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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017 (n° 4061)
TOME VIII
SÉCURITÉS
GENDARMERIE NATIONALE
PAR M. Daniel BOISSERIE
Député
——
Voir le numéro : 4125 (annexe 11)
SOMMAIRE
___
Pages
I. UN NOUVEL EFFORT BUDGÉTAIRE LÉGITIME ET NÉCESSAIRE 9
A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 152 9
1. Une augmentation substantielle de plus de 3,5 % des crédits de paiement 9
2. La répartition des crédits par titre 11
a. Les dépenses de personnel (titre 2) : près de 7,3 milliards d’euros 11
b. Les dépenses de fonctionnement (titre 3) 12
c. Les dépenses d’investissement (titre 5) 13
d. Les dépenses d’intervention (titre 6) 14
3. Un point de vigilance constant : la question de la mise en réserve 14
B. LES MOYENS DE LA GENDARMERIE 15
1. Les plans de renforcement des forces de sécurité engagés depuis 2015 15
a. L’augmentation des effectifs 15
b. Le renforcement de la réserve opérationnelle 16
c. La revalorisation des moyens de fonctionnement et des équipements 17
2. Les ressources humaines de la gendarmerie : une augmentation des effectifs qui se poursuit 18
a. Le rehaussement du plafond d’emplois 18
b. Les questions soulevées par la transposition prochaine de la directive « temps de travail » de 2003 20
c. Les mesures indemnitaires 22
3. La conduite des opérations immobilières 23
a. La poursuite du plan d’urgence immobilier et l’amélioration de la sécurité des casernes 23
b. La création de l’école des sous-officiers de Dijon 24
4. Les moyens de déplacement et d’intervention 24
5. Le renforcement de l’armement et de la protection du gendarme 26
II. L’ACTIVITÉ DE LA GENDARMERIE : QUELQUES ÉCLAIRAGES PARTICULIERS 27
A. METTRE FIN AU LONG FEUILLETON DE LA REPRISE DES TRANSFÈREMENTS JUDICIAIRES 27
B. LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DE LA GENDARMERIE, PILIER MAJEUR DE LA FUTURE « GARDE NATIONALE » 28
1. Un renforcement de l’engagement citoyen qui doit s’accompagner d’une revalorisation nette des ressources 28
2. Rapide panorama des missions remplies par les réservistes de la gendarmerie 29
C. LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE DANS LES ZONES DE SÉCURITÉ PRIORITAIRES 30
D. LES MISSIONS MENÉES EN DEHORS DE L’HEXAGONE 31
1. Le « dispositif Matignon » et les opérations intérieures (OPINT) 31
2. Des gendarmes engagés dans 16 opérations extérieures (OPEX) 32
SECONDE PARTIE : LA GENDARMERIE NATIONALE ET LA GESTION DES GRANDS ÉVÉNEMENTS 33
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE 33
A. QU’EST-CE QU’UN GRAND ÉVÉNEMENT ? 33
B. LA PLACE DES GRANDS ÉVÉNEMENTS DANS L’ACTION OPÉRATIONNELLE DE LA GENDARMERIE 35
1. Des enjeux de sécurité multiples, renouvelés dans le contexte d’une menace terroriste de haute intensité 35
2. Événements exceptionnels et événements récurrents 36
II. LES MODALITÉS PRATIQUES DE GESTION D’UN GRAND ÉVÉNEMENT 38
A. LES MOYENS DÉPLOYÉS POUR ASSURER LA SÉCURITÉ D’UN GRAND ÉVÉNEMENT 38
1. Les moyens et la formation 38
2. Le concours indispensable de la réserve opérationnelle 40
3. Un haut niveau de menace terroriste qui nécessite des adaptations du dispositif 42
B. DE LA PLANIFICATION AU RETOUR D’EXPÉRIENCE 44
1. Le pilotage des grands événements aux niveaux central et local 44
a. La répartition des compétences entre les autorités d’accueil de l’événement 44
b. La coopération avec les autorités étrangères concernées par l’événement 45
2. Le retour d’expérience post-événement 47
a. L’existence au sein de la gendarmerie d’une structure dédiée aux grands événements et aux enseignements tirés des événements 47
b. L’organisation systématique de retours d’expérience 47
TRAVAUX DE LA COMMISSION 51
I. AUDITION DU GÉNÉRAL RICHARD LIZUREY, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA GENDARMERIE NATIONALE 51
II. EXAMEN DES CRÉDITS 73
ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis 75
Rarement depuis les années 1960 les forces de l’ordre auront été mobilisées de manière aussi intense que dans la période récente. Encore faut-il souligner que cette mobilisation est sans commune mesure, dans sa nature comme dans son ampleur ou sa durée, avec celle qui a pu avoir cours par le passé, notamment dans le cadre des événements de Mai-1968.
Tout au long du quinquennat, le Gouvernement et sa majorité ont agi résolument pour prendre la mesure de cette nouvelle donne sécuritaire et, notamment, de ses conséquences budgétaires. Ils ont également dû remédier aux effets désastreux de la politique menée par la précédente majorité, avec des suppressions d’effectifs aveugles et inconséquentes au titre de la révision générale des politiques publiques.
Chaque année depuis 2012 les moyens budgétaires des forces de sécurité ont été revalorisés, leurs effectifs augmentés, leur équipement adapté et modernisé, qu’il s’agisse de l’armement, des éléments de protection ou des moyens d’intervention. C’est bien la moindre des choses compte tenu des événements et de la mobilisation sans faille qui est demandée aux forces de l’ordre. Beaucoup reste à faire, naturellement, mais une nouvelle dynamique a été enclenchée.
À cet égard le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir des ressources accordées à la gendarmerie pour 2017. Les crédits prévus lui permettront de remplir ses missions avec le professionnalisme et l’exigence qui caractérisent une institution qui demeure l’un des piliers de la République.
Cette dynamique, il convient de la poursuivre et de la renforcer à l’avenir. Selon le rapporteur pour avis, cela peut d’abord passer par la définition d’un principe facile à mettre en œuvre : exonérer de tout gel des crédits l’ensemble des programmes qui participent à la sécurité des Français, au maintien de l’ordre public et à la protection des intérêts nationaux. Ce n’est qu’une question de volonté politique. La menace est à un niveau inédit qui n’est pas appelé à diminuer. Il convient d’en prendre toute la mesure. Sans réclamer des augmentations de crédits extravagantes, il s’agit d’actionner tous les leviers possibles susceptibles de soulager la pression qui pèse sur nos forces de l’ordre, sans pour autant creuser le déficit budgétaire.
De la même manière, il est inenvisageable d’ajouter de la complexité dans l’action de forces de l’ordre déjà extrêmement sollicitées. À cet égard, le rapporteur pour avis estime que la transposition à la police, à la gendarmerie et aux forces armées de la directive 2003/88/CE relative au temps de travail constitue une aberration compte tenu de la réalité opérationnelle et, pour ce qui concerne les militaires – dont les gendarmes –, de l’exigence de disponibilité inhérente à leur statut.
La transposition de cette directive en l’état et conformément à l’interprétation faite par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pourrait se traduire par des augmentations d’effectifs afin de maintenir le même niveau de service et d’engagement opérationnel. Ils ne serviraient pas à produire davantage de sécurité, mais seulement à « boucher les trous » créées par l’application des périodes de repos minimales, journalières et hebdomadaires, prévues par la directive !
L’ensemble des pays européens fait face à des menaces sans précédent. La France a été le pays le plus durement touché. L’heure n’est donc pas à la désorganisation de l’action des forces de l’ordre, simplement pour se conformer à l’interprétation surréaliste du droit communautaire par le juge européen.
Le rapporteur pour avis estime donc que les États membres devraient s’accorder entre eux et avec la Commission européenne pour suspendre le processus de transposition. Ils pourraient ensuite renégocier certaines dispositions de la directive pour préserver un régime spécifique aux forces de l’ordre et aux forces armées, et de manière suffisamment précise afin d’éviter tout risque de remise en cause engendrée par la créativité du juge européen. La saisine de la CJUE pour manquement – en l’espèce pour non transposition – n’étant qu’une possibilité et non une obligation (1), cela est parfaitement envisageable. Face aux attaques qu’elle a subies et aux drames qu’elle a vécus, la France pourrait prendre la responsabilité d’une telle initiative.
Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2016, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
À cette date, 73 réponses sur 75 lui étaient parvenues, soit un taux de 97 %.
PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET 2017 CONFORME AUX EXIGENCES OPÉRATIONNELLES
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 (PLF), 8 912,13 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 8 706,30 millions d’euros de crédits de paiement (CP) sont inscrits au titre du programme 152 « Gendarmerie nationale ». Ces montants comprennent :
– 8 795,07 millions d’euros en AE et 8 589,24 millions d’euros en CP de crédits budgétaires ;
– et 117,06 millions d’euros (AE=CP) au titre des fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP) (2) attendus. Le montant des ADP devrait atteindre 86,9 millions d’euros au titre du remboursement des dépenses de personnel (titre 2) pour les effectifs mis à disposition de divers organismes (3). Hors titre 2, 30,1 millions d’euros de FDC et ADP devraient venir abonder le programme, au titre notamment de la rémunération de prestations délivrées par la gendarmerie (service d’ordre par exemple).
De fait, le PLF pour 2017 poursuit et accentue la tendance observée depuis le début du quinquennat et qui a abouti à une revalorisation constante, année après année, des moyens consacrés aux forces de sécurité. Pour ce qui concerne la gendarmerie, une telle évolution est notamment sensible au niveau des crédits de paiement, qui constituent la ressource effectivement mobilisable au cours d’un exercice budgétaire donné (4). En augmentation de 3,55 %, ils permettront à la gendarmerie d’honorer ses missions traditionnelles tout en assumant les nouvelles priorités et obligations opérationnelles – intervention, investigation, renseignement, prévention – nées du contexte sécuritaire inédit que connaît la France depuis les attentats terroristes qui l’ont frappée en 2015.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME GENDARMERIE NATIONALE 2016-2017
FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS COMPRIS
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
Programme / action |
Ouverts en LFI 2016 |
PLF 2017 |
Évolution 2017/2016 |
Ouverts en LFI 2016 |
PLF 2017 |
Évolution 2017/2016 |
152 Gendarmerie nationale |
8 565,04 |
8 912,13 |
+ 4,05 % |
8 407,61 |
8 706,30 |
+ 3,55 % |
01 Ordre et sécurité publics |
3 225,63 |
3 347,38 |
+ 3,77 % |
3 216,07 |
3 347,38 |
+ 4,08 % |
02 Sécurité routière |
745,97 |
744,78 |
- 0,16 % |
745,97 |
744,78 |
- 0,16 % |
03 Missions de police judiciaire et concours à la justice |
1 911,23 |
2 023,81 |
+ 5,89 % |
1 911,23 |
2 023,81 |
+ 5,89 % |
04 Commandement, ressources humaines et logistique |
2 549,02 |
2 661,05 |
+ 4,40 % |
2 401,15 |
2 455,22 |
+ 2,25 % |
05 Exercice des missions militaires |
133,19 |
135,10 |
+ 1,43 % |
133,19 |
135,10 |
+ 1,43 % |
Source : projet annuel de performances 2017 « Sécurités » ; calculs du rapporteur pour avis.
Hors fonds de concours et attributions de produits, les évolutions de crédits restent quasiment identiques, ainsi qu’en témoigne le tableau suivant.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME GENDARMERIE NATIONALE 2016-2017
HORS FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
Programme / action |
Ouverts en LFI 2016 |
PLF 2017 |
Évolution 2017/2016 |
Ouverts en LFI 2016 |
PLF 2017 |
Évolution 2017/2016 |
152 Gendarmerie nationale |
8 452,96 |
8 795,07 |
+ 4,05 % |
8 295,54 |
8 589,24 |
+ 3,54 % |
01 Ordre et sécurité publics |
3 225,63 |
3 347,38 |
+ 3,77 % |
3 216,07 |
3 347,38 |
+ 4,08 % |
02 Sécurité routière |
745,97 |
744,78 |
- 0,16 % |
745,97 |
744,78 |
- 0,16 % |
03 Missions de police judiciaire et concours à la justice |
1 911,23 |
2 023,81 |
+ 5,89 % |
1 911,23 |
2 023,81 |
+ 5,89 % |
04 Commandement, ressources humaines et logistique |
2 436,95 |
2 543,99 |
+ 4,39 % |
2 289,08 |
2 338,17 |
+ 2,14 % |
05 Exercice des missions militaires |
133,19 |
135,10 |
+ 1,43 % |
133,19 |
135,10 |
+ 1,43 % |
Source : projet annuel de performances 2017 « Sécurités » ; calculs du rapporteur pour avis.
Au total, les ressources prévues témoignent d’une augmentation substantielle du budget consacré à la gendarmerie puisque les AE progressent de 4 % et les CP de 3,5 %.
Le poids budgétaire du programme « Gendarmerie nationale » dans l’ensemble de la mission « Sécurités » reste stable puisqu’il continue de représenter près de 45 % des AE et 44,5 % des CP de celle-ci.
IMPORTANCE RELATIVE DE CHAQUE PROGRAMME DE LA MISSION « SÉCURITÉS »
FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS COMPRIS
(en millions d’euros)
AE |
Part dans le programme |
CP |
Part dans le programme | |
Mission Sécurités |
19 848,8 |
100 % |
19 546,9 |
100 % |
176 Police nationale |
10 446,3 |
52,6 % |
10 312,2 |
52,8 % |
152 Gendarmerie nationale |
8 912,1 |
44,9 % |
8 706,3 |
44,5 % |
207 Sécurité et éducation routières |
39,1 |
0,2 % |
39,1 |
0,2 % |
161 Sécurité civile |
451,2 |
2,3 % |
489,3 |
2,5 % |
Source : projet annuel de performances 2017 « Sécurités » ; calculs du rapporteur pour avis.
Le tableau ci-dessous retrace la répartition des crédits budgétaires inscrits au programme 152 en fonction de leur destination : dépenses de personnel, de fonctionnement, d’investissement et d’intervention.
RÉPARTITION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 152 HORS FONDS DE CONCOURS
ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS
(en millions d’euros)
AE |
CP |
Part dans le programme | ||
AE |
CP | |||
Programme 152 (tous titres) |
8 795,07 |
8 589,24 |
100 % |
100 % |
Dépenses de personnel – titre 2 |
7 271,00 |
7 271,00 |
82,67 % |
84,65 % |
Autres titres |
1 524,07 |
1 318,24 |
17,33 % |
15,35 % |
dont dépenses de fonctionnement – titre 3 |
1 343,15 |
1 171,06 |
15,27 % |
13,63 % |
dont dépenses d’investissement – titre 5 |
174,92 |
139,30 |
1,99 % |
1,62 % |
dont dépenses d’intervention – titre 6 |
6,00 |
7,88 |
0,07 % |
0,09 % |
Source : projet annuel de performances 2017 « Sécurités » ; calculs du rapporteur pour avis.
Avec près de 83 % des autorisations d’engagement et près de 85 % des crédits de paiement – soit 7,27 milliards d’euros – consacrés aux dépenses de personnel, celles-ci demeurent le poste budgétaire le plus important de la gendarmerie.
Au-delà de cette vision strictement budgétaire, le rapporteur pour avis analysera plus en détail les postes financés par ces crédits dans la partie relative aux ressources humaines de la gendarmerie.
Le total des crédits de fonctionnement, d’investissement et d’intervention atteint 1,52 milliard d’euros en AE et 1,32 milliard d’euros en CP, la majeure partie – plus de 88 % – étant consacrée aux dépenses de fonctionnement (soit 1,34 milliard d’euros en AE et 1,17 milliard d’euros en CP).
Les crédits de fonctionnement (titre 3) sont ventilés en sept grands agrégats présentés ci-après par ordre décroissant d’importance budgétaire.
● Premier poste de dépenses en matière de fonctionnement – environ 59 % des AE et 56 % des CP –, les crédits liés à l’immobilier atteindront 798 millions d’euros en AE et 651,7 millions d’euros en CP, la majeure partie étant consacrée au paiement des loyers (590,2 millions d’euros en AE et 488,5 millions d’euros en CP).
● Les crédits consacrés au « fonctionnement courant lié à l’agent » s’élèveront à 225 millions d’euros environ en AE comme en CP, témoignant d’une augmentation respective de 14,3 millions d’euros et de 13,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. Une telle croissance s’explique par les augmentations d’effectifs, la création de nouvelles structures (l’école des sous-officiers de Dijon) et par l’intensité opérationnelle, qui supposent logiquement des dépenses supplémentaires liées à l’exercice quotidien du métier de gendarme (formation, frais de déplacement, dépenses de fonctionnement courant – consommables, téléphonie, etc.).
● Les crédits relatifs aux systèmes d’information et de communication atteindront 135,1 millions d’euros en AE et 107,7 millions d’euros en CP, soit une augmentation respective de 44,4 millions d’euros et de 10,6 millions d’euros. Cette forte croissance par rapport à la LFI 2016 s’explique notamment par le déploiement de NEOGEND.
● Avec 87,8 millions d’euros en AE et 89,8 millions d’euros en CP, les crédits d’équipement seront en diminution par rapport à la LFI 2016. Il est vrai que celle-ci constituait la première année du pacte de sécurité qui s’était traduit par un effort substantiel en la matière.
● Les crédits liés aux moyens mobiles, qui financent les dépenses liées à l’emploi de l’ensemble des véhicules (5) en dotation dans la gendarmerie, atteindront près de 73 millions d’euros en AE comme en CP. Une diminution de la dépense de 3,2 millions d’euros est anticipée sur le poste « carburant », due à l’évolution favorable des indices pétroliers. Toutefois, l’économie nette devrait être inférieure à cette somme, l’intensité opérationnelle se traduisant par une consommation accrue de carburant par les unités.
● Les ressources consacrées aux moyens lourds de projection et d’intervention – le parc d’hélicoptères – atteindront 24,1 millions d’euros en AE et 24,3 millions d’euros en CP, ces derniers étant en légère augmentation afin notamment de couvrir des reliquats de dépenses de maintien en condition opérationnelle engagées au titre de l’année 2016.
● Enfin, 0,35 million d’euros de subventions et contributions (AE=CP) seront attribués la fondation Maison de la Gendarmerie (6).
Les dépenses d’investissement s’élèveront à 174,9 millions d’euros en AE et 139,3 millions d’euros en CP en 2017. Elles enregistrent une diminution de 3,8 millions d’euros pour les premières et de 10 millions d’euros pour les seconds, celle-ci s’expliquant, d’après les documents budgétaires, par l’effort consenti en 2016 au titre du pacte de sécurité.
● L’immobilier constitue le premier poste de dépenses en matière d’investissement, avec 102,7 millions d’euros en AE et 72,1 millions d’euros en CP. Au sein de cette enveloppe et conformément à la programmation établie, 70 millions d’euros en AE financeront des opérations au titre de la troisième annuité du plan d’urgence immobilier 2015-2020. De fait, la majeure partie des crédits – 88,7 millions d’euros en AE et 47,2 millions d’euros en CP – sera mobilisée au titre des opérations de maintenance et de réhabilitation. En outre, cinq millions d’euros (AE=CP) permettront de couvrir la première des trois annuités pour l’acquisition de la base aérienne 102 de Dijon, site retenu pour la création de la nouvelle école des sous-officiers.
● Les 65,7 millions d’euros d’AE et les 54,2 millions d’euros de CP inscrits au titre des moyens mobiles permettront d’acquérir quelque 3 000 véhicules légers et autres motocyclettes.
● 3,5 millions d’euros en AE et 5,3 millions d’euros en CP permettront de financer l’évolution des systèmes d’information et de communication de la gendarmerie (évolution du réseau Rubis et de l’application BDSP (7) et financement du projet AGORH@ solde notamment).
● Les moyens lourds de projection et d’intervention bénéficieront de 1,42 million d’euros en AE et de 1,82 million d’euros en CP au titre de l’amélioration de la protection balistique des hélicoptères.
● Les crédits de l’agrégat « équipement » atteindront 1,6 million d’euros en AE et 5,8 millions d’euros en CP permettront l’acquisition de matériel de police technique et scientifique (lampes criminalistiques, microscopes de laboratoires, etc.) et le renforcement des moyens techniques d’investigation et de renseignement.
Les 6 millions d’euros en AE et 7,9 millions d’euros en CP prévus à ce titre par le PLF 2017 permettront, en application du décret n° 93-130 du 28 janvier 1993, d’accorder des subventions d’investissement aux collectivités territoriales finançant des opérations immobilières de construction de casernements de gendarmerie.
Depuis 2013, le rapporteur pour avis porte une attention particulière à la question de la mise en réserve des crédits votés par le Parlement en loi de finances initiale.
Touchant l’ensemble des programmes du budget général dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve n’a cessé de progresser au fil des exercices budgétaires pour s’établir, depuis le PLF 2015, au niveau particulièrement élevé de 8 % hors titre 2 – et 0,5 % pour les crédits ouverts sur le titre 2. Ce niveau est reconduit pour la troisième année consécutive dans le cadre du PLF 2017.
Pour 2017, le gel des crédits devrait ainsi atteindre :
– 36,3 millions d’euros sur le titre 2 en AE comme en CP ;
– 121,6 millions d’euros en AE et 106,4 millions d’euros en CP sur le hors titre 2.
Pour ne retenir que le gel des crédits hors titre 2 et à titre de comparaison, une telle mise en réserve représenterait plus des deux tiers des AE (69,5 %) et plus des trois quarts des CP (76,4 %) consacrés aux dépenses d’investissement en 2017.
Ceci est d’autant plus contraignant que, comme le rapporteur pour avis l’avait expliqué à l’occasion de son avis sur le PLF 2016, le taux de mise en réserve hors titre 2 s’applique sur une « assiette budgétaire » extrêmement réduite. En effet, si l’on soustrait au 1,52 milliard d’euros en AE et 1,32 milliard d’euros en CP de crédits hors titre 2 les dépenses ne pouvant, théoriquement (8), faire l’objet d’un tel gel, soit qu’il s’agisse de dépenses obligatoires (notamment les loyers pour 590,2 millions d’euros en AE et 488,5 millions d’euros en CP), soit qu’il s’agisse des dépenses indispensables à la conduite des missions de la gendarmerie (moyens mobiles, SIC, fonctionnement courant, etc.), la réserve prive le gestionnaire du programme d’une partie substantielle de ses maigres marges de manœuvre budgétaire.
Le rapporteur pour avis ne remet pas en cause l’utilité de cette technique budgétaire qui vise à assurer, en exécution, le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement. Il s’interroge toutefois sur son application homothétique à l’ensemble des programmes concernés.
Compte tenu du contexte sécuritaire, des efforts constants et sans cesse plus importants demandés aux forces de sécurité et de la priorité légitimement donnée à la lutte contre le terrorisme, le rapporteur pour avis estime que l’ensemble des programmes participant à la sécurité des Français et soumis à cette mise en réserve devraient être dispensés d’un tel gel de leurs ressources et voir l’ensemble de leurs crédits rendus disponibles dès le début de l’exercice budgétaire.
A minima, à plus long terme et au-delà du strict champ de la sécurité publique, si pour des raisons techniques ou politiques il s’avérait inenvisageable d’exonérer totalement certains programmes de cette règle, il conviendrait de modifier le 4° bis de l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF )(9) afin de pouvoir appliquer des taux de mise en réserve différenciés en fonction, d’une part, des contraintes avérées ou prévisibles pesant sur les différents services et administrations et, d’autre part et surtout, des priorités décidées par le politique.
Depuis 2015, les capacités opérationnelles de la gendarmerie nationale comme de l’ensemble des forces de sécurité ont été renforcées. Différents plans ont été élaborés afin de répondre aux enjeux posés par la lutte antiterroriste et la gestion de la crise migratoire.
Ainsi, en termes d’effectifs, la gendarmerie a bénéficié en 2015 de 100 postes supplémentaires créés au titre du plan de lutte contre le terrorisme (PLAT), soit :
– 50 postes dans les 25 antennes du renseignement territorial (ART) présentes au niveau de certaines compagnies et brigades afin de repérer le plus en amont possible les phénomènes de radicalisation ;
– et 50 postes en unités opérationnelles afin de renforcer les capacités d’observation, de surveillance, d’analyse et de lutte contre les cybermenaces.
Au titre de l’année 2016, 2 188 postes ont été créés :
– 55 postes au titre du PLAT dont 50 personnels répartis dans 25 nouvelles ART ;
– 370 postes de gendarmes mobiles au titre du plan « Migrants », dont 110 personnels affectés à la création d’un nouvel escadron de gendarmerie mobile ;
– 1 763 postes au titre du pacte de sécurité ;
– 484 postes pour la création d’un cinquième peloton au sein de 22 escadrons de gendarmerie mobile ;
– 86 postes pour la création de trois antennes du GIGN ;
– 30 postes pour la création de l’antenne du GIGN de Mayotte ;
– 400 postes pour renforcer 150 PSIG qui seront spécialement entraînés et équipés pour devenir progressivement des PSIG-Sabre sur la période 2016-2018 ;
– 180 postes créés dans les groupes d’observation et de surveillance (45 postes) et les cellules départementales d’observation et de surveillance (135 postes) ;
– 583 postes créés pour la mission de contrôle des flux.
Par ailleurs et conformément à l’engagement du président de la République, la gendarmerie bénéficie de 200 ETP supplémentaires chaque année sur la durée du quinquennat. Tel sera à nouveau le cas en 2017, 55 autres ETP étant par ailleurs créés dans le cadre de la dernière annuité du PLAT.
En application du PLAT, près de 100 000 jours de réserve supplémentaires ont été financés en 2015. La même dotation a été reconduite en 2016 et le sera 2017.
La réserve opérationnelle a encore été renforcée dans le cadre du pacte de sécurité, qui a permis le financement de 137 000 jours de réserve supplémentaires en 2016. Les mêmes ressources sont prévues pour 2017.
● Le PLAT, a permis un abondement des crédits à hauteur de 78 millions d’euros en 2015. La priorité a d’abord été donnée au renforcement de la protection des forces de sécurité (23 millions d’euros). Des ressources ont également été affectées aux moyens mobiles (18 millions d’euros pour les véhicules légers et blindés) et pour la modernisation des moyens informatiques et de transmission (13 millions d’euros).
En 2016, le PLAT a permis l’affectation de 5,2 millions d’euros supplémentaires. Au titre de l’annuité 2017 du plan, cette dotation atteindra 5,6 millions d’euros.
● Le plan « Migrants » a permis un abondement de 7,1 millions d’euros au titre de 2016, soit :
– 4,3 millions d’euros de moyens de fonctionnement ;
– 1,4 million d’euros dans le domaine des véhicules ;
– 1,3 million d’euros au titre des moyens de protection et d’intervention et de l’armement ;
– et 0,1 million d’euros dans le domaine des moyens informatiques et de transmission.
● Enfin, le pacte de sécurité a consacré l’octroi de moyens supplémentaires substantiels à hauteur de 93,4 millions d’euros en 2016 et 73,5 millions d’euros en 2017.
ABONDEMENTS PRÉVUS DANS LE CADRE DU PACTE DE SÉCURITÉ EN 2016 ET 2017
(en millions d’euros)
2016 |
2017 (prévisions) | |
Moyens de protection, d’intervention et armement |
24,8 |
7,9 |
Véhicules |
33,3 |
27,9 |
Moyens informatiques et de transmission |
6,3 |
21,3 |
Moyens CFAGN* |
0,4 |
0,4 |
Infrastructures |
9,2 |
4,3 |
Moyens NRBC |
5,0 |
0,2 |
École de Dijon |
3,7 |
- |
Moyens de fonctionnement |
10,7 |
11,5 |
TOTAL |
93,4 |
73,5 |
* Commandement des forces aériennes de la gendarmerie nationale
Source : ministère de l’Intérieur – réponses au questionnaire du rapporteur pour avis.
En 2016 et pour la première fois depuis 1998, un escadron de gendarmerie mobile – l’escadron 20/1 de Rosny-sous-Bois – a été créé. Au-delà de la portée symbolique de cette décision, cette création témoigne de la priorité donnée aux questions de sécurités au cours du quinquennat.
● Le PLF pour 2017 prévoit de rehausser le plafond d’emplois – c’est-à-dire la limite haute des effectifs juridiquement autorisés par le Parlement – de 402 équivalents temps plein travaillé (ETPT) (10) pour atteindre 100 192 ETPT. Ce solde net correspond à :
– une augmentation de 361 ETPT qui correspond au schéma d’emplois de 2017 ;
– une augmentation de 147 ETPT correspondant à l’intégration sous le plafond d’emplois du programme 152 des effectifs mis à disposition d’organismes extérieurs (dont 144 ETPT pour EDF) ;
– une diminution de 106 ETPT au titre des transferts, solde principalement dû à la reprise très progressive de l’exercice des missions d’extraction judiciaire par l’administration pénitentiaire.
En raisonnant à périmètre constant en considérant les seuls effectifs relevant réellement de la performance du programme 152 – donc hors effectifs mis à disposition d’organismes extérieurs –, 255 emplois seront créés en 2017 (soit 200 emplois au titre de l’engagement du président de la République de créer 200 postes dans la gendarmerie pour chaque annuité du quinquennat, et 55 emplois au titre de l’annuité 2017 du plan de lutte antiterroriste).
Pour parvenir à ce solde final, la gendarmerie procédera au recrutement de 10 272 personnels (11), lequel compensera un flux de départs estimé à 10 017 personnes (dont 2 800 départs en retraite).
ÉVOLUTION DES EMPLOIS EN 2017
(en ETP)
Catégorie d’emplois |
Sorties prévues |
Entrées prévues |
Solde net |
Personnels administratifs |
249 |
322 |
+ 73 |
Personnels techniques |
84 |
275 |
+ 191 |
Ouvriers de l’État |
31 |
2 |
– 29 |
Officiers – gendarmes |
429 |
81 |
– 348 |
Sous-officiers – gendarmes |
2 990 |
3 532 |
+ 542 |
Volontaires – gendarmes |
6 234 |
6 060 |
– 174 |
TOTAL |
10 017 |
10 272 |
+ 255 |
Source : rapport annuel de performances 2017 « Sécurités ».
Le tableau suivant retrace, par corps et catégorie, les effectifs autorisés sous plafond d’emplois et les effectifs réalisés entre 2012 et 2017 (consommation effective au 31 juillet et projection pour les cinq derniers mois de l’année pour 2016 ; prévision pour ce qui concerne les effectifs réalisés 2017). Celui-ci témoigne de l’effort accompli en la matière par le Gouvernement et sa majorité depuis 2012.
Le plafond d’emplois dépasse la barre symbolique des 100 000 ETPT, tandis que les effectifs réellement présents au sein de la gendarmerie auront augmenté de près de 3 400 postes entre ces deux dates (12).
EFFECTIFS DU PROGRAMME 152 AUTORISÉS ET RÉALISÉS ENTRE 2012 ET 2017
(en ETPT)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 | ||
Officiers |
Plafond d’emplois |
6 966 |
7 015 |
6 912 |
6 896 |
6 910 |
6 725 |
Réalisation |
6 512 |
6 473 |
6 404 |
6 384 |
6 374 |
6 419 | |
Sous-officiers |
Plafond d’emplois |
73 164 |
74 208 |
74 203 |
73 975 |
76 226 |
76 573 |
Réalisation |
72 171 |
72 999 |
72 693 |
73 133 |
73 779 |
75 577 | |
Volontaires |
Plafond d’emplois |
12 505 |
12 579 |
12 459 |
12 390 |
12 259 |
12 419 |
Réalisation |
13 177 |
12 254 |
12 663 |
12 450 |
12 140 |
12 584 | |
Civils |
Plafond d’emplois |
3 223 |
3 291 |
3 593 |
3 954 |
4 395 |
4 475 |
Réalisation |
3 308 |
3 557 |
3 435 |
3 521 |
3 792 |
3 977 | |
TOTAL |
Plafond d’emplois |
95 858 |
97 093 |
97 167 |
97 215 |
99 790 |
100 192 |
Réalisation |
95 168 |
95 283 |
95 195 |
95 488 |
96 085 |
98 557 |
Source : ministère de l’Intérieur – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
● Reste un « point noir » en matière de ressources humaines : la persistance d’un « trou à l’emploi » – soit la différence entre le plafond d’emplois autorisés par le Parlement et les effectifs réels – qui, pour 2017 et selon les données actuellement disponibles, devrait atteindre 1 635 ETPT.
À cet égard, le rapporteur pour avis se contentera de rappeler la position qu’il défend depuis plusieurs années :
– après éventuels redéploiements d’effectifs, réorganisation de la « carte gendarmerie » et décompte des postes ne permettant pas une réelle production de sécurité (du fait de la taille trop modeste de certaines brigades notamment), il conviendrait d’abaisser le plafond d’emplois autorisés jusqu’au niveau estimé nécessaire ;
– une fois ce nouveau plafond déterminé, le solde résultant de la différence entre celui-ci et les effectifs réels devrait impérativement être comblé en revalorisant à due concurrence les crédits de titre 2.
b. Les questions soulevées par la transposition prochaine de la directive « temps de travail » de 2003
La question du « trou à l’emploi » mérite d’être reliée à un autre sujet de préoccupation du rapporteur : la transposition à la gendarmerie – mais également à l’ensemble des forces armées et de sécurité – de la directive 2003/88/CE relative au temps de travail (13).
Si le rapporteur pour avis peut partager l’objectif de la directive dans le sens où elle garantit un niveau de protection minimal à l’ensemble des travailleurs européens grâce à un certain nombre de dispositions (temps de repos quotidien, durée maximale de travail hebdomadaire par exemple), il s’inquiète de sa transposition à certaines composantes de la fonction publique dont le statut, l’organisation et les missions supposent le maintien d’un régime spécifique et adapté en la matière. Or cette directive, et notamment ses dispositions relatives aux périodes minimales de repos, sont totalement incompatibles avec l’exigence de disponibilité inhérente au statut militaire et avec la réalité opérationnelle.
Ainsi dans son article 3 la directive prévoit-elle l’existence d’un repos physiologique quotidien de 11 heures toutes les 24 heures. Autre exemple, son article 6 relatif à la durée maximale hebdomadaire de travail prévoit que celle-ci n’excède pas 48 heures, heures supplémentaires comprises.
L’article 17 aurait pu être de nature à rassurer les gestionnaires des forces de sécurité publique puisqu’il prévoit des dérogations aux dispositions de l’article 3 entre autres « pour les activités de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes »… en s’empressant d’ajouter : « notamment lorsqu’il s’agit de gardiens ou de concierges ou d’entreprises de gardiennage » ! Une telle précision pourrait prêter à sourire si elle n’était pas aussi aberrante : la directive a bien prévu une sorte de « permanence opérationnelle » des gardiens et concierges pour leur contribution à la protection des biens et des personnes, mais strictement rien pour les policiers ou les militaires – dont les gendarmes.
Il est vrai qu’une exemption de principe avait été prévue pour ces personnels par une directive antérieure. Ainsi, le paragraphe 2 de l’article 2 de la directive 89/391/CE (14) précise explicitement que certaines dispositions de droit communautaire – dont, par renvoi, les dispositions en cause de la directive de 2003 – ne sont pas applicables « lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par, exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante ».
Malheureusement, la Cour de justice de l’Union européenne a pratiquement ôté toute portée à cet article de principe en lui donnant une interprétation particulièrement restrictive qui le vide de sa substance. Ainsi, à l’occasion d’un recours en manquement portée par la Commission européenne contre l’Espagne (15), la Cour a restreint ces possibles dérogations à certaines missions seulement conduites par les forces de sécurité et les forces armées.
Le point 26 de l’arrêt de la CJUE précise en effet que l’exception prévue à l’article 2 précité « ne saurait trouver à s’appliquer que dans le cas d’événements exceptionnels à l’occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel ayant à faire face à un événement de ce type accorde une priorité absolue à l’objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint ».
Fort heureusement, les forces de l’ordre n’ont pas à faire face quotidiennement à des « événements exceptionnels » ou à « des situations de risque collectif grave ». Il n’en demeure pas moins qu’au-delà de ces situations spécifiques, la protection des personnes et des biens doit être assurée en permanence et que cette exigence passe par une contrainte de disponibilité renforcée voire absolue par rapport à ce qui est exigible d’un salarié ou d’un fonctionnaire « classique ».
Selon le directeur général de la gendarmerie nationale, la transposition de la directive « temps de travail » pourrait avoir un impact de l’ordre de 3 à 5 % des effectifs totaux afin de continuer à mener les missions – sans compter les difficultés en termes d’organisation du travail. Dans cette perspective, la résorption des « trous à l’emploi » n’en serait que plus légitime.
Espérer en un revirement rapide de jurisprudence de la CJUE – avant la transposition de la directive – est sans doute illusoire. En revanche, les États membres pourraient parfaitement s’accorder avec la Commission européenne (16)et entre eux (17)pour suspendre le processus de transposition. Ils pourraient ensuite renégocier certaines dispositions et le faire de manière suffisamment précise de telle sorte qu’aucune construction jurisprudentielle ultérieure ne vienne fragiliser le régime spécifique qu’il est indispensable de maintenir pour les forces de l’ordre et les forces armées. Le contexte sécuritaire global auquel font face l’ensemble des pays européens, et notamment la France, plaide en ce sens et notre pays pourrait prendre la responsabilité d’une telle initiative.
● Le protocole pour la « valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale »
Le 11 avril 2016, le ministre de l’Intérieur signait avec le secrétaire général du conseil de la fonction militaire gendarmerie et le secrétaire du groupe de liaison du CFMG un protocole pour la « valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale ». Ce protocole donnait ainsi une portée concrète à l’engagement pris par le président de la République le 22 octobre 2015 et tendant à « mieux valoriser les carrières de ceux qui s’engagent au service de la sécurité de leurs concitoyens. »
Ce protocole comprend 13 mesures dont la mise en œuvre représente un montant total de 215 millions d’euros, dont 67,26 millions d’euros au titre de 2017. Au titre de ces mesures, on peut citer :
– la transposition du PPCR (18) aux personnels militaires de la gendarmerie, destiné à reconnaître le haut niveau d’engagement des gendarmes et à valoriser les responsabilités exercées, les efforts de formation effectués et les qualifications détenues ;
– la mise en œuvre de l’avancement semi-automatique au grade d’adjudant à 25 ans de service ;
– la revalorisation de l’indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) ;
– la revalorisation de l’indemnité spécifique spéciale (ISS) allouée aux gendarmes adjoints volontaires ;
– l’augmentation du contingent de primes de haute technicité (PHT), notamment dans le domaine de la criminalistique, et du nombre des emplois éligibles à l’indemnité de fonction et de responsabilités (IFR) (19) ;
– l’assimilation du corps des sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale aux corps de catégorie B de la fonction publique ;
– la valorisation de l’encadrement supérieur de la gendarmerie nationale, désormais reconnu comme faisant partie de la haute fonction publique dès le grade de lieutenant-colonel ou de chef d’escadron pour les officiers de ce grade occupant un emploi de responsabilités supérieures.
● L’application du protocole est en outre complétée par un certain nombre d’autres mesures catégorielles, d’un coût de 10,31 millions d’euros en 2017 :
– la revalorisation des bas de grilles des sous-officiers de gendarmerie ;
– l’élargissement de l’attribution de l’IFR à certains officiers ;
– la revalorisation de l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) ;
– les mesures catégorielles pour les personnels civils.
Le coût total de mise en œuvre du protocole et des autres mesures catégorielles est estimé à 77,56 millions d’euros en 2017 et à 89,38 millions d’euros en année pleine (20).
● Pour la troisième année consécutive et conformément aux engagements pris par les pouvoirs publics, le plan d’urgence pour l’immobilier domanial de la gendarmerie sera doté de 70 millions d’euros en autorisations d’engagement. Ces ressources permettront d’engager une vingtaine d’opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes.
Les logements sont concernés à titre principal, 4 000 d’entre eux devant faire l’objet d’une rénovation en 2017. Rappelons que, sur les trois premières années du plan, ce sont 13 000 logements qui doivent être traités.
Au 31 juillet 2016, 40 millions d’euros ont été affectés et 20 millions d’euros ont été engagés, qui ont permis le financement d’études ou des travaux de 30 opérations de réhabilitation.
L’année 2015 avait notamment été consacrée à la conduite des études indispensables à la réalisation des travaux lourds de réhabilitation et au lancement des marchés. De fait, les premières opérations immobilières d’envergure (21) ont démarré au cours du premier semestre 2016. Une vingtaine d’opérations significatives sont actuellement en cours, par exemple au Havre, à Metz ou à Quimper. Pour 2017, et au titre de ces opérations d’envergure, on peut citer la réhabilitation des logements de la caserne abritant les personnels de l’escadron de gendarmerie mobile 45/7 d’Auxerre.
● Rappelons que le parc immobilier de la gendarmerie compte 75 036 logements au 1er juillet 2016, répartis en 3 823 casernes dont 667 domaniales. Les 3 156 autres casernes sont locatives et appartiennent à des collectivités territoriales ou à des partenaires privés. Elles supposent donc le versement de loyers. Par ailleurs, 8 800 logements font l’objet d’une prise à bail individuelle hors caserne et 1 703 logements font partie d’ensembles immobiliers locatifs.
● Il convient enfin de souligner que, au titre de 2017, un plan de renforcement de la sécurité des casernes doté de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement sera lancé. Ces crédits permettront d’engager des dépenses immobilières et informatiques.
Les travaux pour les infrastructures de formation et d’hébergement des élèves ont été prévus à hauteur de 5,8 millions d’euros pour les exercices 2016 et 2017 et sont financés à hauteur de 4,6 millions d’euros au titre du pacte de sécurité.
Le transfert d’utilisateur de l’armée de l’air à la gendarmerie a été réalisé le 31 août 2016. Le montant de ce transfert est de 15 millions d’euros répartis sur trois annuités à partir de 2017, dont cinq millions d’euros au titre du premier exercice. En outre, un million d’euros permettra de finaliser les travaux d’aménagement de l’emprise au titre de cette même année.
● Au titre de l’année 2017, la gendarmerie devrait acquérir quelque 3 000 véhicules et motocyclettes. D’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, le respect strict des critères de réforme des véhicules (22) supposerait d’acheter 800 unités de plus. Rappelons qu’en 2016, 3 030 véhicules devaient être acquis, pour un besoin estimé à 3 000 unités compte tenu de ces critères de réforme. Exceptionnellement, l’engagement financier en la matière avait donc été conforme au besoin.
Au 1er août 2016, la gendarmerie nationale disposait de 30 337 véhicules, répartis en deux catégories :
– le parc opérationnel, affecté aux missions de sécurité publique, sécurité routière, police judiciaire et maintien de l’ordre ;
– le parc non-opérationnel comprenant les moyens d’instruction et de transport de personnel ou de matériel.
Le taux de disponibilité du parc opérationnel est relativement élevé puisqu’il avait atteint 86,3 % en 2015.
ÉVOLUTION DU PARC ROULANT DE LA GENDARMERIE 2012-2016 (a)
Véhicules légers |
Motos |
Transports en commun |
Blindés |
Poids lourds |
Véhicules spéciaux |
Total | |
2012 |
24 356 |
3 615 |
266 |
158 |
643 |
2 348 |
31 386 |
2013 |
23 984 |
3 466 |
266 |
158 |
647 |
2 276 |
30 797 |
2014 |
23 323 |
3 468 |
266 |
166 |
619 |
2 313 |
30 155 |
2015 |
23 755 |
3 373 |
267 |
167 |
623 |
2 356 |
30 541 |
2016 |
23 797 |
3 372 |
185 |
182 |
590 |
2 211 |
30 337 |
Source : ministère de l’Intérieur – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
(a) Véhicules loués compris.
● Le parc blindé
La gendarmerie dispose de 84 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) en parc, matériels entrés en service il y a plus de 40 ans, en 1974. Si leur disponibilité est jugée satisfaisante, leur âge va inévitablement entraîner de sérieux problèmes s’agissant de leur maintien en condition opérationnelle (MCO), même si la réduction du parc et le prélèvement de pièces détachées sur les véhicules réformés facilitent dans une certaine mesure leur entretien.
À la suite des attentats survenus en 2015 et 2016, la gendarmerie a lancé l’acquisition de 14 véhicules blindés Toyota Centigon au profit du GIGN et de ses six antennes régionales.
En 2016, la gendarmerie compte 55 hélicoptères répartis en trois flottes :
– 14 EC145 biturbines d’un âge moyen de onze ans ;
– 15 EC135 biturbines d’un âge moyen cinq ans ;
– 26 Écureuils d’un âge moyen de 31 ans.
Les deux parcs de biturbines sont encore récents. En revanche, le parc Écureuil, vieillissant, a dû subir un programme de revalorisation avec un passage de l’ensemble de la flotte en « grande visite », ce qui a permis à chaque appareil d’être prolongé de 14 années supplémentaires. Ce parc peut dès lors être maintenu en service jusqu’en 2025.
Rappelons que le 20 mai 2016, à Tarbes, un EC145 a été détruit dans un accident qui a entraîné la mort de quatre gendarmes. D’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, la décision de rachat et de remplacement de cet hélicoptère perdu n’a pas encore été finalisée.
Les unités nautiques de la gendarmerie disposent de 331 embarcations dont 34 embarcations lourdes (âge moyen de 22 ans). Ce parc est complété par d’autres matériels : canots légers, rigides ou pneumatiques, pirogues, canoës (âge moyen de 15 ans).
Il convient de souligner que le parc de plus fort tonnage demeure déficitaire. Il serait nécessaire de renouveler les 23 embarcations les plus anciennes, ce qui représenterait un coût total de 11,5 millions d’euros.
À la suite des attentats qui ont frappé la France, une démarche de modernisation de l’armement collectif des forces de sécurité intérieure a été entreprise. Dans ce cadre, un certain nombre d’acquisitions a été opéré, dont les principales sont ici rappelées.
Tout d’abord, de nouveaux fusils d’assaut de calibre 5,56 mm, plus adaptés à la nouvelle menace, sont entrés en dotation. Ainsi, 400 fusils HK G36K ont été acquis par la gendarmerie nationale, ces armes ayant été mises à disposition des PSIG-Sabre, des nouvelles antennes du GIGN ou d’unités spécialisées tels que les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) chargés de la protection des centres nucléaires de production d’électricité. Compte tenu du nombre de fusils de ce modèle déjà en service avant 2016, la gendarmerie dispose dorénavant de 800 fusils HK G36K. La majorité du parc de fusils d’assaut reste toutefois constitué des 28 000 FAMAS qui sont principalement en dotation au sein des unités de gendarmerie mobile et des PSPG.
En outre, 1 800 pistolets-mitrailleurs HK UMP sont en cours d’acquisition et devraient être déployés au sein des forces à la fin de l’année 2016, complétant ainsi le parc qui comprend actuellement 11 200 unités (et 3 000 HK MP5 de génération précédente).
En ce qui concerne la protection balistique, 34 500 gilets pare-balles individuels (GPBi) ont été acquis en 2016 et ont permis le remplacement des éléments plus anciens. En outre, 125 boucliers balistiques rigides ont été déployés dans les PSIG-Sabre et les antennes du GIGN, 50 autres exemplaires ayant été commandées pour équiper les PSIG-Sabre en 2017.
Enfin, au titre du PLAT, la gendarmerie a acquis 2 450 gilets pare-balles à port apparent dont 36 au profit du GIGN, et 10 800 gilets porte-plaques pour les unités les plus exposées.
Le PLF pour 2017 prévoit 16,2 millions d’euros d’autorisation d’engagement pour l’acquisition de nouveaux moyens de protection et d’intervention, dont sept millions d’euros consacrés à l’achat de gilets pare-balles, notamment 15 000 GPBi.
Les développements qui suivent ne prétendent évidemment pas présenter de manière exhaustive l’ensemble des actions menées par la gendarmerie. Ils ont pour objet faire le point sur un certain nombre de thèmes qui ont retenu l’attention du rapporteur pour avis, soit qu’ils témoignent de difficultés qu’il s’agit de résoudre, soit qu’ils s’inscrivent dans l’actualité.
En 2010 avait été décidée la prise en charge par l’administration pénitentiaire (AP) de l’intégralité des missions d’extractions et de transfèrements judiciaires, ainsi que les opérations d’escorte et de garde des détenus hospitalisés en unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI). Ce transfert de compétences devait s’effectuer progressivement, par région, sur trois ans (2011-2013) et s’accompagner d’un transfert de ressources humaines à hauteur de 800 ETP, dont 519 pour la gendarmerie nationale et 281 pour la police nationale.
Si les deux premières annuités du transfert ont été réalisées conformément aux arbitrages, la troisième et – censément – dernière annuité a été gelée à la demande du ministère de la Justice. Le volume d’ETP transféré était en effet considéré comme insuffisant pour assurer dans de bonnes conditions la reprise de la mission aux forces du ministère de l’Intérieur. Ce moratoire faisait suite à la remise d’un rapport d’inspection conjoint de l’Inspection générale de l’administration, de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale des finances, préconisant notamment un échelonnement de la réforme jusqu’en 2017.
Dans le cadre d’un accord conclu en juin 2014 entre les ministères de l’Intérieur et de la Justice, le nombre de postes à transférer à l’AP a été revu à la hausse : 1 200 ETP supplémentaires devaient être transférés, dont 780 pour la gendarmerie nationale et 420 pour la police nationale.
Pour ce qui concerne la métropole, l’objectif final est l’achèvement du transfert à l’AP au 1er mai 2019. Il n’est toutefois pas certain que ce nouveau délai soit davantage respecté que les précédents puisque, compte tenu de la persistance des difficultés rencontrées par l’AP, les ministres de la Justice et de l’Intérieur ont demandé, le 31 mai 2016, la conduite d’un nouvel audit du transfert de la mission.
Le rapporteur pour avis ne mésestime évidemment pas la complexité d’un tel transfert et la charge qu’il représente pour une administration – l’AP – également très sollicitée ces dernières années. Il s’étonne néanmoins de la longueur du processus, l’achèvement de celui-ci devant intervenir, s’il n’est pas de nouveau repoussé par le futur audit, près de 10 ans après la prise de décision initiale. Or, la mobilisation des forces de sécurité intérieure sur ce type de mission particulièrement chronophage les empêche de participer pleinement à la production de sécurité, soit leur cœur de métier.
1. Un renforcement de l’engagement citoyen qui doit s’accompagner d’une revalorisation nette des ressources
Le 12 octobre dernier, a été présenté en Conseil des ministres le décret relatif à la création de la « garde nationale », nouvelle appellation regroupant les volontaires de la réserve opérationnelle des forces armées et des formations rattachées relevant du ministre de la Défense, de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale et de la réserve civile de la police nationale (23).
De fait, avec ses 25 000 réservistes la gendarmerie, qui est la première force de réservistes en proportion de ses effectifs d’active, constituera le pilier majeur de la garde nationale.
L’objectif affiché par le Gouvernement est d’augmenter d’un tiers environ le nombre de volontaires pour atteindre 85 000 réservistes à la fin de l’année 2018, dont 40 000 dans les forces armées comme dans la gendarmerie.
Le rapporteur pour avis soutient ce projet susceptible d’accompagner la forte demande d’engagement des jeunes Français, notamment après les dramatiques événements qu’a connus le pays.
Il s’interroge toutefois sur ses modalités de financement. En effet, à l’heure actuelle, la gendarmerie finance sur ses propres ressources le coût de la réserve (62 millions d’euros hors CAS « Pensions » prévus en 2017 permettant de maintenir un niveau élevé d’emploi avec un objectif de 3 000 réservistes/jour l’année prochaine). Or, compte tenu des tensions pesant sur son budget dans le contexte d’un engagement opérationnel inédit appelé à perdurer, il ne faudrait pas que ce système de financement soit maintenu à moyens constants. À défaut, cela signifierait que le financement de la réserve opérationnelle s’effectue au détriment des missions des gendarmes professionnels. De fait, il faudra s’assurer, d’une part, que la réserve bénéficie des ressources nécessaires à l’équipement et à la formation des volontaires et, d’autre part, que ce niveau de ressources se traduise par la revalorisation à l’euro près du budget de la gendarmerie nationale. Ce raisonnement est au demeurant également valable pour les forces armées et pour la police nationale.
Rappelons que les réservistes de la gendarmerie sont employés pour assurer un large éventail de missions :
– le renfort au quotidien des unités territoriales de la gendarmerie départementale avec par exemple, en période estivale, l’engagement de plusieurs milliers de réservistes pour assurer la sécurité publique dans les zones d’affluence saisonnière ;
– la sécurisation lors de grands événements nationaux (cf. partie thématique du présent rapport) ;
– le renforcement des capacités de renseignement, notamment dans le domaine de l’intelligence économique territoriale ;
– le renforcement de la protection des personnes lors d’événements sportifs de grande ampleur : Tour de France, Euro 2016, etc.
Depuis 2015, les réservistes sont totalement intégrés dans le dispositif opérationnel de lutte antiterroriste de la gendarmerie nationale. Ils renforcent les unités territoriales sous forme de détachements autonomes et rehaussent le niveau de sécurité et de surveillance des sites sensibles par une action visible et dynamique sur le terrain. Par ailleurs, ils apportent une plus-value incontestable au dispositif de renseignement et d’information de la gendarmerie du fait de la diversité de leur recrutement, de leurs lieux de résidence et de leurs milieux socioprofessionnels.
Rappelons à titre liminaire que les zones de sécurité prioritaires (ZSP) ont été instituées en 2012 par circulaire du ministère de l’Intérieur. La philosophie des ZSP tient dans la concentration des actions de sécurité et de prévention dans les territoires structurellement touchés par les phénomènes de délinquance ou d’incivilités. L’action des forces de sécurité en ZSP est fondée sur une action de proximité et des modes d’action originaux avec, notamment un renforcement de la coordination entre les acteurs de la sécurité (24), mais également avec les acteurs du monde associatif et institutionnel (25).
Les 15 premières ZSP ont été mises en place entre août et octobre 2012. Les 49 ZSP de la deuxième vague ont été créées entre novembre 2012 et avril 2013. Enfin, 16 ZSP ont été mises en place entre janvier et février 2014.
Il existe à l’heure actuelle 80 ZSP, dont trois outre-mer :
– 53 ZSP relèvent de la compétence exclusive de la direction générale de la police nationale (DGPN) ;
– neuf ZSP relèvent de la compétence exclusive de la préfecture de police de Paris ;
– 11 ZSP relèvent de la compétence exclusive de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) ;
– sept ZSP mixtes relèvent d’une compétence partagée entre la police et la gendarmerie.
Sur le volet sécurité et dans le seul ressort des ZSP relevant de la compétence de la gendarmerie nationale, les résultats du premier semestre 2016 font apparaître les résultats suivants :
– les cambriolages ont diminué de 7,7 % ;
– le nombre de vols liés aux véhicules à moteur et aux deux roues est en diminution de 8,1 % ;
– les vols sans violence ont diminué de 7 % ;
– les atteintes volontaires à l’intégrité physique sont en augmentation de 3,7 % ;
– les infractions à la législation sur les stupéfiants (trafic et revente sans usage) sont en hausse significative de 81,5 % ;
– le nombre de fraudes est en hausse de 15,1 %.
● Le « dispositif Matignon » est le nom donné au dispositif permanent de maintien de l’ordre et de sécurité publique dans les départements et collectivités d’outre-mer assuré par la gendarmerie nationale. En 2015, son coût a atteint 50,61 millions d’euros.
COÛT DU « DISPOSITIF MATIGNON » EN 2015
(en millions d’euros)
Titre 2 |
Hors titre 2 |
||||
IJAT (a) |
Alimentation |
Fonctionnement |
Transports |
Effectifs jours officiers / sous-officiers | |
Guadeloupe |
2,23 |
1,58 |
0,40 |
0,53 |
8/186 |
Guyane |
5,19 |
4,10 |
1,60 |
1,80 |
12/419 |
Martinique |
0,92 |
1,05 |
0,14 |
0,29 |
3/77 |
Mayotte |
2,21 |
1,45 |
0,73 |
0,65 |
4/103 |
Nouvelle Calédonie |
6,18 |
3,45 |
1,15 |
3,67 |
13/286 |
Polynésie |
2,48 |
1,66 |
0,25 |
1,06 |
3/117 |
La Réunion |
1,10 |
1,20 |
0,50 |
0,62 |
4/92 |
Saint Martin |
1,01 |
0,70 |
0,38 |
0,33 |
4/84 |
Total |
21,32 |
15,19 |
5,15 |
8,95 |
51/1 364 |
Total global |
21,32 |
29,29 |
Source : ministère de l’Intérieur – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
(a) Indemnité journalière d’absence temporaire.
● Les opérations conduites par les unités de gendarmerie au-delà du « dispositif Matignon » relèvent des opérations intérieures. Elles se composent, d’une part, du renforcement permanent du dispositif décidé en 2009 et, d’autre part, des renforts ponctuels liés aux événements particuliers, qu’ils soient planifiés ou imprévisibles.
En 2015, le surcoût total des OPINT a atteint 2,98 millions d’euros soit :
– 1,82 million d’euros au titre du surcoût du renforcement permanent ;
– et 1,16 million d’euros au titre de la gestion d’événements particuliers tels que les visites effectuées par le président de la République (26) ou le Premier ministre (27) dans les territoires ultramarins.
En 2016, la gendarmerie est engagée dans 16 opérations extérieures, dans des cadres civils comme militaires, relevant de dix théâtres différents. Au 30 juin de cette année, 105 gendarmes étaient déployés en OPEX, majoritairement sur le continent africain (près de 62 % des effectifs déployés).
GENDARMES DÉPLOYÉS EN OPEX AU 30 JUIN 2016
Opérations |
Effectifs |
Irak (renfort sécurité de l’ambassade) |
28 |
Kosovo (mission civile EULEX) |
4 |
Liban (FINUL) |
4 |
Mali (EUCAP Sahel, ONU–MINUSMA et Barkhane) |
26 |
Niger (EUCAP Sahel et Barkhane) |
9 |
République centrafricaine (Sangaris, EUMAM et MINUSCA) |
10 |
République de Côte d’Ivoire (FFCI et ONUCI) |
10 |
République démocratique du Congo (MONUSCO) |
5 |
Tchad (Barkhane) |
5 |
Jordanie (Chammal) |
4 |
TOTAL |
105 |
Source : ministère de l’Intérieur – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
Pour 2016, la dotation budgétaire initiale avait été établie à 11 millions d’euros. Les données prévisionnelles font état d’une dépense de 10,1 millions d’euros, susceptible d’être réévaluée – à la hausse comme à la baisse – le cas échéant.
ÉVOLUTION DES COÛTS DES ENGAGEMENTS
EN OPEX DE LA GENDARMERIE DEPUIS 2012
(en millions d’euros)
Masse salariale (titre 2) |
Fonctionnement courant et transport (titre 3) |
Alimentation (titre 3) |
Investissement (titre 5) |
TOTAL tous titres | |
2012 |
18,8 |
7,7 |
1,8 |
2,4 |
30,7 |
2013 |
11,1 |
4,1 |
0,9 |
0,6 |
16,7 |
2014 |
8,5 |
3,5 |
0,1 |
0,4 |
12,5 |
2015 |
5,4 |
0,9 |
1,1 |
0 |
7,4 |
2016* |
7 |
1,5 |
1,6 |
0 |
10,1 |
* Données prévisionnelles
Source : ministère de l’Intérieur – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
SECONDE PARTIE : LA GENDARMERIE NATIONALE ET LA GESTION DES GRANDS ÉVÉNEMENTS
Le rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de son avis à la gestion des grands événements par la gendarmerie nationale, thème qui s’inscrit dans une double actualité : tout d’abord, notre pays a accueilli nombre de manifestations d’ampleur et de nature très différentes au cours des trois dernières années (COP 21, Euro 2016, etc.) ; en outre la gestion de ces événements publics majeurs a dû être adaptée compte tenu des menaces qui pèsent sur la France, dans le contexte d’un état d’urgence plusieurs fois prorogé.
Aux termes du « guide pratique de préparation et de gestion des grands événements » (28) diffusé auprès des préfets, les grands événements sont : « des événements de grande ampleur planifiés, organisés sur le territoire national par l’État, ou par des organisations internationales ou des organisateurs privés en liaison avec les représentants de l’État ».
En reprenant la typologie des organisateurs possibles, il peut donc s’agir d’événements organisés :
– par l’État : COP 21, commémorations du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie ;
– des organisations internationales : sommet de l’OTAN ;
– des organisateurs privés en liaison avec les représentants de l’État : grands événements sportifs type Euro 2016 ou Tour de France.
Au-delà de cette définition générale, le législateur a choisi de créer un régime spécifique aux grands événements exposés au risque terroriste. Ainsi, l’article 53 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (29) a créé un article L. 211-11-1 au sein du code de la sécurité intérieure, qui dispose que « les grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste sont désignés par décret. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui accueillent ces grands événements ainsi que leur organisateur. »
Il prévoit que, hormis pour les participants à l’événement ou pour les spectateurs, l’accès auxdits établissements et installations est soumis à l’autorisation de l’organisateur de l’événement, lequel doit préalablement saisir l’autorité administrative. Au terme d’une enquête administrative qui, en pratique, peut donner lieu à la consultation de fichiers, celle-ci émet un avis. Cet avis ne peut être défavorable que si l’enquête tend à démontrer que « le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État ».
Pour le ministère de la Défense, régulièrement appelé à participer de manière concourante à la gestion d’un grand événement, celui-ci est « une manifestation ayant souvent un impact de portée internationale, qui rassemble sur le territoire national, pour une durée variable, mais généralement limitée à quelques jours, un nombre important de personnes et de personnalités incluant des hautes autorités nationales et étrangères, sur une zone donnée. Cet événement est planifié avec un préavis variable et son organisation incombe à l’autorité civile ». On notera le tropisme naturellement beaucoup plus institutionnel – portée internationale, présence de « hautes autorités nationales et étrangères » – du ministère de la Défense par rapport au ministère de l’Intérieur dont la définition est plus générale.
● Sur le plan opérationnel, la notion de grand événement se caractérise par :
– la présence au même endroit et au même moment d’un public nombreux, de nombreuses personnalités ou autorités donnant une sensibilité particulière à l’événement, ou d’une conjonction de ces deux caractéristiques ;
– la complexité des mesures d’organisation et de sécurité qui dépassent les capacités de l’échelon local et qui nécessitent en conséquence une planification et une coordination régionale ou centrale, ainsi que l’engagement de moyens complémentaires ;
– une action interservices voire interministérielle ;
– et une forte exposition médiatique.
● D’ampleur et de nature variable – politique, commémorative, sportive, culturelle, festive, etc. – les grands événements imposent des priorités opérationnelles différentes, les modalités pouvant se cumuler sur le même événement. La typologie suivante fait état des principales modalités de gestion susceptibles d’être rencontrées à l’occasion d’un grand événement :
– la gestion d’un site unique (COP 21) ou de sites multiples imposant des bascules de forces (Euro 2016, visite papale) ;
– la protection périphérique et la protection de personnalités (COP 21) ;
– le contrôle de zone ou le contrôle dans la profondeur (commémorations du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie) ;
– contrôle de flux (70e anniversaire du Débarquement) ;
– gestion de foule (Euro 2016, 70e anniversaire du Débarquement) ;
– protection d’itinéraire (Tour de France).
1. Des enjeux de sécurité multiples, renouvelés dans le contexte d’une menace terroriste de haute intensité
La concentration, pour une même période et sur un même lieu – ou plusieurs lieux identifiés – d’un grand nombre de personnes voire de personnalités (politiques, économiques, culturelles, médiatiques, etc.) constitue par nature une vulnérabilité et un « fixateur de risques ».
La gestion d’un grand événement par les forces de sécurité consiste à garantir et faire respecter un certain nombre d’impératifs d’ordre et de sécurité publics, tout en perturbant le moins possible le déroulement de la manifestation. Il convient également d’assurer la meilleure protection de l’événement tout en maintenant à un niveau acceptable le « seuil de nuisance » pour le public participant comme pour la population locale.
Il s’agit ainsi :
– de permettre l’expression de l’éventuelle contestation populaire tout en préservant le bon déroulement de l’événement (revendications, manifestations, etc.) ;
– de limiter voire d’empêcher ou de faire cesser les troubles graves à l’ordre public pouvant être commis dans l’environnement immédiat de l’événement ou sur des cibles symboliques plus lointaines (risques attachés aux casseurs, aux « black blocs », etc.) ;
– d’assurer la sauvegarde des voies de communication pour garantir les flux essentiels, en particulier autour de l’événement ;
– de garantir la cybersécurité ;
– de contrôler l’espace aérien pour se prémunir d’attaques venues du ciel, y compris menées au moyen de drones ;
– de surveiller les approches maritimes lors d’événements littoraux ou impliquant de nombreux mouvements internationaux (par exemple lors des Jeux olympiques de 2012).
Un autre risque, déjà présent à l’esprit des forces de sécurité compte tenu de l’histoire de notre pays, a pris une forme et une importance renouvelées : le risque terroriste, qui constitue un défi majeur pour les administrations et services chargés de la préparation et de la gestion d’un grand événement.
Il implique :
– la prévention des actes hostiles à travers notamment un travail approfondi de renseignement ;
– la protection contre les atteintes aux personnes ou aux biens grâce à l’anticipation, dès la phase de planification, du volume de forces à déployer ;
– l’entraînement au traitement opérationnel d’un acte hostile occasionnant de nombreuses victimes (riposte à l’agression, gestion de la foule, secours aux blessés, etc.).
● D’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, la gendarmerie doit s’occuper en moyenne de deux grands événements exceptionnels de portée nationale ou internationale chaque année. À ces événements ponctuels s’ajoute une dizaine de grandes manifestations récurrentes, prévisibles, qui font l’objet d’une planification spécifique.
Le tableau suivant synthétise les sept grands événements exceptionnels qui se sont déroulés depuis 2012 et qui ont nécessité un investissement important de la part de la gendarmerie (aucun événement exceptionnel notable ne s’est produit en 2013).
LES ÉVÉNEMENTS EXCEPTIONNELS MAJEURS 2012-2016
Année |
Événement |
2012 |
• Dispositif concourant à la sécurité des JO de Londres |
2014 |
• Commémorations du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie • Jeux équestres mondiaux |
2015 |
• Jeux des îles de l’océan Indien • COP 21 |
2016 |
• Centenaire de la bataille de Verdun • Centenaire des batailles de la Somme • Championnat d’Europe de football (Euro 2016) |
Source : direction générale de la gendarmerie nationale – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
Au titre des événements récurrents, on peut citer :
– le Tour de France ;
– les courses de sport mécanique majeures : 24 heures du Mans et Bol d’or ;
– les teknivals ;
– les rassemblements évangéliques (30) ;
– ainsi que des événements se déroulant en zone de compétence police et pour la gestion desquels la gendarmerie intervient en tant que force concourante : 14-Juillet, Saint-Sylvestre et Fête de la Musique à Paris.
● En 2017, la gendarmerie sera amenée à participer à la sécurisation d’au moins trois grands événements : le championnat du monde de handball au mois de janvier, les élections présidentielles aux mois d’avril et mai, les élections législatives au mois de juin.
Par ailleurs, les forces de gendarmerie pourraient être mobilisées toute l’année au titre de grands événements annuels d’ampleur locale, parmi eux et de manière non exhaustive :
– en janvier : le rallye de Monte-Carlo et le festival international du film fantastique de Gérardmer ;
– en février : le salon de l’Agriculture ;
– en mars : la course cycliste Paris-Nice ;
– en avril : la course cycliste Paris-Roubaix, la foire internationale de l’Isle-sur-la-Sorgue ou encore les Printemps de Bourges ;
– en mai : la Fête du travail et le festival de Cannes ;
– en juin : le festival de musiques extrêmes Hellfest à Clisson, les Chorégies d’Orange ou encore le salon de l’espace et de l’aéronautique du Bourget ;
– en juillet : de nombreux événements estivaux (31) ;
– en août : le pèlerinage de Lourdes ;
– en septembre : le festival cinématographique de Deauville, la Braderie de Lille ;
– en octobre : la Réderie d’automne de Flixécourt ;
– en novembre : le départ et l’arrivée de la course à la voile le Vendée Globe ;
– en décembre : les différents marchés de Noël.
● D’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, la gestion des grands événements organisés depuis 2012 n’a pas suscité de tensions particulières sur les effectifs ou les équipements. En revanche, dans un contexte de sécurité très dégradé, elle a nécessité une rationalisation drastique de l’emploi des forces, les escadrons de gendarmerie mobiles (EGM) et la réserve opérationnelle constituant les principales composantes disponibles pour assurer la sécurité de ces grandes manifestations.
Le tableau suivant présente les moyens humains mobilisés par la gendarmerie au titre des événements les plus significatifs organisés entre 2012 et 2016.
EFFECTIFS MOBILISÉS PAR LA GENDARMERIE POUR LA GESTION DES GRANDS ÉVÉNEMENTS MAJEURS 2012-2016
Composante de la gendarmerie | ||||||||
GD |
GM |
GR |
GS |
GIGN |
RO |
Totaux | ||
Événement |
JO 2012 |
NC |
105 |
6 |
65 |
- |
NC |
176 |
Commémorations Débarquement |
530 |
4 866 |
100 |
62 |
57 |
195 |
5 800 | |
Jeux équestres |
108 |
53 |
12 |
- |
- |
48 |
221 | |
Jeux des îles de l’océan Indien |
65 |
160 |
- |
4 |
- |
- |
229 | |
COP 21 |
100 |
300 + Effectifs réserve MO |
18 |
12 |
NC |
NC |
430 + réserve MO | |
Commémorations Verdun |
323 |
400 |
12 |
- |
- |
NC |
735 | |
Commémorations Somme |
370 |
130 |
- |
- |
- |
NC |
500 | |
Euro 2016 |
28 000 |
1 700 |
NC |
35 |
100 |
NC |
29 835 | |
Événements annuels |
Teknival |
215 |
200 |
- |
- |
- |
40 |
455 |
Tour de France |
20 permanents + engagements locaux |
40 |
- |
13 |
NC |
13 000 |
GD : gendarmerie départementale ; GM : gendarmerie mobile ; GR : garde républicaine ; GS : gendarmerie spécialisée (maritime et transports aériens) ; MO : maintien de l’ordre ; NC : non comptabilisé et/ou réalisé dans le cadre du service courant ; RO : réserve opérationnelle.
Source : direction générale de la gendarmerie nationale – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
● Les dépenses de fonctionnement associées à la sécurisation des grands événements n’ont pas posé de difficultés de gestion. En effet, la diminution du coût des carburants et de l’énergie constatée depuis 2015 a permis de réaliser ces missions dans le respect de la dotation budgétaire prévue, sans conséquence sur les autres postes de dépenses (équipements et investissements) notamment grâce aux ressources supplémentaires accordées à la gendarmerie dans le cadre des divers plans gouvernementaux.
Sans surprise et comme le révèle le tableau suivant, c’est la participation à la sécurisation de l’Euro 2016 qui se sera avérée de loin la plus coûteuse pour les forces de gendarmerie – le chiffrage global n’étant au demeurant pas définitif à ce stade.
LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ASSOCIÉES À LA GESTION
DES GRANDS ÉVÉNEMENTS 2012-2016
(en euros)
Événement |
Nature de la dépense |
||||||
Alimentation |
Transport et déplacement – Hébergement |
SIC |
Divers |
Carburant |
Total | ||
2012 |
JO 2012 |
13 216 |
242 272 |
68 |
20 513 |
276 069 | |
2014 |
Jeux équestres |
ND |
ND |
ND |
5 338 |
5 338 | |
Commémorations Débarquement |
ND |
ND |
248 |
230 483 |
230 731 | ||
2015 |
Jeux des îles de l’Océan indien |
74 776 |
2 328 |
2 797 |
79 902 | ||
COP 21 |
137 214 |
176 704 |
29 989 |
15 080 |
358 987 | ||
2016 |
Commémorations Verdun |
9 805 |
ND |
107 900 |
13 300 |
160 909 | |
Commémorations Somme |
29 904 |
ND | |||||
Euro 2016 (a) |
1 085 819 |
1 012 430 |
72 345 |
72 984 |
169 597 |
2 413 173 |
(a) Chiffres non définitifs.
ND : données non disponibles.
Source : direction générale de la gendarmerie nationale – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
● La formation à la sécurisation d’un grand événement se déroule dans le cadre classique de formation initiale de chaque élève-officier ou élève-gendarme aux techniques du maintien et du rétablissement de l’ordre.
Les officiers ayant vocation à prendre un commandement en gendarmerie mobile suivent un stage de trois semaines au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier. Les différentes techniques et tactiques du maintien et du rétablissement de l’ordre leur sont enseignées en théorie comme en pratique, la gestion de grands événements étant au programme de ces stages.
En matière de formation continue, chaque EGM participe tous les 32 mois à un stage de perfectionnement de deux semaines sur les techniques de maintien et de rétablissement de l’ordre au CNEFG.
Enfin, il est intéressant de souligner que les épreuves orales du concours de l’École de guerre reprennent des cas concrets ayant principalement pour thème la gestion de grands événements en matière de police administrative ou judiciaire. Ces épreuves, destinées à sélectionner les personnels à haut potentiel ayant vocation à se voir confier les grands commandements de la gendarmerie, permettent de mettre les candidats en situation d’analyser et de planifier des opérations d’envergure.
Il convient de rappeler à titre liminaire que la réserve a connu une réforme en 2015 avec la création de la réserve territoriale, résultat de la fusion entre les réserves de la gendarmerie départementale, de la gendarmerie mobile et de la garde républicaine. La réserve comprend trois composantes distinctes :
– la réserve opérationnelle de 1er niveau (RO1) : elle est forte de 25 000 volontaires ayant conclu un contrat d’engagement à servir dans la réserve (ESR) pour une période de un à cinq ans ;
– la réserve opérationnelle de 2e niveau (RO2) : elle regroupe 28 000 anciens militaires d’active soumis à une obligation de disponibilité de cinq ans ;
– la réserve citoyenne, avec 1 300 volontaires bénévoles agréés pour une durée de trois ans, renouvelables.
La RO1 est aujourd’hui une composante indispensable à la performance de la gendarmerie ; ses caractéristiques et qualités en témoignent. En premier lieu, elle est rapidement mobilisable du fait de la proximité entre le lieu d’emploi du réserviste et son lieu de résidence. Il s’agit d’un atout incomparable au niveau opérationnel, les réservistes mobilisés ayant une connaissance fine du milieu physique et de l’environnement humain dans lesquels ils évoluent. Par ailleurs, du point de vue budgétaire, une telle proximité permet de contenir les frais de fonctionnement afférents, notamment les coûts de transport et d’hébergement.
Il s’agit en outre d’une force adaptable, modulable et polyvalente en fonction des événements. C’est également une force flexible, du fait d’un emploi des réservistes à la journée. Son fort encadrement par des officiers et sous-officiers de réserve, principalement anciens officiers et sous-officiers de gendarmerie ayant récemment quitté le service actif est également un gage d’efficacité technique et opérationnelle.
Rappelons que la RO1 est placée sous le commandement opérationnel et l’autorité hiérarchique directs des officiers ou sous-officiers d’active exerçant le commandement territorial (32), ce qui garantit un emploi adapté, au plus près des situations et besoins locaux.
Si les réservistes sont mobilisés pour la conduite de missions traditionnelles de sécurité publique générale, ils ont également vocation à participer, au côté des personnels d’active, à la gestion des grands événements. Ils peuvent dès lors agir soit en unité autonome de circonstance, soit en renfort au sein des unités d’active.
Dans le cadre de la participation à la gestion des grands événements, les missions de la réserve sont essentiellement :
– le contrôle de foule ;
– l’information et la protection des personnes ;
– le renseignement d’ambiance ;
– la participation à la sécurité générale du dispositif.
Il est traditionnellement fait appel à la réserve dans le cadre de grands événements récurrents. Tel est le cas du Tour de France, dont l’édition 2015 et la sécurisation des zones d’affluence saisonnière a occasionné plus de 29 000 jours réserve. En 2016, les réservistes ont participé à la sécurisation de grands événements nationaux (camps de base de l’Euro 2016, Tour de France) mais également à de multiples compétitions sportives, festivals et événements festifs d’ampleur régionale ou locale.
L’évolution des dépenses liées à l’engagement de la réserve entre 2015 et 2016 témoigne du haut niveau d’engagement de celle-ci.
ÉVOLUTION DU BUDGET DE LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE 2015-2016
(en millions d’euros)
Titre 2 |
Hors titre 2 | |||
2015 |
50,5 |
5,3 | ||
2016 |
Budget initial |
62 |
5,5 | |
Abondement Euro 2016 |
1 |
0 | ||
Abondement état d’urgence |
12 |
4,5 | ||
GOPINT* |
0,7 |
0 | ||
Total 2016 |
75,7 |
10 | ||
Évolution 2016/2015 |
+ 50 % |
+ 88,7 % |
* Renfort de 10 groupements de gendarmerie départementale touchés par la forte activité et les « trous à l’emploi ».
Source : direction générale de la gendarmerie nationale – réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
Après l’attentat de Nice, et conformément à la décision du président de la République, un recours massif à la réserve opérationnelle a été enclenché.
Ce sont d’abord 12 500 réservistes qui ont été mobilisés, soit un engagement de plus de 3 000 réservistes/jour, contre 1 500 en temps normal. Au mois d’août, cet effort a été porté à 3 187 réservistes/jour, avec des pics à 4 000 réservistes/jour au cours de ce même mois.
● Alors que la gestion et la sécurisation d’un grand événement constituent déjà, par nature, des opérations complexes et consommatrices de potentiel, la conduite de ce type de missions dans le contexte d’une menace terroriste diffuse de haut niveau et de l’état d’urgence s’avère encore plus délicate.
En plus de ses conséquences en termes de mobilisation accrue des effectifs, cette réalité opérationnelle suppose un changement d’organisation, avec par exemple une meilleure coordination et un recours plus important aux acteurs de la sécurité privée.
Rappelons ainsi que l’Euro 2016 a mobilisé jusqu’à 30 000 gendarmes, soit un quart de l’effectif de la gendarmerie nationale, réserve comprise. En outre, près de 13 000 gendarmes ont participé à la sécurisation de l’édition 2016 du Tour de France. Cela a été indiqué, le recours à la réserve a considérablement augmenté, tandis que les forces mobiles ont également été très sollicitées. À titre d’exemple, 26 EGM ont été mobilisés pendant l’Euro 2016, ce qui représente plus de 38 % des moyens disponibles.
Au-delà de ces moyens « classiques », des moyens spéciaux ont également été mobilisés dans le cadre de la gestion des grands événements récents. Ainsi la gendarmerie a mobilisé ses forces aériennes avec, toujours dans le cadre de l’Euro 2016, la consommation de 160 heures de vol d’hélicoptère, dont 30 heures de vol de nuit. À cet égard, il conviendra de procéder au remplacement de l’hélicoptère EC145 qui s’est écrasé le 20 mai 2016 dans les Pyrénées afin de maintenir les capacités aériennes de la gendarmerie.
Enfin, toujours vigilante quant à l’adaptation de la réponse à la menace, la gendarmerie a développé de nouveaux modes d’action et de nouvelles capacités. Au titre des premiers, on peut citer la constitution et le déploiement d’équipes d’intervention aéromobile du GIGN tout au long du Tour de France. Au titre de secondes, on soulignera l’emploi opérationnel de drones, le renforcement de la capacité de lutte contre la menace NRBC-E (33) ou encore le développement d’une capacité cynophile de recherche d’explosifs sur personnes en mouvement.
Dans le contexte spécifique de l’état d’urgence, le dispositif tactique se décline en dispositifs de sécurisation, de contrôle des flux routiers, aériens et ferrés, et d’ordre public renforcés. Une contribution plus forte de militaires spécialisés dans le domaine de l’intervention est également recherchée. Enfin, les personnels engagés sont équipés de protections balistiques lourdes, de tenues NRBC et d’armes collectives. La recherche du renseignement et son analyse revêtent une importance encore plus grande qu’à l’accoutumée.
Le dispositif mis en place lors de l’Euro 2016
Du 10 juin au 10 juillet 2016, la France a accueilli le 15echampionnat d’Europe de football au cours duquel 24 sélections nationales se sont opposées lors de 51 matchs.
En vue de garantir la sécurité de l’événement tout en perturbant le moins possible le déroulement du tournoi, un protocole entre l’État et la Fédération française de football (FFF) relatif à la sécurité et à la sûreté de l’Euro a été signé le 2 septembre 2015.
Au cours de la compétition, 30 000 militaires de la gendarmerie ont été engagés :
– 2 500 gendarmes mobiles pour assurer le maintien de l’ordre public afin de faire face à tout type de menace, notamment aux abords des stades et des « fan zones ». S’y ajoutaient onze équipes cynophiles spécialisées dans la détection d’explosifs sur les personnes en mouvement ;
– 400 militaires spécialisés, placés en mission de protection et d’escorte de 12 équipes et de leurs délégations : GIGN, antennes du GIGN et techniciens d’escorte d’autorité et de sécurisation de site – en lien avec les team security liaison officers ;
– 25 000 gendarmes départementaux et 1 500 gardes républicains, renforcés par des réservistes opérationnels pour sécuriser les camps de base, les principaux axes de communication, les aéroports et les gares. Les moyens aériens de la gendarmerie ont par ailleurs appuyé les unités au sol dans leurs missions de surveillance et de protection ;
– en appui du dispositif global, plusieurs unités spécialisées engagées comme la cellule nationale d’appui à la mobilité (Cnamo), la cellule nationale observation, exploitation, imagerie légale (Cnoeil), la cellule nationale nucléaire – radiologique – biologique – chimique (C2NRBC) ainsi que le groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM).
En outre, des policiers étaient détachés à des postes décisionnels au sein de la société Euro 2016 SAS (34), facilitant ainsi les échanges en matière de sûreté et de sécurité entre l’organisateur et les forces de l’ordre.
Pour ce genre d’événements, les échanges s’effectuent principalement via la délégation interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) au sein de laquelle un colonel de gendarmerie était affecté en qualité d’officier de liaison.
En phase de planification en amont de la compétition, les réunions régulières ont permis de définir les besoins en matière de sûreté et sécurité tant pour les sélections nationales que pour la population. En phase de conduite, les aménagements nécessaires se sont faits soit par des recommandations centrales, soit par des échanges quotidiens et des adaptations avec les responsables locaux.
● En plus de l’action des forces publiques de sécurité, les organisateurs sont tenus d’assurer un niveau de sécurité « interne » toujours plus élevé, qui se traduit par un recours accru aux services de sécurité privés. Ceci n’est d’ailleurs pas sans poser certaines questions, notamment sur la qualité du service rendu dans le cadre d’un grand événement complexe, voire sur la possible défaillance de tels prestataires. Ainsi, dans le cadre des Jeux olympiques de Londres en 2012 et alors que ce secteur est très développé au Royaume-Uni, les entreprises de sécurité privées se sont révélées incapables d’honorer l’ensemble de leurs engagements, aboutissant à un recours inédit aux armées, notamment pour participer aux opérations de contrôle et de filtrage.
Les modalités de gestion des grands événements sont fixées par la circulaire précitée du ministre de l’Intérieur portant « guide pratique de préparation et de gestion des grands événements » à l’usage des préfets.
● Au niveau central et sauf décision contraire du président de la République ou du Premier ministre, c’est le ministère de l’Intérieur qui est chargé de la responsabilité globale d’organisation et de conduite des grands événements. Dans certains cas comme l’organisation de grands sommets internationaux, une structure ad hoc peut être mise en place.
Au niveau local, c’est le préfet de département qui est responsable de l’événement. En fonction de la nature de celui-ci, il peut solliciter le concours :
– du préfet maritime pour ce qui relève de la sûreté maritime ;
– du commandant de la défense aérienne pour ce qui relève de la sûreté aérienne ;
– de l’officier général de zone de défense et de sécurité (OGZDS) pour le dispositif militaire terrestre.
● Le rôle des autorités en charge de la gestion des grands événements
La présidence de la République assure le pilotage national des grands événements, en particulier lorsque ceux-ci ont un caractère international. Elle fixe les orientations et les communique au préfet de département, directement ou par le biais du ministère de l’Intérieur.
Le préfet de département joue un rôle essentiel dans le déroulement d’un grand événement. Il est responsable du processus de planification, de montée en puissance du dispositif, de conduite de l’événement et de retour à la vie normale. Un grand événement impose au préfet de département de prendre des mesures :
– garantissant l’ordre et la sécurité publics ;
– renforçant le dispositif de protection des populations ;
– assurant plus généralement les responsabilités de l’État vis-à-vis des citoyens, des collectivités territoriales et des acteurs économiques.
Ces mesures se font sans préjudice des compétences relevant du préfet de zone de défense et de sécurité. Le préfet de département est également en liaison permanente avec l’échelon central, la zone de défense et de sécurité, la chaîne OTIAD (35), les services de l’État, les collectivités territoriales (36) et certains partenaires associatifs ou privés (37).
Une fois formellement désigné comme coordonnateur local, le préfet de département met en place un comité de pilotage (COPIL – organisation), une cellule de planification préfectorale (préparation) et un poste de commandement interservices (PCIS – conduite). À l’issue de l’événement, le préfet conduit le retour d’expérience (RETEX).
Depuis plusieurs années, le développement de la coopération policière internationale facilite et favorise le recours à des services étrangers dans la gestion de l’ordre public des grands événements. De fait le cadre légal au niveau européen a été substantiellement consolidé en la matière, avec notamment :
– le traité de Prüm relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale, en particulier son article 26 (38) ;
– la décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008 relative à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, en particulier son article 18 (39).
Des instruments multilatéraux ou bilatéraux de coopération transfrontalière peuvent par ailleurs venir préciser ces dispositions générales pour les adapter aux spécificités intéressant les signataires (40).
À l’échelon central, c’est la direction de la coopération internationale (DCI) du ministère de l’Intérieur qui est chargée de mettre en place, d’animer et de coordonner les dispositifs de coopération opérationnelle, technique et institutionnelle de la police et de la gendarmerie. La DCI s’appuie sur le réseau des attachés de sécurité intérieure (ASI) dont les 250 membres, policiers et gendarmes, sont présents au sein de 93 ambassades couvrant 156 pays.
À l’échelon zonal, régional et départemental, les préfets assurent la coordination d’ensemble, tant en phase de planification que lors de la conduite des opérations. Avec les commandants d’unités engagés (police, gendarmerie), ils peuvent s’appuyer sur le renfort des policiers, gendarmes et correspondants de sécurité étrangers, déployés pour l’occasion. Le cas échéant, ils peuvent également s’appuyer sur les centres de coopération policière et douanière (CCPD), structures permanentes chargées de favoriser et de faciliter l’assistance, la coopération policière et l’échange de renseignements entre deux ou plusieurs pays voisins.
La coopération internationale dans le cadre d’un grand événement :
le cas du Tour de France
Dans le cadre de l’édition 2016 du Tour de France, qui traversait trois pays étrangers, les modalités de coopération et de coordination avec les autorités étrangères ont été les suivantes :
– trois réunions ont été conduites, en amont de l’événement, à Vielha (Espagne), Andorre-la-vieille (Andorre) et Berne (Suisse) par la société organisatrice du Tour de France, Amaury Sport Organisation (ASO). Elles ont associé les représentants des ambassades de France dans ces pays, les forces de l’ordre françaises en charge de la sécurisation du Tour (officier de liaison de la DGGN, garde républicaine, mission police nationale) et les forces de l’ordre locales (Guardia Civil et Mossos d’Esquadra pour l’Espagne, police andorrane, gendarmeries des cantons de Vaux, Berne et Valais pour la Suisse). Elles ont permis de définir les modalités de passage et de sécurisation de la course ainsi que les conditions d’entrée et de séjour des personnels de la gendarmerie nationale dans ces pays avec leurs armes et matériels ;
– en mai 2016, une ultime réunion a rassemblé l’ensemble des forces de l’ordre à Paris pour les derniers préparatifs ;
– les renseignements administratifs relatifs au passage de la frontière des forces de l’ordre et des véhicules du Tour de France ont été transmis en amont par chaque acteur (DGGN, DGPN, ASO) aux services des douanes des pays concernés et aux représentations diplomatiques, sur la base des accords de Prüm pour l’Espagne ou des accords bilatéraux pour Andorre et la Suisse ;
– au moment du passage du Tour, des officiers de liaison des Mossos d’Esquadra, de la police andorrane et des gendarmeries cantonales suisses ont été embarqués dans des véhicules de l’échelon course afin de faciliter les échanges entre les différents interlocuteurs.
Il convient de souligner que l’Union européenne finance depuis 2008 un programme de formation destiné à améliorer l’interopérabilité des différentes forces de sécurité nationales dans le cadre de la gestion de crises majeures. Ce programme EUPST (41) qui rassemble 13 pays dont la France et s’organise autour de grands exercices intégrant les phases de planification, de conduite et d’exécution permet également l’amélioration des capacités de gestion des grands événements.
Par ailleurs la gendarmerie entretient des coopérations bilatérales avec un certain nombre de forces de sécurité à statut militaire. Ainsi, depuis 2005, un partenariat existe avec le Qatar afin d’accompagner le développement de la force de police à statut militaire de ce pays. Dans ce cadre et dans la perspective de la coupe de monde de football 2022 qui aura lieu dans cet émirat, plusieurs actions ont été organisées :
– le centre de planification et de gestion de crise de la gendarmerie (CPGC) a apporté son concours lors de la coupe de monde de hand-ball organisée à Doha en 2015 ;
– des stages de planification et de conduite au CPGC ont été organisés au profit d’officiers qataris ;
– un séminaire sur le thème de l’utilisation des nouvelles technologies dans la gestion d’un grand événement a été co-organisé à Doha en 2016 ;
– des officiers qataris ont été accueillis à l’occasion de l’Euro 2016 à titre d’observateurs auprès de différentes unités engagées.
a. L’existence au sein de la gendarmerie d’une structure dédiée aux grands événements et aux enseignements tirés des événements
La gendarmerie nationale a créé en son sein une unité spécialisée dans la gestion des grands engagements et des crises nécessitant un engagement de l’échelon central : le centre de gestion, de planification et de gestion de crise (CPGC).
Le CPGC est spécifiquement chargé de la gestion des engagements de grande ampleur qu’ils soient prévus ou inopinés (crash de la Germanwings), qu’ils concernent les réunions de chefs d’État (G8, G20, anniversaire du débarquement en Normandie), des événements sportifs (Euro 2016) ou des questions d’ordre public (événements de Sivens et de Notre-Dame-des-Landes). À l’issue de chacun de ces engagements, le CPGC procède à un retour d’expérience (RETEX) spécifique.
La phase de RETEX est explicitement prévue par la circulaire portant « guide pratique de préparation et de gestion des grands événements » à l’usage des préfets.
La démarche se veut aussi peu contraignante que possible pour l’échelon territorialement compétent. D’un formalisme minimal, elle privilégie le contact direct et s’attache aux enseignements généraux plutôt qu’aux éléments purement circonstanciels.
Le RETEX consiste à identifier les difficultés rencontrées, éventuellement les erreurs, mais surtout les facteurs de réussite et les bonnes pratiques à même d’être exploités et diffusés.
Une cellule spécifique a été créée au sein du CPGC afin de conduire ce travail. Elle a élaboré une fiche destinée tout à la fois à faciliter la tâche du destinataire et l’exploitation des éléments ainsi recueillis.
Afin de généraliser cette démarche, une circulaire est en cours de validation pour organiser ce processus RETEX au sein de toute la gendarmerie. Le CPGC a déjà créé un outil informatique interne dénommé « WIKIRETEX » pour les événements à la gestion desquels il participe. La perspective est la généralisation de l’outil à l’ensemble des RETEX avec le développement et la diffusion d’une plate-forme informatique à usage interne.
Quelques RETEX récents et leurs enseignements
1. Les différents événements analysés
● Dans le cadre des Teknivals, les RETEX ont abouti à la mise en place de dispositifs récurrents et éprouvés visant à limiter les nuisances au voisinage, à éviter les débordements hors d’une zone bien définie, à sédentariser les opposants aux forces de l’ordre et à favoriser le contrôle des flux, plutôt que le maintien de l’ordre interne.
● Le 70e anniversaire du débarquement en Normandie rassemblait sur une vaste zone un nombre important de chefs d’État, de personnalités diverses et un nombreux public. Les contraintes d’organisation et de sécurité de cette cérémonie, supérieures aux capacités de l’échelon régional, ont nécessité une planification centrale et l’engagement de moyens importants au niveau national.
● La COP 21 a été un événement très médiatisé, mais l’affluence du public était faible. Elle a regroupé quelques prestataires invités et concentré de nombreux chefs d’État, dans un espace défini, clos, sanctuarisé et sans public.
● L’Euro 2016 présentait la caractéristique essentielle d’être multi-sites et de bénéficier d’une exceptionnelle exposition médiatique au niveau mondial. La dispersion des sites de compétition ou de « fan zones » ainsi que la multiplicité des intervenants territoriaux ont constitué autant de défis à prendre en considération pour la sécurisation de l’événement.
2. Les difficultés soulignées et les enseignements tirés des RETEX
Il ressort des RETEX récemment conduits les éléments suivants.
● Un travail de planification inter-services mené en amont de l’événement est nécessaire. Les principales difficultés rencontrées résident dans la coordination entre les structures étatiques ainsi que dans l’échange des informations entre les différents services. Des structures ad hoc ont été constituées afin de fluidifier ces échanges et leur efficacité peut encore être renforcée dans les domaines de l’analyse des informations et de la prise de décision. Elles doivent impliquer tous les services concourants au plus tôt, en particulier l’autorité judiciaire et les forces de sécurité.
● La « manœuvre image » s’impose désormais dans le domaine opérationnel. Ce dispositif permet de diffuser en direct des images de l’opération jusqu’au niveau ministériel et constitue une aide à la décision en temps réel, destinée à devancer les éventuels opposants et à conserver l’initiative.
● De nouvelles menaces sont apparues et les événements les plus récents ont permis de déployer de nouvelles capacités de la gendarmerie en adéquation avec les évolutions technologiques du moment : drones, brouilleurs de drone, travail des équipes cynophiles de recherche d’explosif sur personne en mouvement, etc.
● Jusqu’alors, la volonté de l’organisateur conditionnait l’ampleur du dispositif de sécurité. Dans un contexte de menace élevée, il est nécessaire d’inverser cette logique. Il s’agit d’organiser la sécurité d’un événement afin d’offrir des dispositifs rationalisés et résilients. L’organisateur doit désormais tenir compte des impératifs de sécurité, quitte à revoir son organisation dans d’autres domaines.
La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2017 (n° 4061), au cours de sa réunion du mardi 18 octobre 2016.
Mme la présidente Patricia Adam. Nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de finances pour 2017. Général, c’est la première fois que vous venez devant notre commission puisque vous n’avez pris vos fonctions que le 1er septembre dernier. Le budget que vous allez nous présenter va dans le bon sens, avec des embauches et des crédits en progression. Vous nous parlerez certainement aussi de la réserve opérationnelle et de la garde nationale, qui ont été évoquées lors des précédentes auditions.
Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. Je suis ravi d’être parmi vous pour un tour d’horizon qui portera d’abord sur le bilan de l’action engagée au cours des derniers mois et des dernières années, ensuite et surtout sur la manière dont j’envisage de faire évoluer la maison gendarmerie à l’avenir.
Je suis aujourd’hui à la tête d’une gendarmerie en mouvement et engagée. Engagée au quotidien, sur le terrain, par l’intermédiaire des brigades territoriales ; engagée dans tous les grands événements ; engagée aussi dans une profonde rénovation au titre de la feuille de route, qui va être prolongée car elle contribue à une démarche de modernisation et de simplification permanentes. La participation de la totalité des personnels à cette entreprise est essentielle : dans cette démarche bottom-up (ascendante), les propositions des personnels sont agrégées au niveau central, puis diffusées dans l’ensemble de la maison.
Cette gendarmerie, également dynamique, bénéficie depuis maintenant deux ans d’importants moyens dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, du plan de lutte contre l’immigration clandestine et du pacte de sécurité. L’année 2016, en particulier, a été exceptionnelle à tous égards : les effectifs de la gendarmerie ont augmenté de plus de 2 300 postes ; cela a permis de créer un escadron de gendarmerie mobile à Rosny-sous-Bois, récemment inauguré par le ministre de l’Intérieur, ainsi qu’un cinquième peloton dans vingt-deux escadrons de gendarmerie mobile, ce qui accroît notre capacité opérationnelle.
En matière d’intervention, nous avons également créé trois antennes supplémentaires du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) en métropole, ce qui porte leur nombre à six, et une à Mayotte, ce qui en fait sept outre-mer.
En matière d’intervention intermédiaire, nous avons créé des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) renforcés, dits PSIG Sabre, dotés de moyens de protection supplémentaires – casques et boucliers balistiques –, d’un armement – le fusil HK G36 – qui développe leur capacité offensive, et d’une grande mobilité grâce aux véhicules Sharan.
Concernant les modes d’action, en coopération avec la police nationale, nous avons mis en place, sous la houlette du ministre de l’Intérieur, le schéma national d’intervention, qui marque une évolution majeure dans la conception de l’action des forces de sécurité : en cas d’attentat ou de tuerie de masse, c’est désormais l’unité la plus proche qui intervient. C’est une nouveauté : jusqu’à présent, la compétence territoriale l’emportait sur la proximité, et non l’inverse.
Une autre évolution s’est concrétisée par l’exercice Minerve que nous avons conduit avec l’armée de terre dans le cadre de l’opération Sentinelle. Il nous a permis de valider plusieurs coopérations et moyens de coordination. Nous sommes aujourd’hui parvenus à un bon équilibre avec nos camarades des armées, engagés dans des missions plus dynamiques qu’auparavant et qui contribuent, en lien avec nous, à la sécurité des Français.
L’adaptation de la gendarmerie concerne aussi les brigades territoriales. Celles-ci ont été étoffées par l’affectation de 583 personnels, notamment dans les zones frontalières ou dans celles par lesquelles passent d’importants flux de population. Ici aussi, le renforcement des moyens permet de gagner en dynamisme et en capacité opérationnelle.
S’agissant du renseignement, nous avons également accru nos capacités, en créant 25 antennes territoriales auxquelles d’autres s’ajouteront en 2017 – je vais y revenir. Elles dépendent du service central du renseignement territorial (SCRT) et sont constituées chacune d’un binôme de gendarmes installé dans une brigade de gendarmerie, mais qui a pour vocation de capter, dans les profondeurs du territoire, des signaux faibles qu’il est ensuite chargé d’analyser et d’exploiter avant de les transmettre aux services spécialisés.
Nous avons en outre créé 29 cellules d’observation et de surveillance, chargées de contribuer à la recherche du renseignement au quotidien et composées de personnels aguerris qui agissent en civil dans le cadre des enquêtes judiciaires ou administratives.
Dans ce domaine, la loi du 24 juillet 2015 nous a conféré plusieurs capacités nouvelles. Nous sommes désormais inscrits dans le deuxième cercle du renseignement. Dans ce cadre, nous pouvons effectuer des investigations grâce aux IMSI-catchers et à des moyens d’intrusion électroniques. Les nouvelles techniques du renseignement nous sont officiellement ouvertes. La sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO), qui fait partie des services prescripteurs, le GIGN et les sections de recherches contribuent à cette quête du renseignement.
D’une manière générale, en matière de renseignement, le décloisonnement des services a fait de grands progrès.
S’agissant du recrutement, nous avons ouvert en 2016 une nouvelle école à Dijon, sur l’emprise de l’ancienne base aérienne qui nous a été cédée à titre onéreux par le ministère de la Défense. La première compagnie d’élèves gendarmes, composée de 124 élèves, a intégré l’école hier. Il convient de noter l’excellente coopération entre l’armée de l’air, pour la défense, et la gendarmerie, pour l’intérieur, qui a permis la mise en œuvre en moins d’un an de la décision d’installation à Dijon.
En outre, en 2016, nous avons revu la formation pour absorber nos effectifs supplémentaires. Jusqu’en 2015, l’année de formation des élèves gendarmes se répartissait entre neuf mois de présence en école et trois mois de stage en unité. Cette année, pour accélérer la mise à l’emploi de nos personnels, nous avons réduit la formation en école à six mois pour les anciens militaires et huit mois pour les personnes venues du civil. Ce changement densifie la formation en école et devrait nous permettre d’atteindre le schéma d’emploi en fin d’année, avec la totalité des effectifs prévus : c’était un défi.
En matière de fonctionnement, grâce aux crédits qui nous ont été alloués, nous avons pu commander 3 000 véhicules cette année, ce qui correspond au renouvellement à terme de notre parc. C’est la première fois depuis six ans que nous atteignons ce chiffre. La tendance est la même pour 2017.
S’agissant de l’immobilier, élément important du fonctionnement de la gendarmerie nationale, le plan d’urgence lancé il y a deux ans nous a permis de consacrer 70 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement à des travaux destinés principalement à la mise aux normes des infrastructures immobilières, mais également à la réfection de logements – 5 000 en 2016, 4 000 prévus en 2017 – qui sont répartis sur l’ensemble du territoire : c’est un signe, envoyé au plus grand nombre possible d’unités, de l’effort que nous consentons pour les gendarmes et leurs familles.
L’année 2016 nous a ainsi permis de progresser dans de nombreux domaines. En 2017, nous pourrons aller encore plus loin grâce aux moyens qui nous sont alloués. Dans ce cadre, je vise trois objectifs principaux.
Premièrement, poursuivre l’adaptation de la gendarmerie aux évolutions de la menace ; c’est bien le moins. Deuxièmement, remettre l’accent sur les brigades territoriales, chevilles ouvrières de la maison gendarmerie, pour qu’elles puissent aller davantage à la rencontre de la population grâce à une proximité rénovée. Troisièmement, prolonger la modernisation de la gendarmerie dans le cadre ministériel, notamment à travers la feuille de route.
Sur le premier point, le budget 2017 est en hausse de 342 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 293 millions en crédits de paiement, ce qui va nous permettre de créer 255 postes supplémentaires, dont 200 au titre de l’engagement présidentiel du début du quinquennat, qui viendront renforcer les unités territoriales, pierre angulaire de la sécurité, et 55 qui seront affectés aux antennes du renseignement territorial (ART). En ce dernier domaine, nous poursuivons nos efforts, en lien avec le SCRT.
Les 144 effectifs supplémentaires qui apparaissent sur les différents documents budgétaires sont destinés à renforcer les PSPG (pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie) et sont financés par EDF. Leur mention ne correspond donc qu’à une régularisation : il y a bien 255 créations nettes de postes.
L’année 2017 sera également marquée par une montée en puissance de la réserve opérationnelle, qui est l’un des éléments de la garde nationale – vous y avez fait allusion, Madame la présidente. La garde nationale est un label et repose sur deux piliers : la défense et l’intérieur, puisqu’elle associe les réserves militaires et celles de la gendarmerie et de la police nationales. Le système, tel qu’il a été élaboré de manière conjointe, me paraît efficient, car il conserve à chaque pilier son efficacité propre : chaque élément peut poursuivre sa dynamique spécifique et, s’agissant des réserves de la gendarmerie, sa montée en puissance.
Nous avons aujourd’hui 28 500 réservistes ; l’objectif est de parvenir à 40 000 d’ici à 2019. Cela nécessitera un effort budgétaire, mais aussi et surtout une procédure de recrutement et de fidélisation des réservistes, afin de les engager durablement au service de la sécurité publique générale. Les candidats sont très nombreux : ils étaient plusieurs milliers cet été, ce qui nous a conduits à porter la limite d’âge de 30 à 40 ans à partir du mois de juillet ; nous recrutons également des personnes plus âgées, au cas par cas, en fonction de leurs compétences et de leur aptitude physique. Ces recrutements nous permettront, je l’espère, d’atteindre fin 2018 une empreinte au sol de 4 000 réservistes par jour, soit deux fois plus qu’il y a moins d’un an.
Cette montée en puissance de la réserve passe par une chaîne fonctionnelle rénovée : nous allons installer des cellules « réserve » dans chaque groupement, c’est-à-dire dans chaque département. Elles existent déjà en gestion ; nous allons les créer en organisation pour les reconnaître réellement. Nous allons également créer, dès le 1er novembre prochain, un commandement des réserves de la gendarmerie, par transformation de la délégation aux réserves, pour signifier que cette fonction fait partie intégrante de la capacité opérationnelle de la gendarmerie et joue un rôle déterminant dans son efficacité.
Le budget 2017 nous permettra également de reconnaître l’engagement des gendarmes dans le cadre des mesures dites catégorielles. Le protocole signé le 11 avril comporte plusieurs avancées : d’abord la transcription pour les gendarmes du PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations), mais aussi d’autres mesures qui concernent toutes les catégories de personnels, du gendarme adjoint volontaire au sous-officier et à l’officier. Ce plan de valorisation a été élaboré en lien avec les commissions de concertation ; il a fait l’objet d’une saisine de l’ensemble des commissions de participation, lesquelles ont émis un avis et formulé des propositions qui ont été étudiées au niveau central, traduites en propositions au Gouvernement et validées pour nombre d’entre elles. D’une manière générale, le dialogue social est un axe majeur au sein de la gendarmerie. J’y reviendrai. Ici comme dans d’autres domaines, on voit à l’œuvre une concertation qui fonctionne, qui s’appuie sur des représentants et des présidents de catégorie animés d’un esprit très constructif et qui apporte une contribution tout à fait positive à l’évolution de la maison.
S’agissant des crédits de fonctionnement, les crédits hors titre 2 sont d’abord alloués à la poursuite des actions entreprises dans le cadre du pacte de sécurité, pour 73,4 millions d’euros : ils permettront de continuer à mettre en œuvre les PSIG Sabre, à fournir les équipements des antennes du GIGN et ceux destinés à renforcer la protection des personnels. Mon objectif est de tous les doter d’un gilet pare-balles individuel, y compris l’ensemble des réservistes ; ce n’est pas encore fait, mais cela me paraît essentiel : il est de notre devoir de les protéger sur le terrain.
Les crédits hors titre 2 nous permettront ensuite de poursuivre la mise en œuvre du plan d’urgence immobilier : je l’ai dit, 4 000 logements seront refaits auxquels s’ajoutent d’autres infrastructures, notamment de sécurité.
Nous reconduisons aussi la commande de véhicules neufs – 3 000, je l’ai également indiqué, pour un total de 65 millions d’euros. C’est essentiel : le véhicule est l’élément clé de la capacité d’intervention d’une brigade, dont la surface est souvent équivalente, voire supérieure, à la superficie de Paris mais qui peut ne compter que six gendarmes.
Je m’attarde un instant sur les outre-mer, théâtre d’une violence endogène et croissante vis-à-vis des forces de l’ordre, qui se manifeste par des agressions de militaires de la gendarmerie, ainsi que de policiers. Les Antilles-Guyane, Mayotte et la Nouvelle-Calédonie suscitent particulièrement l’inquiétude. Le ministre a engagé un plan de renforcement des effectifs comme des moyens dont il importe qu’il soit mis en œuvre au cours des années à venir.
Mon deuxième objectif est de renforcer et rénover la relation de proximité, notamment à travers les brigades territoriales. La brigade territoriale est la brique de base : c’est le brigadier qui intervient au plus près de la population, qui a le premier contact avec elle. Il faut donc lui redonner les moyens – les moyens matériels que j’ai déjà évoqués –, mais aussi le temps de travailler. Nous avons déjà entrepris de moderniser et de simplifier son travail ; nous allons maintenant entamer une réflexion sur le contact. Les unités de six gendarmes ou moins, en particulier, ne peuvent plus agir sur la totalité du spectre, faute de temps et de personnels : nous allons donc revoir leur contrat opérationnel afin qu’elles se consacrent entièrement au contact. À l’avenir, elles ne s’occuperont plus ni d’écritures diverses, ni de soit-transmis du parquet, ni de police de la route dans le cadre d’opérations coordonnées, mais seront en permanence dehors, sur le terrain, au contact de la population et des élus. En 2017, je souhaite conceptualiser plus précisément ce changement et m’engager pour rendre présence et visibilité à la gendarmerie nationale, en particulier aux petites brigades. C’est essentiel, car nous avons pu perdre le contact ici ou là, à la faveur des évolutions successives et de la « rationalisation » auxquelles nous avons procédé. Je ne veux pas dire par là que celle-ci n’était pas une bonne chose, simplement que nous devons maintenant nous interroger sur l’évolution à venir.
Nous y sommes d’ailleurs contraints par l’obligation qui nous incombe de transposer la directive européenne sur le temps de travail. Nous sommes actuellement en phase de précontentieux, l’Union européenne nous ayant signifié que nous ne respections pas la directive. Nous avons donc entrepris la transposition, en lien avec la défense, dans le cadre d’une approche statutaire.
Depuis le 1er septembre, nous appliquons dans toutes les unités la modalité des onze heures de repos physiologique journalier par tranche de vingt-quatre heures. C’est, je ne vous le cache pas, d’une difficulté sans nom. Ainsi, on repart de zéro lorsque le temps de repos est interrompu, sauf au bout de neuf heures de repos, seuil qui requiert un nouveau calcul et un report ; de telles complexités administratives ne facilitent pas la tâche des commandants de brigade. Mais nous n’avons pas le choix. Il en résulte par ailleurs une baisse de notre capacité opérationnelle. Le changement est récent, mais nous évaluons la dégradation à 3 à 5 % de temps de service en moins. Ce n’est pas grand-chose, me direz-vous ; mais, pour 100 000 hommes, cela représente tout de même 3 000 à 5 000 équivalents temps plein (ETP).
Il s’agit là de dispositions transitoires : il nous reste à transposer définitivement la directive, toujours en lien avec la défense, en appliquant également les 48 heures maximales de travail hebdomadaire par agent. Cela nous pose un problème : cette mesure signifie que, quand on assure une garde à vue de 96 heures, on a quinze jours de repos ensuite ! Ce n’est pas ainsi que nous fonctionnons aujourd’hui. Nous allons donc devoir trouver un système adapté. Nous en discutons avec l’Union européenne.
Je tenais à appeler votre attention sur ce point, car cette directive est un peu à contre-courant au moment où nous devons tous nous mobiliser contre le terrorisme. Nous allons nous y plier – nous n’avons pas le choix –, mais ce ne sera pas sans quelques difficultés.
Pour en revenir à la brigade, l’idée est de redonner sens à son travail non seulement par le contact, mais aussi par la formation des personnels. S’il n’est ni candidat à l’avancement ni engagé dans un cursus de formation adapté, et s’il se sent bien dans sa brigade, un gendarme peut y passer la totalité de sa carrière sans jamais revenir en école. Or l’évolution actuelle du contexte, des textes réglementaires, la complexification juridique croissante rendent essentielle une formation continue régulière. Voilà pourquoi je souhaite créer un centre de formation à la sécurité publique qui permettrait à chaque gendarme de passer tous les cinq ans une semaine dans une structure d’école, non pour être évalué mais pour être formé et informé. Nous y travaillons. Les brigadiers pourraient ainsi confronter leurs expériences, ce qui devrait améliorer in fine la qualité du service.
Garantir la sécurité de nos concitoyens, c’est s’interroger sur la proximité non seulement physique, mais aussi numérique, compte tenu de la société dans laquelle nous vivons. Puisqu’une partie croissante de nos concitoyens effectuent leurs démarches sur les sites internet des divers services publics, notre idée est de nous placer sur le flux numérique qu’ils utilisent afin de leur permettre d’accéder à une brigade virtuelle. L’outil est conçu comme une plateforme d’échange permettant aux citoyens de s’adresser directement à un gendarme pour obtenir un renseignement, être guidé dans leurs démarches ou signaler tel ou tel fait. Nous pourrons certainement y intégrer la pré-plainte en ligne, qui existe déjà, mais aussi, plus généralement, y proposer un accès permanent à tous les services publics de sécurité de la gendarmerie nationale. Il s’agit d’un projet récent sur lequel nous aurons encore à travailler et qu’il me paraît important de développer.
À propos du numérique, nous avons instauré à titre expérimental, dans le Pas-de-Calais et en région Bourgogne, le dispositif NEOGEND : une tablette numérique, affectée à chaque gendarme, contient toute la documentation, les bases de données professionnelles, les bases métier, les fichiers, la messagerie interpersonnelle et plusieurs applications facilitant son travail, bref lui tient lieu de bureau portable. Cet outil permet de diviser par quatre le temps de contrôle des personnes. Par exemple, il devient possible de contrôler en moins de trois quarts d’heure un bus entier de quarante-cinq places, ou, en scannant la bande MRZ qui identifie une pièce d’identité, d’interroger automatiquement la totalité des fichiers ouverts. C’est une vraie facilité, une vraie modernisation, et les agents sont fiers de pouvoir utiliser ce matériel très efficace.
En 2017, le dispositif sera étendu à toute la gendarmerie départementale. Nous avons commandé 50 000 tablettes dans le cadre d’un marché commun à la police et à la gendarmerie. En effet, la police est engagée dans la même démarche : c’est le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (ST(SI)²), service commun, qui a conçu et développé le matériel.
C’est une autre étape importante de la modernisation de la maison. Elle devrait permettre de revoir les modes d’action, faciliter le travail du gendarme sur le terrain et lui faire gagner un temps qu’il pourra consacrer à discuter avec les personnes.
La modernisation en général est notre troisième objectif. Nous allons poursuivre la feuille de route, instaurée il y a trois ans par mon prédécesseur, le général Denis Favier. Dans ce cadre, l’ensemble des personnels de la gendarmerie a proposé plus de 3 900 mesures simples, quotidiennes, concrètes ; après les avoir analysées au niveau central, nous en avons sélectionné 360. Cette démarche innovante permet aux commandants et aux gendarmes de la brigade d’envoyer directement au niveau national, par l’intermédiaire d’une hotline dédiée, une proposition qui est ensuite analysée et qui, si elle est pertinente, est retenue puis généralisée.
Les résultats sont intéressants. Ainsi, le nombre d’états à fournir, auparavant très élevé – nous fournissions même en permanence des « états néant » –, a diminué de 70 %. Cela confirme qu’il y a dans notre administration, comme dans les autres, une grosse part d’autoconsommation, dont le meilleur juge est en définitive celui qui est en bas de l’échelle, celui qui, in fine, produit le travail. C’est donc à lui de formuler des propositions : c’est cela, l’esprit « feuille de route ».
La démarche de modernisation va aussi se poursuivre en lien avec la police nationale et nos structures communes. Ainsi, le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), après une période de rodage, est maintenant efficace : la totalité des marchés passés pour la police et la gendarmerie est partagée, ce qui nous permet d’échanger de bonnes pratiques dans différents domaines. Quant au ST(SI)², l’ensemble des logiciels et programmes informatiques sont désormais nativement partagés. Tout cela facilite le travail des gendarmes au quotidien.
À côté de notre flotte d’hélicoptères, nous avons développé – et nous continuons – une composante drones. Nous avons acquis un certain nombre d’appareils pour assurer différentes fonctions : police judiciaire, recherche du renseignement, constatations et prises de vue de l’institut de recherche criminelle lors d’accidents aériens, opérations de maintien de l’ordre grâce à la capacité d’observation en amont que les drones offrent à un escadron sur un terrain difficile ou dangereux.
Nous travaillons aussi sur la dimension prédictive en matière de délinquance, qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation en Aquitaine. Il s’agit d’utiliser le big data pour agréger autant d’éléments que possible sur la délinquance, les données socio-économiques, etc., afin de déterminer à quel moment une zone risque plus ou moins d’être exposée à la délinquance – bref, de prévoir en quelque sorte la météo de la délinquance. Pas plus que la météo, ce n’est une science exacte, mais cela guide la réflexion de nos commandants d’unité, qui oriente à son tour les services. Nous en escomptons des résultats intéressants.
Cette modernisation est facilitée par la qualité de nos personnels, qui participent au projet d’entreprise commun. Mon ambition est de continuer à les valoriser et à les associer à la marche de la maison. J’ai déjà parlé de concertation ; les 75 membres de notre nouveau CFMG (conseil de la fonction militaire de la gendarmerie), élu il y a quinze jours, sont tous déjà des conseillers concertation locaux. Je les ai rencontrés la semaine dernière, et je puis vous assurer que la qualité de leur réflexion est impressionnante et leur esprit constructif remarquable. Nous devrions bien progresser grâce à cette structure, dont une partie prendra ensuite part, bien entendu, au CSFM (conseil supérieur de la fonction militaire) et à l’ensemble des travaux de concertation menés avec la défense.
Ce CFMG renouvelé voit arriver avec quelque inquiétude les APNM (associations professionnelles nationales de militaires), dont trois prétendent représenter les gendarmes. Nous n’en sommes qu’au début de l’histoire, et leurs responsables n’ont pas encore dépassé la phase de rébellion pour entrer dans une phase adulte de construction. Mais il est normal qu’ils aspirent à exister et à capter des adhérents. S’ils ont un peu de mal à « décoller », ils n’en représentent pas moins un élément essentiel qu’il faudra intégrer au dialogue social. Les uns et les autres ont simplement besoin d’un peu de temps avant de pouvoir discuter ensemble.
M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie nationale. Vous avez été très complet, Mon général, mais je ne doute pas que mes collègues auraient encore des centaines de questions à vous poser !
Avec ce budget, on a l’impression de respirer ; on ne pouvait pas en dire autant lors de la fin de gestion du budget 2013. Dans l’intervalle, la commission de la Défense avait œuvré pour vous, à vos côtés comme aux côtés de votre prédécesseur, le général Favier ; nous ne pouvons que nous féliciter du résultat. Aujourd’hui, la gendarmerie est sur les rails, elle se modernise et s’adapte ; c’est ce que nous attendions.
C’est donc un grand millésime, marqué par une hausse de 3,5 % des crédits, même s’il y a encore beaucoup à faire, notamment dans l’immobilier. Je ne doute pas que nos collègues de l’opposition soient prêts à poursuivre notre œuvre – à laquelle ils ont d’ailleurs participé, il faut le leur reconnaître. Quoi qu’il en soit, le travail remarquable accompli par la direction générale de la gendarmerie doit être souligné : quand les choses vont bien, nous devons aussi le dire !
En matière de dégel des crédits, beaucoup a été fait en 2014. Où en êtes-vous pour 2016 ? Le dégel est-il achevé, est-il en cours ? Que faut-il que nous fassions en cette matière ?
Le Gouvernement a décidé de conforter l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT), qui bénéficiera donc bien de l’exonération fiscale ; cela devrait vous satisfaire. Pourriez-vous nous en dire un mot ?
Quant au schéma national d’intervention, le plan PSIG Sabre est une excellente initiative, même si elle n’a pas encore été menée à son terme. Le primat donné à l’unité la plus proche est une très bonne idée, qui devrait souvent favoriser la gendarmerie, plus rapide que d’autres.
L’évolution de la protection balistique, tant individuelle que des véhicules, est bienvenue. Nous le savons pour nous être rendus à Saint-Astier. Il y a beaucoup à faire, et j’espère que vous aurez une bonne part de ce que vous demandez.
Où en est-on concernant les antennes du GIGN ? La montée en puissance de celles de Reims, de Nantes et de Tours est-elle achevée ? J’ai à cet instant une pensée particulière pour l’adjudant Alain Nicolas, gendarme du GIGN d’Orange tué il y a quelques mois par un forcené.
Qu’en est-il de la protection des centrales nucléaires ? EDF a-t-il vraiment joué le jeu ? Le constat en matière de protection des centrales est parfois préoccupant.
Outre-mer, qu’est-ce qui a changé avec la transformation des groupes de pelotons d’intervention en antennes du GIGN ?
Enfin, la question qui dérange : quels sont vos rapports avec la justice ? (Sourires.)
Général Richard Lizurey. S’agissant du dégel, la mise en réserve des crédits 2016 hors titre 2 était destinée aux loyers. Le ministre a souhaité qu’elle soit levée et que les crédits encore gelés – 112 millions d’euros en autorisations d’engagement, 99 millions en crédits de paiement – soient dégelés d’ici à la fin de l’année. S’ils ne le sont pas, nous ne serons plus en mesure de payer les loyers à partir de novembre, ce qui serait évidemment préjudiciable à nos bailleurs. Mais nous avons bon espoir que ce dégel ait lieu. L’affectation aux dépenses obligatoires des crédits mis en réserve nous a en tout cas permis de lancer dès le début de l’année des commandes de matériel, de sorte que nos unités voient arriver dès à présent des véhicules neufs.
La fiscalisation de l’IJAT a en effet été en question. Cette indemnité, qui fait l’objet d’un plan d’augmentation tous les six mois, a par ailleurs été revalorisée. Le Gouvernement s’est engagé à fonder sa défiscalisation sur une base légale, laquelle faisait jusqu’à présent défaut. Un texte de régularisation va donc être proposé, afin de sécuriser durablement l’IJAT.
Qu’est-ce qu’un PSIG Sabre ? C’est une unité qui inclut davantage de professionnels qu’un PSIG classique, soit environ deux tiers, pour un tiers de gendarmes adjoints volontaires ; qui bénéficie de formations adaptées sous l’égide d’un moniteur d’intervention professionnelle présent au sein de l’unité ; qui possède des moyens de déplacement également adaptés puisque nous avons acheté pour chaque unité, dans le cadre d’un marché public, des véhicules Volkswagen Sharan qui sont déjà en fonction ; qui est dotée de moyens de protection – casques et boucliers balistiques, à raison de six équipements par unité – et de moyens offensifs avec les HK G36, en sus des Flash-Ball ou des pistolets à impulsion électrique (PIE) utilisés par l’ensemble des PSIG.
Nous avons lancé un plan triennal de création de 150 PSIG Sabre, ce qui représente un tiers de la totalité des PSIG : nous en avons déjà créé 50 et nous allons en créer autant en 2017, puis à nouveau en 2018. À mon avis, la persistance de la menace et des violences exercées contre nos personnels nous conduira à poursuivre ce plan au-delà des 150 premières unités ; mais nous n’en sommes pas là.
Le schéma national d’intervention vise à permettre de réagir à des attentats. Dans le cadre normal, chacun intervient dans sa zone. En revanche, en cas de tuerie de masse, c’est l’unité la plus proche qui intervient. Ce peut être la police nationale en zone de gendarmerie, ou la gendarmerie en zone de police nationale. Ce schéma a été conçu au cours de l’année sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur ; il n’a pas encore été mis en œuvre dans la réalité. Il a toutefois été appliqué, pour ce qui concerne la diffusion de l’information, à la faveur de la fausse alerte des Halles, et a alors fait la preuve de son efficacité : j’ai été prévenu dans les cinq minutes par la préfecture de police, nous avons immédiatement mis en alerte le GIGN et le peloton d’intervention de la garde républicaine s’est transporté sur les lieux en renfort de la brigade de recherche et d’intervention (BRI). Le schéma national d’intervention est donc plus qu’un concept : c’est une réalité. Il s’agit d’une avancée majeure. Face à une menace qui va durer, nous devons nous organiser de manière à réagir le plus vite possible à toute agression.
Les antennes du GIGN s’inscrivent dans cette perspective. Nous avions trois PI2G (peloton d’intervention interrégional de gendarmerie) ; nous en avons créé trois autres. Ils sont aujourd’hui tous opérationnels. Nous avons recruté durant l’été des personnels complémentaires ; les unités ne sont pas encore toutes à l’effectif complet, mais elles bénéficient de la présence de personnels du GIGN « central » qui leur ont été affectés et ont été armées par des personnels d’active expérimentés, qui ont suivi des stages de recrutement et des tests de sélection. Les antennes interviennent d’ailleurs déjà dans le cadre d’opérations quotidiennes contre la délinquance.
Outre-mer, la transformation des groupes de pelotons d’intervention en antennes du GIGN modifie la conception du service : ces unités resteront engagées dans les opérations adaptées à leur territoire, mais seront désormais placées sous le contrôle opérationnel du GIGN, dont le personnel se rendra sur place pour s’efforcer de normaliser les équipements, contribuer à la formation là où le besoin s’en fait sentir et dégager une doctrine d’intervention partagée, aussi standardisée que possible. L’antenne du GIGN de Mayotte, elle, est nouvelle.
Cette évolution des antennes du GIGN est un élément important du dispositif opérationnel d’intervention.
Quant aux PSPG, ils sont consacrés à la sécurité des centrales nucléaires, non à leur sûreté. Ils sont armés et formés en vue de la lutte antiterroriste, ce qui a créé une asymétrie lorsqu’ils ont été confrontés à Greenpeace il y a quelques années : on ne va pas tirer sur un militant de Greenpeace qui s’introduit dans une centrale ! C’est un problème d’adaptation que nous n’avons pas résolu : aujourd’hui, lors d’intrusions à caractère non terroriste, on en revient au modèle habituel de maintien de l’ordre à l’aide de grenades lacrymogènes – nous en avons équipé nos personnels – et d’autres moyens classiques. Ce qui compte alors, c’est le renfort que peut apporter la gendarmerie départementale qui se trouve aux alentours de la centrale.
C’est dans ce contexte que nous avons récemment créé le commandement spécialisé pour la sécurité du nucléaire (COSSEN), chargé de procéder au criblage des personnes qui entrent dans les centrales, mais aussi de concevoir le dispositif de sécurité de celles-ci. Il y a encore du travail.
EDF joue le jeu, en prenant entièrement en charge les gendarmes mis à sa disposition. Nous allons certainement, en lien avec lui, adapter le contrat opérationnel de manière à pouvoir faire face aux différents types de menace, y compris celles de basse intensité.
La protection balistique est assurée par des équipements individuels. Nous travaillons actuellement, en lien avec le SAELSI, sur le véhicule de patrouille du futur : quel type de véhicule, et quelle protection ? Aujourd’hui, nous achetons des véhicules de la gamme commerciale, mais l’agression de nos camarades de la police nationale à Viry-Châtillon a montré qu’ils ne résistent pas à ce type de violences. Sans aller jusqu’à patrouiller en véhicule blindé comme en Nouvelle-Calédonie, nous devons mieux protéger nos véhicules pour assurer la sécurité de nos personnels.
Quant à nos rapports avec la justice, ils sont excellents, et méritent bien entendu d’être encore améliorés. (Sourires.)
Mme la présidente Patricia Adam. Vous êtes diplomate, général !
M. Jean-Michel Villaumé. Ma question concerne l’application de la directive européenne 2003/88 sur l’organisation du temps de travail. À l’origine, des dérogations étaient prévues pour la gendarmerie mais, à la suite d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, l’essentiel de ces dérogations a été supprimé et vous devez à présent appliquer la règle des vingt-quatre heures de poste et des onze heures de repos. Comment, avec toutes les difficultés que cela représente, appliquez-vous ces règles ?
M. Philippe Vitel. Je vous renouvelle, Mon général, mon admiration pour la gendarmerie, corps d’élite qui, dans les moments difficiles que nous traversons, a de nouveau apporté la preuve de ses grandes capacités.
Les moyens sont en augmentation mais comment pourraient-ils ne pas l’être, compte tenu d’un contexte qui ne fait que se dégrader, en termes d’insécurité, de délinquance, de terrorisme ? Ces moyens, même s’ils augmentent, sont-ils en adéquation avec l’explosion des menaces ?
Chaque année, je pose la question des véhicules. Des efforts énormes ont été déployés en termes d’immobilier et de logement ; j’ai le bonheur d’avoir dans ma circonscription la nouvelle direction départementale, à La Valette dans le Var, avec des logements très sympathiques, mais ce n’est pas le cas partout, et il faut poursuivre l’effort. Vous avez indiqué avoir pu acheter 3 000 véhicules, ce qui redescend l’espérance de vie des véhicules à dix ans. Votre prédécesseur me disait que les véhicules avaient en moyenne 150 000 kilomètres au compteur. Je pense que nous ne sommes pas en adéquation avec les risques avérés.
La même obsolescence est-elle constatée pour les hélicoptères ? Quel est le format des moyens en hélicoptères dont vous disposez, leur type, leur âge ? Avez-vous été fournis en appareils neufs ?
Combien d’hommes de la gendarmerie sont-ils positionnés en OPEX ?
Enfin, vous avez évoqué une mise en réserve sur les moyens dédiés aux loyers, alors que je croyais que les mises en réserve ne concernaient que des investissements en matériel – c’est d’ailleurs pourquoi votre prédécesseur nous avait indiqué, l’an dernier ou il y a deux ans, qu’il n’avait pu commander des véhicules que le 4 octobre, au moment de la levée de réserve. Comment se fait-il que soient mis en réserve des moyens en fonctionnement parfaitement prévisibles dès le premier jour de l’année ?
M. Michel Voisin. Vous procédez aujourd’hui à des regroupements de brigades au sein de communautés de brigades. Dans le monde rural, l’efficacité de ces dernières m’a été maintes fois démontrée par le commandant départemental mais les nouvelles distances laissent à penser aux populations qu’elles sont désavantagées. Ces regroupements ont-ils permis des économies d’échelle ?
Ma deuxième question, que je pose tous les ans, concerne les rapports avec les élus locaux. Ces relations semblent se resserrer un peu, après un relâchement. Le confirmez-vous ?
Enfin, la gendarmerie loue des véhicules, notamment pour des recherches et du renseignement. Avez-vous réfléchi à un système semblable à celui des services fiscaux, avec des véhicules propres à la gendarmerie et des plaques qui seraient changées à chaque intervention pour ne pas être repérées ?
Général Richard Lizurey. En ce qui concerne la directive « temps de travail », je n’ai pas connaissance de dérogations introduites au moment de la ratification du texte par la France, s’agissant de la gendarmerie ou de quelque autre service que ce soit. Cela dit, la directive ne nous posait pas problème dans la mesure où nous ne l’appliquions pas. Il se trouve qu’une instance a été introduite par l’un de nos personnels, qui a appelé l’attention de l’Union européenne sur la non-transposition de la directive en droit français, et nous sommes donc en phase de pré-contentieux.
Nous remplissons déjà certaines exigences de la directive. Alors qu’elle prévoit vingt-quatre jours de vacances par an, nous sommes à quarante-cinq jours de permission. Alors qu’elle prévoit vingt-quatre heures de repos par semaine, nous sommes à quarante-huit heures. En revanche, nous ne sommes pas en conformité sur les onze heures de repos physiologique journalier et les quarante-huit heures de travail maximal hebdomadaire.
Nous avons commencé par mettre en place les onze heures de repos physiologique journalier car, parallèlement à l’instance devant la Cour européenne, une association a introduit en janvier 2016 un recours devant le Conseil d’État attaquant notre précédente instruction sur le temps de travail. Nous avons demandé au Conseil d’État s’il était possible d’attendre la transposition définitive, en 2017, pour régler le problème. Il nous a expliqué qu’il serait obligé de nous condamner si nous maintenions notre texte, ce qui nous a contraints, en mars 2016, à retirer l’instruction et à engager un travail de concertation avec le CFMG pour rédiger un nouveau texte, lequel est entré en vigueur le 1er septembre.
Ce nouveau texte complexifie la manœuvre car chaque gendarme doit désormais avoir onze heures de repos journalier par tranche de vingt-quatre heures. À défaut, il a un droit à un temps de récupération, appelé repos physiologique compensateur, qui donne lieu à des calculs assez complexes. Si un gendarme est rappelé au bout de huit heures de repos, on lui doit les onze heures précédentes. Si, en revanche, il a passé la barre des neuf heures, on lui calcule la différence entre onze heures et le moment où il a été rappelé. Cette comptabilité se fait par le biais du logiciel Pulsar GD.
Les premiers retours des unités font état d’une dégradation du service. Nous ferons un premier RETEX avec les personnels fin novembre et un deuxième début 2017 afin de voir comment aménager ces dispositions, mais la mesure est en tout état de cause définitive. Nous travaillons parallèlement à la transposition complète de la directive, avec les quarante-huit heures maximales de travail hebdomadaire.
S’agissant des moyens, je serais tenté de dire qu’ils sont en adéquation avec la menace mais que, si nous en avions plus, ce serait encore mieux. Pour la première fois depuis longtemps, 3 000 véhicules neufs arrivent : c’est exceptionnel. Il faut que l’effort s’inscrive bien sûr dans la durée afin que nous puissions renouveler le parc de véhicules. Aujourd’hui, sur quelque 30 000 véhicules, 3 800 devraient normalement être réformés et sont maintenus en service faute de véhicules pour les remplacer. L’effort va se poursuivre en 2017 à hauteur de 65 millions d’euros, et je pense qu’une telle trajectoire nous permettra de résorber notre stock de véhicules en instance de réforme.
Notre flotte d’hélicoptères est de cinquante-six appareils – moins un à cause d’un accident survenu à Tarbes récemment : quatorze EC145, quinze EC135 et vingt-six Écureuils. Ces derniers sont des appareils anciens mais, complètement rétrofités, ils sont parfaitement adaptés à la mission. Une partie de ces moyens est mise à la disposition de la police nationale dans le cadre d’une convention : la police nationale a un droit de tirage de mille heures de vol, qu’elle paye.
La mise en réserve de crédits pour des dépenses obligatoires a été une surprise ; cela étant, c’est pour nous une vraie opportunité de réaliser les effectifs dans l’année. C’est un choix gouvernemental que je considère comme positif car cela nous permet de recevoir dans les unités en septembre des matériels commandés en début d’année.
Nous avons peu de personnel en OPEX aujourd’hui. La dernière grande opération a été l’Afghanistan, de même quelques gendarmes ont été engagés en Côte d’Ivoire. Sous le commandement opérationnel du CEMA, nous avons actuellement 109 personnels engagés sur onze théâtres – beaucoup de prévôts, quelques COMGEND. Nous sommes dans une phase extrêmement basse de participation aux OPEX.
En ce qui concerne les communautés de brigades, je partage, Monsieur Voisin, votre analyse sur l’éloignement du gendarme de la population. Le sentiment que les gens nous renvoient, c’est qu’ils ne voient plus le gendarme. C’est l’une des raisons qui me conduisent à réfléchir à la rénovation du travail de contact, avec peut-être la création de brigades de contact, c’est-à-dire de personnels dont la seule vocation serait d’aller à la rencontre de la population, d’être sur le terrain. Pour cela, il faut que je revoie leur contrat opérationnel. Aujourd’hui, n’importe quelle brigade a la totalité du spectre missionnel à effectuer. L’objectif est de confier pour seule mission à ces brigades d’aller à la rencontre de la population et des élus.
La relation avec les élus est en effet déterminante. Nous allons doter l’ensemble des gendarmes d’un téléphone de service individuel afin qu’ils puissent communiquer leur numéro aux élus et être joignables en permanence. Cela me paraît essentiel au renouvellement de cette relation de proximité.
Deux types de véhicules sortent de la flotte classique par achat : d’une part, ceux qui font l’objet d’un marché de location, essentiellement pour les unités de recherche, et, d’autre part, les véhicules banalisés, dont nous disposons dans la durée et qui ont une immatriculation militaire administrative mais des plaques civiles enregistrées dans le système d’immatriculation des véhicules (SIV). Ce dernier est ouvert à certains professionnels et il leur est donc possible, à la faveur d’une consultation du SIV, d’obtenir la liste des véhicules de l’administration. C’est là une faille ; nos véhicules banalisés ne sont pas toujours si banalisés que cela.
Nous disposons également de 663 véhicules récupérés par le biais de la saisie des avoirs criminels. C’est là une piste très intéressante. En moins d’un mois, il est désormais possible de saisir le véhicule et de l’affecter à une unité.
M. Philippe Nauche. S’agissant du renseignement, la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) a-t-elle bénéficié d’effectifs supplémentaires ? Où en est la mise en œuvre des apports techniques et des modalités administratives, avec notamment le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR), de la loi sur le renseignement ? Enfin, quelle est la part des gendarmes adjoints volontaires tant dans les recrutements classiques que dans la réserve ?
Mme Marie Récalde. L’instruction provisoire sur le temps de travail s’applique à la gendarmerie départementale, mais qu’en est-il de la gendarmerie mobile, qui n’a pas tout à fait le même mode opératoire ?
Je ne vois pas très bien ce que serait la différence des brigades de terrain avec les brigades existantes. L’idée de rapprocher les gendarmes de la population est louable, et c’est d’ailleurs quelque chose qui est demandé, mais cela signifie-t-il que vous souhaitez décharger ces brigades d’une partie du travail administratif – qui est énorme – et éventuellement externaliser ce travail ?
Enfin, où en êtes-vous de la lutte contre la cybercriminalité ?
M. Olivier Audibert Troin. Mes deux questions ont pour point commun le soleil car elles concernent l’une Mayotte et l’autre le Var.
Je rentre de Mayotte, où j’ai été accueilli pendant six jours en stage d’immersion au groupement de gendarmes commandé par le colonel Philippe Leclerc. J’ai visité notamment l’antenne du GIGN récemment établie et montant actuellement en puissance. La situation à Mayotte est particulièrement explosive. On parle beaucoup des migrants de l’île de Lampedusa : nous ferions bien de parler aussi des migrants sur l’île de Mayotte car nous compterons cette année quelque 22 000 reconduites aux grandes Comores, sans compter tous ceux qui passent à travers les mailles du filet. C’est ainsi qu’un département officiellement recensé à 212 000 habitants en compte en réalité 350 000, ce qui provoque des tensions extrêmement fortes.
Je sais que des renforts sont prévus, notamment des pelotons de gendarmes mobiles dans les jours à venir. Cependant, il existe un véritable problème avec l’équipement. Le seul hélicoptère de l’île, celui de la gendarmerie, sert à tout et, même s’il a été reconfiguré, l’appareil est très vieux. De même, sur les deux intercepteurs chargés de récupérer les migrants, un est aujourd’hui hors service : la brigade tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, avec un seul intercepteur ! Est-il prévu, au budget 2017, de renouveler le second intercepteur ?
En ce qui concerne le Var, nous avons évoqué ici à de nombreuses reprises, concernant l’opération Sentinelle et la lutte contre le terrorisme, la nécessité d’un véritable maillage territorial et de la présence de nos forces armées sur la totalité du territoire national. Il semble que le maillon faible en matière de lutte contre l’insécurité et en particulier le terrorisme soit la ruralité. Comment pouvons-nous expliquer à nos populations qu’au nom des sacro-saintes économies de dépenses publiques et des mutualisations, on ferme régulièrement des brigades territoriales ? Cette politique est à rebours de l’aménagement du territoire tel qu’il devrait être pratiqué. Envisagez-vous, dès lors, un redéploiement de nos brigades territoriales ?
Général Richard Lizurey. La SDAO a reçu quatre effectifs supplémentaires dans le cadre du plan de renforcement. C’est un service qui compte soixante-sept personnels au total, dont une grande partie au centre de renseignement opérationnel. En tout et pour tout, vingt-six personnels sont dans la fonction de renseignement proprement dite. En comparaison, le service central du renseignement territorial compte 300 personnes.
Dans le cadre de la loi « renseignement », la SDAO est un service prescripteur pour les différentes techniques, intrusives ou de surveillance, à l’instar du GIGN et des sections de recherches. Le dispositif me paraît pour l’instant correspondre à nos besoins. Si demain avait lieu une explosion de signalements, nous serions sans doute conduits à revoir le nombre de lignes d’interceptions de sécurité.
Nous avons formé ceux de nos personnels qui ont connaissance de ces techniques dans les sections de recherches et au GIGN, de manière qu’ils s’inscrivent dans cette dynamique, contrôlée, vous l’avez dit, par la CNCTR. L’ensemble du dispositif d’autorisation remonte au niveau central, est traité par la SDAO et signé personnellement par le directeur général : je vois ainsi passer la totalité des demandes à la fois d’interceptions de sécurité et de techniques particulières avant qu’elles soient transmises au Premier ministre et à la CNCTR.
M. Philippe Nauche. Mon inquiétude porte sur la fluidité du système.
Général Richard Lizurey. C’est effectivement un peu procédurier mais je trouve que le dispositif est assez réactif. Nous pouvons monter une écoute en moins de vingt-quatre heures.
Environ 7 000 gendarmes adjoints volontaires sont recrutés. Parmi les sous-officiers recrutés 48,8 % sont des gendarmes adjoints volontaires, ce qui est une bonne chose puisque cela nous permet d’avoir des personnels qui, au moment où ils entrent en école, ont déjà une bonne base de formation, que nous avons pu tester. Quand ils quittent le service actif pour rejoindre la vie civile, nous leur proposons un contrat d’engagement dans la réserve ; je n’ai pas en tête la proportion d’entre eux qui signent un « engagement à servir dans la réserve », ESR, mais ils sont nombreux.
Le schéma normal d’une candidature à la gendarmerie est plutôt d’abord la réserve avant une candidature soit comme gendarme adjoint volontaire soit comme sous-officier. Si la personne ne peut devenir tout de suite sous-officier, elle peut passer par le statut de gendarme adjoint volontaire pour devenir sous-officier ensuite. Nous avons beaucoup de jeunes réservistes, y compris de moins de dix-huit ans : nous ne pouvons employer ces derniers mais nous les formons.
L’instruction provisoire sur le temps de travail s’applique aussi à la gendarmerie mobile. La directive européenne précise que, lorsque les personnels ne sont pas employés mais en alerte au cantonnement pendant onze heures, le contrat est rempli. Paradoxalement, donc, la GM respecte davantage la directive – à 95 % – que ne le fait la gendarmerie départementale. Les 5 % restants sont liés à des contextes particuliers de violences ou d’activité importante : les récupérations sont alors cumulées et données à la fin. Il existe un cas particulier pour les déplacements en outre-mer puisque le texte considère que dans l’avion les personnels ne sont pas en repos physiologique mais en temps de travail ; aussi, quand ils se rendent en Nouvelle-Calédonie, par exemple, nous leur donnons une journée de repos à leur arrivée, de même qu’à leur retour.
Une brigade classique aujourd’hui a la totalité du spectre missionnel : police de la route, police judiciaire, police administrative…, ainsi que toutes les charges administratives liées au fonctionnement d’une brigade. L’idée serait de retirer toutes ces missions, ou une grande partie, à certaines brigades pour leur donner du temps. Tout ce qui consomme du temps à la caserne a vocation soit à ne plus être fait soit à être fait par quelqu’un d’autre, une unité spécialisée comme une unité de recherche pour la PJ, une unité motorisée pour la sécurité routière… L’objectif est que les gendarmes de ces unités n’aient d’autre mission que le contact avec la population et les élus, sans travail de nuit qui implique des récupérations ni déplacements au chef-lieu de communauté qui prennent du temps. Nous expérimenterons le concept ici et là pour voir si c’est, tout d’abord, réalisable et, ensuite, efficace.
La cybercriminalité va se développer. Nous avons au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale un centre de lutte contre la cybercriminalité travaillant en liaison avec la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité de la police nationale. En outre, des gendarmes sont présents au sein de la plateforme Pharos, une plateforme de signalement sur internet. Nous développons des capacités de surveillance, avec des cyberpatrouilles. Ce dispositif a été créé il y a de nombreuses années dans le cadre de la lutte contre la pédopornographie et se développe aujourd’hui dans d’autres domaines. Nous allons également créer cette année un nouveau dispositif de recueil des plaintes d’escroquerie sur internet au niveau national. La difficulté est de trouver le parquet compétent. Nous sommes en discussion avec la chancellerie pour qu’elle désigne celui-ci ; nous aimerions que ce soit Pontoise.
Dans chaque section de recherches a été mis en place un groupe dédié au contentieux de la cybercriminalité. Ce groupe s’appuie sur les enquêteurs NTECH, spécialistes des nouvelles technologies. L’objectif est d’établir une chaîne fonctionnelle qui permette de traiter le contentieux, local mais aussi national, en liaison soit avec les parquets locaux, soit avec les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS), soit au niveau national. Le dispositif évolue en parfaite synergie avec celui de la police nationale.
Je suis inquiet au sujet de Mayotte. Les événements qui se sont produits il y a trois ou quatre ans risquent malheureusement de se reproduire, et nous nous y préparons. C’est pourquoi nous avons injecté des renforts : l’antenne du GIGN mais aussi des gendarmes mobiles, voire territoriaux. Nous planifions même des renforts massifs en vue d’événements majeurs. Il n’y pas beaucoup d’équipements sur place pour stationner des unités sur le long terme ; à l’époque, certains escadrons étaient restés trois mois sur place et nourris avec des rations de combat. Mayotte est le premier département d’outre-mer que j’irai visiter car c’est là que le risque est maximal. L’immigration dans ce département est massive. Elle provoque des réactions parmi la population, notamment des « décasages », c’est-à-dire des opérations coordonnées de Mahorais en vue de déloger les migrants comoriens, avec force violences et agressions.
Un intercepteur coûte 300 000 euros. Je suis prêt à acheter une vedette à 70 000 ou 80 000 euros mais on m’explique qu’il faut que j’achète la même chose que les autres. La brigade nautique locale a une activité extrêmement forte, avec un taux d’interpellation d’étrangers en situation irrégulière très élevé. Ils travaillent de jour comme de nuit dans des conditions difficiles, et j’admire leur engagement. C’est, je pense, le département où le travail de la gendarmerie est le plus difficile, mais aussi le plus ingrat car on n’en entend pas parler. Nous n’avons pas les moyens d’acquérir un intercepteur pour l’instant mais nous sommes clairement dans une logique d’achat à court terme.
S’agissant du maillage territorial, nous réfléchissons à une évolution. En quinze ans, cinq cents brigades ont été dissoutes, leur nombre passant de 3 600 à 3 100. C’était une rationalisation nécessaire ; le rassemblement sur des emprises plus importantes offre des capacités supplémentaires d’intervention. Le temps d’intervention moyen est actuellement de douze minutes. Le problème, c’est que nous nous sommes éloignés de la population. C’est quelque chose que j’entends et sur lequel nous devons travailler.
Il faut que nous poursuivions cette action-là où c’est justifié. À mes yeux, les brigades se trouvant en zone de police nationale n’ont pas vocation à perdurer ; c’est le bon sens même que de ramener les gendarmes dans leur zone de compétence. J’envisage également de poursuivre la suppression des groupes de commandement des compagnies dont les effectifs sont inférieurs à cinquante, et nous poursuivrons, je pense, les dissolutions là où l’immobilier est vétuste et défaillant ; plutôt que de reconstruire et de mettre à contribution les collectivités locales, il me paraît plus intéressant de dissoudre la brigade et de la regrouper sous le chef-lieu de communauté de brigades. En revanche, partout ailleurs, l’idée est de développer des unités de contact ayant vocation à afficher la présence de l’État et à rechercher du renseignement dans la profondeur du territoire, car cela me paraît déterminant dans le contexte actuel. Ce n’est pas le moment de créer des déserts de sécurité.
M. David Comet. Accession au deuxième cercle du renseignement, nouveau schéma national d’intervention, création de PSIG Sabre supplémentaires, bon équilibre des missions Sentinelle en lien avec les militaires de l’armée de terre dans un sens plus dynamique, renforcement des personnels et commande de 3 000 véhicules : que pensez-vous qu’il faudrait faire de plus ou de mieux pour lutter plus efficacement contre le terrorisme, étant entendu que les victoires à venir dans nos OPEX risquent de créer les conditions du retour des djihadistes en France ?
La commission d’enquête Fenech-Pietrasanta de lutte contre le terrorisme préconise notamment d’augmenter – c’est la proposition numéro un – le nombre de cartouches tirées chaque année par les personnels des unités élémentaires de police et de gendarmerie dans le cadre des séances d’entraînement ; de détacher en permanence – proposition numéro treize – des officiers de gendarmerie au sein de la DGSI ; et de fusionner – proposition numéro quatorze – le SCRT et la SDAO dans une nouvelle direction du renseignement territorial rattachée directement au ministre de l’Intérieur. Que pensez-vous de ces propositions ?
M. Philippe Meunier. Vous nous avez appris une information importante : l’utilisation par la gendarmerie de véhicules saisis. Lors d’un stage d’immersion au GIGN, on m’avait expliqué que ce n’était pas possible pour des raisons d’entretien de ces véhicules. Pouvez-vous nous dire quels types de véhicules sont affectés dans vos services, dans quels services ils sont affectés, et comment vous avez résolu la question de l’entretien de ces véhicules hors gamme classique de dotation ?
Général Richard Lizurey. On peut toujours faire mieux en matière de renseignement. Pour cela, il faut aujourd’hui développer un état d’esprit particulier consistant à passer du besoin d’en connaître au devoir de partager. Je ne dis pas que tout doit être mis sur la table mais il faut changer de culture dans le renseignement : le service localement compétent doit savoir quelles menaces sont présentes chez lui, alors que ce n’est pas toujours le cas actuellement. Il arrive en effet que des services découvrent, après un événement ou une opération, que des personnes dangereuses étaient présentes dans leur secteur.
C’est aussi une affaire de moyens juridiques. Nous disposons d’un certain nombre de bases de données et de fichiers qui comportent beaucoup de renseignements. Face à la menace exceptionnelle, à cet état de guerre cité par le Premier ministre, il faut se poser la question de leur interconnexion. Il ne s’agit pas, bien sûr, de faire n’importe quoi ; le système doit être contrôlé, vérifié, pour ne pas être détourné de sa finalité, mais cela permettrait de faire progresser, à moyens constants, la lutte contre le terrorisme.
S’agissant du nombre de cartouches disponibles pour l’entraînement, nous avons tiré les enseignements de la commission d’enquête puisque nous avons multiplié ce nombre par deux, passant de trente à soixante dans le cadre des séances d’instruction. Nous travaillons aussi à la mise en place complémentaire de moyens de simulation en matière de tir ; des expérimentations ont été réalisées avec des industriels. Nous avons d’ailleurs augmenté la dotation de cartouches dans le service courant, passant de vingt-cinq à trente, nous alignant ainsi sur la police nationale. Nous travaillons également sur un suivi longitudinal des gendarmes, actuellement expérimenté au GIGN, avec un carnet de formation individuel.
Oui, il faut détacher des officiers de gendarmerie à la DGSI mais la question est de savoir pour quoi faire. Cela peut avoir du sens si les personnels ont une compétence qui apporte quelque chose à la DGSI. Nous candidaterons sur des profils de poste où c’est possible. Je pense que nous arrivons dans une période où ce sera accepté. C’est le début de l’histoire. Pour en avoir discuté avec Patrick Calvar, je sais qu’il a des besoins sur un certain nombre de compétences.
Comme je l’ai dit, le SCRT compte 300 personnels, contre vingt-six, pour la partie renseignement, à la SDAO. Je ne suis donc pas sûr qu’un regroupement des deux s’avère beaucoup plus efficace. En outre, le regroupement me poserait problème car, en tant que chef opérationnel, j’ai besoin d’une capacité de renseignement dans le cadre de mes propres opérations, à Notre-Dame-des-Landes et ailleurs, et ces vingt-six y suffisent à peine. Il faut tout de même noter que l’adjoint de la SDAO est un commissaire de police et qu’un adjoint du patron du SCRT est un gendarme. La vision intégratrice n’est pas toujours opérante ; en l’espèce, cela ne me paraît pas être le cas.
Au tout début, il fallait, pour l’emploi des véhicules saisis, une condamnation définitive. Dans un deuxième temps, permission a été accordée de les utiliser en cours d’instruction, mais une expertise était obligatoire ; il fallait que quelqu’un la paye, et nous ne le souhaitions pas. Tout cela a été réglé car il suffit désormais d’une évaluation par l’enquêteur lui-même. Nous conservons des véhicules dans la gamme classique, que nous pouvons entretenir dans nos ateliers autos. L’ensemble des unités est éligible à ce type de saisie. Ce n’est pas forcément l’unité qui saisit un véhicule qui s’en servira. Il s’agit de véhicules banalisés, de toutes marques.
Mme la présidente Patricia Adam. Merci, général.
Après l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 28 octobre 2016 à 9 heures 30 (42)), la commission de la Défense nationale et des forces armées examine, pour avis, les crédits de la mission « Sécurités » : « Gendarmerie nationale » pour 2017.
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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis
(Par ordre chronologique)
Ø M. le général d’armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, M. le colonel Laurent Bernard, chef du bureau de la synthèse budgétaire et Mme le chef d’escadron Delphine-Caroline Bessi, cheffe de la section synthèse prospective – bureau de la synthèse budgétaire
Ø M. le général de division Éric Darras, adjoint au directeur des opérations et de l’emploi, M. le colonel Philippe Watremez, adjoint au sous-directeur de la défense, de l’ordre public et de la protection, et M. le colonel Laurent Bernard, chef du bureau de la synthèse budgétaire