N° 4132 tome VII - Avis de Mme Elisabeth Pochon sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N° 4132

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 4061)
de
finances pour 2017

TOME VII

JUSTICE

ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE ET AIDE AUX VICTIMES

PAR Mme Élisabeth POCHON

Députée

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Voir le numéro : 4125-III-31

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE POUR 2017 9

I. LES CRÉDITS ET RECETTES AFFECTÉS À L’AIDE JURIDICTIONNELLE, EN FORTE HAUSSE, POURSUIVENT LE FINANCEMENT DE SA RÉFORME 9

II. LES CRÉDITS DÉDIÉS AU DÉVELOPPEMENT DE L’ACCÈS AU DROIT ET AU RÉSEAU JUDICIAIRE DE PROXIMITÉ PERMETTRONT DE RAPPROCHER LES CITOYENS DE LA JUSTICE 10

III. LA FORTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DE L’AIDE AUX VICTIMES ENTEND TRADUIRE LA PRIORITÉ NATIONALE CONSTITUÉE PAR CETTE ACTION 11

IV. LE SOUTIEN À LA MÉDIATION FAMILIALE ET AUX ESPACES DE RENCONTRE TEND À FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DES MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES LITIGES 12

SECONDE PARTIE : L’AIDE AUX VICTIMES 14

I. L'AIDE AUX VICTIMES, UN RÉGIME JURIDIQUE ET DES MOYENS RENFORCÉS AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES 14

A. LE LÉGISLATEUR A MANIFESTÉ SON ATTENTION AUX VICTIMES 15

B. LA MISE EN PLACE D’INSTRUMENTS ADAPTÉS 16

1. Pour favoriser l’accès au droit 16

2. Pour protéger les victimes 17

C. UN FINANCEMENT À LA HAUTEUR DES BESOINS 18

1. Le rôle essentiel du FGTI 19

2. Le soutien aux associations 21

II. MALGRÉ LA QUALITÉ DES DISPOSITIFS EXISTANTS, LES ATTENTATS RÉCENTS ONT SOULIGNÉ LEURS INSUFFISANCES 22

A. DES ATTENTATS D’UNE AMPLEUR SANS PRÉCÉDENT 22

B. DES INSUFFISANCES DANS LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES 24

III. DES RÉFORMES ONT ÉTÉ PORTÉES PAR LE GOUVERNEMENT, DE NATURE À AMÉLIORER L’ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES 25

A. LE SECRÉTARIAT D’ÉTAT CHARGÉ DE L’AIDE AUX VICTIMES PORTE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE EN MATIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES 25

B. DES DISPOSITIFS D’URGENCE RENFORCÉS, ASSURANT UNE MEILLEURE GESTION LORS DE LA SURVENANCE D’UNE CRISE COLLECTIVE 26

1. La cellule interministérielle d’aide aux victimes, relais de la coordination interministérielle et de l’information du public 26

2. La mise en place d’un réseau de référents locaux, préparés à la survenance d’une crise 27

C. DES DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT AMÉLIORÉS, DE NATURE À ASSURER UN SOUTIEN SATISFAISANT DES VICTIMES 28

1. La mise en place du site « Guide victimes » 28

2. Un accompagnement des victimes conforté 28

3. Des moyens accrus à destination des associations de victimes 28

D. UNE SOLIDARITÉ RENFORCÉE DE LA NATION EN FAVEUR DES VICTIMES 29

1. L’augmentation de la contribution annuelle sur les contrats d’assurance afin d’abonder le FGTI 29

2. Des mesures fiscales exonératoires en faveur des ayants-droits des victimes d’attentats 30

IV. LES EFFORTS DOIVENT ÊTRE POURSUIVIS AFIN DE GARANTIR LA PÉRENNITÉ DE L’AIDE AUX VICTIMES 31

A. ASSURER LA PÉRENNITÉ FINANCIÈRE DU FGTI 31

B. SÉCURISER LA PROCÉDURE EN RENFORÇANT SON CARACTÈRE CONTRADICTOIRE SOUS LE CONTRÔLE D’UN JUGE 32

C. CRÉER UNE STRUCTURE ADMINISTRATIVE SPÉCIFIQUE PÉRENNISANT UN SERVICE PUBLIC DE L’AIDE AUX VICTIMES 33

EXAMEN EN COMMISSION 35

PERSONNES ENTENDUES 77

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir à la rapporteure pour avis au plus tard le 10 octobre 2016, pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteure pour avis, qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

Mesdames, Messieurs,

Le dernier budget de la législature est également celui qui enregistre la plus forte hausse, consacrant ainsi le caractère prioritaire de la Justice. Les dotations (hors charges de pensions) atteindront en effet en 2017 6,892 milliards d’euros, soit 520 millions de plus qu’en 2016 (+9 %). Parmi elles, celles destinées au programme 101 Accès au droit et à la justice, et dont la présentation fera l’objet de la première partie, connaîtront une hausse plus élevée encore puisqu’elle atteindra 12,20 % en crédits de paiement, permettant de renforcer tout particulièrement l’aide juridictionnelle, à laquelle votre rapporteure a consacré son précédent avis budgétaire, ainsi que l’aide aux victimes, qui fera l’objet de la seconde partie du présent avis.

La période s’y prête, hélas, tout particulièrement après les attentats barbares qui ont endeuillé notre pays depuis 2015 et qui ont causé plusieurs milliers de victimes. Comme l’a souligné le Président de la République en intervenant lors de la journée d’hommages aux victimes du terrorisme le 19 septembre dernier, « le Gouvernement de Manuel Valls en a tiré les conséquences en créant un secrétariat d’État entièrement consacré à la cause des victimes et en prenant appui sur une méthode qui associe pleinement toutes les parties prenantes dans la politique d’aide aux victimes ». L’aide aux victimes dépasse certes le seul cadre du terrorisme, mais les tragiques événements récents ont certainement contribué à rendre plus visible le rôle irremplaçable des associations. S’adressant à notre collègue Nathalie Nieson auquel le Premier ministre a confié une mission en 2013 sur le financement des associations d’aide aux victimes et la gouvernance de la politique nationale d’aide aux victimes, l’ancien garde des Sceaux et président du Conseil constitutionnel Robert Badinter, observait que « les associations sont très supérieures à l’État pour accompagner et aider » et le rapport établi en conclusion de cette mission déplorait qu’elles fussent néanmoins « placées dans un contexte permanent de fragilisation et de précarité qui entraîne une perte de professionnalisation et des conditions d’exercice de plus en plus difficile ».

Confrontés aux exigences nées des attentats, l’État, par la voix de son Chef, a décidé de réagir avec détermination. Soulignant la place essentielle des associations qui « portent la parole auprès des plus hauts responsables de l’État mais aussi auprès de tous nos compatriotes » et rappelant combien de personnes sont « concernées, traumatisées, touchées à jamais » il a précisé que « les ressources du Fonds de garantie seront revues en conséquence et l’État s’en portera garant dans la durée », car « les règles d’indemnisation ne peuvent plus rester les mêmes ».

Le présent rapport pour avis, en présentant les moyens consentis par l’État au titre de l’aide aux victimes et en engageant une réflexion sur les améliorations envisageables, entend contribuer au soutien de cette priorité nationale.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE POUR 2017

Pour l’année 2017, le présent projet de loi de finances prévoit de doter le programme 101 « Accès au droit et à la justice » de 411,29 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Cela représente une augmentation de 12,39 % en autorisations d’engagement et de 12,20 % en crédits de paiement par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016, qui s’élevaient, respectivement, à 365,93 et 366,55 millions d’euros. Si l’on tient compte des ressources extrabudgétaires, qui se sont élevées à 68 millions d’euros en 2016 et qui seront d’un montant de 83 millions d’euros en 2017 (+22 %), la hausse est encore plus significative.

Le programme 101 comporte quatre actions, chacune correspondant à un axe de la politique publique en matière d’accès au droit et à la justice :

– l’aide juridictionnelle ;

– le développement de l’accès au droit ;

– l’aide aux victimes ;

– la médiation familiale et les espaces de rencontre parents-enfants ;

L’aide juridictionnelle s’adresse aux personnes physiques, et exceptionnellement aux personnes morales à but non lucratif, dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice. Elle consiste en la prise en charge par l’État de tout ou partie – l’aide pouvant être totale ou partielle – des frais relatifs à un procès (rétribution d’avocat, rétribution d’huissier de justice, frais d’expertise, etc.) ou à une transaction (rétribution de l’avocat). C’est un volet essentiel de la politique d’accès au droit et à la justice.

Elle fait l’objet de l’action n° 1 du programme, dont elle représente plus de 90 % des crédits budgétaires. Le projet de loi de finances initiale pour 2017 prévoit de la doter de 370,88 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une augmentation des crédits budgétaires de 12,13 % par rapport à 2016.

À ces dotations budgétaires doivent être ajoutés 83 millions d’euros de ressources extrabudgétaires. Ces ressources extrabudgétaires incluent la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de protection juridique, le droit fixe de procédure, la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice et une nouvelle contribution financière de la profession d’avocat par le biais d’une affectation au Conseil national des barreaux d’une partie des produits financiers des fonds placés par les caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).

En 2016, le montant total des dépenses de cette action s’était élevé à 393,8 millions d’euros, dont 330,8 millions de crédits budgétaires et 63 millions de ressources extrabudgétaires affectées au Conseil national des barreaux (CNB).

L’aide juridictionnelle a fait l’objet, aux termes de l’article 42 de la loi de finances pour 2016, d’une importante réforme que les crédits affectés à l’exercice 2017 permettront de poursuivre.

L’action n° 2, intitulée « développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité », vise à mettre en œuvre une politique d’accès au droit, permettant à tout citoyen, et notamment à ceux qui rencontrent le plus de difficultés, de connaître leurs droits afin de pouvoir les exercer et de se rapprocher de la justice.

Pour 2017, le projet de loi de finances prévoit de doter cette action de plus de 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (soit environ 2,0 % des crédits du programme), en augmentation de 13,5 % par rapport à 2016. Cette augmentation est destinée à renforcer le réseau des points d’accès au droit et financer le recours aux consultations juridiques (voir infra).

Ces crédits servent, en premier lieu et à hauteur de 7,372 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à cofinancer les 101 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et les lieux d’accès au droit, au nombre d’environ 1 250. Ces groupements d’intérêt public sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, d’impulser des actions nouvelles, de dresser et de diffuser l’inventaire des actions menées et d’évaluer la qualité des dispositifs auxquels l’État apporte son concours.

En 2017, ces crédits incluront une dotation de 2,5 millions d’euros destinée à financer le recours aux consultations juridiques préalables à la saisine du juge, afin d’analyser le bien-fondé de la demande du citoyen, de faciliter, le cas échéant, l’instruction de sa demande d’aide juridictionnelle et de proposer, si nécessaire, une orientation vers d’autres intervenants, et notamment un médiateur. Cette consultation préalable sera mise en œuvre dans le cadre d’une convention conclue entre les CDAD et les tribunaux de grande instance.

Ils servent, en deuxième lieu et à hauteur de 0,48 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à cofinancer les maisons de la justice et du droit (MJD). Ils seront utilisés, en 2017, pour cofinancer l’ouverture de quatre nouvelles MJD, via des subventions d’investissement aux collectivités territoriales concernées pour réaliser les travaux d’aménagement des bâtiments qui accueilleront ces nouvelles structures

Enfin, ces crédits, à hauteur de 120 000 euros, permettent de soutenir des associations spécialisées réalisant des actions d’envergure nationale, excédant le champ de compétence locale des CDAD, notamment en faveur de publics fragiles (jeunes, population issue de l’immigration, personnes incarcérées, gens du voyage, etc.).

On rappellera enfin que la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a prévu qu’un fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice aurait pour objet de favoriser la couverture de l’ensemble du territoire par les professions judiciaires et juridiques ainsi que l’accès du plus grand nombre au droit. Le décret n°2016-230 du 26 février 2016 fixe ses règles de fonctionnement et de gouvernance. Il devrait permettre un meilleur financement de l’aide juridictionnelle même si ses effets ne seront pleinement perceptibles qu’avec le temps.

L’action n° 3 du programme, intitulée « Aide aux victimes », vise à améliorer la prise en charge des victimes d’infractions pénales, en leur apportant un soutien matériel et psychologique tout au long du parcours judiciaire et jusqu’à leur indemnisation. Elle est dotée de 28 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 6,8 % des autorisations d’engagement et crédits de paiement du programme. Ces crédits sont en augmentation de 3,44 millions en autorisation d’engagement (+14,03 %) et 2,83 millions d’euros (+ 11,2 %) en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Cette nouvelle augmentation fait suite à des hausses substantielles au cours des derniers exercices budgétaires (+17,79 millions d’euros, soit +174 % depuis 2012), traduisant la priorité politique accordée à cette action.

Cette politique repose essentiellement sur un réseau de 166 associations locales d’aide aux victimes, conventionnées par les cours d’appel, qui, de manière gratuite et confidentielle, reçoivent les victimes, les aident dans leurs démarches et les orientent. Certaines tiennent des permanences dans les bureaux d’aide aux victimes (BAV). Ces associations bénéficieront de 24,46 millions d’euros en 2017 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, auxquels s’ajouteront 1,65 million d’euros en faveur des associations et fédérations intervenant au niveau national et pour des actions de dimension nationale.

La politique d’aide aux victimes s’appuie également sur les bureaux d’aide aux victimes (BAV) ouverts au siège des tribunaux de grande instance (TGI) et dont la mission est d’informer, d’orienter et d’accompagner les victimes. Les crédits de l’action incluent notamment 4,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour les associations tenant des permanences dans les BAV. Sont de plus affectés 50 000 euros à l’entretien et maintien à niveau de l’équipement des BAV.

Des crédits sont à nouveau prévus pour financer, à hauteur de 500 000 euros pour l’exercice 2017, un dispositif d’assistance téléphonique social à destination des victimes, le numéro « 08VICTIMES », qui offre à toute victime une première écoute et une orientation personnalisée, 7 jours sur 7, de 9 à 21 heures. Actuellement géré par l’INAVEM dans le cadre d’une convention d’objectifs attributive de subvention, un marché public triennal devait être conclu dès 2015. Reporté suite à l’attentat de janvier 2015 et la nécessité de compléter le cahier des charges initial, il doit être conclu en 2016. Les crédits ouverts pour 2017 visent à rémunérer le futur titulaire du marché de mise en œuvre du dispositif 08VICTIMES.

Des dispositifs sont également pris en charge par cette action, dont les crédits permettront la montée en puissance après leur mise en place récente. Parmi ceux-ci figurent l’évaluation des besoins particuliers de protection des victimes (EVVI), l’accompagnement des victimes bénéficiant de téléprotection des personnes en grave danger (TGD), de l’équipement en matériel TGD dans les départements d’outre-mer et des mesures de justice restaurative sont également financés à hauteur de 2,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

L’action n° 4, intitulée « Médiation familiale et espaces de rencontre », est dotée de 4,36 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit environ 1,1 % des crédits du programme, en progression de 23 % par rapport aux crédits du PLF pour 2016.

Cette action regroupe les crédits ayant pour objet, d’une part, de développer une résolution amiable des conflits dans le domaine familial et, d’autre part, de maintenir des liens entre parents et enfants grâce à des espaces de rencontre.

La médiation familiale a été reconnue par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale et par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce. En 2015, 20 589 mesures de médiation familiale ont été achevées – soit une augmentation de 13,1 % sur un an – se répartissant entre 7 566 mesures judiciaires (+7,7 %) et 13 029 mesures spontanées (+ 16,5 %).

Les espaces de rencontre parents-enfants sont des lieux permettant à un enfant de rencontrer l’un de ses parents ou un tiers, ou de faire l’objet d’une remise à un parent ou à un tiers, notamment à la suite d’une séparation, lorsque le droit de visite ne peut être exercé au domicile du parent titulaire de ce droit. Ces espaces contribuent au maintien des relations entre un enfant et ses parents ou un tiers, notamment en assurant la sécurité physique et morale et la qualité d’accueil des enfants, des parents et des tiers.

Les crédits de l’action n° 4 permettent de soutenir un réseau d’associations locales mettant en œuvre ces dispositifs (1). Une dotation de 4,25 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement est prévue financer le réseau des associations de médiation familiale et d’espaces de rencontre, dont :

– 1,98 million d’euros pour les associations locales de médiation familiale ;

– 2,27 millions d’euros pour les associations gérant un espace de rencontre parent/enfant.

Ces crédits sont complétés par une dotation de 110 000 euros pour le développement du partenariat avec les fédérations et les associations nationales de médiation familiale et d’espaces de rencontre.

SECONDE PARTIE : L’AIDE AUX VICTIMES

Tragiquement mise en exergue par les attentats récents, l’aide aux victimes constitue une priorité nationale. Le Président de la République, qui s’est exprimé à plusieurs reprises à ce sujet dans la période récente, le 19 septembre aux Invalides, et le 15 octobre à Nice, a rappelé combien l’action des pouvoirs publics est nécessaire en la matière. Les besoins des victimes commandent en effet des efforts de solidarité afin d’assurer une réparation juste et complète des préjudices subis par chacun.

Le niveau des crédits budgétaires dégagés en faveur des victimes dans le projet de loi de finances pour 2017 témoigne d’un souci réel de prise en charge et d’accompagnement de ces dernières. L’objet du présent avis est certes de présenter une analyse de l’évolution de ces crédits, mais aussi de faire un état des lieux des dispositifs qui ont été progressivement renforcés ou mis en place en cours de législature. Si les efforts budgétaires sont certains, le fonctionnement optimal des dispositifs d’accompagnement et d’indemnisation des victimes doit être garanti.

Le régime juridique et les moyens de l’aide aux victimes ont été renforcés ces dernières années (1). Pour autant, malgré la qualité des dispositifs existants, les attentats récents ont témoigné d’insuffisances dans l’aide aux victimes (2), que le gouvernement a souhaité pallier en portant des réformes pertinentes (3). Les efforts doivent toutefois être poursuivis, afin d’en garantir la pérennité (4).

Depuis trois décennies – les attentats de 1986 ont sans doute été un élément déclencheur – la prise en compte des victimes, leur reconnaissance par le législateur, ont conduit à prendre de nombreuses mesures favorables en leur faveur. Ces mesures ont été poursuivies et approfondies au cours de l’actuelle législature, notamment par l'octroi de crédits budgétaires en croissance continue. Elles permettent de répondre aux besoins des victimes d'infractions pénales mais aussi aux besoins spécifiques nés des attentats qui ont endeuillé le pays. La plupart des dispositifs ont été soutenus et sont aujourd'hui en partie mis en œuvre grâce au concours d'associations d'aide aux victimes, dont votre rapporteure a voulu s’assurer le témoignage. Elles ont ainsi pu exposer leur rôle indispensable dans l’accompagnement des victimes mais aussi les difficultés rencontrées ainsi que leurs attentes. Les efforts réalisés en faveur des victimes prennent tout d’abord la forme de dispositions juridiques spécifiques (A), ils supposent ensuite la mise en place de politiques en leur faveur(B). Enfin, des ressources financières suffisantes doivent permettre tant l’indemnisation des victimes elles-mêmes que l’aide au fonctionnement des associations qui les représentent (C).

De nombreuses lois récentes sont en effet intervenues.

– La loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines a consacré l’existence des bureaux d’aide aux victimes (BAV), Les BAV ont ensuite été reconnus dans le code procédure pénale par l’article 26 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, qui a inséré à cet effet un article 706-15-4 dans le code de procédure pénale.

– La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a renforcé les mesures de protection de la victime. Son article 36 permet au procureur de la République, en cas de grave danger menaçant une victime de violences au sein d’un couple, d’attribuer à cette dernière un dispositif de téléprotection lui permettant d’alerter les autorités publiques.

– La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales conforte les droits des victimes et instaure des mesures de justice « restaurative » permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices.

– La loi n° 2015-993 du 17 août 2015 a transposé la directive européenne 2012/29/UE du 25 octobre 2012, dite « directive victimes », qui établit des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité. Conformément à l’article 22 de la directive, cette loi a généralisé (article 7) à toutes les victimes un certain nombre de droits, dont celui de faire l’objet d’une évaluation personnalisée de ses « besoins spécifiques en matière de protection » face aux risques de victimisation secondaire liés à sa participation à la procédure pénale, d’intimidation ou de représailles. Le décret n° 2016-214 du 26 février 2016 relatif aux droits des victimes et une circulaire du 20 avril 2016 ont précisé les modalités d’application de cette évaluation personnalisée qui est en cours de généralisation.

– En outre, compte tenu de la menace terroriste constante pesant sur l’ensemble du territoire national, plusieurs dispositions ont renforcé l’aide aux victimes d’attentats, qui présentent des caractéristiques particulières et bénéficient d’une prise en charge spécifique. Ainsi, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a introduit la possibilité de majorer certaines amendes en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, dans la limite de 10% de leur montant, afin de financer l’aide aux victimes. Cette loi permet en outre à toute association régulièrement déclarée ayant pour objet statutaire la défense des victimes d’actes de terrorisme et regroupant plusieurs de ces victimes a la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile, à condition d’avoir été agréée à cette fin. Par ailleurs, l’instruction interministérielle du Premier ministre relative à la prise en charge des victimes d’actes de terrorisme du 13 avril 2016 vise à assurer la réactivité de la réponse de l’État dès la survenance de l’acte terroriste, puis à l’accompagnement dans la durée avec l’instauration d’un comité de suivi des victimes.

Les bureaux d’aide aux victimes (BAV) à l’instant mentionnés en sont un élément caractéristique. La mission des BAV est d’offrir aux victimes un accueil personnalisé, de leur apporter des informations non seulement sur le fonctionnement judiciaire en général mais également sur l’état d’avancement des procédures qui les concernent ainsi que sur les modalités pratiques de recouvrement des dommages et intérêts à la suite des jugements rendus. Elle est aussi de les accompagner lors des audiences, de les orienter vers d’autres structures ou de les aider dans leurs démarches de saisine des services d’aide au recouvrement ou des commissions d’indemnisations des victimes d’infractions. Créés tout d’abord à titre expérimental en 2009 leur existence a ensuite été consacrée par la loi et leur installation généralisée dans l’ensemble des tribunaux de grande ou de première instance. Le nombre de personnes informées par les BAV est en forte croissance : plus de 22 000 personnes en 2010, plus de 29 000 personnes en 2011, 43 839 en 2012, 61 081 en 2013, 74 980 en 2014 et 77 296 en 2015. Les dépenses du programme 101 consacrées au BAV connaissent également un accroissement sensible puiqu’elles se sont élevées à 0,94 million d’euros en 2012, 1,10 million d’euros en 2013, 2,41 millions d’euros en 2014 et 2,38 millions d’euros en 2015. En 2016, les crédits alloués sont de 4,65 millions d’euros tandis qu’en 2017, le projet annuel de performance du programme réserve 4,25 millions d’euros en faveur des BAV. Selon les informations communiquées à votre rapporteure, cette prévision correspond à une amélioration régulière de la fréquentation, rendue possible par la mise en place d’actions de communication, de l’amélioration de la signalétique, du renforcement des relations entre le BAV, les autres services du TGI dont le service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) et l’ensemble des associations, enfin par le développement de l’information des victimes après l’audience.

D’autres outils, comme les maisons de justice et du droit (MJD), qui offrent un service d'accès au droit de proximité, jouent également un rôle auprès des victimes. Elles ont accueilli 758 326 personnes en 2015 dont en effet 31 867 spécifiquement pour des informations relatives à l'aide aux victimes. Leur financement est assuré conjointement par le ministère de la justice et les collectivités locales. Le ministère prend en charge les traitements d'une partie du personnel (traitements des magistrats, du greffier, des adjoints administratifs, des agents de protection judiciaire) ainsi que des frais de mobilier et administratifs. Les collectivités mettent des locaux à disposition, de l'équipement ainsi que du personnel. Le ministère participe en outre aux travaux d'aménagements des locaux pour un montant de 120 000 euros maximum par structure, le programme 101 « Accès au droit et à la justice » finançant ces subventions ainsi qu'une dotation de premier équipement de 13000 euros par site.

Cela suppose tout d’abord d’évaluer leurs besoins. C’est l’objet du dispositif EVVI. La loi du 17 août 2015 a transposé la directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012 précitée. Elle a notamment introduit dans le code de procédure pénale un nouvel article 10-5 reconnaissant à toutes les victimes le droit de bénéficier d’une évaluation afin d’identifier leurs « besoins spécifiques en matière de protection ». Cette évaluation a pour but d’identifier les victimes qui, en raison notamment de la nature de l’infraction subie (violences conjugales, violences sexuelles, etc.) ou de leurs caractéristiques personnelles (isolement, difficultés psychologiques, handicaps physiques ou mentaux, etc.), sont particulièrement exposées à des risques de représailles ou d’intimidation de la part de l’auteur des faits, ainsi qu’à des risques de victimisation secondaire (qui consiste pour la victime à revivre à nouveau son traumatisme à la suite d’un nouvel événement relié ou non au traumatisme initial). À l’issue de l’évaluation, les victimes identifiées comme ayant besoin de « mesures de protection » doivent bénéficier non seulement, au cours de la procédure pénale, des droits supplémentaires prévus aux articles 23 et 24 de la directive pour éviter le risque de « sur-victimisation » dû à des auditions répétées ou à une nouvelle confrontation avec l’auteur par exemple, mais aussi, le cas échéant, d’autres dispositifs novateurs de protection des victimes tels que le « téléphone grand danger ». La mise en œuvre de la loi du 17 août 2015 a fait l’objet d’une circulaire à destination des chefs de cour et de juridiction présentant de façon complète les dispositions des articles 10-2 à 10-5 du code de procédure pénale. Dès 2015, l’administration centrale du ministère de la Justice avait préparé la généralisation du projet en diffusant aux cours d’appel, à partir du travail des sites pilotes, des outils méthodologiques qui ont servi de support à la conception et à la mise en œuvre d’actions en lien avec les juridictions, les services enquêteurs et le secteur associatif. En 2015, une dotation de 925 670 euros a été mise à disposition des cours pour le démarrage de la généralisation de l’évaluation des besoins particuliers de protection des victimes dans 165 tribunaux de grande instance et tribunaux de première instance. Depuis le début de l’année 2016, une dotation d’un montant d’1,16 million d’euros a été allouée pour pérenniser la généralisation d’EVVI entreprise en 2015.

Le déploiement du téléphone grave danger répond à cet impératif de protection tout particulièrement dans le cadre familial. La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a généralisé le dispositif de téléassistance dit TGD « téléphone grave danger ». Les signalements portés à la connaissance du procureur de la République sont transmis à l’association d’aide aux victimes référente qui, après avoir réalisé des enquêtes permettant de graduer le niveau de danger de chaque signalement, communique les résultats au Parquet. À l’aide de ces enquêtes, le procureur de la République décide de l’attribution d’un équipement téléphonique pour une durée de six mois, qui peut être renouvelée en fonction des besoins du bénéficiaire. Ce dispositif permet notamment de prévenir et lutter contre les violences faites aux femmes en déclenchant l'alerte et en permettant une intervention des forces de l'ordre si nécessaire. Il est financé par le programme 137 du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes qui réserve chaque année 900 000 euros pour 500 téléphones. Conformément à une convention de délégation de gestion signée entre le secrétariat général du ministère de la justice et le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, le SADJAV gère ces crédits. Un fonds de concours permet aux collectivités locales de contribuer à ce dispositif : actuellement 30 téléphones sont financés de cette manière. Le ministère de la Justice participe à ce financement via le programme 101, qui alloue chaque année une subvention de 1100 euros par téléphone à l'association référente retenue dans le cadre du dispositif. 583 000 euros ont ainsi été versés en 2016, pour 2 965 déclenchements d'alerte et 107 demandes d’intervention transmises aux forces de l’ordre.

Le téléphone « 08 Victimes» assure un point d'entrée unique pour toutes les victimes souhaitant pouvoir échanger avec des écoutants professionnels quant à leur situation et leurs droits. Géré par I'INAVEM, il est accessible 7 jours sur 7, de 9 h à 21 h. S'il est ouvert à l'ensemble des victimes d'infractions pénales, c'est un dispositif tout particulièrement adapté aux victimes de terrorisme, notamment dans le cadre d'un premier contact afin de bénéficier d'une orientation personnalisée. D'un point de vue budgétaire, la gestion de la plateforme « 08 Victimes » a jusqu'alors été assurée dans le cadre d'une convention d'objectifs passée avec I'INAVEM, après le report de la conclusion d'un marché public du fait de l'intervention d'attentats nouveaux entre 2015 et 2016 et la nécessité de modifier le cahier de charges initial. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit 0,5 million d'euros pour rémunérer le futur titulaire du marché de mise en œuvre du dispositif, sur les crédits de fonctionnement du programme 101.

La forte augmentation des victimes du terrorisme a conduit l’État à consentir un effort immédiat pour faire face aux urgences. Ainsi, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, le Parlement a adopté un amendement gouvernemental qui, au titre du plan de lutte contre le terrorisme, augmentait de 5 millions d’euros les crédits de l’action 03 « aide aux victimes » du programme 101 du ministère de la Justice, dont le montant initial était de 20 millions d’euros. Mais l’effort essentiel est naturellement celui que doit assurer le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

Doté de la personnalité civile, le FGTI est alimenté par un prélèvement sur les contrats d’assurance de biens. Le montant de la contribution, compris entre 0 euro et 6,50 euros, est fixé par arrêté du ministre chargé des assurances et s’élevait depuis un arrêté du 30 octobre 2015 par contrat à 4,30 euros par contrat à partir du 1er janvier 2016.

Le produit des sanctions financières ou patrimoniales prononcées à l’encontre des personnes reconnues coupables d’actes de terrorisme est également affecté au FGTI.

Par ailleurs, le fonds est subrogé dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage, étant observé que le produit des recours subrogatoires est en recul de 8 % entre 2008 et 2015.

Le FGTI intervient pour indemniser les victimes d’actes de terrorisme, selon une procédure spécifique. Il indemnise aussi certaines victimes d’infractions, à travers deux dispositifs : les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) et le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI).

S’agissant des victimes d’actes de terrorisme, Le FGTI est informé de l’identité des victimes par le procureur de la République ou l’autorité consulaire ; toute personne s’estimant victime d’un acte de terrorisme peut toutefois adresser directement au FGTI une demande d’indemnisation. Sont concernées toutes les victimes d’actes de terrorisme survenus sur le territoire français et leurs ayants droit, ainsi que les victimes de nationalité française, les ayants droit français de la victime décédée, quelle que soit sa nationalité, et les ayants droit étrangers de la victime française, pour les actes de terrorisme survenus à l’étranger. Le FGTI indemnise les dommages physiques, psychologiques et professionnels des victimes blessées, et les préjudices moraux et économiques des ayants droit des victimes décédées, ainsi que les frais d’obsèques et les frais liés. Le FGTI verse une première provision au plus tard un mois après réception de la demande et présente une offre d’indemnisation définitive au plus tard trois mois après réception des justificatifs des préjudices subis. En cas de blessures avec séquelles, le FGTI peut verser plusieurs indemnités provisionnelles puis adresser un décompte détaillé de l’indemnité proposée une fois l’état de santé de la victime stabilisé. L’indemnisation est calculée sous déduction de la créance des organismes sociaux et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice. Si la victime refuse l’offre, elle peut saisir le tribunal civil compétent ; le montant de l’indemnité sera alors déterminé judiciairement. Le règlement peut être effectué sous forme d’un capital, d’une rente ou d’une solution mixte. Il n’y a pas de délai imposé aux victimes afin qu’elles se prononcent sur la proposition d’indemnisation, ce qui peut laisser la procédure en suspens assez longtemps et une réflexion sur une modification de cette situation gagnerait à être engagée.

S’ajoute à la réparation de droit commun, une réparation sous forme forfaitaire, au titre du préjudice exceptionnel spécifique des victimes de terrorisme.

S’agissant des autres victimes (2), la CIVI peut être saisie même en l’absence de jugement ou d’arrêt émanant d’une juridiction pénale. Elle peut également être saisie en cas de relaxe du prévenu ou de l’accusé afin que la victime, en l’absence de responsable pénal identifié, ne soit pas pour autant laissée sans indemnisation. Le délai pour saisir la CIVI est de trois ans à compter de la date de l’infraction, délai prorogé d’un an à compter de la date de la dernière décision ayant statué définitivement sur la culpabilité de l’auteur ou sur la demande de dommages et intérêts formée devant la juridiction pénale. Une nouvelle prorogation possible en outre en cas de motif légitime.

Dans le cas d'atteintes aux personnes, le préjudice subi doit résulter de faits, volontaires ou non, présentant le caractère matériel d’une infraction. Dans le cas d’une atteinte aux biens, le préjudice doit résulter de faits de vol, d’escroquerie, d’abus de confiance, d’extorsion de fonds ou de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien.

Selon le type de préjudice et d’infraction, la personne lésée peut obtenir la réparation intégrale ou partielle des dommages subis (3).

Le SARVI permet aux victimes d’infractions ayant subi des préjudices corporels ou matériels, mais ne remplissant pas les conditions fixées en vue d’une indemnisation par la CIVI, de bénéficier d’une aide au recouvrement de leurs créances, en l’absence de paiement volontaire par la personne condamnée. Sont ainsi concernées toutes les victimes d’infraction pénale s’étant constituées partie civile et ayant obtenu une décision de condamnation définitive leur accordant des dommages et intérêts par une juridiction pénale française. Elles doivent en outre démontrer l’impossibilité d’obtenir la réparation intégrale de leur préjudice auprès d’un organisme d’assurance ou d’un dispositif spécifique d’indemnisation. Aucune condition de ressources n’est requise.

Si le montant de la somme allouée par le tribunal est inférieur ou égal à 1 000 euros, le SARVI indemnise intégralement le demandeur. En cas de montant supérieur à 1 000 euros, le SARVI verse une provision de 30 % du montant à percevoir dans la limite d’un plafond de 3 000 euros et d’un plancher de 1 000 euros. Le SARVI est ensuite subrogé dans les droits de la victime et procède ainsi en lieu et place de la victime aux démarches de recouvrement. En cas de paiement d’une simple avance, le SARVI se chargera du paiement du complément en fonction des sommes obtenues auprès de la personne condamnée, après déduction de ses frais de gestion et d’exécution éventuellement engagés.

La politique d’aide aux victimes repose largement sur la place centrale tenue en ce domaine par les associations. Connaissant les réalités de terrain, ayant acquis une expérience unique, elles jouent un rôle irremplaçable dans l’accompagnement des victimes pour aider à leur reconstruction.

Il est donc indispensable que l’État dégage les crédits budgétaires nécessaires pour les soutenir dans l’accomplissement de leur mission.

Témoignant d’une volonté politique forte, les dépenses en matière d’aide aux victimes ont crû régulièrement ces dernières années passant de 10,17 millions d’euros en 2012 à 12,19 millions d’euros en 2013, 12,90 millions d’euros en 2014 et 15,33 millions d’euros en 2015. Les subventions aux associations locales d’aide aux victimes ont progressé de manière significative : 8,56 millions d’euros en 2012, 10,28 millions d’euros en 2013, 10,80 millions d’euros en 2014 et 13,14 millions d’euros en 2015.

La loi de finances initiale (LFI) pour 2016 consacre 25,17 millions d’euros (+ 48,6 % par rapport à la LFI pour 2015) à l’aide aux victimes. Près de 23 millions d’euros sont destinés aux associations locales participant au suivi des victimes, y compris les victimes d’actes de terrorisme.

4,93 millions d’euros sont destinés à soutenir les associations qui tiennent des permanences dans les bureaux d’aide aux victimes (BAV) au sein des tribunaux de grande instance, des tribunaux de première instance ou qui, désormais, suivent les victimes en cause d’appel ou lors de procès d’assises. À hauteur de 14,6 millions d’euros, il s’agit de pérenniser les actions menées actuellement par les associations ou d’accroître le nombre d’entretiens et de suivis et améliorer la qualité des prises en charge par le renforcement des effectifs et le développement des compétences spécialisées ; de constituer un réseau national de référents départementaux « actes de terrorisme » ; et d’accompagner des victimes étrangères ou résidant à l’étranger pour des faits commis en France ou bien des victimes françaises pour des faits commis à l’étranger. Enfin, les 3,45 millions d’euros restants ont pour objectif la montée en puissance de l’évaluation des besoins particuliers de protection des victimes (EVVI), de l’accompagnement des victimes bénéficiant du dispositif de téléprotection des personnes en grave danger (TGD), de l’équipement en matériel TGD dans les départements d’outre-mer ainsi que des mesures de « justice restaurative ».

Quant aux Associations et fédérations intervenant au niveau national – Actions de dimension nationale, elles bénéficient d’1,45 million d’euros en AE et CP afin de financer le renouvellement pour un an, des conventions d’objectifs conclues par le ministère de la justice avec les fédérations et les associations nationales et de mener des actions de modernisation de la politique d’aide aux victimes, y compris dans le domaine de la communication.

Au projet de loi de finances pour 2017, l’aide aux victimes bénéficie d’un budget de 28 millions d’euros. A contribué à l’augmentation par rapport à 2016 l’ouverture de crédits en contrepartie de la possibilité, introduite par la loi n° 2016-731 du 6 juin 2016, de majorer certaines amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, dans la limite de 10 % de leur montant, afin de financer l’aide aux victimes.

Si la prise en compte des victimes constitue une incontestable priorité des pouvoirs publics depuis de nombreuses années, des lacunes sont cependant apparues (B) à l’occasion des attentats d’une ampleur sans précédent qui ont eu lieu en France ou qui ont atteint nos compatriotes à l’étranger en moins de deux ans (A).

Depuis janvier 2015 notre pays vit au rythme effrayant de la répétition d’attentats sanglants. Pour s’en tenir aux personnes décédées, le Parquet a recensé 254 victimes de terrorisme dans des attentats commis en France et à l’étranger en 2015 et 2016, dont 155 en 2015 et 99 en 2016. Mais le nombre des personnes concernées va bien au-delà. Devant la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, la Secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, qui s’exprimait avant l’attentat sur la Promenade des Anglais à Nice mentionnait le chiffre de 2 179 victimes, en observant que « des centaines de personnes resteront durablement marquées, physiquement et/ou psychologiquement, parfois pour le restant de leurs jours. Le bilan de ces attentats est terriblement lourd » (4).

En 2015, les attentats perpétrés les 7, 8 et 9 janvier à Charlie Hebdo, à Montrouge, et à l’Hypercacher ont fait 17 morts et 20 blessés auxquels il faut ajouter 65 personnes ayant subi un choc psychologique. Après la décapitation dans l’Isère en juin de la même année d’Hervé Cornara, ce furent les sanglants attentats du 13 novembre. Trois commandos constitués de trois hommes chacun commirent, à Paris et à Saint-Denis, plusieurs attaques terroristes au Stade de France tout d’abord, sur les terrasses de bars et de restaurants situés dans les 10ème et 11ème arrondissements de Paris ainsi que dans la salle de spectacle Bataclan. Les tueries de masse qui y eurent lieu, véritables scènes de guerre selon les policiers intervenus sur place, 130 morts et 496 blessés, auxquels s’ajoutent 1124 personnes choquées.

Au cours de la présente année, c’est lors de la fête nationale, à Nice, alors que le feu d’artifice venait de se terminer, qu’un individu au volant d’un camion de location lancé à pleine vitesse fit 86 morts, dont quinze avaient moins de 18 ans, et plus de 450 blessés. Quelques jours plus tard, le père Jacques Hamel était égorgé dans son église en Normandie.

Le pays était-il prêt à faire face à ces attaques ? En particulier, les dispositifs de premiers secours et de prise en charge des victimes ont-ils été à la hauteur de l’enjeu ? Répondant à ces questions, le rapporteur de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, notre collègue Sébastien Pietrasanta, observait que « si l’ampleur du nombre de morts et de blessés conduit naturellement à s’interroger sur la prise en charge effectuée par les équipes de secours puis les établissements hospitaliers le soir du 13 novembre, (il convient de) souligner qu’ils étaient tous préparés à répondre à ce type d’événements », et de saluer la qualité et le dévouement exceptionnels des intervenants, sapeurs-pompiers ou équipes médicales, mais que, pour autant « la prise en charge des proches et des familles des victimes a en revanche fait l’objet de beaucoup de critiques, pour la plupart justifiées » (5). Certes, lors des attentats de janvier et novembre 2015, puis de juillet 2016, le service de l'accès au droit et à la Justice et de l'aide aux victimes (SADJAV) a contribué dès le temps de la crise, au déploiement du dispositif de prise en charge des victimes. Répondant à une question de votre rapporteure, le ministère de la Justice observe que « au-delà de la participation des agents de l’administration centrale du ministère quand la cellule interministérielle d’aide aux victimes (CIAV) a été activée, le SADJAV a préparé et anticipé le suivi à plus long terme des victimes en mobilisant le réseau associatif et les partenaires institutionnels appelés à prendre le relais dans la prise en charge des victimes ». Pour autant, des insuffisances ont été mises à jour, appelant une réforme des procédures.

La commission d’enquête a souligné la détresse de grand nombre de victimes qui, quelques semaines après les événements, se sentaient oubliées des pouvoirs publics et confrontées à beaucoup de difficultés. Elle a été particulièrement sensible aux « témoignages qui pointaient une administration déshumanisée, froide et procédurière. » (6) .

Ainsi, les associations ont-elles déploré que l’accessibilité à une information sûre, claire et accessible n’ait pas été assurée lors des attentats, notamment pour obtenir les coordonnées des personnes hospitalisées auprès des hôpitaux au cours de la crise (7). Les familles ont en effet témoigné de réelles difficultés à obtenir des informations concernant leurs proches (8). Des associations ont également regretté le déficit de suivi psychologique dans la période immédiate suivant les attentats du 13 novembre 2015. Des victimes ont notamment été renvoyées chez elles sans prise en charge ni indications particulières le soir du drame. Par la suite, cette prise en charge psychologique est apparue perfectible, tout comme la capacité des services administratifs à interagir selon des modalités adaptées avec des victimes d’actes particulièrement violents et traumatisants. Enfin, certaines associations, nouvellement créées, ont regretté de ne pouvoir se constituer partie civile dans les enquêtes judiciaires en cours et de ne pouvoir ainsi accéder au dossier de l’instruction (9). Leur constitution, par définition récente, ne leur permettait en effet pas de remplir le critère d’ancienneté de cinq ans exigé par l’article 2-5 du code de procédure pénale. Cette contrainte a été supprimée par la loi du 3 juin 2016 (voir supra page 15).

Parallèlement, le mécanisme d’indemnisation lui-même a été en cause, en raison de son caractère opaque, qualifié d’insupportable par Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée des victimes, devant la commission d’enquête (10). La réponse aux besoins d’accompagnement des victimes est apparue insuffisante. Ainsi, les associations ont critiqué les difficultés administratives auxquelles elles se sont trouvées confrontées. Elles ont souligné le besoin de simplicité dans les démarches à accomplir, notamment quant à la reconnaissance de leur qualité de victime et l’obtention d’une indemnisation, dans la période suivant l’attentat.

La difficulté, soulevée notamment par Mme Françoise Rudetzki, fondatrice de la première association de victimes « SOS attentats » créée en 1986, réside dans l’identification de certaines victimes, notamment celles des terrasses, qui ont quitté les lieux au plus vite, ou du Stade de France – les « oubliés » du 13 novembre selon ses mots – et le manque de clarté des critères qui permettent de figurer sur la liste unique des victimes établie par le parquet de Paris. Le même type de difficulté peut au demeurant se rencontrer pour certaines victimes ayant subi un traumatisme psychologique à Nice, pour prouver leur présence sur la trajectoire du camion. Mme Françoise Rudetzki avait également souligné l’existence de nouvelles pathologies non prises en compte dans la nomenclature du fonds et le nombre insuffisants d’experts.

C’est pour remédier aux dysfonctionnements constatés qu’a été créé le secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes, en apportant à ces dernières une réponse adaptée tant in medias res qu’ex post.

Les difficultés rencontrées par les victimes dans la pratique ont justifié des mesures nouvelles, de nature à améliorer la réaction face aux crises et l’accompagnement des victimes sur le long terme. La création d’un secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes porte désormais la politique gouvernementale en la matière (A). Les dispositifs d’urgence ont été renforcés (B) et le cadre dans lequel les victimes sont accompagnées a été amélioré (C). Enfin, les efforts de solidarité de la Nation en faveur des victimes ont été accrus (D).

Rattaché au Premier ministre, le secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes permet d’apporter une réponse efficace au besoin de coordination interministérielle. Créée en février 2016, cette institution vise à renforcer la collaboration entre les services et développer une politique publique pertinente de nature à répondre aux besoins des victimes.

La secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, Mme Juliette Méadel, a souligné les besoins spécifiques des victimes d’actes terroristes en matière d’accompagnement. Une prise en charge pertinente des victimes d’attentats implique notamment d’anticiper les besoins de ces dernières lors de la survenance de la crise et de les accompagner par la suite sur le long terme. À ces fins, la secrétaire d’État a initié et soutenu des mesures nombreuses en faveur des victimes, qui répondent à leur demande en matière de transparence, clarté et réactivité des pouvoirs publics.

Le rôle du secrétariat d’État est central en matière de coordination des acteurs concernés par l’aide aux victimes. À ce titre, la secrétaire d’État préside le Comité interministériel de suivi des victimes (CISV). Cette structure, chargée de l’organisation et du fonctionnement du dispositif d’accompagnement post crise des victimes d’attentats, assure ainsi la prise en charge des victimes sur le temps long. Elle se réunit régulièrement, et associe l’ensemble des acteurs concernés par l’aide des victimes. Elle réunit en effet des représentants des ministères de la justice, de la défense, des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, de l’économie et des finances, du parquet de Paris, des représentants du FGTI, de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), de la Fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM), de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (FENVAC) et de toutes personnes utiles. D’autres ministères, des collectivités territoriales, des associations de victimes, ou des ordres professionnels participent ainsi aux réunions du CISV en tant que de besoin.

Un premier bilan des mesures mises en place à la suite des réunions du CISV peut être dressé. Le comité a notamment débattu et lancé des initiatives telles que la mise en commun des bilans victimaires actualisés, un bilan régulier de l’accompagnement des victimes par les associations – notamment permis par la participation de la FENVAC et de l’INAVEM aux réunions du CISV – ou la modification de l’article 2-9 du code de procédure pénale assouplissant les conditions de constitution de partie civile pour les associations de victimes (11). Réuni à six reprises depuis le 13 novembre 2015, les 21 janvier, 14 mars, 20 mai, 4 juillet, 28 juillet et 22 septembre, le CISV apparaît donc comme la structure de référence, sous la présidence du secrétariat d’État, en matière de coordination et impulsion de mesures en matière d’aide aux victimes. Il assure un suivi des victimes de l’ensemble des attentats commis en France mais aussi des actes terroristes commis à l’étranger lorsque des victimes françaises sont à déplorer.

Comme le souligne le rapport de la commission d’enquête précité (12), « après les attentats de janvier 2015, il était apparu qu’il manquait, en cas de crise sur le territoire national, une structure unique de centralisation de l’information relative aux victimes et de leur prise en charge ». Créée à cette fin par une instruction publiée le 12 novembre 2015, la CIAV est une cellule interministérielle non permanente, placée sous l’autorité du Premier ministre, qui décide de son activation et sa fermeture lors de la survenance d’un attentat de grande ampleur. Elle a donc fait « ses premières armes » dès le lendemain, alors qu’elle ne s’était jamais réunie auparavant. Elle permet la mise en place d’une coordination ministérielle efficace dans la prise en charge des victimes d’actes de terrorisme. Établie au quai d’Orsay (13), elle fait le lien entre les victimes et leurs familles, traite en temps réel toutes les informations relatives au bilan victimaire, fournit aux public et services ministériels les informations utiles. La CIAV met notamment en place un numéro de téléphone unique, vers lequel les publics peuvent se diriger afin d’obtenir des informations. Un lieu d’accueil des familles sur un site unique est déterminé afin d’éviter les confusions et difficultés que peuvent rencontrer les familles pour s’adresser aux acteurs institutionnels au cours de la crise (14). Les associations conventionnées par le ministère de la Justice (15) y participent par ailleurs.

Activée immédiatement après la survenance de l’attentat de Nice du 14 juillet, elle a contribué efficacement à la réponse aux besoins des victimes et de leurs familles. Saluée par les acteurs institutionnels et associatifs, cette structure permet une participation de l’ensemble des acteurs pertinents à la résolution de la crise ainsi qu’à la réponse aux besoins des victimes, dans l’urgence. Par la suite, et dès la fin de la crise, la CIAV est désactivée et le CISV prend le relais dans l’accompagnement des victimes. Elle se distingue ainsi de cette dernière qui assure sur le temps long la politique d’aide aux victimes.

Afin de renforcer le tissu d’acteurs préparés à la survenance d’une crise et professionnalisés dans la réponse à leur apporter, un réseau de référents locaux a été mis en place sur l’ensemble du territoire, sur l’impulsion du service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes du secrétariat général du Ministère de la Justice. Présents dans 101 départements, ces référents sont issus du réseau de la fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM). Ils contribuent et participent à la mise œuvre de la CIAV lors de son activation, préparés en amont à sa mise en œuvre concrète.

Leurs missions constituent notamment à identifier l’ensemble des partenaires locaux appelés à intervenir auprès des victimes, créer et animer un réseau de contacts dédiés. Ils participent également à la CIAV « projetée » mise en place auprès des préfectures en cas d’attentat commis en province. Hors de la situation de crise, ils favorisent le dialogue entre associations d’aide aux victimes et constituent l’interlocuteur dédié du parquet local, des magistrats et des fédérations s’agissant de la restitution de l’action entreprise localement en matière d’aide aux victimes.

Cette politique inclusive, impliquant les associations disposant d’une expertise en matière d’aide aux victimes de terrorisme dans les procédures de réponse aux crises est de bonne méthode en reconnaissant les rôles respectifs des différents acteurs de terrain.

Afin de répondre aux difficultés administratives rencontrées par les familles et leurs victimes dans la période postérieure à l’attentat, un site « Guide victimes » a été initié par le secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes. Ce site assure une information aux victimes dans leurs premières démarches, leur permet de déposer en ligne un dossier auprès du FGTI, contacter une association locale et identifier les acteurs associés dans l’aide aux victimes de terrorisme. C’est une réponse efficace aux difficultés rencontrées par les victimes suite aux attentats du 13 novembre, assurant une plus grande clarté quant aux procédures à suivre et aux droits dont elles bénéficient.

Des mesures adaptées ont été mises en place afin d’accompagner les victimes dans la période postérieure à l’attentat.

La prise en charge psychologique et juridique des victimes sur le long terme a par ailleurs fait l’objet d’efforts budgétaires significatifs. Au titre du plan de lutte anti-terrorisme (PLAT), le programme 101 bénéficie de 10 millions d’euros fléchés vers le financement d’actions spécifiques d’accompagnement des victimes d’attentats tels que le suivi, post-crise et sur le long terme, de victimes des attentats passés par des juristes, psychologues et intervenants sociaux. Ces crédits permettront par ailleurs de développer les outils informatiques utilisés par l’ensemble des acteurs institutionnels chargés du suivi des victimes d’attentats, de manière à faciliter l’accompagnement de chacune d’entre elles.

Enfin, les victimes d’actes de terrorisme bénéficient désormais de nouveaux droits en matière d’accompagnement psychologique. Elles ont ainsi droit au remboursement d’un forfait de 10 séances auprès d’un psychologue, remboursées chacune à hauteur de 50 euros.

D’un point de vue global, les crédits budgétaires destinés aux associations d’aides aux victimes constituent la majorité des crédits du programme 03 « Aide aux victimes ». Dans le projet de loi de finances pour 2017, 25,46 millions d’euros sont ainsi dégagés en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une augmentation de +10,79 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 (22,98 millions en autorisations d’engagement et crédits de paiement).

Cette allocation est justifiée par la très forte association de celles-ci dans la mise en œuvre de la politique d’aide aux victimes. Les associations et fédérations d’aide aux victimes participent en effet à la plupart des dispositifs d’accompagnement des victimes.

Elles tiennent notamment des permanences dans les bureaux d’aide aux victimes (BAV), suivent spécifiquement les victimes d’actes de terrorisme, participent à l’évaluation des besoins particuliers de protection des victimes (EVVI), contribuent à l’accompagnement des victimes bénéficiant du dispositif de téléprotection des personnes en grave danger (TD) ou mettent en œuvre des mesures de « justice restaurative » (16).

Des crédits sont enfin spécifiquement dégagés à destination des associations et fédérations intervenant à un niveau national pour des actions de dimension nationale, à hauteur de 1,65 million d’euros en autorisation d’engagement et crédits de paiement.

Compte tenu des volumes financiers importants mobilisés à destination des associations, l’action de ces dernières doit être particulièrement efficace, transparente et rigoureuse. Afin d’assurer un suivi, pilotage et évaluation rigoureuse des actions des associations d’aide aux victimes, 300 000 euros sont ainsi dégagés dans le projet de loi de finances pour 2017.

Votre rapporteure se félicite de cette croissance des crédits qui, en renforçant le partenariat avec les associations, permettra de répondre au plus près des besoins et d’assurer un accompagnement individuel des victimes. Mais cette « professionnalisation » a un coût et l’action conjointe des pouvoirs publics et des associations doit s’inscrire dans le cadre d’un véritable service public pérenne de l’aide aux victimes.

Afin d’assurer l’indemnisation des victimes par la FGTI suite à l’afflux de victimes nouvelles d’actes terroristes, la contribution annuelle sur les contrats d’assurances dommages prévue à l’article L. 422-1 du code des assurances (17) fait l’objet d’augmentations successives. Relevée de 3,30 euros à 4,30 euros au 1er janvier 2016, la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes a annoncé le mercredi 19 octobre 2016 une hausse de cette contribution à 5,90 euros. Cette mesure, décidée par le pouvoir réglementaire et qui devrait être applicable au 1er janvier 2017, rapportera 140 millions d’euros supplémentaires par an au FGTI. C’est un témoignage fort de la solidarité de la Nation en faveur des victimes, justifié par le devoir d’assurer la réparation des préjudices de l’ensemble d’entre elles suite aux attentats récents.

Ces efforts sont nécessaires : 4 000 personnes ont été indemnisées depuis 2015, soit l’équivalent du nombre de victimes indemnisées par le fonds entre 1986, date de sa création, et 2014. Il est donc essentiel de garantir sa stabilité financière sur le long terme. La robustesse du fonds devrait par ailleurs être renforcée, la secrétaire d’État chargée des victimes ayant annoncé que l’État se porterait garant des ressources du fonds, conformément aux annonces du Président de la République.

En appui de cet effort de solidarité, Mme Juliette Méadel a annoncé la signature d’une convention de mission de service public avec le FGTI. Des objectifs seront énoncés – en matière, notamment, de transparence et prévisibilité de la procédure – et des engagements seront pris par le fonds en termes de qualité de service et de règles de sa politique financière. Il y a lieu de se féliciter, si ces annonces sont corroborées par les faits, du signal envoyé par le gouvernement quant à la vigilance des pouvoirs publics en matière d’indemnisation des victimes.

Depuis la loi de finances rectificative pour 1990 du 29 décembre 1990, les ayants droit des personnes décédées du fait d’actes de terrorisme ou des conséquences directes de ces actes sont exonérés de droits de succession, dans un délai de trois ans à compter de leur réalisation. L’exonération est totale et s’applique quel que soit le montant du patrimoine de la victime. Aux termes du II de l’article 796 du code général des impôts, cette exonération ne profitait, toutefois, qu’« aux parts nettes recueillies par les ascendants, les descendants, ainsi que par ses frères et sœurs ou leurs descendants ».

La loi de finances rectificative pour 2015 est venue étendre aux autres ayants droit le régime d’exonération des droits de succession des victimes du terrorisme. Dès lors, les successions entre concubins consécutives à des actes de terrorisme sont également exonérées de droits de succession.

En outre, cette loi a prévu une exonération de droits de mutation sur les dons en numéraire consentis dans les douze mois suivant un acte de terrorisme sur le territoire national ou à l’étranger, postérieur au 1er janvier 2015, au profit des victimes, ou, si ces dernières sont décédées, de leurs proches.

De nouvelles mesures fiscales exonératoires sont prévues à destination des ayants-droits des victimes d’actes de terrorisme dans le projet de loi de finances pour 2017. Son article 3 prévoit une dispense du paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus perçus par les personnes décédées ainsi qu’un dégrèvement de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public. Notre assemblée l’a adopté sans opposition jeudi 20 octobre (18).

Si la différence de traitement entre victimes d’actes de terrorismes et autres victimes, d’accidents collectifs ou d’infractions pénales, peut être légitimement interrogée, il apparaît néanmoins que la différence de situation dans laquelle se trouvent les victimes d’attentat justifie une différence de traitement tant d’un point de vue fiscal qu’indemnitaire. Le caractère exceptionnel de leur situation, la volonté des terroristes de s’en prendre à la Nation à travers les populations civiles et la situation de guerre dans laquelle se trouve le pays selon les termes mêmes du Président de la République, justifient un régime exceptionnel pour les victimes d’attentats, proche de celui des victimes de guerre.

Compte tenu du rôle central du FGTI dans la réparation des préjudices subis par les victimes, il apparaît nécessaire d’en garantir la pérennité financière (A) et de sécuriser la procédure en renforçant son caractère contradictoire sous le contrôle d’un juge (B), tandis que la création d’une structure administrative spécifique permettrait d’assurer dans la durée un service public de l’aide aux victimes (C).

Interrogé par votre rapporteure, le ministère de la Justice observe que les comptes de l’exercice 2015 ont confirmé la tendance de fond dans laquelle est engagé le FGTI depuis plusieurs années avec la poursuite de la hausse des coûts moyens sur certains dossiers corporels graves et la prise en compte d’un volume de rentes de plus en plus important, auquel s’ajoute un impact supplémentaire lié à la baisse des taux d’intérêt.

Il relève que les exercices 2015 et 2016 sont atypiques avec, pour conséquence dans les comptes, l’estimation de l’impact financier des événements terroristes perpétrés au cours de ces deux années sur le territoire français. Le grand nombre de victimes lors des attentats du 13 novembre a déjà rendu nécessaire l’application d’une provision pour dossiers tardifs d’un montant de 250 millions d’euros dans les comptes de l’exercice 2015.

Les indemnités versées aux victimes sont en forte progression en 2015, avec un quasi quadruplement des indemnités versées au titre du terrorisme, une situation qui a failli faire basculer la trésorerie d’exploitation, jusqu’alors très excédentaire, en situation déficitaire. En effet, si la trésorerie d’exploitation s’est établie à 5 millions d’euros en fin d’exercice 2015, cette situation n’est que transitoire car les indemnisations à venir au cours des exercices 2016 et 2017, notamment au titre du terrorisme, devraient faire basculer cette trésorerie en net déficit si aucune disposition nouvelle n’était prise.

C’est précisément, afin de donner une nouvelle dimension à la solidarité nationale que le Président de la République a appelé le 19 septembre à une réforme du FGTI pour tirer les conséquences du changement de mesure du terrorisme. Un mois plus tard, la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes a donc annoncé la hausse de 4,30 euros à 5,90 euros de la taxe prélevée sur chacun des contrats d’assurance de biens signés en France pour abonder le fonds, en précisant que cette augmentation de 1,60 euro de la taxe constituera « pour les Français un effort de solidarité qui est nécessaire, légitime et justifié » et que l’État se portera garant des ressources du fonds.

Convient-il d’aller plus loin, et d’augmenter par la loi le plafond fixé à la taxe par l’article L 422-1 du code des assurances afin de permettre le moment venu une nouvelle hausse significative de son montant ; doit-on envisager un élargissement de son assiette ? Ou est-il concevable d’impliquer l’État dans son financement par l’affectation de crédits budgétaires, ce que l’engagement de se porter garant en dernier ressort de l’indemnisation des victimes pourrait laisser penser ? Dans l’immédiat, la hausse décidée du montant du prélèvement, en dégageant une ressource de 140 millions supplémentaires apparaît à ce jour comme un levier suffisant permettant d’assurer l’équilibre financier du fonds. Mais la réflexion devra se poursuivre.

« La simplification et l’humanisation des démarches administratives sont aujourd’hui nécessaires » a convenu Mme Juliette Méadel lors de son audition devant la commission d’enquête précitée (19). Le FGTI a en effet suscité de nombreuses critiques de la part des victimes et des associations qui les représentent concernant la procédure d’indemnisation et les montants versés. Des propositions d’indemnisation significativement différentes ont pu par exemple être constatées selon que la victime se présentait seule ou qu’elle était assistée d’un conseil dans ses échanges avec le FGTI. Aussi bien le fonds est-il perçu par certaines d’entre elles comme un adversaire qui se situe dans une démarche commerciale, avec pour objectif de minorer le montant de l’indemnisation. Or, comme l’a affirmé le Président de la République aux Invalides le 19 septembre dernier, « cette indemnisation doit être juste et transparente. Juste parce que notre effort de fraternité doit se faire dans le respect de cet autre principe, l’égalité. Transparente parce que la relation humaine doit fonder les décisions qui sont prises et non pas simplement des critères mécaniques automatiques qui ne seraient rien d’autres que l’application de règles qui ne peuvent pas prendre en compte toutes les dimensions personnelles et tragiques ». Dès lors, il paraît souhaitable de renforcer le contradictoire dans les rapports des victimes avec le FGTI, de manière à en faire un véritable partenaire. À cette fin, la présence d’un avocat aux côtés des victimes, avec l’appui d’une des associations est de bonne méthode. De son côté, la commission d’enquête a proposé que l’aide juridictionnelle puisse être étendue à la phase transactionnelle devant le fonds de garantie, et permettre ainsi aux victimes de voir leurs frais d’avocats pris en charge par l’autorité judiciaire. De même, on pourrait opportunément réfléchir au contenu des contrats dits de protection juridique et à la prise en charge du risque spécifique d’attentats terroristes. Au demeurant, comme ont pu l’indiquer des responsables associatifs à votre rapporteure, les rapports se sont améliorés depuis l’attentat de Nice et le FGTI rentre de lui-même en contact avec les associations. De même, la publication par le FGTI d’un référentiel sur l’indemnisation, c’est-à-dire d’une sorte de barème indiquant quelle somme peut recevoir une victime en fonction de son préjudice, répondant au souci de transparence demandé par les victimes, a été annoncé par la secrétaire d’État. Pour autant, une juridictionnalisation de la procédure devant le fonds, qui se traduirait par une homologation prononcée par un juge dédié serait de nature à rassurer les victimes.

« Oui, nous devons assurer la pérennisation de l’action pour les victimes, c’était une des conclusions que je retiens de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats terroristes de novembre 2015, prônant un véritable service public de l’aide aux victimes, avec la mise en place de droits pour protéger leur parcours dans leur reconstruction face aux autres aléas de la vie, car la réparation des corps ne suffit pas » a également déclaré le Chef de l’État.

Depuis sa création en février dernier, le Secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes a démontré sa pertinence pour répondre aux besoins des victimes, soulignant le besoin d’un véritable service public de l’aide aux victimes. L’accompagnement des victimes, et notamment les victimes d’attentats récents, commande la poursuite des efforts des pouvoirs publics sur le temps long. Les risques d’attentats nouveaux sur le territoire national ou de victimes françaises à l’étranger justifient par ailleurs l’existence d’une structure pérenne, professionnalisée à la gestion des situations de crise et favorisant la coordination interministérielle.

La création d’une structure administrative pérenne permettrait de garantir la continuité de ce service rendu au public et la coordination de l’ensemble des acteurs concernés – services ministériels, associations – tant dans une situation de crise que sur le long terme.

Elle pourrait prendre la forme d’un Secrétariat général de l’aide aux victimes (SGAV), sur le modèle du secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), qui permettrait de favoriser la coordination des services ministériels. Rattachée au Premier ministre, cette structure offrirait des garanties de pérennité plus importantes qu’un secrétariat d’État soumis aux aléas de la composition des gouvernements.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 27 octobre 2016, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2017.

M. Dominique Lefebvre, président. La présente commission élargie va entendre M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2017 consacrés à la mission « Justice ». Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, et moi-même sommes heureux de vous accueillir, monsieur le ministre.

La Conférence des présidents a reconduit les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du PLF. Je donnerai d’abord la parole au rapporteur spécial de la commission des finances et aux quatre rapporteurs pour avis de la commission des lois, pour cinq minutes chacun, puis, après la réponse du ministre, aux représentants des groupes politiques, pour cinq minutes, et aux collègues qui souhaitent poser des questions, pour deux minutes.

M. le président Dominique Raimbourg. Nous nous félicitons que, grâce à l’intervention et à la détermination du ministre, le budget de la justice connaisse une augmentation importante, alors que ce ministère est sous-budgété depuis une trentaine d’années. L’administration judiciaire souffre d’un engorgement des dossiers et d’un manque de moyens matériels. L’administration pénitentiaire est confrontée à une surpopulation endémique. Ce budget représente une lueur d’espoir, que nous vous remercions d’avoir allumée, monsieur le ministre.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances. Nous entamons l’examen des crédits de la mission « Justice » de ce qui sera le dernier budget de la législature. De mon point de vue, ce travail ne saurait se limiter au suivi de la courbe des crédits et des plafonds d’emplois : il s’agit d’établir des bilans et, si possible, de prendre des mesures utiles pour un service public si essentiel pour notre contrat social.

Dans cette optique, que penser de la programmation que le Gouvernement nous propose pour 2017 ? À tous égards, il s’agit indéniablement, je le souligne, d’un acte de volontarisme budgétaire. D’abord en raison du contexte : alors que les déséquilibres accumulés par nos finances publiques rendent plus que jamais nécessaire une stricte maîtrise des dépenses de l’État, le PLF pour 2017 affiche une progression assez remarquable des crédits affectés à la mission « Justice ». Par rapport à l’exercice 2016, les autorisations d’engagements demandées connaissent en effet une croissance de 26,64 %, et les crédits de paiement une augmentation de 4,77 %.

Au-delà des chiffres, le caractère remarquable de l’effort proposé tient à son ampleur, mais surtout aux priorités retenues. De fait, l’ensemble des programmes bénéficient d’une augmentation souvent soutenue de leurs moyens. Je pense au programme « Accès au droit et à la justice », mais ce constat vaut également pour le programme « Justice judiciaire » ou encore, à un degré moindre, pour les programmes « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Protection judiciaire de la jeunesse ».

S’agissant des priorités, je pense que chacun d’entre nous peut se réjouir que le PLF pour 2017 comporte déjà un certain montant des crédits nécessaires à la réalisation du nouveau programme immobilier pénitentiaire annoncé par le garde des sceaux. Même si l’on peut regretter qu’il s’agisse là d’une conversion tardive du Gouvernement, on ne peut que saluer cet effort. Je rappelle que ce plan de relance vise, après des opérations manifestement insuffisantes pour remédier à la surpopulation carcérale sous la présente législature, à augmenter la capacité du parc pénitentiaire afin d’atteindre l’objectif de 80 % de personnes détenues bénéficiant de l’encellulement individuel. Ces crédits doivent permettre la réalisation de deux types d’opérations : d’une part, la construction de quartiers de préparation à la sortie et, d’autre part, le lancement d’une première phase de construction de maisons d’arrêts.

En dehors de ce renforcement des moyens de l’administration pénitentiaire, il convient évidemment de souligner l’utilité des ressources dégagées en faveur de la justice judiciaire – sujet sur lequel je me suis plus particulièrement penché dans mon avis –, notamment de la création de 666 équivalents temps plein (ETP). Si cette mesure comporte des obligations nouvelles en termes de dépenses de personnel ou d’offre de formations par l’École nationale de la magistrature (ENM), elle n’en paraît pas moins utile pour apporter des premières réponses à des besoins aujourd’hui identifiés, à deux titres : la défense de la sécurité de nos compatriotes ; le bon fonctionnement du service public de la justice. Dans la lutte contre le terrorisme qui nous menace depuis bientôt deux ans, chacun comprend évidemment l’importance de déployer les moyens nécessaires aux juridictions, notamment aux parquets. Et nous ne pouvons que nous féliciter que cette programmation des crédits ait pour objectifs d’assurer la création d’emplois de greffiers et de renforcer les moyens des juridictions pour le traitement des affaires pénales, ou qu’elle mette l’accent sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines.

Pour autant, suffit-il d’accroître les moyens de la justice pour en assurer l’efficacité ? De fait, le PLF pour 2017 s’inscrit dans le mouvement de hausse quasi continue des ressources votées en faveur de la justice, à l’œuvre tout au long de la présente législature. À certains égards, il en accentue même le caractère inflationniste. Or l’expérience montre également que, année après année, un écart chronique persiste entre les prévisions de la loi de finances initiale (LFI) et les résultats de son exécution. Pourquoi ? Parce que la justice souffre depuis des décennies de problèmes quasi structurels qui, aujourd’hui, ne peuvent qu’inciter à relativiser l’effort – encore une fois, sans doute remarquable – que nous propose le garde des sceaux, qui a insisté, dès sa prise de fonctions, sur la situation catastrophique des administrations judiciaire et pénitentiaire. En fait, ce service public subit les contraintes inhérentes à une ressource en réalité restreinte, et dont la gestion apparaît perfectible.

Dans la version du PLF déposée en vue de la première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement propose de consacrer à la mission « Justice » 3,4 % des autorisations d’engagement et 2,7 % des crédits de paiement demandés pour le budget général de l’État en 2017. Il s’agit d’une évolution intéressante par rapport aux années précédentes. Toutefois, lorsque l’on fait des comparaisons avec d’autres pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment lorsque l’on se penche sur les études réalisées par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), on s’aperçoit que la France continue à occuper un rang assez médiocre en termes d’investissements effectués dans le système judiciaire. Le sous-financement de la justice française revêt aujourd’hui un caractère d’autant plus aigu que le budget demeure exposé aux aléas de la régulation budgétaire.

J’insiste sur le fait que beaucoup de progrès restent à accomplir afin de rationaliser l’emploi des ressources consacrées au service public de la justice. En outre, l’exécution du présent PLF me paraît pour le moins grevée par un certain nombre d’hypothèques, en raison des écarts que nous avons régulièrement constatés entre le budget initial et son exécution. C’est pourquoi, face à cette incertitude sur leur portée exacte et sur la base de l’avis réservé que j’ai établi, je vous propose, mes chers collègues, de nous abstenir sur ces crédits.

M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l’administration pénitentiaire. Il s’agit à l’évidence, d’un budget de correction, après le temps du déni, qui correspond grosso modo aux années Taubira (Murmures sur les bancs de la majorité), et après une petite période d’improvisation en 2016. Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur trois sujets de fond, qui constituent trois défis.

Le premier défi est de remédier à la sous-capacité carcérale. J’ai bien compris que vous souhaitez corriger le tir. Je m’interroge néanmoins sur l’écart assez considérable entre le volume élevé des autorisations d’engagement – 1,158 milliard d’euros – et le volume plus modeste des crédits de paiement – 2,6 millions d’euros. Quelles seront, concrètement, les constructions réalisées en 2017 ? Une réflexion est-elle menée au sein de la Chancellerie sur des modalités procédurales qui permettraient d’accélérer le rythme de construction des prisons ? En particulier, serait-il possible ou non d’inscrire dans une loi ordinaire certaines décisions individuelles d’urbanisme, notamment pour prévenir un certain nombre de contentieux ? En d’autres termes, peut-on réfléchir à une sorte de fast track juridique en matière d’urbanisme, voire de marchés publics, pour accélérer le rythme des constructions ?

Le deuxième défi est la sécurisation des établissements pénitentiaires. Vous avez fait mardi dernier, monsieur le garde des sceaux, un certain nombre d’annonces à ce sujet. Elles sont raisonnables et étaient attendues depuis longtemps. Reste qu’un certain nombre de mesures concrètes, d’application immédiate et n’entraînant aucun coût budgétaire, pourraient être étudiées. Je pense à un nouvel assouplissement du régime des fouilles, après celui qu’a permis la loi du 3 juin 2016 : il serait nécessaire d’autoriser plus largement les palpations de sécurité – qui ne sont pas vraiment des fouilles – sur les tiers à l’entrée des parloirs. C’est une mesure attendue.

Je m’interroge aussi – c’est un débat ancien – sur la possibilité d’habiliter certains surveillants de l’administration pénitentiaire à exercer des prérogatives reconnues aux agents, voire aux officiers de police judiciaire, dans un périmètre proche de la prison, notamment pour constater certaines infractions ou pour procéder à des interpellations. Il y aurait un intérêt à le faire, tout en prévoyant naturellement une formation ad hoc, qui reste à concevoir. Enfin, pouvez-vous préciser votre position sur l’autorisation du port d’armes non létales pour certains agents ?

Le troisième défi est la neutralisation des détenus islamistes, djihadistes ou radicalisés. Vous avez à l’évidence raison de corriger l’expérimentation assez hasardeuse des unités dédiées qui est engagée depuis quelques mois, car les retours de terrain que nous avons eus les uns et les autres sont tous assez préoccupants. Ma principale interrogation est aujourd’hui la suivante – je la formule vraiment de manière non péremptoire, car il faut reconnaître que nous tâtonnons en la matière : pensez-vous que les décisions que vous prenez sont adaptées en termes de volume ? Les 300 places très sécurisées représentent certes un effort, mais suffira-t-il pour prendre en charge les individus les plus dangereux ? Combien de places seront destinées, dans les autres établissements, à la prise en charge des détenus identifiés comme un peu moins dangereux ? Quelles seront les modalités concrètes de prise en charge des femmes et des mineurs ? Surtout, quel sera le calendrier de mise en œuvre de ces décisions ? Il serait également utile que vous précisiez les moyens humains qui seront dédiés à cette politique, car cela n’apparaît pas dans les documents budgétaires, les annonces à ce sujet ayant été faites mardi dernier.

Mme Elisabeth Pochon, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l’accès au droit et à la justice et l’aide aux victimes. Je veux tout d’abord saluer ce dernier budget de la législature, qui consacre le caractère prioritaire de la justice : avec une hausse de 9 % par rapport à 2016, les dotations de la mission « Justice » enregistrent leur plus fort accroissement. Parmi elles, celles qui sont destinées au programme 101 « Accès au droit et à la justice » connaîtront une hausse plus élevée encore, puisqu’elle atteindra 12,2 % en crédits de paiement, ce qui permettra de renforcer tout particulièrement l’aide juridictionnelle – à laquelle j’avais consacré mon précédent avis budgétaire – et l’aide aux victimes – à laquelle je me suis intéressée cette année. La période s’y prête, hélas, tout particulièrement, après les attentats barbares qui ont endeuillé notre pays depuis 2015. Rappelons néanmoins que l’aide aux victimes dépasse le seul cadre des actes terroristes.

L’action 3 du programme 101, intitulée « Aide aux victimes », vise à améliorer la prise en charge des victimes d’infractions pénales, en leur apportant un soutien matériel et psychologique tout au long du parcours judiciaire, jusqu’à leur indemnisation. Elle est dotée de 28 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 6,8 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement du programme. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, ces crédits sont en augmentation de 3,44 millions d’euros – soit de 14,03 % – en autorisations d’engagement et de 2,83 millions d’euros – soit de 11,2 % – en crédits de paiement. Cette nouvelle augmentation fait suite à des hausses substantielles au cours des deux derniers exercices budgétaires, ce qui traduit la priorité politique accordée à cette action. Au total, depuis 2012, ces crédits se sont accrus de 17,79 millions d’euros, soit une hausse de 174 %.

La politique d’aide aux victimes repose essentiellement sur un réseau de 166 associations locales, conventionnées par les cours d’appel, qui, de manière gratuite et confidentielle, reçoivent les victimes, les aident dans leurs démarches et les orientent. Elle s’appuie également sur les bureaux d’aide aux victimes (BAV) ouverts au siège des tribunaux de grande instance (TGI), dont la mission est d’informer, d’orienter et d’accompagner les victimes.

Le rôle des associations que je viens de mentionner est, on le sait, absolument déterminant. Connaissant les réalités de terrain, ayant acquis une expérience unique, elles jouent un rôle irremplaçable dans l’accompagnement des victimes : elles les aident à se reconstruire. Il est donc indispensable que l’État dégage les crédits budgétaires nécessaires pour les soutenir dans l’accomplissement de leur mission.

Au demeurant, les crédits budgétaires de l’action « Aide aux victimes » ne constituent qu’une faible partie de l’aide aux victimes, qui est assurée essentiellement par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), créé il y a trente ans, qui garantit la solidarité de la Nation à leur égard. Son financement est assuré par une contribution sur les contrats d’assurance de biens, dans une fourchette établie par la loi, variant entre zéro et 6,50 euros. Le montant de cette contribution était de 4,30 euros depuis le début de cette année, mais le Gouvernement a annoncé, le 19 octobre dernier, qu’il serait porté à 5,90 euros, ce qui devrait rapporter 140 millions d’euros supplémentaires. Cette hausse s’inscrit dans le cadre des engagements pris par le Président de la République le 19 septembre à l’hôtel des Invalides, lors de l’hommage national aux victimes. Le chef de l’État a en effet déclaré à cette occasion que « les règles du fonds de garanties [seraient] réformées », que « [ses] ressources [seraient] revues en conséquence » et que « l’État s’en [porterait] garant dans la durée ».

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions concrètes sur la mise en œuvre de cet engagement ? Convient-il d’aller plus loin en relevant le plafond fixé à la contribution par l’article L. 422-1 du code des assurances, afin de permettre, le moment venu, une nouvelle hausse significative de son montant ? Doit-on envisager un élargissement de son assiette ? Ou bien est-il concevable d’impliquer l’État dans son financement par l’affectation de crédits budgétaires, ainsi que l’engagement de se porter garant en dernier ressort de l’indemnisation des victimes peut le laisser penser ?

Je voudrais également connaître votre position sur certaines améliorations qui me paraissent envisageables.

Des représentants d’associations de victimes que j’ai reçus m’ont confié que le FGTI était parfois perçu comme un adversaire par certaines d’entre elles. Il me paraît donc souhaitable de renforcer le contradictoire dans leurs rapports avec ce fonds, de manière à en faire un véritable partenaire. À cette fin, la présence d’un avocat aux côtés des victimes, avec l’appui d’une des associations, me semble de bonne méthode. Dès lors, l’aide juridictionnelle doit-elle être étendue à la phase transactionnelle devant le FGTI, ce qui permettrait aux victimes de voir leurs frais d’avocats pris en charge par l’autorité judiciaire, ainsi que l’a proposé la commission d’enquête sur le terrorisme ? Ou bien un forfait doit-il lui être préféré ? Enfin, dans le but de sécuriser la procédure tout en renforçant son caractère contradictoire, ne serait-il pas envisageable de la juridictionnaliser en prévoyant l’intervention d’un juge pour homologuer l’indemnisation ?

Pour conclure, je rappelle les mots prononcés par le Président de la République lors de la cérémonie aux Invalides : « Oui, nous devons assurer la pérennisation de l’action pour les victimes. » Dans cette perspective, ne pensez-vous pas que la création d’une structure administrative pérenne – qui pourrait, le moment venu, se substituer au secrétariat d’État compétent, lequel est soumis aux aléas de la composition des gouvernements – permettrait de garantir la continuité du service public de l’aide aux victimes et la coordination de l’ensemble des acteurs concernés ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice administrative et judiciaire. Je tiens tout d’abord à souligner la remarquable évolution que le budget de la justice a connue au cours de cette législature, dans toutes les composantes de son périmètre. Elle est singulièrement accentuée dans le PLF pour 2017, notamment pour ce qui concerne le programme 166 « Justice judiciaire », dont les crédits augmentent de 5,53 % en autorisations d’engagement et de 3,73 % en crédits de paiement.

Les politiques conduites par Mme Christiane Taubira, puis par vous-même, monsieur le ministre, traduisent la place nécessairement éminente que la justice doit tenir dans nos institutions, dans la cohésion de notre corps social et dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Et vous n’avez pas limité votre action à l’affirmation d’une telle primauté : vous avez investi vos efforts dans ce qui lui faisait défaut, à savoir les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

Cette mobilisation budgétaire permet de rattraper un retard devenu alarmant pour l’institution judiciaire, notamment pour l’exercice de ses compétences. Elle s’est traduite par une progression constante, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Les ressources en faveur de la justice s’élèveront à 8,67 milliards d’euros en 2017.

La reprise des recrutements tant de magistrats que de fonctionnaires des greffes a permis, dans un premier temps, d’atténuer les effets catastrophiques d’une politique antérieure de réduction drastique et purement comptable, puis de placer ces recrutements dans une perspective de développement et d’accroissement. Cet engagement se traduit aujourd’hui par un nombre de sorties de l’École nationale de la magistrature (ENM) et de l’École nationale des greffes (ENG) jamais atteint jusqu’alors, et qu’il faudra, bien entendu, encore faire progresser.

Les dispositifs d’organisation, de fonctionnement et de gestion des services de la justice ont été largement mobilisés et développés afin de les rendre plus conformes aux besoins d’une justice moderne, en s’appuyant sur les compétences des magistrats et des fonctionnaires. À cet égard, le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, adopté définitivement par notre assemblée le 12 octobre dernier, prévoit le déploiement des services d’accueil unique du justiciable (SAUJ), qui permettront audit justiciable d’accéder aux informations procédurales générales auprès de la juridiction la plus proche de son domicile. Quelles initiatives sont prises, monsieur le ministre, pour répondre aux besoins en connexion et en réseaux, en matériel, en locaux et en personnel que suscite nécessairement cette mise en place ?

J’ai souhaité consacrer plus spécifiquement mon avis à la gestion des moyens humains et financiers de la justice, ainsi qu’à l’ingénierie déployée pour les rendre plus efficients.

Alors que de nombreux progrès ont déjà été accomplis dans ces domaines, il me semble nécessaire de poursuivre, en l’accélérant, la démarche de modernisation engagée par les services judiciaires. Plusieurs pistes sont évoquées dans l’avis que je présente : la simplification de l’organisation et des processus, l’accélération de la dématérialisation et de l’informatisation, la pérennisation des emplois affectés aux missions de gestion tant dans les juridictions que dans les services administratifs régionaux, notamment par une politique de valorisation des emplois, afin de les rendre plus attractifs.

S’agissant de l’organisation elle-même, la complexité du système de gestion des moyens de la justice est relevée par tous les acteurs : il y a les budgets opérationnels de programme (BOP) gérés par dix cours d’appel, les unités opérationnelles des autres cours d’appel leur étant rattachées budgétairement ; les services administratifs régionaux ; les pôles Chorus ; les plateformes interrégionales du ministère. Des réflexions sont-elles conduites pour simplifier cette organisation ?

Dans le domaine de l’informatique, le développement des nouveaux systèmes, notamment du fichier CASSIOPEE s’agissant de la chaîne pénale, est jugé, aujourd’hui encore, laborieux par différents acteurs. Dans quelle perspective abordez-vous le déploiement du système Portalis, qui concerne la chaîne civile ? Où en est la mise en place de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), susceptible d’alléger notoirement les engagements financiers actuels en la matière ? Est-il envisagé de redéfinir les instruments statistiques et les stratégies conduites dans ces domaines par le ministère, afin de permettre une meilleure compréhension de l’activité des juridictions ? Sur ce dernier point, la situation actuelle n’est pas satisfaisante.

Enfin, j’ai pu constater une très forte demande de dialogue avec l’administration centrale du ministère de la part des juridictions et des services de gestion. Ces différents acteurs souhaitent légitimement être mieux associés aux orientations et à l’élaboration des décisions relatives au fonctionnement de la justice, qu’ils connaissent et assurent au quotidien. L’administration centrale de votre ministère est-elle susceptible de connaître des évolutions qui la rendront plus accessible et plus disponible au dialogue que ces acteurs appellent de leurs vœux ? Il s’agit, à mon sens, d’un enjeu essentiel : l’administration centrale doit renforcer sa capacité à accompagner et à soutenir les juridictions et les différents services dans leur démarche de modernisation. Cette évolution permettra de mieux répondre aux exigences de proximité, d’accessibilité, d’efficacité et de sérénité que formulent nos concitoyens pour leur justice.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure pour avis de la commission des lois pour la protection judiciaire de la jeunesse. « Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent », écrivait Saint-Exupéry dans la dédicace du Petit Prince. Nous ne dirons jamais assez que tous les efforts que nous faisons en faveur de l’enfance et la jeunesse sont des paris gagnés sur l’avenir.

Nous pouvons affirmer aujourd’hui avec force que le budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est redevenu prioritaire sous cette législature : dès 2013, la nouvelle majorité a mis un terme à la diminution des moyens consacrés à la PJJ, malgré un contexte tendu et le légitime souci de redresser nos finances publiques. La politique de baisse drastique des moyens mise en œuvre antérieurement avait porté un coup préjudiciable et, parfois, fatal à la vitalité du secteur associatif, qui assume une part très importante des missions dévolues à la PJJ, notamment en matière de diversification des modes de prise en charge des mineurs.

Ainsi, au total, entre 2012 et 2017, le budget consacré à la PJJ aura connu une augmentation notable, passant de 785 millions d’euros dans la loi de finances pour 2013 à 835 millions dans le PLF pour 2017, soit une hausse de 6,3 % au cours des cinq dernières années, ce qui est considérable. Le budget pour 2017, qui bénéficie du renforcement des moyens de lutte contre la radicalisation, est de nouveau en progression, de 5 % en autorisations d’engagement et de 4 % en crédits de paiement. Cette augmentation bénéficie à plusieurs actions, surtout à l’action 1 « Mise en œuvre des décisions judiciaires », qui concentre 85 % des crédits du programme, mais aussi à l’action « Formation ». Les crédits de l’action 1 augmentent de 5,2 % par rapport à 2016 et de près de 3 % hors masse salariale. Rappelons que la question des délais est très importante s’agissant du traitement des mineurs.

Grâce à l’effort entrepris depuis 2012, le plafond d’emplois de la PJJ retrouvera et, même, dépassera en 2017 son niveau de 2008. Trente psychologues seront affectés dans les zones où apparaissent des risques de radicalisation. Cent quinze nouveaux éducateurs seront mobilisés, en plus de ceux qui ont déjà été recrutés en vertu des deux plans de lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Ce budget donne donc à la direction de la PJJ les moyens de développer des actions à la fois pour prévenir la radicalisation des mineurs et pour prendre en charge des mineurs déjà radicalisés.

Une mission nationale de veille et d’information sur les phénomènes de radicalisation a été mise en place au sein de la direction de la PJJ dès le 1er avril 2015 et, l’an dernier, nous avons voté la création d’un réseau de 69 référents « laïcité et citoyenneté » afin d’aider l’ensemble des professionnels de la PJJ, qui nous avaient appelés au secours. Les nouveaux moyens accordés dans le cadre du PLF pour 2017 se traduisent par l’affectation de 145 nouveaux emplois au renforcement des équipes d’éducateurs, de psychologues et d’assistants des services sociaux.

Je note avec beaucoup d’intérêt que la direction de la PJJ s’est fixé l’objectif de former l’ensemble des professionnels, tant du secteur public que du secteur associatif, à la connaissance du phénomène de radicalisation, afin qu’ils en appréhendent mieux les mécanismes, qu’ils puissent le prévenir et qu’ils disposent d’outils efficaces pour intervenir. Celles et ceux d’entre nous qui ont visité récemment les services de la PJJ ont pu apprécier à quel point cet effort était important, d’autant que les personnels sont démunis par rapport à ce nouveau phénomène. En septembre 2016, 6 000 des 9 000 agents qui relèvent de la PJJ avaient déjà été formés.

Dans l’esprit de la note d’orientation du 30 septembre 2014 de Mme Catherine Sultan, directrice de la PJJ, dont les axes clés sont l’individualisation de la prise en charge ainsi que la cohérence et la continuité du parcours éducatif, je me suis intéressée plus particulièrement à la diversification des modes de prise en charge des mineurs relevant de la PJJ, en mettant plus particulièrement en avant les « séjours de rupture » ou « de transition », que propose aujourd’hui un secteur associatif dynamique, imaginatif et très volontariste. Ces séjours sont destinés à remobiliser le mineur autour de valeurs positives, propices à sa réinsertion, et de projets constructifs. Ils permettent l’apprentissage du « vivre-ensemble ». Ils sont fondés sur un programme de prise en charge globale et pluridisciplinaire. Ce dispositif, qui a été très critiqué, est désormais très encadré sur les plans juridique, éducatif et sanitaire.

Selon moi, il mériterait d’être développé, à trois conditions : que l’on procède à son évaluation, par exemple au moyen d’une mission d’information parlementaire ; que l’on encourage les séjours de ce type dans le cadre pénal ; que l’on accroisse les possibilités d’accueil. Je fais même un lien direct entre les efforts du ministère en matière de déradicalisation des mineurs et ces séjours de rupture, qui permettent un travail de déconstruction et de reconstruction : ce dispositif ne pourrait-il pas, monsieur le garde des sceaux, être étudié, évalué et adapté afin d’agir efficacement et durablement contre la radicalisation ?

Enfin, au fil des années, je continue à m’interroger sur la place que l’on doit accorder ou non aux centres éducatifs fermés (CEF) dans la chaîne du traitement de la délinquance – secteur public, secteur associatif habilité. Serait-il possible d’en faire un bilan objectif, qui fasse la part des choses entre les chiffres dont nous disposons, les critiques qui sont formulées et les résultats qui ont été obtenus ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne saurais cacher mon plaisir de me retrouver devant vous. N’ayant pas un budget désastreux à défendre, j’ai bon espoir que l’exercice ne soit pas trop difficile…

Monsieur Hetzel, comme vous l’avez dit, il s’agit du « dernier budget » de la législature. Il doit donc nous permettre de porter un regard sur l’ensemble du quinquennat, en faisant le bilan des engagements pris et des réalisations accomplies.

Depuis 2012, le président de la République a fait de la justice une priorité, qui a été confirmée budget après budget, et dès 2012 par Christine Taubira.

En termes d’emplois, le ministère de la Justice a procédé depuis 2012 à non moins de 6 943 recrutements supplémentaires.

C’est un ministère qui construit, qui restaure, qui renforce et qui modernise, alors même que la menace terroriste a alourdi nos responsabilités, mais nous a aussi permis d’accroître nos moyens.

Depuis 2012, le budget du ministère a augmenté de 14,7 %. Il est passé de 6,013 à 6,892 milliards d’euros, hors compte d’affectation spéciale (CAS) pour les pensions. Entre 2007 et 2012, la hausse avait été de 12,7 %, le budget passant de 5,335 à 6 013 milliards d’euros, toujours hors CAS.

Ce projet de loi de finances s’inscrit dans la continuité. Oui, certains pourront croire que le budget de la justice est sous-administré ; en les entendant, je pourrais dire que ce doit être le cas depuis Saint Louis… Nous nous améliorons cependant avec le temps.

En tout cas, ce projet de loi de finances représente la plus forte hausse budgétaire du quinquennat. Par rapport au projet de loi de finances 2016, c’est une augmentation de 520 millions d’euros. Ce n’est pas beaucoup en termes absolus, mais c’est considérable au regard de notre enveloppe. Cela nous permettra de faire beaucoup de choses au service d’une certaine conception de la justice.

Ainsi, la justice sera plus accessible. Mettant fin aux discriminations, elle sera une justice indépendante et une justice du quotidien, au service de l’état de droit.

J’avais d’ailleurs mis, dès mon arrivée place Vendôme, il y a neuf mois, l’accent sur la seule question du budget. En multipliant les priorités, en effet, on se disperse au point de finir, à mon sens, par perdre sur les différents tableaux. Sachant que j’avais peu de temps devant moi, j’ai donc fait du budget ma priorité première.

Les difficultés des juridictions sont connues : quasi absence d’entretien des immeubles, rupture de stock des matériels nécessaires au travail juridictionnel tels que photocopieurs ou ordinateurs, vacances de postes de magistrats : vous appelez régulièrement mon attention sur ce point par des courriers, qu’il s’agisse de conseils des prudhommes, de tribunaux des affaires de sécurité sociale, voire de tribunaux de grande instance (TGI). Nous manquons également de greffiers, tandis que les impayés s’accumulent, ce qui produit un mécontentement légitime des experts et des collaborateurs du service public de la justice.

Il a donc fallu patiemment tenter de redresser la barre. C’était une nécessité pour ceux qui œuvrent à la justice comme pour les justiciables, qui sont en droit d’être accueillis dans des conditions dignes. Nous partageons cette conviction : la justice est un marqueur de civilisation, et il faut y apporter une attention particulière.

C’est pourquoi nous créons des postes. Toutes nos écoles en bénéficient : celle de Bordeaux pour les magistrats, celle d’Agen pour l’administration pénitentiaire, celle de Roubaix pour la protection judiciaire de la jeunesse, celle de Dijon pour l’École nationale des greffes. L’année prochaine, elles seront au-delà de leur maximum de capacité. Cela nous engagera sûrement à un agrandissement, par exemple, des bâtiments de l’école nationale d’administration pénitentiaire au cours de la prochaine législature.

Dans les services judiciaires, que suit votre rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec, nous aurons créé 1 714 postes en cinq ans, tous corps confondus. En 2016, il y aura eu 366 auditeurs à l’École nationale de la magistrature (ENM), soit la promotion la plus importante de son histoire – sans vouloir faire de polémique, elle comptait à peine 140 auditeurs en 2012.

Compte tenu du temps de formation des magistrats, il faut cependant beaucoup de mois avant de constater un renversement de la tendance. Ce n’est que depuis la fin de l’année dernière et le début de cette année que nous avons enfin un solde légèrement positif – de 94 magistrats – entre le nombre de magistrats qui quittent la profession et ceux qui y entrent, alors que les promotions de l’ENM progressent depuis quatre ans déjà.

Comme l’avait souligné Jean-Yves Le Bouillonnec dans son rapport à ce sujet sur le projet de loi finances pour 2015, il est facile de dégrader une situation, et toujours plus long de la redresser. Il avait aussi écrit – j’aime son sens de l’euphémisme – que « la priorité accordée à ce budget se justifie pleinement au regard de l’ampleur du retard à combler et la situation souvent difficile dans laquelle sont plongées les juridictions ».

Dans le projet de loi finances pour 2017, 600 emplois sont créés pour les juridictions, dont 238 emplois de magistrats – il faudra donc encore quelques années pour que les quelque 450 vacances de postes soient comblées.

Au cours de cette législature, nous aurons recruté 2 086 magistrats, contre 834 sous la précédente. Sur ces 2 086 recrutements, non moins de 828 correspondent à des créations de poste, ce qui est évidemment louable.

Nous aurons aussi créé 362 emplois de greffiers et administratifs. Entre 2007 et 2012, 3 880 fonctionnaires avaient été recrutés dans les services judiciaires. Entre 2012 et 2017, ils auront été 6 800, soit 2 920 de plus.

Vous avez consacré, monsieur le rapporteur, beaucoup d’attention aux greffiers. Une réforme de leur statut est intervenue le 1er novembre 2015, à la suite d’un mouvement exemplaire : les greffiers ont arrêté leur activité pour protester, mais sans jamais désorganiser le fonctionnement des juridictions. Le fait est suffisamment rare pour être souligné : ils se sont rassemblés sur les parvis, en dehors des audiences, ce qui traduit une grande rigueur professionnelle. Je veux les saluer et les remercier pour leur investissement.

La réforme de leur statut reconnaît leur spécificité. En adoptant le projet de loi de modernisation de la justice du XXIsiècle, vous en avez fait les vecteurs des droits nouveaux qui seront donnés à nos concitoyens. Il était donc légitime de permettre que leur carrière soit plus attractive, comme d’accompagner l’évolution de leurs missions.

Ainsi, leur expertise sera étendue dans les domaines de l’assistance renforcée du magistrat, de l’encadrement technique et de proximité, ainsi que de l’accueil des justiciables, puisque le service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) repose essentiellement sur les eux. Voici un exemple supplémentaire de modernisation de l’administration.

Depuis cinq ans, les crédits consacrés au fonctionnement courant des juridictions ont augmenté de 32 %, passant de 268 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2012 à 355 millions d’euros dans le projet de loi finances pour 2017.

Les chefs de cour et de juridiction vont bénéficier d’un vrai ressaut budgétaire, qui leur permettra de faire face à des dépenses soit retardées, soit étalées.

Par ailleurs, ne l’oublions pas, le ministère de la justice est le premier constructeur de l’État. La superficie de nos emprises immobilières représente 6 millions de mètres carrés, réparties entre 800 implantations judiciaires et plus de 200 implantations pénitentiaires, sans parler de la PJJ.

Depuis 2012, plus de 710 millions d’euros ont été votés pour la programmation immobilière judiciaire, autorisant la confirmation et la poursuite de nombreux projets immobiliers judiciaires. De Périgueux à Fort-de-France, de Caen à Béziers, des palais de justice ont été bâtis. Puisqu’il a fallu du temps pour les construire, cela me donne le plaisir de les inaugurer, comme je l’ai fait à Caen et à Béziers, ou de poser la première pierre, comme je l’ai fait aux Antilles. J’ai inauguré le palais de justice de Foix il n’y a pas très longtemps, ainsi que celui de Bourg-en-Bresse, avec le président de la République, il y a quelques semaines. Toutes ces constructions traduisent un attachement à la justice dans la durée.

Le budget de l’immobilier augmente de 31 %. Cela permettra de financer d’autres grandes opérations en cours : à Cayenne, monsieur Serville, mais aussi à Lisieux, à Strasbourg ou à Pointe-à-Pitre. De nouvelles opérations seront lancées en 2017 à Lille, où j’ai choisi le terrain en concertation avec Mme la maire, à Basse-Terre ou encore à Mont-de-Marsan.

En dehors de toutes ces opérations, nous aurons mené, sur la totalité de la législature, plus d’une centaine d’opérations de réhabilitation de palais de justice : remise aux normes, sécurisation, accessibilité.

Tout en augmentant, année après année, le budget de la justice, nous avons dans le même temps amélioré notre gestion des moyens budgétaires. Car le fait de demander des moyens nouveaux, et de les obtenir, ne nous exonère pas de rechercher des pistes d’amélioration de la dépenses publique : monsieur Hetzel, vous avez eu raison de le souligner.

En lien avec M. Christian Eckert, secrétaire d’Etat au budget, j’ai demandé une mission conjointe de nos corps d’inspection sur l’optimisation de nos dépenses. Je crois en effet qu’il y a des économies à faire, malgré une organisation incroyablement compliquée. Je défie quiconque de s’y retrouver entre le pôle Chorus, qui n’est pas propre au ministère de la justice et nous a été imposé par la révision générale des politiques publiques (RGPP), et les budgets opérationnels de programme (BOP), subdivisés en 70 unités opérationnelles ou « UO », qui viennent le doublonner…

Il faut évidemment simplifier cette organisation, mais cela suppose une restructuration fondamentale, celle des cours d’appel. Elles sont aujourd’hui au nombre de 36, soit trois fois plus que de régions administratives, conformément à la nouvelle carte que vous avez adoptée, si bien que la question de la compatibilité entre carte des services judicaires et carte administrative se trouve posée. La PJJ, que suit Mme Capdevielle, et l’administration pénitentiaire, que suit M. Larrivé, ont déjà entamé la restructuration de leur propre carte. Pour la carte pénitentiaire, nous y sommes presque, à ceci près que la région Centre n’y est pas isolée comme elle l’est sur le plan administratif.

Mais la carte judiciaire reste tout à fait éloignée de la carte administrative. Il va de soi que je ne saurais modifier en neuf mois la carte des cours d’appel. Cela ne conduirait pas forcément, d’ailleurs, à des suppressions. Je crois que nous avons la possibilité d’organiser des coopérations intelligentes sur la base des implantations existantes. Personne ne veut la mort de la cour d’appel de Riom, ni celle de Chambéry. Mais la proximité de cette dernière avec la cour d’appel de Grenoble pose des questions sur l’articulation de leurs activités.

La conférence des premiers présidents des cours d’appel, la conférence des procureurs généraux, reconnaissent aussi qu’il y a des évolutions à envisager. Cela passera par un travail de concertation, mais les esprits me semblent assez mûrs.

Je reviens à la gestion des services. J’avais identifié le problème des retards de paiement des frais de justice, désagréables pour nous comme pour nos prestataires, qui n’ont pas vocation à être des philanthropes. Je m’étais engagé à réduire les délais de paiement dès cette année. Grâce au dégel de 104 millions d’euros au printemps et au décret d’avance pris au début du mois d’octobre, nous avons pu passer, en neuf mois, ramener le délai moyen de quatre mois à un mois. Je veux saluer la mobilisation des services d’action régionale, qui n’ont pas pris beaucoup de vacances ! Les présidents de cour d’appel et les procureurs généraux, que j’avais réunis, ont eux aussi agi avec une efficacité qui augure bien de l’avenir.

Pour 2017, les crédits prévus pour les frais de gestion sont toutefois en baisse, comme vous aurez pu le remarquer. Je veux rassurer et insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une réduction des moyens, mais de la prise en compte de mesures d’économies attendues. Car nous faisons un pari, une loi de finances étant toujours, par définition, une forme de pari.

Nous attendons ainsi une économie de près de 35 millions d’euros grâce au déploiement progressif de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), évoquée par M. Le Bouillonnec. Cet outil, non choisi par nous, mis en place en 2010 et confié à l’entreprise Thales, ne rend pas les services attendus. Les six prestataires nous coûtent 55 millions d’euros par an, contre 25 millions en 2005 et 30 millions en 2012. Je rappelle qu’il s’agit des « fadettes » et des interceptions de sécurité dont les services ont besoin. La progression de ces dépenses est exponentielle, même si le choix d’avoir une plateforme nationale reste judicieux. Je n’ai aucune raison de douter que le fait de l’avoir confiée à Thales soit un facteur d’économie, mais il y a des difficultés de fonctionnement, notamment sur les écoutes, tandis que la police reconnaît l’excellente qualité de la communication des « fadettes ».

Il y a déjà eu des adaptations ergonomiques et technologiques depuis le début de l’année. Vous avez souhaité, par la loi du 3 juin 2016, que la PNIJ soit généralisée. Cela n’est possible que si elle fournit les services que nous en attendons. Aussi ai-je demandé au Premier ministre d’engager une mission d’audit interministériel, qui est à l’œuvre et a déjà fourni de premiers éléments de réponse. Nous en tirerons les conclusions. Je l’ai dit et je le répète devant vous : je n’écarte pas la solution d’une internalisation de la plateforme, dans le cas où Thales ne saurait pas apporter des solutions, dans un souci d’économie, mais aussi de maintien de la qualité des enquêtes s’appuyant sur la PNIJ.

Je reviens aux missions de la justice. Avec la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle, vous avez engagé une réflexion et adopté un certain nombre de propositions.

Recruter était une première réponse. Recentrer les juges sur leurs missions essentielles en est une autre. Il faudra par exemple, à l’avenir, encourager les alternatives aux contentieux. Nous sommes encore très loin de ce qui existe dans d’autres pays et que nous pouvons encore parfaitement déployer.

Monsieur Hetzel, nous serons d’accord, je crois, pour dire que nous ne répondrons pas à l’embolie de la justice uniquement par un accroissement des moyens. Ce n’est pas parce que les difficultés sont de nature matérielle qu’elles seront réglées uniquement par des solutions de cet ordre. Je pense même l’inverse : plus nous mettrons de moyens dans la justice, plus nous renforcerons son efficacité, et plus on fera appel à elle. Parce que la structure sera plus efficiente, et que la soif de justice ne sera jamais assouvie, nous aurons une demande croissante. Répondre par des moyens matériels à une question matérielle est un processus sans fin.

Il faut plutôt modifier les structures afin que le ministère de la justice se vive comme un service public, expression que vous avez employée, monsieur Hetzel, et dans laquelle je me reconnais parfaitement. C’est un débat. Vous avez souhaité inscrire cette notion dans la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle. Ce souhait n’est pas partagé par tout le monde. Beaucoup des acteurs du monde judiciaire ne considèrent pas que la justice soit un service public. Il faudra donc des adaptations.

À ce titre, j’en viens à l’adaptation des structures du ministère de la justice, et notamment de son secrétariat général (SG), qui reste à mes yeux trop peu développé encore. C’est le ministère où le secrétariat général a été créé le plus tard. Dominique Raimbourg a raison de dire que le ministère est sous-administré, mais il manque parfois aussi de cohérence, d’optimisation et de partage d’information, notamment sur le plan horizontal. Prenons par exemple le suivi d’une personne par la justice. Tous les ministères ont à connaître du suivi d’une personne dans un parcours de vie. Eh bien, cette information n’existe pas. Il faut une transversalité, une mise en cohérence, et c’est au secrétariat général qu’il appartient de l’assurer.

Il faut donc d’abord investir dans le secrétariat général, avant d’en recevoir les économies que nous en attendons. Pas moins de 48 emplois y avaient été supprimés sous la précédente législature. C’est un sujet que j’ai abordé avec mes prédécesseurs de l’ancienne majorité, Michel Mercier et Michèle Alliot-Marie, qui m’ont expliqué les raisons de leur choix. Nous avons fait le choix inverse : 182 postes y auront été créés par votre majorité, dont 80 dans le projet de loi finances pour 2017.

Je pense qu’il faut aussi renforcer les fonctions support, et très essentiellement celle de l’informatique. Comme vous l’aurez peut-être constaté dans les juridictions, cela ne marche pas toujours comme cela devrait marcher. Le logiciel CASSIOPEE, évoqué par M. Le Bouillonnec, n’est ainsi pas conçu pour enregistrer plus de cinq cents victimes pour un même événement : c’est quelque chose qu’il est difficile d’expliquer à la cinq-cent-unième…

Des choix de regroupement des services centraux du ministère ont été faits dans le passé, ainsi sur le site du Millénaire à Aubervilliers. Toutes les grandes administrations du ministère s’y trouvent, et il ne reste place Vendôme que la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et, pour partie, la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS). Les autres – PJJ, secrétariat général et direction de l’administration pénitentiaire (DAP) sont au Millénaire. Cela a permis 6 millions d’euros d’économies sur les loyers autrefois payés dans la capitale, ainsi que des gains de mutualisation.

Je voulais aussi aborder devant le thème d’une justice plus accessible et d’un meilleur accès au droit. Avec la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle, vous avez créé des services d’accueil unique du justiciable (SAUJ). Mme Anne-Yvonne Le Dain en avait beaucoup parlé au cours des débats préparatoires à l’adoption de la loi de finances pour 2016, disant qu’elle considérait que c’était l’un des facteurs de simplification dans l’accès à la justice. Eh bien, nous allons le concrétiser.

Vous avez voté également l’intégration des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI). Là encore, nous en attendons une simplification pour nos concitoyens.

Évidemment, il faut dire un mot de l’effort budgétaire dédié à l’aide juridictionnelle, à laquelle Mme Pochon avait consacré son rapport en 2016. Jean-Yves Le Bouillonnec avait également beaucoup travaillé sur cette question. Je souhaite rappeler les efforts budgétaires importants réalisés par le Gouvernement depuis le début du quinquennat. Dans la loi de finances pour 2012, 396 millions d’euros y étaient consacrés. Cette année, ses crédits s’élèveront à 454 millions d’euros, soit une progression de 15 % : 371 millions d’euros de subventions et 83 millions d’euros de ressources extrabudgétaires. Nous allons donc pouvoir tenir les engagements passés fin 2015 – c’est bien le moins.

Mais je vous propose, après discussion avec les avocats, d’aller plus loin encore en établissant une unité de valeur unique et revalorisée, servant de base au calcul de la rétribution des avocats. Son montant actuel est soit de 26,50 euros, soit de 27,50 euros, soit de 28,50 euros. Le projet de loi de finances contient un article qui le fixe uniformément à 30 euros, et j’ai déposé, après une nouvelle concertation avec les avocats, j’ai déposé un amendement le portant à 32 euros.

Il y aura donc eu, sous la présente législature, une augmentation de près de 10 euros, soit 42 %, de l’unité de valeur de base, alors qu’aucune revalorisation n’avait été faite entre 2007 et 2012.

S’agissant des justiciables, le plafond de ressources pour bénéficier de l’aide juridictionnelle est passé de 929 euros en 2012 à plus de 1 000 euros en 2017. Cela aura permis d’inclure dans le champ de l’aide 100 000 justiciables supplémentaires.

Ce budget est aussi dédié à l’aide aux victimes, dont les crédits ont crû régulièrement ces dernières années. Ils étaient de 10 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2012 : ils s’élèvent à 25 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2017, soit une augmentation de 174 % en cinq ans.

De 2007 à 2012, 50 bureaux d’aide aux victimes (BAV) avaient été créés dans les tribunaux de grande instance. Nous en avons créé 116 depuis 2012 ; il y en a donc désormais 166, couvrant tous les TGI.

J’en viens à la protection judiciaire de la jeunesse, que Colette Capdevielle décrivait comme « un service public qui revient de très loin » dans son avis de l’an dernier. Entre 2007 et 2012, la PJJ avait en effet subi une baisse de 4 % de ses crédits et elle avait perdu 632 emplois d’éducateurs, soit 7 % du plafond d’autorisations d’emplois. À l’époque, on avait pu craindre une remise en cause de la pérennité même de cette institution. Or le défi de la protection des mineurs, fussent-ils délinquants, est toujours autant d’actualité. Plus la prise en charge intervient tôt, plus nous avons de chances de remettre ces jeunes sur des parcours d’insertion, de respect de la loi, des autres et d’eux-mêmes. Il y avait eu des suppressions d’emplois ; depuis 2012, nous avons créé 802 postes, dont 509 postes d’éducateurs, ce qui nous a permis une prise en charge rapide des mineurs.

Le PLF pour 2017 prévoit une augmentation des moyens de la PJJ puisque son budget augmente de 4 % – les crédits passent de 663 à 690 millions d’euros – et que des postes ont été créés.

Vous m’avez interrogé sur les « séjours de rupture », qui représentent une piste intéressante. Plusieurs projets vont se concrétiser, notamment en Île-de-France, la région la plus concernée par la problématique de la radicalisation. Il s’agit notamment de places d’hébergement thérapeutique en appartement, et d’un centre d’éducation renforcé (CER), dit « CER citoyen », où deux places seraient réservées aux mineurs qui sont dans ces logiques. Que se passe-t-il après le stage de rupture ? Si l’on ramène le mineur dans la situation dans laquelle il se trouvait avant de faire son stage, aussi bénéfique qu’ait pu être ce dernier, on s’inscrit dans la continuité. La PJJ de l’Île-de-France va créer un groupe d’appui régional, avec deux éducateurs, pour s’intéresser à ce suivi.

Vous m’avez aussi interrogé sur les centres éducatifs fermés (CEF), un sujet compliqué. Ces structures, de création récente, ont eu du mal à trouver leur place. Rappelons qu’elles ont été créées en 2002 par M. Perben, que certaines sont gérées directement par la PJJ tandis que d’autres le sont par des associations habilitées. Le Président de la République avait évoqué le doublement du nombre des CEF pendant son mandat, mais nous nous sommes posé la question suivante : ceux qui existent sont-ils occupés, et répondent-ils à la demande des magistrats ? En 2013, nous avons demandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), à l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) et à l’inspection de la PJJ de s’intéresser à cette question. Comme il est apparu que les CEF n’étaient pas pleins, le programme d’accroissement du nombre de places n’a pas été lancé.

Au moment où je vous parle, le taux d’occupation moyen est de 70 %. Il existe 51 CEF et nous n’avons pas de projet de création pour diverses raisons. Tout d’abord, nous avons été confrontés à la nécessité de rehausser l’exigence d’encadrement afin de mettre un terme à ce que je qualifierais pudiquement de « dysfonctionnements » dans certains CEF gérés par des associations. Nous avons imposé une hausse du nombre de personnels présents : il doit y avoir au moins 26,5 ETP dans un CEF. Nous avons surtout actualisé le cahier des charges des CEF pour les rendre plus pertinents au regard de la demande des magistrats, au terme d’un long travail de concertation avec les juges des enfants. À cette occasion, nous avons redonné des préconisations pour prévenir et gérer la violence des mineurs accueillis, afin de tenir compte en particulier des remarques tout à fait fondées de Jean-Marie Delarue, qui était à l’époque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).

Je suis attentif et exigeant en matière de qualité du service rendu, et je le dis à mes interlocuteurs. Les CEF ont trouvé leur place et je ne doute pas qu’ils soient extrêmement utiles. Puisqu’ils sont occupés à 70 %, il reste une marge mais nous n’atteindrons jamais un taux de 100 % compte tenu des contraintes liées à l’accueil d’un public particulièrement difficile : il peut y avoir des fugues, des incarcérations ou des hospitalisations. Tant que le taux d’occupation – qui a augmenté de 9 % au cours de l’année écoulée – n’atteindra pas 80 %, je ne crois pas que la puissance publique ait intérêt à s’engager dans la création de nouveaux CEF.

Après cette longue réponse sur les CEF, j’en viens à un autre point dont on ne peut faire abstraction : la radicalisation. Le président du TGI de Paris, M. Jean-Michel Hayat, a employé l’expression très explicite de « déferlante terroriste » pour caractériser ce que doit affronter, en termes d’organisation, le ministère de la justice. Avant toute chose, je tiens à saluer le remarquable investissement de tous : personnels administratifs, greffiers, magistrats, personnels de l’administration pénitentiaire, éducateurs, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Ils sont tous exemplaires.

Depuis deux ans, nous leur donnons plus de moyens parce que leurs missions ont augmenté. Le nombre de magistrats de la section antiterroriste du parquet de Paris a quasiment doublé, passant de sept à treize. Le pôle d’instruction antiterroriste du TGI de Paris a aussi été renforcé : il y a maintenant dix juges au lieu de huit, dont un premier vice-président coordonnateur ; un dixième cabinet d’instruction dédié à l’antiterrorisme va prochainement être créé.

Guillaume Larrivé m’a interrogé sur les prisons. Nous avons fait des choix que je vais rappeler, quitte à me répéter car certaines choses ne sont pas suffisamment connues. Au cours de ce quinquennat, entre 2012 et 2017, nous aurons construit 4 035 places de prison. Je ne dis pas que nous avons lancé les programmes de construction : nous avons financé les constructions lancées. Comme je le répète souvent, je vais avoir l’honneur d’inaugurer une prison – la dernière – dont la construction avait été lancée par Dominique Perben en 2002 ! Le processus aura pris quinze ans... Le futur, en matière d’immobilier pénitentiaire, a toujours été mensonger, et il ne s’agit pas de tirer la couverture à soi. Depuis 2012, nous avons donc financé 4 035 places de prison dans le cadre de programmes de construction mais aussi de rénovation. Je vais inaugurer les « Baumettes 2 » au mois de décembre ; les travaux ont été permanents à Fleury-Mérogis, « cathédrale » qui a besoin d’une rénovation constante ; la prison de la Santé a été fermée et ne rouvrira qu’au deuxième semestre de 2018, ce qui n’est d’ailleurs pas sans conséquences sur la surpopulation carcérale en Île-de-France.

J’ai lancé un plan de construction pénitentiaire assez vaste, au titre duquel figurent des autorisations d’engagement pour un montant de 1,158 milliard d’euros dans le PLF pour 2017. Vous avez très justement pointé la différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, mais le fait d’avoir ces autorisations d’engagement va nous permettre de passer les marchés.

Sur la dizaine d’années nécessaire à la construction d’une prison, il en faut trois pour trouver le terrain. Pour gagner du temps, le Premier ministre a donné une consigne aux préfets des trente-trois départements identifiés comme ceux où nous avons des besoins : chercher des terrains. Ils doivent nous remettre le fruit de ces recherches le 16 décembre. Plus les terrains seront gratuits, moins il y aura de contentieux, et plus nous pourrons aller vite. Je ne sais pas s’il est possible de purger les éventuels contentieux comme le suggérait Guillaume Larrivé, mais c’est une hypothèse intéressante.

Depuis 2007, j’entends parler du projet de construction d’une prison à Lutterbach mais, au bout de neuf ans, la première pierre n’est toujours pas posée parce que le maire n’en veut pas et qu’il engage des procédures devant le tribunal administratif. Or cette prison correspond à un réel besoin. Par votre truchement, j’ai redit au maire de Lutterbach qu’il y aura une prison dans sa ville. De la même manière, je redis au maire de Nice qu’il y aura une prison dans sa métropole, et qu’elle ne sera pas construite sur les terrains qu’il nous propose, qui sont déjà gagés par d’autres administrations et doivent notamment accueillir le commissariat de police. Je n’imagine pas que Christian Estrosi veuille qu’on déplace le commissariat de police pour mettre la prison à sa place... Le 16 décembre, des décisions seront prises sur la base de recommandations du préfet.

Je souhaite que nous allions vite dans ce domaine. Ce sera aussi le travail de la prochaine législature. Le Premier ministre a annoncé la rédaction d’un Livre blanc sur l’immobilier carcéral, à laquelle seront associées la commission des lois de l’Assemblée nationale et celle du Sénat. Présidés par un haut fonctionnaire avisé de ces questions, les travaux seront conduits en suivant exactement la procédure qui avait été utilisée lors de l’élaboration du Livre blanc de la défense nationale, qui a montré son efficacité en termes de diagnostic et de thérapie partagés. Dans ces conditions, la prochaine législature pourra agir sans attendre, sur la base de ce qui aura été défini pendant la fin de la législature actuelle. Mis en place à partir du mois de novembre, le comité du Livre blanc devra rendre ses travaux en mars pour que nous puissions faire l’étude d’impact d’une loi de programmation sur l’immobilier carcéral, seul outil permettant de répondre au défi. Nous envisageons la création de trente-deux maisons d’arrêt et d’un centre de détention. Il faut aller vite en matière foncière, je le répète.

Le budget de cette année prévoit la création de 1 255 créations d’emplois dans l’administration pénitentiaire. Depuis 2012, nous aurons créé 4 245 emplois pénitentiaires, dont 2 500 emplois de surveillants et 1 150 emplois dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). L’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP) a accueilli trois promotions de surveillants cette année, alors qu’elle n’en accueillait qu’une seule quelques années auparavant. En 2012, il y avait 35 511 emplois à la DAP, et ce chiffre était en progression – je ne fais pas le procès à la précédente législature de ne pas avoir créé d’emplois dans cette administration. En 2017, leur nombre est passé à 39 207. Ces recrutements se sont accompagnés d’une revalorisation pour les personnels, suite aux accords statutaires conclus en 2013 et aux relevés de conclusions signés en 2015 et en 2016 concernant respectivement les personnels pénitentiaires et la filière insertion et probation.

Guillaume Larrivé m’interroge également sur la sécurisation des prisons, sujet brûlant. Dans le PLF pour 2017, nous y consacrons 40 millions d’euros. Ce montant s’élevait à 30 millions d’euros en 2013, à 17 millions en 2015 et à 30 millions d’euros en 2016. Ces moyens vont nous permettre de mieux sécuriser les bâtiments : il reste trop d’endroits sans vidéo, c'est-à-dire aveugles, dans les prisons. Au centre pénitentiaire d'Aiton, en Savoie, il n’y a pas de vidéo dans les couloirs, par exemple, ce qui peut rendre la situation difficile à évaluer en cas d’incidents. Nous allons également développer des moyens technologiques pour lutter contre les transmissions illicites, autrement dit : nous allons brouiller les téléphones portables. L’administration a engagé avec les opérateurs ce qu’on appelle un dialogue compétitif, et nous allons faire des essais in situ le mois prochain. Le but est de disposer d’une technologie qui évoluera en fonction de celle des téléphones portables. Sur ce sujet, je vous avais invités à la prison d’Osny. Il ne sert à rien que l’administration dépense de l’argent pour installer des brouilleurs 2G contre des téléphones 4G. Un montant de 14 millions d’euros est prévu dans le PLF pour 2017 pour financer cette technologie évolutive.

Faut-il modifier la loi sur les officiers de police judiciaire ? À titre personnel, je suis assez réservé sur ce point. Cela étant, je pense que la sécurité périmétrique des bâtiments doit relever de l’administration pénitentiaire et qu’il ne faut pas attendre l’intervention de la police ou de la gendarmerie. Cela fait partie de la répartition des missions dont nous discutons actuellement avec les forces de sécurité intérieure. La compétence de nos équipes doit être étendue. Cela signifie, comme le Président de la République l’a indiqué aux organisations syndicales de l’administration pénitentiaire, que nous devons nous doter d’équipes de sécurité pénitentiaires. À compter du moment où ces équipes effectuent des missions extérieures à la détention – transfèrements, extractions, sécurité périmétrique –, elles doivent être armées. Je n’ai pas de réserve sur ce point. On ne peut pas demander aux personnels de l’administration pénitentiaire, chargés du transfèrement de détenus réputés dangereux, de ne pas être armés. Depuis que je suis garde des sceaux, j’ai vu des situations où des personnels de surveillance étaient à mains nues devant des dangers inacceptables. On ne peut pas demander à des personnels d’aller avec un simple bouclier face à des gens armés. Dans les missions extérieures à la détention, l’armement doit être évoqué.

Faut-il leur donner des pouvoirs supplémentaires ? Vous avez adopté une proposition de loi, à l’initiative de Gilles Savary, qui a donné des compétences nouvelles aux services de sécurité de la RATP et de la SNCF, c'est-à-dire au Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) et à la Surveillance générale (SUGE). Je ne vois pas pourquoi on ne poserait pas la question de son extension aux personnels pénitentiaires. Il ne me semble pas qu’ils aient des missions qui soient si différentes que celles des agents du GPSR ou de la SUGE. Pour résumer : non au statut d’officier de police judiciaire à ce stade ; mais étudions les pouvoirs que vous avez donnés à des services qui relèvent de la puissance publique et voyons si cela correspond aux besoins.

Pour terminer, je dirai quelques mots sur la chaîne civile informatique Portalis et sur le numérique, sujets évoqués par Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous allons investir 121 millions d’euros dans l’informatique du ministère, ce qui représente une hausse de 7 %, après avoir débloqué 21 millions d’euros au début de l’année grâce au dégel de la réserve de précaution. Ces moyens vont nous permettre de financer l’équipement courant mais aussi la première déclinaison de cet énorme « porte-avions » qu’est Portalis : l’ouverture au printemps dernier de justice.fr, le site d’information du justiciable. Les magistrats vont être dotés de nouveaux matériels qui leur permettront une plus grande mobilité : plus de 500 tablettes et près de 4 000 ordinateurs dits ultraportables sont en distribution. Les premiers utilisateurs ont l’air d’en être satisfaits. Nous lançons aussi le développement de nouveaux logiciels destinés aux magistrats du parquet qui en ont grand besoin.

M. Dominique Lefebvre, président. Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes.

Mme Cécile Untermaier. Dès 2012, nous avons considéré que le budget de la justice était une priorité, comme ceux de l'éducation et de la police. Les faits ne cessent de nous donner raison. La politique menée pendant les dix années précédentes n’avait rien arrangé aux retards constatés depuis longtemps, comme vous l’avez souligné, monsieur le garde des sceaux. Michel Mercier, dernier garde des sceaux de la précédente législature, reconnaissait en mars 2011, après le mouvement des personnels de justice, les difficultés liées à une augmentation continue du contentieux et le retard à combler les manques de moyens.

Entre 2001 et 2011, on constatait une augmentation de plus de 46 % des affaires judiciaires, sans apport de moyens correspondants. Sans surprise, comme l’a rappelé M. Hetzel, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) avait donc rétrogradé la France dans son classement d’octobre 2010. Parmi 43 pays européens classés en fonction de la part du PIB par habitant consacrée à la justice, notre pays est passé du 35e au 37e rang.

Cette situation n’est pas structurelle et nous pouvons y remédier par une volonté politique telle que celle que nous exprimons au travers de ce budget 2017.

La réforme brutale et inorganisée de la carte judiciaire, et notamment la suppression des tribunaux d'instance, a eu pour effet de priver nombre de justiciables d’un accès au droit et de rendre le service public de la justice totalement illisible. Il nous a fallu remédier à cet abandon. C'est le second pilier de notre action : adapter la justice aux besoins du citoyen et de notre démocratie.

Ce budget permet l'application des mesures de modernisation, de simplification, de mutualisation et de numérisation prévues par les deux lois portant sur la justice du XXIsiècle, sans compter les alternatives au jugement dont vous avez évoqué la teneur, monsieur le garde des sceaux.

Depuis 2012, ce budget a augmenté chaque année d'un peu plus de 1 %. Cet effort constant s’est intensifié cette année puisque le budget progresse de 4,5 % pour atteindre un montant total de 6,882 milliards d’euros. Les créations d'emploi se poursuivent à un rythme élevé : 2 100 ETP dont 1 403 ETP au titre de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. C'est un effort très important. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser la nature de ces postes et les endroits où ils seront créés ?

L'augmentation de 4 % des crédits hors masse salariale – soit plus de 36 millions d'euros par rapport à la loi de finances 2016 – traduit l'effort sans précédent de remise à niveau des moyens de fonctionnement des juridictions. C'est une mesure indispensable. Les difficultés, mises en évidence ces derniers jours et que vous aviez anticipées, confirment la pertinence de cet effort budgétaire.

Le budget relatif à l'administration pénitentiaire représente le premier programme de cette mission. Face aux enjeux de la radicalisation, de l'incarcération des terroristes, de la sécurité et de la surpopulation carcérale, il était nécessaire d'engager des moyens importants. Loin des simples discours, des dispositions concrètes sont prises. Vous prévoyez ainsi 1 566 cellules supplémentaires dans 28 quartiers de préparation à la sortie et 3 468 cellules en maison d'arrêt. Pourriez-vous nous expliquer la place des différentes structures et leur organisation ?

Je n'irai pas plus loin dans le détail des différents programmes présentés par nos rapporteurs. Elisabeth Pochon a évoqué le programme de l'accès au droit et la douloureuse question de l'aide aux victimes. Dans le cadre de ce programme, nous notons que les crédits affectés à l'aide juridictionnelle sont en augmentation et atteignent 454 millions d'euros. Nous voterons évidemment en faveur de l’amendement proposé qui permettra de majorer l’unité de valeur. Mais nous notons que les besoins sont en hausse et que l'accès au droit passe aussi par le relèvement du plafond d'admission à l'aide juridictionnelle.

Un effort substantiel a été fait par notre gouvernement, mais il nous faudra le poursuivre car trop de personnes abandonnent toute idée de justice à raison de son coût en appel et en cassation. Le relèvement du seuil est devant nous. À ce propos, en plein accord avec mes collègues de la commission des lois, je rappelle ici qu'un fonds interprofessionnel doit être mis en place avant la fin de l'année 2017. Ce fonds de redistribution, alimenté par l'écrêtement calculé à cette fin de tarifs proportionnels de professions réglementées, est également destiné, selon la volonté du législateur, à financer l'aide juridictionnelle.

Si les majorations sans précédent des crédits de la justice sont à saluer, il nous faut également noter l'effort simultanément poursuivi dans divers domaines : la réduction de 47 millions d'euros des dépenses pour frais de justice ; la modernisation indispensable des outils informatiques – nous pensons au système CASSIOPEE qui n’est toujours pas opérationnel au bout de quinze ans ; les mesures de déjudiciarisation permettant le redéploiement de 367 ETP.

Ce budget 2017 s'inscrit en cohérence avec la politique menée dans ce domaine depuis 2012. Il prend en compte les exigences multiples attendues sur notre territoire de la part de nos concitoyens et des nombreux acteurs œuvrant dans le domaine de la justice, en faisant une large place aux enjeux majeurs de sécurité, d'efficacité et de qualité dans l'exécution de la réponse judiciaire. Ce budget s'inscrit aussi dans le long terme et l’effort n'a de sens que s'il est maintenu au-delà de 2017. Le groupe socialiste, écologiste et républicain appellera donc à voter pour ce budget.

M. Philippe Goujon. Merci pour votre écoute, monsieur le garde des sceaux, pour votre ton apaisé, réfléchi et rigoureux. Cela nous change de l’atmosphère des débats qui régnait auparavant dans cette enceinte. (Protestations sur les bancs de la majorité.) En tant que membre de l’opposition, permettez-moi d’exprimer ce sentiment, mais ce n’est pas seulement pour cela qu’il est difficile de globaliser l’action dans le domaine de la justice depuis 2012.

Je voudrais vous citer, monsieur le garde des sceaux. À votre arrivée à la chancellerie, vous décriviez une justice sinistrée et en état d’urgence absolue. C’est que tout n’allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous reconnaissons volontiers que votre premier budget tient compte de cette urgence budgétaire, puisque la mission voit ses ressources augmenter de près de 5 % en crédits de paiement. Permettez-moi néanmoins de revenir sur deux échecs majeurs de votre prédécesseure, qui continuent de produire leurs effets : la contrainte pénale et la récidive. La contrainte pénale ne représente à ce jour qu’un peu plus de 2 000 condamnations alors que l'étude d'impact nous en annonçait près de 20 000. Pour les libérations sous contrainte, l’écart entre les estimations et la réalité est à peu près du même ordre. Quant au problème des multirécidivistes, il reste entier. C’est l’une des raisons qui expliquent le mouvement de colère des policiers qui ont le sentiment que leur travail d’interpellation et les risques qu’ils endurent ne trouvent pas de traduction pénale.

En outre, les délais de traitement des procédures civiles ne baissent pas. Comment inverser cette tendance ? La loi sur la justice au XXIsiècle va certes décharger les tribunaux de certaines missions, mais elle va en transférer une partie aux officiers d'état civil. Ce transfert de compétences va générer d'importantes charges supplémentaires pour les mairies et ces dernières ne pourront pas les assumer. En plus, comme beaucoup l’ont souligné, le coût de l'aide juridictionnelle s'envole suite à une réforme que nous avons dénoncée. Selon le bleu budgétaire, il serait de 370 millions d’euros, alors que vous parlez de 450 millions d’euros, ce qui aggrave encore les choses.

En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, comme l’a fort bien rappelé Guillaume Larrivé, il aura fallu attendre cette dernière année de la législature pour que vous annonciez un plan de création de prisons, qui, par ailleurs, n’est pas traduit en crédits de paiement – l’écart entre le milliard d’euros d’autorisations d’engagement et les 2,6 millions de crédits de paiement a été souligné. Vous en avez donné une explication ; est-ce à dire que vous laissez la responsabilité du financement au prochain gouvernement, voire au suivant si l’on applique la « jurisprudence » Perben que vous avez évoquée ?

Un mot sur les mesures que vous avez annoncées hier soir pour contribuer à résorber les charges indues des policiers.

D’abord, les extractions judiciaires, dont vous avez reconnu le 14 juin dernier devant le Sénat qu’elles constituaient un problème béant. Elles mobilisaient 3 000 policiers et gendarmes ; combien de personnels pénitentiaires sont aujourd’hui dédiés aux transfèrements, et comment combler le manque ? Envisagez-vous de resserrer le maillage des pôles de rattachement des extractions judiciaires (PREJ), qui ne correspond pas à la carte des 188 établissements pénitentiaires ? Que pensez-vous de la comparution par vidéoconférence lorsque l’administration pénitentiaire ne peut effectuer le transfèrement ?

Ensuite, les gardes statiques. Selon le préfet de police, 300 policiers seront affectés à la surveillance du nouveau palais de justice de Paris, dont on va repousser l’ouverture pour mieux le sécuriser. Celle de l’ancien site était assurée par des gendarmes et des gardes républicains. Une nouvelle charge va donc peser sur la préfecture de police, sans compensation d’effectifs ; au contraire, les effectifs sont en baisse.

Vous avez évoqué des regroupements de personnels en vue de former la nouvelle sous-direction de la sécurité pénitentiaire, tout à fait bienvenue et que nous réclamions depuis un certain temps. Avez-vous une idée des effectifs qui lui seront affectés ?

Pensez-vous étendre à l’ensemble des établissements les postes d’officiers de renseignement à temps plein qui existent dans une trentaine de prisons ?

Votre prédécesseure avait refusé que les surveillants puissent également faire du renseignement. Quelle est votre position à ce sujet ?

Lors de votre prise de fonctions, vous aviez constaté que les informations venues du renseignement pénitentiaire ne vous remontaient pas. Avez-vous noté une évolution de la situation ? Qu’attendez-vous dans ce domaine ?

Enfin, le taux de démission et de rotation est très élevé parmi les personnels pénitentiaires. Quelles mesures supplémentaires pouvez-vous prendre pour les fidéliser ?

Je conclurai sur les bonnes conditions dans lesquelles l’opposition peut désormais travailler avec le Gouvernement sur les questions de justice. Cela ne résout pas les problèmes, mais cela facilite tout de même les choses !

M. François Rochebloine. Avec 6,9 milliards d’euros de crédits, le budget consacré à la mission « Justice » enregistre une augmentation de 4,5 % à périmètre constant.

Chacun s’accorde à le reconnaître, ce budget doit relever des défis considérables : permettre la réorganisation d’un système judiciaire qui attend hélas toujours une véritable modernisation, le tout sur fond de lutte contre le terrorisme. Nous considérons que l’un des objectifs de cette mission doit être de simplifier la justice tout en optimisant les moyens qui lui sont alloués. Espérons que la mise en œuvre de la loi dite de modernisation de la justice du xxie siècle, adoptée très récemment, permettra d’engager la vraie réforme d’ampleur que nous appelons de nos vœux.

Concrètement, et à court terme, il s’agira de mettre en œuvre les avancées obtenues en matière d’accès au droit et de simplification des procédures : la création d’un service d’accueil unique du justiciable et les mesures de déjudiciarisation permettant de désengorger les juridictions.

Seront également concrétisées des mesures que nous désapprouvons, comme nous vous l’avons indiqué lors des débats sur le texte : le transfert de certaines compétences aux officiers de l’état civil, qui vont faire peser des charges supplémentaires sur les communes, ou encore la suppression de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT).

L’avis du groupe de l’Union des démocrates et indépendants est donc partagé.

La lutte contre le terrorisme ne pouvait qu’être l’un des enjeux majeurs du projet de loi de finances pour 2017. Nous saluons les 233 millions d’euros de crédits, hors dépenses de personnel, alloués au ministère de la justice dans ce domaine, même s’il ne s’agit que d’un maintien à niveau des crédits de 2016.

Ces crédits bénéficieront notamment à la création du service public du renseignement pénitentiaire, ce dont nous nous réjouissons, car nous savons quel rôle déterminant les prisons ont pu jouer dans la propagation de la radicalisation, qu’il est essentiel de prendre en considération pour lutter contre le terrorisme.

Depuis le début de cette législature, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants a dénoncé des budgets ne répondant pas au besoin carcéral qui se développe dans notre pays. Ainsi que vous l’avez indiqué dans votre rapport de septembre 2016 sur l’encellulement individuel, monsieur le ministre, la France ne comptait au 1er août 2016 que 58 507 places de prison pour héberger 68 819 détenus, ce qui représente un déficit de 10 312 places et une surpopulation de 118 %. La construction de nouvelles places de prison s’impose donc d’évidence.

En 2017, des autorisations d’engagement à hauteur de 1,558 milliard d’euros sont ouvertes pour la construction d’établissements pénitentiaires. Vous prévoyez ainsi de lancer un programme immobilier de réduction de la surpopulation dans les maisons d’arrêt – 4 300 places – et un programme de construction de quartiers de préparation à la sortie – 2 500 places. Nous nous réjouissons de la prise de conscience que cela manifeste de votre part.

À ce propos, monsieur le ministre, vous avez très récemment confirmé plusieurs opérations, parmi lesquelles – vous me permettrez de l’évoquer – la construction d’une nouvelle maison d’arrêt à Saint-Étienne, dont je me réjouis. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, notamment sur les délais ? Vous avez parlé tout à l’heure du 16 décembre. Le problème du choix du terrain se pose, mais c’est l’État qui décide en définitive.

Par ailleurs, nous avons soudainement appris la fin des cinq unités de prévention de la radicalisation, inscrites dans ce budget et qui avaient commencé à fonctionner en janvier dernier. Vous avez annoncé mardi qu’elles seraient remplacées par six quartiers d’évaluation de la radicalisation. Comment ce changement va-t-il se traduire dans le budget ?

Je me dois enfin d’évoquer la refonte de l’aide juridictionnelle. À partir de 2013, nous avons assisté à une succession d’hésitations et d’incertitudes de la part du Gouvernement, qui témoignait d’une véritable improvisation en la matière. Cette année, le projet de loi de finances prévoit la revalorisation de l’unité de valeur de référence, qui passera de 26,50 à 30 euros hors taxes – voire 32 si votre amendement, monsieur le ministre, est adopté, ce dont je ne doute pas. Mais cela reste encore insuffisant, et vous le savez. Une réforme globale et pérenne de l’aide juridictionnelle et de l’accès au droit est indispensable.

Je ne voudrais pas conclure sans évoquer le mal-être du personnel des maisons d’arrêt et des prisons, qui vivent aujourd’hui des situations particulièrement difficiles ; mon collègue Philippe Goujon en a très bien parlé.

Si le groupe de l’Union des démocrates et indépendants tient à saluer des efforts importants et un certain nombre d’avancées, beaucoup reste encore à faire pour adapter notre système juridictionnel aux exigences du xxie siècle. Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, soyez remercié pour le travail accompli en neuf mois seulement. Quel dommage que vous n’ayez pas été nommé plus tôt à ce ministère régalien !

M. Marc Dolez. Je tiens pour ma part à saluer l’augmentation du budget de la justice, l’effort poursuivi de création d’emplois, l’amélioration de certains régimes indemnitaires et les crédits affectés à l’entretien du bâti. L’augmentation des crédits alloués à l’aide juridictionnelle, l’amélioration de la prise en charge des victimes, la création des services d’accueil unique du justiciable constituent également des avancées. Tout cela va dans le bon sens, même si – chacun en convient – le chemin sera encore long avant que nous ayons rattrapé un retard structurel et que le service public de la justice dispose d’un budget véritablement à la hauteur de sa mission.

Ma première question concerne la situation des agents non titulaires, toujours aussi préoccupante. En 2014, sur près de 2 700 agents sous contrat au sein du ministère de la justice, seul un millier environ étaient titularisables. Quelle est la position du ministère ? La prolongation du dispositif de titularisation pour deux années supplémentaires, jusqu’en 2018, ne semble pas en mesure d’améliorer véritablement la situation puisque peu d’agents non titulaires seront éligibles aux concours réservés.

Ma deuxième question a trait aux revendications des personnels des SPIP, qui travaillent dans des conditions très difficiles. Ils estiment que la filière d’insertion et de probation souffre d’une méconnaissance de ses missions et de son action qui se répercuterait sur leurs conditions statutaires. Le 22 juillet dernier, vous avez signé un relevé de conclusions avec les organisations syndicales, ce qui a mis fin au mouvement social entamé. Pouvez-vous nous confirmer que le projet de loi de finances pour 2017 met en œuvre les engagements alors pris ?

Ma troisième question porte sur la construction de nouvelles places de prison que vous avez annoncée, et aujourd’hui confirmée. Le ministère de la justice a-t-il vraiment, aujourd’hui et demain, les moyens de construire de nouvelles places de prison, vu le coût déjà exorbitant des partenariats public-privé ? Ne serait-il pas plus opportun de rénover massivement certaines prisons et de remplacer les établissements vétustes, tout en favorisant le milieu ouvert et les alternatives à l’emprisonnement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je commencerai par les questions des rapporteurs auxquels je n’avais pas encore répondu.

Madame Pochon, vous avez souligné à juste titre, à propos du FGTI, que nous allons porter la contribution des assurances à 5,90 euros, ce qui représente pour le fonds un gain de 140 millions d’euros. Cette somme ne résulte pas d’une estimation hasardeuse, mais de l’évaluation du FGTI, selon laquelle il lui aurait manqué 140 millions d’euros fin 2017. Il fallait combler ce manque pour éviter d’avoir à puiser dans des fonds qui n’ont pas la même vocation. Le budget du FGTI sera donc équilibré.

Faut-il aller au-delà ? L’État s’est de toute façon engagé à assurer la solvabilité du fonds dans l’éventualité de dépenses exceptionnelles, qu’évidemment personne n’espère. Comment le ferons-nous ? Nous y réfléchissons. En tout cas, il n’est pas envisagé de recourir à de nouvelles taxes : il sera fait appel aux recettes du budget général.

Vous m’avez également posé une question tout à fait pertinente sur le contradictoire au sein du FGTI. Juliette Méadel a entendu de la part de certaines victimes des propos allant dans le même sens et faisant état de leur sentiment de fragilité à cet égard. Le FGTI a assez récemment fait l’objet d’une mission d’inspection ; nous travaillons sur ses conclusions. Nous n’envisageons pas d’accorder l’aide juridictionnelle dans la phase transactionnelle. Nous n’en poursuivons pas moins notre réflexion sur l’évolution de la procédure, et si nous devions en conclure à la nécessité de juridictionnaliser celle-ci – mais nous n’en sommes pas là –, alors l’aide juridictionnelle serait de droit pour les victimes, sans plafond de ressources, en leur seule qualité de victimes du terrorisme. À la suite des critiques formulées par les associations de victimes, le FGTI est déjà en train de se réformer afin de rendre ses décisions plus transparentes. Son conseil d’administration se prononcera par exemple bientôt sur l’idée d’un barème indicatif, souvent demandé ; surtout, des efforts seront faits pour mieux expliquer les décisions qui ont été rendues.

Mme Untermaier m’a interrogé sur CASSIOPEE. Ce système fonctionne, il est même utilisé tous les jours dans les juridictions, sauf dans les cours d’appel qui n’en disposent pas encore. Des modules sont mis en œuvre pour l’enrichir.

J’en viens aux unités dédiées, évoquées par plusieurs orateurs.

M. Larrivé m’a demandé si ce que nous envisageons est suffisant. Vous connaissez les chiffres, que j’ai déjà souvent cités : 351 détenus incriminés d’association de malfaiteurs terroriste et 1 336 radicalisés en prison. Il nous semble qu’il y a en la matière une obligation d’évaluation. Nous allons donc ouvrir en 2017 deux centres d’évaluation dans les directions interrégionales de Bordeaux et de Marseille, et les unités dédiées de Fresnes, Fleury et Osny vont devenir des lieux d’évaluation. L’évaluation durera quatre mois et concernera chaque fois 100 personnes.

Ensuite viendra le moment de l’orientation. Il y aura effectivement 300 places pour les détenus les plus durs : 100 dans les maisons centrales et 200 à l’isolement dans des établissements pour peines ou des maisons d’arrêt. Nous pensons à ce stade que cette capacité suffit. Pour les autres, combien de places y aura-t-il dans les 27 établissements concernés ? Nous n’avons pas encore entièrement identifié les lieux, mais ce sera entre 400 et 600. Ces personnes seront détenues dans un environnement plus soutenu ; nous recruterons des personnels selon les volumes prévus par le projet de loi de finances, ainsi que des équipes pluridisciplinaires. Les binômes qui associaient un psychologue et un éducateur au sein des unités dédiées fonctionnaient bien ; il en existe 50 ; nous allons en recruter 40 de plus, et nous ferons également appel à des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), en milieu ouvert et en milieu fermé, selon les volumes prévus dans le budget.

Je suis absolument convaincu – je l’ai dit hier – que nous avons encore besoin de nous adapter ; je ne suis nullement certain que tout cela soit suffisant. Nous ne mesurons pas l’effet des retours de Syrie, par exemple ; malgré les évaluations, l’estimation des volumes demeure aléatoire, notamment s’agissant des mineurs.

Nous avons aujourd’hui en détention 17 mineurs radicalisés. Si l’on tient compte des établissements pour mineurs et des quartiers pour mineurs des maisons d’arrêt, nous disposons d’une capacité de 1 151 places. Nous ne jugeons donc pas utile de prévoir des équipements particuliers dédiés aux mineurs.

Monsieur Goujon, la sous-direction de la sécurité pénitentiaire sera composée de plusieurs types de personnels déjà existants : nous y inclurons les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) implantées dans neuf directions, les PREJ, le bureau du renseignement pénitentiaire que nous rebaptisons bureau central du renseignement pénitentiaire. Les effectifs sont aujourd’hui de 189 ; il y en a 51 de plus dans le projet de loi de finances, pour donner la priorité aux établissements sensibles. J’ai visité une vingtaine de prisons : à Riom, où il n’y a presque pas de détenus radicalisés, il n’y a pas lieu d’instituer en priorité un renseignement pénitentiaire, alors qu’à Fleury il n’y a que quatre délégués du renseignement pénitentiaire. Par ailleurs, les effectifs seront en partie dédiés à la construction de la structure centrale.

Je reçois dorénavant toutes les semaines des informations du renseignement pénitentiaire ; c’est de là que viennent les chiffres que je vous transmets régulièrement. Ces chiffres évoluent tous les jours. Ainsi, si nous avons identifié les 351 détenus pour association de malfaiteurs terroriste, en revanche le chiffre de 1 336 radicalisés est subjectif et provient du renseignement pénitentiaire. Par ailleurs, depuis le mois de juin, je participe comme garde des sceaux au conseil de défense que le Président de la République réunit le mercredi matin et au cours duquel le point est fait sur la menace intérieure, notamment au sein des établissements dont j’ai la responsabilité.

Nous incluons également dans la sous-direction les nouvelles équipes de sécurité pénitentiaire qui sont à construire. En outre, je vais créer en son sein un outil qui fait aujourd’hui défaut et qui servira à faire remonter l’information. Je l’ai dit en présentant ce plan, j’ai eu la tristesse de devoir actionner la cellule de crise de l’administration pénitentiaire à six reprises depuis que je suis garde des sceaux, et à un rythme quasi hebdomadaire au cours des dernières semaines, le week-end – car c’est le week-end que les choses se passent. Or la transmission d’informations n’est pas suffisamment rapide entre la direction locale, la direction interrégionale, la direction de l’administration pénitentiaire et mon cabinet. D’où le besoin d’une structure pour adapter notre réaction, puisqu’il faut toujours pouvoir mobiliser les ERIS des autres régions que celle concernée. Cet outil, imposé par la nécessité d’intervenir rapidement, de nous coordonner avec le parquet et de mobiliser les forces de sécurité intérieure, sera une cellule de veille et d’analyse composée de dix personnels pris sur notre budget pour 2017.

J’en viens aux extractions judiciaires, dont on parle beaucoup dans les juridictions et dont on a le sentiment qu’elles ne fonctionnent pas, alors même qu’au cours de l’année écoulée 10 % « seulement » des réquisitions n’ont pas pu être exécutées. La difficulté est structurelle. Lorsque l’on a décidé en 2010 de transférer l’extraction judiciaire des forces de sécurité intérieure à l’administration pénitentiaire, on a prévu pour cela 800 personnels, ce qui était probablement trop peu. En 2012, leur nombre est passé à 1 200 et, à la fin de cette année, il sera de 1 650.

Je ne pense pas qu’il en faille davantage en provenance des forces de sécurité : nous avons besoin d’organiser notre propre structure. Les PREJ ont été implantés, mais leur maillage me paraît perfectible. Un seul exemple : alors qu’à Agen, où je me suis rendu il y a quelques jours, la maison d’arrêt est de l’autre côté de la rue par rapport au tribunal, pour faire transférer un détenu, c’est-à-dire pour lui faire traverser la rue, il faut demander au PREJ, installé à Mont-de-Marsan, à une heure et demie de route en voiture, d’envoyer quelqu’un ! Inutile de vous dire que le garçon qui travaille au PREJ nous a expliqué qu’il avait autre chose à faire que rouler pendant trois heures pour aller traverser une rue… Nous devons pouvoir trouver un meilleur fonctionnement. J’ai donné l’exemple d’Agen pour ne pas parler de la Bretagne, mais, pour transférer un détenu du tribunal de Brest à la maison d’arrêt de Brest, il faut s’adresser au PREJ qui se trouve à Lorient ! Tout cela défie la raison.

Le système a été construit à l’époque où il ne bénéficiait que de 800 ETP ; nous en avons maintenant 1 650. Ce qui ne veut pas dire que nous ne solliciterons pas les forces de sécurité intérieure : cela peut toujours arriver, et une telle mission fait partie intégrante de leur cœur de métier puisqu’il s’agit d’amener des détenus.

L’administration pénitentiaire a beaucoup fait. Symboliquement, à la chancellerie, nous ne sommes plus protégés par la gendarmerie ni par la police, mais par les personnels de l’administration pénitentiaire. Il n’y a plus aujourd’hui de palais de justice qui soit protégé par la police ou par la gendarmerie : dans vos palais de justice, la surveillance est assurée soit par des sociétés de sécurité privée, soit par des réservistes que le ministère paie, par compensation auprès du ministère de l’intérieur. Les policiers ne sont plus présents que pour les audiences en cour d’assises, les comparutions immédiates et les procès quelque peu sensibles. Tout cela représente beaucoup d’efforts dont on ne parle pas suffisamment.

Pour surveiller le tribunal de Paris, monsieur Goujon, les discussions en cours portent sur 389 policiers. Il y aura une baisse des effectifs des agents qui étaient postés sur l’île de la Cité pour protéger l’ancien palais de justice : même si la cour d’appel et la Cour de cassation y restent, une grande partie des gendarmes qui y étaient affectés ne le seront plus. Mais cela relève d’une discussion interne au ministère de l’intérieur, notamment à la préfecture de police de Paris. Quoi qu’il en soit, voilà le nombre de policiers dont nous aurons besoin.

Quant à la fidélisation des personnels de l’administration pénitentiaire, elle pose effectivement un problème. Des mesures statutaires ont été prises le 14 mars 2013 et le 15 décembre 2015. Des mesures catégorielles supplémentaires destinées aux personnels de l’administration pénitentiaire sont inscrites dans le projet de loi de finances pour 2017, à hauteur de 20 millions d’euros. Nous avons en outre prévu une prime de fidélisation pour les surveillants dans les établissements les plus sensibles, pour 2 millions d’euros.

Monsieur Rochebloine, j’ai le plaisir de vous confirmer que nous referons la maison d’arrêt de Saint-Étienne ; je me suis engagé à aller l’annoncer sur place en votre compagnie dès que nous aurons choisi le terrain. Ce projet est financé sur le programme « 3 200 » qui avait été lancé par Christiane Taubira ; l’objectif est de 330 places.

Je crois vous avoir dit l’essentiel concernant la radicalisation.

Quant à l’aide juridictionnelle, la mesure représente tout de même un coût total en année pleine de 58 millions d’euros, dont 14,6 millions dès 2017. Avant 2015, l’unité de valeur n’avait pas été revalorisée depuis 2007. Ce sont nos discussions avec le Conseil national des barreaux qui me permettent de vous proposer de la porter de 30 à 32 euros.

Monsieur Dolez, en ce qui concerne la titularisation des personnels non titulaires, après la loi Sauvadet de 2012, il y avait exactement 914 éligibles au sein du ministère de la justice, dont 370 ont été titularisés. Le fait que le dispositif ait été prolongé de deux ans par la loi d’avril 2016 est donc une bonne nouvelle : ceux qui étaient éligibles au titre de la loi Sauvadet le demeurent. Surtout, nous sommes en train d’identifier avec les organisations syndicales les agents éligibles en vue du comité technique ministériel qui aura lieu en novembre, et à l’ordre du jour duquel ce point est inscrit.

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont connu un très important mouvement social il y a quelques semaines, qui a pris fin avec la signature d’un relevé de conclusions, lequel comporte des mesures attendues depuis très longtemps. J’ai ainsi mis fin, à la demande des organisations syndicales, à la préaffectation de stagiaires en lieu et place de titulaires. Les organisations syndicales sont bien conscientes du fait que la suppression de la préaffectation affectera la mobilité du personnel pendant un moment, et l’acceptent. Les conseillers pénitentiaires d'insertion et probation (CPIP) vont devenir des fonctionnaires de catégorie A. Voilà qui manifestera la reconnaissance de leur compétence. Christiane Taubira s’était engagée au recrutement de 1 000 CPIP ; nous en sommes à 900, et j’ai annoncé cette semaine que nous recruterions 100 personnels supplémentaires, parce que je souhaite que les conseillers affectés à la prévention de la radicalisation puissent se consacrer à cette lourde tâche. Nous avançons sur la question en bonne intelligence.

Je crois avoir répondu à tout le monde.

M. Dominique Lefebvre, président. Personne ne vous reprochera, monsieur le garde des sceaux, la précision et la pertinence de vos réponses. Nous apprécions toujours les ministres qui connaissent leurs dossiers.

Chers collègues, vous avez la parole, pour deux minutes chacun.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le garde des sceaux, je salue à mon tour un effort budgétaire significatif en faveur du programme « Justice judiciaire ». Quoique moindre que pour l’administration pénitentiaire, qui fait l’objet d’un examen séparé, cette augmentation de crédits profite à l’ensemble des dispositifs assurant le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire, et ce d’amont en aval – formation des magistrats et des greffiers comprise, donc. Cela permettra de financer, vous l’avez dit, la création de 600 emplois et, hors masse salariale, une augmentation des crédits de 4 %.

Tous les problèmes de fonctionnement du service public de la justice ne s’en trouvent cependant pas résolus comme par un coup de baguette magique. Vous avez notamment évoqué, monsieur le garde des sceaux, des problèmes structurels que vous avez pris la peine d’analyser. J’ai beaucoup apprécié cette partie de votre exposé, et je fais tout à fait mienne votre observation. Une question complémentaire toutefois, quelle est alors la part conjoncturelle, autrement dit quelle est la part des décisions budgétaires prises cette année et au cours des prochaines années ? Ne faut-il pas que des efforts budgétaires continus viennent garantir, en particulier, les efforts de remise à niveau du matériel informatique, d’autant que les difficultés en question sont parfois liées à une vision parcellisée, à des politiques différentes des différentes juridictions ?

Par ailleurs, l’augmentation du nombre de postes ouverts ne se traduit pas immédiatement par des recrutements utiles, d’autant que le creux des effectifs de 2015 n’avait pas été anticipé assez tôt. N’oublions pas qu’il faut plus de trois ans pour former un magistrat à l’École nationale de la magistrature !

J’en viens à une question plus conjoncturelle que structurelle : à l’heure où le métier de juge subit des évolutions législatives – et est susceptible d’en subir d’autres – comment faire pour amortir et intégrer celles-ci dans les emplois nouveaux ?

Enfin, en matière de fonctionnement du service public judiciaire, ne devrions-nous pas plutôt, tous, appeler de nos vœux une loi de programmation, pour pérenniser l’effort et pour que la justice fonctionne dans des conditions dignes de la vision que nous en avons ?

M. Éric Ciotti. Merci, monsieur le garde des sceaux, pour ces réponses de qualité, nonobstant nos éventuelles divergences de fond. Voilà un état d’esprit qui nous change. Si seulement il avait prévalu dès le début du quinquennat ! (Protestations sur les bancs de la majorité.) Alors, vous n’auriez pas eu, monsieur le garde des sceaux, à déplorer la « clochardisation » de la justice – je cite vos propres termes.

Annonçant un changement de politique pénale à propos des associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, le procureur François Molins a indiqué qu’il ouvrirait quasi systématiquement des informations judiciaires en matière criminelle et non plus en matière délictuelle. Cette approche peut se comprendre, même si nous avions proposé une autre solution, complémentaire : porter à quinze ans le quantum de la peine encourue – cette solution serait d’ailleurs préférée par les magistrats du siège du tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

La décision du parquet de Paris aura des conséquences matérielles très importantes pour la cour d’assises spéciale, compétente en matière de terrorisme. Si toutes les affaires instruites devaient donner lieu à un procès devant cette juridiction créée pour éviter que le jury ne soit, comme dans une affaire tristement célèbre, soumis à des pressions, ce sont soixante magistrats du TGI de Paris qui seraient en permanence mobilisés. Quels moyens supplémentaires prévoyez-vous donc pour une année budgétaire 2017 qui sera sans doute celle de ces premières sessions d’assises ? En ce qui concerne, plus généralement, les moyens du pôle antiterroriste, parmi lesquels les assistants administratifs, je souligne que les parties civiles sont très nombreuses dans les affaires de Nice et du Bataclan. La seule transmission des pièces, le seul envoi de notifications en lettre recommandée mobilisent donc des moyens considérables. Quelles mesures avez-vous envisagé pour y faire face ?

M. Gabriel Serville. Tout d’abord, je vous félicite, monsieur le garde des sceaux, pour les arbitrages que vous avez obtenus en faveur de la Guyane, avec une augmentation de 2 % des crédits alloués à la justice et une nette hausse des crédits du programme 101, « Accès au droit et à la justice », qui réalisent un bond de 13 %. Quand on sait dans quelle précarité vivent de nombreux Guyanais, c’est vraiment une bonne nouvelle – ce n’est pas le Défenseur des droits, récemment passé en Guyane, qui me démentirait.

Las ! Cet effort, aussi appréciable soit-il, ne saurait masquer l’état catastrophique du service public de la justice dans ce territoire. Aussi ma première question concerne-t-elle la cité judiciaire, véritable serpent de mer. J’ose espérer que ce projet connaîtra une issue aussi favorable que le nouveau commissariat de Cayenne, annoncé par votre homologue de l’intérieur, et dont la date de livraison a enfin été arrêtée, après des années de tergiversation.

Monsieur le garde des sceaux, qui vous êtes penché sur les évolutions de la Guyane, tant en termes démographiques qu’en termes de climat social, vous avez également fait un constat sans appel : il faut une cité judiciaire en Guyane, car, très bientôt, ni le tribunal de grande instance de Cayenne, ni sa chambre détachée à Saint-Laurent-du-Maroni ne pourront plus répondre aux besoins des justiciables. Serait-il possible d’avoir plus d’informations et de connaître l’état d’avancement de ce dossier ?

Ensuite, pourrions-nous avoir plus de précisions, notamment en termes de calendrier, sur le projet de construction d’une deuxième maison d’arrêt sur l’île de Cayenne, annoncé par le Premier ministre ?

M. Patrick Lebreton. L’examen des crédits de la mission « Justice » me donne l’occasion d’appeler votre attention sur l’utilisation des crédits du plan de lutte antiterroriste (PLAT) affectés à La Réunion. Une organisation syndicale m’a récemment saisi car les personnels ne constatent aucune évolution quant aux moyens déployés concrètement sur le terrain, qu’il s’agisse de sécurité passive, de sécurité active ou du déploiement d’une organisation efficiente du renseignement pénitentiaire, alors que les crédits des PLAT 1 et 2 ont été délégués aux structures. Aucune action concrète n’a pu être constatée par les personnels pénitentiaires, hormis celles concernant la population carcérale. Pourtant, La Réunion compte des personnes radicalisées ou fichées S. Il semblerait d’ailleurs qu’une partie de ces crédits ait été utilisée pour des dépenses de fonctionnement courant des établissements ; ce n’est pourtant pas l’usage auquel ils sont destinés.

Connaissant les représentants syndicaux locaux, je peux vous assurer que ce sont des fonctionnaires soucieux de remplir leur mission et de servir l’intérêt général. Dans un contexte où les forces de sécurité, au sens large, du terme, s’interrogent sérieusement quant aux moyens dédiés à l’accomplissement de leurs missions, je vous serais particulièrement reconnaissant si votre administration ou vous-même pouviez me transmettre des éléments relatifs à l’utilisation des crédits des PLAT délégués aux services de l’administration pénitentiaire à la Réunion.

M. Jean-Michel Clément. Je souhaite, monsieur le garde des sceaux, vous entretenir d’une question relative à l’accès la justice, cher au cœur de Mme Taubira comme au vôtre. Tout au long de cette législature, des efforts importants ont été fournis.

Ma question porte plus particulièrement sur l’accès aux lieux de justice, aux lieux où la justice est rendue. Les enceintes de justice sont des lieux qu’il convient de protéger, en toutes circonstances. La question de l’accès ne se pose évidemment pas pour les magistrats et les greffiers du lieu, mais elle peut se poser pour les auxiliaires de justice que sont les avocats. C’est un fait : la construction de nouveaux palais de justice, comme à Paris ou à Poitiers, où vous vous rendîtes récemment, mais aussi à Caen, à Périgueux et à Béziers, s’accompagne de la mise en place d’un accès sécurisé. Bien compréhensible, cette sécurisation ne doit pas constituer un obstacle pour ceux dont le métier les conduit plusieurs fois par jour à venir dans ces mêmes lieux. C’est pourquoi les ordres d’avocats ont proposé de recourir à un système de cartes à puce qui permettrait aux avocats d’accéder à leur palais de justice de rattachement. Le coût estimé de cette carte est de 15 euros par avocat, que les ordres se proposent d’assumer, allégeant ainsi les charges assumées par l’État. Êtes-vous favorable, monsieur le garde des sceaux, à un tel dispositif, voire à sa généralisation dans l’ensemble des enceintes de justice, qui en diminuerait le coût pour les ordres ?

M. Patrick Hetzel. Le Premier Président de la Cour de cassation a installé, le 10 octobre dernier, un groupe de travail consacré à l’autonomie budgétaire de l’autorité judiciaire. Je voudrais vous interroger sur deux idées qu’il a développées dans son discours disponible sur le site internet de la Cour. Tout d’abord, il se demande, si, face à la misère de la justice judiciaire, la seule réponse financière, c’est-à-dire l’accroissement du budget du ministère de la justice est suffisante – de manière implicite, il s’interroge aussi sur l’organisation. Ensuite, il se demande s’il n’est pas temps d’envisager une réforme budgétaire ambitieuse, qui placerait le budget de la justice en dehors de la place Vendôme ?

Je pense que vous ne pouvez pas être indifférent à ces questions, qui remettent en cause le rôle du garde des sceaux. Ce qui est en jeu, c’est aussi une vision du service public. Évidemment, cela ne concerne pas directement le budget 2017, mais il s’agit là de questions politiques qui me semblent fondamentales.

M. le président Dominique Raimbourg. Je m’associe, monsieur le garde des sceaux, aux compliments qui vous ont été adressés. J’ai, pour ma part, deux questions.

Tout d’abord, comment réduire le nombre de courtes peines ? Bien souvent, elles frappent des délinquants multirécidivistes dont la délinquance est difficile à accepter socialement, mais elles conduisent ces individus à faire de la prison leur résidence secondaire, voire principale. Ces courtes peines sont une réponse à très court terme, mais non, finalement, une solution. La contrainte pénale visait à réduire leur nombre. Comment relancer celle-ci ?

Par ailleurs, Mme Taubira soulignait, au cours des travaux précédant la réforme pénale, que près de 80 % des détenus quittaient la prison sans suivi. Comment relancer ce suivi ? Et comment faire en sorte que des fins de peine se passent à l’extérieur des murs de la prison, avec un véritable suivi ?

M. Dominique Lefebvre, président. Comme vous le savez, monsieur le garde des sceaux, la maison d’arrêt d’Osny est située dans ma circonscription – nous nous y étions rencontrés en juin. De graves incidents y ont eu lieu, et j’y suis retourné depuis lors. Il fallait prendre des décisions, et vous les avez prises. Cependant, je veux témoigner du fait que si le personnel pénitentiaire, qui a vécu des moments particulièrement terribles, et avec qui j’ai discuté, demande que la réalité soit prise en compte il n’en reste pas moins impliqué, il veut continuer son action sur l’ensemble de ces questions.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Merci, monsieur le président, pour les personnels pénitentiaires. Vous avez raison : ceux d’Osny ont été douloureusement, dramatiquement éprouvés. Un surveillant a même frôlé la mort. Je lui ai rendu visite à l’hôpital, je l’ai revu par la suite. L’engagement de l’équipe de prévention de la radicalisation est impressionnant : aucun de ses membres n’a, à aucun moment, voulu la quitter, et tous sont convaincus de l’utilité de leur fonction, nonobstant les difficultés. Et les décisions que nous avons prises mardi dernier se nourrissent précisément du temps que nous avons passé avec les équipes d'Osny, de Lille-Annœullin, de Fleury-Mérogis et de Fresnes. Le pluriel utilisé était parfaitement justifié : aucun projet n’était identique à un autre, celui d’Osny n’était pas celui de Lille-Annœullin, celui du centre d’évaluation de Fresnes n’était pas celui de Fleury-Mérogis.

Je ne suis pas d’accord avec M. Larrivé lorsqu’il parle d’expérimentation hasardeuse ; c’était même plutôt courageux. Nous ne pouvons avancer que par tâtonnements. Ainsi, nos collègues anglais, longtemps extrêmement réticents à l’idée de regrouper les détenus radicalisés, parce qu’ils avaient l’expérience de l’Irish Republican Army (IRA), ont changé de fusil d’épaule et sont désormais convaincus qu’il faut regrouper. Il n’existe pas de chemin tout tracé, il faut expérimenter. J’ai redit hier, dans l’hémicycle, ma gratitude à la directrice de l’administration pénitentiaire, Mme Isabelle Gorce. Ce n’était pas une décision facile.

Les personnels, qui étaient volontaires, nous ont beaucoup appris et continuent de nous apprendre beaucoup. Ce que nous allons faire, nous le ferons en partie grâce à eux, et peut-être aussi un peu grâce aux structures mises en place depuis huit mois, notamment un comité scientifique qui réunit régulièrement à la Chancellerie des universitaires qui connaissent le sujet de la détention – certains écrivent des livres, on les voit parfois sur les plateaux de télévision, et leur expertise est reconnue –, mais aussi d’autres, pour qui ces problèmes de radicalisation sont un champ d’expertise nouveau. Je pense tout naturellement aux spécialistes de sciences cognitives, qui nous apprennent beaucoup. Avec eux, nous avons élaboré la grille de détection qui sera dorénavant utilisée dans nos structures. J’ai également souhaité, au sein du ministère, un comité de pilotage de la lutte contre la radicalisation, car les actions et réflexions des uns et des autres, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire, de la direction des affaires criminelles et des grâces, sont différentes. Il fallait créer cette relation.

Merci, donc, monsieur le président, des mots que vous avez eus pour les plus de 30 000 personnes qui travaillent dans nos services.

M. Hetzel pose une question fondamentale, objet d’un vrai débat au sein de notre institution. N’ayant malheureusement pas le temps de développer ma pensée, j’aurai l’outrecuidance de vous renvoyer aux propos que j’ai tenus au Sénat, dans le cadre d’un colloque organisé par la Cour de cassation, sur la place de l’autorité judiciaire dans la société. Ne revendique-t-on pas un pouvoir judiciaire ? Ne veut-on pas passer de l’autorité judiciaire au pouvoir judiciaire ? Cette question me paraît totalement légitime. Cependant, la Constitution ne comporte pas plus les expressions de « pouvoir législatif » et de « pouvoir exécutif » que celle de « pouvoir judiciaire ». L’expression « autorité judiciaire » ne doit donc pas être lue comme interdisant un « pouvoir judiciaire ».

Cependant, si l’on en croit une très belle formule de Marc Aurèle, seul un esprit serein peut juger. Je ne crois pas que la fonction du juge soit de s’occuper du budget. Je ne vois pas comment on pourrait demander à un magistrat de faire, au quotidien, le travail titanesque que j’essaie d’accomplir pour obtenir les arbitrages dont certains ont la gentillesse de me féliciter, pour essayer ici ou là de convaincre nos interlocuteurs dans tel ou tel ministère, eux-mêmes assaillis de demandes forcément urgentes. Je ne me rallie donc pas à ces revendications qui conduiraient à donner des pouvoirs financiers à l’autorité judiciaire. Je ne crois pas que ce serait pertinent ni légitime. D’ailleurs, ceux qui étaient intervenus à ce colloque, du président Larcher au président de la commission des lois du Sénat, en passant par d’autres élus partageaient plutôt ce point de vue. J’ai essayé de répondre de manière rigoureuse et construite au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près celle-ci, c’est pourquoi je me permets de vous renvoyer à mon propos d’alors.

Gabriel Serville m’a notamment interrogé sur la Guyane. De nombreux travaux ont été lancés sur les différents sites depuis 2012, pour un montant de plus de 7 millions d’euros. Certains sont toujours en cours, et des projets sont envisagés pour la cour d’appel. En ce qui concerne le palais de justice, des travaux d’un montant de 5 millions d’euros ont été organisés en deux phases : de grosses réparations jusqu’au mois de septembre dernier, puis un réaménagement des locaux de ce mois d’octobre à l’année 2018. Ensuite, nous nous attaquerons à la cour d’appel de Cayenne proprement dite. La construction d’une maison d’arrêt, évoquée par le Premier ministre, sera traitée comme en métropole : nous attendons de trouver un site pour la construire, car nous avons besoin de quinze hectares pour ces 300 places. Soyons francs : ces travaux ne sont pas inscrits au budget de l’année 2017, puisqu’ils sont plutôt prévus pour 2018 ou 2019. Je suis à votre disposition, monsieur Serville, comme à celle de votre collègue Chantal Berthelot, pour aborder avec vous tous les sujets qui relèvent du ministère de la justice à Cayenne ; j’en mesure la nécessité, d’autant que ces sujets sont nombreux. Vous m’avez d’ailleurs déjà interrogé sur le site de Rémire-Montjoly, source de préoccupation constante pour l’administration pénitentiaire.

Évidemment, monsieur Ciotti, la stratégie de criminalisation de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste retenue par le parquet de Paris aura des conséquences sur la cour d’appel. Nous en discutons avec sa première présidente, ainsi qu’avec la procureure générale de Paris, pour arriver à calibrer les effectifs. À ce stade, nous avons envisagé qu’il y ait cinq magistrats et deux greffiers supplémentaires pour les sessions d’assises prévues. Nous ne savons pas plus que la cour, à ce stade, combien d’affaires seront jugées, ni quel sera le calendrier. Des propositions ont été faites, notamment pour réduire le nombre de magistrats siégeant en cour d’assises spéciale, qui passerait de sept à cinq ; nous n’en avons pas encore débattu, mais la question est posée. Des procès ont déjà eu lieu et soixante-quinze condamnations ont été prononcées en ces matières. D’autres procès sont prévus pour le mois de novembre, et ensuite. Il ne s’agit pas uniquement de terrorisme islamiste, il y a d’autres affaires de terrorisme, et nous avons déjà accru les moyens, avec un juge d’instruction supplémentaire et quatre juges non spécialisés pour les assises.

Nous avons précisément créé les assistants de justice pour faciliter le travail des juridictions – vous savez que les magistrats sont très demandeurs de ce qu’ils appellent une « équipe du magistrat ». D’autre part, dans le cadre de la loi organique du 8 août 2016 et de la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle, nous avons prévu de créer le statut de juriste assistant. C’est compliqué : nous avons créé les juristes assistants, les assistants de justice et les assistants spécialisés, et il n’y a guère que mes conseillers qui distinguent les uns et les autres... En matière de terrorisme, ce sont 270 postes de juriste assistant que nous avons ouverts aux personnes disposant d’une expérience professionnelle de deux années et d’un diplôme sanctionnant une formation juridique d’au moins cinq années après le baccalauréat – soit un niveau master –, et aux personnes ayant une expérience professionnelle et un doctorat de droit. Au dernier trimestre de cette année, 175 postes sont ouverts ; à partir du mois de janvier prochain, il y en aura 95 supplémentaires. Pour l’heure, 121 sont pourvus. Les tribunaux ont plutôt attendu la fin de l’année universitaire – concrètement : le mois dernier – pour recruter. Ces professionnels seront très utiles compte tenu de leur expertise juridique.

Jean-Michel Clément m’interroge sur l’accès des avocats, et pas seulement au palais de justice de Poitiers, qui s’annonce splendide, l’œuvre d’un architecte manifestement de génie, vu la manière dont il a su articuler son projet avec la topographie. Chaque fois que vous me proposerez, monsieur le député, des avancées au coût nul pour l’État, je vous prêterai une oreille attentive ! L’accès des avocats aux palais de justice ne me paraît pas devoir être discuté : c’est une condition du bon fonctionnement de la justice, c’est leur droit plein et entier, qui ne peut souffrir d’exceptions. Bien sûr, des problèmes de sécurité peuvent se poser, notamment en ce qui concerne l’accès à un immeuble de grande hauteur comme celui qui est en cours de construction aux Batignolles. J’en ai beaucoup parlé avec le bâtonnier Sicard, qui a fait des propositions. Je suis pour ma part totalement ouvert à l’idée d’une contribution des ordres visant à permettre l’accès des avocats. Chacun doit cependant comprendre qu’un travail soutenu et continu n’est possible que si les services ne sont pas sollicités en permanence ; il s’agit de faire preuve de respect mutuel et de compréhension réciproque. Sous cette réserve, je serai par principe favorable aux propositions des barreaux, quoique je ne puisse formuler une position dogmatique devant s’appliquer à l’ensemble des juridictions. Breton, je crois à la subsidiarité ; toute solution locale me paraît donc devoir être expertisée avant qu’il soit demandé au sommet de la pyramide de se prononcer. Oui au principe, et nous en reparlerons si des difficultés se présentent.

Mme Bechtel m’a interrogé sur le fonctionnement de notre institution. Je confesse que sa complexité ne cesse de me surprendre. Bien sûr, la complexité et la longueur de la chaîne, notamment de la chaîne financière, ne sont pas toujours de nature – tout le monde en est convaincu – à garantir son efficience. Mes interlocuteurs sont cependant motivés, notamment le secrétaire général du ministère, dont le rôle devra être renforcé. Nous avons demandé une inspection conjointe de l’inspection des services judiciaires et de l’inspection générale des finances, qui examineront ces circuits longs et complexes de la chaîne de dépenses au sein du ministère. J’ai eu beaucoup de débats avec Christian Eckert au moment des arbitrages budgétaires. Pour Bercy, nous sommes compliqués, avec une multiplicité de « petits » ordonnateurs. Bercy nous invite donc à la rationalisation. Le problème est que la rationalisation ne peut pas toujours passer par la centralisation – notamment dans le cas de la PJJ. L’intégration des unités nécessite précisément une capacité d’investissement et de commande locale, donc une « morcellisation » des centres de décision. Néanmoins, avec cette mission d’inspection, nous regardons BOP par BOP, UO par UO, cour d’appel par cour d’appel, comment faire mieux. L’insuffisance de moyens dont nous sommes aujourd’hui victimes n’est évidemment pas un contexte propice. J’essaie donc d’agir sur ces deux plans. Croyez en tout cas, madame la députée, à la détermination du ministère, notamment de son secrétaire général, mais aussi de nos interlocuteurs, dont l’exigence n’est jamais prise en défaut. Croyez également que les premiers présidents et les procureurs généraux ont le souci d’être à la hauteur des nouvelles responsabilités qui leur sont données.

Le président Raimbourg m’invite en fait à revenir devant la commission des lois. Il m’interroge effectivement sur notre travail en matière de contrainte pénale et sur l’application de la loi du 15 août 2014, laquelle visait à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive. Les deux questions que vous me posez, monsieur le président Raimbourg, touchent au cœur de cette démarche. Je ne crois pas que l’on puisse qualifier la contrainte pénale d’échec. Certes, les résultats sont modestes, et non à la hauteur de ce qui était envisagé dans l’étude d’impact, mais ils sont intéressants : 89 % des tribunaux de grande instance ont prononcé une mesure de contrainte pénale. Tous n’y recourent pas de manière massive, mais tous commencent à voir s’ils peuvent le faire. Il est effectivement très compliqué de modifier des habitudes, et il a fallu du temps pour que les uns et les autres saisissent la différence entre sursis avec mise à l’épreuve et contrainte pénale. Beaucoup n’osent pas recourir à la contrainte pénale parce qu’ils craignent un suivi insuffisant, ce qui nous ramène à la question des recrutements de CPIP : sans eux, pas de suivi.

Dans le même ordre d’idées, la libération sous contrainte est un formidable principe, mais à rebours de celui des aménagements de peine. L’aménagement n’est possible que si un projet existe. La libération sous contrainte, c’est l’inverse : elle donne la possibilité de bâtir un projet. Cela nécessite une mutation des pratiques professionnelles, une culture de la discussion, toutes choses qui commencent à se faire jour dans les juridictions, où le sujet revient. Je ne prétends certes pas que nous soyons à l’aube d’une révolution copernicienne, ni que nous ayons trouvé la pierre philosophale, mais qu’il faille deux ans pour que des usages, des habitudes se modifient me paraît supportable. Par ailleurs, si les procureurs ne requièrent pas la contrainte pénale – dans ma circulaire de politique pénale, j’ai demandé qu’ils le fassent –, les avocats ne la demandent pas non plus pour leurs clients. Une mutation est donc nécessaire des deux côtés. J’espère que le rapport que je vous présenterai aura une vertu pédagogique. Il montrera les avantages de la contrainte pénale et envisagera des évolutions réglementaires – non législatives. Il s’agit de faire en sorte que cet outil que vous avez créé, à la disposition des magistrats, puisse produire des effets, l’objectif visé étant d’éviter la récidive.

Monsieur Lebreton, j’ai bien entendu votre question sur les crédits du PLAT. Ont-ils bien été dépensés ? Je me ferai un devoir de vous répondre de la manière la plus précise possible et, si vous voulez venir à la Chancellerie, vous êtes le bienvenu.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le garde des sceaux, je vous renouvelle nos remerciements, pour la qualité du budget que vous nous présentez, mais aussi pour celle de vos interventions.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, garde des Sceaux, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Justice » (Mme Elisabeth Pochon, rapporteure pour avis « Accès au droit et à la justice et aide aux victimes » ; M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire » ; M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis « Justice administrative et judiciaire » ; Mme Colette Capdevielle, rapporteure pour avis « Protection judiciaire de la jeunesse »).

Conformément aux conclusions de Mme Élisabeth Pochon, M. Jean-Yves Le Bouillonnec et Mme Colette Capdevielle, mais contrairement à l’avis de M. Guillaume Larrivé, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2017.

Article 57 (art. 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) : Revalorisation de l’aide juridictionnelle

M. Dominique Raimbourg, président. L’amendement n° II-92, présenté par le Gouvernement, vise à revaloriser l’unité de valeur servant au calcul de la rétribution des avocats à l’aide juridictionnelle en la portant de 30 à 32 euros.

Mme Élisabeth Pochon, rapporteure pour avis « Accès au droit et à la justice et aide aux victimes ». Il s’agit d’une augmentation attendue par la profession.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis « Justice administrative et judiciaire ». Indépendamment de cette progression, le Gouvernement s’est engagé à revoir la rétribution des avocats dans le cadre, d’une part, de la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel devant notaire et, d’autre part, de la procédure d’hospitalisation sous contrainte. Le Gouvernement étudie également l’extension des dispositifs de contractualisation locale entre les juridictions et les barreaux, ce qui permettrait d’améliorer la mise en œuvre de l’aide juridictionnelle et de mieux rétribuer les avocats.

Suivant l’avis de Mme Élisabeth Pochon, rapporteure pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’amendement n° II-92 du Gouvernement. Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 57 modifié.

Après l’article 57

M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire ». Les crédits de l’administration pénitentiaire ont augmenté de 27,1 % entre 2007 et 2012 et de 14 % entre 2012 et 2017, ce qui prouve certes une tendance continue à la hausse mais aussi une légère rupture de rythme entre les deux quinquennats.

Je présente par ailleurs deux amendements qui visent à créer une contribution des détenus solvables au financement de leurs frais d’incarcération. L’amendement n° II-CL 16 prévoit une contribution qui varierait en fonction des ressources du détenu. L’amendement n° II-CL17, s’inspirant du modèle de la redevance pour service rendu, institue une contribution à montant fixe dont le produit serait affecté à l’Agence publique pour l’immobilier de la justice. J’ai bien conscience que, dans le contexte politique actuel, il s’agit d’amendements d’appel.

M. Dominique Raimbourg, président. Nous nous étions penchés sur cette question en 2014, lorsque nous avons examiné les modalités de restitution des sommes bloquées sur les pécules des détenus aux parties civiles qui ne font pas connaître leur adresse. Nous avions alors constaté que les sommes dont les détenus disposent sont souvent très faibles et que le coût de leur recouvrement pourrait être supérieur aux gains attendus. Vos amendements soulèvent donc une question légitime mais à laquelle il ne peut être répondu par un système dont le coût serait supérieur aux bénéfices.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis « Justice administrative et judiciaire ». J’indique que notre collègue avait déjà déposé l’un de ces amendements lors de la discussion, en première lecture, du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et qu’il avait été rejeté par l’Assemblée.

M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire ». Les amendements que je vous soumets sont différents puisqu’il s’agit soit d’une contribution variant avec le revenu du détenu, soit d’une redevance pour le financement du service public pénitentiaire, dans les deux cas perçues sur les seuls détenus définitivement condamnés et solvables, ce qui n’était pas le cas de l’amendement que vous évoquez.

La Commission rejette les amendements nos II-CL16 et II-CL17 de M. Guillaume Larrivé.

PERSONNES ENTENDUES

• Ministère de la Justice

Cabinet du Garde des Sceaux

 M. David Rey, conseiller parlementaire

 M. Romuald Gilet, conseiller budget, immobilier, modernisation 

 Mme Nathalie Vergez, conseillère politique pénale et action publique 

Secrétariat général du ministère de la Justice

 M. Stéphane Verclytte, secrétaire général du ministère de la Justice

 M. Yves Badorc, chef du Service de l’Accès au Droit et à la Justice et de l’Aide aux Victimes (SADJAV)

 Mme Anne Rivière, cheffe du bureau de l’aide aux victimes et de la politique associative

• Ministère des Affaires étrangères

 M. Patrice Paoli, directeur du Centre de crise et de soutien

 Mme Annick Étienne-Diener, sous-directrice du centre des opérations d’urgence du centre de crise et de soutien

• Ministère des Affaires sociales et de la santé

Direction générale de la santé

 Mme Anne-Claire Amprou, directrice générale adjointe

 M. Thierry Paux, faisant fonction de sous-directeur de la veille et de la Sécurité Sanitaire

 M. Jean-Marc Philippe, conseiller médical à la sous-direction de la Veille et de la Sécurité Sanitaire et conseiller médical du directeur général

Direction générale de l’offre de soins

 M. Samuel Pratmarty, sous-directeur de la régulation de l’offre de soins

 M. Thierry Kurth, adjoint au chef de bureau R4 « bureau Prises en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale »

 Mme Julie Biga, adjointe au chef de bureau R4 « bureau Prises en charge post aigües, pathologies chroniques et santé mentale »

• Secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes

 Mme Pauline Girot de Langlade, conseillère financière et budgétaire

 Mme Eugénie Marie, conseillère en charge des dispositifs d’aide aux victimes

• Associations de victimes

 Mme Michèle de Kerckhove, présidente de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM), et M. Jérôme Bertin, directeur général par suppléance

 M. Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats et accidents collectifs (FENVAC)—  Mme Françoise Bulus, secrétaire générale de l’Association 13 novembre : fraternité et vérité

 M. Guillaume Denoix de Saint-Marc, directeur générale l’Association française des victimes du terrorisme

 Mme Aurélia Gilbert, administratrice au sein de l’Association 13 novembre : fraternité et vérité

 M. Sébastien Michellet, membre du Conseil d’administration de l’Association Life for Paris-13 novembre 2015

 Mme Florence Monjault, administrateur au sein de l’Association Life for Paris-13 novembre 2015

 M. Samuel Charon, administrateur au sein de l’Association Life for Paris-13 novembre 2015

 M. Vincent Delhomel-Desmarest, secrétaire général de l’Association Promenade des anges : 14 juillet

• Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI)

 M. Julien Rencki, directeur général

 Mme Nathalie Faussat, directrice

• Conseil National des Barreaux (CNB)

 Mme Béatrice Voss, membre des commissions Textes et libertés des Droits de l’homme, membre du Comité interministériel de suivi des victimes (CISV)

 M. Jacques Édouard Briand, responsable relations avec les pouvoirs publics

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