N° 705 - Rapport d'information de M. Arnaud Leroy déposé par la commission des affaires européennes sur la mise en oeuvre de la convention de Hong Kong relative au recyclage des navires




No 705

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la mise en
œuvre de la convention de Hong Kong
relative au recyclage des navires

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Arnaud LEROY,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves Daniel, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 5

I. ÉTAT DES LIEUX ET RÉGLEMENTATION 9

A. LES CARACTÉRISTIQUES DU SECTEUR DU DÉMANTÈLEMENT DES NAVIRES 9

1. Un marché en croissance soutenue 9

a) Une croissance propice à l’activité dans les pays en développement dominants sur le marché 9

b) La situation en Europe et en France 10

2. Des conséquences environnementales et sanitaires graves 11

B. LA CONVENTION DE HONG KONG 11

1. Jusqu’à 2009, une réglementation internationale inadaptée 11

2. Une convention spécifique pour encadrer le recyclage des navires 12

a) L’inspection des navires et la délivrance de certificats 12

b) Les contrôles et les sanctions en cas de manquement aux obligations prévues 13

c) Entrée en vigueur 14

II. TRAVAUX EUROPÉENS PRÉCURSEURS 15

A. LE LIVRE VERT DE 2007 DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 15

B. LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE RELATIVE À UNE STRATÉGIE POUR L’AMÉLIORATION DES PRATIQUES DE DÉMANTÈLEMENT DES NAVIRES 16

1. Trois objectifs 17

2. Six actions 17

C. LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE SUR LES LIENS ENTRE LA CONVENTION DE HONG KONG, LA CONVENTION DE BÂLE ET LE RÈGLEMENT EUROPÉEN RELATIF AUX TRANSFERTS DE DÉCHETS 18

1. L’intérêt de signer pour les États du pavillon et les États recycleurs 18

2. Les limites normatives de la convention de Hong Kong 19

III. TEXTES EN DISCUSSION 21

A. LA PROPOSITION DE DÉCISION APPELANT À RATIFIER LA CONVENTION DE HONG KONG 21

1. La situation en 2012 21

2. Le devoir, pour l’Union et ses États membres, de ratifier la convention 22

3. Un texte en suspens 22

B. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT VISANT À ANTICIPER L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA CONVENTION DE HONG KONG 23

1. Couvrir sans plus tarder l’ensemble du cycle de vie des navires 23

2. Les mesures proposées pour anticiper l’entrée en vigueur de la convention 23

a) Établissement et tenue à jour d’un inventaire des matières dangereuses 24

b) Contrôle régulier de cet inventaire tout au long de la vie du navire 24

c) Élaboration d’un plan de recyclage pour chaque navire avant démantèlement 24

d) Octroi d’autorisations pour les installations de recyclage de navires 24

3. Les mesures mieux-disantes 25

a) Établissement d’une liste des installations européennes de recyclage autorisées à démanteler des navires 25

b) Élaboration et approbation d’un plan relatif à l’installation de recyclage des navires 25

c) Signature d’un contrat entre le propriétaire du navire et l’installation de recyclage 25

C. DIFFICULTÉS À LEVER DANS LES NÉGOCIATIONS 25

1. Le respect des conditions d’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong 26

2. La compatibilité avec l’« interdiction de Bâle » 27

3. La constitution d’un fonds incitatif 27

4. La « clause d’effort » pour les bâtiments d’État et de guerre 28

5. L’extension de l’obligation d’inventaire des matières dangereuses à tous les navires 28

6. L’extension, tout au long de sa durée de vie, du plan de recyclage du navire 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

PROPOSITION DE CONCLUSIONS 33

ANNEXE 35

liste des personnes auditionnées 37

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Le marché du démantèlement des navires a connu une croissance soutenue, au point que, depuis 2009, plus de 1 000 unités sont envoyées annuellement à la casse.

Le marché se concentre sur un oligopole asiatique : cinq pays – l’Inde, le Bengladesh, la Chine, le Pakistan et la Turquie – recyclent invariablement autour de 95 % du tonnage mondial total, profitant de coûts de main-d’œuvre imbattables et de lacunes criantes en matière de droit du travail et de l’environnement.

En effet, à tous les stades de la déconstruction, les mesures les plus élémentaires de protection de la sécurité et de la santé des ouvriers, ainsi que de préservation de l’eau, du sol et de l’air, y sont négligées. Au demeurant, dans l’état actuel du droit international, la déconstruction des navires en fin de vie n’est pas encadrée, le sujet n’étant abordé que tangentiellement.

C’est pourquoi la convention de Hong Kong relative au « recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires » a été adoptée, le 15 mai 2009, au terme d’une conférence internationale de l’Organisation maritime internationale (OMI). Ce texte couvre la totalité du cycle de vie des navires d’un tonnage supérieur ou égal à 500 gigatonnes, à l’exclusion des navires de guerre et des navires d’État. Il entend combler les insuffisances du cadre juridique international et promouvoir, de la conception des navires à leur démantèlement, en passant par leur construction et leur entretien, des méthodes compatibles avec les impératifs de droit international de protection de la santé humaine et de l’environnement.

La convention de Hong Kong n’entrera cependant en vigueur que vingt-quatre mois après sa ratification par quinze États dont les flottes marchandes représentent 40 % de la flotte mondiale et dont les propres capacités de recyclage s’élèvent à au moins 3 % de leurs flottes.

La France est le premier pays à avoir ratifié la convention de Hong-Kong ; il ne lui reste qu’à déposer l’instrument de ratification auprès du secrétariat de la convention. Mais la plupart des autres pays, y compris des autres États membres de l’Union européenne, ne sont pas prêts de s’engager sur la voie de l’adoption de la convention, qui n’a encore été paraphée que par cinq pays dans le monde.

Quant à l’Union européenne, n’étant pas un État, il ne lui est pas permis, intuitu personae, d’adhérer à la convention. Elle n’en a pas moins intérêt à agir et a donc lancé, en 2007, un processus de réflexion et de concertation, en vue de légiférer sur ce sujet.

Au terme de ce processus, le 23 mars 2012, elle a déposé deux propositions d’actes, visant à ouvrir deux « fronts » législatifs pour donner une impulsion communautaire au dossier :

- une proposition de décision du Conseil « exigeant des États membres qu’ils ratifient la convention internationale de Hong Kong […] ou qu’ils [y] adhèrent » ;

- une proposition de règlement européen « relatif au recyclage des navires », destinée à anticiper la ratification et l’entrée en vigueur de ladite convention.

La proposition de décision n’est pas même évoquée dans le programme de la présidence irlandaise, dans la mesure où la mise en œuvre concrète de ses dispositions par l’Union européenne sera assurée par le second texte, le futur règlement, jugé, de ce fait, prioritaire.

Sans attendre la ratification et l’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong, cet acte législatif a pour objectif général de réduire de manière significative et durable, à l’horizon 2020, les effets dommageables du recyclage des navires sur la santé humaine et l’environnement, en particulier en Asie du Sud, sans imposer pour autant de nouvelles charges économiques inutiles à nos armateurs.

Le texte tend à incorporer en droit européen les dispositions de la convention, en couvrant l’ensemble du cycle de vie des navires battant le pavillon d’un État membre de l’Union européenne. Au-delà de la mise en œuvre anticipée des exigences de la convention, il imposerait des critères environnementaux plus stricts aux installations de recyclage de navires, conformément à une possibilité prévue par la convention.

Du côté du Parlement européen, la proposition de règlement pourrait être soumise au vote en Commission Environnement le 19 février puis en séance plénière courant avril, sous réserve que soient levés une série de blocages, le rapporteur Carl Schlyter ayant formulé plusieurs propositions contestées. La présidence irlandaise, dans son programme de travail, a indiqué qu’elle entendait conduire ce dossier à son terme, ce qui supposerait un accord en première lecture.

Les questions suivantes restent toutefois en suspens :

- la compatibilité de la convention de Hong Kong avec la convention de Bâle ;

- l’opportunité d’instaurer un fonds incitatif afin de subventionner les armateurs européens qui opteront pour les sites respectant les normes les plus élevées ;

- l’introduction d’une « clause d’effort » pour les flottes d’État et de guerre ;

- l’obligation d’établir un inventaire des matières dangereuses pour tous les navires faisant escale dans un port de l’Union européenne, y compris ceux battant pavillon d’un pays non membre ;

- l’obligation d’établir un plan de recyclage du navire tout au long de sa durée de vie et pas seulement lors de sa période ultime d’activité.

Sur tous ces points, la Commission des affaires européennes a adopté, à l’unanimité, les conclusions proposées par le rapporteur.

I. ÉTAT DES LIEUX ET RÉGLEMENTATION

La communauté internationale, structurée au sein du Comité de la protection du milieu marin (CPMM) de l’Organisation maritime internationale (OMI), a pris conscience de la gravité des conditions dans lesquelles se déroulent la plupart des opérations de démantèlement des navires, les chantiers étant concentrés en Asie du Sud.

Le marché du démantèlement des navires a connu une croissance soutenue, au point que, depuis 2009, plus de 1 000 unités sont envoyées annuellement à la casse. Ce phénomène est dû à plusieurs facteurs :

- l’évolution de la législation internationale et européenne, particulièrement l’interdiction des pétroliers à coque simple ;

- la course à la compétitivité, qui tend à réduire le seuil à partir duquel un propriétaire juge trop élevé le coût d’entretien ou de remise en état des équipements de son navire ;

- la surcapacité dans le secteur du transport maritime, chez de nombreuses compagnies, comme l’opérateur français CMA CGM, en conséquence de la pénurie de marchandises à transporter, qui a été mal anticipée2 ;

- l’explosion du cours des métaux, qui dope la valeur des carcasses, susceptibles d’être transformées en poutres métalliques ;

- l’accroissement tendanciel de la taille des bâtiments, notamment des porte-containers, mis en circulation et par conséquent démantelés quelques décennies plus tard, qui confine à une course au gigantisme3.

Le marché se concentre sur un oligopole asiatique : en 2011, l’Inde a trusté 458 coques à démanteler, devant le Bengladesh, la Chine, le Pakistan et la Turquie – seul pays proche géographiquement de la France qui continue de pratiquer un recyclage de taille industrielle –, avec respectivement 145, 142, 108 et 72 unités. Ces cinq pays recyclent invariablement autour de 95 % du tonnage mondial total mis à la casse, profitant de coûts de main-d’œuvre imbattables et de lacunes criantes en matière de droit du travail et de l’environnement, mais aussi, point plus positif, d’un volontarisme pour développer la mise en place de filières spécifiques modernes4.

Compte tenu du degré d’occupation des sols sur le littoral, des arbitrages économiques et des exigences réglementaires, tant en matière de sécurité que d’écologie – des contraintes environnementales draconiennes doivent en particulier être respectées sur les sites Natura 2000 –, aucun site industriel n’est disponible, dans les ports français, pour déconstruire les navires de taille importante. En Europe, le site d’Hartlepool, où l’ex-Clemenceau a finalement été traité, est en ce sens exceptionnel, car il dispose notamment de la plus grande cale sèche au monde, au point qu’il s’est spécialisé dans la déconstruction des anciennes plateformes pétrolières et gazières.

Pour ce qui concerne la France, il convient tout de même de noter qu’une filière industrielle, spécialisée dans le « pré-nettoyage », est en cours de constitution dans la région bordelaise.

Juste après le scandale du Clemenceau et des ghost ships5 traversant l’Atlantique pour être démantelés en Grande-Bretagne, le Grenelle de la mer exprima en effet clairement la volonté politique de développer une filière européenne de recyclage et surtout de « pré-nettoyage ». Il s’agit, avant d’envoyer les navires à la casse pour récupérer les matières premières nobles comme l’acier, de traiter les déchets toxiques de manière responsable, ce que les pays comme le Bangladesh ne sont pas en mesure de faire aujourd’hui. Malheureusement, la pratique inverse se développe : charger les navires de déchets avant de les envoyer au démantèlement.

La préoccupation formulée lors du Grenelle de la mer reste donc d’actualité et il est à espérer que la filière bordelaise pourra prospérer et atteindre la taille critique.

Dans les pays dominants sur ce marché, à tous les stades de la déconstruction, les mesures les plus élémentaires de protection de la sécurité et de la santé des ouvriers, ainsi que de préservation de l’eau, du sol et de l’air, sont le plus souvent négligées. La liste des améliorations indispensables à apporter est longue :

- le confinement des sites pour empêcher la diffusion d’émanations ou d’écoulements, qu’il s’agisse de particules d’amiante, de gaz toxiques ou de liquides chargés en métaux lourds ;

- la collecte, le tri, le stockage et le recyclage des hydrocarbures et des matériaux pollués ;

- l’équipement des chantiers en engins de levage et des hommes en matériels individuels de protection pour réduire les risques d’accidents corporels ;

- la ventilation des installations pour réduire les risques d’incendie, d’explosion ou d’asphyxie.

Dans l’état actuel du droit international, la déconstruction des navires en fin de vie n’est pas encadrée, le sujet n’étant abordé que tangentiellement dans des textes destinés à combattre les causes de la pollution maritime, qu’il s’agisse de l’interdiction de l’immersion des navires en fin de vie ou de la prévention de la pollution des navires en exploitation commerciale.

La convention de Bâle6, qui cherche à éviter les exportations de déchets industriels vers les pays en développement, ne constitue pas non plus un outil efficace pour améliorer les conditions de démantèlement des navires, pour plusieurs raisons :

- juridiquement, il est contesté qu’un navire en fin de vie mais en état de naviguer pour rejoindre son port de démantèlement puisse être considéré comme un déchet ;

- techniquement, le démantèlement d’un navire est une opération complexe comportant certes des opérations d’élimination, pour ce qui concerne l’amiante et les autres produits toxiques, mais aussi des opérations de valorisation, portant par exemple sur les métaux de la structure ;

- concrètement, les armateurs ressortissants des pays développés, à commencer par ceux de l’Union européenne, peuvent aisément échapper aux obligations de la convention de Bâle en recourant au dépavillonnement.

La convention de Hong Kong relative au « recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires » a été adoptée le 15 mai 20097, au terme d’une conférence diplomatique ad hoc organisée à Hong Kong par l’OMI. Ce texte entend combler les insuffisances du cadre juridique international actuel et promouvoir, de bout en bout de la durée de vie des navires – c’est-à-dire de la conception au démantèlement en passant par la construction et l’entretien –, des méthodes compatibles avec les impératifs de droit international de protection de la santé humaine et de l’environnement.

D’abord, les États parties seront tenus de veiller à ce que les navires battant leur pavillon ou exploités sous leur autorité se conformeront aux exigences de la convention et pourront justifier de documents requis :

- le certificat international attestant que le navire possède un inventaire des matières potentiellement dangereuses, précisant leur localisation dans la structure et évaluant leur quantité, valable pour cinq ans maximum, délivré au terme d’une visite initiale pour les navires neufs puis de visites de renouvellement pour les navires en circulation ;

- le certificat international attestant que le navire est prêt pour le recyclage, exigé avant sa mise hors service et avant le début de son recyclage, délivré pour trois mois au maximum mais susceptible d’être prorogé pour permettre au navire d’effectuer son dernier voyage vers une installation de recyclage.

Le contrôle de l’activité des installations de recyclage

Les États parties seront tenus de veiller à ce que les installations de recyclage relevant de leur juridiction opèreront conformément aux prescriptions de la convention :

- les installations devront mettre en œuvre des procédures et des techniques industrielles qui « ne présentent pas de risques pour la santé des travailleurs concernés ou la population au voisinage de l’installation de recyclage des navires et qui sont destinés à prévenir, à limiter, à réduire au minimum et dans la mesure où cela est possible dans la pratique, à éliminer les effets dommageables du recyclage des navires sur l’environnement » ;

- une fois habilitées par les autorités nationales, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, elles ne pourront accepter que les bâtiments respectant les conditions de la convention ;

- un plan de préparation et d’intervention à usage des situations d’urgences devra être établi afin de limiter les risques et les conséquences des accidents, incendies et explosions ;

- chaque navire traité devra faire l’objet d’un plan de recyclage spécifique ;

- les installations agréées devront assurer l’enlèvement intégral des matières potentiellement dangereuses présentes à bord d’un navire, aux fins d’identification, d’étiquetage, d’emballage, de stockage et de destruction des déchets ;

- après le démantèlement partiel ou total du navire, il incombera aux installations de recyclage de publier sous quatorze jours un avis d’achèvement.

Tout navire entrant dans le champ d’application de la convention pourra, dans tout port ou terminal au large des côtes d’un État partie, être inspecté pour vérifier la conformité aux obligations prévues. Les vérifications pourront prendre deux aspects :

- un contrôle documentaire, destiné à vérifier l’existence de certificats en cours de validité ;

- une inspection approfondie quand le navire sera dépourvu de certificat en cours de validité ou quand les indications qui y seront contenues ne concorderont manifestement pas avec l’état du navire ou de son équipement.

Conformément au principe de subsidiarité, les infractions ne pourront être sanctionnées qu’en vertu du dispositif juridique prévu par l’État du pavillon, même lorsqu’elles auront été constatées dans les espaces sous juridiction d’un État côtier partie à la convention.

S’agissant des installations de recyclage, la convention se limite à une injonction d’inspection, son esprit étant de convaincre les États parties tirant profit de l’activité de recyclage de s’impliquer directement dans l’évaluation des conditions d’exploitation en vigueur chez eux. En cas de manquement aux obligations prévues, il reviendra l’État concerné de les sanctionner et d’établir un rapport.

La convention de Hong Kong entrera en vigueur vingt-quatre mois après sa ratification par quinze États dont les flottes marchandes représentent 40 % de la flotte mondiale et dont les propres capacités de recyclage s’élèvent à au moins 3 % de leurs flottes. Ce faisceau de conditions draconiennes cumulatives ne sera certes pas favorable à une entrée en application rapide du texte.

Usuellement, dans les normes du droit maritime international, seul le critère du tonnage est pris en compte ; il convient de souligner cette innovation importante de la convention.

II. TRAVAUX EUROPÉENS PRÉCURSEURS

Les navires de commerce appartenant à des sociétés européennes représentent quelque 40 % de la flotte mondiale. Toutefois, lorsque leur démantèlement commence à devoir être envisagé – autour de vingt-cinq ou trente ans après leur construction –, la plupart des bâtiments ne battent plus pavillon d’un État membre et sont même passés sous propriété d’un opérateur extra-européen.

En outre, l’Union européenne n’étant pas un État, il ne lui est pas permis, intuitu personae, d’adhérer à la convention8.

Elle n’en a pas moins intérêt à agir et a donc lancé, en 2007, un processus de réflexion et de concertation à propos de l’amélioration des règles en vigueur dans le secteur du démantèlement des navires, en vue de légiférer. Les enjeux se situent à l’interface entre trois politiques européennes sectorielles :

- l’environnement ;

- les transports ;

- la santé.

La Commission européenne, le 22 mai 2007, a publié un livre vert sur l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires9.

Elle y dégage des options susceptibles de combler ou tout au moins de limiter les lacunes dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et d’améliorer la gestion du démantèlement des navires, parmi lesquelles :

- le renforcement du contrôle de l’application de la législation communautaire relative au transfert des déchets, notamment le règlement communautaire en vigueur sur ce sujet10 et l’« interdiction de Bâle » frappant les exportations de déchets dangereux ;

- l’élaboration de solutions internationales, s’appuyant sur le consensus qui semble se dégager au sein des organismes internationaux compétents – à commencer par l’OMI – quant à l’importance primordiale d’un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ;

- le développement des capacités européennes de déconstruction navale, dans la mesure où les moyens disponibles ne suffisent pas pour désarmer l’ensemble des pétroliers et autres grands navires marchands battant pavillon d’un État membre de l’Union ou appartenant à une société domiciliée dans l’Union11 ;

- le déploiement d’une assistance technologique, le transfert de technologies et la diffusion des meilleures pratiques auprès des pays en développement actifs dans le recyclage ;

- l’encouragement de démarches spontanées pour que les propriétaires de navires en fin de vie, qui peuvent, en l’espèce, être considérés comme les producteurs des déchets, s’assurent eux-mêmes que l’élimination ou la récupération de ces derniers s’effectuent de manière sûre et écologiquement rationnelle ;

- la création d’un fonds de démantèlement des navires alimenté par les propriétaires, afin d’appliquer le principe « pollueur-payeur », à l’instar du fonds d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans le cadre de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires12.

Le 19 novembre 2008, suite au livre vert de 2007 et à l’adoption par le Parlement européen, le 21 mai 2008, d’une résolution appelant les institutions européennes et les États membres à prendre sans délai des mesures à plusieurs égards en matière de démantèlement des navires13, la Commission européenne a présenté une communication relative à « une stratégie de l’Union européenne pour l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires »14.

Trois objectifs opérationnels y sont fixés :

- soutenir la mise en œuvre de la législation communautaire sur les transferts de déchets en ce qui concerne les navires en fin de vie ;

œuvrer à une transposition efficace et rapide, dans l’Union européenne, de la convention de Hong Kong, qui était alors en préparation ;

- évaluer la nécessité et les façons envisageables de compléter la convention, en vue, d’une part, d’atténuer les incidences négatives des activités de démantèlement non couvertes par ce texte et, d’autre part d’assurer son efficacité dans la pratique.

À cet effet, six actions sont proposées :

- entamer les préparatifs en vue de l’introduction de mesures relatives aux principaux éléments de la convention de Hong Kong ;

- analyser plus avant la possibilité d’inclure dans les mesures relatives au recyclage des navires des règles destinées à assurer un démantèlement propre des navires de guerre et autres vaisseaux d’État ;

- encourager les actions volontaires de la part du secteur maritime, grâce à des mesures comme l’organisation d’une campagne publique à l’échelle de l’Union européenne, la remise d’un prix récompensant les activités exemplaires ou l’établissement d’une liste des installations de démantèlement propres ;

- améliorer l’application de la législation en matière de transferts de déchets en ce qui concerne les navires en fin de vie et tenir à jour une liste des navires prêts pour la démolition ;

- examiner la faisabilité d’un régime de contrôle et de certification des installations de recyclage à travers le monde et faire en sorte qu’un nombre maximum de navires, y compris ceux qui battent pavillon des États membres, soient démantelés dans les installations contrôlées et certifiées dans le cadre de ce régime ;

- évaluer la faisabilité d’un fonds de démantèlement des navires, système de financement international obligatoire destiné à soutenir le démantèlement propre des navires.

Le 12 mars 2010, la Commission européenne a présenté une communication évaluant les liens « entre la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navire, adoptée sous l’égide de l’OMI, la convention de Bâle et le règlement européen de l’UE sur les transferts de déchets »15.

Ce document souligne que les avantages politiques, juridiques et économiques à devenir parties à la convention de Hong Kong, ou au contraire à rester en dehors, ne seront pas sans influencer la décision des États du pavillon, tout comme des États assurant le recyclage, à la ratifier ou non.

Dans cette logique, les États du pavillon pourraient trouver avantageux de devenir parties à une convention prévoyant un ensemble de règles claires et relativement simples, et répondant au souhait du public de voir le recyclage des navires effectué de manière sûre et écologiquement rationnelle, sans imposer de nouvelles charges inutiles aux propriétaires de navires et aux administrations.

Quant aux États assurant le recyclage, ils devraient être enclins à adhérer à la convention s’ils constatent que les propriétaires de navires n’envoient plus ces derniers que dans des installations respectueuses des nouvelles règles et si le coût de l’amélioration des pratiques de recyclage est compensé par les avantages économiques à retirer.

Cette logique gagnant-gagnant est importante car la convention de Hong Kong n’entrera en vigueur que si elle est ratifiée à la fois par les États du pavillon et par les États assurant le recyclage.

L’intérêt de la convention de Hong Kong ne fait aucun doute au regard des dégâts sur la santé publique et l’environnement provoqués par l’absence de réglementation dans les pays en développement qui se partagent l’essentiel du marché du démantèlement des navires. En exigeant des parties qu’elles prennent les mesures législatives, réglementaires et normatives nécessaires pour que les installations de recyclage soient conçues, construites et exploitées de manière sûre et écologiquement rationnelle, elle est de nature à apporter des progrès substantiels, au bénéfice des travailleurs des chantiers de démantèlement – victimes d’accidents souvent mortels et affectés par des maladies professionnelles qui mettront des décennies à produire leurs effets sur la santé humaine – mais aussi des générations futures, compte tenu des atteintes actuelles à l’environnement.

Ses effets seront cependant relatifs, compte tenu de ses limites normatives intrinsèques.

La convention de Hong Kong couvre la totalité du cycle de vie des navires d’un tonnage supérieur ou égal à 500 gigatonnes, à l’exclusion des navires de guerre et des navires d’État – exception classique en droit maritime international. Le règlement européen et la convention de Bâle s’appliquent à tous les types de navires qui, devenus des déchets, font l’objet d’un mouvement transfrontière à destination d’installations gérées de manière écologiquement rationnelle.

Contrairement aux deux autres actes juridiques, la convention de Hong Kong ne prévoit pas de restriction géographique à l’exportation, dès lors que les installations de recyclage sont autorisées par un État signataire et situées sur son territoire. Elle s’adresse aux États du pavillon dans lesquels les navires concernés sont immatriculés et aux États assurant le recyclage.

Les trois instruments juridiques portent sur le démantèlement en vue de la récupération des éléments et matières pouvant être retraités et réutilisés, mais seuls la convention de Bâle et le règlement européen couvrent les opérations de traitement ultérieur et de traitement en aval des composants et matériaux. De ce point de vue, le règlement européen a même un champ d’application particulièrement large puisqu’il vise également les installations procédant aux opérations intermédiaires et aux opérations ultérieures de valorisation et d’élimination finale.

Dans le cadre de la convention de Hong Kong, le problème de l’échouage restera en suspens jusqu’à l’adoption de directives par l’OMI, alors que cette pratique n’est pas admise dans les directives techniques de la convention de Bâle ni dans le règlement communautaire.

Le système de contrôle et d’exécution applicable aux mouvements transfrontières de déchets dangereux en vertu de la convention de Bâle et du règlement européen est certes rigoureux et il fonctionne relativement bien pour la plupart des déchets dangereux, mais il est difficile à appliquer dans les faits en ce qui concerne les navires en fin de vie. L’efficacité concrète des mécanismes de la convention de Hong Kong dépendra de divers facteurs, dont la politique d’autorisation de l’État assurant le recyclage, l’éventuelle participation de tierces parties à la surveillance et à l’audit des installations de recyclage, les modalités de contrôle du port par les pouvoirs publics et la mise en œuvre d’incitations fortes au respect des règles.

III. TEXTES EN DISCUSSION

La Commission européenne a déposé deux propositions d’actes, visant à ouvrir deux « fronts » législatifs pour donner une impulsion communautaire au dossier :

- une proposition de décision du Conseil « exigeant des États membres qu’ils ratifient la convention internationale de Hong Kong de 2009 […] ou qu’ils [y] adhèrent » ;

- une proposition de règlement européen « relatif au recyclage des navires », destinée à anticiper la ratification et l’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong.

Le 23 mars 2012, la Commission a déposé une proposition de décision du Conseil « exigeant des États membres qu’ils ratifient la convention internationale de Hong Kong de 2009 pour un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ou qu’ils adhèrent à cette convention, dans l’intérêt de l’Union européenne »16.

La proposition de décision note que les dispositions en vigueur actuellement au niveau international et au niveau de l’Union européenne – à savoir la convention de Bâle et le règlement communautaire sur les transferts de déchets – n’ont pas, jusqu’à présent, permis de mettre fin aux pratiques délétères du secteur du démantèlement des navires. Elle estime que le non-respect généralisé de la réglementation est lié :

- à l’absence de capacités de recyclage suffisantes dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en particulier pour les plus grands navires marchands ;

- à la concurrence acharnée et déloyale que se livrent les installations qui respectent des normes techniques rigoureuses et celles qui n’y répondent pas, les premières ne parvenant à occuper que certains créneaux, comme les marchés des navires de petite taille, des navires relevant des pouvoirs publics, y compris les navires de guerre, ou des navires dont les propriétaires sont soucieux de l’environnement ;

- à l’inadaptation de la législation actuelle aux spécificités des navires et de la navigation internationale.

Il est précisé que la situation risque fort de se dégrader puisque, en raison de la surcapacité de la flotte mondiale, de nombreux navires devraient être envoyés au démantèlement au cours des prochaines années. Ces problèmes de surcapacité ne devraient pas disparaître avant cinq ou dix ans au moins et les principaux bénéficiaires du pic que connaîtra le secteur du recyclage des navires – autour de la date butoir fixée pour le retrait des pétroliers à simple coque, c’est-à-dire 2015 –, seront probablement les installations qui répondent le moins aux normes.

La Commission européenne invite par conséquent le Conseil à adopter les orientations suivantes :

- dès lors que l’Union européenne aura elle-même mis en œuvre la convention de Hong Kong, les États membres devront la ratifier à leur tour ou y adhérer pour ce qui concerne les volets relevant de la compétence exclusive de l’Union ;

- les États membres doivent prendre sans délai, en tout état de cause au plus tard trois ans après la date d’entrée en vigueur de la décision du Conseil, les mesures nécessaires pour déposer leurs instruments de ratification de la convention ou d’adhésion à celle-ci auprès de l’OMI.

Ce texte apparaît désormais au second plan, au point qu’il n’est pas même évoqué parmi les priorités du programme de la présidence irlandaise, pour deux raisons :

- les conditions d’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong sont très strictes et dépendent moins du volontarisme européen que de l’adhésion des grandes puissances maritimes mondiales comme le Liberia et Panama, et des gros recycleurs, comme l’Inde, le Bengladesh ou la Chine ;

- la mise en œuvre concrète de ses dispositions par l’Union européenne sera assurée par un second texte, jugé, de ce fait, prioritaire par les autorités européennes.

Le même jour, la Commission européenne a en effet déposé une proposition de règlement « relatif au recyclage des navires »17, avec pour objectifs de réduire ou d’éliminer les effets dommageables sur la santé humaine et l’environnement liés au recyclage des navires battant le pavillon d’un État membre et de disposer d’une réglementation adaptée aux spécificités du transport maritime.

Cette démarche est conforme à l’esprit de la conférence de Hong Kong. En effet, en plus de la convention elle-même, l’une des résolutions adoptées invitait les États parties à promouvoir sans attendre ses principes par une application anticipée et volontariste des normes techniques proposées.

Sans attendre la ratification et l’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong, cet acte législatif a pour objectif général de réduire de manière significative et durable, à l’horizon 2020, les effets dommageables du recyclage des navires battant le pavillon d’un État membre de l’Union européenne, en particulier en Asie du Sud, sur la santé humaine et l’environnement, sans imposer pour autant de nouvelles charges économiques inutiles à nos armateurs.

Le texte, qui vise spécifiquement les navires, tend à incorporer en droit européen les dispositions de la convention de Hong Kong, en couvrant l’ensemble du cycle de vie des navires battant le pavillon d’un État membre de l’Union européenne. Il assure la mise en œuvre anticipée des exigences de la convention et impose même des critères environnementaux et sanitaires plus stricts aux installations de recyclage de navires, conformément à une possibilité prévue par la convention.

Pour les navires relevant du champ d’application du projet de règlement, celui-ci se substituera au règlement de 2006 sur les transferts de déchets.

Il s’agit, pour les navires d’un tonnage en jauge brute supérieur à 500 gigatonnes – hors navires d’État et navires exploités exclusivement dans leurs eaux sous juridiction – et battant le pavillon d’un État membre, d’instaurer les obligations suivantes.

Les navires battant le pavillon d’un État membre de l’Union européenne devront établir et tenir à jour, durant la totalité de leur durée de vie utile, un inventaire des matières dangereuses présentes à bord. Cette obligation prendra effet immédiatement pour les navires neufs battant le pavillon d’un État membre, mais les navires déjà en circulation disposeront d’un délai de cinq ans, à moins qu’ils ne soient envoyés au démantèlement avant l’expiration de ce délai.

Des visites de contrôle seront assurées par des fonctionnaires de l’administration ou d’un organisme agréé agissant pour son compte :

- une visite initiale avant l’entrée en service du navire ;

- des visites de renouvellement à intervalles réguliers, d’une périodicité définie par les autorités et ne pouvant dépasser cinq ans ;

- des visites supplémentaires, effectuées à la demande du propriétaire, après une modification, un remplacement ou une réparation importante de la structure, de l’équipement, des systèmes, des installations, des aménagements et des matériaux ;

- une visite finale avant la mise hors service du navire et le début des opérations de recyclage.

Un plan de recyclage propre à chaque navire sera élaboré avant toute opération de démantèlement.

Des autorisations d’activité seront accordées aux seules installations respectant les exigences sanitaires et environnementales retenues par la convention de Hong Kong.

Trois dispositions, enfin, vont au-delà des prescriptions de la convention de Hong Kong.

Les installations de recyclage répondant aux exigences techniques requises solliciteront leur inscription sur une liste européenne des installations de recyclage des navires. Le démantèlement des navires battant le pavillon d’un État membre de l’Union européenne ne pourra avoir lieu que dans une installation figurant sur la liste européenne.

Au moment de l’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong, les États parties devront dresser et communiquer la liste des installations de recyclage des navires qu’ils auront autorisés conformément à la convention. Ces listes nationales seront transmises à l’OMI, qui en assurera la diffusion appropriée.

Parmi les exigences applicables aux installations de recyclage, est ajoutée une obligation d’élaborer et de faire approuver un « plan relatif à l’installation de recyclage ».

Pour chaque navire à recycler, son propriétaire devra passer un contrat spécifique avec l’installation de recyclage, prenant effet au moment de la demande de visite finale et restant en vigueur jusqu’à l’achèvement du recyclage.

Lors du conseil Environnement du 25 octobre 2012, les ministres se sont montrés attentifs à ne pas porter atteinte à la compétitivité de leurs flottes et à ne pas adopter trop de normes mieux-disantes par rapport à la convention de Hong Kong, ce qui risquerait d’entraîner un mouvement de transferts de pavillons.

Notons que les discussions interministérielles, en France, impliquent le secrétariat général de la mer (SGMer), service technique du premier ministre, ainsi que deux directions du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie – la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la direction des affaires maritimes (DAM) –, sous l’arbitrage du secrétariat général des affaires européennes (SGAE).

Du côté du Parlement européen, la proposition de règlement a fait l’objet d’une première discussion devant la Commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire (Envi) le 28 novembre dernier, puis à nouveau le 23 janvier ; elle pourrait être soumise au vote en Commission Envi le 19 février puis en séance plénière courant avril, sous réserve que soient levés une série de blocages, le rapporteur Carl Schlyter (Verts/ALE, Suède) ayant formulé plusieurs propositions contestées.

La présidence irlandaise, dans son programme de travail, a indiqué qu’elle entendait conduire ce dossier à son terme, ce qui supposerait un accord en première lecture. Entre janvier et février, pas moins de quatre groupes de travail se sont tenus ou sont programmés.

La France est le premier pays à avoir ratifié la convention de Hong-Kong : le projet de loi a été examiné par la Commission des affaires étrangères les 11 et 18 juillet derniers18, puis adopté en séance publique le 25 juillet – votre rapporteur était d’ailleurs intervenu dans le débat, tout comme la Présidente Danielle Auroi –, et le Président de la République a promulgué la loi le 22 novembre19.

La plupart des autres pays, y compris des autres États membres de l’Union européenne, ne sont pas prêts de s’engager sur la voie de l’adoption de ce texte, qui n’a encore été paraphé que par cinq pays20.

L’adoption de la proposition de règlement doit donc être considérée comme le « premier étage de la fusée » de lancement du process d’adhésion des États membres à la convention de Hong Kong. La France n’a d’ailleurs elle-même pas encore déposé son instrument de ratification auprès du secrétariat de la convention, préférant attendre, pour ce faire, l’entrée en vigueur du règlement européen.

Le service juridique du Conseil a d’emblée soulevé le problème de la compatibilité de la convention de Hong Kong avec la convention de Bâle, qui proscrit toute exportation de déchets dangereux d’un pays membre de l’OCDE vers un pays en développement, et le risque de conflit entre ces deux textes.

D’un point de vue strictement juridique, les navires sont réputés exclus du champ de la convention de Bâle dès lors qu’une réglementation internationale spécifique s’applique, la majorité des États membres en conviennent. La question du « retoilettage » de la proposition de règlement ne saurait toutefois être complètement éludée, ne serait-ce que parce qu’un certain nombre d’États membres – notamment l’Allemagne, la Bulgarie et la Grèce – la mettent en avant pour freiner l’examen du texte, brandissant la menace de la constitution d’une minorité de blocage. La présidence irlandaise devrait alors faire face de créativité juridique pour trouver une porte de sortie. Reste que l’Allemagne ne prendra sans doute pas le risque de s’arcbouter sur une position maximaliste avec les pays les plus réticents, sur un dossier sensible en matière sanitaire et environnementale.

Le rapporteur Schlyter a proposé d’ajouter un dispositif incitatif, à travers un fonds permettant de subventionner les armateurs européens qui opteront pour les sites de démantèlement respectant les normes les plus élevées, afin de rendre ces derniers plus compétitifs21. Ce fonds serait alimenté par une redevance versée par tous les navires utilisant des ports de l’Union européenne, sur la base de leur tonnage. La prime ne pourrait être versée que pour le recyclage d’un navire battant un pavillon d’un État membre de l’Union européenne depuis au moins deux ans, afin de ne pas encourager le dépavillonnement de dernière minute.

La Commission Envi du Parlement européen a commandité une étude d’impact pour mesurer la faisabilité de cette idée. Le Gouvernement français se montre plutôt sceptique, dans la mesure où un tel fonds risquerait paradoxalement de créer une distorsion de concurrence au bénéfice des installations situées hors-OCDE et par conséquent de défavoriser les plus exemplaires d’entre elles. Les tentatives européennes de constituer des filières modernes de recyclage, comme celle initiée dans la région bordelaise –, qui ne peuvent, de toute façon, être viables économiquement sans une intervention publique –, s’en trouveraient pénalisées. L’impact sur les armateurs européens doit aussi impérativement être évalué. Il serait pour le moins maladroit d’introduire un nouveau désavantage comparatif pour les pavillons et les ports européens, avec une nouvelle charge pesant sur leurs résultats.

Au total, la piste peut paraître séduisante au premier abord mais il ne faut pas se cacher que la machinerie à élaborer risque de s’avérer extrêmement complexe.

Les bâtiments d’État et de guerre étaient exclus du texte de départ de la Commission européenne. Le Conseil, le 25 octobre 2012, a souhaité inclure une « clause d’effort » – dont resteraient évidemment exclus les navires opérant sur des théâtres extérieurs. Comme son nom l’indique, sans ajouter de disposition injonctive, il s’agirait d’inciter les États à rapprocher leurs pratiques, pour ce qui concerne leur propre flotte, de celles préconisées dans la convention de Hong Kong pour la marine commerciale.

Le ministère de la défense français a souligné que cette disposition pourrait néanmoins être assimilée à une prescription d’obligation de moyens.

Le trilogue sera amené à se prononcer, sans doute en mars, sur cette proposition saillante de dernière minute, à laquelle votre rapporteur est favorable. Il est en effet important que les pouvoirs publics, à tous les niveaux, promeuvent les meilleures pratiques, afin d’éviter des péripéties comme celles de l’affaire du Clemenceau, dont personne n’est sorti grandi.

M. Schlyter suggère aussi que l’inventaire des matières dangereuses soit imposé à tous les navires faisant escale dans un port de l’Union européenne, y compris ceux battant pavillon d’un pays non membre. Cette mesure, qui mettrait tous les bâtiments sur un pied d’égalité, contribuerait à dissuader les armateurs de procéder à des dépavillonnements.

Elle serait en outre assez habile. En effet, le droit international donne peu de latitude aux autorités nationales pour interdire à un bateau l’accès à un port et le dérouter. Si la décision est contestée devant les tribunaux, elle peut entraîner le versement de plusieurs centaines de milliers d’euros d’indemnités, eu égard au préjudice commercial susceptible d’être subi par l’armateur. Par contre, une fois le bateau entré dans le port, rien n’empêche les autorités de le contrôler afin de vérifier sa conformité à la réglementation locale et, le cas échéant, de lui infliger des amendes.

Dernière innovation par rapport à la proposition de la Commission européenne, le rapporteur Schlyter propose que l’établissement d’un plan de recyclage du navire soit obligatoire tout au long de sa durée de vie et ne se limite pas à sa période ultime d’activité. Ce plan serait réactualisé au fur et à mesure du vieillissement du bâtiment et approuvé régulièrement par les autorités.

Votre rapporteur préconise que ce plan de recyclage permanent fasse partie des documents à fournir aux sociétés de classification lors de chaque réévaluation de la certification des navires intervenant en cas de modification de structure significative.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 6 février 2013, sous la présidence de M. Michel Herbillon, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Didier Quentin. À quel endroit précis de la région bordelaise cette initiative de filière de déconstruction des navires est-elle implantée ? Étant élu d’une région limitrophe, j’y suis naturellement intéressé. Avant le Clemenceau, d’autres navires de guerre désarmés ont déjà posé des problèmes. Je pense notamment au Colbert et au Foch, qui, je crois, a été récupéré par une marine sud-américaine.

Après des drames comme ceux de l’Erika ou du Prestige, la déconstruction de navires devient le sujet de préoccupation numéro un de nos compatriotes, après quoi plus personne n’en parle.

Ces usines pourraient-elles être aussi utilisées, à terme, pour la déconstruction des éoliennes, vingt ou trente ans après leur installation ?

M. le Président Michel Herbillon. Quel est le calendrier de ratification envisagé ? Certains pays manifestent-ils des oppositions ?

M. Christophe Léonard. Pouvez-vous préciser comme se calcule le taux de 40 % conditionnant l’entrée en vigueur de la convention ?

M. Arnaud Leroy, Rapporteur. Je sais que plusieurs de nos collègues suivent ces sujets depuis longtemps et croyez bien que je suis ravi de rejoindre les rangs des maritimistes de notre Commission des affaires européennes.

Pour que la convention entre en vigueur, trois conditions devront être remplies : il faudra qu’elle soit ratifiée par quinze États dont les flottes marchandes représentent 40 % de la flotte mondiale et dont les propres capacités de recyclage s’élèvent à au moins 3 % de leurs flottes. Habituellement, seules deux conditions sont requises : un nombre de pays minimum, pour éviter que les grands États pavillons fassent la loi tout seuls, et une fraction minimale du tonnage mondial.

La France, par exemple, représente 2,5 % du tonnage mondial. Pour atteindre les 40 % requis au titre de la deuxième condition, il faudra créer une dynamique car rien n’est possible sans l’adhésion de Panama, du Liberia, de la Grèce, de Malte et de Chypre. Mais il faudra de surcroît – et c’est une nouveauté en droit maritime international – que les capacités de recyclage des pays signataires soient susceptibles de traiter 3 % de leur flotte. La Chine, par exemple, est un petit pavillon mais possède une grosse capacité de recyclage. Au sein de l’OMI, tout est fait, en réalité, pour que l’Union européenne ne puisse pas avancer seule.

Pour l’instant, il n’y a pas de calendrier de ratification, car la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) bloquent le texte, considérant qu’il entre en conflit avec la convention de Bâle ; ils trouvent d’ailleurs la position française un peu cavalière. Je ne suis donc pas optimiste quant à une entrée en vigueur rapide de la convention de Hong Kong, d’autant que les accords maritimes internationaux, une fois signés, tardent souvent à se concrétiser. Ainsi, pour un accord théoriquement beaucoup plus facile à mettre en œuvre – la convention très technique sur les peintures au tributylétain, signée en 2002 –, les conditions de ratification n’ont été remplies que dix ans plus tard, malgré un règlement européen précurseur adopté en 2001.

Lors du récent Colloque national éolien, j’ai participé à une table ronde sur les éoliennes off-shore. J’en retiens qu’il y a des synergies à bâtir entre ce secteur et celui du transport maritime, dans la mesure où des acteurs dynamiques investissent dans les deux. STX et DCNS, par exemple, sont très proactifs dans la construction des structures de base comme des structures de vie de l’éolien off-shore, ainsi que dans celui des navires spécifiques nécessaires à son développement.

Le démantèlement des navires requiert de l’espace et des cales sèches mais très peu d’investissement technologique. En outre, la filière de l’off-shore éolien en est encore à ses balbutiements – les premières installations devraient voir le jour en 2017 ou 2018. Je pense par conséquent qu’il sera possible de s’adapter, d’ici à 2040, pour que les installations de recyclage de navires puissent aussi traiter le matériel éolien off-shore.

Quant au site que j’ai évoqué – exploité par une grande société française, il est situé dans le port autonome de Bordeaux. Je vous enverrai un article du Monde à ce sujet.

Puis la Commission a adopté, à l’unanimité, les conclusions dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE CONCLUSIONS

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Traité sur l’Union européenne, notamment son article 3, paragraphe 3,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 191 et 192, paragraphe 1,

Vu la Convention pour un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, dite « Convention de Hong Kong »,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 19 novembre 2008 « Une stratégie de l’Union européenne pour l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires » (COM [2008] 767),

Vu la communication de la Commission au Conseil du 12 mars 2010 « Évaluation des liens qui existent entre la Convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, adoptée sous l’égide de l’OMI, la Convention de Bâle et le règlement de l’UE sur les transferts de déchets » (COM [2010] 88),

Considérant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au recyclage des navires (COM [2012] 118 / no E 7225),

Considérant la proposition de décision du Conseil exigeant des États membres qu’ils ratifient la convention internationale de Hong Kong de 2009 pour un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ou qu’ils adhèrent à cette Convention, dans l’intérêt de l’Union européenne (COM [2012] 120 / no E 7226),

1. Approuve lesdites propositions de règlement et de décision ;

2. Se range à l’avis que la proposition de règlement doit être débattue et adoptée en priorité, afin de débloquer le processus de mise en
œuvre des dispositions de la convention de Hong Kong par les États membres de l’Union européenne, et ne voit pas d’inconvénient à ce que la proposition de décision soit adoptée dans un second temps ;

3. Estime que l’« interdiction de Bâle » frappant les exportations de déchets vers les pays en voie de développement reste une priorité pour lutter contre le « dumping environnemental » mais ne doit pas servir de prétexte pour bloquer la ratification de la convention de Hong Kong ;

4. Soutient l’idée d’une étude exploratoire pour examiner la faisabilité d’un fonds incitatif destiné à subventionner les armateurs européens qui opteront pour les sites de démantèlement respectant les normes sanitaires et environnementales les plus élevées, ainsi que pour évaluer l’impact qu’un tel dispositif aurait sur les pavillons et les ports européens ;

5. Juge légitime l’introduction d’une « clause d’effort » concernant les bâtiments d’État et de guerre, dès lors qu’en seront exonérés ceux opérant sur les théâtres extérieurs ;

6. Est favorable à l’amendement soumis par le rapporteur de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen, tendant à imposer aux navires battant pavillon d’un État non-membre de l’Union européenne l’obligation d’inventaire des matières dangereuses comme condition d’entrée dans les ports de l’Union européenne ;

7. Prend acte de l’amendement soumis par le rapporteur de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen, tendant à rendre obligatoire, pour chaque navire européen et tout au long de sa durée de vie, l’établissement d’un plan de recyclage, et préconise que celui-ci fasse partie des documents à fournir aux sociétés de classification lors de chaque réévaluation de sa certification. »

ANNEXE

liste des personnes auditionnées

Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

- M. Matthieu AUTRET, chef du secteur ITEC (industrie, télécommunications, postes, société de l'information, environnement, énergie, compétitivité, recherche et espace)

- Mme Hélène CHARPENTIER, adjointe au chef du secteur ITEC

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Pourtant, le secteur est généralement très pointu dans l’analyse des tendances économiques et l’anticipation des retournements de conjoncture.

3 Depuis une vingtaine d’années, la taille des porte-containers en circulation a ainsi été multipliée par deux ou trois. Et la tendance est comparable pour les paquebots.

4 Ainsi, en Chine, Maersk Sealand a implanté des chantiers extrêmement propres, qui n’ont rien à voir avec le beaching pratiqué sur certaines plages d’Asie. La Turquie accomplit également des efforts pour développer un recyclage propre.

5 Vaisseaux fantômes.

6 Convention sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination, adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur en 1992.

7 Néanmoins, à ce jour, seuls cinq États l’ont signée, à savoir la France – dès le 19 novembre 2009 –, l’Italie, les Pays-Bas, Saint-Christophe-et-Niévès et la Turquie.

8 Seuls les États sont éligibles au droit de battre pavillon et peuvent donc être parties aux accords internationaux conclus sous l’égide de l’OMI.

9 COM (2007) 269.

10 Règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.

11 Le Conseil de l’Union européenne, le 17 mai 2006, avait du reste déjà adopté une déclaration en ce sens.

12 Convention du 2 novembre 1973, dite « MARPOL ».

13 A6-0156/2008.

14 COM (2008) 767.

15 COM (2010) 88

16 COM (2012) 120 – n° E 7226.

17 COM (2012) 118 – n° E 7225.

18 Rapport no 87 du 18 juillet 2012 de M. Noël Mamère, comportant, en annexe, des « Éléments d’information sur le droit de l’Union européenne applicable ou en cours d’élaboration », en application de l’article 86, paragraphe 7, du Règlement de l’Assemblée nationale.

19 Loi no 2012-1290.

20 Voir note en bas de page 12.

21 Cette idée d’un fonds incitatif était déjà formulée dans le livre vert de 2007.