No 1409 - Rapport d'information de Mme Axelle Lemaire et M. Hervé Gaymard déposé par la commission des affaires européennes sur la stratégie numérique de l'Union européenne




No 1409


______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2013

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur la stratégie numérique de l’Union européenne

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Hervé GAYMARD et Mme Axelle LEMAIRE,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

I. MÊME SI LE CARACTÈRE STRATÉGIQUE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE S’IMPOSE DE PLUS EN PLUS COMME UNE ÉVIDENCE, L’UNION EUROPÉENNE PEINE À CONCEVOIR ET À PORTER UNE POLITIQUE ADAPTÉE EN LA MATIÈRE, CE QUI ENTRAÎNE UN MANQUE À GAGNER PRÉOCCUPANT POUR L’AVENIR 11

A. UNE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE MONDIALE AUX RÉPERCUSSIONS MULTIPLES POUR LES ÉTATS ET LES SOCIÉTÉS 11

1. Des enjeux de souveraineté majeurs 11

a. Application du droit 11

b. Capacité d’anticipation de l’avenir 11

c. Redressement industriel 11

d. Rayonnement culturel 11

e. Libertés publiques et intérêts nationaux 12

2. La montée en puissance de l’économie numérique, source de productivité, de croissance et d’emplois 12

a. Un phénomène mondial 12

b. Constat et perspectives pour l’Europe 12

B. DIFFUSION DES TECHNOLOGIES, DÉPLOIEMENT DES RÉSEAUX, CONSOLIDATION DU MARCHÉ UNIQUE DIGITAL : L’UNION EUROPÉENNE À LA TRAÎNE 13

1. Un secteur dynamique dans un environnement difficile 13

2. L’importance de la couverture et de la qualité des réseaux 14

3. La fragmentation du marché européen, handicap majeur des Vingt-huit 14

II. EN DÉPIT D’INITIATIVES POLITIQUES ET LÉGISLATIVES MULTIPLES, SOUVENT UTILES, LE POSITIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE À PROPOS DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE MANQUE DE DÉTERMINATION, DE LISIBILITÉ ET, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, NE FAIT PAS OFFICE DE VÉRITABLE STRATÉGIE 17

A. LE RÔLE DES AUTORITÉS PUBLIQUES NATIONALES DANS LA CONSTRUCTION D’UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE 17

1. Administration en ligne 17

2. Marchés publics en ligne 18

3. Formation 18

4. Féminisation 18

B. LES CHANTIERS LÉGISLATIFS EUROPÉENS EN COURS 19

1. Mécanisme pour l’interconnexion en Europe 19

2. Identification électronique et services de confiance dans les transactions électroniques 20

3. Accessibilité des sites web des administrations publiques 21

4. Sécurité des réseaux 21

5. Réduction du coût du déploiement du haut débit 22

6. Le « paquet télécom » de septembre 2013 23

a. Une proposition de règlement présentée comme « un grand pas en avant » 23

b. En réalité, un texte en inadéquation avec les vrais enjeux 24

III. L’OCCASION DU CONSEIL EUROPÉEN DES 24 ET 25 OCTOBRE 2013, DONT LE PREMIER POINT DE L’ORDRE DU JOUR EST CONSACRÉ À L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE, DOIT ÊTRE SAISIE POUR DONNER UNE NOUVELLE IMPULSION À LA POLITIQUE EUROPÉENNE EN LA MATIÈRE 25

A. UNE SESSION CENSÉE ÊTRE CONSACRÉE À L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE MAIS DONT LES AMBITIONS ONT ÉTÉ REVUES À LA BAISSE 25

1. L’ordre du jour 25

2. Trois contributions préalables au débat 26

B. LES INITIATIVES FRANÇAISES 26

1. Les recommandations de la France formulées dans sa contribution écrite au Conseil européen 26

a. Développer une stratégie industrielle européenne du numérique permettant l’émergence d’acteurs européens innovant, créateurs de croissance et d’emplois 26

b. Établir des règles du jeu équitables 27

c. Garantir un environnement numérique sûr et de confiance pour les citoyens et les entreprises 28

d. Renforcer l’action de l’Union européenne en matière de coopération internationale dans l’ensemble des fora traitant de cette question 30

2. Le mini-sommet du 24 septembre 2013 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 37

ANNEXES 41

ANNEXE NO 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 43

ANNEXE NO 2 : COMPTE RENDU DE L’AUDITION DE MME FLEUR PELLERIN PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (RÉUNION DU 2 OCTOBRE 2013) 45

ANNEXE NO 3 : COURRIER DU 27 SEPTEMBRE DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE AUX CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT 63

ANNEXE NO 4 : EUROPE NUMÉRIQUE, CONTRIBUTION FRANÇAISE AU CONSEIL EUROPÉEN DES 24 ET 25 OCTOBRE 2013 67

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Aborder la question du numérique, c’est ouvrir une boîte de Pandore, tant est vaste l’éventail des sujets couverts, qu’ils soient de nature culturelle, juridique, industrielle ou fiscale. D’autant que tous les secteurs productifs sans exception sont aujourd’hui concernés par l’essor des communications dématérialisées, qui interviennent dans toutes les fonctions des entreprises, à tous les stades de la chaîne de valeur d’un produit.

L’actualité politique et économique est émaillée d’informations et de polémiques qui touchent au numérique : rachat de Nokia, fabricant européen de téléphones mobiles emblématique des années deux mille, par Microsoft, phénomène WikiLeaks, affaire Prism, débat sur l’opportunité d’instaurer une « taxe Google », lancement par trois grands réseaux bancaires de l’initiative PayLib pour concurrencer la solution de paiement en ligne PayPal, déploiement de la 4G, etc.

Concomitamment, même si la Commission Barroso II s’est dotée d’une commissaire chargée de la stratégie numérique, Neelie Kroes, l’organisation européenne reste archaïque, avec une logique en silo, les différentes approches étant toujours éclatées entre directions générales et commissaires.

Cette mauvaise adaptation à la révolution numérique conduit les institutions communautaires à une panne de doctrine, à une insuffisance d’Europe, alors que l’Union européenne, sur des sujets secondaires, se caractérise par une frénésie législative mal perçue par les citoyens.

Résultat, alors que la stratégie de Lisbonne, lancée au printemps 2000, ambitionnait de faire de l’Union européenne, d’ici à 2010, « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable, accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi dans le respect de l’environnement »1, notre continent se retrouve, treize ans plus tard, dans une situation de déclin préoccupante : la capitalisation boursière du secteur des technologies numériques est captée à 80 % par des sociétés américaines, tandis que leurs concurrentes européennes doivent se contenter de 3 %… À l’époque de la conception de la stratégie de Lisbonne, plus de la moitié du chiffre d’affaires des appareils de téléphonie portable était détenue par des fabricants européens : Alcatel, Ericsson, Nokia, Philips ou encore Sagem, autant de marques qui ont aujourd’hui disparu des poches ou des sacs des consommateurs, remplacées par les smartphones conçus, produits et commercialisés par des sociétés américaines ou asiatiques.

L’économie numérique prend régulièrement des tournants essentiels qu’il ne faut pas manquer : inexistant il y a seulement cinq ans, le marché des applications mobiles représente aujourd’hui pas moins de 11 milliards d’euros par an et il est prévu qu’il génère 16 milliards d’euros en 2016 ; dans la seule Union européenne, il emploie aujourd’hui 530 000 salariés.

Mais, en se focalisant sur les dimensions marché intérieur et infrastructures plutôt que sur les aspects innovation industrielle et écosystème, l’Europe est en retard d’une guerre. Et elle vient encore de l’afficher avec une certaine naïveté : la Commission européenne a récemment déposé, comme texte phare de sa fin de mandat, une proposition de règlement sur les réseaux de télécommunications, alors que les enjeux stratégiques se situent désormais de toute évidence au niveau des plateformes de services géantes, portes d’entrée privilégiées voire incontournables pour accéder à Internet.

Au-delà des considérations techniques et marketing qui priment à l’échelle microéconomique, au-delà même de son impact macroéconomique, sur lequel nous reviendrons dans le détail au fil des développements ci-dessous, le numérique a une portée éminemment politique, tout comme le charbon et l’acier, il y a une soixantaine d’années, lorsqu’il fut décidé de bâtir une communauté européenne afin de gérer en commun ces secteurs économiques.

La Commission européenne a bien publié, il y a trois ans, une « stratégie numérique »2, qui figurait parmi les sept initiatives phares de la stratégie Europe 20203 et à propos de laquelle elle a procédé à une révision à mi-mandat4, mais elle peine à formaliser une doctrine déclinable en actions concrètes pour que l’Europe conquière, sur ce marché, une place à la hauteur :

- de la taille de son marché intérieur, fort de 500 millions d’utilisateurs ;

- de son poids économique, puisqu’elle dégageait encore en 2012, avec 16 360 milliards de dollars, le plus gros PIB du monde, devant les États-Unis et la Chine ;

- de son potentiel d’innovation, sous-tendu par des systèmes éducatifs efficients et soutenu par une politique européenne de programmes-cadres de recherche et d’innovation pluriannuels ;

- de ses ambitions géopolitiques dans le cadre d’une mondialisation caractérisée par la multipolarité.

Sous l’impulsion de Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, la France est en pointe et s’efforce de se coordonner avec d’autres États membres pour faire émerger des solutions déclinables dans la réglementation communautaire.

Sur la question de la fiscalité du numérique, par exemple, elle a commandé deux rapports, respectivement à deux hauts fonctionnaires, MM. Pierre Collin et Nicolas Colin, et au Conseil national du numérique5 (CNNum). Leurs conclusions divergent sur certains points mais ils posent bien les termes du débat : le droit fiscal international, européen et national est inadapté aux réalités de l’économie numérique, ce qui entraîne une érosion des bases préjudiciable aux États et faussant les règles du jeu de la compétition économique.

Si la Commission des affaires européennes, ces dernières années, a régulièrement traité de thématiques ayant trait au numérique, notamment dans un rapport consacré au livre numérique6, le présent rapport d’information, assorti d’une proposition de résolution européenne, constitue sa première analyse globale, abordant l’ensemble des dimensions de l’économie numérique.

Il s’agit, dans l’immédiat, de fixer de grandes orientations susceptibles de servir de socle à une réelle stratégie pour l’industrie numérique européenne, qui passerait par trois types de mesures :

- la régulation des plateformes ;

- le financement de l’innovation ;

- l’adaptation de l’environnement.

Au cours de la XIVe législature, vos rapporteurs ont évidemment pour projet d’émettre des avis à propos des différentes propositions législatives déjà en débat et à venir, mais également de produire des travaux exploratoires, ciblés sur des thématiques spécifiques identifiées comme prioritaires : l’informatique en nuage7, la cybersécurité, le traitement de masses de données8 ou encore les objets connectés.

Bien au-delà des problématiques techniques, une série d’enjeux de souveraineté majeurs dépendent de la maîtrise du secteur de l’économie numérique.

Il en va tout d’abord de la souveraineté juridique de l’Union européenne et de ses États membres. Dans l’économie numérique, les différentes étapes de la chaîne de valeur ne connaissent pas les frontières, ce qui favorise cybercriminalité et érosion des bases fiscales. En dehors d’un cadre territorial soumis à un pouvoir régalien, il s’avère en effet toujours difficile de faire appliquer efficacement des normes de droit.

Le deuxième enjeu de souveraineté a trait à la créativité. La capacité d’innovation conceptuelle est essentielle pour imaginer les attentes futures des consommateurs et mettre les nouvelles technologies au service de cette imagination. Il est impossible de s’adapter à un marché numérique en révolution permanente ; tout repose sur l’anticipation.

Troisièmement, il s’agit de souveraineté industrielle. L’économie numérique est devenue la première activité économique génératrice de croissance et pourvoyeuse d’emplois directs, mais aussi indirects, ses interactions avec l’ensemble des secteurs de production de biens et de services – marchands comme non marchands – s’étant généralisées. Il est estimé que le numérique pourvoit déjà un quart de la croissance européenne et même un tiers de la croissance américaine.

La souveraineté culturelle de l’Europe – particulièrement de la France – est aussi en jeu. La communication dématérialisée constitue un vecteur puissant pour diffuser les idées et les œuvres à l’échelle globale. Un Internet contrôlé par les grandes plateformes anglo-saxonnes, cela se traduit aussi par un recul préoccupant de la francophonie.

Enfin, le cinquième enjeu est de nature politique. L’affaire Prism a mis au grand jour une réalité qui pouvait jusqu’à présent apparaître comme un fantasme : les fournisseurs de services en ligne disposent de moyens de cybersurveillance susceptibles d’être exploités à des fins de contrôle des données personnelles, au mépris des libertés individuelles, voire d’espionnage contre les États.

La Commission européenne vient d’élaborer un rapport9, que le président José Barroso a fait parvenir aux chefs d’État et de gouvernement le 27 septembre 2013, en accompagnement d’un courrier consacré à l’innovation au sens large10, dans la perspective du Conseil européen de fin octobre. Ce rapport fournit une série d’indicateurs macroéconomiques éclairants sur la montée en puissance du secteur numérique.

La part du numérique dans l’économie mondiale est désormais significative : en 2011, parmi les principaux pays industrialisés et émergents, elle s’échelonnait de 3,2 % au Canada à 8 % en Corée du Sud. La France se situait dans le bas de la fourchette, avec 3,9 %.

Tous les secteurs économiques dépendent des technologies de l’information et de la communication (TIC), qui y consacrent une part importante de leurs dépenses, tout comme les ménages.

Depuis 2000, en Europe, le nombre d’emplois induits par les TIC dans les autres secteurs n’a cessé de croître. Par contre, ils sont en stagnation voire en baisse tendancielle dans les industries manufacturières des TIC et dans les services liés aux TIC, ce qui traduit une perte de dynamisme par rapport à la concurrence américaine et asiatique.

Entre 2001 et 2005, les gains de compétitivité de la main-d’œuvre américaine étaient de 0,4 point supérieur à ceux de la main-d’œuvre européenne, un taux imputable en totalité au secteur numérique. Entre 2006 et 2011, l’écart global s’était resserré à 0,3 point, dont les deux tiers dans le secteur numérique.

Le secteur numérique représente une part croissante de l’économie de l’Union européenne : sa valeur ajoutée brute a progressé de 60 % entre 2000 et 2011, quand celle de l’économie globale des Vingt-sept ne s’accroissait que de 17 %.

Ce mouvement est toutefois contrasté d’un État membre à l’autre : la part de l’industrie manufacturière et des services des TIC dans la valeur ajoutée brute nationale, en 2011, allait de 3,1 % en Lituanie à 6,6 % en Irlande. En ce qui concerne le seul volet industrie manufacturière, la part dans la valeur ajoutée atteint 2,3 % en Hongrie, État membre le plus dynamique dans ce domaine.

Les nouvelles technologies ouvrent de nouvelles possibilités, comme l’informatique en nuage. Il a été estimé que 80 % des organisations qui adoptent cette méthode réduisent leurs coûts de 10 à 20 %. L’impact cumulé sur le PIB de l’Union européenne pourrait atteindre 940 milliards d’euros et 400 000 nouvelles PME pourraient voir le jour d’ici à 2016 grâce à l’informatique en nuage.

D’ici à 2020, l’économie numérique pourrait contribuer à une augmentation du PIB de l’Union européenne d’au moins 4 %, voire de 12 % selon le scénario le plus optimiste.

En 2012, au palmarès du secteur des TIC, quinze entreprises européennes figuraient dans le top 50 mais seulement une – l’espagnole Telefonica – dans le top 10. France Telecom se situe en seizième position.

Entre 2008 et 2012, le chiffre d’affaires cumulé des cinquante entreprises leaders du secteur numérique est passé de 1 390 à 1 790 milliards d’euros, soit un bond de près de 30 %. Dans cet ensemble, les entreprises asiatiques et surtout américaines se taillent la part du lion et bénéficient d’une croissance soutenue, tandis que les entreprises européennes accusent un repli d’une dizaine de milliards d’euros.

Pour le seul secteur des services de télécommunications, entre 2007 et 2012, le pourcentage des recettes générées dans l’Union européenne a chuté de 28 à 21 %.

L’Europe peine à déployer la 4G : seuls 14 % des abonnements mondiaux en 4G y sont souscrits, contre 42 % en Asie-Pacifique et 40 % en Amérique du Nord. La 4G reste indisponible dans trois États membres – Chypre, l’Irlande et Malte – et plus généralement dans presque toutes les zones rurales.

L’Europe a aussi raté le train de l’Internet de deuxième génération11 : entre 2008 et 2012, les inventeurs européens n’ont déposé que 19 dossiers de demandes de brevets web 2.0, quand leurs concurrents américains en déposaient 170.

La plupart des consommateurs de l’Union européenne emploient Internet, mais à des degrés divers d’un État membre à l’autre : en 2012, le taux de population utilisatrice allait de moins de 50 % en Roumanie à plus de 90 % en Suède pour l’ensemble des usages, et de moins de 10 % en Roumanie à 70 % en Suède pour les usages via objets mobiles.

La pénétration de la fibre optique à haut débit en Europe a pris un retard considérable par rapport aux autres zones du monde, surtout la Corée du Sud et le Japon.

Au sein de l’Union européenne, le niveau de pénétration de la large bande est très variable selon les pays, avec un ratio de 17 abonnements pour 100 habitants en Roumanie et de 41 abonnements pour 100 habitants aux Pays-Bas. Avec un ratio de 38 abonnements pour 100 habitants, notons que la France se situe dans le peloton de tête.

L’utilisation du commerce électronique par les citoyens progresse lentement mais régulièrement : 47 % des particuliers européens y ont eu recours en 2012, contre 30 % en 2007. Là encore, les écarts intra-européens sont considérables : 74 % des Suédois et 57 % des Français ont effectué des transactions payantes via Internet en 2012, mais seulement 5 % des Roumains – pour une moyenne européenne de 45 %.

Le constat est identique du côté de l’offre de vente en ligne : 14 % des entreprises européennes proposent le paiement par Internet de biens ou services, un taux en augmentation, mais qui va de 4 % en Italie et en Bulgarie à 27 % en Suède. Les PME sont évidemment moins enclines à vendre en ligne : seules 13 % d’entre elles proposent ce service, un taux stable depuis 2010, et, pour la plupart de celles qui le font, cela représente une proportion faible voire très faible de leur chiffre d’affaires.

L’Union européenne ne s’est toujours pas dotée d’un marché unique numérique. En Europe, une quarantaine de grands opérateurs, obéissant à vingt-huit cadres réglementaires nationaux distincts, sont en compétition pour 510 millions de consommateurs, tandis que le marché américain, avec six grands opérateurs pour 330 millions de consommateurs, et le marché chinois, avec trois grands opérateurs pour 1 400 millions de consommateurs, sont chacun soumis à un cadre réglementaire unique.

Les Européens sont du reste réticents à procéder à des achats en ligne auprès de sociétés installées à l’étranger, y compris dans les autres pays de l’Union européenne.

Les écarts de prix des communications d’un pays à l’autre sont décorrélés des différences de pouvoir d’achat. Ainsi :

- en Suède, au Danemark, en Finlande, au Luxembourg, en Allemagne et en Autriche, le niveau général des prix est supérieur à la moyenne communautaire mais les prix des services de communication sont inférieurs à la moyenne communautaire ;

- le phénomène inverse est observé en Slovaquie, en Hongrie, en Espagne, en République tchèque, en Grèce et au Portugal.

Hormis quelques exceptions, les opérateurs européens de télécommunications concentrent encore une grande partie de leurs efforts sur leur marché national. De ce point de vue, notons qu’Orange a un portefeuille bien diversifié entre activités françaises, européennes et internationales.

La Commission européenne a identifié trois domaines dans lesquels les autorités publiques nationales, dans une logique de subsidiarité, peuvent jouer un rôle moteur dans la construction d’un environnement favorable à l’optimisation des usages numériques.

L’administration en ligne se développe : en 2012, près de 60 % des citoyens ont utilisé Internet au moins une fois pour une interaction avec une administration publique. Ce taux va de 34 % en Italie à 89 % au Danemark – 74 % en France, soit la quatrième meilleure performance de l’Union européenne.

Une administration plus ouverte entraîne de multiples avantages :

- réduction des coûts ;

- productivité accrue ;

- bureaucratie réduite ;

- gain de croissance grâce à l’exploitation de l’information émanant du service public ;

- prise en compte des besoins des administrés.

La sécurité est essentielle pour le développement du numérique. Les craintes ressenties par les internautes qui les dissuadent d’utiliser certains services en ligne portent sur cinq catégories d’actions :

- divulgation de données à caractère personnel à des communautés en ligne ;

- commande ou achat d’un bien ou d’un service pour un usage personnel ;

- opérations bancaires ;

- téléchargement de contenu en ligne ;

- communication avec des administrations publiques.

Il en va de même des passations de marché par voie électronique. Pourtant, la valeur consolidée des marchés publics passée par cette méthode demeure marginale : elle est comprise entre 10 et 50 % de la valeur totale des marchés publics dans quatre pays seulement – Irlande, Portugal, Suède et Royaume-Uni – et supérieure à la moitié uniquement en Lituanie.

La Commission européenne estime que le numérique est le secteur économique dans lequel le plus d’offres d’emplois sont non satisfaites en Europe : d’ici à deux ans, près de 900 000 emplois devraient être à pourvoir, tandis que les formations adéquates dispensées dans les vingt-huit États membres permettent seulement de diplômer environ 100 000 étudiants par an.

La diffusion des compétences en TIC dans l’ensemble de la population est prioritaire. En 2012, 26 % des Européens âgés de seize à soixante-quatorze ans possédaient un niveau élevé de compétences informatiques, 25 % un niveau moyen, 16 % un niveau faible et 33 % aucune compétence.

Dans une étude publiée début octobre 201312, la Commission européenne évalue à 9 milliards d’euros le surcroît de PIB européen que serait susceptible d’entraîner une féminisation du secteur numérique, jugé insuffisamment attrayant et trop masculin par la plupart des jeunes diplômées.

Le problème de genre apparaît dès la formation initiale : 2,9 % des jeunes diplômées du premier cycle universitaire poursuivent leurs études dans les TIC contre 9,5 de leurs homologues masculins ; et, au final, quatre d’entre elles seulement trouveront un débouché professionnel dans ce secteur. En outre, 19,2 % des salariés du numérique ont une femme comme patron, contre 45,2 % dans les autres secteurs.

La Commission recommande donc d’adopter des mesures incitatives spécifiques pour encourager la féminisation des entreprises numériques, notamment en mettant en avant trois atouts qu’elles présentent généralement en comparaison des autres secteurs :

- des niveaux de rémunération relativement élevés ;

- de la liberté dans l’aménagement du temps de travail ;

- un risque de chômage modéré.

Depuis deux ans, six chantiers législatifs afférents au numérique ont été ouverts.

Dans le cadre des perspectives financières de l’Union européenne pour 2014-2020 et conformément aux dispositions du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) visant à la mise sur pied d’infrastructures communes dans les domaines des transports, de l’énergie et des télécommunications13, la Commission européenne a déposé une proposition législative portant lancement d’une initiative dite « Mécanisme pour l’interconnexion en Europe »14 comportant un volet pour les réseaux transeuropéens de télécommunications et des services numériques paneuropéens15.

Ce volet télécommunications, initialement doté de 10,5 milliards d’euros sur l’enveloppe globale de 56,7 milliards d’euros du MIE, est cependant passé sous les fourches caudines du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, qui a réduit ses crédits de près de 90 %. La Commission européenne a donc dû produire une proposition législative révisée16, qui prévoit :

- un financement des réseaux à très haut débit au travers d’un fonds d’amorçage ;

- une assistance technique en ingénierie pour les projets de réseaux à très haut débit ;

- des actions ciblées en faveur d’une douzaine d’infrastructures de services et de contenus.

En revanche, les soutiens à des services d’avenir comme l’informatique en nuage, les réseaux intelligents17 et les services urbains18, qui figuraient dans la version initiale de la proposition de règlement, ont dû être abandonnés.

Les deux colégislateurs ayant donné leur feu vert courant septembre pour l’ouverture des travaux en trilogue sur cette proposition de règlement, le premier dialogue tripartite informel s’est tenu le 2 octobre 2013.

Une autre proposition législative en discussion19 vise à :

- établir le cadre nécessaire à la réalisation de transactions sécurisées et homogènes pour les entreprises, les citoyens et les administrations de l’ensemble des États membres de l’Union européenne ;

- accroître l’efficacité de services électroniques publics et privés ;

- favoriser le développement du commerce électronique au sein du marché intérieur.

La présidence chypriote a présenté un rapport sur l’état d’avancement des travaux et organisé un débat lors du conseil Télécom du 20 décembre 2012.

Au premier semestre 2013, la présidence irlandaise s’est attachée à l’étude de deux parties du texte :

- la reconnaissance transfrontière de l’identification électronique ;

- les obligations en matière de fourniture de services de confiance.

Lors du conseil Télécom du 6 juin 2013, elle a présenté un rapport d’avancement de travaux, qui s’intéresse particulièrement à la question de la fixation des niveaux de sécurité des services en ligne dans le cadre de l’identification électronique. Y sont présentées les deux options autour desquelles se cristallisent les positions des États membres : application du principe de réciprocité versus établissement d’une liste de services.

La France est favorable à l’économie générale du texte, moyennant une définition claire des modalités d’harmonisation du degré de sécurité et un recours plus modéré aux actes délégués.

Troisième dossier sur les bureaux des colégislateurs européens : l’accessibilité des sites Internet des administrations publiques20.

Ce texte assigne aux États membres de prendre les mesures nécessaires, d’ici au 31 décembre 2015, pour que les usagers – notamment les personnes en situation de handicap – soient davantage enclins à utiliser les services en ligne du secteur public.

Il tend également à assurer l’interopérabilité des technologies web et à rendre effectif le marché intérieur pour les prestataires de services intervenant dans cette démarche, en promouvant une norme européenne en cours de conception, afin de la substituer à la norme internationale WCAG 2.0, couramment employée à l’heure actuelle.

Dès le début de l’examen de la proposition de directive dans la filière Télécom, sous présidence irlandaise, plusieurs délégations ont émis des réserves plus ou moins fortes, énumérées dans un rapport de progrès diffusé aux États membres lors du conseil Télécom du 6 juin 2013, portant sur :

- son imprécision ;

- ses délais de mise en œuvre ;

- sa base juridique ;

- son coût ;

- les obligations de contrôle et le risque de surcharge administrative ;

- la pertinence d’élaborer une norme européenne alors qu’existe déjà une norme internationale ;

- le renvoi excessif à des actes délégués ;

- la violation du principe de subsidiarité.

La cybersécurité fait également l’objet d’une proposition de directive21, en vue de renforcer la coopération intra-européenne afin de faire face aux crises dépassant la dimension nationale.

Premièrement, ce texte exige de tous les États membres qu’ils investissent un minimum de moyens, au niveau national, en faveur d’autorités compétentes dans le domaine de la sécurité des réseaux et de l’information :

- des équipes d’intervention en cas d’urgence informatique22 devront être mises sur pied ;

- des stratégies et des plans de coopération nationaux devront être élaborés.

Deuxièmement, les autorités compétentes coopéreront au sein d’un réseau assurant une coordination sûre et efficace, organisant des échanges d’informations et améliorant les capacités de détection et d’intervention au niveau communautaire. Les États membres y échangeront leurs informations et y coopéreront pour faire face aux menaces et incidents sur les réseaux.

Troisièmement, la proposition vise, en s’inspirant de la directive cadre sur les communications électroniques23, à créer une culture de gestion des risques et à favoriser le partage d’informations entre le secteur privé et le secteur public. Les entreprises des secteurs critiques et les administrations publiques seront tenues :

- d’évaluer les risques qu’elles encourent et d’adopter des mesures appropriées et proportionnées pour garantir la sécurité de leurs réseaux et systèmes informatiques ;

- de signaler aux autorités compétentes tout incident de nature à compromettre sérieusement leurs réseaux et systèmes informatiques et à avoir un impact significatif sur la continuité des services critiques et la fourniture des biens.

La Commission européenne a par ailleurs adopté un texte visant à réduire les coûts liés au déploiement du très haut débit24, qui établit un droit d’accès aux réseaux des opérateurs. À cet effet, il impose des obligations de transparence concernant les infrastructures existantes et dresse un cadre pour la coordination des travaux de génie civil.

À ce stade, les discussions dans le groupe « télécommunications et société de l’information » sont restées d’ordre général. En tout état de cause, si elle emporte l’assentiment global des autorités gouvernementales françaises, la proposition de règlement soulève des interrogations parmi certains États membres, s’agissant :

- du coût de sa mise en œuvre ;

- des modalités de calcul des bénéfices attendus.

Ce texte législatif ne constitue pas une priorité de la présidence lituanienne.

La Commission européenne vient de déposer un « paquet télécom », constitué d’une proposition de règlement25 accompagnée d’une étude d’impact26 et d’une communication27. Ce texte, présenté par la commissaire Neelie Kroes comme « un grand pas en avant » et « le projet le plus ambitieux [que la Commission européenne] ait proposé en vingt-six ans de réformes concernant le marché des télécommunication », est censé :

- diminuer la facture du consommateur ;

- simplifier les formalités administratives pour les opérateurs ;

- octroyer toute une série de nouveaux droits tant aux utilisateurs qu’aux fournisseurs de services, afin que l’Europe puisse conquérir la place de numéro un mondial en matière de numérique.

Les principales mesures proposées sont les suivantes :

- simplification de la réglementation communautaire applicable aux opérateurs de télécommunications ;

- élimination des redevances d’itinérance28 ;

- suppression des majorations imposées aux appels intra-européens ;

- instauration de règles juridiques visant à préserver la neutralité du Net ;

- ouverture de nouveaux droits pour les consommateurs et harmonisation de ces droits dans toute l’Europe ;

- coordination dans l’assignation des radiofréquences ;

- amélioration de la sécurité pour les investisseurs.

La proposition de règlement, déposée dans la dernière ligne droite du mandat de la Commission européenne et présentée par celle-ci comme devant impérativement être adoptée selon la procédure législative ordinaire avant le renouvellement de l’équipe exécutive européenne, suscite de vives critiques.

D’abord, elle a été conçue sans concertation préalable avec les États membres, avec une volonté manifeste d’essayer de passer en force, alors que se profile le terme du mandat de la Commission Barroso II. Dans ce contexte, malgré l’organisation collégiale du travail de la Commission européenne, tel ou tel commissaire peut être davantage animé par le souci de faire passer un dernier texte sous son autorité plutôt que par celui de concevoir l’initiative législative en fonction de l’intérêt général de l’Union européenne. Tout en ne se faisant pas d’illusions sur la possibilité de les faire adopter, la présidence de la Commission européenne est par ailleurs encline, d’ici au scrutin européen de mai 2013, à présenter un maximum de propositions de directive ou de règlement comportant des mesures favorables aux citoyens.

Certes, assurer le bon fonctionnement des télécommunications ne constitue plus un enjeu pour ce seul secteur ; il contribue à la croissance de l’activité dans tous les autres pans de l’activité économique, de la santé à l’énergie en passant par les services publics. Il n’en demeure pas moins que les télécommunications ne représentent qu’à peine 9 % de l’économie numérique européenne.

La proposition de règlement s’avère par conséquent inadaptée aux défis contemporains du numérique : elle est axée sur la régulation des réseaux, dans la lignée de quinze années de politiques européennes marquées par quatre « paquets télécommunications » successifs, alors que les géants extracommunautaires d’Internet échappent à toute régulation et que l’urgence consiste :

- à promouvoir l’innovation technologique comme moteur de la compétitivité de l’industrie numérique européenne ;

- à travailler sur le rééquilibrage des obligations et des profits dans la chaîne de valeur ;

- à créer un écosystème favorable à l’émergence et à l’essor de start-up susceptibles de devenir les champions numériques de demain.

Depuis l’instauration d’une présidence stable du Conseil européen, les filières ministérielles pèsent un peu moins et le Président Van Rompuy a imaginé la tenue de conseils européens thématiques. Après une première session sur l’énergie, le 22 mai 2013, il avait été décidé que la réunion des 24 et 25 octobre 2013 serait consacrée au numérique.

Mais les ambitions de la session du Conseil d’octobre ont été manifestement revues à la baisse s’agissant du numérique, puisque l’ordre du jour comporte en définitive deux autres points :

- croissance, compétitivité et emploi ;

- Union économique et monétaire.

Le premier point de l’ordre du jour, effectivement consacré à l’économie numérique, à l’innovation et aux services, balaiera les thématiques suivantes :

- état d’avancement de la stratégie numérique, avec pour objectif de formuler des orientations visant à l’achèvement du marché unique digital d’ici à 2015 ;

- progrès accomplis dans le domaine de l’innovation depuis la session de février 2011, en particulier l’achèvement de l’Espace européen de la recherche (EER) d’ici à 2014 et le développement futur de l’union de l’innovation ;

- suivi de l’exercice d’évaluation par les pairs effectuée dans le cadre de la directive sur les services29, à la suite de la contribution présentée par la Commission européenne, et examen des résultats de l’initiative « Des licences pour l’Europe ».

Il s’avère donc que la stratégie numérique de l’Union européenne ne constituera malheureusement que l’un des trois points de l’un des trois dossiers à l’ordre du jour. Le Gouvernement français ne désespère toutefois pas d’injecter des avancées concrètes dans les conclusions de cette réunion.

À notre connaissance, trois contributions préalables au débat ont été communiquées aux participants, émanant respectivement de la Commission européenne, du Royaume-Uni et de la France.

La première, que nous avons déjà évoquée plus haut, fait la part belle au marché intérieur, avec des mesures favorables aux consommateurs, au marché des télécommunications et à l’effort européen de recherche, mais elle ne comprend guère de pistes de dispositions concrètes destinées à faire émerger des entreprises numériques.

Quant à la contribution britannique, elle se penche sur les questions du marché des services et, aussi, du marché des télécommunications.

La contribution soumise au débat par la France, datée du 16 septembre 201330, est bâtie autour de quatre priorités.

En matière de politique industrielle, la France a identifié trois axes d’action :

- soutien à l’innovation :

• lorsque la révision des directives relatives aux marchés publics31 sera adoptée, mettre pleinement en œuvre les dispositions prévues, en particulier le partenariat d’innovation, qui doit conduire à un accroissement des achats publics auprès des PME innovantes ;

• développer des instruments européens, notamment de capital-risque, par le biais d’un fonds de fonds, d’un meilleur recours au Fonds européen d’investissement (FEI) et d’une association appropriée avec les instruments financiers nationaux ;

• utiliser à plein les crédits du nouvel instrument PME du programme-cadre de recherche et d’innovation Horizon 202032 ;

• confier à la Commission européenne le mandat de renforcer les liens entre recherche, normalisation et développement technologique ;

- ciblage des financements européens – Horizon 2020, banque européenne d’investissement (BEI), fonds structurels – sur des actions stratégiques :

• privilégier le développement de technologies avancées comme l’informatique en nuage, les objets connectés ou le traitement de masses de données ;

• faciliter le développement de services comme les villes et les réseaux de transport et d’énergie intelligents, ainsi que les plateformes ouvertes d’éducation ;

• soutenir le développement d’infrastructures de réseaux, en particulier pour l’accès au haut débit, au très haut débit et à la 4G ;

• se mobiliser en faveur du développement du numérique dans le secteur éducatif et pour la formation des demandeurs d’emploi aux métiers du numérique ;

- réglementation pour garantir un environnement juridique stable, lisible et favorable aux entreprises et ainsi favoriser l’essor d’entités européennes à vocation mondiale.

Premièrement, la Commission européenne doit présenter un rapport et/ou une communication avant la fin du premier trimestre 2014, en vue d’une proposition législative à la fin du premier semestre 2014, pour réguler les principales plateformes de services et applications numériques :

- garantir un accès ouvert aux services et utilisateurs d’Internet et permettre l’émergence d’acteurs européens de niveau mondial ;

- définir, dans ce contexte, les conditions d’accès, de transparence et de non-discrimination de manière suffisamment souple et réactive pour prendre en compte et encourager le caractère innovant et dynamique d’Internet ;

Deuxièmement, la Commission européenne doit préparer un rapport sur la fiscalité en vue du Conseil européen puis élaborer des propositions avant le printemps 2014, afin qu’aucune entreprise n’échappe à l’impôt :

- faire en sorte, par un régime adapté, que les profits des entreprises du secteur numérique réalisés sur le marché européen soient soumis à l’impôt et que leurs recettes soient réparties entre les États membres, en rattachant l’assiette au lieu où ces profits sont réalisés ;

- adapter la législation existante lorsqu’elle contribue à l’érosion des bases taxables, en tenant pleinement compte des travaux en cours au sein de l’OCDE ;

- réformer le cadre communautaire de la TVA afin de pouvoir appliquer des taux réduits pour certains biens et services culturels en ligne ;

- réfléchir à la possibilité de soumettre à une contribution les transferts de données hors d’Europe ;

Troisièmement, la Commission européenne doit définir le cadre et les moyens permettant au régime européen du droit d’auteur de garantir pleinement le respect des droits de propriété intellectuelle dans l’espace numérique, en traitant rapidement les questions suivantes :

- promouvoir des mécanismes d’octroi de licences équilibrés et efficaces au sein du marché intérieur, tout en favorisant l’interopérabilité des services et des appareils ;

- garantir l’effectivité de l’application de droits de propriété intellectuelle dans l’environnement numérique ;

- relancer un plan européen de la lutte contre la contrefaçon et le piratage ;

- défendre les contenus culturels numériques ;

Troisièmement, dans les domaines de la culture et de l’audiovisuel, la Commission européenne doit veiller à conserver sa capacité à maintenir, adapter, mettre en œuvre, définir et développer des politiques, y compris pour prendre en compte le développement de nouvelles technologies, en particulier dans l’environnement numérique. Une réflexion devra être lancée sur la mise en place d’une politique européenne permettant de pérenniser la création audiovisuelle européenne.

L’affaire Prism a fait apparaître la nécessité d’un renforcement des règles visant à assurer la protection de la vie privée pour les citoyens européens. Un accord doit être trouvé en octobre 2013 sur les principales dispositions du paquet législatif « protection des données »33. Il devrait comprendre les éléments suivants :

- l’application des garanties offertes par la réglementation européenne à tous les traitements de données de personnes résidant sur le territoire de l’Union européenne ;

- l’encadrement des transferts de données en direction des États tiers, de sorte à assurer une protection adéquate de leur accès et à ne pas procurer d’avantage concurrentiel aux entreprises extra-européennes exerçant en Europe ;

- la mise en place d’un guichet unique, la simplification des formalités pour les entreprises, la possibilité pour les personnes concernées de s’adresser à leur autorité de contrôle nationale pour défendre leurs droits ;

- la mise en place d’un mécanisme permettant une étroite coopération entre autorités de contrôle nationale sur les décisions concernant les traitements de données personnelles.

Il convient par ailleurs de garantir la sécurité juridique des échanges commerciaux dématérialisés et de promouvoir ainsi la confiance dans le commerce en ligne :

- en mettant pleinement en œuvre les directives sur les droits des consommateurs34 et sur le commerce en ligne35, pour garantir un haut niveau de protection des consommateurs ;

- en faisant en sorte que le Conseil et le Parlement européen parviennent, d’ici à la fin de l’année, à un accord sur la proposition législative concernant l’identification, l’authentification et la signature électroniques36, afin de garantir l’existence de niveaux de sécurité harmonisés et la possibilité, pour les États membres, d’adopter des règles mieux-disantes en ce qui concerne la sécurité des systèmes d’information.

Pour donner une pleine effectivité internationale aux règles dont elle se dote, il convient que l’Union européenne renforce son action dans l’ensemble des forums traitant des questions relatives au numérique. Il s’agit de faire respecter les libertés individuelles, les droits de propriété intellectuelle ou encore les mesures fiscales.

En prévision du Conseil européen, Fleur Pellerin a organisé, le 24 septembre 2013, un « mini-sommet » à huit États, avec ses homologues allemand, belge, espagnol, hongrois, italien, polonais et britannique, en présence de la commissaire Neelie Kroes, afin de constituer un front politique en faveur d’un élargissement de la problématique au-delà de la question des télécommunications.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 8 octobre 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. Chacun est convaincu de l’importance du numérique, de son incidence sur notre économie, notre culture et notre civilisation ; or, dans le même temps, nous constatons que l’Europe est en panne de doctrine. Les propositions qui seront présentées au prochain Conseil européen ne sont d’ailleurs pas à la hauteur de l’ambition qui devrait être la nôtre.

Dans ce secteur, la capitalisation boursière est détenue à 85 % aux États-Unis et à 3 % seulement en Europe. Au moment du lancement de la stratégie de Lisbonne, la moitié des téléphones portables étaient produits par des marques européennes prestigieuses ; aujourd’hui, pratiquement tous les smartphones viennent des autres continents. Le marché des applications, en cinq ans, a décollé – il représente 11 milliards d’euros et devrait s’élever à 16 milliards en 2016 – mais il est l’apanage des Américains et des Asiatiques, même si nous avons aussi des start-up extrêmement innovantes dans ce domaine.

L’Europe a donc manqué un certain nombre de rendez-vous, ce qui s’avère d’autant plus grave que les enjeux de souveraineté sont énormes : droit applicable, anticipation de l’avenir, redressement industriel, rayonnement culturel, libertés publiques, lutte contre la cybercriminalité.

Le poids de l’économie dans le PIB varie de 3 % au Canada à 9 % en Corée du Sud, la France, avec 3,9 ou 4 %, se situant en position moyenne.

Or l’Europe est trop souvent à la traîne. Elle dispose certes d’un agenda numérique, réactivé il y a trois ans, avec six chantiers en cours : l’interconnexion des réseaux de télécommunications, l’identification électronique et services de confiance, l’accessibilité des sites web des administrations publiques, la sécurité de réseaux, le coût du déploiement du haut débit et, il y a quelques semaines seulement – ce qui, en fin de mandat de la Commission européenne, semble un peu étrange –, un nouveau paquet télécom. Ce dernier paquet législatif est assez peu ambitieux, même si certains de ces éléments sont utiles, notamment ceux relatifs à l’itinérance.

Avec Axelle Lemaire, dans le prolongement de la contribution française au prochain Conseil européen, que nous avons jugée remarquable, nous avons souhaité vous proposer une proposition de résolution européenne, afin de bien marquer la volonté de l’Assemblée nationale de voir l’Europe gagner en ambition dans ce domaine.

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure. Si le déclin européen dans le secteur numérique est réel et quantifié, il ne doit pas occulter les atouts de l’Union européenne, qu’il incombe à notre continent de mettre en avant dans la compétition économique et normative internationale : le niveau de formation et la qualité des infrastructures d’accueil, de production et de diffusion des services et des contenus numériques.

L’actualité nous montre chaque jour combien la thématique du numérique est importante, avec encore, aujourd’hui même, l’annonce par Alcatel de licenciement massifs. De nombreux sujets inscrivent la question numérique au cœur de l’actualité. C’est pourquoi nous avons souhaité rédiger un rapport d’information mais aussi formuler une proposition de résolution européenne à propos du numérique, ce qui constituerait une première. Si vous l’approuvez aujourd’hui, elle sera soumise, la semaine prochaine, à la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

L’ordre du jour de la prochaine session du Conseil européen comportant pour la première fois un point consacré à l’économie numérique, cela permettra de donner une impulsion politique forte aux initiatives européennes prises en ces domaines. Cela dit, l’ordre du jour a été remanié et la thématique du numérique s’y trouve finalement un peu noyée.

Nous approuvons l’ensemble des orientations de la contribution présentée par la France en vue de ce Conseil européen, tandis que les deux autres papiers dont nous avons eu connaissance, ceux de la Commission européenne et du Royaume-Uni, sont très orientés vers l’approfondissement du marché unique, c’est-à-dire une approche commerciale, nécessaire mais insuffisante.

Premièrement, nous préconisons que l’Union européenne définisse une véritable stratégie industrielle dans le secteur numérique, ce qui passe tout d’abord par un encouragement à l’investissement, grâce à une mobilisation plus effective des crédits des programmes-cadres de recherche et d’innovation, des fonds structurels et de la Banque européenne d’investissement.

Il faut aussi faciliter l’accès au financement de l’innovation, en particulier via les outils de capital-risque, avec l’idée d’utiliser des fonds de fonds paneuropéens.

Il est important de favoriser l’accès de nos PME aux marchés publics européens.

Il convient de cibler l’effort stratégique d’investissement vers des expérimentations technologiques et commerciales à gros enjeu industriel, relatives, par exemple, à l’informatique en nuage, à la nanoélectronique, au stockage et au traitement des masses de données, aux objets connectés ou encore aux services sans contact, dans l’esprit des trente-quatre mesures mises en avant par le ministère du redressement productif.

Nous proposons que soient développés des pôles de recherche multidisciplinaires et des synergies européennes, dans le cadre de l’Espace européen de la recherche et de la mise en œuvre d’Horizon 2020.

Les préoccupations environnementales et les objectifs de réduction des émissions de carbone, d’accessibilité et d’efficacité énergétiques doivent être intégrés dans cette politique industrielle, car le développement du secteur numérique s’accompagne d’une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Deuxièmement, nous demandons que soit élaboré un régime de gouvernance et de régulation des services digitaux.

Les plateformes géantes de services digitaux doivent être soumises à des règles du jeu équitables pour lutter contre la constitution et la consolidation d’oligopoles numériques abusant de leur position dominante.

Nous avons souhaité rappeler l’importance des valeurs fondamentales de l’Union européenne – droits humains, promotion de la démocratie, confidentialité des données personnelles – ainsi que de la diversité des contenus culturels.

S’agissant des données personnelles – 315 milliards d’euros seraient en jeu –, il faut concilier protection des données et attractivité du territoire européen. Je suis convaincue que l’Europe protectrice des données peut offrir une plus-value par rapport aux autres zones du monde.

Cela implique une meilleure coopération entre les autorités nationales de régulation.

Ce Conseil européen doit être l’occasion de parler de la gouvernance de la gestion et de l’internationalisation des noms de domaine, très américaine et peu soucieuse de l’intérêt public.

Se pose aussi la question d’une fiscalité coordonnée, de nature à empêcher l’évasion fiscale et l’érosion des bases.

La lutte contre la cybercriminalité doit être améliorée, grâce, là aussi, à une meilleure coopération entre États membres.

Troisièmement, nous appelons à bâtir un environnement économique et culturel propice au développement de l’économie numérique.

Cela passe par la sécurisation maximum des transactions commerciales et bancaires en ligne au sein du marché intérieur.

L’Europe doit proposer aux jeunes Européens des formations qualifiantes adaptées au marché.

Il importe d’inciter les femmes à opter pour les formations et les métiers du numérique.

Enfin, la réussite de la stratégie numérique européenne dépend de la capacité des citoyens à devenir des usagers autonomes et avertis de l’espace numérique.

M. Pierre Lequiller. Je félicite les deux rapporteurs pour ce rapport très intéressant.

Quelles pistes proposez-vous pour assurer l’émergence d’innovations européennes, alors que les monopoles existants, comme Google ou Apple, peuvent décider de la vie ou de la mort d’une société, en acceptant ou non de référencer un site ou une application ?

La suprématie américaine provient de la mobilisation de capitaux énormes au moment du lancement des entreprises. Comment réussir aussi bien en Europe ?

M. Philip Cordery. Dans votre proposition de résolution, pourquoi n’évoquez-vous pas le paquet télécom, alors qu’il y a tant à en dire, compte tenu des dangers que recèlent certaines de ses dispositions, relatives en particulier à la neutralité du Net ou au roaming ?

Mme Laure de La Raudière. Je tiens, à mon tour, à féliciter les rapporteurs. Ce premier rapport général est très utile mais je crois aussi qu’il convient d’ajouter des considérations sur le paquet télécoms et la neutralité du Net.

Sur certains points, nous serons peut-être amenés, en Commission des affaires économiques, avec Corinne Erhel, à proposer des amendements, pour qu’aucune formulation ne puisse être mal interprétée par nos partenaires européens ou même par les acteurs du numérique français.

La Présidente Danielle Auroi. Je remercie moi aussi nos rapporteurs.

Vous citez très justement les questions environnementales et énergétiques mais pas les effets du numérique sur la santé.

Et vous n’évoquez pas non plus la propriété intellectuelle, qui est au cœur, par exemple, de la question du livre numérique. Je n’ose imaginer ce que donneraient Dans la solitude des champs de coton ou Combat de nègre et de chiens de Koltès, traduits par Amazon et revendus en France dans leur nouvelle version française… Nous en avions déjà parlé, avec Patrick Bloche, dans notre rapport sur l’exception culturelle européenne.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure. Koltès ou Borges ne supporteraient en effet pas d’être traduits puis retraduits en sens inverse ; le langage poétique ne supporte pas le passage des frontières linguistiques.

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. L’idée de protection de la propriété intellectuelle figure déjà clairement aux points f) et g) du 5. Mais nous pouvons compléter ce g), qui serait donc ainsi rédigé : « g) en faisant en sorte que la propriété intellectuelle et les droits d’auteur soient respectés au même titre qu’ils le sont hors du champ numérique ; ».

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure. Pour faire émerger de grands acteurs européens, il faut considérer l’ensemble du cycle de vie des entreprises, dès leur naissance, et agir par la formation, l’incitation à l’innovation et le financement, en particulier à travers les outils de la Banque européenne d’investissement, qui est en train de s’orienter davantage vers les PME.

Il convient de revoir le cadre normatif applicable, notamment en matière de règles de concurrence, de protection des données personnelles et de noms de domaine, car il est anormal que celle-ci soient actuellement édictées par des acteurs privés non européens. La ministre déléguée chargée du numérique, Fleur Pellerin, a émis l’idée de la création d’une autorité de régulation des conflits distincte du cadre communautaire des contentieux de la concurrence, très contraignant pour les acteurs européens du numérique.

Le sujet du paquet télécom pourra en effet être traité en Commission des affaires économiques car ce sera sans doute l’un des points importants du prochain Conseil européen.

Les dispositions concernant les frais d’itinérance constituent une avancée pour les consommateurs.

La question de la neutralité du Net n’est pas incluse, à ce stade, dans la proposition de résolution, mais il n’est pas exclu qu’elle le soit dans sa version finale.

En tout cas, il n’est pas question d’envoyer des mauvais signaux aux acteurs français et européens du Net ; bien au contraire, tout sera fait pour créer un environnement propice à leur développement. La dernière partie de la proposition de résolution est utile car elle s’inscrit dans le cadre de l’action des institutions européennes en faveur de l’approfondissement du marché intérieur, notamment en ce qui concerne la sécurisation des transactions. La formation au numérique peut s’insérer dans le cadre des programmes européens de formation, qu’il s’agisse de l’apprentissage ou d’Erasmus.

Quant au statut des lanceurs d’alerte, nous avons considéré qu’il était trop tôt pour traiter de la question car les réflexions à ce sujet sont insuffisamment abouties.

Pour ce qui est de la santé, je vois surtout ce secteur sous l’angle du potentiel de développement que recèle l’e-administration. Cela dit, à la fin du point f) du 4, nous pouvons parfaitement ajouter les mots : « , ainsi que les problématiques sanitaires ».

La Présidente Danielle Auroi. Je vous invite à adopter la proposition de résolution amendée, qui constitue un excellent outil à soumettre à la Commission des affaires économiques.

Puis la Commission a approuvé, à l’unanimité, la proposition de résolution européenne dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses titres I, XIII, XV à XVII et XIX,

Vu la communication de la Commission du 3 mars 2010 « Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » [COM (2010) 2020],

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 26 août 2010 « Une stratégie numérique pour l’Europe » [COM(2010) 245/2],

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 décembre 2012 « Une stratégie numérique pour l’Europe : faire du numérique un moteur de la croissance européenne » [COM (2012) 784],

Vu l’ordre du jour du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013,

Considérant que l’essor de la civilisation numérique est porteur d’immenses transformations scientifiques, économiques, sociales et sociétales, sources de croissance et d’emplois,

Considérant que, dans la compétition internationale, l’Europe, riche de son marché intérieur et de sa tradition tournée vers les savoirs et la connaissance, est le niveau pertinent pour penser une stratégie numérique ambitieuse,

Considérant que le retard accusé par l’Europe dans la répartition des parts de marché de l’économie numérique risque de s’accentuer dans les décennies à venir si les États européens ne font pas de ce secteur une priorité de leur agenda politique,

Considérant qu’il convient de promouvoir des solutions régulatrices équilibrées, conciliant le formidable potentiel du numérique avec les exigences de compétitivité des entreprises, de respect de la vie privée, de protection des consommateurs et de sécurité des réseaux,

1. Se félicite que l’ordre du jour de la prochaine session du Conseil européen comporte pour la première fois un point consacré à l’économie numérique, à l’innovation et aux services, ce qui permettra de donner une impulsion politique forte aux initiatives européennes prises en ces domaines ;

2. Exprime le souhait que l’Union européenne fasse du numérique une politique autonome dans l’agenda européen et se dote d’une stratégie opérante au regard des défis contemporains et futurs ;

3. Approuve l’ensemble des orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche proactive du Gouvernement français vis-à-vis des autres États membres et de la Commission européenne ;

4. Préconise de définir une véritable politique industrielle dans le secteur numérique afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de productivité, de croissance et d’emploi :

a) en encourageant l’investissement, en particulier dans les infrastructures, par une mobilisation plus effective des crédits des programmes-cadres de recherche et d’innovation, des fonds structurels et de la Banque européenne d’investissement ;

b) en facilitant l’accès au financement de l’innovation via les outils de capital-risque, notamment en créant des fonds de fonds paneuropéens, pour accompagner l’essor des start-up susceptibles de devenir les champions numériques de demain ;

c) en élaborant un corpus de règles spécifiques pour l’accès des PME innovantes aux marchés publics ;

d) en ciblant l’effort stratégique d’investissement vers des expérimentations technologiques et commerciales à gros enjeu industriel, relatives à l’informatique en nuage, à la nanoélectronique, au stockage et au traitement des masses de données, aux objets connectés ou encore aux services sans contact ;

e) en développant des pôles de recherche multidisciplinaires et des synergies européennes, dans le cadre de l’Espace européen de la recherche et de la mise en œuvre d’Horizon 2020 ;

f) en intégrant à l’industrie numérique les préoccupations environnementales et les objectifs de réduction des émissions de carbone, d’accessibilité et d’efficacité énergétiques, ainsi que les problématiques sanitaires ;

5. Demande que soit élaboré un régime de gouvernance et de régulation des services digitaux :

a) en imposant aux plateformes de services digitaux des règles du jeu équitables pour lutter contre la constitution et la consolidation d’oligopoles numériques abusant de leur position dominante ;

b) en assurant le respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne, incluant les droits humains, la promotion de la démocratie et la confidentialité des données personnelles, et en favorisant la diffusion des contenus culturels dans leur diversité ;

c) en dotant le cadre de protection des données personnelles d’un guichet unique, en protégeant les droits des usagers et en renforçant la coopération entre les autorités de régulation nationale ;

d) en défendant l’idée d’une gouvernance de la gestion et de l’internationalisation des noms de domaine par les parties prenantes représentatives, dans un souci d’intérêt public ;

e) en imaginant une fiscalité coordonnée, de nature à empêcher l’évasion fiscale et l’érosion des bases ;

f) en garantissant une rémunération juste des prestataires numériques intervenant sur la totalité de la chaîne de valeur des produits dématérialisés ;

g) en faisant en sorte que la propriété intellectuelle et les droits d’auteur soient respectés au même titre qu’ils le sont hors du champ numérique ;

h) en renforçant la coopération interétatique en matière de prévention et de lutte contre la cybercriminalité ;

6. Appelle à bâtir un environnement économique et culturel propice au développement de l’économie numérique :

a) en sécurisant au maximum les transactions commerciales et bancaires en ligne au sein du marché intérieur ;

b) en proposant aux jeunes Européens des formations qualifiantes adaptées pour préparer des cohortes suffisantes de professionnels possédant les compétences numériques que requerront les emplois de demain ;

c) en incitant davantage les femmes à opter pour les formations et les métiers du numérique ;

d) en accompagnant les citoyens européens, enfants et adultes, pour les aider à devenir des usagers autonomes et avertis de l’espace numérique.

ANNEXES

ANNEXE NO 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Secrétariat général des affaires européennes

M. Serge GUILLON, secrétaire général

Mme Aurélie LAPIDUS, conseillère auprès du secrétaire général

M. Matthieu AUTRET, chef du secteur ITEC (industrie, société de l’information, etc.)

Mme Juliette CLAVIERE, chef du secteur Parlement national

Cabinet de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

M. Bertrand PAILHES, conseiller technique usages du numérique

ANNEXE NO 2 :
COMPTE RENDU
DE L’AUDITION DE MME FLEUR PELLERIN
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
(RÉUNION DU 2 OCTOBRE 2013)

M. Jérôme Lambert, président. Madame la ministre, la Commission des affaires européennes est heureuse de vous recevoir, pour la première fois depuis votre nomination au Gouvernement. Mme la présidente Danielle Auroi, empêchée de vous accueillir car elle accompagne le Président de la République en visite dans sa circonscription, m’a prié de vous transmettre ses regrets de ne pouvoir être présente à cette audition.

Les trois dossiers qui constituent votre portefeuille font l’objet de nombreux chantiers européens, qu’ils soient de nature législative, en vue de l’adoption de dispositions à court terme, ou plus prospective.

Dans le cadre de la programmation budgétaire pluriannuelle 2014-2020, la Commission européenne a manifestement souhaité renforcer les actions en faveur des PME. Cette volonté se traduit notamment par le nouveau programme COSME de soutien à la compétitivité des PME ou encore le futur programme Eurostars-2, qui a pour objectif de promouvoir les activités de recherche transnationales menées par les PME. Plus significatif en termes d’engagement politique et de volume de financements, le huitième programme-cadre européen pour la recherche et l’innovation, Horizon 2020, met l’accent sur les PME, avec trois catégories de financements fléchés.

Estimez-vous que cet arsenal communautaire répond bien aux attentes du tissu des PME européennes ? Ces 20,7 millions d’entreprises, rappelons-le, constituent une source majeure de la croissance économique et de la création d’emplois, avec 58 % de la valeur ajoutée brute des Vingt-huit et plus de 67 % des emplois du secteur privé.

Nous souhaiterions également des informations sur l’économie générale du paquet législatif Horizon 2020, qui a fait l’objet, en avril dernier, d’un rapport d’information de nos collègues Audrey Linkenheld et Jacques Myard. Dans leurs conclusions, les rapporteurs avaient insisté sur la nécessité, en dépit du resserrement du cadre financier pluriannuel, de « sanctuariser » les crédits du programme-cadre, eu égard au caractère hautement stratégique de la recherche et de l’innovation, afin d’éviter des « arbitrages hasardeux » entre thématiques scientifiques.

Six mois plus tard, l’enveloppe budgétaire totale accordée à Horizon 2020 vous semble-t-elle suffisante et la répartition entre priorités scientifiques vous semble-t-elle adaptée, pour soutenir l’innovation en réseau à l’échelle du continent tout en garantissant les intérêts de l’appareil industriel français, notamment de ses secteurs d’excellence comme l’aéronautique, l’espace, la sécurité, la santé ou l’énergie ? Avec Horizon 2020, pensez-vous que l’Europe est bien armée pour fluidifier le continuum recherche-innovation, afin de faciliter la mise sur le marché de produits innovant développés grâce à la recherche collaborative européenne ?

Enfin, à trois semaines du premier Conseil européen consacré à l’économie numérique, je souhaiterais évidemment vous interroger sur ce sujet stratégique, qui recèle de multiples enjeux.

La commissaire européenne à la stratégie numérique, Neelie Kroes, a présenté, le 12 septembre, une proposition de règlement sur les télécommunications, dont l’ambition affichée est d’éliminer les barrières freinant l’émergence d’un marché unique numérique. Vous avez émis des réserves à propos de ce texte, regrettant qu’il soit tourné vers la régulation des réseaux plutôt que vers la promotion de l’innovation. Quelles sont les propositions alternatives de la France ?

Un consortium de trois grands réseaux bancaires français vient d’annoncer le lancement d’un service de paiement en ligne baptisé PayLib, destiné à concurrencer la solution américaine PayPal, actuellement détentrice d’un quasi-monopole mondial. Le Gouvernement affiche la volonté de faire émerger des entreprises européennes leaders dans le secteur du numérique. PayLib pourrait constituer l’amorçage d’un tel « champion ». Et l’enjeu est identique pour toutes les catégories de services numériques. Mais votre volontarisme politique ne risque-t-il pas de se heurter à la réglementation européenne de la concurrence ?

L’affaire Prism a d’ailleurs démontré combien l’économie numérique contribue aujourd’hui à la puissance géopolitique d’un État. Cette considération a poussé la Commission européenne à préparer une « Charte européenne de l’informatique en nuage », contenant des normes harmonisées susceptibles d’inciter les entreprises européennes à développer leur offre de services de stockage de données. Il s’agit non seulement de protéger les données des internautes européens mais également d’exploiter un gisement gigantesque de croissance et d’emplois. Ce document sera-t-il examiné lors du Conseil européen d’octobre ?

Le rapport Colin et Collin ainsi que celui du Conseil national du numérique mettent en évidence l’inadéquation du droit fiscal international, européen et national aux réalités de l’économie numérique, entraînant une érosion des bases préjudiciable aux États. Vous avez pris l’initiative d’organiser un « mini-sommet » à ce sujet avec six de vos homologues européens. Quelles mesures entendez-vous porter face à vos homologues européens ?

Je n’ai évidemment pas pu aborder la totalité des enjeux afférents à l’économie numérique. Je vous invite à nous faire part de vos réflexions sur d’autres thématiques qui vous sembleraient essentielles, notamment s’il est prévisible qu’elles soient traitées lors du Conseil européen des 24 et 25 octobre. Nos collègues Axelle Lemaire et Hervé Gaymard, qui, vous le savez, préparent une proposition de résolution européenne à ce sujet, seront particulièrement attentifs à vos réponses.

Avant de vous céder la parole, madame la ministre, je salue la présence parmi nous de Mme Nathalie Chiche, rapporteure, au nom de la section des affaires européennes et internationales du Conseil économique, social et environnemental, de la saisine consacrée à « Internet et sa gouvernance dans un monde globalisé », et celle de Mme Marielle Gallo, députée européenne, très engagée sur le sujet du numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Le sujet principal de l’audition est la préparation du Conseil européen des 24 et 25 octobre prochains : un volet consacré à l’économie numérique est inscrit, pour la première fois, à l’ordre du jour de cette réunion des chefs d’État et de gouvernement. Il s’agit de fixer les objectifs qui seront assignés à la Commission européenne pour les prochains mois, sans différer la réflexion.

La France a diffusé, mi-septembre, un « non-papier » en quatre volets pour tenter d’influencer l’ordre du jour et les conclusions du Conseil.

Son premier chapitre a trait à la politique industrielle et à la vision stratégique à adopter en matière d’économie numérique, afin de constituer un environnement propre à structurer son développement.

Le deuxième volet porte sur l’égalité de traitement – c’est l’idée de level playing field – entre tous les acteurs du numérique, en termes de régulation, de droit de la concurrence, de protection des données personnelles et de fiscalité.

Le troisième point est consacré aux moyens de créer la confiance en l’économie numérique, notamment quand il est question de transférer des données personnelles vers les pays où le niveau de protection est inférieur au nôtre.

Enfin, nous souhaitons voir abordée la question de la place de l’Union européenne dans les instances mondiales de la gouvernance de l’Internet.

Notre travail se poursuit pour obtenir des avancées sur tous ces sujets dans les projets de conclusions du Conseil européen. Après la diffusion de notre contribution, le Royaume-Uni a également publié un « non-papier », principalement orienté sur le marché des services et celui des télécommunications. La Commission européenne a aussi élaboré une contribution, qui fait la part belle au marché intérieur – avec des mesures en faveur des consommateurs – et au marché des télécommunications ; ce document nous paraît très insuffisant car, hormis le Partenariat européen de l’informatique en nuage, ne comporte aucune mesure destinée à faire émerger des entreprises du numérique.

Pour ce Conseil européen, le Gouvernement a plusieurs objectifs. Nous souhaitons élargir la vision européenne du numérique au-delà des seules télécommunications, mais aussi dresser le constat de l’échec collectif de quinze années de politique numérique européenne.

Cette politique, reposant excessivement sur la recherche fondamentale et insuffisamment sur l’innovation et les écosystèmes, ne nous a pas permis de faire prospérer les start-up européennes du secteur. Il faut aussi en finir avec l’inégalité persistante de traitement qui se traduit par une sur-régulation des opérateurs de télécommunications, tandis que les entreprises over-the-top – les géants du secteur – ne sont pratiquement soumises à aucune contrainte, ni en termes de régulation ni en termes de contenus.

Le Conseil européen devra aussi traiter de fiscalité, sujet qui commence seulement à être abordé alors qu’il s’agit d’un élément structurant dans la compétition mondiale. L’exemple type est celui du commerce électronique : les marges étant très faibles, l’évasion fiscale pratiquée par Amazon lui permet de gagner facilement des parts de marché en Europe. Enfin, je l’ai dit, la protection des données personnelles est un facteur essentiel pour restaurer la confiance des Européens dans l’économie numérique.

Les enjeux de ce Conseil européen sont donc multiples. La France peut prendre des initiatives et je m’y emploie, mais, dans la compétition mondiale, l’Europe est le bon niveau d’intervention pour ce secteur. Le marché unique qui, avec ses 500 millions d’utilisateurs, est plus important en volume que le marché américain, offre aux acteurs européens de l’économie numérique la masse critique qui leur est nécessaire pour grandir ; par ailleurs, les outils de financement, de normes et d’achats publics ne sont pertinents qu’à cette échelle.

Construire le cadre européen adéquat pour le numérique prendra du temps. Il a fallu quinze années et quatre « paquets » législatifs pour bâtir le cadre du secteur européen des télécommunications, et l’unification réelle du marché européen du numérique passe par la mise en œuvre de dizaines de directives – certaines passées, d’autres à venir. Cette démarche impose de lourdes contraintes aux opérateurs européens, qui risquent de provoquer des blocages et de limiter leur croissance à court terme. Nous devons garder ces considérations à l’esprit au moment de construire ce cadre communautaire car nous ne pouvons-nous permettre d’attendre dix ans pour tirer les bénéfices du marché unique. Aujourd’hui, la réglementation européenne prend insuffisamment en compte la dimension industrielle. Certains de nos partenaires, y compris les plus libéraux, partagent cette opinion : la réglementation européenne, élaborée dans une perspective de très long terme, fait l’impasse sur la dimension économique de court terme, enclenchant un cercle vicieux susceptible d’obérer les perspectives d’avenir.

La route vers le marché numérique unique qu’il nous faut tracer doit accompagner la croissance des entreprises européennes. La session du Conseil européen consacrée au numérique doit être l’occasion de bâtir cette stratégie en privilégiant des actions tournées vers les technologies et l’innovation, et en rééquilibrant les obligations de tous les acteurs de la chaîne de valeur – ce qui signifie qu’il nous faut prendre garde de ne pas imposer de trop fortes obligations aux acteurs européens tout en laissant les acteurs non européens libres de toute contrainte.

Nous souhaitons, je vous l’ai dit, que la réflexion sur l’économie numérique ne s’arrête pas aux télécommunications ; de nombreux pays partagent ce souhait. Nous voulons aussi que l’accent soit mis sur la croissance des entreprises pour créer les champions européens de demain. Les questions qui fâchent – le programme Prism, la fiscalité, le transfert des données personnelles – sont aussi symptomatiques de l’échec des Européens à faire émerger les entreprises de taille critique aptes à concurrencer les multinationales américaines et à devenir des leaders mondiales. Pour recouvrer une souveraineté numérique et ne plus être seulement les consommateurs passifs d’intelligence, de biens et de services produits ailleurs, les Européens doivent donc guérir à la fois les symptômes et la racine du mal.

Se donner les moyens de bâtir ces entreprises de taille critique suppose de renforcer le capital-développement à l’échelle européenne. Aujourd’hui, les start-up européennes qui cherchent à financer leur développement sont contraintes de se tourner vers des fonds de capital-risque américains. L’industrie européenne du capital-risque n’est pas assez puissante. La comparaison est cruelle pour nous : en matière de levée de fonds, le rapport entre l’Union européenne et les États-Unis atteint 1 pour 8, avec un ticket moyen trois fois inférieur en Europe à ce qu’il est aux États-Unis. C’est pourquoi beaucoup de nos start-up à la recherche de fonds propres se font racheter par des entreprises de la Silicon Valley. Il nous faut donc créer des fonds de fonds paneuropéens adossés à la Banque européenne d’investissement.

Nous devons aussi utiliser le levier de l’achat public, comme le font les États-Unis, en créant une place de marché européenne pour permettre à nos PME d’accéder plus facilement à une première référence et leur donner des débouchés. Le sujet a déjà été abordé au niveau européen mais nous souhaitons y revenir pendant le Conseil européen.

Il convient encore de lancer une initiative dans le big data, grande révolution industrielle à venir qui demande des infrastructures considérables et donc une coopération européenne.

Le Conseil européen devra aussi aborder la régulation des plateformes au niveau européen. En position dominante, elles sont devenues un passage obligé pour accéder à des services ou à des informations sur l’Internet. Une réglementation uniforme doit être appliquée à tous les acteurs, européens ou non, dès lors qu’ils exercent des activités en Europe. Les mêmes règles et les mêmes obligations doivent valoir pour tous, par exemple en matière de portabilité des données. Tous les pays que nous avons consultés à ce sujet jugent cette régulation prioritaire.

Enfin, alors que la dernière directive relative aux frais d’itinérance n’est pas encore complètement appliquée, il faut se garder d’alourdir la régulation des télécommunications par un nouveau paquet. Nombre de mes homologues pensent, comme moi, qu’il y a une incohérence entre les objectifs affichés dans la proposition de directive de Neelie Kroes, qui vise d’une part à favoriser les investissements des opérateurs de télécommunications pour accélérer le déploiement du très haut débit, d’autre part à réduire à néant les frais d’itinérance en Europe. Poursuivre dans cette voie irait contre notre intérêt en fragilisant considérablement les opérateurs européens, les exposant ainsi au risque d’OPA par des concurrents de pays tiers. Il ne s’agit pas de protectionnisme mais d’une vigilance souhaitable, les infrastructures considérées étant des équipements sensibles.

Tels sont les objectifs sur lesquels la France a mis l’accent en préparant ce Conseil européen. Notre travail se poursuit, et je me félicite de l’initiative que vous avez prise d’élaborer une proposition de résolution européenne. Ce texte enrichira le débat et renforcera la position française.

Mme Axelle Lemaire. Je salue, madame la ministre, votre présence parmi nous. Qu’un membre du Gouvernement vienne expliquer la stratégie de la France avant la tenue d’un Conseil européen contribue à notre tâche d’accompagnement et de contrôle de l’action de l’exécutif et inscrit davantage l’action européenne dans le quotidien des parlementaires. Votre présence nous est aussi précieuse car elle marque l’importance du numérique en Europe, sujet sur lequel la France est d’ailleurs très allante.

L’ordre du jour proposé par le président de la Commission européenne aux chefs d’État et de gouvernement concerne, vous l’avez dit, essentiellement deux chapitres et déçoit par son extrême modestie. On ne peut que saluer les avancées visant à faciliter le commerce électronique et les moyens d’échange et de paiement entre les entreprises, mais cela ne suffit pas à faire du numérique européen une industrie performante et compétitive à l’échelle internationale. De même, on ne peut qu’approuver l’aboutissement d’un espace européen de la recherche et de l’innovation. Cependant, en comparant ce projet d’ordre du jour à la teneur de la contribution française, on est marqué par l’écart d’ambition. De même, la contribution de la Commission européenne manque de souffle et de vision : dans les perspectives qu’elle trace, rien n’est de nature à contribuer à la construction d’un continent compétitif face aux géants des États-Unis et des pays asiatiques émergents.

Comment réorienter l’Union européenne vers une stratégie numérique véritable ? C’est à cette question que la contribution française propose de répondre. Le numérique présente un énorme potentiel de croissance. Les enjeux commerciaux sont considérables, notamment pour l’exploitation des données, et c’est un secteur qui touche tous les Européens, en leur qualité de citoyens, d’usagers et de consommateurs.

La contribution française, pour sa part, contient nombre d’idées intéressantes. Vous avez évoqué la fiscalité, sujet difficile à négocier à vingt-huit. Où en sont les tentatives d’élaboration d’une coopération renforcée dans ce domaine ? De nombreux gouvernements européens sont très prompts à dénoncer le dumping fiscal de certains États membres, mais bien peu sont prêts à appliquer une fiscalité communautaire harmonisée.

La communication française propose aussi des mesures de soutien à l’innovation, avec l’idée qu’un Small Business Act à l’européenne permettrait d’ouvrir plus facilement les marchés publics aux PME. Vous évoquez aussi le financement des PME par le capital-risque et vous mettez l’accent sur le développement des qualifications et des compétences.

Envisagez-vous d’évoquer certains autres sujets qui ne figurent pas dans la contribution française ? Entendez-vous traiter du volet éducatif, pour rendre les enfants plus aptes à utiliser l’outil Internet mais aussi plus sensibles à ses dangers ? Envisagez-vous d’aborder la cybersécurité, pour élaborer une stratégie commune et une coopération dans la lutte contre la cybercriminalité ?

Enfin, qu’attendez-vous de ce Conseil européen ? Pensez-vous que l’approche restera purement économique et orientée vers la constitution du marché unique, ou que d’autres pays, avec la France, pousseront à l’adoption d’un agenda commun plus ambitieux ?

M. Hervé Gaymard. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre présentation. J’approuve l’intervention de Mme Axelle Lemaire mais j’aimerais aussi vous entendre préciser vos intentions sur le partage de la valeur d’une part, les enjeux européens de la numérisation de l’écrit d’autre part. À la fin de la précédente législature, Michel Lefait et moi-même avons soumis à la Commission des affaires européennes un rapport d’information à ce sujet. Cette question et celle du droit d’auteur suscitent une très forte attente ; nous ne devons pas rater ce train-là non plus.

Pour ce qui concerne spécifiquement notre pays, j’aimerais savoir si la première tranche allouée au Fonds national pour la société numérique, qui sera vraisemblablement épuisée fin 2014, sera suivie d’une autre.

Qu’en est-il, par ailleurs, des travaux de la mission Champsaur sur le passage du réseau cuivre au réseau de fibre optique ?

Enfin, cinq associations d’élus ont écrit au Premier ministre pour lui demander la stabilisation de la convention type de programmation et de suivi du déploiement du très haut débit dans les zones conventionnées. Où en est ce dossier ?

Mme la ministre. Pour ce qui concerne l’économie numérique, l’ordre du jour proposé par M. Manuel Barroso pour le Conseil européen est effectivement trop modeste pour être satisfaisant, mais c’est une première étape et nous continuons à nous mobiliser. Ainsi ai-je réuni, la semaine dernière, à Paris, les représentants de six autres pays membres, pour évoquer avec eux les sujets qui nous paraissent devoir être débattus ; cette initiative sera de nature à infléchir le libellé de l’ordre du jour. Pour l’instant, la vision de la Commission européenne, assez peu stratégique, n’embrasse pas les enjeux de l’économie numérique. Elle omet en particulier les mesures qui dessineraient un environnement favorable à l’émergence de champions européens. Mais d’autres contributions seront vraisemblablement publiées, et nous continuerons de tenter d’influencer la définition de l’ordre du jour.

Le volet fiscal est également assez décevant, les services de la Commission européenne se limitant à réitérer des éléments déjà dits plusieurs fois et à rappeler des mesures travaillées depuis plusieurs mois. Cela nous conduit à considérer que la Commission européenne, peut-être contrainte par son propre agenda, n’a pas pris la mesure des enjeux du partage de la valeur dans l’économie numérique. Dans ce domaine aussi, nous poursuivrons nos efforts de sensibilisation : nous organisons, la semaine prochaine, un colloque européen sur les enjeux de la fiscalité du numérique, auquel participera le commissaire Algirdas Šemeta. Ce sera l’occasion de rappeler l’urgence qu’il y a à traiter la question de l’érosion des bases fiscales, dont souffrent tous les pays européens. En cette période d’intenses difficultés budgétaires, se voir privé de ressources fiscales n’est pas acceptable plus longtemps.

Les travaux à ce sujet se sont poursuivis dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), puisque beaucoup dépend des conventions fiscales bilatérales, qui aboutissent à une double non-taxation. Comme l’a montré le cas de Starbucks en Grande-Bretagne, l’érosion fiscale n’est pas spécifique au secteur numérique. Cependant, l’optimisation fiscale est grandement facilitée par l’immatérialité des échanges, qui rend ces montages plus prégnants dans le secteur numérique. Le groupe de travail ad hoc de l’OCDE a élaboré des propositions tendant à l’adoption d’une convention multilatérale chapeau ; elle aurait l’avantage d’éviter aux pays signataires de devoir renégocier chaque convention bilatérale. Le projet de convention prévoit que tout acteur de l’économie numérique dispose d’un établissement stable virtuel dans chacun des pays dans lesquels il opère ; à cet établissement seraient rattachés les revenus tirés de l’activité exercée sur un territoire donné, ce qui permettrait de définir une assiette taxable et de collecter l’impôt.

La bonne fin de ces travaux dépend évidemment d’un consensus, difficile à obtenir avec les États-Unis mais aussi avec d’autres pays, qui trouvent un intérêt à accueillir sur leur territoire des entreprises optimisant ainsi leur impôt. Aussi nous semble-t-il important que l’Union européenne conduise une réflexion indépendante de celle de l’OCDE, pour définir une assiette taxable sur le seul territoire communautaire. Nous avons donc demandé au commissaire Šemeta de relancer activement les travaux sur la proposition de directive portant création d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés des entreprises exerçant leur activité dans l’Union européenne, dite ACCIS. Il nous dira comment il entend remobiliser les États membres à ce sujet.

La formation est naturellement au nombre des sujets importants. Nous sommes partisans d’une stratégie nationale et nous travaillons en ce sens avec Syntec Numérique et d’autres organisations professionnelles, qui nous ont aidés à définir les compétences et les formations particulières requises pour les métiers numériques du futur. Je travaille, avec M. Michel Sapin, Mme Geneviève Fioraso et M. Vincent Peillon, à la définition des formations initiales et continues qui permettront d’anticiper les besoins sectoriels. En outre, nous avons discuté avec nos homologues d’un plan européen destiné à favoriser une meilleure appréhension par les élèves des enjeux liés à l’utilisation des nouvelles technologies. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dispense déjà de nombreuses formations dans ce domaine ; une action paneuropéenne de sensibilisation et d’éducation au numérique serait utile pour garantir que les jeunes Européens ne soient pas des consommateurs passifs.

Une directive relative à la cybersécurité est en cours d’élaboration. De nombreux pays membres, notamment l’Allemagne, souhaitent voir s’établir une coopération renforcée à ce sujet. Il est en effet apparu que les entreprises européennes sont mal protégées. L’enjeu est d’intelligence économique et de souveraineté, mais aussi industriel : la France compte de belles entreprises spécialisées en cybersécurité, qui trouveraient là un marché et des débouchés. Plus largement, toute initiative européenne visant à renforcer le niveau de sécurité des entreprises, des administrations et des particuliers serait très positive.

Monsieur Gaymard, nous avons suggéré que soient inscrits à l’ordre du jour du Conseil européen les sujets des droits d’auteur et de la numérisation de l’écrit, afin de promouvoir les contenus culturels numériques. Pour chaque produit culturel, nous proposons en particulier d’appliquer des taux de TVA homothétiques, qu’ils soient proposés sous forme numérique ou sous forme matérielle.

D’évidence, le droit d’auteur et les produits annexes doivent être repensés pour tenir compte de l’évolution des techniques. En particulier, à l’heure du stockage en nuage, l’indexation de la redevance pour copie privée sur les capacités de stockage des appareils n’a plus grand sens. Ces sujets relèvent plutôt de la compétence de la ministre de la culture, mais une réflexion s’impose manifestement sur la modernisation d’outils créés dans les années 1980 et qui ne sont sans doute plus adaptés à notre temps.

Pour en venir à un sujet plus hexagonal, je considère que le plan Très haut débit est très bien engagé. La mission Très haut débit que nous avons mise en place pour piloter, tant sur le plan technique que sur le plan financier, les schémas de déploiement des collectivités territoriales a d’ores et déjà reçu une quarantaine de projets couvrant une cinquantaine de départements. Sur les 900 millions du Fonds national pour la société numérique, environ 200 millions d’euros sont en train d’être engagés, mais rien n’a encore été décaissé : le décaissement débutera à la mi-2014 et s’étalera jusqu’en 2015. D’ici là, les projets de réseaux à très haut débit seront financés par les recettes des redevances pour l’utilisation de la bande de fréquences 1 800 mégahertz, sur laquelle les opérateurs commencent à déployer la 4G. Dans la période 2012-2022, les financements de l’État s’élèveront au total à 3,3 milliards d’euros.

Mme Laure de La Raudière. Ce montant inclut-il les 900 millions du Fonds ?

Mme la ministre. Oui. À ces subventions, qui assurent la péréquation entre les territoires, s’ajoutent les prêts à très long terme que la Caisse des dépôts accorde sur les fonds d’épargne. Ces prêts, d’une durée de vingt à quarante ans, ont des différés d’amortissement allant jusqu’à huit ans et des taux extrêmement compétitifs – actuellement le taux du livret A plus 100 points de base.

Concernant l’extinction du réseau cuivre, la mission présidée par M. Paul Champsaur rendra ses conclusions avant la fin de l’année. Nous avons jugé indispensable, pour des raisons de modèle économique, d’anticiper cette extinction. Il serait en effet absurde de laisser coexister deux réseaux concurrents, et les opérateurs comme les collectivités territoriales ont besoin que l’on précise cet horizon pour déterminer la rentabilité de leurs investissements dans la fibre optique. La mission est chargée d’apporter ces éléments et d’examiner les conséquences de la disparition totale du réseau cuivre sur les différents services publics et privés. Une expérimentation est en cours à Palaiseau.

La convention type entre l’État, les collectivités et les opérateurs a fait l’objet de nombreuses discussions et consultations jusqu’à une date récente. Elle est désormais stabilisée et je crois qu’elle répond à toutes les préoccupations exprimées par les associations et les collectivités en termes de transparence dans les engagements des opérateurs, de délais de déploiement et de priorisation des zones. Dans certains territoires peu densément peuplés, la priorité est l’accès à un haut débit de qualité, qui fait encore défaut. Les collectivités pourront indiquer, dans ces conventions types, les zones prioritaires de raccordement à la fibre. Je signerai très prochainement la première de ces conventions, à Lille. Ce dispositif est destiné à être utilisé par toutes les collectivités qui présentent leur schéma.

M. Jean-Luc Bleunven. Je souhaite aborder le sujet du financement participatif. Ce système en développement repose sur un excellent principe et permet de financer de nombreux projets. C’est également un moyen, pour le citoyen numérique, de contourner la frilosité des banques et un formidable outil pour relancer l’économie en ces temps de crise.

Cependant, de nombreuses dispositions du code monétaire et financier font obstacle à ce développement et l’on assiste à une levée de boucliers du lobby bancaire. Celui-ci en appelle à plus de régulation face à cette nouvelle concurrence. Il est paradoxal de vouloir réguler un environnement qui se développe et qui crée de nouvelles formes d’économie en raison, précisément, de son caractère faiblement contraint – même s’il faut, bien entendu, dresser des garde-fous contre le blanchiment.

L’administration américaine a généralisé, en avril 2012, le financement participatif en direction des petites entreprises. Ne devrions-nous pas suivre cette orientation ?

Mme Corinne Erhel. Nous partageons votre objectif de ne pas réduire aux télécommunications les discussions européennes sur le numérique, ainsi que vos analyses sur le partage de la valeur ajoutée, la fiscalité, la protection des données, la capacité à faire émerger des champions numériques.

J’aimerais néanmoins obtenir des précisions à propos de la position du Gouvernement en matière de neutralité de l’Internet et des réseaux en général. Que pensez-vous des propositions de la Commission européenne en la matière ?

M. Jacques Myard. La Toile est un enjeu majeur, tant en termes économiques qu’en termes de souveraineté juridique et économique. Il s’agit, vous le savez mieux que moi, d’une machine américaine sous juridiction, notamment, de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) en Californie et, en définitive, du gouvernement fédéral.

Je n’avais pas été compris lorsque j’avais appelé, il y a quelques années, à « nationaliser » l’Internet. Pourtant, tout se passe actuellement comme si l’annuaire du téléphone était géré par une société californienne ! En dépit de certains assouplissements, la maîtrise du réseau et des noms de domaine reste entièrement, de manière directe ou indirecte, entre les mains du gouvernement américain. Et les grandes plateformes que vous évoquez, madame la ministre, sont de droit américain.

Il me semble donc que les Européens devraient « européaniser » différentes questions, notamment celles des noms de domaine et de la capacité à donner des adresses. Récemment, la ville de Paris a dû payer plusieurs dizaines milliers de dollars aux Américains pour obtenir son nom de domaine ! Sentez-vous, de la part de nos partenaires, un désir de se réapproprier un réseau qui leur échappe largement ?

Mme Marielle Gallo, députée européenne. Je vous félicite particulièrement de l’organisation récente d’un « mini-sommet » européen du numérique à Paris. Si, en France, on s’inquiète de Bruxelles, je m’inquiète pour ma part, que je sois à Bruxelles ou à Strasbourg, au sujet de la France.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres qui font mal : la France se situe au huitième rang du G20, après l’Allemagne et la Grande-Bretagne ; en matière de carte d’identité et de signature électroniques, elle est derrière la Belgique et l’Estonie ; en matière d’e-administration, elle est derrière l’Espagne et le Portugal ; son territoire abrite 4 000 ou 5 000 incubateurs contre 50 000 en Grande-Bretagne et 265 000 aux États-Unis ; l’investissement moyen dans une jeune entreprise y est de 100 000 euros contre 300 000 euros en Grande-Bretagne.

Le pays manque de capital-risqueurs mais aussi de subventions publiques et de pilotage de l’État – même si celui-ci commence à se mettre en place. Tous les entrepreneurs que j’ai rencontrés, qu’ils soient « pigeons » ou simples « moineaux », m’ont indiqué qu’ils attendaient encore le « choc de simplification » !

Bref, la France accuse du retard par rapport à la plupart des États membres. Nous avons le moyen de le rattraper en changeant de mentalité, en adoptant un esprit plus entrepreneurial, en simplifiant les procédures, en perfectionnant l’éducation, mais surtout en tirant parti de notre propre potentiel. Il est rageant de penser que 15 % des cadres dirigeants des entreprises de la Silicon Valley sont des Français qui ont dû s’expatrier pour développer toutes leurs possibilités !

Je veux aussi défendre le travail du Parlement européen. Pour ne parler que des sujets que j’ai rapportés, nous travaillons au règlement relatif aux données personnelles, qui sera d’application immédiate dans les vingt-huit États ; nous avons adopté la directive sur la réutilisation des informations du secteur public, les open data ; nous sommes sur le point d’adopter le règlement sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques ; nous avons remis un rapport sur le cloud computing, dans lequel j’ai lancé l’idée d’une certification européenne garantissant la sécurité des données stockées ou transférées, à l’instar de ce que l’Union européenne pratique en matière agricole ; en matière de numérisation, nous avons adopté la directive sur les œuvres orphelines et le texte sur les œuvres épuisées ; je suis également rapporteure de la proposition de directive relative à la gestion collective, sur lequel nous devrions aboutir avant la fin de l’année. Enfin, l’Europe s’est réveillée en matière de lutte contre la cybercriminalité : un centre est opérationnel depuis cette année pour coordonner tous les services.

Mme Laure de La Raudière. Je salue moi aussi ce Conseil européen consacré à l’économie numérique. Nous l’attentions depuis longtemps !

Vous avez pris, devant la Commission des affaires économiques, des engagements sur la neutralité de l’Internet, madame la ministre. La commissaire Neelie Kroes semble hésitante à ce sujet : sa position est tantôt favorable, tantôt défavorable. Pour votre part, vous êtes opposée à un renforcement de la régulation dans le domaine des télécommunications ; qu’en est-il s’agissant des réseaux ?

Au sujet des plateformes, nous partageons votre constat : il est très difficile, pour les PME innovantes, de lutter contre les abus de position dominante des géants de l’Internet. Cela dit, comment comptez-vous réguler l’activité de ces géants sans handicaper les entreprises françaises ou européennes ? Quelles pistes proposez-vous en vue du Conseil européen ?

L’optimisation fiscale, vous l’avez souligné, concerne de nombreux secteurs d’activité. De par sa nature très immatérielle, l’industrie numérique y a certes recours plus facilement, dès la création de l’entreprise. Mais pourquoi parler d’une fiscalité du numérique alors que l’enjeu est de fixer des règles pour l’ensemble des grands groupes ? Même la notion d’établissement virtuel stable ne concerne pas seulement le numérique. N’aurions-nous pas intérêt, d’un point de vue tactique, à ne pas évoquer l’idée d’une fiscalité spécifique, puisque notre visée est plus large ?

Je suis, comme vous, très favorable à la portabilité des données personnelles lorsque l’usager veut changer de réseau social. Cela étant, définir les données personnelles est un exercice complexe et l’on risque, ce faisant, de handicaper le développement de l’économie numérique. Comment abordez-vous ce sujet ?

Enfin, la presse évoque une réflexion du Gouvernement sur la régulation du transfert des données personnelles à l’extérieur de l’Europe, comme s’il fallait les soumettre à une sorte de visa. Il est compréhensible, après le scandale Prism, de se préoccuper de la sécurité des données personnelles, mais il faut aussi être conscient qu’une telle régulation handicapera, à l’échelle mondiale, le développement de géants européens de l’Internet. De même, nos entreprises traditionnelles développent des services numériques dans le monde entier et ont besoin de disposer des données personnelles de leurs clients au plus près de leurs lieux d’activité. Je souhaite donc savoir si la France veut établir une régulation en la matière, et comment.

Mme la ministre. Le Président de la République s’est engagé, lors des Assises de l’entrepreunariat, à ouvrir une réflexion au sujet du financement participatif, et j’ai réuni, lundi dernier, plusieurs centaines d’acteurs de ce secteur. Jusqu’à présent, cette activité s’est développée en dehors de tout cadre réglementaire, ce qui risque de la fragiliser. Une réglementation souple et adaptée lui sera, je crois, bénéfique.

Les entreprises qui pratiquement le financement participatif, en prêts ou en fonds propres, sont soumises à la même réglementation que les institutions financières traditionnelles. Ni l’obligation de disposer d’un niveau de fonds propres extrêmement élevé – plusieurs centaines de milliers d’euros – ni les contraintes draconiennes en matière de publicité des appels publics à l’épargne, avec des prospectus de plusieurs centaines de pages, ne sont très adaptées aux nouvelles plateformes, qui ne réunissent souvent qu’une dizaine de personnes investissant dans un projet. Il s’agit donc d’instaurer un cadre financier qui sécurise cette activité tout en allégeant les contraintes auxquelles elle est soumise.

Les évolutions législatives et réglementaires sont actuellement soumises à consultation. Puis nous utiliserons l’habilitation à légiférer par ordonnances que vous avez votée pour créer ce nouveau cadre avant la fin de l’année, en concertation avec les acteurs concernés.

En outre, dans la mesure où le financement participatif intervient dans les interstices de leurs activités, les établissements bancaires ne lui sont pas à ce point opposés. Si beaucoup de PME y recourent, c’est précisément parce qu’elles n’ont pas réussi à faire financer leurs projets par une banque. Je pense donc que ce mode alternatif peut répondre à des besoins non couverts par le marché.

Les trois principaux axes de réforme seront la création d’un nouveau statut de conseiller en financement participatif, l’autorisation du prêt rémunéré entre particuliers – nous consultons actuellement pour définir les plafonds par projet et par investisseurs – et l’allègement des contraintes en matières de fonds propres et de publicité.

Nous veillerons également à l’harmonisation des réglementations européennes. Aux États-Unis, plusieurs milliards de dollars de fonds sont levés chaque année au titre du financement participatif. Il y a donc des perspectives de développement dans l’Union européenne.

La proposition de règlement de la commissaire Kroes, madame de La Raudière, ménage le principe de la neutralité de l’Internet tout en donnant un peu de marge aux fournisseurs d’accès, puisqu’elle les autorise à fixer des prix de détail différenciés en fonction des volumes de données proposés. Je trouve ce système quelque peu ambigu et la proposition quelque peu précipitée. Un débat associant les parlementaires européens est nécessaire. On ne peut se contenter d’une procédure de quelques semaines, d’autant que le sujet doit être traité en lien étroit avec la question de la neutralité des plateformes.

Nous sommes d’accord avec le principe de non-discrimination dans l’accès aux contenus. Il est difficilement acceptable que ce soient aujourd’hui les opérateurs qui décident de qui peut avoir accès à certains contenus ou services – je pense en particulier au contentieux entre Free et Google, actuellement traité par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), mais les plateformes ne doivent pas non plus avoir de pouvoir de censure, par exemple parce que tel tableau du XVIIIe siècle ne leur plaît pas !

La gouvernance de l’Internet par l’ICANN est en effet un sujet essentiel, monsieur Myard, et nous espérons que le Conseil européen en discutera. Il est évident que cette instance devrait être moins « américano-centrée » – même si cet état de fait est aussi le produit de l’histoire – et prendre mieux en compte les gouvernements. Certaines propositions visent à donner des prérogatives à l’Union internationale des télécommunications (UIT). Je rattache cette question à celle de la normalisation et de la standardisation, que les États, s’ils veulent structurer une économie numérique européenne, doivent aborder de manière beaucoup plus collective et concertée. À l’heure actuelle, chacun agit de son côté alors que les Américains disposent, avec le National Institute of Standards and Technology (NIST), d’un puissant instrument de soft power en la matière. Nous abordons l’ère des objets connectés, où les protocoles de transmission auront une importance primordiale. Il est donc indispensable que les Européens puissent peser sur les standards qui détermineront les choix industriels.

M. Jacques Myard. N’oublions pas que les Américains sont allés jusqu’à déconnecter un État du système. Ils en sont encore capables, même si c’est moins facile du fait de la diversification du réseau. C’est bien pourquoi les Chinois ont exigé de conserver la maîtrise des données.

Mme la ministre. En effet. Nous soutenons donc une approche qui prenne mieux en compte toutes les parties prenantes, notamment les gouvernements. La privatisation de ce secteur d’activité est une menace contre laquelle nous devons nous mobiliser à l’échelle européenne.

Vous avez raison, madame Gallo, de souligner le décrochage de la France. Le phénomène n’est pas nouveau – il remonte à cinq ou six ans – mais il est inquiétant car il porte sur des enjeux d’avenir, qu’il s’agisse de la capacité de l’administration à se réformer ou de la pénétration des nouvelles technologies dans les PME et à l’école. Vous avez aussi raison de souligner notre potentiel : il y a beaucoup d’ingénieurs français dans la Silicon Valley, nos mathématiciens sont reconnus et demandés dans le monde entier ; bref, nous avons les ressources pour inverser la tendance.

J’ai ainsi lancé une réflexion sur les quartiers numériques. Pour en avoir observé les effets dans différents pays et pour en avoir discuté avec de grands investisseurs américains, je crois beaucoup à la proximité géographique, même si cela peut paraître paradoxal à l’heure des nouvelles technologies et de l’Internet. En mettant côte à côte, par exemple, un spécialiste de marketing, un ingénieur et un designer, on suscite d’importantes possibilités de création d’activité. En ajoutant des services en matière de conseil en propriété intellectuelle ou de financement par la Banque publique d’investissement ou par du capital-risque, nous créons des conditions favorables à la formation de cet écosystème. Ce projet bénéficie d’un peu plus de 200 millions d’euros au titre des investissements d’avenir et les appels à candidatures seront lancés à partir d’octobre 2013. Au-delà de la concentration géographique, l’effet de visibilité internationale me paraît important pour attirer les investisseurs étrangers.

Il est nécessaire, comme vous l’indiquez, que l’école permette une acculturation en direction du numérique, de l’innovation et de l’entrepreneuriat. C’est le sens du projet que je mets en place avec M. Peillon.

Les Assises de l’entrepreneuriat ont également permis de préciser les moyens d’améliorer l’environnement dans lequel les start-up peuvent se développer. Outre la réforme de la fiscalité des plus-values mobilières, nous avons pris une disposition visant à encourager le financement des PME innovantes par les grandes entreprises. Nous avons aussi renforcé le statut de « jeune entreprise innovante » et étendu le dispositif du crédit d’impôt recherche aux dépenses liées à l’innovation comme le design ou le prototypage.

Toutes ces mesures ne sont pas d’effet immédiat ; il faudra attendre un certain temps avant qu’elles ne portent leurs fruits. Mais il y a lieu d’espérer. Le président du fonds d’investissement de la société Intel, qui place environ 700 millions d’euros par an en Europe, me disait qu’il obtient son meilleur taux de rendement en France et que notre pays présente le plus de diversité dans les technologies innovantes et disruptives – bien plus que la Grande-Bretagne, par exemple, mais on se refuse à le croire dans la Silicon Valley car notre communication n’est pas très bonne et car l’information entre investisseurs se fait souvent de bouche à oreille. C’est un autre argument en faveur des quartiers numériques. Un investisseur étranger n’a pas forcément le temps de parcourir toute la France pour chercher une pépite. Si beaucoup d’entreprises sont concentrées en un seul endroit, les contacts se trouveront favorisés. Des investisseurs avisés reconnaissent qu’il y a, en France, talents et dynamisme ; il est, quoi qu’il en soit, rassurant de le constater.

Mme Laure de La Raudière. La création d’un second marché européen comparable au NASDAQ est-elle envisagée ?

Mme la ministre. Cela fait partie des pistes, même si notre réflexion porte d’abord sur le capital-risque et le capital-développement. Pour combler le retard avec les États-Unis, nous estimons qu’il faudrait une puissance de frappe de l’ordre de 2 à 3 milliards d’argent public, de manière à obtenir 8 à 9 milliards au total par effet de levier. L’idée d’un « NASDAQ européen » est un peu un serpent de mer. Si je me réjouis que Criteo soit cotée au NASDAQ, je préférerais bien sûr qu’elle se cote sur une bourse européenne ayant une certaine profondeur et un certain dynamisme. Bien que la réalisation soit difficile, cela doit être un objectif.

J’en viens à la régulation des plateformes. À l’évidence, le droit de la concurrence est peu efficace actuellement. Nous verrons ce qui résultera des négociations avec Google mais nous savons que le contentieux entre l’Europe et Microsoft a duré dix ans. Avec de tels délais, toutes les entreprises qui engagent des procédures pour abus de position dominante ont largement le temps de disparaître. Il faut trouver des solutions qui permettent de régler les problèmes en moins d’un an, d’où notre souhait d’établir pour les plateformes une régulation ex ante, sur le modèle de la régulation symétrique imposée aux opérateurs de télécommunications. Bien entendu, c’est l’échelon européen qui est pertinent pour soutenir un rapport de force avec des plateformes comme YouTube et autres réseaux sociaux. L’objectif est de les soumettre à différentes obligations en matière d’ouverture, d’interopérabilité, etc., pour pouvoir opérer en Europe avec des données personnelles de citoyens européens.

M. Jacques Myard. Est-ce un agenda pour l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis ?

Mme la ministre. Non.

Ces questions ne relèvent pas forcément d’un accord avec l’administration américaine : peut-être pourrons-nous les régler de manière bilatérale avec les entreprises en cause. C’est pourquoi il faut qu’un nombre critique d’États membres arrive à se mettre d’accord pour agir. Les Britanniques, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, sont convaincus qu’il est nécessaire de mener une action rapide en la matière. Si nous devons définir une régulation ex ante, c’est parce qu’on ne pèsera sur les évolutions qu’en réglant les problèmes avant qu’ils fassent sentir leurs effets.

Nous avons proposé, pour notre part, qu’une autorité européenne – pourquoi pas un service de la Commission européenne, à l’instar de la direction générale de la concurrence – détienne le pouvoir de régler les litiges impliquant les plateformes. Nous espérons que le Conseil européen d’octobre donnera mandat à la Commission européenne pour réfléchir aux voies et moyens visant à limiter les conséquences de la position dominante évidente de ces entreprises.

Cela dit, j’ai lu comme vous dans la presse des formules comme « le Schengen des données personnelles ». Je ne m’associe pas du tout à cette vision. Dans l’informatique en nuage, une multinationale française peut très bien faire gérer sa comptabilité dans le nuage par un prestataire français, mais il lui faudra ensuite répliquer cette comptabilité dans des centres de données partout où elle est implantée. Il serait absurde de lui interdire de transférer ces données personnelles à l’étranger. De même, lorsqu’une personne consulte sa boîte Gmail ou Yahoo à l’autre bout du monde, les données sont vraisemblablement répliquées dans un centre de données proche de l’endroit où elle lit son courrier.

Que l’affaire Prism offre aux entreprises européennes du cloud une opportunité de capter la confiance et de trouver des marchés est une bonne chose, mais mon idée directrice est plutôt de soumettre les entreprises des pays non européens et souvent non adéquats – c’est-à-dire ayant un plus faible niveau de protection des données personnelles – aux mêmes contraintes qu’en Europe lorsqu’elles traitent massivement des données collectées relatives à des citoyens européens et les transfèrent à l’étranger. Là encore, c’est une question de level playing field. Gmail, par exemple, doit être soumis aux mêmes contraintes que le service de messagerie que développe Laposte.net, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’objectif n’est pas de restreindre la circulation des données mais de la soumettre aux mêmes règles pour tous.

Mme Laure de La Raudière. Beaucoup d’articles de presse ne disent pas cela.

Mme la ministre. Peut-être par méconnaissance du cloud.

M. Jérôme Lambert, président. Merci, madame la ministre, pour ces réponses complètes.

ANNEXE NO 3 :
COURRIER DU 27 SEPTEMBRE
DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
AUX CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT


Bruxelles, le 27.09.2013

Chers collègues,

Notre prochaine réunion des 24 et 25 octobre se déroulera dans le contexte d’une actualité économique plus encourageante. Bien que les problèmes économiques de l’UE soient loin d’être résolus, eu égard en particulier aux taux de chômage toujours aussi élevés, l’économie montre des signes évidents de reprise. Je pense que cette reprise résulte en grande partie des efforts consentis par les États membres et de la confiance des marchés et de nos partenaires internationaux dans notre capacité à maintenir le cap et à achever les réformes structurelles dont l’Europe a besoin. Nul ne conteste qu’il faut soutenir la croissance dans le cadre de ce processus de reprise et notre réunion sera consacrée en partie à la contribution que l’innovation, le marché unique numérique et les services peuvent y apporter.

Les services numériques et les télécommunications sont des moteurs fondamentaux de croissance et de productivité dans tous les secteurs de nos économies. Pourtant, nous n’exploitons pas encore pleinement notre marché unique des télécommunications et des services en ligne, dans lesquels l’UE perd du terrain face à ses concurrents internationaux.

Je joins en annexe un rapport succinct de la Commission sur l’économie numérique et la manière dont nous pouvons en faire un élément de discussion en octobre. Le rapport définit le contexte des récentes initiatives de la Commission visant à lever les principaux obstacles du marché unique des télécommunications et à encourager les investissements. Ces initiatives viennent compléter plusieurs propositions récentes importantes relatives à l’achèvement du marché unique numérique - notamment les mesures proposées pour réduire le coût du déploiement de réseaux à haut débit et celles portant sur la facturation électronique dans le cadre des marchés publics, mais également la proposition de 2012 concernant l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, qui sont actuellement examinées par le Parlement européen et le Conseil et que nous devons faire en sorte d’adopter d’ici la fin de la présente législature.

Pour améliorer les conditions cadres applicables aux services en ligne, il faudra également adopter rapidement les propositions relatives à l’Acte pour le marché unique, notamment en ce qui concerne les services de paiement, et un cadre modernisé pour le droit d’auteur à l’ère du numérique, et mettre pleinement en œuvre le plan d’action dans le domaine du commerce électronique. Et pour que les entreprises et les citoyens européens aient confiance dans l’économie en ligne, il est essentiel que nos nouvelles règles de protection des données fassent partie de ce paquet. Il est capital que le Parlement européen et le Conseil intensifient leurs efforts en vue d’adopter cette nouvelle législation avant la fin de la présente législature.

Aux Membres du Conseil européen

Pour doper la croissance économique, la compétitivité et la création d’emplois, il nous faut investir sans relâche dans la recherche et l’innovation. Il est aujourd’hui établi que les investissements dans la recherche et le développement (R&D) stimulent la productivité et, partant, la croissance. Les États membres qui ont continué à investir dans la recherche et l’innovation ont mieux résisté à la crise que les autres. Bien que des progrès satisfaisants aient été accomplis en vue d’établir le cadre stratégique pour une Union de l’innovation, nous devons accélérer les réformes essentielles et structurelles de nos systèmes nationaux de recherche et d’innovation afin d’atteindre nos objectifs relatifs à un Espace européen de la recherche. L’analyse de la position de l’Europe dans l’économie mondiale révèle un bilan mitigé.

• En dépit de sa base scientifique d’envergure internationale, l’Europe est engagée dans une compétition mondiale pour la connaissance, la recherche et l’innovation, et des disparités croissantes se font jour entre les performances des États membres en matière de recherche et d’innovation, les pays les moins innovants ne parvenant plus à combler leur retard sur les plus innovants.

• Les dépenses des entreprises en matière de R&D dans l’UE sont nettement inférieures à celles de nos principaux concurrents, malgré le fait que l’Union demeure un lieu attrayant pour réaliser des investissements directs étrangers dans la R&D. Cela s’explique en grande partie par la taille plus limitée de nos entreprises et un profil de spécialisation davantage axé sur les métiers traditionnels. Nous pourrions en faire bien davantage pour bénéficier de l’effet d’échelle offert par l’UE. La crise a également pesé, entraînant une baisse des dépenses publiques de R&D en 2011.

• L’Europe a certes renforcé son leadership dans des secteurs productifs bien établis, mais elle est à la traîne sur des marchés essentiels de haute technologie enregistrant une croissance rapide, notamment ceux liés aux technologies aidant à relever divers défis de société. Les jeunes entreprises européennes se développent plus lentement que celles de nos principaux concurrents et peinent à rejoindre les rangs des plus grandes entreprises mondiales.

Il y a de nombreux moyens de définir et d’appréhender l’innovation, bon nombre de dimensions à prendre en compte dans ce domaine et plusieurs indicateurs clés à analyser. Pour faciliter une discussion ouverte, la Commission a achevé ses travaux concernant l’indicateur en matière d’innovation. Ces travaux, qui répondent à une demande formulée lors d’une de nos réunions, nous doteront d’un outil supplémentaire pour mesurer les performances en matière d’innovation.

La Commission a souligné l’urgence de réformer les systèmes de recherche nationaux dans un souci d’efficacité accrue, tout en tenant compte des forces et des spécificités de chaque État membre. Ces réformes, qui renforceront également la concurrence et la coopération dans toute l’Europe, sont essentielles à l’achèvement de l’Espace européen de la recherche d’ici 2014.

Une approche commune au niveau de l’Union européenne est cruciale. C’est pourquoi nous avons modernisé et simplifié avec succès notre instrument de financement, avec l’adoption d’un cadre stratégique global pour la recherche et l’innovation, baptisé Horizon 2020. En accordant la priorité à l’excellence dans la recherche, à la primauté industrielle et à la compétitivité, ainsi qu’aux moyens de relever les défis de société, nous pensons que l’impact de notre instrument sera sensiblement renforcé. Dans un premier temps, la Commission a adopté, en juillet, six partenariats public-privé et quatre autres partenariats public-privé en matière de recherche et de développement, correspondant à un investissement de 22 milliards d’euros en faveur de notre stratégie pour la croissance et l’emploi. Le premier programme de travail relevant d’Horizon 2020, qui sera lancé en décembre prochain et couvrira la période 2014-2015, représentera un investissement supplémentaire de 20 milliards d’euros en faveur de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité.

J’ai la conviction que nos efforts pour progresser dans le domaine de l’innovation et faire avancer le marché unique des communications électroniques et des services en ligne, dès lors qu’ils sont suffisamment ambitieux et coordonnés, porteront leurs fruits. Je me réjouis à l’avance de la discussion que nous aurons sur toutes ces mesures très concrètes destinées à renforcer nos politiques.

Je vous prie d’agréer l’expression de ma haute considération.



José Manuel BARROSO

ANNEXE NO 4 :
EUROPE NUMÉRIQUE,
CONTRIBUTION FRANÇAISE
AU CONSEIL EUROPÉEN DES 24 ET 25 OCTOBRE 2013

16 septembre 2013

Europe numérique

Conseil européen des 24-25 octobre 2013

---

Contribution française

Les technologies et les nouveaux usages du numérique modifient en profondeur nos manières de vivre en société, la production et le partage de la connaissance, les façons de créer, produire, distribuer et consommer. Ils redéfinissent les enjeux liés à l’équilibre entre liberté et sécurité.

Des transitions technologiques de cette ampleur sont rares. Le monde crée aujourd’hui en deux jours autant de données que ce qui a été produit jusqu’à l’invention d’Internet. L’économie numérique est également une composante essentielle de l’emploi de demain, alors que les services numériques utilisés en Europe peuvent être conçus et exploités n’importe où dans le monde.

Afin de créer des emplois, de favoriser l’innovation et le développement de services numériques et d’infrastructures, de garantir des règles du jeu équitables, l’Union européenne doit se doter d’une stratégie volontaire et efficace pour devenir un acteur majeur dans la compétition mondiale et de ne pas subir les évolutions technologiques et économiques venues d’autres continents.

Aujourd’hui, ce sont essentiellement des acteurs non européens de l’Internet qui détiennent les positions centrales dans le monde numérique. Incontournables, ils captent l’essentiel de la valeur et détiennent la capacité d’influer sur le fonctionnement même d’Internet. L’Europe ne doit pas devenir un simple espace de consommation de services numériques développés ailleurs, via des technologies, des modèles et des normes qu’elle ne maîtriserait pas ; elle doit veiller au renforcement de son autonomie stratégique dans ce domaine. Elle doit garantir qu’Internet fonctionne comme un espace public ouvert à tous et respectueux des droits de chacun, un levier de développement économique, un instrument de liberté et d’émancipation politique.

1. Développer une stratégie industrielle européenne du numérique permettant l’émergence d’acteurs européens innovants, créateurs de croissance et d’emplois

L’Europe doit pouvoir faire émerger un plus grand nombre d’entreprises véritablement performantes sur les marchés mondiaux.

a/ soutien à l’innovation

Afin de mettre en place l’ensemble des instruments favorisant l’innovation, la France propose d’avancer sur les sujets suivants :

Ø Marchés publics

• assurer la pleine mise en œuvre des dispositions prévues dans les directives marchés publics révisées une fois entrées en vigueur, en particulier le partenariat d’innovation, qui doit permettre de développer les achats publics auprès de PME innovantes.

Ø Financement des PME et des start-ups

• développer les instruments européens, notamment le capital-risque à travers la constitution de fonds de fonds et un meilleur recours au FEI, en associant de manière appropriée les instruments financiers nationaux ;

• utiliser pleinement les crédits du « nouvel instrument PME » prévu par Horizon 2020 pour soutenir les projets d’innovation des PME dans le domaine numérique.

Ø Normalisation

• confier à la Commission le mandat de renforcer les liens entre la recherche, la normalisation et le développement technologique, en s’inspirant du NIST37.

b/ financement des nouvelles technologies, des services, des réseaux et du développement des compétences

Ø Développement des technologies avancées

Les actions et financements disponibles au niveau européen, notamment dans le cadre du programme Horizon 2020, devraient être consacrés au développement de l’informatique en nuage, des objets connectés ou encore du traitement massif des données. Le Conseil européen devrait décider d’un plan d’action emblématique, mobilisant toutes les dimensions des politiques publiques (recherche, financement, formation, commande publique, etc.) par exemple sur le « big data » (traitement massif des données) ou le stockage des données (informatique en nuage).

Ø Facilitation des services

Horizon 2020 et les crédits de la BEI devraient également permettre de soutenir le développement de services : villes, réseaux d’énergie et de transport intelligents, plateformes ouvertes d’éducation.

De même les usages d’Internet devront être développés : administration électronique, e-justice, e-santé.

Ø Mise en place de réseaux

Les fonds structurels pour 2014-2020 et la BEI devraient soutenir le développement d’infrastructures de réseaux, en particulier l’accès au haut débit, très haut débit et à la 4G.

Ø Développement des compétences / formation aux emplois de demain

Les fonds structurels (FEDER et FSE) pour 2014-2020 devraient être mobilisés, d’une part, pour le développement du numérique dans le secteur éducatif (formation, espaces numériques de travail, plateformes technologiques permettant d’accueillir des offres massives en ligne de conception de matériaux pédagogiques) et, d’autre part, pour la formation des demandeurs d’emploi aux métiers du numérique.

c/ réglementation

La Commission vient de proposer un règlement sur le marché unique des télécommunications courant septembre. La priorité doit être donnée à l’investissement dans les infrastructures, la recherche de la taille critique pour la fourniture de services de communications électroniques paneuropéens et la constitution d’entreprises européennes à vocation mondiale. A cette fin, elle devrait viser à garantir un environnement juridique stable, lisible et favorable aux entreprises en prenant en compte les enjeux de la compétition mondiale.

2. Garantir des règles du jeu équitables

a/ réguler les principales plateformes de services et applications numériques

Le maintien d’un environnement numérique ouvert pour les citoyens et les utilisateurs ainsi que pour les entreprises innovantes est une condition indispensable pour promouvoir l’innovation en Europe, le développement de nouveaux services et le respect des valeurs fondamentales de l’Europe.

Une régulation des principales plateformes de services et applications numériques est nécessaire pour garantir un accès ouvert aux services et utilisateurs d’Internet et permettre l’émergence d’acteurs européens de niveau mondial. Les conditions d’accès, de transparence et de non-discrimination devraient être définies dans ce contexte. Elle devrait être suffisamment souple et réactive pour prendre en compte et encourager le caractère innovant et dynamique d’Internet.

La Commission devrait présenter un rapport/une communication avant la fin du 1er trimestre 2014 en vue d’une proposition législative à la fin du 1er semestre 2014.

b/ mettre en place un nouveau cadre fiscal

La nature des activités sur Internet permet aux entreprises d’échapper dans certains cas à l’impôt. À la suite du Conseil européen du 22 mai 2013, la Commission doit poursuivre l’examen des enjeux liés à la fiscalité du numérique en vue du Conseil européen d’octobre. Elle devrait être invitée à préparer un rapport sur ce sujet en vue du Conseil européen et des propositions avant le printemps 2014 visant à :

• mettre en place un régime fiscal destiné aux entreprises du secteur numérique qui assure que les profits réalisés par ces entreprises sur le marché européen seront soumis à l’impôt et que les recettes seront réparties entre les Etats membres en rattachant l’assiette au lieu où ces profits sont réalisés ;

• adapter la législation existante, lorsque celle-ci contribue à l’érosion des bases taxables, en tenant pleinement compte des travaux en cours au sein de l’OCDE, en particulier pour corriger certains effets des directives mère-fille et intérêt-redevance. Les propositions de la Commission sur ces deux derniers textes sont attendues d’ici à la fin de l’année ;

• réviser le cadre communautaire de la TVA afin de pouvoir mettre en place des taux réduits de TVA sur certains biens et services culturels en ligne ;

• préparer un rapport sur la possibilité de soumettre à une contribution les transferts de données hors d’Europe.

c/ assurer le respect de la propriété intellectuelle et promouvoir les contenus culturels numériques

• assurer le respect de la propriété intellectuelle

L’Union européenne doit définir le cadre et les moyens permettant au régime européen du droit d’auteur de garantir pleinement le respect des droits de propriété intellectuelle dans l’espace numérique. Les questions suivantes devront être rapidement traitées :

o promouvoir des mécanismes d’octroi de licences équilibrés et efficaces au sein du marché intérieur, tout en favorisant l’interopérabilité des services et des appareils ;

o garantir l’effectivité de l’application de droits de propriété intellectuelle dans l’environnement numérique ;

o relancer au plan européen la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Parmi les pistes envisageables figurent en particulier : le partage des meilleures pratiques sur la base des travaux de l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage et le développement d’accords entre acteurs d’Internet et titulaires de droits de propriété intellectuelle.

• promouvoir les contenus culturels numériques

La capacité de l’Union européenne et de ses États membres de maintenir, d’adapter, de mettre en œuvre, de définir ou de développer des politiques dans les domaines culturels et audiovisuels ne devra être affectée d’aucune manière, y compris pour prendre en compte le développement de nouvelles technologiques, en particulier dans l’environnement numérique.

Une réflexion devra être lancée sur la mise en place d’une politique européenne permettant de pérenniser la création audiovisuelle européenne : adaptation des mécanismes de régulation audiovisuelle à l’ère numérique ; possibilité de passer au principe du pays de destination pour la régulation des services audiovisuels ; possibilité offerte aux États membres de diversifier les sources de financement de la création de contenus en faisant contribuer de manière plus équitable tous les acteurs qui bénéficient de leur diffusion et de leur distribution. 

Afin de mettre en place une politique européenne favorable à la création littéraire et à l’accès à la culture par le livre dans sa forme traditionnelle comme dans sa forme numérique, la Commission devrait faire des propositions sur l’interopérabilité des formats de livre numérique et permettre des systèmes de prix fixes.

Compte tenu de l’importance des enjeux liés à la numérisation du patrimoine, un financement pérenne devra être assuré pour le portail Europeana.

3. Garantir un environnement numérique sûr et de confiance pour les citoyens et les entreprises

a/ protection des données personnelles

L’affaire PRISM a fait apparaître la nécessité d’un renforcement des règles visant à assurer la protection de la vie privée pour les citoyens européens. Un accord doit être trouvé en octobre sur les principales dispositions du paquet « protection des données ». Il devrait comprendre les éléments suivants :

• l’application des garanties offertes par la réglementation européenne à tous les traitements de données de personnes résidant sur le territoire de l’UE ;

• la nécessité d’un encadrement des transferts de données en direction des États tiers de sorte à assurer une protection adéquate de leur accès et à ne pas procurer d’avantage concurrentiel aux entreprises extra-européenne exerçant en Europe ;

• la mise en place d’un « guichet unique » dont les modalités devront assurer : la simplification des formalités pour les entreprises, la possibilité pour les personnes concernées de s’adresser à leur autorité de contrôle nationale pour défendre leurs droits ; la mise en place d’un mécanisme permettant une étroite coopération entre autorités de contrôle nationale sur les décisions concernant les traitements de données personnelles.

En outre, la Commission doit soumettre rapidement un rapport d’évaluation accompagné le cas échéant de propositions d’évolution du fonctionnement du « safe harbour » en cohérence avec les principes énoncés ci-dessus.

b/ garantir la sécurité juridique des échanges commerciaux dématérialisés et promouvoir ainsi la confiance dans le commerce en ligne

• les directives droits des consommateurs et commerce en ligne devront être pleinement mises en œuvre afin de garantir un haut niveau de protection des consommateurs ;

• le Conseil et le Parlement européen devront, d’ici à la fin de l’année, parvenir à un accord sur le règlement concernant l’identification, l’authentification et la signature électronique garantissant l’existence de niveaux de sécurité harmonisés et la possibilité pour les États membres d’adopter des règles allant au-delà des règles européennes existantes afin de renforcer la sécurité des systèmes d’information.

4. Renforcer l’action de l’UE en matière de coopération internationale dans l’ensemble des fora traitant de cette question 

Pour donner une pleine effectivité aux règles dont elle se dote au plan international (level-playing field), l’Union européenne doit renforcer son action dans l’ensemble des fora traitant des questions relatives au numérique pour permettre le respect et la protection effective des libertés individuelles, des droits de propriété intellectuelle et des règles dont elle se dote, notamment en matière fiscale.

La Commission européenne devrait être invitée à faire des propositions en ce sens.

1 Conclusions de la présidence du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000.

2 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 26 août 2010 « Une stratégie numérique pour l’Europe » [COM (2010) 245/2].

3 Communication de la Commission du 3 mars 2010 « Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » [COM (2010) 2020].

4 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 décembre 2012 « Une stratégie numérique pour l’Europe : faire du numérique un moteur de la croissance européenne » [COM (2012) 784].

5 Commission consultative qui a pour mission « de formuler de manière indépendante et de rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie ».

6 Rapport d’information no 4450 du 6 mars 2012 sur les enjeux européens de la numérisation de l’écrit, présenté par MM. Hervé Gaymard et Michel Lefait.

7 Ou cloud computing.

8 Ou big data.

9 « Le défi numérique européen ».

10 Voir annexe no 3.

11 Orienté vers la possibilité, pour les utilisateurs, de collaborer et de partager des informations et du contenu en ligne.

12 Women active in the ICT sector.

13 Article 170.

14 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2011 établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe [COM (2011) 665].

15 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2011 concernant des orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications et abrogeant la décision no 1336/97/CE. [COM (2011) 657].

16 Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 mai 2013 concernant des orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications et abrogeant la décision no 1336/97/CE [COM (2013) 329].

17 Ou smart grids.

18 Ou smart cities.

19 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 4 juin 2012 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur [COM (2012) 238].

20 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2012 relative à l’accessibilité des sites web d’organismes du secteur public [COM (2012) 721].

21 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 7 février 2013 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l’information dans l’Union (COM (2013) 48].

22 Ou CERT, pour computer emergency response teams.

23 Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») – Journal Officiel L 108 du 24 avril 2002.

24 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2013 relatif à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit [COM (2013) 147].

25 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 établissant des mesures relatives au marché unique européen des communications électroniques et visant à faire de l’Europe un continent connecté, et modifiant les directives 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/22/CE ainsi que les règlements (CE) no 1211/2009 et (UE) no 531/2012 [COM (2013) 627].

26 Document de travail des services de la Commission du 11 septembre 2013 – Résumé de l’étude d’impact [SWD (2013) 332].

27 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 septembre 2013 sur le marché unique des télécommunications [COM (2013) 634].

28 Ou de roaming.

29 Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur – Journal Officiel L 376 du 27 décembre 2006.

30 Voir annexe no 4.

31 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2011 sur la passation des marchés publics [COM (2011) 896].

32 Voir le rapport d’information no 1009 du 24 avril 2013 de la Commission des affaires européennes (rapporteurs, Mme Audrey Linkenheld et M. Jacques Myard).

33 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 janvier 2012 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données)[COM (2012) 11] et proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 25 janvier 2012 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données [COM (2012) 10].

34 Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil – Journal officiel L 304 du 22 novembre 2011.

35 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur – Journal officiel L 178 du 17 juillet 2000.

36 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 4 juin 2012 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur [COM (2012) 238].

37 National Institute of Standards and Technology. Organisme fédéral américain qui associe la recherche académique à l’établissement de normes industrielles