauteur de 182 millions d’euros sur la période 2016-2022, et de réduire à nouveau les déflations d’effectifs de 710 postes.

Les hypothèses sur lesquelles se fondent le Livre blanc et la LPM ne sont plus d’actualité. Si, après les opérations Harmattan en 2011 et Serval en 2013, l’année 2014 avait été une année de moindre activité en opérations extérieures (OPEX), les engagements en bande sahélo-saharienne et au Levant à compter de 2015 ont fortement accru les tensions logistiques, rendant difficile le maintien d’un seuil de disponibilité en métropole pour l’aviation de chasse et de transport. Pour cette dernière, la disponibilité 2015-2016 a été particulièrement contrainte, notamment pour des raisons technico-logistiques, pour les C130 et les A400M.

L’incidence des opérations extérieures est cependant à nuancer selon les flottes. Les activités des flottes chasse sont inégalement touchées. La plus grande contribution aux opérations extérieures revient aux Mirage 2000D, même s’ils ont été en partie soulagés par les Mirage 2000N et les Mirage 2000C. Les Rafale constituent ainsi la deuxième contribution. La part d’activité OPEX de la flotte d’hélicoptères est relativement faible en raison du nombre restreint d’appareils déployés. Cependant, une part non négligeable de la flotte d’hélicoptères est structurellement employée pour des missions récurrentes hors OPEX : forces de souveraineté en territoire ultramarin, missions permanentes sur le territoire national. Les drones Harfang ont été engagés à Niamey, avec des possibilités réduites de s’entraîner en métropole, malgré un rapatriement à Cognac à la fin du premier semestre 2016. Les drones Reaper sont quant à eux tous déployés sur la base de Niamey. Les flottes de transport présentent un fort pourcentage d’emploi en OPEX. La faible disponibilité des aéronefs et les astreintes à tenir en métropole ne laissent que très peu d’appareils disponibles pour les activités en métropole, essentiellement consacrées à la « régénération organique ». Enfin, s’agissant des flottes de soutien opérationnel – C135 et E3F essentiellement –, la majorité de l’activité a été consacrée aux OPEX.

Les contrats opérationnels issus du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 prévoient, en complément des missions et alertes permanentes sur le territoire national, de projeter dans la durée les moyens suivants pour la gestion de crise en opérations extérieures : douze avions de chasse, deux avions ravitailleurs, six avions de transport tactique, trois hélicoptères de manœuvre et un système de drone MALE. Par ailleurs, dans le cadre de l’échelon national d’urgence (ENU), le dispositif d’alerte Rapace prévoit des moyens pour une intervention intense et ponctuelle, de trois à six mois, ou comme premier élément de la montée en puissance de l’intervention majeure qui mobiliserait l’ensemble des forces durant douze mois, supposant notamment l’arrêt de l’entraînement et l’allégement des activités sur les autres théâtres.

En 2016, comme depuis deux ans, le niveau d’engagement est très supérieur aux hypothèses de référence pour la gestion de crise dans la durée. Ce dépassement s’apprécie autant en volume, puisque comme l’indiquait déjà l’an dernier votre rapporteur pour avis, jusqu’à quarante aéronefs sont déployés actuellement, soit près du double de la situation de référence, qu’en intensité, c’est-à-dire en heures de vol ou en nombre de munitions délivrées, plutôt comparables à un engagement permanent du dispositif d’alerte. Le nombre important des sites de déploiement, la rudesse des opérations et les distances à couvrir sur les théâtres suscitent également des contraintes importantes : les matériels et les personnels s’usent plus vite, les besoins de maintenance sont plus importants, les flux logistiques plus exigeants.


eploiements opex  (2)
L’étude de la situation opérationnelle des 18 derniers mois éclaire parfaitement la situation : les opérations conduites par les forces aériennes correspondent davantage à un engagement d’une intensité de type ENU qu’au modèle de gestion de crise, avec plus de 100 munitions atteignant l’ennemi chaque mois.

Cette situation n’est pas sans impact sur l’activité aérienne de la flotte de chasse, qui a diminué de 23 % entre 2010 et 2015 alors que sur la même période, la part OPEX est en revanche passée de 16 % à 26 % de l’activité totale, représentant 5 000 heures en 2012, 10 000 heures en 2013, 6 500 heures en 2014, 12 000 heures en 2015, à 13 000 heures en 2016 selon les premières estimations.

ÉVOLUTION DES HEURES DE VOLS DE LA FLOTTE CHASSE EN OPEX

apture

Source :ministère de la Défense.

Ce constat vaut également pour les avions de transport tactique (ATT), les heures de vol ATT totales réalisées par l’armée de l’air ayant diminué de 19 % alors que la part OPEX est passée de 24 % à 31 %.

Au-delà des conséquences induites par un engagement particulièrement intense, la disponibilité des aéronefs est également mise à mal par la montée en puissance des activités de soutien à l’export (SOUTEX), qui tend de plus en plus à prendre la forme d’une mission opérationnelle à part entière. Le SOUTEX recouvre plusieurs types d’activités, comme des efforts de promotion des matériels, via la participation à des salons aéronautiques ou à des exercices, des prêts d’équipements, ou la mise à disposition de moyens et de personnels pour les besoins de développements des standards demandés par les clients étrangers. À titre d’exemple, le SOUTEX représente 300 heures réalisées pour le marché Égypte et un besoin de 6 000 heures pour le marché Qatar, c’est-à-dire l’équivalent de la mobilisation de douze Rafale pendant deux ans.

Comme votre rapporteur pour avis le regrettait déjà l’an dernier, cette situation emporte plusieurs conséquences néfastes, s’agissant de la tenue des contrats opérationnels (2), du maintien des compétences dites de niche et de la formation des jeunes pilotes à des savoir-faire particulièrement exigeants en raison de l’irrégularité de l’entraînement ; l’activité des équipages en métropole est également affectée, en raison d’une réduction de l’encadrement, de l’activité et de la disponibilité des aéronefs, mais aussi de celle des équipements de mission. L’allongement des temps de formation des jeunes pilotes en escadron, de l’ordre de 30 %, est fortement préjudiciable au renouvellement des équipages.

Alors que les engagements des années passées ont conduit à l’explosion des contrats opérationnels, votre rapporteur pour avis estime que la situation ne va pas s’améliorer, et invite ainsi à concevoir dès à présent les futurs contrats opérationnels.

OPÉRATIONS 2012-2016

Moyens

Opérations extérieures

chasse

transport

hélicoptères

drones

soutien

opérationnel

PAMIR / Afghanistan

M2000D

Rafale

C160

EC725

Harfang

 

MFO / Sinaï

 

DHC-6

Cn235

     

LICORNE / RCI

 

C160

Cn235

AS555

   

Tadjikistan / Kirghizistan

 

C160

C130

     

ATALANTA / océan Indien

       

E-3F

EPERVIER / Tchad

F1 CT-CR

M2000D

C160

Cn235

   

C135

SERVAL / Mali

 

C160

SA330

 

CDCM

SERVAL / Sénégal

 

C160 Cn235

   

E-3F

SERVAL / Niger

 

C160

     

HERODOTE / Libye

Rafale

       

BARKHANE / Mali

 

Cn235

   

C160G

BARKHANE / Tchad

M2000D Rafale

C130 Cn235

EC725 SA330

 

RESCO/PRO/ESIS (3)

BARKHANE / Niger

M2000C M2000D

C160 Cn235

 

Harfang Reaper

C135

ESIS/PRO

MEDOR / Métropole

       

E3-F

SANGARIS / RCA

   

AS555

   

AMBRE / Ukraine

M2000D Rafale

     

E3-F

CHAMMAL / EAU-Jordanie

M2000D

M2000N

Rafale

     

C135 E-3F

Source : ministère de la Défense.

En 2016, l’engagement en OPEX, s’est encore intensifié. S’agissant de l’aviation de chasse, l’armée de l’air prévoit ainsi une hausse d’activité individuelle d’environ 3 %, la suractivité étant particulièrement nette pour les Mirage 2000D. Pour les hélicoptères, la hausse d’activité en 2016 est évaluée à 5 % par rapport à ce qui avait été prévu en début d’année, les hélicoptères opérant au profit des opérations spéciales étant les plus touchés. Enfin, les drones, les ravitailleurs C135 et les avions de guerre électronique C160G voient aussi leur activité augmenter.

Les perspectives pour l’année 2017 ne sont pas rassurantes de ce point de vue, puisque l’activité devrait augmenter de 14 % par rapport à 2016. Les compétences les plus complexes dans l’aviation de chasse et les hélicoptères ont jusqu’à présent été entretenues par un socle restreint d’équipages permettant de conserver une capacité à remonter en puissance.

Il convient d’accorder une attention particulière aux conséquences de cette suractivité et cette surintensité.

Comme le soulignait le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, l’année 2016 a vu quelques avancées majeures : la signature du contrat d’acquisition de deux avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), qui compléteront les capacités offertes par les drones Reaper, la modernisation des quatorze C 130H, commandée à l’été, la commande de quatre C130J neufs, la rénovation de cinquante-cinq Mirage 2000D, ou encore la commande de bombes de 250 kg et de kits de guidage de précision. Par ailleurs, les livraisons d’A400M se poursuivent : deux appareils ont déjà été réceptionnés cette année, un troisième est prévu d’ici la fin de l’année 2016. Dans le même temps, le projet de budget pour 2017 est conforme aux orientations de la LPM, et tient compte de l’activité opérationnelle.

Au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », qui fait l’objet du présent avis, les crédits alloués à l’armée de l’air sont inscrits dans l’action 4 « Préparation des forces aériennes ».

CRÉDITS DE L’ACTION 4 « PRÉPARATION DES FORCES AÉRIENNES »
DU PROGRAMME 178 POUR 2017 PAR SOUS-ACTION

(en millions d’euros)

S/Action

Rubrique

AE PLF

2017

CP PLF
2017

SA 04-02

Commandement et activités

centralisées des forces aériennes

7,4

7,0

SA 04-03

Activités des forces aériennes

259,5

258,2

SA 04-04

Activités des forces aériennes stratégiques

147,8

145,4

SA 04-05

Ressources humaines des forces

aériennes

75,8

75,4

SA 04-06

Entretien et équipements des

forces aériennes

2 466,8

1 490,3

SA 04-09

Service industriel aéronautique (SIAé) (1)

0

0

 TOTAL

2 957,3

1 976,4

(1) Cette sous-action, pour laquelle le reste à payer a été soldé en 2016, n’est plus utilisée.

Source : ministère de la Défense.

Votre rapporteur pour avis note une évolution à la hausse du montant inscrit en autorisations d’engagement (AE), qui s’explique par les points suivants :

– l’ouverture d’AE pour des marchés pluriannuels au titre des contractualisations dédiées notamment à FOMEDEC (4), au soutien des SAMP (5) et à la reconstitution des stocks de munitions, pour un montant total de 936 millions d’euros contre 500 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2016 ;

– l’ouverture de 95 millions d’euros d’AE, contre 30 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2016, traduisant une montée en puissance du soutien à la régénération du potentiel de l’aviation de chasse. Il s’agit de prendre en compte la remise en ligne en 2017 de huit Rafale de plus qu’en 2016, et l’augmentation de l’activité de la flotte ;

– l’ouverture de 109 millions d’euros consacrés aux crédits d’entretien programmé du matériel (EPM), contre 105 millions d’euros en 2016, dans le cadre de l’actualisation de la LPM pour le soutien des matériels anciens et particulièrement sollicités en opérations extérieures.

La dotation 2017 en crédits de paiement (CP) reste du même ordre de grandeur qu’en 2016 et tient compte des paiements prévus par l’actualisation de la LPM dans le domaine de l’entretien programmé des matériels, à hauteur de 214 millions d’euros sur la période 2016-2019 pour l’armée de l’air ainsi que dans le domaine des munitions air-sol, à hauteur de 55 millions d’euros en 2016 puis 89 millions d’euros en 2017. Toutefois, si le projet de loi de finances 2017 alloue 109 millions d’euros d’autorisations d’engagement au titre de l’axe « régénération », les crédits de paiement associés ne seront majoritairement mis à disposition qu’en 2019.

L’analyse de l’évolution des crédits par titre et par opération stratégique permet de suivre de manière plus fine l’intensité de l’effort budgétaire de l’État à destination de l’armée de l’air.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 4, PAR TITRE, ENTRE LE PLF 2016 ET LE PLF 2017

(en millions d’euros)

 

AE PLF 2016

AE PLF 2017

%

CP PLF 2016

CP PLF 2017

%

Titre 3

2 483,6

2 911,1

17%

1 889,1

1 930

2%

Titre 5

62,7

46,2

- 26 %

61,2

46,4

- 24 %

Total

2 546,2

2 957,3

16 %

1 950,2

1 976,4

1 %

Source : ministère de la Défense.

Les crédits de l’opération stratégique (OS) « activités opérationnelles » (AOP) de l’action 4 « Préparation des forces aériennes » s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2017 à 343,56 millions d’euros en AE et 341,99 millions d’euros en CP, en recul de 12 % par rapport au PLF 2016. La diminution de la dotation de l’OS AOP s’explique essentiellement par l’évolution favorable du coût des produits pétroliers permettant, sans incidence sur les volumes acquis, une baisse des crédits de l’opération budgétaire (OB) « carburants opérationnels hors carburéacteur et combustibles de navigation ».

Les crédits de l’opération stratégique « fonctionnement et activités spécifiques » (FAS) s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2017 à 25,28 millions d’euros en AE et 24,78 millions d’euros en CP, en progression de 37 % par rapport au PLF 2016 du fait de la nécessité de revenir sur les projections trop ambitieuses des indices économiques retenues en loi de finances initiale pour 2016.

Les crédits des opérations stratégiques « entretien programmé des matériels » et « dissuasion » (DIS) s’élèvent au total en projet de loi de finances pour 2017 à 2 450,26 millions d’euros en AE, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2016, et à 1 447,88 millions d’euros en CP, un montant comparable à 2016. La dotation en AE inclut 828 millions d’euros destinés à couvrir des engagements pluriannuels dont la notification est envisagée au cours de l’année 2017. Cette ressource se compose également de 95 millions d’euros d’AE de montée en puissance et de 109 millions d’euros d’AE liés à l’actualisation de la LPM.

Les crédits dédiés aux équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC) par le projet de loi de finances pour 2017 s’élèvent à 92 millions d’euros en AE et à 115,32 millions d’euros en CP, en forte augmentation par rapport au projet de loi de finances pour 2016, à hauteur de 189 % en AE et de 271 % en CP. Cette évolution à la hausse s’explique par la poursuite des efforts entamés en 2016 pour augmenter les stocks de munitions aériennes à hauteur des objectifs opérationnels.

Cette opération stratégique regroupe trois activités : les armements et munitions aéronautiques (84,73 millions d’euros d’AE et 108,86 millions d’euros de CP) ; les armements et munitions non aéronautiques (4,82 millions d’euros d’AE et 4,12 millions d’euros de CP) ; l’entraînement des forces (2,45 millions d’euros d’AE et 2,33 millions d’euros de CP).

Les crédits de titre 5 représentent 46,25 millions d’euros d’AE et 46,45 millions d’euros de CP en projet de loi de finances pour 2017, en recul par rapport au projet de loi de finances pour 2016.

Les crédits d’EPM et de DIS, d’un montant de 1,03 million d’euros de CP, concernent le démantèlement des matériels aéronautiques.

Les crédits consacrés aux EAC représentent 46,25 millions d’euros en AE et 45,41 millions d’euros en CP et concernent les matériels aéronautiques d’environnement (11,80 millions d’euros d’AE et 11,33 millions d’euros de CP) ; les matériels informatiques air (3,08 millions d’euros d’AE et 1,84 million d’euros de CP), le renouvellement de produits destinés à la protection individuelle et collective du personnel (6) (1,32 million d’euros d’AE et 0,62 million d’euros de CP) ; les acquisitions de matériels terrestres non spécifiques (22,77 millions d’euros d’AE et 20,49 millions d’euros de CP) ; les matériels sols (1,22 million d’euros d’AE et 4 millions d’euros de CP) ; les matériels sol des systèmes d’information et de communication (3,15 millions d’euros d’AE et 3,42 millions d’euros de CP).

Enfin, les programmes d’équipement matériel des systèmes d’information logistique (SIL) bénéficient de 2,91 millions d’euros d’AE et 3,69 millions d’euros de CP supplémentaires.

Votre rapporteur pour avis l’a souligné, l’armée de l’air fait donc face à des défis considérables ; aussi est-il indispensable de lui permettre de réaliser ses missions en analysant dès à présent les principales conséquences de la suractivité et de la surintensité et, alors que l’Assemblée nationale examine le dernier projet de loi de finances de la législature, en identifiant les points devant faire l’objet d’une vigilance particulière en vue de préparer l’avenir.

La situation de suractivité (7) et de surintensité (8) fragilise non seulement la régénération organique de l’armée de l’air, mais pourrait obérer à court terme la poursuite de l’effort de remontée d’activité globale. Le suremploi de certains aéronefs, actuellement constaté, pourrait entraîner à court terme des limitations, notamment en termes de potentiel technique disponible annuellement, contraint par les durées de vie initialement prévues de certaines flottes. À titre d’exemple, les Mirage 2000 sont limités à 7 500 heures de vol pour une durée de vie programmée sur 30 ans, alors qu’ils volent quasiment 1 000 heures par an dans le cadre de l’opération Chammal. Toutes les flottes sont concernées par ce phénomène.

La sous-dotation globale en heures de vol et l’engagement en OPEX, au-delà du niveau des contrats opérationnels entraînent une dissymétrie de l’activité aérienne préjudiciable au renouvellement et à l’entraînement des équipages d’avions de chasse.

En effet, l’activité individuelle financée par la LPM est encore inférieure à la norme OTAN de 180 heures de vol, puisque la prévision pour 2016 est de 168 heures.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis y reviendra dans la partie thématique du présent rapport, la très forte activité aérienne réalisée en OPEX – les huit Mirage 2000D projetés sur dans le cadre de l’opération Chammal effectuent une activité aérienne équivalente à celle de 38 chasseurs dans les conditions d’utilisation normale de métropole – est à l’origine d’un déséquilibre important au sein du vivier des équipages, entre ceux aptes à la mission de guerre – seuls à pouvoir partir en opérations – et les plus jeunes pilotes arrivant en unité et devant être formés. De plus, les OPEX en cours concentrent les vols sur un seul type de mission – l’appui aérien en moyenne altitude en environnement permissif notamment –, provoquant une perte de savoir-faire dans les domaines experts comme la capacité à entrer en premier face à une forte menace par exemple, et un net ralentissement de la formation des jeunes pilotes, rallongée de 30 %. Si cette situation devait perdurer, certaines expertises pourraient être perdues au gré du renouvellement naturel des générations de pilotes.

La principale cause de la sous-activité des équipages réside dans la faible disponibilité des aéronefs. S’agissant des C130, elle est due notamment au fort volume d’actions de NSI (9)à réaliser, puisqu’au cycle de révisions soutenues s’ajoute un chantier de rénovation, et à un taux élevé de pannes sur les moteurs. S’agissant plus précisément de l’A400M, les retards de livraison et les difficultés techniques rencontrées sur les moteurs obèrent la montée en puissance de cet aéronef, qui marque néanmoins une rupture technologique.

Si l’on ne constate pas de surengagement en OPEX – les taux de projection sont conformes aux contrats opérationnels – la faible disponibilité générale entraîne une baisse d’activité importante des équipages de transport avec les mêmes conséquences que pour les pilotes de chasse : érosion des savoir-faire et des expertises, par exemple en matière de vols tactiques, de posés d’assaut de nuit ou de vols sous jumelles de vision nocturne (JVN), et affaiblissement de la formation des jeunes équipages.

La disponibilité des quatorze C135 a progressé de 5,8 appareils en 2015 à 6,5 au premier semestre 2016. Toutefois, elle demeure toujours soumise à de lourdes contraintes logistiques. L’âge avancé des appareils, de l’ordre de 53 ans en moyenne, débouche sur des temps de remise en état de plus en plus longs. Dans ces conditions, avec un fort engagement en OPEX, il est difficile d’assurer la régénération organique en métropole et notamment l’activité des jeunes équipages. De plus, l’entraînement des équipages d’avions de chasse au ravitaillement en vol est lui aussi pénalisé.

D’une manière générale, le parc d’hélicoptères est constitué de flottes hétérogènes et d’un volume réduit. Ce faible nombre de machines par flotte induit une très grande sensibilité aux insuffisances de disponibilité. S’agissant de la flotte Caracal, l’encours NSI important, lié à un cycle de maintenance complexe, et la forte sollicitation en OPEX, rendent difficiles l’entraînement des équipages et leur acquisition des savoir-faire requis pour les opérations spéciales notamment. Votre rapporteur pour avis note néanmoins que l’activité individuelle est remontée, passant de 159 heures en 2015 pour atteindre 172 heures en 2016 selon les prévisions.

Toutefois, à ce stade, la formation des jeunes équipages demeure encore délicate et se présente comme la principale difficulté à dépasser.

De la même manière, la suractivité et la surintensité mettent en jeu la longévité et la résistance des matériels. Votre rapporteur pour avis se concentrera ici sur trois types d’équipements essentiels au maintien de la capacité d’intervention autonome de la France sur les théâtres extérieurs.

La suractivité et la surintensité entraînent une réduction de la durée de vie des matériels. Comme votre rapporteur pour avis l’a déjà souligné, la limite de vie des Mirage 2000D sera atteinte plus tôt que prévu du fait de leur engagement opérationnel. Pour maintenir le nombre d’appareils nécessaires, il faut donc parvenir à augmenter les rythmes de maintenance NSI, ce qui conduit souvent à un engorgement de la chaîne industrielle. En parallèle, il convient également d’accroître les capacités du NSO (10) mais, à effectif constant, celui-ci atteint les limites de ses capacités. Dans ce cadre, l’ensemble du potentiel technique consommé en une année ne parvient plus à être reconstitué annuellement, entamant de facto le capital des aéronefs. Sans acquisition de matériel neuf, cette situation pourrait obérer l’activité aérienne dans un avenir proche.

S’agissant de la flotte de transport, la surintensité aggrave le phénomène d’engorgement NSI déjà important en raison des problèmes de disponibilité rencontrés par les C130 et les A400M.

Ces équipements sont indispensables aux missions de bombardement de précision. Ils permettent l’identification des cibles, l’illumination laser, et l’extraction de coordonnées. Or, ils présentent une faible disponibilité, de l’ordre de 55 %. Constitué de trois générations différentes de matériel, le parc de cinquante pods n’offre pas des capacités homogènes (11). Dans ce contexte, les vingt-et-un pods Damoclès de dernière génération font l’objet d’une utilisation intensive en OPEX ; et ce malgré le fait que l’emploi des pods fait déjà l’objet de mesures de rationalisation, comme l’utilisation d’un seul pod par patrouille de deux avions. La réparation en métropole est évidemment contrainte et le vieillissement de ces matériels accéléré. Si le pod Talios, destiné à la flotte Rafale et successeur du pod Damoclès, n’est pas livré rapidement et en nombre suffisant, le risque de rupture capacitaire est avéré car les règles d’engagement actuelles exigent des moyens au niveau de précision très élevé.

Pour améliorer la disponibilité des matériels, deux leviers d’action peuvent être mobilisés : la limitation des risques et l’amélioration du maintien en condition opérationnelle.

Afin de limiter les risques pesant sur les matériels, l’armée de l’air a mis en place un plan d’action se traduisant par une meilleure répartition des charges sur les différentes flottes. Ainsi, l’activité intense en OPEX repose désormais sur un plus grand nombre d’appareils de types différents, pour éviter l’usure prématurée d’une partie de la flotte. À ce titre, les actions suivantes ont été engagées :

– rééquipement de 13 Mirage 2000D pour répartir la charge sur une flotte plus importante ;

– allégement des OPEX pour le Mirage 2000D : emploi de patrouilles mixtes M2000D/M2000C ou M2000D/M2000N, bascule d’effort entre Mirage 2000 et Rafale avec la permutation des flottes entre le théâtre sahélo-saharien et le théâtre du Levant ;

– prolongation des C160 pour soulager les C130 ;

– achat de quatre C130J dont le premier arrivera en 2017 et le second début 2018.

Par ailleurs, ce plan d’action procède au regroupement des diverses flottes d’hélicoptères afin d’en faciliter la gestion et l’utilisation. C’est ainsi qu’à l’horizon 2020, la flotte Caracal sera regroupée à Cazaux, la flotte Puma à Solenzara et la flotte Fennec à Villacoublay et Orange.

Enfin, le plan d’action contient évidemment un volet relatif à l’amélioration du MCO aéronautique

Le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, avouait devant la commission de la Défense nationale et des forces armées ne pouvoir se satisfaire de la situation sur certaines flottes critiques, comme l’aviation de transport et les hélicoptères en particulier. C’est d’ailleurs aussi le cas de la flotte d’Atlantique 2 (ATL2). Comme il l’exposait, les causes sont connues. Dans le cas des hélicoptères de type Caracal par exemple, l’abrasivité du sable et les importants dommages subis au combat expliquent en partie la situation. S’agissant des A400M et de NH90, l’immaturité des flottes est souvent mise en avant, même si les pannes de moteur récurrentes sur les A400M sont difficilement supportables. De plus, le nombre de mécaniciens est très insuffisant.

Il en résulte un surcoût significatif et des délais d’immobilisation excessifs, surtout dans le contexte opérationnel que chacun connaît.

Afin de remédier à cette situation, l’état-major de l’armée de l’air a identifié cinq axes de progression :

– faire de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) le seul responsable de la performance du MCO aéronautique ;

– décloisonner le travail des différents acteurs ;

– raisonner « de bout en bout » : depuis le théâtre d’opération jusqu’à l’atelier industriel ;

– doter ce milieu d’un système d’information unique ;

– renforcer au sein de la SIMMAD la vision stratégique portée sur chaque flotte afin, en particulier, de distinguer les dimensions « direction stratégique » et « conduite ».

Par ailleurs, dans le cadre de son plan d’action, l’armée de l’air, via la SIMMAD, a déjà adopté plusieurs mesures en vue d’améliorer le MCO aéronautique :

– constitution de plateaux techniques communs à l’armée de l’air et aux industriels afin d’optimiser les transitions entre NSI et NSO. Ainsi, certaines opérations du NSI sont dorénavant réalisées par l’industriel directement sur les bases aériennes afin de réduire les temps d’indisponibilité tandis qu’à l’inverse, des personnels de l’armée de l’air soutiennent l’industriel pour ses opérations propres ;

– mise en place d’un plan d’action pour améliorer la disponibilité des C130, afin de faire passer le pas de maintenance de deux à trois ans, et de leurs moteurs ;

– pour les hélicoptères, l’armée de l’air inscrit son action dans le cadre du plan d’action hélicoptères piloté par l’EMA et la DGA (12).

Votre rapporteur pour avis soutient pleinement ce plan, lancé il y a peu, même s’il a conscience que ses effets ne pourront être ressentis qu’à moyen terme. Il convient de rappeler par ailleurs que le projet de loi de finances pour 2017 alloue à la SIMMAD une dotation de 2 434 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1 433 millions d’euros en crédits de paiement au titre de l’action 4 « Préparation des forces aériennes » du programme 178 « Préparation et emploi des forces », en ce qui concerne les équipements d’accompagnement et de cohérence, l’entretien programmé des matériels et de la dissuasion aéroportée.

Votre rapporteur pour avis a souhaité, à l’aube de la dernière année de la XIVe législature, dresser un état des lieux des programmes d’équipement, alors que le projet de loi de finances pour 2017 doit notamment permettre de lancer le programme de rénovation des premiers Mirage 2000D, de commander quinze pods de désignation Talios supplémentaires et le troisième système de commandement et de contrôle aérien, tandis que l’année 2017 devrait voir la livraison du premier des quatre C130J neufs et de trois appareils A400M.

ÉQUIPEMENTS COMMANDÉS OU LIVRÉS POUR L’ARMÉE DE L’AIR EN 2016

Équipements

Commandes prévues

Livraisons

A400M

0

3

AASM

(Armement Air-Sol Modulaire)

0

124

(pour l’armée de l’air et la marine)

ALSR (Avions Légers de Surveillance et de Reconnaissance)

2

 

SAMP/T (Sol-air de moyenne portée/terrestre)

 

1

RAFALE

0

4 avions Rafale

C130 J

4

0

C130 H modernisés

2

0

SCCOA 4 (système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales)

1 radar 2D

1 radar rénové SCCOA 4 et

1 radar « haute et moyenne altitude » SCCOA 4

MALE (drone Moyenne Altitude et longue Endurance)

1 système Reaper (3 vecteurs)

1 système Reaper (3 vecteurs)

SDCA Rénové mi-vie

(Système de Détection et de Commandement Aéroporté)

 

1 avion SDCA rénové mi-vie

ÉQUIPEMENTS COMMANDÉS OU LIVRÉS POUR L’ARMÉE DE L’AIR EN 2017

Équipements

Commandes prévues

Livraisons réalisées ou prévues

RAFALE

0

1 avion Rafale

A400M

0

3

SCCOA (13)ACCS

1 centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes SCCOA 4

1 centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes SCCOA3

SCCOA (14)4

1 radar d’approche

2 radars rénovés « haute et moyenne altitude » SCCOA 4

et

2 radars d’atterrissage

M2000D RMV

45

0

C130-J

0

1

PDL-NG (15)

15 pods de désignation laser nouvelle génération (pour l’armée de l’air et la marine)

0

Source : ministère de la Défense.

Le programme A400M constitue un vrai sujet de préoccupation. Pour mémoire, le programme est réalisé en coopération avec sept pays qui ont commandé 170 avions, dont 53 pour l’Allemagne, 50 pour la France, 27 pour l’Espagne, 22 pour le Royaume-Uni, dix pour la Turquie, sept pour la Belgique et un pour le Luxembourg. Les appareils similaires à turbopropulseurs présentent des capacités très inférieures (C130J) ou ont des perspectives réduites (Antonov 70).

Votre rapporteur pour avis ne reviendra pas ici sur les nombreuses difficultés dont a souffert le programme depuis 2008. À la date du 31 juillet 2016, dix appareils ont été livrés à la France, dont deux en juillet. Ces deux derniers appareils sont dotés des capacités tactiques nouvelles – autoprotection, terrains sommaires, aérolargage – qui faisaient défaut sur les premiers appareils, et dont le chef d’état-major de l’armée de l’air avait regretté l’absence lors de l’examen du précédent projet de loi de finances. Aujourd’hui, de nouvelles difficultés techniques concernant des matériaux de structure et les boîtiers réducteurs des moteurs ont été identifiées.

En définitive, les différentes révisions du calendrier de livraison des A400M ont imposé :

– d’acquérir en mars 2010 des CASA CN235 supplémentaires, pour un coût de 232 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 13 millions d’euros par an de crédits d’EPM ;

– d’acquérir en 2016 quatre C130J, dont la livraison est prévue entre décembre 2017 et décembre 2019, pour un coût de 700 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 24 millions d’euros par an de crédits EPM à compter de 2019 ;

– de modifier à plusieurs reprises la trajectoire initiale de retrait de service de la flotte des C160, hors Gabriel. Le maintien en capacité de la flotte vieillissante de C160 a nécessité l’engagement de 92 millions d’euros d’AE en 2015, puis 115 millions d’euros en 2016.

Il est plus que temps que l’industriel prenne ses responsabilités afin de mettre un terme à une série d’échecs qui ont menacé jusqu’à l’existence du programme.

Fin 2015, 142 Rafale, dont 98 pour l’armée de l’air et 44 pour la marine nationale, ont été livrés aux forces françaises, auxquels s’ajouteront six avions prévus en 2016 (16). Afin de satisfaire les exigences liées aux exportations, six Rafale biplaces ont été prélevés en 2015 sur la production destinée à la France et seront compensés sur la période 2016-2018 par la livraison à l’armée de l’air de six Rafale biplaces, dont un déjà livré en juillet 2016.

La LPM prévoit la livraison de 26 appareils sur la période 2014-2019, avec la prise en compte à partir de 2016 de livraisons au profit de clients exports. Les livraisons nationales reprendraient alors après l’expiration de la LPM.

Les travaux de développement du standard F3R du Rafale ont été lancés fin 2013. Ce standard permet notamment la prise en compte de nouveaux emports comme le missile METEOR et le pod de désignation laser de nouvelle génération (PDL NG) et comprend des évolutions nécessaires pour faire face à l’évolution de la menace.

Le programme de rénovation mi-vie du Mirage 2000D permettra la prolongation d’une partie de la flotte de Mirage 2000D pour tenir les contrats opérationnels au-delà de 2020 et permettre à cet appareil de continuer à participer aux missions de gestion de crise. Le programme, qui concerne la rénovation de 55 avions, a été lancé en réalisation à la fin de l’année 2015. Le marché de rénovation a été notifié à Dassault Aviation et MBDA le 29 juin 2016, le SIAé devant intervenir sur le chantier « avions ». Outre la modernisation de l’avionique, cette rénovation comprend l’adjonction d’un canon air-sol, ainsi que le remplacement des missiles d’autoprotection Magic, d’ancienne génération, par des missiles MICA.

Par ailleurs, des travaux d’évolution de l’avion sont toujours en cours.

Depuis sa mise en service opérationnel, la flotte d’AWACS a fait l’objet d’évolutions constantes visant au maintien au plus juste niveau de performance, au traitement des obsolescences, au respect de la réglementation et aux nécessités d’interopérabilité et d’interchangeabilité avec les flottes d’AWACS alliées.

Actuellement le système de mission fait l’objet d’une rénovation à mi-vie, qui vise notamment à mettre à niveau les calculateurs, des logiciels et des consoles de surveillance et de contrôle, afin de garantir la pérennité du système de mission au moins jusqu’à 2030. Le contrat, d’un montant de 390 millions d’euros, a été signé avec Boeing en décembre 2009. Les quatre appareils modifiés ont été livrés respectivement en juillet 2014, mars 2015, octobre 2015 et août 2016.

Par ailleurs, il est indispensable de procéder à une rénovation de l’avionique du porteur afin d’en traiter les obsolescences et de rendre les équipements du cockpit compatibles avec la réglementation relative à la circulation aérienne. Une procédure d’appel d’offres est en cours afin de lancer la réalisation de cette rénovation fin 2016.

Le parc d’avions de ravitaillement en vol est actuellement composé de 11 C-135 FR, acquis neufs en 1964, et de trois KC-135 R, construits en 1962 et acquis d’occasion en 1997-1998. Ces avions ravitailleurs ont été mis à contribution pour les opérations Harmattan en 2011, Serval en 2013, 2014 et 2015 ainsi que Barkhane en 2014 et 2015.

Pour rappel, la modernisation de la flotte a été effectuée pour permettre d’assurer la tenue du contrat de dissuasion jusqu’à la reprise de cette mission par le MRTT, de restaurer la disponibilité de la flotte des avions ravitailleurs en service et de garantir la conformité à la réglementation de la circulation aérienne générale.

Cette modernisation s’est déroulée sous la forme de deux opérations distinctes, une rénovation avionique des onze avions C-135 FR d’une part, et une rénovation avionique des trois avions KC-135 R d’autre part.

La rénovation avionique des onze C-135 FR a permis de mettre en conformité ces aéronefs avec la réglementation de l’Organisation de l’aviation civile internationale mais également de remédier aux principales obsolescences identifiées à ce jour : panneau carburant, radar, surveillance vidéo des ravitaillements. Le dernier avion C-135 FR modifié a été livré en novembre 2015.

En parallèle, une rénovation des trois KC-135 R a été commandée via un contrat Foreign Military Sales (FMS) avec l’US Air Force en juin 2012. Le dernier avion KC-135 R modifié a été livré en juillet 2015..

Les armées françaises sont actuellement équipées, pour ce qui concerne la catégorie MALE, de drones Harfang, dits « intérimaires », dont l’acquisition a démarré en 2001. Ils sont remplacés progressivement par les drones MALE Reaper.

Le SIDM aura réalisé, depuis 2009, plus de 5 100 heures de vol en opération en Afghanistan, plus de 315 heures de vol dans le cadre de l’opération Harmattan et environ, à la fin du mois d’août 2016, 6 760 heures dans le cadre des opérations au Sahel. La participation du SIDM aux opérations au Sahel s’est achevée en juillet 2016. Conformément à la LPM 2014-2019, qui prévoit la prolongation du SIDM jusqu’à fin 2017, un marché pour le maintien de cette capacité, avec des traitements d’obsolescences a minima, a été notifié le 29 avril 2014.

Le système MALE Reaper est en cours d’acquisition depuis 2013. La LPM prévoit l’acquisition au total de 12 drones MALE d’ici à 2019 pour succéder au SIDM.

L’opération est constituée de l’acquisition en FMS de systèmes de drones MALE américains Reaper, ce qui témoigne de relations bilatérales sûres entre les États-Unis et le pays acheteur. Compte tenu de l’augmentation du nombre de clients, l’US Air Force a lancé fin 2014 la création d’un club d’utilisateurs principalement orienté sur le plan de la mise en œuvre opérationnelle. Cette instance regroupe, outre les États-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni et la France. Sa dernière réunion s’est tenue en mars 2016.

Au 31 mai 2016, le système Reaper avait réalisé de l’ordre de 10 000 heures de vol depuis sa mise en service, en présentant une excellente disponibilité. Les opérations menées confirment les meilleures performances opérationnelles de ce système par rapport à celles du SIDM, notamment sur le plan de la durée de mission utile sur zone, du fait d’une vitesse de vol plus élevée et d’une plus grande autonomie et de la précision des capteurs.

S’agissant des besoins à satisfaire à partir de 2025, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France ont mandaté l’OCCAr (17) pour mener le programme de système de drones MALE européen. Dans un premier temps une étude de définition sera conduite en deux ans pour définir, à coûts objectifs, la spécification d’un système compétitif à l’horizon 2025. Ce contrat a été notifié fin août 2016.

Le démonstrateur technologique de système d’UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle) se situe dans le cadre des réflexions menées sur les avions de combat pilotés à distance, qui constituent une évolution potentielle des systèmes de combat aériens. Ce démonstrateur a vocation à faire progresser de manière importante les technologies de discrétion, pour éviter en particulier que ne se creuse un fossé technologique avec les États-Unis, ainsi que les technologies de contrôle de ce type de véhicule armé.

Le premier vol s’est déroulé le 1er décembre 2012 à Istres. En cumulé, 124 vols ont été réalisés entre fin 2012 et fin 2015, date à laquelle le système a été qualifié, avant sa réception par la DGA le 2 février 2016.

En complément du programme Neuron, la France a méné entre mai 2016 et mars 2017 des travaux complémentaires d’essais et de mesures du démonstrateur. L’objectif est notamment d’initier les études et expérimentations concernant l’utilisation d’un drone de combat dans un contexte naval et de réaliser des essais en vol complémentaires aux campagnes précédentes pour accroître le retour d’expérience sur ce type de plateforme furtive face à des radars et systèmes de détection de nouvelle génération. Au 20 juillet 2016, 14 vols dont deux vols à basse altitude au-dessus du porte-avions Charles-de-Gaulle ont ainsi été effectués.

La nouvelle version laser de l’AASM a été qualifiée le 3 avril 2013. Après l’armée de l’air en mai 2013, la marine nationale a déclaré la première capacité opérationnelle de cette arme en décembre 2015. L’AASM a depuis été employé lors des opérations Harmattan, Serval et Chammal. Au-delà de 2016, l’activité de la chaîne de production AASM se poursuit au profit des contrats exports et des commandes de complément au titre du programme 178. Pour ces dernières des développements complémentaires sont envisagés dans un objectif de réduction des coûts unitaires

Les capacités développées par le programme « système de commandement et de contrôle des opérations aériennes » (SCCOA) étape 3 ont permis à la France de fournir en 2005, 2009 et 2012, dans le cadre de la NATO Response Force (NRF), des moyens de commandement et de conduite des opérations aériennes possédant un haut niveau d’interopérabilité.

Le programme d’armement SCCOA étape 4 phase 2 a été lancé en réalisation en décembre 2013. Les principaux objectifs concernent le renouvellement des radars et l’amélioration de la couverture basse altitude ; la finalisation de la mise en place du système ACCS pour la surveillance aérienne avec l’acquisition d’un troisième centre ; la pérennisation du système de surveillance de l’espace GRAVES jusqu’au milieu de la prochaine décennie ; la pérennisation et la rationalisation de la composante de commandement et de conduite des opérations aériennes en projection ; l’adaptation des systèmes de SCCOA aux nouvelles contraintes des réseaux.

Les principales livraisons auront lieu entre 2018 et 2022.

La 10e et dernière section SAMP/T a été livrée à l’armée de l’air en février 2016. À la date du 31 mai 2016, 188 munitions ASTER 30 B1 ont été livrées à l’armée de l’air et 31 munitions ASTER 15 ont été livrées à la marine nationale pour les FREMM. Il restera 12 munitions ASTER 30 B1 et 49 munitions ASTER 15 pour FREMM à livrer d’ici 2018.

Les négociations relatives à l’acquisition de 48 ASTER 30 B1 pour équiper les futures FREMM DA ont abouti en juin 2016. Le contrat devrait être notifié par l’OCCAr d’ici la fin de l’année 2017.

À titre d’illustration, votre rapporteur pour avis rappelle que le système SAMP/T a été déployé opérationnellement dans le cadre du dispositif particulier de sûreté aérienne mis en place pour la COP 21 ainsi que pour les cérémonies du 14 juillet 2016.

Le ministre de la Défense a approuvé le lancement de la réalisation du programme le 2 décembre 2015, et le contrat Aster 30 B1NT a été notifié par l’OCCAr le 22 décembre 2015.

En parallèle, un mémorandum d’entente cadre a été signé avec l’Italie et le Royaume-Uni le 11 décembre 2015 pour le soutien des capacités et l’amélioration des performances FSAF et PAAMS. Par la suite, un accord particulier avec l’Italie a été signé le 14 juin 2016 pour le développement des systèmes FSAF et PAAMS Block 1 NT. Il prévoit principalement la réalisation des travaux en commun et une extension du périmètre. Un troisième accord particulier entre la France, l’Italie et le Royaume-Uni a été signé le 25 juillet 2016, pour le développement de la rénovation pyrotechnique des missiles ASTER.

Ces avenants seront notifiés par l’OCCAr d’ici la fin de l’année 2017.

Pour rappel, le programme MIDE (missile METEOR) est conduit en coopération entre le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne pour l’avion Eurofighter, la Suède pour l’avion Gripen et la France pour l’avion Rafale. La qualification du système METEOR a été prononcée par les six pays partenaires fin novembre 2013. Les livraisons des missiles de série se poursuivent, notamment aux partenaires britannique, suédois, allemand et espagnol. La France quant à elle réceptionnera ses premiers missiles opérationnels en 2018.

L’arrangement multilatéral portant sur la mise en place d’un suivi en service commun aux six pays pour ce missile a été signé en juillet 2016.

L’armée de l’air a fortement contribué aux baisses d’effectifs décidées par la majorité actuelle, dont l’ampleur avait été dénoncée par votre rapporteur pour avis. Toutefois, il convient de le reconnaître, la contribution de l’armée de l’air aux déflations a été ramenée, pour 2016, à 2 800 personnes lors du conseil de défense d’avril 2016, contre 3 200 prévus en LPM actualisée et 4 515 en LPM initiale. Comme le notait toutefois le général André Lanata devant la commission, « en fin de programmation, l’armée de l’air aura tout de même supprimé 2 500 postes, soit 55 % de l’objectif initial ».

L’année 2017 se traduira donc, pour l’armée de l’air employeur, par une inversion de la trajectoire de son schéma d’emploi, après l’atténuation de l’année 2016, qui avait principalement permis de renforcer la protection des emprises, grâce à la mobilisation d’environ 100 fusiliers, et de conforter les escadres de combat par l’affectation de plus de 80 mécaniciens, comme les activités de renseignement, 25 postes ayant été affectés à l’escadron drones. L’inversion de la trajectoire permettra à l’armée de l’air de développer de nouvelles compétences en matière de renseignement, de cyber et de MCO aéronautique, et de conforter le recrutement au profit des domaines aéronautiques – personnel navigant et mécaniciens œuvrant dans le maintien en condition opérationnelle des matériels et équipements aéronautiques –, du commandement et de la conduite des opérations aériennes, de l’infrastructure opérationnelle, des systèmes d’information et de communication et du cyber, des forces spéciales, du renseignement et de la protection-défense des bases aériennes.

Les femmes et les hommes de l’armée de l’air sont au cœur du dispositif. Leur engagement sans faille est admirable et ils doivent en être remerciés, et accompagnés dans les changements qu’une politique trop souvent conçue en fonction de la seule contrainte budgétaire fait peser sur leurs vies. C’est notamment afin de les placer au cœur des transformations que connaît l’armée de l’air que le plan « Unis pour faire face » a été lancé en 2013 par l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier. Aujourd’hui, le général Lanata a lancé un acte II de ce plan afin de « garder le personnel à bord dans une conjoncture particulièrement tendue pour l’armée de l’air », et notamment de mieux prendre en compte la révolution liée à l’arrivée des technologies numériques. Il s’agit également de mettre en place une nouvelle capacité socle, la « sécurité-protection », afin de garantir la sécurité des personnels, et de réformer la réserve de l’armée de l’air, d’une part en augmentant de 30 % ses effectifs, d’autre part en adaptant les missions exercées par les réservistes aux besoins de l’armée de l’air.

Si votre rapporteur pour avis reconnaît que le projet de budget est en phase avec les préconisations de la LPM actualisée, il ne lui paraît néanmoins pas à la hauteur des enjeux, et ne pourra donc soutenir son adoption.

DEUXIÈME PARTIE : LES OPÉRATIONS AÉRIENNES EN IRAK ET EN SYRIE DANS LE CADRE DE L’OPÉRATION CHAMMAL

Comme l’a souligné le chef d’état-major des armées (CEMA) devant la commission : « Le combat contre Daech continue. Le groupe aéronaval va y contribuer directement pendant quelques semaines, en complément du remarquable travail réalisé par nos avions de l’armée de l’air, depuis plus de deux ans maintenant. Le renfort ainsi apporté en matière de renseignement, de frappes – à raison de 24 avions supplémentaires – et de coopération au sein de la coalition nous rend encore plus crédibles, et au bon moment. Au sol, un groupement tactique d’artillerie fournit d’ores et déjà un appui-feu aux forces irakiennes pour la préparation de la reconquête de Mossoul. Reste que la multiplicité des acteurs et la diversité de leurs agendas font de la scène irako-syrienne le lieu des retournements de situation et des excès de toutes natures, à commencer par ceux – inacceptables – commis à l’encontre des populations civiles. En outre, en l’absence d’une stratégie commune, la question de l’après-Daech demeure entière. Or, comme vous m’avez déjà entendu le dire : « Gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix. » »

Votre rapporteur pour avis s’est rendu aux Émirats arabes unis et en Jordanie du 3 au 6 juillet 2016, à la rencontre des hommes et des femmes engagés dans l’opération Chammal. Tout d’abord, il tient les remercier de leur accueil et de leur disponibilité, et en particulier les commandants des bases aériennes 104 d’Al Dhafra aux EAU et projetée en Jordanie.

Au cours de ce déplacement, votre rapporteur pour avis a pu constater l’incroyable performance de l’armée de l’air française, engagée de manière particulièrement intense puisqu’elle est la deuxième contributrice de la coalition internationale en termes de bombes larguées. Les hommes et les femmes déployés dans le cadre de cette opération sont d’un professionnalisme sans égal, et font preuve d’un courage devant lequel il convient de s’incliner. Le court passage de votre rapporteur pour avis sur la base aérienne projetée (BAP) en Jordanie a été particulièrement marquant, puisqu’il lui a été permis d’échanger avec des équipages revenant à peine de mission, et d’assister à un rapport de mission après plusieurs frappes.

Alors que le groupe aéronaval est à nouveau déployé, permettant une intensification des frappes en Irak et en Syrie, votre rapporteur pour avis a souhaité consacrer la seconde partie de son rapport à ces opérations, d’une part pour rendre hommage aux militaires qui les mènent, d’autre part pour identifier les points de vigilance alors que nos forces sont probablement engagées durablement. L’action des aviateurs est trop souvent méconnue, alors que leur engagement au service de la France est sans limite.

Lancée le 19 septembre 2014, Chammal est une opération conduite par la France en coordination avec ses alliés présents dans la région, pour assurer un soutien aérien aux forces armées irakiennes dans leur lutte contre Daech. Elle s’inscrit donc dans le cadre de l’opération Inherent Resolve (OIR), constituée sur le fondement de la résolution 2170 du conseil de sécurité des Nations unies du 15 août 2014, et regroupant une soixantaine de pays sous l’égide des États-Unis.

Sur la décision du président de la République, l’opération Chammal a été étendue le 8 septembre 2015 au territoire syrien, afin de frapper les centres depuis lesquels Daech conçoit et organise ses attaques. Le 20 novembre 2015, à la suite des attentats ayant frappé Paris le 13 novembre, une nouvelle résolution des Nations unies, portant le numéro 2249, a confirmé le mandat de l’opération OIR, en proclamant la nécessité de combattre la menace terroriste par tous moyens.

L’opération Chammal repose sur deux piliers : un pilier aérien qui permet de frapper les capacités militaires de Daech en Irak comme en Syrie et un pilier de formation des forces armées irakiennes. Votre rapporteur pour avis se concentrera, logiquement, sur l’action aérienne.

Le pilier aérien se décline en trois types d’actions : l’appui aérien, c’est-à-dire les missions de soutien aérien à l’armée irakienne déployée au sol et aux peshmergas – CAS, close air support – ; des missions planifiées de frappes – deliberate – ; des missions de renseignement. Les missions d’appui aérien sont coordonnées par le centre de commandement des opérations aériennes (CAOC) situé sur la base aérienne d’Al Udeïd au Qatar.

Si l’opération Chammal s’inscrit dans une coalition internationale pilotée par les États-Unis, la structure de commandement française garantit l’autonomie de l’action française, et surtout laisse aux forces françaises la possibilité d’agir de manière discrétionnaire, en refusant de frapper s’il existe un risque de toucher des populations civiles – on parle de contrôle national des frappes. Cette faculté est essentielle alors que nombre de frappes sont déclenchées en milieu urbain, et que les combattants-terroristes se mêlent à la population civile, utilisée comme bouclier humain.

S’agissant d’une opération française, le commandement opérationnel (OPCOM) sur l’ensemble des unités et des militaires projetés est exercé par le chef d’état-major des armées. Pour ce faire, le CEMA s’appuie sur le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), qui en amont lui présente les différentes options militaires, et en aval assure la direction des opérations, sans ingérence dans les choix des commandements de force.

Le SNR (Senior national representative) français est le représentant national stratégique auprès du commandement de la force alliée, dit Combined forces commander – operation inherent resolve (CFC-OIR) stationné à Tampa aux États-Unis, et agit de manière coordonnée avec le SNR opératif nouvellement mis en place auprès du commandement opérationnel, dit Combined Joint Task Force – OIR (CJTF-OIR), stationné au Koweït.

C’est d’ailleurs au SNR opératif qu’il revient de commander les différents représentants nationaux français, dits National Representative – NR, dans leurs attributions en lien avec l’opération Chammal :

– le NR-Irak est le commandant des forces conventionnelles françaises déployées en Irak et NR auprès du commandement de la composante terrestre de la coalition, dit CJFLCC-OI - combined joint force land componant command-OIR, installé à Bagdad ;

– le NR-Qatar est le commandant de tous les éléments français déployés sur la base d’Al Udeïd et NR auprès de l’état-major américain assurant le contrôle opérationnel de la composante aérienne de la coalition contre Daech, USAFCENT - US Air forces centrales command. À ce titre, il veille à l’intégration des moyens aériens français dans la campagne aérienne de la coalition et assure le contrôle national des frappes aériennes ;

– le commandant de la BAP (COM-BAP) commande les forces conventionnelles françaises déployées en Jordanie et représente le SNR opératif auprès du centre opérationnel de la coalition en Jordanie, le CJOC-J (combined joint operation centre-Jordan ;

– le NR-Bahreïn est le commandant du détachement de la marine nationale à Bahreïn et NR auprès de l’état-major régional américain assurant le contrôle opérationnel de la composante navale de la coalition contre Daech USNAVCENT - US Naval forces central command.

Les représentants nationaux auprès des commandements exercent un contrôle national, et détiennent ainsi le pouvoir de s’opposer à la réalisation d’une frappe – rôle dit Red Card Holder. En pratique, il appartient au NR-Qatar, placé auprès du CAOC, de veiller à la cohérence d’emploi des moyens, et de saisir le CPCO en cas de doute sur la pertinence d’une frappe imminente.

Une telle structuration permet de prémunir les forces françaises de frappes envers des populations civiles. En effet, dans le cadre d’une opération comme Chammal, les forces armées font face à un adversaire mobile qui n’hésite pas à se mélanger aux populations locales afin de disparaître. L’étroitesse de la fenêtre temporelle durant laquelle une intervention est possible pour éliminer cet adversaire impose au centre de commandement et de contrôle, situé à plusieurs milliers de kilomètres de la zone d’opérations, de pouvoir réorienter à tout instant l’action des aéronefs. Pour cela il est nécessaire de disposer de moyens permettant d’identifier, de confirmer l’identification de mesurer le risque de dégâts collatéraux de réorienter les moyens aériens, de confirmer les résultats de la frappe et de rendre compte aux autorités nationales en métropole de l’exécution de la mission. C’est aussi dans ce cadre qu’après les frappes, un cycle de renseignement est réalisé pour conduire une analyse après action visant à évaluer les dommages provoqués tant sur les objectifs que sur leur environnement : il s’agit du battle damage assessment. Cette démarche permet de juger de l’efficacité de la mission et de déterminer s’il y a lieu de procéder à une nouvelle frappe. Elle permet également de garantir l’absence de dommages collatéraux.

Votre rapporteur pour avis a d’ailleurs été informé lors de son déplacement du report d’une frappe planifiée contre une usine de fabrication d’engins explosifs improvisés (IED) située au cœur d’une ville en raison d’un trafic de véhicules civils importants sur la route longeant le bâtiment visé.

Enfin, le commandant des forces françaises aux EAU, commandant de la zone maritime de l’océan Indien (COMFOR EAU-ALINDIEN) assure, depuis le début de l’opération Chammal, le commandement du contingent national français, sous le vocable de National Contingent Commander (NCC) de Chammal et le soutien logistique. Si, au début de l’opération Chammal, ALINDIEN et son état-major ont été choisis, pour des raisons géographiques, comme état-major temporaire de l’opération Chammal, il n’a plus en charge aujourd’hui que le soutien logistique.

Source : Schéma réalisé à partir des informations obtenues par votre rapporteur pour avis.

La composante aérienne reposait, au moment du déplacement effectué par votre rapporteur, sur 14 avions de chasse de l’armée de l’air déployés en permanence, dont six avions de type Rafale opérant depuis les EAU et huit Mirage 2000D et N opérant depuis la base aérienne projetée installée en Jordanie. Depuis, les huit Mirage ont été remplacés par six Rafale. Au-delà, la composante aérienne mobilise également ponctuellement un aéronef de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) qui opère depuis la Jordanie, ainsi qu’un avion ravitailleur KC 135 déployé depuis la France et un avion de contrôle aérien de type AWACS E3F.

S’agissant des hommes et des femmes déployés, l’opération Chammal mobilise autour de 2 000 personnes au quotidien, et près de 3 500 lorsque le groupe aéronaval est mobilisé. Sur ce total, on compte environ 300 aviateurs.

Implantée en septembre 2008, la base aérienne 104 d’Al Dhafra est une entité des Forces pré-positionnées (FFEAU) qui permet d’aguerrir et d’entraîner des forces françaises déployées dans le Golfe arabo-persique et le Nord de l’océan Indien.

Il s’agit d’une base opérationnelle avancée (BOA) et d’une plateforme stratégique, opérationnelle et logistique majeure dans la région proche et moyenne orientale. Elle accueille tous les types d’avions de transport de l’armée de l’air - A400M, A310, A340, C160, C130, et CN235.

N’étant pas dédiée à l’opération Chammal, la BA 104 participe également à toutes les missions des FFEAU : actions de coopération locale et régionale, activités prévues par les accords de défense avec les Émirats arabes unis, le Qatar et le Koweit, soutien à l’export par la participation à des salons.

Toutefois, les six chasseurs Rafale de l’escadron de chasse 1/7 Provence (18) stationnés sur la BA 104 prennent évidemment part aux opérations aériennes de l’opération Chammal, soit pour effectuer des missions de renseignement, soit pour réaliser des frappes aériennes en Irak ainsi qu’en Syrie. Elle a ainsi reçu le renfort de quatre à cinq équipages de Rafale dans le cadre de l’opération Chammal.

Votre rapporteur pour avis tient, à ce stade de son rapport, à souligner que la BA 104 accueille des personnels aux statuts divers, certains étant déployés en longue durée, et d’autres étant déployés pour une durée courte dans le cadre de l’opération Chammal. Ces derniers sont régis par les dispositions relatives aux OPEX. Bien que la cohabitation de personnels de statut divers ne soit pas inédite, il convient de rappeler que compte tenu de l’intensité de l’opération Chammal, nombre de militaires non régies par les dispositions OPEX contribuent quotidiennement à la réalisation de celle-ci. Votre rapporteur pour avis ne tient pas à exposer en détail les différences existantes entre les régimes indemnitaires de militaires effectuant parfois la même mission, mais note, à regret, que seuls les militaires sous statut OPEX sont fondés à recevoir un titre de reconnaissance de la Nation. Sans doute conviendrait-il de faire évoluer ce point.

La BAP en Jordanie constitue le cœur du dispositif aérien de l’opération Chammal. Elle est, selon les mots d’un colonel l’ayant commandé, « un système de combat inséré dans la coalition contre l’État islamique, au plus près de l’Irak et de la Syrie ».

La BAP est un concentré du savoir-faire de l’armée de l’air : l’empreinte est très faible puisqu’à l’époque du déplacement de votre rapporteur pour avis, moins de 350 personnels y étaient stationnés ; il s’agit d’une base adaptable et modulaire, dont le format peut évoluer comme l’a montré récemment le remplacement des Mirage 2000 par des Rafale (19) ; elle fonctionne de manière parfaitement intégrée en interarmées, avec l’accueil d’un ATL2 placé sous le commandement du COM-BAP.

En somme, la BAP est un « instrument de puissance au service de la coalition » selon les mots d’un militaire rencontré sur place.

Comme votre rapporteur pour avis l’a exposé précédemment, l’engagement des moyens aériens stationnés sur la BAP est planifié et conduit par le CAOC d’Al Udeïd, mais la BAP dépend du NCC s’agissant du soutien logistique. Ce schéma ne paraît d’ailleurs pas forcément le plus adapté, le fonctionnement régulier et efficient de la BAP nécessitant peut-être davantage de souplesse que n’en permettent les procédures longues et complexes en vigueur. Bien évidemment, votre rapporteur pour avis comprend que face à l’incertitude sur la durée de l’engagement – et en conséquence de la durée de vie de la BAP – chaque décision d’investissement soit longuement débattue – mais les hommes et les femmes engagés sur la base ont besoin de décisions rapides pour améliorer leur quotidien. En effet, si les infrastructures de la BAP sont de qualité, comme en conviennent tous les militaires rencontrés, il n’en demeure pas moins que la base est située au milieu d’une zone désertique, dont il est difficile de sortir pour des raisons évidentes de sécurité. Au-delà même des investissements nécessaires à la réalisation de la mission – soutes à munitions, parkings, etc. – la qualité de la zone de vie comme la sécurisation de la base doivent faire l’objet d’une attention particulière. Par ailleurs, à l’occasion d’une enquête réalisée auprès des militaires, il est apparu que l’amélioration de la formation ou l’information reçue en matière de risques sanitaires et médicaux et de risques sécuritaires étaient attendues.

En termes d’activités, la BAP représentait environ 70 % des frappes de l’opération Chammal au moment du déplacement de votre rapporteur pour avis. Les militaires qui y sont déployés, pour une durée allant de deux à six mois en général, font preuve d’une grande réactivité puisqu’ils sont en capacité de doubler le niveau d’engagement en moins de 24 heures.

Le commandement de la BAP a dû mener à bien ces dernières semaines le remplacement des huit Mirage 2000 par six Rafale. Cette bascule s’inscrit plus largement dans le cadre d’une réorganisation du dispositif de l’aviation de chasse entre le Levant et la bande sahélo-saharienne. Les Mirage 2000D ont ainsi quitté la Jordanie, remplacés par des Rafale. Réciproquement, les Rafale ont quitté l’Afrique, remplacés par un tandem de Mirage 2000D et C à Niamey.

Ce rééquilibrage permet d’augmenter la puissance de feu sur le théâtre syro-irakien, grâce aux capacités d’emport supérieures du Rafale, de mettre en place une régénération du matériel et des équipages de la flotte Mirage 2000D de Nancy, soumis à un rythme opérationnel intense depuis deux ans, de simplifier les flux logistiques et de mieux garantir la sécurité des missions au-dessus des zones hostiles du Levant, les deux réacteurs du Rafale apportant un gage de sérénité aux équipages.

L’arrivée des Rafale n’a pas nécessité la réalisation de travaux d’infrastructures. De même, la mise en place des personnels correspond globalement à une relève programmée. Le coût de cette bascule se limite donc à la différence du coût de l’entretien programmé des matériels entre les heures de vol Rafale et Mirage 2000 (20) et au coût de transport des matériels et des munitions spécifiques à l’une ou l’autre flotte.

En cas de prolongation de l’opération et selon l’évolution globale de la situation, une bascule en sens inverse pourrait éventuellement être envisagée au second semestre 2017.

S’agissant de l’apport opérationnel, la réduction du nombre d’avions stationnés sur la BAP réduit le potentiel d’appui aérien. En revanche, le déploiement de Rafale permet d’augmenter la puissance de feu, en appui aérien et en raid planifié. À titre d’exemple, dans le cas d’un raid planifié, la capacité d’emport plus importante du Rafale est un atout indéniable.

Au moment du déplacement de votre rapporteur pour avis sur la BAP, plus de 900 tirs avaient été effectués par les chasseurs de l’armée de l’air basés en Jordanie en 2 000 sorties et 9 500 heures de vols. 90 % des actions menées depuis la BAP sont des missions de CAS, 9 % des frappes planifiées et 1 % du renseignement.

Lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général André Lanata notait ainsi que « plus de 1 600 bombes et missiles [avaient été] tirés jour et nuit par l’armée de l’air depuis deux ans. Il s’agit là d’un rythme et d’une intensité de frappe inédits. Pour notre seule base H5 en Jordanie et le seul détachement des Mirage 2000 ‒ qui a été relevé comme vous le savez par des Rafale cet été ‒, ce sont plus de 10 000 heures de vol en 2 300 sorties, plus de 6 400 ravitaillements en vol, et plus de 1 000 munitions délivrées, sans oublier les 200 000 heures de maintenance pour permettre à nos avions de décoller tous les jours. ».

TAUX DE DISPONIBILITÉ DES MOYENS AÉRIENS

 

BA 104

BAP

Rafale (6)

93 %

 

C 135 (1)

76 %

 

ATL 2 (1)

92 %

92 %

Mirage 2000 (8)

 

93 %

C160 (1)

 

71 %

Source : ministère de la Défense.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner la fiabilité sans faille des frappes françaises, et l’efficacité du système de combat placé au plus près de la zone de combat. Malgré les difficultés techniques, liées notamment au déficit de pods de désignation laser, les équipages français présentent d’excellents résultats de tir.

La France apporte la deuxième contribution à la coalition en termes de bombes tirées et participe donc pleinement à la réussite de cette opération. Depuis le début de l’opération Inherent resolve, Daech aurait perdu 15 % à 20 % de son territoire. De grandes villes comme Falloujah ou Ramadi ont été reprises, alors que l’offensive vers Mossoul débute à peine.

À titre d’exemple, et d’après des informations publiées par le ministère de la Défense, depuis le 17 octobre 2016, date du début de cette offensive, les demandes d’appui des unités engagées dans les combats au sol ont conduit à une augmentation des frappes menées par les aéronefs français. Ainsi, les 17 et 18 octobre, 10 frappes ont été réalisées par ces derniers, aboutissant à la destruction de 13 objectifs. Les avions engagés dans l’opération Chammal ont maintenu leur activité en appui de la coalition :

– neuf vols d’ISR ont été conduits par des Rafale ou par l’ATL2 tandis que les avions de commandement et de contrôle de l’espace aérien ont réalisé trois missions ; cinq sorties E2C Hawkeye et deux sorties E-3F Awacs. Trois missions de ravitaillement ont été conduites par le C 135-FR ;

– 53 sorties de reconnaissances armées ont été réalisées par les Rafale, permettant ainsi la réalisation de 15 frappes et la destruction de 21 objectifs.

Une frappe planifiée a également été conduite dans la nuit du 15 au 16 octobre 2016. Elle s’inscrivait dans la phase finale de préparation de l’offensive de Mossoul. Trois Rafale de l’armée de l’air et quatre Rafale de la marine nationale ont frappé avec plusieurs missiles SCALP un entrepôt de fabrications d’IED dans la région de Mossoul.

Pour l’heure, votre rapporteur pour avis s’est vu confirmer que jamais les munitions n’ont manqué. Toutefois, des commandes ont dû être passées en urgence, afin de répondre aux besoins découlant par l’intensification des opérations en Irak et en Syrie. Alors que la France, qui dispose d’une large gamme d’armement (21), privilégiait plutôt jusqu’à présent la bombe GBU 49 à guidage laser ou GPS, la tendance sur le théâtre est de recourir de plus en plus à des bombes guidées GPS. Cette évolution appelle deux remarques. Premièrement, les bombes guidées GPS sont plus chères, et la France ne dispose pas de stocks très fournis. Deuxièmement, l’utilisation d’un guidage GPS impose bien entendu de disposer des données GPS permettant de localiser avec précision la cible. Afin de ne pas dépendre de nos Alliés pour la fourniture de ces dernières – et d’être à même de vérifier de manières indépendantes la fiabilité des informations fournies – il est indispensable d’améliorer les capacités de collecte de renseignements. Votre rapporteur pour avis note également que si le guidage laser présente quelques lacunes, notamment en cas de visibilité réduite ou d’obstacle entre la cible et l’aéronef, les aviateurs font état de la diffusion croissante de brouilleurs GPS, susceptibles de remettre en cause la fiabilité des tirs reposant sur un tel système de guidage. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de disposer d’armements duaux comme la bombe GBU 49 ou l’AASM Laser.

De l’avis de tous, le nombre de ravitailleurs constitue le frein principal à une intensification de l’action de l’ensemble de la coalition, qui en compte une soixantaine. La France met à disposition de la coalition un C135 stationné aux EAU, ce qui est notoirement insuffisant, alors que les aviateurs estiment qu’il faudrait un ravitailleur pour trois chasseurs. À l’avenir, un effort devra être fait sur le renforcement de la flotte de ravitailleurs, les forces françaises dépendant complètement de leurs alliés en la matière. Il en va de la garantie de disposer d’une arme aérienne autonome.

Le nombre de pods dans l’armée de l’air est « délirant ». Le constat d’un haut-gradé de l’armée de l’air est brutal mais précis. Les pods dont dispose l’armée de l’air sont anciens, souffrent de la chaleur notamment, présentent une qualité d’optique perfectible. Ils sont par ailleurs hétérogènes, ce qui complique les flux logistiques en cas de panne.

Si les pods Damoclès permettent aux aéronefs français de mener des frappes air-sol sans difficulté majeure, votre rapporteur pour avis s’est rendu compte lors de son déplacement sur le théâtre que les pods de désignation laser d’ancienne génération tels les ATLIS et les PDL-CTS ont des performances limitées et ne sont pas adaptés aux exigences des théâtres modernes, en particulier au Levant. La qualité de l’image ne répond ainsi pas aux règles d’engagement actuelles, notamment en raison de l’absence de visualisation de la tâche laser. En opération, le déficit de pods contraint donc le choix de l’armement, voire la capacité d’engagement.

La disponibilité actuelle en pod laser, de 55 %, est insuffisante pour couvrir les besoins opérationnels de l’armée de l’air, dans le cadre des opérations Chammal et Barkhane, comme les besoins organiques.

Ceci s’explique de plusieurs manières :

– le parc d’ATLIS et de PDL-CTS est vieillissant ce qui entraîne des difficultés dans le soutien ;

– le rythme des opérations conduit à une utilisation intense des pods laser, au-delà des hypothèses d’entrée du contrat de soutien ;

– les contraintes d’emploi sur les théâtres induisent des pannes supplémentaires : forte sollicitation du groupe de climatisation, collision avec des volatiles, etc ;

– des prêts à des armées étrangères dans le cadre des actions de soutien à l’export.

La situation n’est absolument pas satisfaisante, d’autant plus que même avec une disponibilité à 75 %, et en faisant abstraction des défauts des pods d’ancienne génération, le parc de pods de désignation laser est insuffisant pour couvrir le besoin actuel, voire le besoin théorique au regard des contrats opérationnels les plus exigeants. La situation est un peu meilleure s’agissant des pods de reconnaissance, RECO NG et ASTAC, car les besoins seraient couverts avec une disponibilité à 75 %.

Par ailleurs, les pods disponibles étant adressés sur les théâtres d’OPEX, les jeunes pilotes ne peuvent plus s’entraîner dans des conditions satisfaisantes en métropole.

L’opération Chammal a vu ses surcoûts croître avec l’intensification de l’engagement français. Cette tendance s’est poursuivie tout au long de l’année 2016, avec l’accélération des opérations. D’après les informations obtenues par votre rapporteur pour avis, ces surcoûts sont estimés à 232 millions d’euros pour les années 2014 et 2015. Ce montant concerne notamment le versement au personnel militaire déployé en opération extérieure de l’indemnité spéciale de service à l’étranger – ISSE – et ses suppléments ainsi que le recrutement de personnel local, principalement des interprètes. Le titre 2 représente 24 % des surcoûts en 2014-2015. Par ailleurs, le déploiement du groupe aéronaval a fortement fait augmenter le titre 2 en 2015, avec une évolution de sept à 48 millions d’euros, ce qui devrait se reproduire en 2016.

Les dépenses de fonctionnement représentent 56 millions d’euros, soit 24 %, les principaux postes de dépense étant le transport stratégique, l’externalisation, le fonctionnement courant et le soutien au stationnement avec la construction d’infrastructures nécessaires à l’installation des unités ainsi que le durcissement de certaines emprises françaises.

Brûle-t-on l’outil ? Cette question mérite sans doute d’être posée alors qu’un avion, censé voler en moyenne 200 à 250 heures par an, en effectue près de mille au Levant. Si le remplacement des Mirage 2000 par des Rafale permettra de soulager un peu les premiers (22), quel sera l’impact d’un tel rythme sur les Rafale ?

L’opération Chammal se caractérise ainsi par un fort niveau d’activité qui se maintient dans la durée. En somme, le niveau d’engagement est comparable au double de celui de l’opération Serval, mais avec une opération qui s’étend déjà sur près de 24 mois contre deux mois et demi pour l’opération Serval.

En dehors des munitions et des leurres consommés qu’il faut remplacer pour conserver des stocks suffisants, l’activité intense et durable de l’opération Chammal pèse sur les aéronefs et sur les équipements connexes. Le vieillissement des matériels s’en trouve ainsi accéléré. Cet emploi des forces aériennes au-delà des normes fixées, à Chammal comme sur d’autres théâtres, a des conséquences mesurables immédiatement mais également de façon différée sur la fin de vie des équipements.

À court et moyen terme, les conséquences sont notamment :

– un accroissement du besoin de régénération des matériels, ce besoin pouvant aller jusqu’à dépasser la capacité technique disponible, notamment industrielle ;

– une réduction du nombre de matériels opérationnels disponibles dans les unités tant que le potentiel régénéré est inférieur au potentiel consommé.

À long terme, la fin de vie des équipements ayant fait l’objet d’une utilisation intensive se gère au cas par cas, notamment selon le nombre de matériels en parc et la durée de la période de retrait de service envisagée.

Si l’ensemble du parc a subi une utilisation intensive de manière relativement homogène, deux options se présenteront alors :

– renouveler de manière anticipée le parc ;

– prolonger sa durée de vie, alors qu’en fin de vie, le coût d’entretien d’une flotte croît de manière exponentielle et que les prolongations successives de service des parcs deviennent de plus en plus coûteuses.

Mais au-delà de la question des matériels, l’intensité du rythme de l’opération Chammal pose question s’agissant de l’acquisition de compétences et de qualifications en métropole. Même si les OPEX permettent l’aguerrissement du personnel, et donc l’augmentation de son efficacité au combat, ainsi que l’amélioration de la transmission des savoir-faire pour les personnels ayant atteint une qualification opérationnelle, on constate pour l’ensemble des flottes des difficultés à former les jeunes pilotes et à maintenir les compétences dans les savoir-faire techniques comme le bombardement de précision, les combats aériens complexes, la pose tactique de nuit des avions de transport tactique. En somme, les capacités de niche sont délaissées, faute d’un encadrement suffisant, car les pilotes responsables de l’instruction sont mobilisés en OPEX, et de matériels disponibles. Si le taux de disponibilité des chasseurs est tout à fait satisfaisant en opérations, qu’en est-il de la métropole ?

TABLEAU PRÉSENTANT LE TAUX DE DISPONIBILITÉ DES RAFALE ET M2000 AYANT PARTICIPÉ À CHAMMAL ET CELUI CONSTATÉ EN MÉTROPOLE

 

DT 2015

DT 2016 (prévision)

Jordanie

EAU

Tous aéronefs du parc chasse

(métropole + OPEX)

Jordanie

EAU

Tous aéronefs du parc chasse

(métropole + OPEX)

Rafale

Sans objet

88,5 %

50 %

Sans objet

90,8 %

49,8 %

M2000D

92,4 %

Sans objet

26 %

92,7 %

Sans objet

27,6 %

M2000N

95 %

Sans objet

35 %

91 %

Sans objet

37 %

Source : ministère de la Défense.

Si la réarticulation du dispositif air en août 2016, qui s’est traduit par le remplacement des Mirage 2000 par des Rafale, va permettre la reconstitution du potentiel des Mirage 2000D en particulier, et un retour à un niveau plus satisfaisant de la préparation opérationnelle des équipages, la situation de long terme suscite des interrogations. Votre rapporteur pour avis partage l’inquiétude des aviateurs, et met en garde contre le franchissement d’un seuil critique. Il en va de l’avenir de l’armée de l’air.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2017 (n° 4061), au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2016.

Mme la présidente Patricia Adam. Général, au seuil de cette audition consacrée au projet de loi de finances pour 2017 et, plus largement, à l’activité de l’armée de l’air, je tiens avant tout à exprimer devant vous nos souhaits de bon rétablissement à ceux de vos hommes qui ont été récemment blessés sur un théâtre extérieur.

Général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air. Madame la présidente, certains de nos blessés se trouvent à l’hôpital d’instruction des armées de Percy dans un état de santé préoccupant. J’ai rencontré leurs familles, auxquelles je tiens à réaffirmer ici le témoignage de mon soutien et de ma sympathie. C’est toujours un honneur en même temps qu’une très grande fierté de pouvoir témoigner devant vous du sens du service extraordinaire des hommes et des femmes de l’armée de l’air.

Je mesure chaque jour, humblement, la responsabilité immense qui m’a été confiée, tant pour préparer les aviateurs au combat, physiquement et moralement, que pour améliorer leurs conditions de travail et de vie, pour vous garantir ainsi qu’ils réussiront les missions que leur confie la France dans les meilleures conditions possibles, et pour promouvoir les valeurs qui les animent et qui contribuent sans nul doute à leurs succès.

Car je peux vous assurer que les aviateurs que je commande font preuve d’un enthousiasme remarquable, d’une abnégation quotidienne, d’une discipline et d’un loyalisme sans faille, d’une rusticité, d’une débrouillardise, et d’une culture expéditionnaire enviée de nos alliés, d’un désintéressement et d’un sens du service qui forcent l’admiration et qui peut aller – et qui va ‒ jusqu’au sacrifice ultime.

Malheureusement, depuis que je me suis présenté devant vous il y a un an, l’armée de l’air a payé, une fois encore, un tribut important aux combats que mène actuellement notre pays. Je voudrais, au moment de prendre la parole devant votre commission, rendre hommage à nos blessés et nos morts. Ils sont là pour nous rappeler l’exigence inouïe et la noblesse de leur engagement, et la reconnaissance que notre pays leur doit en retour. Comme le chef d’état-major des armées, j’affirme : nos soldats sont des héros !

Je pense aussi aux familles de nos blessés ou de nos disparus avec lesquelles j’ai eu de longues discussions. Elles sont souvent dévastées par le drame, face à la blessure de leur conjoint au combat. Quels sont les mots qu’il faut employer dans ces moments-là ?

Je pense enfin au remarquable personnel de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de l’air et du service de santé des armées, à tous ceux qui entourent de près ou de loin ceux qui reviennent de nos opérations mutilés dans leur chair et dans leur esprit, ou qui n’en reviennent pas.

À ce titre, je vous remercie très sincèrement des marques de soutien de la représentation nationale que les aviateurs trouvent dans chacun de vos déplacements sur nos bases aériennes, sur les théâtres d’opérations extérieures ou sur le territoire national. C’est pourquoi je vous assure de leur importance dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons. Récemment j’ai présidé la prise de commandement de la base aérienne de Nancy. J’ai été frappé de la magnifique représentation de la cohésion nationale autour du drapeau de la base : préfets, députés, sénateurs, maires, corps de l’État. Cela fait plaisir à voir ! Je peux vous assurer que cela signifie beaucoup pour nos aviateurs.

Je saisis aussi l’occasion qui m’est donnée pour remercier l’action de votre commission au profit de nos armées. Je voudrais enfin vous remercier de chacune de vos déclarations qui mettent en lumière l’œuvre accomplie par nos aviateurs en silence, en ordre et parfois dans l’ombre.

Cette œuvre, c’est la protection des Français où qu’ils se trouvent, c’est la défense de la France sur le territoire national mais aussi loin de nos frontières, là-bas sur les théâtres extérieurs, au nom de valeurs simples et souvent au péril de leur vie. C’est quand même cela la seule vérité qui compte.

Il y a un an, quasiment jour pour jour, à peine quinze jours après ma prise de fonction je m’étais présenté devant vous et j’avais pu appeler alors votre attention sur quelques messages. Après vous avoir décrit les atouts de l’outil de combat aérien mis en œuvre par l’armée de l’air, j’avais constaté l’accroissement de la pression des opérations en 2015, tout en doutant du relâchement de cette pression. J’avais souligné l’importance d’une parfaite exécution de la loi de programmation militaire (LPM) actualisée compte tenu de l’absence de marges de cette programmation et d’une telle situation d’engagement. J’avais également insisté sur le fait que la performance du système de combat de l’armée de l’air reposait aussi sur la volonté des aviateurs, la volonté de réussir toutes leurs missions, mais aussi la volonté de mener à bien l’ambitieux plan de transformation de l’armée de l’air Unis pour « Faire face ». J’avais enfin indiqué l’importance de préserver cette volonté, en faisant des efforts significatifs sur la condition du personnel.

J’estime aujourd’hui que l’ensemble de ces constats restent d’actualité. C’est pourquoi, partant de ces éléments, je vous propose maintenant de commencer par témoigner des engagements opérationnels de l’armée de l’air depuis notre précédente rencontre aussi bien en opérations extérieures que sur le territoire national. Ils vous permettront de mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit le projet de budget 2017 qui nous réunit aujourd’hui. J’évoquerai ensuite quelles sont les dispositions que nous avons prises en interne pour faire face à l’évolution de la situation telle que je la perçois ; enfin, je partagerai avec vous le regard que je porte sur le projet de budget 2017, lequel me paraît indissociable de l’exécution de celui de 2016. Au fil de mon exposé, je garderai en filigrane plusieurs points d’attention qui constituent pour l’armée de l’air autant d’enjeux à court, moyen ou long terme : il s’agit de la sécurité et de la protection de nos emprises, qui fait partie des axes d’effort en profondeur liés au changement brutal du contexte sécuritaire ; il s’agit aussi, faisant écho à une récente actualité, du soutien aux marchés d’exportation du Rafale qui s’apparente à une mission opérationnelle à part entière. Il s’agit enfin de la condition du personnel, que je considère essentielle à la performance globale de l’armée de l’air ; les aviateurs sont au centre de mes préoccupations, au centre des succès opérationnels, et au centre des tensions. C’est pourquoi la valorisation de leur travail et la promotion de leurs valeurs constituent l’un des buts prioritaires que j’accorde à la transformation de l’armée de l’air.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la transformation n’est pas une option. Ou bien nous nous adaptons ou bien nous subissons. C’est tout le sens du plan stratégique Unis pour « Faire face ». Depuis un an, nous en avons tiré les enseignements suivants : la dynamique fonctionne et elle est indispensable, mais certains projets nécessitent des réorientations, soit parce qu’ils approchent de leur terme, soit parce que la situation sécuritaire impose des ajustements. Les aviateurs se reconnaissent dans ce plan, et il faut probablement les y associer davantage.

J’ai donc lancé un acte II du plan Unis pour « Faire face » afin de « garder le personnel à bord » dans cette conjoncture particulièrement tendue pour l’armée de l’air. Je ne change pas les repères, j’adapte certains efforts, comme la sécurité et la protection de nos emprises, et plus que jamais, je considère que les aviateurs sont les acteurs et la raison d’être de la transformation. Ce plan permet aux aviateurs de continuer à regarder l’avenir avec confiance et responsabilité ‒ j’insiste sur ces deux termes. Il mobilise l’armée de l’air autour d’objectifs partagés et cohérents.

Que s’est-il passé depuis la fin 2015 ? Depuis notre dernière rencontre, il y a eu le 13 novembre. Pour l’armée de l’air, cette attaque brutale sur notre territoire s’est traduite sur le plan opérationnel, immédiatement. Dans la nuit même de l’attentat, elle s’est traduite par la projection par voie aérienne des forces de l’opération Sentinelle à Paris, mettant en lumière les besoins de mobilité sur le territoire national et dans la nuit qui a suivi celle de l’attentat, par les frappes de rétorsion en Syrie ordonnées par le président de la République, puis par l’intensification des frappes menées par la France en Syrie et en Irak. Autant d’éléments qui soulignent la réactivité de nos forces aériennes, ces frappes étant intervenues moins de 24 heures après la décision.

Depuis, au Levant, nos aéronefs continuent de pilonner les positions de Daech en Irak et en Syrie. Je voudrais insister ici sur un point. Une campagne aérienne ne réussit et ne produit ses effets qu’au prix d’un effort, patient, systématique, méthodique, qui s’inscrit dans le temps. Depuis plus de deux ans, il a permis, au sein de la coalition, de faire reculer Daech, ce qui prive cette organisation d’une partie importante de son territoire, de ses ressources, et permet à la coalition d’être aujourd’hui aux portes de Mossoul. Car si Mossoul est au centre des attentions ces jours-ci, sachez que 80 % des missions des chasseurs de l’armée de l’air ont porté l’effort dans cette zone. C’est bien cet effort dans le temps aux côtés de nos alliés, depuis deux ans, qui permet, aujourd’hui, d’être en mesure d’engager la reconquête de cette ville clef pour la libération de l’Irak.

Ainsi, ce sont plus de 1 600 bombes et missiles qui ont été tirés jour et nuit par l’armée de l’air depuis deux ans. Il s’agit là d’un rythme et d’une intensité de frappe inédits. Pour notre seule base en Jordanie et le seul détachement des Mirage 2000 ‒ qui a été relevé comme vous le savez par des Rafale cet été ‒, ce sont plus de 10 000 heures de vol en 2 300 sorties, plus de 6 400 ravitaillements en vol, et plus de 1 000 munitions délivrées, sans oublier les 200 000 heures de maintenance pour permettre à nos avions de décoller tous les jours. Considérons aussi que cette intensité et cette régularité sont rendues possibles par l’utilisation d’une base aérienne déployée et judicieusement placée dans la zone, qui héberge un détachement relativement modeste de six à huit avions et moins de 300 personnes. J’ajoute que, comme dans toute campagne militaire, rien n’aurait été possible sans une manœuvre de soutien depuis l’arrière extrêmement exigeante.

Nous rencontrons des défis analogues en termes de distances et de durée au Sahel avec un engagement des aviateurs, depuis plus de trois ans, pour traquer au sein des opérations Barkhane et Sabre, les groupes armés terroristes, dans des conditions climatiques et environnementales particulièrement sévères. Depuis principalement les bases aériennes déployées de Niamey et de N’Djaména, nous réalisons toute la palette des missions aériennes. Elles nous permettent de quadriller un territoire grand comme l’Europe en nous appuyant sur des moyens de reconnaissance comme les Rafale équipés de la nacelle RECO-NG, sur des moyens de surveillance (avec les drones Reaper, le Transall Gabriel, ou des moyens légers d’ISR), sur des moyens de ravitaillement en vol, sur des moyens de transport tactique, sur des forces spéciales (commandos parachutistes de l’air et hélicoptères EC725), ainsi que sur les moyens de frappe dans la profondeur ou en appui des forces terrestres, les Mirage 2000 et les Rafale.

Afin de coordonner avec efficacité l’emploi de l’ensemble de ces moyens, je termine évidemment par les capacités de commandement et de contrôle. Pour l’armée de l’air, ces moyens de commandement et de contrôle sont stationnés en France. Ils conduisent à distance et sous l’autorité du chef d’état-major des armées l’ensemble des opérations aériennes en Afrique. Comme j’ai déjà eu certainement l’occasion de vous l’expliquer, cette organisation nous permet d’optimiser l’emploi de moyens comptés en permettant la bascule, dans la même mission, du même avion, d’une opération à une autre, de Barkhane à Sangaris, en passant par Sabre.

Depuis notre rencontre l’an dernier, nos missions se sont étendues à la Libye. Nous y poursuivons notre action de « documentation du théâtre » aussi bien à partir du Sud que de nos bases métropolitaines. Comme vous le savez, l’ensemble du bassin méditerranéen, et au-delà, est à leur portée. Nous l’avions démontré lors des opérations en Libye en 2011.

Pour toutes ces opérations, je souligne l’appui déterminant des États-Unis en matière d’ISR, de ravitaillement en vol et de mobilité, appui également fourni dans le transport par certains de nos alliés européens.

Nos aviateurs interviennent aussi dans l’opération Sangaris en Centrafrique. Les hélicoptères Fennec apportent l’appui-renseignement mais aussi l’appui-feu nécessaires, l’escadron ayant développé une expertise de tireurs air-sol embarqués à partir de leur compétence de tireur d’élite pour la police du ciel en métropole. Les groupements chasse et transport de N’Djaména participent ponctuellement à Sangaris, lorsque les besoins l’exigent.

Pour terminer sur le terrain des opérations extérieures, vous savez que nous avons actuellement déployé en Lituanie quatre Mirage 2000, dans le cadre des mesures de réassurance de l’OTAN face à la Russie. Ils participent à la mission de police du ciel des États baltes. Il ne s’agit pas que d’un simple affichage. Nos Mirage, en état d’alerte maximum, ont ainsi décollé six fois en 24 heures ce week-end pour intercepter une dizaine d’avions russes, dont des avions de chasse. Je note une augmentation des tensions dans ce secteur, perceptibles dans le contexte politique que vous connaissez.

Nos équipages déployés en Lituanie mettent en œuvre les mêmes qualités d’extrême réactivité que lorsqu’ils assurent, en permanence, la posture de sûreté aérienne dans le ciel de France. À ce titre, ils ont effectué 73 décollages de chasseur en France sur alerte en 2015, et nous en sommes déjà à 79 pour 2016. Car les missions de plus en plus intenses menées à l’extérieur de nos frontières s’ajoutent à celles, tout aussi importantes et de plus en plus intenses elles aussi, conduites sur le territoire national en permanence et, il faut bien le reconnaître, « dans l’ombre ». Ces missions permanentes garantissent depuis plus de cinquante ans la protection aérienne des Français et de leurs intérêts vitaux. C’est ainsi que quatre de nos six Rafale placés en alerte permanente en sept minutes ont intercepté des bombardiers stratégiques russes il y a un peu plus de quinze jours, et les ont escortés pendant près d’une heure en face de nos côtes Atlantiques. Je rappelle que chacun des Tupolev interceptés peut embarquer plusieurs missiles de croisières dont la portée est estimée à plus de 1 000 kilomètres. Une interception analogue avait déjà été menée au-dessus de la Manche le 17 février, les bombardiers russes faisant demi-tour à quelques kilomètres de notre espace aérien. C’était d’ailleurs une opération remarquable mettant en œuvre des chasseurs anglais et français, les centres britannique et français de commandement des défenses aériennes, ainsi qu’un avion de ravitaillement en vol britannique qui a ravitaillé nos Rafale. Cette opération a démontré la parfaite intégration des forces aériennes européennes.

Je note au passage la recrudescence de ces démonstrations militaires dans nos approches aériennes, qui soulignent le retour des « menaces de la puissance ». Je me dois de vous signaler à cet égard la grande préoccupation de l’aviateur que je suis face aux stratégies de déni d’accès dans la « troisième dimension » mises en œuvre par certaines puissances sur des théâtres d’opérations (comme en Syrie), directement ou par le biais de puissances régionales. Or, la liberté d’action dans la troisième dimension est un préalable à toutes nos opérations militaires ; il ne faut jamais l’oublier. Il s’agit là d’un enjeu majeur selon moi, qui doit alimenter les réflexions de l’avenir de notre système de combat aérien.

Pour cette raison ‒ mais pas seulement ‒, le maintien sans concession de la posture de dissuasion aéroportée revêt toujours la même importance primordiale. Elle est garantie sans discontinuer depuis le 1er octobre 1964. Je crois utile d’indiquer ici que la transition de notre composante aéroportée de la dissuasion vers le « tout Rafale » est désormais engagée de façon irréversible. Cette manœuvre, extrêmement exigeante et exécutée sans aucune concession, se déroule parfaitement, entre l’ouverture dans moins d’un an du second escadron de Rafale à vocation nucléaire sur la base aérienne de Saint-Dizier et le retrait de service du Mirage 2000N en septembre 2018. Il est certain toutefois qu’elle induit une charge de transformation qui s’ajoute aux nombreuses autres sollicitations dont l’armée de l’air est l’objet.

Depuis notre dernière rencontre, l’armée de l’air prend aussi en compte des menaces atypiques comme les mini-drones. J’estime qu’en un an nous avons beaucoup progressé au point d’être capable de mettre en œuvre des dispositifs de protection opérationnels et efficaces autour d’événements particuliers. Nous l’avons fait pour COP21, le match d’ouverture et la finale de l’Eurofoot ou le 14 juillet. Nous pourrons y revenir dans les questions si vous le souhaitez.

Ces différentes manifestations me permettent de souligner l’intensification de l’effort conduit par l’armée de l’air pour mettre en œuvre de plus en plus fréquemment des « dispositifs particuliers de sûreté aérienne » afin d’assurer une protection dans la troisième dimension autour de ces rassemblements. Nous sommes passés de quatre de ces dispositifs en 2014 à douze en 2016. Il faudra là aussi tirer les conséquences de ce surcroît d’activité.

Nos missions en soutien aux services publics contribuent également à nourrir notre activité. À titre d’exemple, je citerai l’appui que l’armée de l’air fournit à la lutte contre les feux de forêts de la région marseillaise : dans la nuit du 11 août 2016, un C160 Transall de la base aérienne d’Évreux a ainsi transporté 70 pompiers avec leur équipement entre Nantes et Istres. Autre exemple : la contribution de l’armée de l’air à l’acheminement des dons d’organes, nos bases aériennes étant les seules plateformes aéronautiques à disposer de capacités d’accueil d’aéronef 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. On pourrait aussi citer nos missions de recherche et de sauvetage, d’assistance aux aéronefs accidentés, mais aussi de sauvegarde des personnes, comme l’hélitreuillage de cette femme enceinte à bord d’un ferry au large de la Corse le 22 août dernier.

Je serais incomplet dans cette description de l’engagement de l’armée de l’air sur le territoire national, au service de la protection des Français, si je ne mentionnais pas l’effort sans précédent conduit pour renforcer la protection de nos emprises militaires. Un vaste plan prenant en compte toutes les dimensions de cette question est mis en œuvre. Pour faire face à une situation de menaces inédite, ma plus grande préoccupation concerne les ressources humaines, notamment la faiblesse des effectifs de commandos de l’air que nous recrutons néanmoins « à marche forcée », en exploitant les marges de manœuvres résultant de l’arrêt des déflations d’effectifs et en faisant effort sur l’emploi de réservistes (+ 35 % en trois ans) dont plus du tiers pour la protection des emprises. En attendant que le recrutement de commandos de l’air supplémentaires permette de retrouver une situation équilibrée, nous sommes conduits à mobiliser une partie du personnel militaire des bases aériennes ‒ secrétaires, mécaniciens, contrôleurs aériens, etc. ‒ pour venir renforcer la protection de nos sites militaires.

Je serais incomplet également si je ne mentionnais pas la participation de l’armée de l’air à la mission Sentinelle. Rappelons notamment l’engagement d’aviateurs sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016 au soir ; en mission à l’aéroport de Nice, ils ont été appelés dans les minutes qui ont suivi l’attentat pour la sécurisation de la zone. Je suis allé à leur rencontre le surlendemain de l’attentat, et ils ont été sensibles à cette visite. Ils avaient besoin de parler, d’être écoutés, d’être soutenus compte tenu de ce qu’ils avaient vécu. Je signale la présence parmi le détachement de deux jeunes réservistes dont une jeune femme de 18 ans qui, quand je leur ai demandé la raison de son engagement, m’a répondu : « J’avais envie de servir et d’aider ! ».

À ces très nombreux engagements opérationnels, s’ajoutent d’importantes sollicitations dans le cadre du soutien à nos marchés d’exportation du Rafale. Il faut se féliciter de ces succès à l’export : c’est une bonne nouvelle pour notre industrie, pour l’armée de l’air, pour le respect de la loi de programmation militaire, et pour la France. Le soutien que nous y apportons consiste principalement en actions de formation. Ceci me permet de souligner l’intérêt central des clients étrangers pour l’expertise opérationnelle de l’armée de l’air. Il faut y voir, d’ailleurs, une des raisons de ces succès à l’export. Notre action de soutien aux exportations passe par des efforts de promotion de nos matériels (participation à des salons aéronautiques, exercices, etc.), par des prêts d’équipements, ou par la mise à disposition de moyens et de personnel pour les besoins de développements des standards demandés par les clients étrangers. Tout ceci n’est évidemment pas neutre pour la gestion de l’armée de l’air. Bien sûr, nos prestations contribuent à soutenir notre industrie de défense et les partenariats stratégiques de long terme que l’armée de l’air, et la France, va pouvoir nouer avec les pays acquéreurs. Il est donc nécessaire de donner à l’armée de l’air les ressources lui permettant de le faire. Le point d’attention que j’évoque ici concerne davantage les ressources humaines et « l’épaisseur organique » de la flotte que ses ressources financières, puisque l’essentiel de nos prestations est compensé financièrement.

Ce panorama des activités opérationnelles réalisées par l’armée de l’air dans l’année écoulée me conduit à formuler plusieurs remarques. Premièrement, un constat : cette année encore, nos missions se sont étendues et diversifiées par leurs natures, les zones d’action concernées et leur intensité. Ce sont désormais vingt avions de combat déployés ‒ au lieu des douze prévus dans les contrats opérationnels issus du Livre blanc ‒, quatre bases aériennes projetées au lieu d’une, trois à quatre théâtres d’engagement en permanence au lieu d’un qui constituent la norme de nos engagements dans la durée.

C’est pour cette raison qu’avec le chef d’état-major des armées nous réclamons une augmentation de l’effort de défense pour atteindre 2 % du PIB. Les données opérationnelles que je viens de vous communiquer doivent constituer la base des travaux à venir.

Mon deuxième point est un satisfecit : l’armée de l’air est au rendez-vous de ses missions. Pour faire face à cette situation exceptionnelle, nous nous sommes bien sûr appuyés sur les mesures prises dans le cadre de l’actualisation de la LPM et sur les mesures prises lors du conseil de défense d’avril dernier. Mais nous avons pris aussi de très nombreuses dispositions en interne. Je m’apprête à vous en décrire l’essentiel.

Je commencerai par la mesure la plus visible car il s’agit d’une manœuvre d’optimisation qui s’est déroulée cet été sur trois continents. Nous avons effectivement réorganisé le dispositif de l’aviation de chasse entre le Levant et la bande sahélo-saharienne. Les Mirage 2000D ont ainsi quitté la Jordanie, remplacés par des Rafale. Réciproquement, les Rafale ont quitté l’Afrique, remplacés par un tandem de Mirage 2000D et C à Niamey. Ce rééquilibrage important, est désormais terminé. Il permet d’augmenter la puissance de feu sur le théâtre syro-irakien, grâce aux capacités d’emport du Rafale, de faire souffler les machines et les équipes et équipages de Nancy, qui opèrent avec des Mirage 2000D et qui sont soumis à un rythme opérationnel intense depuis maintenant deux ans (plus de 50 % de leur activité était réalisée en opérations extérieures ; nous étions en train d’épuiser la flotte et les équipages) et de mieux garantir la sécurité des missions au-dessus des zones hostiles du Levant, les deux réacteurs du Rafale apportant un gage de sérénité aux équipages qui survolent des heures durant les zones contrôlées par Daech.

La régénération de nos équipements est un autre domaine, bien moins visible, vers lequel nous avons porté nos efforts, en interne. Je ne vais pas décrire l’ensemble des mesures que nous avons prises. Il s’agit par exemple de l’adaptation des plans de maintenance des Mirage 2000 et des C-130, de l’acquisition de rechanges supplémentaires pour le Rafale, du transfert d’activité vers l’industrie pour absorber la surcharge, du rééquipement d’avions en attente de pièces, de l’augmentation des cadences de visites au service industriel de l’aéronautique (SIAé) – nous avons multiplié par deux les visites de Mirage 2000, mais aussi sur les moteurs de C130 – ou encore de l’amélioration des flux logistiques, du plan d’action M88, etc.

À ce stade de mon exposé, je voudrais faire un focus sur la question du maintien en conditions opérationnelles (MCO) aéronautique, dont la gouvernance a été confiée au chef d’état-major de l’armée de l’air depuis 2015. Ce point me paraît central pour la maîtrise de nos budgets et parce qu’il conditionne l’activité opérationnelle. Aussi, comme le ministre de la Défense et le chef d’état-major des armées, je ne peux me satisfaire de la situation sur certaines flottes critiques que sont l’aviation de transport, les hélicoptères, et les Atlantique 2 (ATL2) en particulier.

Cette situation résulte d’un ensemble de facteurs, parmi lesquels des faits techniques, avec les moteurs d’A400M, dont nous pourrons reparler ; la sévérité des conditions d’emploi en opérations (les hélicoptères Tigre et Caracal pâtissent de l’abrasivité du sable ainsi que des dommages subis au combat) ; la maturité insuffisante de la flotte, notamment des A400M et des NH90 ; des difficultés relevant des ressources humaines, avec des effectifs de mécaniciens taillés au plus juste alors qu’il faut plusieurs années entre le recrutement et la qualification opérationnelle du personnel et que nous observons un écart sensible entre les coûts de maintenance attendus et ceux qui sont constatés sur les équipements neufs ; des délais d’immobilisation excessifs au niveau du soutien industriel ; des stocks de rechanges insuffisamment provisionnés et bien sûr, enfin, l’âge des parcs qui impose des traitements industriels de plus en plus longs.

Je voudrais plus particulièrement insister sur deux points, s’agissant du MCO aéronautique. D’abord, les cycles sont longs et nous n’observerons pas les effets des actions entreprises avant deux ou trois ans. Ainsi, l’évolution du plan recommandé d’entretien du Tigre ne produira ses effets qu’à compter de mi-2017 ; celui du C-130 permettra d’avoir un avion supplémentaire en ligne mais pas avant mi-2017 également. Ensuite, le domaine du MCO aéronautique se caractérise par une très grande hétérogénéité – des flottes, des contrats, des industriels, etc. – et un nombre d’acteurs sans équivalent. C’est la raison pour laquelle l’effort de convergence décidé par le ministre en 2015 est déterminant.

C’est ainsi que, en parallèle du constat sur les flottes « hélicoptère » et « transport », j’observe de bons résultats, en particulier sur les flottes « chasse », malgré les sollicitations très importantes rencontrées par ces flottes, ce qui démontre que nous sommes en bonne voie. Par exemple, la prévision d’activité Rafale a été augmentée de 7 % en 2016 par rapport à la prévision initiale. La disponibilité en opération est désormais au-delà de 90 %, celle en métropole est en augmentation, à près de 60 %. Face à cette situation, j’ai demandé à progresser sur les cinq axes suivants. Premièrement – et c’est le plus important –, faire de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) l’acteur fort et le seul responsable de la performance du MCO aéronautique. Deuxièmement : décloisonner le travail des différents acteurs. Je suis en effet convaincu qu’une des difficultés du MCO aéronautique résulte des « pertes » au passage de relais d’un acteur à l’autre. Pour cette raison, nous avons, par exemple, systématisé, sur les flottes les plus critiques, comme les hélicoptères ou les C-130, un travail en plateau. Troisièmement, j’ai demandé à raisonner « de bout en bout » : depuis le théâtre d’opération jusqu’à l’atelier industriel. Nous faisons, par exemple, un effort en matière de reverse logistics – ou logistique des retours – pour les équipements les plus critiques, ce qui nous a permis de contrôler la crise des moteurs des hélicoptères en BSS (Bande Sahélo-Saharienne). Quatrièmement, avec le directeur de la SIMMAD et l’aide de la direction générale de l’armement (DGA), nous allons doter ce milieu d’un système d’information unique, selon un mode d’acquisition de type programme d’armement : sa mise en place est la condition indispensable à l’obtention à la fois de l’efficacité et de l’unification du domaine. Cinquième et dernier point : j’ai demandé à la SIMMAD, en totale osmose avec la DGA, de renforcer au sein de son organisation, la vision stratégique portée sur chaque flotte afin, en particulier, de distinguer les dimensions « direction stratégique » et « conduite ». Tout ceci est actuellement en place ou en cours de mise en place. La remontée d’activité des flottes aéronautiques s’étale sur l’ensemble des annuités de la LPM. Et c’est en ce sens que la problématique du MCO aéronautique doit continuer de faire partie des enjeux du projet de loi de finances (PLF) pour 2017 que je vais aborder maintenant.

Avant de vous parler des besoins de l’armée de l’air dans le cadre du PLF 2017, je veux évoquer avec vous les réalisations et naturellement la fin de gestion de l’exercice 2016. Nous le savons bien, le budget de l’année prochaine dépend des conditions budgétaires de sortie de l’année en cours. Je note d’abord plusieurs avancées majeures depuis le mois de janvier 2016 et en premier lieu, la signature du contrat d’acquisition de deux avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR). Ces appareils compléteront les capacités offertes par les drones Reaper, par leur réactivité d’emploi et leur souplesse de déploiement. Il s’agit là d’un domaine d’effort capacitaire indispensable au déroulement de nos opérations. Leur livraison est prévue à compter de 2018. Pour la capacité « mobilité des forces », la modernisation des quatorze C-130H a été commandée à l’été 2016 pour rendre, en particulier, les capacités de huit d’entre eux compatibles avec les besoins des forces spéciales. Les livraisons interviendront entre 2019 et 2025. La commande de quatre C-130J neufs, décidée par le ministre de la Défense à la suite de l’actualisation de la LPM vient compléter ces mesures. Pour l’aviation de chasse, la rénovation de cinquante-cinq Mirage 2000D a été décidée pour des livraisons à compter de 2020 – je considère qu’il s’agit d’un minimum pour maintenir le format de l’aviation de chasse au niveau requis par la LPM. Des bombes de 250 kg et des kits de guidage de précision ont été commandés, compte tenu du niveau d’engagement constaté en opérations. Comme je vous l’indiquais, je demeure vigilant sur la fin de gestion 2016 qui nécessite absolument la levée rapide de la réserve de précaution ainsi qu’une parution plus anticipée qu’en 2015 du décret d’avance prenant en charge les surcoûts des opérations extérieures, la rupture de trésorerie devant intervenir, selon nos estimations, au cours de la deuxième quinzaine du mois d’octobre 2016. En fin d’année, sur le plan capacitaire, nous attendons la livraison d’un deuxième système Reaper, composé de trois appareils, avec un vecteur et deux stations au sol à Cognac et deux vecteurs à Niamey. Le troisième système a également été commandé cette année. Je reste attentif à la commande du quatrième d’ici la fin de l’année si nous voulons tenir les objectifs de la LPM. Les livraisons associées sont prévues en 2019. En parallèle, une capacité de simulation doit être livrée mi-2017, à Cognac. Elle permettra de disposer de l’autonomie de formation nécessaire à la montée en puissance de cette capacité indispensable aux opérations.

Les livraisons d’A400M se poursuivent : deux appareils ont déjà été réceptionnés cette année, un troisième est prévu en fin d’année. Ces livraisons porteront à onze la flotte de l’armée de l’air. Sur ce programme, je suis attentif à ce que six appareils au premier standard tactique soient mis à notre disposition d’ici à la fin de l’année, conformément aux engagements de l’industriel. Toutefois, la crise sur les moteurs demeure un point d’attention central.

Enfin, je constate que les statistiques relatives à l’activité sont globalement en hausse par rapport à 2015, d’1 %, soit environ 1 000 heures pour l’armée de l’air. Cette progression masque toutefois une situation contrastée, en raison de la faible disponibilité de la flotte de transport. Si nos équipages de chasse réalisent l’essentiel de cette augmentation (168 heures par pilote et par an, dépassant ainsi les 159 heures inscrites dans la loi de finances), il faut garder à l’esprit que la grande partie de cette activité se déroule en opérations extérieures. C’est dire l’importance pour l’armée de l’air du projet de formation modernisée et entraînement différencié des équipages de chasse (FOMEDEC), auparavant appelé « Cognac 2016 », un projet indispensable sur lequel repose le maintien de nos capacités opérationnelles. Une décision doit être prise avant la fin de l’année.

Sur le plan des ressources humaines, la contribution de l’armée de l’air aux déflations d’effectifs depuis le début de la LPM était de 2 800 personnes fin 2016. Les décisions du conseil de défense d’avril 2016 ont ramené à 2 500 suppressions d’effectifs l’objectif de l’armée de l’air sur la durée de la LPM (contre 3 200 prévus en LPM actualisée et 4 515 en LPM initiale), soit 55 % de l’objectif initial. Pour 2017, l’atténuation de la réduction des effectifs bénéficie principalement à la protection de nos emprises (environ 100 fusiliers), aux escadres de combat/MCO (plus de 80 mécaniciens), ainsi qu’au renseignement (25 postes à l’escadron drones : équipages, officiers renseignement et techniciens). Pour ces raisons, et celles que je vous ai décrites à propos de l’importance de nos engagements, les ressources humaines constituent l’une de mes principales préoccupations.

S’agissant maintenant du projet de loi de finances pour 2017, je commence par noter que, dans la LPM actualisée, l’acquisition de nouveaux équipements a été en partie financée par des ressources internes au ministère, dégagées grâce aux marges résultant de l’évolution des indices économiques identifiées à l’issue de leur enquête par l’Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées. Par ailleurs, l’effet « coût des facteurs », en particulier lié aux évolutions des prix du carburant, est intégré dans la construction budgétaire. Ceci étant posé, nous poursuivrons nos objectifs de remontée d’activité en 2017, conformément à la LPM actualisée, en prenant en compte la réalité de nos engagements opérationnels. Nous maintenons la trajectoire permettant de retrouver les normes d’activité prévues en fin de LPM. Ainsi, pour 2017, nous prévoyons respectivement 164 heures de vol par pilote de chasse et par an, 191 heures pour les pilotes d’hélicoptères et 267 heures pour les équipages de transport, une prévision d’augmentation liée en partie à nos efforts dans le MCO.

Concernant l’équipement des forces de l’armée de l’air, le PLF 2017 doit permettre de consolider la feuille de route de l’aviation de combat en lançant les commandes des premiers Mirage 2000D rénovés (avec quarante-cinq commandes sur les cinquante-cinq décidées, les dix derniers étant dans une tranche conditionnelle supplémentaire) ; d’améliorer les capacités d’intervention de nos forces avec la commande de quinze nacelles de désignation Talios supplémentaires ; de renforcer la capacité de protection avec la commande du troisième centre ACCS (Air Command and Control System) à Mont-de-Marsan, après ceux de Lyon et de Cinq-Mars-la-Pile. À ce sujet, l’ACCS, système de commandement et de contrôle aérien partagé avec nos alliés de l’Otan, constitue une de mes préoccupations majeures. Je juge que ce système n’est ni encore suffisamment mature ni suffisamment robuste pour satisfaire les exigences de la posture permanente de sûreté aérienne. Compte tenu des difficultés de sa mise au point, il sera nécessaire de prolonger le fonctionnement et le soutien du système actuel STRIDA jusqu’à l’horizon 2021, au lieu de 2018, pour garantir la continuité de la protection de l’espace aérien national. Je suis confiant car l’industriel estime être en mesure de tenir cette échéance, compte tenu des ressources qu’il a affectées au programme et de l’analyse des faits techniques restant à corriger. L’armée de l’air apporte tout son soutien au développement, notamment pour les tests en environnement réel, afin d’assurer le succès du programme malgré ces difficultés. Je signale tout de même la contrainte de maintenir une activité sur le site de Drachenbronn bien au-delà des prévisions. Il en résulte notamment des conséquences en matière de ressources humaines qui aggravent une situation difficile.

En matière de recueil de renseignement électromagnétique, l’intégration d’une charge d’écoute électromagnétique ROEM est prévue d’être commandée en 2016, pour une capacité opérationnelle attendue en 2018.

En ce qui concerne la mobilité, le premier des quatre C-130J neufs sera livré fin 2017 (puis un en 2018 et deux avions disposant d’une capacité de ravitaillement en vol d’hélicoptères en 2019). Pour l’A400M : trois autres appareils doivent être livrés en 2017 et le quinzième en 2018. La LPM actualisée prévoit ensuite une suspension des livraisons jusqu’en 2021.

Pour conclure, et compte tenu de la situation que j’ai décrite, vous comprendrez que j’ai absolument besoin d’une exécution à la lettre de la programmation militaire, amendée par l’actualisation intervenue en 2015, auxquelles sont venues s’ajouter les décisions prises en conseil de défense cette année. À défaut, l’armée de l’air ne pourra pas faire face à l’ensemble des missions qui lui sont demandées. Mais il y a une réalité qui dépasse l’analyse capacitaire derrière les mesures chiffrées du PLF, une réalité que j’aime à qualifier d’« épaisseur », opérationnelle et humaine. L’armée de l’air est tout sauf une abstraction budgétaire ou conceptuelle. Elle n’a de sens qu’intégrée dans les opérations interarmées, au service des ambitions de la France et pour la protection des Français. Par-dessus tout, elle n’a de sens que par celui de l’engagement des femmes et des hommes qui, en son sein, servent la France. C’est sur eux que reposent nos succès en opérations, c’est d’eux que dépend la réussite de notre transformation. J’ai confiance en eux, et je tenais à vous le redire publiquement. En ces circonstances, leurs conditions de travail et de vie font l’objet de toutes mes attentions et sont au cœur de mes priorités. C’est aussi une forme de reconnaissance que nous devons à leur engagement. Et je voudrais terminer sur ce point : la condition du personnel, les familles de nos aviateurs, sont une part intégrante de nos capacités de combat. Je sais que la commission, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, est de tout cœur avec eux et sera attentive à cette préoccupation. Vous pouvez avoir confiance en eux.

Mme la présidente. Qu’ils soient assurés à leur tour de notre totale confiance. Je laisse maintenant la parole à mes collègues.

M. Christophe Guilloteau. Je voudrais revenir sur plusieurs points. En premier lieu, je vous remercie d’avoir abordé le problème du MCO. Je découvre la complexité de cette problématique, qui laisse entrevoir quelques baronnies… Ensuite, le projet de formation Cognac 2016 importait beaucoup à votre prédécesseur. Avez-vous bon espoir de mener ce projet à bien avec la DGA ? Par ailleurs, nous avons entendu des représentants d’Airbus hier. Je suis perplexe sur l’utilisation complète de l’A400M telle qu’elle avait été prévue il y a très longtemps. Ne rencontrez-vous pas de problèmes d’utilisation ? Enfin, alors que l’armée de terre et la marine déploient une communication intense sur leurs activités, il me semble que l’armée de l’air est plus discrète – trop discrète ? Après avoir vu le travail exceptionnel de nos pilotes en Jordanie, je m’interroge sur cette relative modestie. Est-ce un choix délibéré – faut-il l’imputer aux traditions de l’arme ? – ou s’agit-il d’une recommandation qui vous a été faite ?

M. Jean-Jacques Candelier. Mon général, j’ai deux questions. Alors que le carnet de commandes du Rafale s’étoffe, a-t-on envisagé de renégocier les prix avec le fournisseur, c’est-à-dire l’entreprise Dassault ? Ensuite, en Libye, en 2011, on a utilisé la bombe française MK82 fabriquée dans le nord de la France, par la Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP). La SAMP n’a plus reçu de commandes depuis. Pouvez-vous en indiquer les raisons ? Va-t-on obliger cette entreprise, qui compte encore douze à treize salariés, à licencier et à fermer ses portes ?

Mme la présidente. Cette dernière question aurait peut-être dû être posée au délégué général pour l’armement.

M. Philippe Vittel. A-t-on les capacités et les moyens de participer aux opérations d’entraînement internationales, de type Red Flag, cette année ? Qu’en est-il de la participation de la France à la surveillance de l’espace aérien des pays baltes ?

M. Philippe Meunier. Vous avez prévu de procéder à l’achat de nouvelles bombes dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, pour faire face à la diminution de nos stocks. La ligne budgétaire permet-elle le renouvellement intégral des stocks utilisés ces derniers mois ? Pouvez-vous nous rappeler les chiffres que vous avez mentionnés tout à l’heure concernant les effectifs dans la loi de programmation militaire actualisée ? Enfin, pouvez-vous nous donner quelques indications sur l’usure de nos avions, alors que vous avez dépassé le contrat opérationnel ?

Général André Lanata. Concernant la communication de l’armée de l’air, nous n’en sommes pas les seuls acteurs. Par ailleurs, comme vous le savez, en opérations extérieures la communication est parfois restreinte à la demande des pays d’accueil de nos appareils. FOMEDEC reste un dossier extrêmement important pour moi. Je rappelle que l’idée de départ reposait sur la nécessité d’une modernisation de la formation de nos pilotes de chasse. Il s’agit en effet de familiariser les jeunes pilotes à la manipulation de systèmes d’armes modernes, ce que l’Alphajet, que nous exploitons sur la base aérienne de Tours, ne permet plus de garantir. FOMEDEC articule aussi la transformation et de multiples dimensions de la LPM pour l’armée de l’air. Il est notamment source de gains de MCO. Il comprend également une dimension ressources humaines importante puisque l’arrêt de l’activité des Alphajet à Tours et la fermeture de cette plateforme aéronautique constitueront un gain d’environ 300 personnes. Enfin, il porte le principe d’un deuxième cercle de pilotes permettant une économie importante d’heures de vol puisque ces 50 pilotes réaliseront 140 heures de vol par an sur les 180 de leur enveloppe annuelle sur ce nouveau type d’appareil au lieu de les réaliser sur avion de chasse. Grâce aux capacités de simulation embarquée, cette disposition permettra d’économiser 7 000 heures de vol d’avions de combat, et d’atteindre un niveau d’activité indispensable au maintien des capacités et savoir-faire opérationnels. Ce projet a donc de multiples dimensions ce qui justifie son entrée en service dans les meilleurs délais.

Aujourd’hui, le projet a pris du retard. Au départ, nous étions partis pour un partenariat public-privé (PPP) pour le financer. Le ministère a finalement renoncé, privilégiant un leasing court ; le délai d’instruction ayant conduit à cette nouvelle solution explique le décalage de la contractualisation. Une décision avant la fin de l’année est d’autant plus nécessaire que le projet sous-tend de nombreux équilibres du système de combat et des lignes budgétaires de l’armée de l’air. La balle est actuellement dans le camp de la DGA dans l’attente de la désignation du prestataire.

Concernant l’A400M, la situation n’est pas bonne. L’an dernier, les préoccupations se concentraient sur la transformation de cet appareil en un avion de combat disposant de véritables capacités tactiques. Il y a eu une discussion entre le ministère et l’industriel, lequel s’est engagé à nous livrer avant fin 2016 six appareils au premier standard tactique. J’attends donc le 31 décembre pour dresser un bilan et j’ai bon espoir que l’industriel tiendra cet objectif.

Mais aujourd’hui, la principale préoccupation s’agissant de ce dossier est celle de la crise des moteurs, qui induit de mauvais taux de disponibilité de nos flottes, avec des répercussions sur l’entraînement de nos équipages et sur nos capacités opérationnelles. L’industriel s’est engagé à mettre en place une solution intermédiaire d’ici au printemps 2017. Dans cette attente nous sommes contraints de faire des visites régulières et exténuantes pour le personnel mécanicien, du fait du délai de revisites imposé par les instances de certification. En effet, les moteurs doivent d’abord être révisés au bout de 60 heures et, ensuite, toutes les 20 heures, ce qui représente seulement l’équivalent d’un aller-retour au Moyen-Orient.

M. Candelier, concernant la renégociation des prix du Rafale et la fabrication des corps de bombes, ces deux questions relèvent davantage du délégué général pour l’armement que du CEMAA. Nous avons commandé aujourd’hui 180 avions dans le cadre des contrats Rafale. 28 n’ont pas encore été livrés et la reprise des livraisons doit intervenir dès 2021, après les quatre années blanches prévues par la LPM.

Au sujet des corps de bombe, nous n’avons effectivement plus de capacité industrielle dans notre pays. Peut-être qu’aujourd’hui, au moment où notre consommation augmente, il serait intéressant de se reposer la question d’une capacité de production nationale. S’agissant des kits de guidage, ils sont acquis soit aux États-Unis pour les GBU, soit en France pour les armements air sol modulaires (AASM), réalisés par Safran.

Au sujet de la mission de police du ciel en Lituanie, quatre de nos avions Mirage y sont affectés. Ils réalisent en ce moment de nombreuses interceptions d’avions russes, volant en limite de l’espace aérien des pays baltes. Cette mission est prévue jusqu’au 31 décembre 2016, date à laquelle nous serons relevés par les Pays-Bas, puisqu’il s’agit d’une mesure de réassurance prise dans le cadre de l’OTAN.

Général Jean Rondel, sous-chef activités. Les exercices internationaux sont essentiels car si nos équipages acquièrent une expérience opérationnelle extraordinaire en OPEX, il nous faut maintenir des capacités spécifiques, par exemple de force d’entrée en premier, auxquelles ils ne s’exercent pas quotidiennement. C’est pour cette raison que notre participation à des exercices internationaux doit être maintenue. Nous menons par ailleurs des entraînements avec nos alliés aux Émirats arabes unis, où nombre de nations occidentales sont présentes. Nous participons ainsi par exemple aux exercices ATLC (Advanced Tactical Leadership Course), avec nos équipages déployés sur place et d’autres déployés depuis la France pour des périodes très courtes. Par ailleurs, nous organisons des exercices avec nos alliés américains et britanniques dans le cadre d’exercices trilatéraux.

Toutefois, il faut le reconnaître, le rythme des opérations nous conduit parfois à annuler certains exercices, qui offrent pourtant la garantie de maintenir notre armée de l’air au meilleur niveau.

Général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air. S’agissant des commandes de munitions aéronautiques, le remplacement des munitions tirées en opérations est couvert au titre du décret d’avance OPEX (96 millions en 2016). De plus, tenant compte de l’intensité de nos engagements actuels, des efforts supplémentaires ont été consentis en LFI 2016 (102 millions d’euros), puis lors du conseil de défense d’avril 2016 (256 millions d’euros supplémentaires de commandes sur la période 2016-2017). Les dispositions correspondantes ont été inscrites dans le budget 2017. Il faudra s’assurer qu’elles le soient de la même manière les années suivantes dans la mesure où elles n’ont pas été traduites dans une loi de programmation.

Concernant les exercices, j’ajouterai qu’il est évident que compte tenu du niveau d’activité que j’ai évoqué, nous sommes plus sélectifs et nous nous concentrons sur les exercices du plus haut niveau, centrés sur le maintien des savoir-faire que nous n’utilisons pas en opérations quotidiennement.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie pour votre présentation très complète.

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 2 novembre 2016 à 21 heures (23)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2017.

Article 29 : État B – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN9 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Je vous ferai grâce de la lecture des exposés sommaires en cette heure tardive. Le premier amendement concerne l’augmentation de la subvention consacrée à l’office national d’études et de recherche aérospatiale (ONERA).

Mme Isabelle Bruneau, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement pour deux raisons. Premièrement, vous souhaitez ôter à cet effet des crédits à la simulation, qui est pourtant la seule alternative aux essais nucléaires. C’est donc peu cohérent. Deuxièmement, vous faites état d’une subvention réajustée de soixante-douze millions d’euros. Il se trouve cependant que le chiffre que vous évoquez ne correspond pas aux besoins qui m’ont été décrits lors des auditions. Je le trouve en effet disproportionné. D’autant que j’ai moi-même proposé l’année dernière d’accroître le budget de l’ONERA de quinze millions d’euros supplémentaires, ce qui me semblait à l’époque être davantage en adéquation avec sa situation.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je suis également défavorable à une ponction de soixante-douze millions d’euros des crédits alloués à la simulation nucléaire pour accroitre la subvention accordée à l’ONERA. Les crédits de la simulation sont justement nécessaires à la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et permettent de financer une alternative aux essais atmosphériques ou souterrains. Il faut donc continuer à investir dans la simulation nucléaire et je plaide en faveur d’une augmentation des crédits de recherche amont à cet effet, comme j’ai pu le rappeler aujourd’hui, lors d’un déplacement à Valduc avec mon collègue Jacques Lamblin. Nous avons ainsi pris connaissance des dernières avancées technologiques et scientifiques, dont les retombées sur l’emploi sont conséquentes pour un certain nombre d’entreprises françaises, notamment des PME.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN9.

Article additionnel : après l’article 55 – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN11 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à renforcer les crédits destinés à l’équipement conventionnel de nos armées, en particulier la rénovation des hélicoptères Cougar.

M. François Lamy, rapporteur pour avis. Je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je souhaiterais exprimer deux remarques, également valables pour les trois prochains amendements. Tout d’abord, les crédits de la dissuasion nucléaire correspondent à une juste suffisance, conformément à notre stratégie nucléaire. De plus, la loi de programmation militaire (LPM) ne prévoit aucune éviction du nucléaire par rapport aux armes conventionnelles et aux équipements de nos armées. Sacrifier les crédits consacrés à la dissuasion ne permettra pas de mieux équiper nos armées. J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie. La commission attend avec impatience les conclusions de la mission d’information que vous conduisez avec Jacques Lamblin à ce sujet.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN11. Elle examine ensuite l’amendement DN13 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à la construction et la présence d’un remorqueur de haute-mer à la Rochelle.

M. Gwendal Rouillard, rapporteur pour avis. Premièrement, je rappelle qu’en plus des navires affrétés, les Abeille, nos forces disposeront de huit bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) à la fin de la programmation : quatre civils affrétés et quatre militaires. Deux affrétés doivent être livrés en 2017 et les deux suivants en 2018. Pour les BSAH militaires, deux seront livrés en 2018 et les deux suivants en 2019. La LPM a donc bien pris en considération les enjeux capacitaires dans ce domaine. La question qui est posée est la suivante : faudrait-il, à temps plein, un navire de type remorqueur à La Rochelle ? C’est en réalité une question complexe. En effet, en fonction des conditions opérationnelles, direction et force des vents dominants par exemple, une intervention à partir de Brest peut s’avérer plus rapide qu’à partir de La Rochelle pour effectuer une mission dans le golfe de Gascogne. Je crois me rappeler que La Rochelle a disposé d’un remorqueur jusqu’en 2011. Le sujet peut être mis en débat mais pour ce soir, l’avis sera défavorable. Par ailleurs, je remercie notre collègue M. Candelier pour sa solidarité vis-à-vis de Lorient, mais l’invite à se tourner vers les bons canaux d’information et je lui signale que le plan de charge de Lorient est assuré pour dix ans.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN13. Elle examine ensuite l’amendement DN15 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à acquérir des hélicoptères NH90 pour renforcer la surveillance des zones maritimes dans plusieurs départements et collectivités d’outre-mer.

M. Gwendal Rouillard, rapporteur pour avis. Je partage une partie du constat de notre collègue Candelier puisque je l’ai moi-même exprimé. Les moyens de surveillance maritime, qu’il s’agisse d’ailleurs des moyens navals ou des aéronefs, sont trop modestes par rapport aux étendues à surveiller et par rapport aux intérêts à protéger. En revanche, je ne partage pas sa position concernant la dissuasion nucléaire. L’avis est défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN15. Elle examine ensuite l’amendement DN17 de M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Il s’agit d’une demande de rapport tendant à maintenir la proposition initiale de douze frégates européennes multi-missions (FREMM) aux chantiers navals de Lorient. Une frégate est nécessaire dans les plus brefs délais.

M. Gwendal Rouillard, rapporteur pour avis. Tout d’abord mon cher collègue, sachez que vous êtes dorénavant un invité permanent à Lorient (sourires). Quels que soient nos successeurs, je souhaite livrer un message : à titre personnel, je suis favorable à une augmentation du nombre de FREMM – du moins du nombre de frégates premier rang –, me faisant ainsi l’écho de l’état-major de la marine, eu égard au besoin opérationnel. Mon avis concernant cet amendement est cependant défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN17.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense »

Après avoir entendu les conclusions du rapporteur pour avis émettant un avis défavorable, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Préparation et emploi des forces : Air » de la mission « Défense ».

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

––  Airbus Group – M. Philippe Coq, secrétaire général des Affaires publiques, Mme Annick Perrimond-Dubreuil, et M. Philippe Bottrie, directeur des Affaires publiques France * ;

––  M. le général Jean-François Ferlet, chef du CPCO ;

––  M. le général Philippe Roos, directeur de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense, et M. le capitaine de vaisseau Sébastien Fabre ;

––  M. le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, et M. le lieutenant-colonel Nicolas Lyautey, assistant militaire du CEMAA.

Déplacements

Du 1er au 6 juillet 2016 :

––  Émirats arabes unis (base aérienne 104) ;

––  Jordanie (BAP).

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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