N° 1828 - Rapport d'information de M. Jean-Louis Roumegas déposé par la commission des affaires européennes sur la stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens




No 1828

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 février 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur la stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jean-Louis ROUMEGAS,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

I. LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS FONT PESER UN RISQUE MAJEUR SUR LA SANTÉ HUMAINE ET LES GÉNÉRATIONS FUTURES 25

A. UN PHÉNOMÈNE EN ESSOR MANIFESTE DEPUIS PLUSIEURS DÉCENNIES 25

1. Qu’est-ce que les perturbateurs endocriniens ? 25

a. Une définition qui s’affine progressivement 25

i. Un concept apparu en 1991 25

ii. La définition de référence de l’Organisation mondiale de la santé 26

b. Modes d’action 27

c. Voies d’exposition 28

d. Catégories de produits concernés 29

2. Comprendre les perturbateurs endocriniens : un changement de paradigme 31

a. La dose ne fait pas le poison : l’importance de la période d’exposition 31

b. Latence entre exposition et apparition des effets 31

c. Effet cumulé et effet cocktail 32

i. Effet cumulatif 32

ii. Effet cocktail 32

B. LES DÉBATS SUR LE DEGRÉ DE DANGEROSITÉ RÉEL DES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS 33

1. Les prises de position de la communauté scientifique spécialisée 33

a. Le « rapport Kortenkamp » 33

i. Un état des lieux accablant 33

ii. La nécessité d’une nouvelle législation européenne 36

b. La « déclaration de Berlaymont » 37

c. Une résonance déterminante 38

2. Controverse scientifique ou écran de fumée ? 39

a. Un contre-feu bien organisé 39

i. Une salve d’éditoriaux accompagnés d’une lettre ouverte 39

ii. Argumentation 39

b. Une réunion de consensus et la controverse se dégonfle 40

i. La volonté d’identifier et de solutionner les désaccords 40

ii. La signature d’un document de consensus 40

iii. La reconnaissance de l’incertitude sur l’existence de seuils 41

II. EN ATTENDANT UNE RÉGLEMENTATION VRAIMENT PROTECTRICE, CERTAINS PRODUCTEURS ET CONSOMMATEURS S’ORGANISENT POUR GÉRER LE RISQUE 43

A. L’ACTION DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES LANCEUSES D’ALERTES 43

1. L’approche des organisations non gouvernementales : mettre en lumière l’omniprésence des perturbateurs endocriniens 43

a. La méthode éprouvée des tests comparatifs 43

b. Alerte dans la salle de bain ! 44

i. Diagnostic 44

ii. Enseignements 45

c. L’enquête EXPPERT 46

i. Les insecticides perturbateurs endocriniens au quotidien 46

ii. Des perturbateurs endocriniens dans les fraises 47

iii. Recommandations de Générations futures 48

2. Changer les habitudes des ménages : pour une consommation plus avertie 48

a. Une logique systématique : la base de données Noteo 48

i. Objectif et méthodologie 48

ii. Synthèse sur les produits d’hygiène et de beauté 49

b. Les stratégies d’évitement, en attendant l’application du principe de précaution 50

i. L’« hygiène chimique » 50

ii. Un exemple : comment éviter le bisphénol A ? 52

B. LA PROMOTION DE MODES DE PRODUCTION ET DE DISTRIBUTION ALTERNATIFS PLUS RESPONSABLES 53

1. Protéger les salariés des maladies professionnelles : une priorité sanitaire 53

a. La profession agricole en première ligne 53

i. La prévalence de pathologies caractéristiques 53

ii. L’analyse APACHE 53

b. Un régime réglementaire insuffisamment protecteur pour les travailleurs 54

2. Durcir la réglementation stimule l’innovation : l’apport théorique du Center for International Environmental Law 55

a. L’impact de la législation 55

b. Les pistes pour optimiser l’innovation 56

c. Le problème du délai nécessaire à l’innovation : exemple de l’entreprise Terumo BCT 57

3. Inciter à l’adoption de modèles de production plus responsables : le rôle de l’État dans le modèle du Massachusetts 58

a. Objectifs directeurs 58

b. Obligations des entreprises 59

i. Utilisation des produits chimiques 59

ii. Planification 59

iii. Financement des agences 60

c. Résultats et enseignements 61

4. Modifier les usages dans la chaîne de distribution : l’exemple du groupe Carrefour 61

a. L’intérêt des entreprises à agir : entre prise de conscience citoyenne et peur du naming and shaming 61

b. Carrefour 62

i. Réagir à l’absence de cadre législatif contraignant 63

ii. Par la contractualisation avec les filières 63

III. L’UNION EUROPÉENNE DOIT ADOPTER ET METTRE EN œUVRE EN URGENCE UNE STRATÉGIE TRANSVERSALE POUR PROTÉGER LA POPULATION ET LA BIODIVERSITÉ 65

A. UNE DÉMARCHE À ARTICULER AVEC LES MESURES PRISES PAR LA FRANCE À L’ÉCHELON NATIONAL 65

1. Bisphénol A : une législation française d’avant-garde 65

a. Une substance considérée comme l’une des plus dangereuses au regard de l’homéostasie endocrinienne 65

b. Les lois françaises de 2010 et 2012 66

i. La suspension sine die de la substance 66

ii. Les rapports gouvernementaux attendus 67

c. Le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail 68

d. La volte-face de l’Autorité européenne de sécurité des aliments 69

2. Le projet de stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens 70

a. L’esprit pionnier 70

b. Un processus de concertation laborieux 71

i. Le rapport du groupe de travail 71

ii. La consultation publique en ligne 72

iii. La présentation à venir devant le Conseil national de la transition écologique 72

c. La déception des associations 73

i. Le manifeste et la pétition du collectif « Ensemble contre les perturbateurs endocriniens » 73

ii. Le problème particulier de la révision des critères d’exclusion du règlement phytosanitaire 74

iii. Un appel au Gouvernement pour qu’il ne cède pas sur l’essentiel 76

B. UNE STRATÉGIE EUROPÉENNE À METTRE IMPÉRATIVEMENT À JOUR POUR ÊTRE EFFICACE DANS TOUT LE MARCHÉ INTÉRIEUR 77

1. La stratégie européenne de décembre 1999 77

a. Une stratégie conçue comme évolutive 77

b. Des mesures à échelonner dans le temps 77

i. Mesures à court terme 77

ii. Mesures à moyen terme 78

iii. Mesures à long terme 78

c. Évaluation d’ensemble 79

d. Les limites du règlement REACH 80

i. Les substances extrêmement préoccupantes 80

ii. Des méthodologies qui prennent insuffisamment en compte la dimension perturbation endocrinienne 80

2. Organiser une régulation européenne spécifique pour les perturbateurs endocriniens : une obligation à deux égards 81

a. Pour répondre aux défis contemporains 81

i. La santé de nos concitoyens et la biodiversité de nos territoires 81

ii. La diffusion de meilleures pratiques dans les pays du Sud 82

iii. La compétitivité européenne 82

b. Au regard des engagements européens 83

i. Critères de définition 83

ii. Stratégie pour une Europe non toxique 83

iii. Recherche 84

3. Les objectifs à atteindre 84

a. Établissement de critères de définition des perturbateurs endocriniens 84

i. Une définition européenne unique pour pouvoir réviser les législations sectorielles 84

ii. Perturbateurs endocriniens avérés et suspectés 85

iii. Position des autorités françaises 86

b. Édiction d’une législation transversale 87

c. Approfondissement de la recherche européenne 88

i. Mieux comprendre les modes d’exposition 89

ii. Perfectionner les méthodes d’essai tendant à établir les mécanismes d’action 89

iii. Entreprendre des études épidémiologiques 90

d. Information du public 90

4. La « procrastination politique » de la Commission européenne 90

a. Le jeu d’influence des lobbies industriels 90

b. Les oppositions dans la sphère scientifique 91

c. Résultat : un calendrier retardé et aujourd’hui incertain, suspendu à une étude d’impact 92

i. L’étude d’impact, mesure dilatoire ou nécessité ? 92

ii. Des échéances reportées sine die 93

iii. Une issue incertaine 94

TRAVAUX DE LA COMMISSION 95

CONCLUSIONS 99

BIBLIOGRAPHIE 105

ANNEXES 111

ANNEXE NO 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 113

ANNEXE NO 2 : COURRIER DE M. JEAN-LOUIS ROUMÉGAS À MME DANIELLE AUROI, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (22 MAI 2013) 117

ANNEXE NO 3 : RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA PROTECTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE CONTRE LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS (14 MARS 2013) 121

ANNEXE NO 4 : DOCUMENT DE CONSENSUS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE (24 OCTOBRE 2013) 127

ANNEXE NO 5 : COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL CHARGÉ D’ÉLABORER LA STRATÉGIE NATIONALE SUR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS (DOCUMENT DE TRAVAIL DU 17 MAI 2013) 133

ANNEXE NO 6 : EXTRAITS DU PROJET DE STRATÉGIE NATIONALE SUR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS (VERSION SOUMISE À CONSULTATION PUBLIQUE LE 19 AOÛT 2013) 137

ANNEXE NO 7 : ÉLÉMENTS POSSIBLES POUR DES CRITÈRES D’IDENTIFICATION DES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS (VERSION PROVISOIRE DU 19 FÉVRIER 2013) 145

SYNTHÈSE DU RAPPORT

L’« épidémie mondiale » de maladies chroniques constatée par l’Organisation mondiale de la santé s’explique notamment par la dégradation de la qualité de l’environnement. Certaines de ces maladies connaissent en effet des pics spécifiques dans certaines zones géographiques ou parmi des professions particulièrement exposées aux produits chimiques, ce qui tend à démontrer l’importance du facteur environnemental dans leur essor.

La somme de souffrances humaines consécutives aux pathologies d’origine environnementale mais aussi la charge financière qu’elles font peser sur la collectivité doivent pousser les pouvoirs publics à agir.

Les communautés scientifiques mettent notamment en avant, comme facteur contribuant à l’explosion de ces pathologies de civilisation, l’action des perturbateurs endocriniens, à savoir des substances chimiques modifiant durablement le fonctionnement hormonal des êtres humains et de la faune, présentes dans toutes sortes de produits industriels ou agricoles de consommation courante.

Ce dossier doit impérativement être traité à l’échelle communautaire car il a des implications sanitaires, environnementales, industrielles et commerciales, autant de sujets qui relèvent du marché intérieur. Or la stratégie européenne ad hoc, qui date de 1999, est devenue totalement obsolète au regard des progrès scientifiques enregistrés depuis lors.

C’est ce qui a motivé l’adoption à une très large majorité par le Parlement européen, le 14 mars 2013, d’une résolution « sur la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens ».

L’urgence est non seulement sanitaire mais aussi juridique, dans la mesure où plusieurs textes législatifs européens relatifs aux produits chimiques auraient dû être révisés ou complétés par des actes délégués avant fin 2013. La Commission européenne n’est toutefois même pas parvenue à franchir la première étape, consistant à élaborer des critères de définition scientifique des perturbateurs endocriniens.

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Les perturbateurs endocriniens font peser un risque majeur sur la santé humaine et les générations futures. Ils se caractérisent en effet non pas par un effet toxique direct mais par une modification du système de régulation hormonale susceptible de provoquer un effet toxique.

Ces molécules agissent en mimant, bloquant ou bouleversant l’action d’une hormone, ce qui perturbe le fonctionnement normal d’un organisme. Elles pénètrent dans le corps des êtres vivants qu’elles contaminent via plusieurs interfaces : les voies digestives, le système respiratoire ou la surface de la peau. La contamination peut enfin intervenir, par les voies cutanée ou digestive, à cause de la consommation d’eau du robinet ou à son contact.

Depuis le début des années 2000, grâce aux progrès des recherches, le nombre de produits chimiques identifiés comme préoccupants en tant que perturbateurs endocriniens ainsi que la diversité de leurs effets sur la santé humaine et la faune ont crû dans des proportions importantes, tous les domaines de consommation courante étant aujourd’hui concernés.

La toxicité des perturbateurs endocriniens n’est pas fonction de la dose de produit ingéré dans l’organisme d’un individu mais du stade de développement auquel il se trouve au moment de l’exposition : ce n’est pas la dose d’exposition qui fait le poison mais la période d’exposition. À cet égard, les périodes les plus problématiques du cycle de vie, que l’on peut qualifier de fenêtres de vulnérabilité, sont la vie prénatale, la petite enfance et la puberté.

Par ailleurs, l’intoxication consécutive à une exposition aux perturbateurs endocriniens est susceptible de ne se manifester par l’apparition de pathologies graves que plusieurs décennies plus tard.

La nocivité des perturbateurs endocriniens tient enfin à deux effets multipliant le risque : l’effet cumulatif et l’effet cocktail.

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Le rapport de 2011 dit « rapport Kortenkamp » revient sur les avancées scientifiques enregistrées depuis 2002 et trace des pistes pour traiter la question des perturbateurs endocriniens dans l’appareil réglementaire européen relatif aux produits chimiques.

Il établit que les preuves de la tendance à la hausse des désordres endocriniens chez l’homme se sont renforcées au cours des deux décennies passées et milite en faveur de la mise au point et de l’actualisation de méthodes d’essai validées et reconnues internationalement. Par ailleurs, il récuse l’emploi des seuils d’exposition rigides comme critères décisifs et préconise que la définition des perturbateurs endocriniens sur laquelle s’appuiera la future réglementation européenne soit uniquement fondée sur le critère de nocivité au regard des modes d’action endocriniens.
Puis, en 2013, toujours emmenés par le professeur Andreas Kortenkamp, 89 scientifiques de renommée mondiale ont rendu public un manifeste, intitulé « déclaration de Berlaymont », qui tire la sonnette d’alarme et invite la Commission européenne à agir sans délais.

Ces initiatives constituent deux actes sans équivoques en faveur d’une prise en compte globale et immédiate du problème des perturbateurs endocriniens dans la réglementation européenne. Elles ont eu une résonance déterminante, du fait du soin extrême avec lequel ils ont été documentés et rédigés et surtout de la robustesse scientifique de leurs analyses. Cette offensive sur le front de la diffusion de la science s’est rapidement concrétisée par l’abandon, en 2013, du critère de niveau d’exposition dans les recommandations des instances scientifiques de l’Union européenne.

Les recommandations formulées en direction des pouvoirs publics européens ont toutefois suscité la réaction d’un groupe de scientifiques opposés à l’application du principe de précaution dans une future législation européenne relative aux perturbateurs endocriniens. Ils ont publié concomitamment, dans pas moins de quatorze revues européennes et américaines spécialisées en toxicologie et pharmacologie, un éditorial assorti d’une « lettre ouverte » adressée à Anne Glover, conseillère scientifique principale du président Barroso.

Au terme d’une réunion organisée par cette dernière le 24 octobre 2013, un document de consensus a finalement été signé, éteignant la controverse scientifique et démontrant que les critiques envers le rapport Kortenkamp et la déclaration de Berlaymont ne constituaient qu’un écran de fumée : l’incertitude sur l’existence de seuils est reconnue et la charge de la preuve pour les mettre en évidence le cas échéant est en quelque sorte inversée ; en conséquence, il devrait incomber aux fabricants et aux importateurs de démontrer l’innocuité des substances contenues dans leurs marchandises. Les perturbateurs endocriniens constituent donc bien une classe de produits chimiques toxiques à part.

Ce consensus ouvre la voie à une mise à jour de la stratégie et de la réglementation européennes en matière de perturbateurs endocriniens, sur le fondement du principe de précaution.

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En attendant une réglementation vraiment protectrice, des associations de consommateurs et des organisations non gouvernementales lanceuses d’alerte s’organisent pour gérer le risque et interpeller les pouvoirs publics.

UFC-Que choisir
pratique depuis des décennies des analyses sur les produits de consommation courante. Elle s’intéresse en particulier à leur sécurité sanitaire et, depuis la fin des années 2000, à la dimension perturbation endocrinienne.

En 2013, une étude spécifiquement consacrée aux produits cosmétiques et d’hygiène corporelle a mis en évidence la présence massive de perturbateurs endocriniens. Une étude plus récente ciblée sur les produits pour bébés présente des résultats particulièrement inquiétants compte tenu de la vulnérabilité de cette catégorie de population.

Quant à l’organisation non gouvernementale Générations futures, spécialisée dans la santé environnementale, en particulier dans la dénonciation des méfaits des produits phytosanitaires, elle a rendu publics, courant 2013, deux volets d’une enquête du même type à propos de l’exposition aux pesticides perturbateurs endocriniens, avec l’objectif de démontrer l’urgence de l’action préventive.

Les liens entre l’exposition aux particules de pesticides et les pathologies chroniques ne sont plus contestables et l’imprégnation de la population est générale, avec une quarantaine de pesticides en circulation en Europe possédant un caractère de perturbateurs endocriniens. Générations futures recommande par conséquent le développement des solutions alternatives, à savoir l’utilisation de produits moins nocifs, la renonciation aux pratiques agronomiques de confort ou d’assurance et le recours au biocontrôle.

Surtout, en conclusion de son expertise, l’organisation non gouvernementale alertait de nouveau sur la nécessité de prendre des mesures immédiates et fortes pour réduire l’exposition des populations aux pesticides perturbateurs endocriniens et d’adopter une stratégie nationale ambitieuse.

L’institut Noteo, créé en 2006, réunit des experts en nutrition, environnement, toxicologie et responsabilité sociale avec l’objectif de donner au plus grand nombre les clés pour améliorer la consommation et la production. Grâce à un dispositif de notation exclusif, évaluant l’impact des produits grand public, il cherche à éclairer les choix de consommation des ménages en fonction de quatre catégories de critères : santé, environnement, social et prix.

En s’appuyant sur sa base de données, Noteo a rendu publique une synthèse évaluant la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits d’hygiène et de beauté. Il en ressort que 40 % d’entre eux contiennent des perturbateurs endocriniens et qu’aucun segment de produits n’en est exempt, ce qui signifie que l’ensemble des consommateurs sont soumis à une exposition quotidienne.

Pour réduire le risque de contamination, il est recommandé au consommateur de jouer sur son degré d’exposition aux produits contenant des produits chimiques perturbateurs endocriniens, en adoptant des règles d’« hygiène chimique ». La hiérarchisation des risques impose de se montrer particulièrement vigilant sur ses pratiques de consommation, surtout pendant la grossesse, notamment en donnant la priorité aux aliments issus de l’agriculture biologique. Au-delà du bio, les filières écolabellisées offrent une bonne garantie de ne pas contenir d’ingrédients pollués par des perturbateurs endocriniens.

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D’autres structures promeuvent des modes de production et de distribution alternatifs plus responsables.

Les premières victimes de l’abus de produits chimiques dans notre société sont les salariés et les professionnels des entreprises qui les produisent et les emploient. Le monde agricole est particulièrement touché par les maladies professionnelles liées à l’usage intensif des pesticides.

Générations futures a réalisé une analyse de pesticides agricoles dans les cheveux, qui met en évidence l’intoxication des salariés viticoles testés. Une directive de 1990 définit des règles de protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes sur les lieux de travail et fixe des valeurs limites d’exposition professionnelle, mais elle doit être révisée depuis le début des années 2000.

À rebours des idées reçues, le Center for International Environmental Law, une organisation non gouvernementale américaine active dans les domaines du droit social, de l’environnement et de la santé, a publié une étude tendant à démontrer qu’un durcissement de la réglementation sur les produits chimiques est de nature à amorcer un processus d’innovation industrielle favorable. Les interventions du législateur sont particulièrement indiquées dans ce secteur, sujet à une grande inertie due à de fortes économies d’échelle, à une externalisation des coûts très marquée et à des lacunes dans l’information des consommateurs.

L’entreprise américaine Terumo BCT, dont l’activité principale est la production de dispositifs médicaux à usage unique pour la collecte et la transfusion de sang, appelle de son côté l’attention des pouvoirs publics sur les conséquences qu’aurait une prohibition trop hâtive de certaines substances sur des produits sanitaires indispensables au système de soin dans son ensemble, et défend l’idée d’un arbitrage bénéfice/risque.

Le Parlement de l’État du Massachusetts a adopté une loi de réduction des produits toxiques, entrée en vigueur en 1990, qui cherche à réduire la production et l’utilisation des produits chimiques toxiques dans l’industrie. Les 500 entreprises de plus de dix salariés qui utilisent de grandes quantités de produits chimiques toxiques sont investies de trois responsabilités : délivrer un rapport annuel sur l’ensemble de leurs utilisations de produits chimiques toxiques, suivre un processus de planification de réduction de produits chimiques toxiques et s’acquitter d’une contribution couvrant les frais des services pourvus par l’État pour les aider à respecter leurs obligations.

En vingt-quatre ans, les entreprises du Massachusetts ont significativement réduit leur utilisation de produits toxiques et leurs rejets dans l’air, l’eau et les sols. Ce modèle constitue l’archétype d’une politique publique de promotion de la dimension santé environnementale de la responsabilité sociétale des entreprises. Il constitue un éclairage intéressant car les pouvoirs publics, en l’occurrence, assument le rôle de chef d’orchestre de la lutte contre les perturbateurs endocriniens, en appliquant pragmatiquement le principe de précaution.

Les entreprises qui décident de modifier leurs pratiques et d’agir au niveau microéconomique contre l’usage de produits chimiques dangereux sont mues par deux soucis : la sensibilité à la protection de l’environnement et de la santé des consommateurs, mais aussi la peur de la mise en cause par des lanceurs d’alerte, ou naming and shaming.

Le groupe de grande distribution Carrefour, qui se targue d’avoir toujours été très active en matière de promotion des filières de qualité, a par exemple adopté une stratégie de réduction des perturbateurs endocriniens présents dans les produits qu’il commercialise, à travers un protocole draconien et contractualisé imposé aux produits vendus sous marque propre.

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Mais les substances soupçonnées d’avoir des propriétés de perturbateur endocrinien sont tellement répandues et en si grande quantité qu’il est impossible pour les consommateurs de s’en protéger complètement. Il est par conséquent indispensable que les pouvoirs publics prennent des dispositions protectrices, conformes au principe de précaution, et la démarche européenne doit s’articuler avec les mesures prises par la France à l’échelon national.

Notre pays s’est signalé en légiférant à propos du bisphénol A, une substance aujourd’hui principalement employée, associée à d’autres substances chimiques, pour la fabrication de plastiques et de résines, mais considérée comme l’une des plus dangereuses au regard de l’homéostasie endocrinienne : à elle seule, elle est incriminée dans des tumeurs mammaires chez la femme exposée in utero, dans le diabète de type 2, dans certaines maladies cardiovasculaires ainsi que dans des troubles de la reproduction.

L’Union européenne autorise son emploi dans les matériaux en contact avec les aliments mais l’interdit, en revanche, pour la fabrication de biberons pour nourrissons. Le Parlement français, pour sa part, a voté, en 2012, la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires destinées aux moins de trois ans depuis le 1er janvier 2013 et destinées aux consommateurs de tous âges à compter du 1er janvier 2015.

La France est également engagée dans un processus d’élaboration d’une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, lancé à l’occasion de la Conférence environnementale de septembre 2012.

L’idée maîtresse est de capitaliser sur la dynamique enclenchée par la France sur le dossier du bisphénol A et de continuer à faire preuve d’esprit pionnier dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens. Il s’agit aussi de peser sur la future stratégie européenne. La stratégie nationale est en outre destinée à alimenter le futur troisième plan national santé-environnement, dont la préparation est imminente.

Un groupe de travail rassemblant toutes les parties prenantes s’est réuni à six reprises au premier semestre 2013 et son rapport a été rendu public à l’été 2013, avec une consultation publique en ligne à la clé, laquelle a suscité 1 500 contributions.

La stratégie nationale est actuellement encore en phase de discussions interministérielles, son fond et sa forme définitifs étant encore en débat et un dernier tour d’échanges entre administrations, ultime étape avant l’arbitrage du premier ministre, devrait s’achever ces jours-ci. Elle a ensuite vocation à être présentée devant le Conseil national de la transition écologique, vraisemblablement lors de sa réunion d’avril 2014.

Réunies en collectif, les associations de protection de la santé et de l’environnement regrettent que le Gouvernement ne se soit pas distingué de la Commission européenne en temporisant, tout comme elle, et tarde à reprendre la main. Elles s’inquiètent des freins mis à l’élaboration de la stratégie nationale et de l’incertitude quant à la teneur des arbitrages ministériels en cours, d’autant que le document qui a servi de base à la consultation publique et qui constitue la dernière version du rapport du groupe de travail ne les satisfait pas totalement.

Elles critiquent surtout une disposition prévoyant qu’une fois la définition européenne des perturbateurs endocriniens adoptée, la France puisse soutenir la révision des critères d’exclusion prévus dans le règlement européen relatif aux phytosanitaires, ce qui hypothèquerait la sécurité sanitaire des citoyens.

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Il convient maintenant d’adopter et de mettre en œuvre en urgence une stratégie européenne transversale pour protéger des perturbateurs endocriniens la population et la biodiversité.

Dans sa communication stratégique ad hoc de 1999, la Commission européenne notait qu’il restait beaucoup de recherches à accomplir à ce sujet et qu’il n’existait pas encore de méthode d’essai validée pour établir définitivement qu’une substance est un perturbateur endocrinien. La stratégie était fondée sur les informations existantes à l’époque et conçue pour pouvoir être adaptée à l’évolution des connaissances scientifiques.

Elle préconisait des actions à court, moyen et long terme dans les domaines de l’approfondissement de la recherche, de la coopération internationale, de l’information de la population et de l’action politique.

Le règlement REACH prévoit la possibilité de considérer qu’une substance est « extrêmement préoccupante » et par conséquent de l’inscrire parmi celles qu’« un fabricant, importateur ou utilisateur en aval s’abstient de mettre sur le marché […] en vue d’une utilisation ou de l’utiliser lui-même ». Jusqu’à présent, cette notion de « niveau de préoccupation équivalente » n’a toutefois permis à l’Agence européenne des produits chimiques de n’interdire que quatre perturbateurs endocriniens. De fait, les méthodologies suivies par les industriels dans le cadre de la procédure REACH prennent insuffisamment en compte cette dimension.

En vérité, faute de critères de définition des perturbateurs endocriniens, l’Europe ne possède pas d’outil conceptuel pour organiser la révision de sa réglementation et en est réduite à des mesures de sauvegarde certes nécessaires dans l’immédiat mais tout à fait insuffisantes pour prendre le problème à bras-le-corps. C’est pourquoi une nouvelle stratégie européenne s’avère nécessaire.

Celle-ci permettra de répondre à trois défis contemporains : la santé de nos concitoyens et la biodiversité de nos territoires, la diffusion de meilleures pratiques dans les pays du Sud et la compétitivité européenne. Il s’agit en outre de se conformer aux obligations découlant du 7e programme d’action pour l’environnement.

L’élaboration de critères pour donner une définition scientifico-juridique européenne aux perturbateurs endocriniens est, en quelque sorte, le premier champ de bataille du dossier. Cette définition devra être unique et faire autorité pour toutes les politiques sectorielles, quels que soient les usages des substances, par souci de cohérence et de simplicité, considérant que certaines molécules sont utilisées, par exemple, dans la composition de certains pesticides et de certains biocides.

Reste à trancher sur l’opportunité de retenir la notion de dose d’exposition. Après la publication du rapport Kortenkamp, un consensus scientifique s’est imposé en faveur d’une définition inclusive : une substance doit être classée parmi les perturbateurs endocriniens en fonction de ses caractéristiques intrinsèques de dangerosité et non du risque qu’elle fait peser à partir d’une dose d’exposition donnée.

Les perturbateurs endocriniens pourront être classés en deux catégories : avérés et suspectés. Cette distinction a l’aval des autorités françaises et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui considère que des tests in vitro peuvent suffire pour faire entrer une substance dans la seconde catégorie.

Il restera ensuite à transposer en droit positif européen ces critères de définition qui s’esquissent, afin de sortir des mesures de sauvegarde au cas par cas, lourdes et insatisfaisantes. Deux options s’offrent aux colégislateurs : soit une réglementation transversale prévoyant des mesures de gestion homogènes pour tous les perturbateurs endocriniens, quelles que soient les marchandises dans lesquelles ils sont utilisés, sur le modèle de REACH, soit une revue de sa réglementation sectorielle, c’est-à-dire des textes relatifs aux pesticides, aux biocides, aux cosmétiques et aux contenants alimentaires en matière plastique.

La première option serait la voie la plus exigeante mais aussi la plus efficace, car elle présenterait l’avantage de prendre pleinement en compte l’effet cocktail des perturbateurs endocriniens contenus dans diverses catégories de produits de consommation courante.

Les substances extrêmement préoccupantes feraient alors l’objet d’une interdiction pour les produits susceptibles d’entrer en contact avec les publics vulnérables et, pour les autres usages, d’une suppression progressive en faveur d’alternatives plus sûres pour l’environnement et la santé humaine.

La recherche et l’expertise sont à la base des connaissances nécessaires à une gestion appropriée du problème des perturbateurs endocriniens. La recherche sur les perturbateurs endocriniens doit être puissamment soutenue par le programme-cadre Horizon 2020, en insistant sur trois aspects : mieux comprendre les modes d’exposition, perfectionner les méthodes d’essai tendant à établir les mécanismes d’action et entreprendre des études épidémiologiques.

En attendant l’éradication des perturbateurs endocriniens, l’information des utilisateurs de produits chimiques et de l’ensemble des consommateurs constitue un autre levier utile pour réduire progressivement l’exposition de la population humaine et de l’environnement.

Malheureusement, le jeu des influences a clairement conduit à retarder l’action de l’Union européenne sur les perturbateurs endocriniens.

Les lobbies industriels, amenés par leurs intérêts particuliers à rejeter l’idée d’une réglementation plus sévère, militent contre une « approche binaire » discriminant substances chimiques inoffensives et dangereuses, mais pour une distinction entre les substances chimiques ayant un mode d’action endocrinien en fonction de leur degré de toxicité.

La pseudo-controverse scientifique de l’été 2013 a aussi contribué à retarder le travail de la Commission européenne. Certains expliquent la polémique étouffée dans l’
œuf par le fait que la plupart des scientifiques signataires du fameux éditorial sont en conflits d’intérêts ; la Commission européenne avance quant à elle qu’il s’agirait plus prosaïquement de la manifestation d’une incompréhension de principe entre deux clans scientifiques, les endocrinologues contre les toxicologues.

Quoi qu’il en soit, ces désaccords entre scientifiques, portés sur la place publique, ont compliqué la prise en main du dossier par les instances politiques et l’industrie a obtenu l’organisation d’une étude d’impact, une procédure qui ne fait pas l’unanimité et ne permet pas de clarifier le calendrier.

En dépit de la résolution du Parlement européen, le dossier des perturbateurs endocriniens s’est donc enlisé, au point que rien de concret ne sera acté avant les élections au Parlement européen et le renouvellement de la Commission européenne qui s’en suivra.

Sur le dossier des perturbateurs endocriniens, l’Union européenne ne doit pas moins conserver comme priorité de faire primer la vérité scientifique, dans l’intérêt des personnes, en tant que citoyens, consommateurs et contribuables.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’espérance de vie continue de progresser tendanciellement dans tous les pays, qu’ils soient avancés, émergents ou en voie de développement. Pourtant, dans le même temps, les modes de vie actuels et les atteintes à l’environnement font peser de nouveaux risques sur la santé humaine. Une crise sanitaire particulièrement insidieuse et délétère fait rage : les maladies chroniques provoquent 63 % des décès à l’échelle mondiale et même 88 % en Europe. Dans un rapport2 publié en 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie ce phénomène d’« épidémie mondiale ».

En France, le cancer, par exemple, frappe un homme sur deux et une femme sur trois au cours de sa vie ; en vingt-cinq ans, le nombre de cas survenus y a augmenté de 88 % et c’est devenu la première cause de mortalité. Quelque 350 000 nouveaux cas sont recensés chaque année et près de 150 000 personnes décèdent – respectivement 14 millions et 8 millions dans le monde.

Notre pays compte 7 millions d’obèses et 15 millions de personnes en surpoids. Le nombre de diabétiques de type 2 a progressé de 40 % entre 2001 et 2009, pour dépasser aujourd’hui les 2 millions. Les symptômes allergiques se multiplient. Le nombre d’asthmatiques a doublé en vingt ans. Les troubles cardiovasculaires et thyroïdiens se développent. La prévalence des pathologies du système nerveux comme la maladie de Parkinson, les scléroses en plaques ou l’autisme explose. Selon la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), 45 % des Français seraient affectés par au moins un trouble ou une maladie chronique.

La première cause de cette évolution, sensible depuis une trentaine d’année, est généralement attribuée au vieillissement de la population : puisque l’on meurt moins aujourd’hui dans son jeune âge, des suites d’une rougeole, d’une bronchite, d’une appendicite ou d’un accouchement, il va de soi que la probabilité d’être sujet, un jour ou l’autre, à une affection chronique est plus élevée que naguère.

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Mais la dégradation de la qualité de l’environnement est sans aucun doute à la source de nombre de ces problèmes de santé, de multiples travaux scientifiques en attestent3. Certaines de ces maladies connaissent des pics spécifiques dans certaines zones géographiques plus ou moins étendues ou parmi des professions particulièrement exposées aux produits chimiques, ce qui tend à démontrer cette importance du facteur environnemental dans leur essor4.

La somme de souffrances humaines consécutives aux pathologies d’origine environnementale mais aussi la charge financière qu’elles font peser sur la collectivité – les ordres de grandeur de 100 milliards et de 1 000 milliards d’euros par an sont évoqués respectivement pour l’Union européenne et à l’échelle mondiale – doivent pousser les pouvoirs publics à agir.

Les communautés scientifiques mettent notamment en avant, comme facteur contribuant à l’explosion de ces pathologies de civilisation, l’action des perturbateurs endocriniens, à savoir des substances chimiques modifiant durablement le fonctionnement hormonal des êtres humains et de la faune, présentes dans toutes sortes de produits industriels ou agricoles de consommation courante : aliments et contenants alimentaires, solvants, pesticides, vêtements, papier, plastiques, isolants électriques, retardateurs de flamme, etc.

Source : Dr Laurent Chevallier et Dr Gilles Nalbone

Il s’agit d’une question de santé publique majeure car le système endocrinien pilote la sécrétion des hormones, essentielles pour le métabolisme, l’immunité, la reproduction, la croissance, le développement, le sommeil et l’humeur. Or les perturbateurs endocriniens agissent en deux temps :

– sur les individus qui leur sont directement exposés – c’est-à-dire, aujourd’hui, sur l’ensemble de la population humaine de la planète ;

– sur les générations à venir, par le biais de mécanismes épigénétiques.

Le dossier des perturbateurs endocriniens doit impérativement être traité à l’échelle communautaire car il a des implications sanitaires, environnementales, industrielles et commerciales, autant de sujets qui relèvent du marché intérieur. Or la stratégie européenne ad hoc, qui date de 1999, est devenue totalement obsolète au regard des progrès scientifiques enregistrés depuis lors, en ce qui concerne la connaissance des phénomènes de perturbation endocrinienne, les produits incriminés et l’observation épidémiologique des dégâts sur les populations humaines.

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C’est ce qui a motivé l’adoption à une très large majorité par le Parlement européen, le 14 mars 2013, sur proposition de la rapporteure Åsa Westlund (S&D, Suède), d’une résolution « sur la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens »5, qui invite notamment la Commission européenne :

– « à réviser sa stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens, afin de protéger efficacement la santé humaine en insistant davantage sur le principe de précaution sans pour autant méconnaître le principe de proportionnalité, et à œuvrer, le cas échéant, pour une réduction de l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens » ;

– « à procéder à un examen systématique de l’ensemble des textes législatifs pertinents applicables et, si nécessaire, à modifier d’ici au 1er juin 2015 la législation en vigueur ou à présenter de nouvelles propositions législatives prévoyant notamment une évaluation des risques et des dangers, et ce afin de réduire, le cas échéant, l’exposition humaine, en particulier des groupes vulnérables que sont les femmes enceintes, les bébés, les enfants et les adolescents, aux perturbateurs endocriniens ».

L’urgence est non seulement sanitaire mais aussi juridique, dans la mesure où plusieurs textes législatifs européens relatifs aux produits chimiques auraient dû être révisés ou complétés par des actes délégués avant fin 2013.

La Commission européenne n’est toutefois même pas parvenue à franchir la première étape, consistant à élaborer des critères de définition scientifique des perturbateurs endocriniens. Pour mener à bien cet exercice, elle s’apprête maintenant, en préalable, à ouvrir un processus de concertation des parties prenantes, à travers une étude d’impact et une consultation publique.

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L’objet du présent rapport d’information est d’abord de faire le point sur l’ampleur du phénomène des perturbateurs endocriniens et de rendre compte de nombreuses observations, études et expertises produites sur ce sujet, mais aussi d’analyser les tensions politico-scientifiques qui ont conduit les institutions européennes à prendre tant de retard dans la révision de la législation communautaire et enfin d’énoncer quelques positions de principe.

C’est pourquoi votre rapporteur, sans prétendre à l’exhaustivité, s’est attaché à auditionner des représentants de la plupart des catégories de parties prenantes6 :

– institutions publiques nationales et européennes ;

– associations de consommateurs et organisations non gouvernementales de défense de l’environnement et de la santé ;

– industriels, grands distributeurs et organisations professionnelles ;

– scientifiques.

Il est entendu que le présent rapport d’information doit être considéré comme une étude d’étape. La Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale suivra l’intégralité des réflexions et des travaux à venir des institutions européennes à propos des perturbateurs endocriniens :

– elle répondra à la consultation publique à venir ;

– elle formulera des recommandations circonstanciées à propos :

• de la future stratégie européenne ad hoc ;

• ainsi que des propositions de textes législatifs qui s’en suivront nécessairement.

À la connaissance de votre rapporteur, aucune autre assemblée parlementaire nationale de l’Union européenne ne s’est encore penchée sur le sujet de la stratégie européenne des perturbateurs endocriniens ; c’est au demeurant l’un des motifs pour lesquels il lui a semblé opportun que la Commission des affaires européenne de l’Assemblée nationale s’en empare7.

Un autre enjeu – et non des moindres – de ce travail est de souligner que les parlements nationaux peuvent et doivent intervenir dans le débat public européen sur les perturbateurs endocriniens. Même si, rappelons-le, ils ne possèdent aucun pouvoir d’injonction vis-à-vis des institutions européennes, ils ont pleine compétence, en leur qualité d’instances représentatives des peuples, pour exprimer des attentes et formuler des recommandations, sur un sujet aussi crucial pour l’environnement et la santé humaine.

Les substances chimiques occupent une place de plus en plus importante dans la vie moderne et sont essentielles pour l’industrie et le développement économique. Utilisés de façon irrationnelle et sans contrôle, elles représentent cependant un danger majeur pour l’environnement et la santé humaine.

Le problème est plus aigu encore avec les produits perturbateurs endocriniens, dont les scientifiques ont démontré les caractéristiques particulièrement pernicieuses et insidieuses. Avec le changement climatique et la perte de biodiversité, il s’agit sans doute de l’une des dimensions de la crise écologique en cours les plus préoccupantes.

L’expression « perturbateur endocrinien »8 est employée pour la première fois en 1991, lors d’une conférence scientifique pluridisciplinaire réunie à l’initiative de Theo Colborn, professeur de zoologie et experte en santé environnementale, afin de désigner l’action de produits chimiques synthétiques non dégradables sur les diverses fonctions du système endocriniens.

Mais les premières publications scientifiques faisant état d’observations environnementales de perturbations du système reproductif des poissons ou des batraciens, notamment en mer baltique, datent des années 1970.

La première tentative de définition est produite à l’issue d’un colloque organisé en 1996 à Weybridge, au Royaume-Uni, par la Commission européenne, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), l’OMS et l’industrie chimique européenne : « une substance étrangère à l’organisme qui produit des effets délétères sur l’organisme ou sa descendance, à la suite d’une modification de la fonction hormonale ».

La définition de l’Environmental Protection Agency (EPA), l’agence américaine de protection de l’environnement, insiste davantage sur les processus moléculaire susceptibles d’être modifiés et ne pointe pas du doigt la nocivité de cette perturbation : « un agent exogène qui interfère avec la production, la libération, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination des ligands naturels responsables du maintien de l’homéostasie et de la régulation du développement de l’organisme ».

Enfin, en 2002, le Programme international sur la sécurité chimique (IPCS9) de l’OMS a proposé une définition qui fait aujourd’hui l’objet d’un consensus international : « une substance ou un mélange exogène altérant une ou plusieurs fonctions du système endocrinien et provoquant de ce fait des effets néfastes sur la santé de l’organisme intact ou sur celle de sa descendance ».

Le Comité scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA10), en particulier, a endossé l’esprit de la définition de l’OMS en apportant la formulation suivante : « tout produit chimique susceptible d’interagir directement ou indirectement avec le système endocrinien, et par voie de conséquence de produire un effet sur ce dernier et d’impacter les organes et les tissus ».

La définition de l’OMS a été complétée par la notion de perturbateur endocrinien potentiel : « une substance ou un mélange exogène possédant des propriétés dont l’on peut attendre qu’elles conduisent à une perturbation endocrinienne sur un organisme intact ou sa descendance ».

Restait à cerner les « effets néfastes ». À l’occasion d’une réunion organisée en 2009 à Berlin par l’Institut fédéral d’évaluation des risques (BfR11), il en a été donné la définition suivante : « changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance, la reproduction, le développement ou la longévité d’un organisme, se traduisant par une perte de capacités fonctionnelles ou une perte de capacité à compenser un stress additionnel ou une sensibilité accrue aux effets nocifs découlant d’autres influences environnementales ».

La perturbation endocrinienne se caractérise non pas par un effet toxique direct mais par une modification du système de régulation hormonale susceptible de provoquer un effet toxique. Les perturbateurs endocriniens se définissent par conséquent en fonction de mécanismes d’action et non de leurs propriétés chimiques intrinsèques.

Un perturbateur endocrinien est une molécule qui mime, bloque ou bouleverse l’action d’une hormone, ce qui perturbe le fonctionnement normal d’un organisme.

Plus précisément, un produit chimique ingéré par un être humain ou un animal peut bouleverser son équilibre hormonal à travers les modes d’actions suivants :

– imiter le comportement d’hormones naturelles en se fixant, comme elles, sur des récepteurs cellulaires, ce qui entraîne une amplification des réactions chimiques normales – on parle alors d’« effet agoniste » ;

– annihiler des récepteurs cellulaires, ce qui empêche des hormones naturelles de s’y fixer et de communiquer leurs messages aux cellules touchées – on parle alors d’« effet antagoniste » ;

– troubler les mécanismes de production ou de régulation des hormones ou des récepteurs cellulaires, ce qui tend à réduire ou à accroître les concentrations hormonales présentes naturellement dans l’organisme – on parle alors d’« interférence » :

• au cours de la formation de l’embryon et du fœtus, modifier le nombre de récepteurs opérant sur les cellules ;

• perturber l’action des protéines chargées de réguler les taux d’hormones circulant dans le sang ;

• agir directement sur la synthèse des hormones, sur les mécanismes grâce auxquels elles sont transportées dans l’organisme ou sur leur élimination naturelle.

Pour agir sur les hormones, les perturbateurs endocriniens pénètrent dans le corps des êtres vivants qu’ils contaminent via plusieurs interfaces :

– les voies digestives, pour ce qui concerne les produits présents dans les aliments et les boissons, les contenants alimentaires comme les bouteilles ou les films en plastique, les médicaments, les maquillages et baumes à lèvres, les dentifrices et autres rince-bouches, voir les objets et gadgets en plastique, à commencer par les jouets, portés à la bouche par les enfants ;

– le système respiratoire constitue un autre vecteur d’ingestion, les poussières inspirées pouvant contenir des molécules de perturbateurs endocriniens émanant de parfums, de vapeurs de revêtements de sol, de peinture, de plastiques, de détergents ou encore de gaz ou d’hydrocarbures ;

– la surface de la peau absorbe enfin les substances chimiques nocives présentes dans les différents types de cosmétiques, parfois employés quotidiennement, qu’il s’agisse de crèmes hydratantes, de mousses à raser, de produits de maquillage pour le visage, les yeux ou les ongles, de colorants pour les cheveux, de lotions, de savons, de déodorants ou de lingettes pour le corps.

La contamination peut enfin intervenir, par les voies cutanée ou digestive, à cause de la consommation d’eau du robinet ou à son contact. Les eaux de surfaces et des nappes phréatiques contiennent en effet des traces de nombreux perturbateurs endocriniens, provenant de composés industriels, de médicaments à usage humain ou vétérinaire ainsi que de produits de nettoyage, d’hygiène ou de beauté, non éliminés par les dispositifs de traitement des polluants industriels et des eaux usés.

En tout état de cause, un déficit de connaissance demeure en ce qui concerne les modes de migration des substances chimiques dans les organes endocriniens selon la molécule, l’interface corporelle ou encore le type de peau du sujet ou la partie du corps exposée.

Depuis le début des années 2000, grâce aux progrès des recherches, le nombre de produits chimiques identifiés comme préoccupants en tant que perturbateurs endocriniens ainsi que la diversité de leurs effets sur la santé humaine et la faune ont crû dans des proportions importantes.

Tous les domaines de consommation courante sont aujourd’hui concernés :

– les produits alimentaires ;

– les emballages alimentaires ;

– les cosmétiques ;

– les pesticides et autres produits chimiques ;

– les matériaux plastiques ;

– les vêtements ;

– les matériaux d’ameublement ;

– les revêtements de sol et de surface ;

– les composants électroniques ;

– les papiers.

Le tableau ci-dessous, traduit du rapport final du groupe Kortenkamp – que nous commenterons davantage plus loin –, présente la liste des produits chimiques préoccupants en tant que perturbateurs endocriniens et, pour chacun d’entre eux, les effets démontrés sur la santé humaine et/ou sur la faune. On peut y constater que les différentes catégories de pesticides – dont des traces résiduelles sont présentes dans de nombreux produits alimentaires –, ont des effets particulièrement graves. D’autres substances, comme les herbicides, les métaux lourds, le bisphénol A (BPA), les parabènes, les phtalates ou les œstrogènes sont également incriminées.

Source : rapport Kortenkamp de 2011

La toxicité des perturbateurs endocriniens n’est pas fonction de la dose de produit ingéré dans l’organisme d’un individu mais du stade de développement auquel il se trouve au moment de l’exposition : contrairement aux autres effets nocifs induits par les produits chimiques, avec les perturbateurs endocriniens, ce qui fait le poison, ce n’est pas la dose d’exposition mais la période d’exposition.

À cet égard, les périodes les plus problématiques du cycle de vie, que l’on peut qualifier de fenêtres de vulnérabilité, sont :

– la vie prénatale ;

– la petite enfance ;

– la puberté.

Les publics les plus sensibles, qu’il convient de protéger le plus des perturbateurs endocriniens, sont donc les jeunes enfants, les adolescents et peut-être plus encore les femmes enceintes, pour deux motifs :

– d’une part, le fœtus et l’embryon n’ont pas acquis de capacité de rétrocontrôle hormonal, ce qui les empêche de maîtriser naturellement le niveau des sécrétions hormonales émises par leur organisme ;

– la détermination du genre puis le développement des organes s’effectuent sous l’effet de distributions massives d’hormones naturelles, qui ne doivent pas être parasitées par des apports endocriniens exogènes.

Cette notion n’a pas été facile à intégrer par la communauté scientifique car elle rompt avec plusieurs siècles d’histoire et de pratique de la toxicologie.

Par ailleurs, l’intoxication consécutive à une exposition aux perturbateurs endocriniens est susceptible de ne se manifester par l’apparition de pathologies graves que plusieurs décennies plus tard. Par exemple, un individu ayant été exposé, à l’état embryonnaire, par voie utérine, à certains pesticides, risque, une fois parvenu à l’âge adulte, de développer un cancer des testicules ou de souffrir d’un dysfonctionnement de ses fonctions reproductives.

Au-delà, les effets des perturbateurs endocriniens sont potentiellement transgénérationnels : dans certains cas, leur nocivité obère la santé de la personne qui a été contaminée mais aussi celle de ses descendants – en particulier leur fertilité et le développement normal de leur appareil reproducteur12.

L’exemple le plus criant de ce phénomène est celui du distilbène, un médicament de synthèse aux propriétés œstrogéniques puissantes. Les femmes dont les mères s’en étaient vues prescrire pendant leur grossesse se sont avérées particulièrement sujettes au cancer du vagin, à diverses malformations de l’appareil reproducteur, à des grossesses anormales et à des modifications de la réponse immunitaire. Les hommes comme les femmes exposés pendant leur vie prénatale peuvent présenter des anomalies congénitales de l’appareil reproducteur et une baisse de fertilité.

Pour ce qui concerne la faune, des études menées sur des populations spécifiques montrent que, lorsque la fertilité d’une espèce animale vulnérable est ainsi mise à mal, elle risque de disparaître définitivement, au détriment de la biodiversité.

La nocivité des perturbateurs endocriniens tient enfin à deux effets multipliant le risque.

Tout d’abord, compte tenu de la multiplicité des produits contenant des perturbateurs endocriniens et mis à la disposition des consommateurs, ceux-ci sont potentiellement exposés à une molécule donnée à de multiples occasions et la probabilité qu’ils en subissent la nocivité est d’autant plus grande : c’est l’effet cumulatif.

C’est notamment le cas avec le triclosan, un biocide organochloré présent dans de nombreux produits allant des dentifrices aux déodorants. Les individus suivant un régime alimentaire déséquilibré, favorisant, par exemple, la consommation de fruits et légumes issus d’une agriculture non raisonnée, sont exposés à un risque accru dû aux pesticides. La fréquence d’exposition, même à faible dose, rend l’individu plus vulnérable aux effets des perturbateurs endocriniens.

En outre, des mélanges de deux ou plusieurs molécules différentes – phytosanitaires, biocides et/ou contaminants environnementaux – présentes dans un seul produit de consommation ou dans des produits consommés concomitamment peuvent avoir des modes d’actions addictifs ou synergiques accroissant le risque de subir des effets néfastes : c’est l’effet cocktail.

Les divers pesticides présents dans les produits alimentaires sont particulièrement incriminés, avec des effets :

– d’une part, sur l’ensemble des consommateurs ingérant les résidus présents dans leurs aliments ;

– d’autre part, sur les professionnels de l’agriculture, surtout ceux adeptes de pratiques culturales intensives.

Le phénomène est également inquiétant en ce qui concerne les cosmétiques.

Dans certains cas, au contraire – environ 15 % des cocktails d’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) –, le mélange de molécule a un effet antagoniste : les conséquences néfastes qu’elles auraient prises séparément s’annulent.

Mais la difficulté consiste évidemment à mesurer ces différents types d’interférences, à propos desquelles les données scientifiques restent très lacunaires. D’autant que le consommateur ingère quotidiennement ce que l’on peut qualifier de véritable « soupe de produits chimiques ».

Le 23 décembre 2011, sous la direction du professeur Andreas Kortenkamp, professeur en toxicologie humaine à l’Institut pour l’environnement de la Brunel University de Londres, un collectif de scientifiques à dominante endocrinologique a remis, sur sa commande, à la direction générale de l’environnement (DG Env) de la Commission européenne un rapport tendant à évaluer l’état des lieux sur les perturbateurs endocriniens13.

Les auteurs :

– reviennent sur les avancées scientifiques enregistrées depuis 2002 ;

– tracent des pistes pour traiter la question des perturbateurs endocriniens dans l’appareil réglementaire européen relatif aux produits chimiques, à savoir :

• le règlement Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals (REACH14) ;

• le règlement phytosanitaire15, dit « PPPR16 » ;

• le règlement cosmétiques17 ;

• le règlement biocide18.

Au cours des deux dernières décennies, les preuves de la tendance à la hausse des désordres endocriniens chez l’homme se sont renforcées. La description correcte des maladies sur le long terme est certes souvent compliquée par un manque de critères diagnostiques uniformes, mais, lorsque cette difficulté est surmontée, le phénomène est manifeste :

– les impacts négatifs sur la capacité à se reproduire et à se développer correctement sont évidents ;

– il existe des preuves valables selon lesquelles les populations fauniques sont affectées, avec des effets parfois très répandus.

Ces tendances s’expliquent par des causes multiples mais les preuves incriminant les expositions chimiques convergent. Les chercheurs se heurtent cependant à des difficultés significatives pour identifier les produits chimiques spécifiques contribuant aux risques. Dans les cas, en particulier, où les substances chimiques ne restent que fugacement dans les tissus vivants après les expositions, faute de possibilités de mesures, il est impossible de caractériser les liens de cause à effet.

Les études poussées effectuées en laboratoire corroborent le fait que les expositions chimiques contribuent aux désordres endocriniens chez l’homme et la faune. L’exposition au cours des périodes critiques du développement peut causer des effets irréversibles et retardés. Ce sont ces propriétés toxicologiques qui justifient de considérer les perturbateurs endocriniens comme des substances chimiques préoccupantes, au même titre que les substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), eu égard à leurs caractéristiques persistantes, bioaccumulatives et toxiques (PBT).

Les rapporteurs considèrent que la définition des perturbateurs endocriniens de l’IPCS est généralement reconnue comme applicable à la santé humaine et à l’évaluation écotoxologique des dangers et des risques.

Quant aux méthodes d’essai internationalement agréées et validées de l’OCDE pour identifier les perturbateurs endocriniens, ils les jugent utiles, même si elles ne prennent manifestement en considération qu’une partie de l’éventail des perturbations endocriniennes connues.

Pour un large éventail de perturbations endocriniennes, aucune méthode d’essai convenue et validée n’est disponible. Dans de nombreux cas, il n’existe pas même de modèle de recherche scientifique susceptible d’évoluer en méthode d’essai. Cela génère une grande incertitude, avec, en conséquence, une probabilité élevée de laisser les effets néfastes se propager chez l’homme et parmi la faune. D’ici à ce que de meilleurs méthodes d’essai deviennent disponibles, l’identification des dangers et des risques doit se fonder sur des approches épidémiologiques.

Les exigences en matière d’information et de conditions d’essai établies dans les législations sectorielles européennes relatives aux produits chimiques ne permettent pas de couvrir toute la gamme des perturbations endocriniennes qui pourraient être mesurées au moyen des méthodes d’essai internationalement convenues et validées aujourd’hui disponibles. Il s’agit en particulier d’examiner les régimes d’exposition durant les périodes de susceptibilité intensifiée, c’est-à-dire aux étapes critiques de la vie.

Un aperçu des propositions tendant à réglementer les perturbateurs endocriniens émanant d’États membres de l’Union européenne et d’organismes scientifiques permet de mettre en évidence des points communs traduisant des analyses convergentes. Est en particulier contestée l’idée selon laquelle les perturbateurs endocriniens pourraient être traités sur la base des valeurs seuils d’exposition prévues dans le règlement classification, étiquetage et emballage, dit « CLP19 ».

La définition des perturbateurs endocriniens sur laquelle s’appuiera la future réglementation européenne devra uniquement être fondée sur le critère de nocivité au regard des modes d’action endocriniens.

La décision finale de réglementer reposera sur des considérations relatives au profil toxicologique des substances, selon une approche par éléments de preuve, en prenant en considération :

– les niveaux d’exposition ;

– d’autres facteurs comme la gravité, la spécificité et l’irréversibilité des effets.

Le rapport Kortenkamp récuse l’emploi des seuils d’exposition rigides comme critères décisifs.

Il insiste sur la nécessité de combler les lacunes en matière de données épidémiologiques, de connaissances scientifiques et de méthodes d’identification des perturbateurs endocriniens, au moyen du soutien aux projets de recherche et de développement. Des efforts concertés particuliers doivent être entrepris pour identifier l’intégralité du spectre des perturbateurs endocriniens présents dans l’environnement et les tissus humains.

Il formule enfin les recommandations suivantes :

– mettre en œuvre les méthodes d’essai validées et reconnues internationalement, actualisées et améliorées, pour répondre aux obligations en matière d’essais et d’information prévues dans les règlements PPPR et REACH ;

– élaborer de nouveaux documents d’orientation pour l’interprétation des données issues des essais ;

– réfléchir à l’introduction dans la réglementation d’une classe spécifique pour les perturbateurs endocriniens ;

– mettre au point des procédures fondées sur la preuve en plaçant dans la balance les critères de nocivité et de mode d’action ;

– renoncer à considérer le niveau d’exposition comme un critère de seuil rigide et décisif pour classer les produits chimiques parmi les perturbateurs endocriniens à réguler ;

– prendre en compte le niveau d’exposition en même temps que d’autres critères comme la toxicité, la spécificité, la gravité et l’irréversibilité, en adoptant une approche fondée sur la preuve ;

– créer des catégories réglementaires stimulant la génération des données nécessaires, y compris des méthodes d’essai non validées, au-delà du cadre conceptuel de l’OCDE.

En juin 2012, dans le bâtiment Berlaymont de Bruxelles, la Commission européenne a organisé une conférence réunissant des scientifiques de réputation internationale ainsi que des représentants de groupes d’intérêt et des États membres de l’Union européenne, afin de discuter des initiatives politiques à prendre s’agissant des perturbateurs endocriniens. Cet événement s’insérait dans une démarche de consultation plus large en vue de préparer une réglementation applicable à cette catégorie de substances chimiques.

À la suite de cette réunion, le 24 mai 2013, 89 scientifiques, professeurs d’université et chercheurs de renommée mondiale, reconnus comme étant à l’avant-garde de la production de connaissances sur ce sujet, toujours emmenés par Andreas Kortenkamp, ont rendu public un manifeste, intitulé « déclaration de Berlaymont », qui tire la sonnette d’alarme et invite la Commission européenne à agir sans délais, à travers dix constats :

– la prévalence des maladies endocriniennes est plus élevée que jamais et la morbidité continue de croître dans l’Union européenne comme dans le reste du monde ;

– les facteurs environnementaux, notamment les expositions chimiques, jouent manifestement un rôle dans ces phénomènes, les éléments scientifiques tendant à le prouver s’accumulent ;

– la faune européenne est également affectée, certains effets étant même largement répandus parmi elle ;

– les expérimentations animales ainsi que quelques études cliniques ont montré que l’exposition à des perturbateurs endocriniens au cours des stades de développement peut causer des dommages irréversibles mais n’apparaissant que longtemps après cette exposition ;

– les méthodes d’analyse agréées au niveau international ne mettent en évidence qu’une partie de ces effets et s’avèrent par conséquent inappropriées pour révéler l’étendue des effets des perturbateurs endocriniens ;

– les réglementations européennes en vigueur dans le domaine des produits chimiques sont totalement inadéquates pour identifier les perturbateurs endocriniens, alors que des méthodes d’analyse validées au niveau international et disponibles depuis des années ne sont toujours pas appliquées ;

– certaines propositions de réglementation des perturbateurs endocriniens proposées par des États membres sont insuffisamment protectrices, ne tiennent pas compte des meilleures connaissances scientifiques et placent les intérêts commerciaux au-dessus de la protection de la santé humain et animale ;

– les perturbateurs endocriniens possèdent des propriétés toxicologiques qui excluent de fixer des seuils en-dessous desquels l’exposition peut être considérée inoffensive ;

– il est plausible que les perturbateurs endocriniens causent des dommages sérieux et irréversibles mais il est nécessaire de rassembler davantage de données pour mieux évaluer le risque, cette situation critique ne pouvant être résolue que par le développement d’une stratégie de recherche ciblée sur les perturbateurs endocriniens, dans le cadre du programme-cadre de recherche Horizon 2020, avec trois objectifs :

• mieux étudier les modes d’exposition ;

• améliorer les méthodes d’analyse ;

• mener des études épidémiologiques.

– la Commission européenne doit mettre en œuvre un régime réglementaire spécifique pour les perturbateurs endocriniens, fondé sur des principes scientifiques sains.

Le rapport Kortenkamp et la déclaration de Berlaymont constituent deux actes sans équivoques en faveur d’une prise en compte globale et immédiate du problème des perturbateurs endocriniens dans la réglementation européenne, en particulier à travers la mise à jour des exigences en matière d’essai contenues dans les différents textes législatifs communautaires en vigueur.

Ils ont eu une résonance déterminante, du fait, selon les organisations non gouvernementales spécialisées dans la santé environnementale, du soin extrême avec lequel ils ont été documentés et rédigés, et surtout de la robustesse scientifique de leurs analyses.

Cette offensive sur le front de la diffusion de la science s’est rapidement concrétisée par l’abandon, en 2013, du critère de niveau d’exposition dans les recommandations des instances scientifiques de l’Union européenne :

– d’abord, dans un rapport scientifique et stratégique du groupe consultatif d’experts sur les perturbateurs endocriniens du Centre commun de recherche20 (CCR), direction générale de la Commission européenne chargée de mener des travaux de recherche fondamentale en vue de fournir un savoir-faire et un soutien scientifique et technique aux politiques de l’Union européenne ;

– ensuite, dans une expertise du Comité scientifique de l’EFSA21 en réponse à une question de la Commission européenne.

Le rapport Kortenkamp et la déclaration de Berlaymont constituent deux actes sans équivoques en faveur d’une prise en compte globale et immédiate du problème des perturbateurs endocriniens dans la réglementation européenne, en particulier à travers la mise à jour des exigences en matière d’essais contenues dans les différents textes législatifs communautaires en vigueur.

Ils ont produit un impact considérable sur les esprits, du fait, selon les organisations non gouvernementales spécialistes de la santé environnementale, du soin extrême avec lequel ils ont été documentés et rédigés, et surtout de la robustesse scientifique de leurs analyses. Rappelons que la Commission des affaires européennes a auditionné Andreas Kortenkamp en séance plénière, le 17 juillet 201322.

Leurs recommandations en direction des pouvoirs publics européens ont toutefois suscité la réaction d’un groupe de scientifiques opposés à l’application du principe de précaution dans une future législation européenne relative aux perturbateurs endocriniens.

Ainsi, dans le courant de l’été 2013, un éditorial23 faisant référence aux « prétendus perturbateurs endocriniens » a été publié concomitamment dans pas moins de quatorze revues européennes et américaines spécialisées en toxicologie et pharmacologie, sous la signature de dix-huit scientifiques, rédacteurs en chefs et rédacteurs dans ces dernières, mais pour la plupart dépourvus de références de recherche en endocrinologie. Cet éditorial était assorti d’une « lettre ouverte » datée du 18 juin 2013 adressée à Anne Glover, conseillère scientifique principale du président Barroso, paraphée par 73 scientifiques.

Leur argumentation tenait en trois éléments :

– il convient de distinguer, comme le préconise l’expertise de février 2013 du Comité scientifique de l’EFSA, les substances produisant des effets endocriniens bénins des substances entraînant des perturbations endocriniennes réelles, c’est-à-dire ayant des effets néfastes sur la santé ;

– la notion de toxicité sans seuil ne doit pas être retenue dans l’état actuel des connaissances scientifiques ;

– en biologie, il est possible de démontrer l’existence d’un risque mais pas l’absence de risque, ce qui rend scientifiquement hasardeux et disproportionné de vouloir interdire des substances suspectées de perturber le système endocrinien.

Précisons que le seul signataire français de cette lettre ouverte, sollicité par votre rapporteur pour une audition, a décliné, arguant d’un conflit d’intérêts, l’une de ses étudiantes en thèse étant en contrat avec une entreprise multinationale européenne de l’industrie chimique – nous reviendrons plus bas sur cette question sensible des conflits d’intérêts.

La conseillère scientifique principale du président de la Commission européenne ne joue en principe aucun rôle institutionnel dans la prise de décision communautaire. Toutefois, ayant été interpellée nominativement par voie d’une lettre ouverte et d’éditoriaux dans la presse scientifique – ce qui constitue une première –, elle a pris le parti d’organiser une réunion de concertation ou de médiation entre des tenants de ces deux écoles aux analyses et recommandations contradictoires, afin d’identifier et de solutionner les désaccords.

Au terme de cette réunion, qui s’est tenue le 24 octobre 2013, dans son bureau, les six experts représentant des deux groupes à parité – Anna Maria Andersson, Alan Boobis, Wolfgang Dekant, Helmut Greim, Ulla Hass et Andreas Kortenkamp – ont signé un document de consensus24 dans lequel ils saluent l’initiative et se félicitent que la Commission européenne prenne le soin de recueillir des avis scientifiques sur un sujet de santé environnementale d’une telle importance.

Surtout, ils y émettent les conclusions suivantes :

– définition :

• accord sur la définition des perturbateurs endocriniens formulée en 2002 par l’IPCS de l’OMS et reprise en 2013 par l’EFSA ;

• nécessité d’interpréter cette définition en fonction des perturbations de l’homéostasie et de la phase de développement de l’organisme ;

– seuils :

• incertitude sur l’existence de seuils, compte tenu des lacunes en matière de recherches expérimentales et de connaissances de la biologie des perturbateurs endocriniens ;

• impossibilité de définir des seuils uniquement au terme d’expérimentations ;

• pour déterminer l’existence de seuils, obligation d’adopter une approche quantitative systémique, permettant de mieux comprendre les mécanismes d’actions des perturbateurs endocriniens ;

– effets non monotones :

• existence d’effets non monotones in vitro et in vivo pour certains perturbateurs endocriniens, provenant de divers mécanismes agissant ensemble ou les uns contre les autres ;

• importance de déterminer la fréquence à laquelle se produisent des effets non monotones néfastes ;

– essais :

• couverture imparfaite du spectre des effets potentiels et des modes d’actions des perturbateurs endocriniens par les lignes directrices de l’OCDE ;

• disponibilité de projets d’études améliorés qu’il reste à valider afin de démontrer l’existence d’effets non-monotones éventuels ;

• besoin de méthodes mieux adaptées pour évaluer les effets potentiels sur l’homme, spécialement en ce qui concerne les cancers hormonaux.

Ce consensus obtenu en huis-clos scientifique – sans représentation des directions générales de la Commission européenne intéressées afin d’éviter toute interférence des lobbies – permet d’éteindre la controverse scientifique et de démontrer que les critiques envers le rapport Kortenkamp et la déclaration de Berlaymont ne constituaient qu’un écran de fumée.

Les collaborateurs d’Anne Glover, que votre rapporteur a interrogés à ce propos, ont été très clairs : l’incertitude sur l’existence de seuils est reconnue et la charge de la preuve pour les mettre en évidence le cas échéant est en quelque sorte inversée ; en conséquence, il devrait incomber aux fabricants et aux importateurs de démontrer l’innocuité des substances contenues dans leurs marchandises. Les perturbateurs endocriniens constituent donc bien une classe de produits chimiques toxiques à part. Ce consensus ouvre la voie à une mise à jour de la stratégie et de la réglementation européennes en matière de perturbateurs endocriniens, sur le fondement du principe de précaution.

Nous verrons toutefois, dans la dernière partie du présent rapport d’information, que cette diversion a contribué à retarder d’au moins un an la procédure législative communautaire.

Censés contribuer au progrès humain, les produits chimiques, utilisés dans des quantités excessives et sans discernement, portent au contraire atteinte au bien-être de l’humanité. Sous l’influence – voire la pression – de lanceurs d’alerte rodés à la veille sanitaire, réactifs aux progrès scientifiques et devenus experts en études produits comparatives, les acteurs économiques tendent à ajuster leurs comportements, en amont de décisions politiques qui ont toujours un temps de retard sur les avancées de la science.

Du côté des producteurs et des distributeurs comme des consommateurs, les réponses microéconomiques à la problématique des perturbateurs endocriniens, qui constituent autant d’aiguillons pour l’innovation, sont de plus en plus courantes.

Un exemple américain montre également que l’État peut prendre ses responsabilités selon différentes options.

L’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir pratique depuis des décennies des analyses sur les produits de consommation courante. Initialement focalisée sur le rapport efficacité/prix des produits, elle s’intéresse dorénavant aussi à leur sécurité sanitaire. Ainsi, depuis la fin des années 2000, la dimension perturbation endocrinienne est systématiquement prise en compte dans les produits analysés où ils sont potentiellement présents et font donc peser un risque sur la santé.

Les produits étudiés sont sélectionnés parmi les plus représentatifs du marché, par des scientifiques extérieurs collaborant avec l’association, en accord avec la rédaction du magazine Que Choisir. Ils sont ensuite achetés dans le circuit de distribution normal et transmis à des laboratoires indépendants qui procèdent à des analyses biologiques en fonction d’une liste de critères fixés par l’association.

S’agissant des perturbateurs endocriniens, UFC-Que choisir n’a pas vocation à tester la dangerosité pour la santé des substances chimiques présentes dans le produit analysé – ce qui relève de laboratoires de recherche possédant des moyens d’investigation beaucoup plus poussés et disposant d’un temps d’étude beaucoup plus long –, mais de déterminer si celui-ci contient des substances reconnues par la communauté scientifique comme ayant un effet de perturbation endocrinienne.

UFC-Que Choisir a déjà testé, selon ce protocole, une grande variété de produits, en intégrant la dimension des perturbateurs endocriniens : jouets pour enfants, emballages alimentaires, produits d’entretien, meubles, peintures, etc.

Les agences d’évaluation du risque sanitaire s’avèrent toujours très attentives aux résultats de ces études, réalisées dans une optique d’intérêt général et avec un souci de rigueur de l’information.

En 2013, une étude, baptisée « Alerte dans la salle de bain », a été spécifiquement consacrée à la présence de perturbateurs endocriniens dans 66 produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, sous la forme de conservateurs, d’antibactériens, de filtres solaires et d’émollients25.

Elle met en évidence la présence massive de perturbateurs endocriniens et en tire le diagnostic suivant.

Premièrement, alors que ces molécules peuvent avoir un effet hormonal à des concentrations infimes, certains fabricants continuent de les incorporer dans leurs produits cosmétiques ou d’hygiène corporelle à des doses supérieures à celles recommandées par le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (CSSC), qu’il s’agisse, par exemple :

– de triclosan dans un dentifrice ;

– de propylparaben dans un gel douche ;

– ou d’ethylhexyl methoxycinnamate dans une crème solaire.

Deuxièmement, le magazine rappelle que l’exposition à ces molécules est encore accrue lorsqu’elle est présente dans différents produits utilisés concomitamment, les doses s’additionnant alors, ce qui accroît significativement le niveau de risque. C’est ce qui est constaté avec le triclosan, pour lequel ont été trouvées des teneurs acceptables dans les dentifrices et les déodorants pris isolément, mais dangereuses si l’utilisation des deux produits est combinée. Le problème est encore plus marqué dans le cas du propylparaben, retrouvé dans pas moins de neuf familles de produits cosmétiques et d’hygiène : un déodorant, un shampoing, un dentifrice, un bain de bouche, deux gels douche, six laits corporels, trois crèmes solaires, trois rouges à lèvres, quatre fonds de teint et quatre crèmes pour le visage.

Troisièmement, des molécules comme les parabènes et l’octyl-methoxycinnamate (OMC), présents conjointement dans certains filtres solaires, ont des modes d’action similaires dont les effets s’additionnent. Le même constat est valable pour plusieurs laits corporels. Or ces produits sont à l’origine de migrations chimiques importantes dans l’organisme car ils sont étalés sur toute la surface du corps – soit environ 2 mètres carrés de contact cutané – et souvent appliqués après une douche ou un bain, ce qui occasionne une suppression de protection lipidique.

Ajoutons qu’une étude plus récente ciblée sur les produits pour bébés26 – vingt-six lingettes et six laits de toilette grand public – présente des résultats particulièrement inquiétants : six lingettes contiennent des parabènes à longue chaîne, conservateurs suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, particulièrement nocifs aux stades précoces du développement de l’enfant, c’est-à-dire précisément à l’âge où ces produits sont frottés sur le corps de l’enfant quotidiennement, et même plusieurs fois par jour...

Au final, il est difficile de se prononcer sur le risque à longue échéance. UFC-Que Choisir demande donc à la Commission européenne :

– de diligenter des recherches indépendantes sur l’impact de ces molécules sur le long terme, afin de caractériser précisément le danger et de ne pas se contenter de suspicions ;

– en application du principe de précaution, de renforcer sans plus attendre le cadre réglementaire :

• en élargissant au contenu en perturbateurs endocriniens des produits les tests préalables à leur mise sur le marché, alors qu’ils portent uniquement aujourd’hui sur la toxicité aigüe et le caractère allergène ;

• en prenant en compte l’effet cocktail de ces molécules dans l’évaluation de la toxicité des produits ;

– d’obliger les professionnels

• à réaliser des étiquetages complets sur la composition réelle de leurs produits ;

• au titre du principe de précaution, à retirer de leurs formulations toutes les molécules ayant des effets de perturbation endocrinienne avérés ou suspectés, afin de réduire les quantités totales auxquelles sont exposés les consommateurs.

L’organisation non gouvernementale Générations futures, spécialisée dans la santé environnementale, en particulier dans la dénonciation des méfaits des produits phytosanitaires, a rendu publics, courant 2013, deux volets d’une enquête du même type à propos de l’exposition aux pesticides perturbateurs endocriniens (EXPPERT) ; un troisième volet devrait bientôt être publié. L’objectif est de démontrer l’urgence de l’action préventive dans le domaine des perturbateurs endocriniens. Le parti pris est donc plus militant mais la méthode, soucieuse de rigueur scientifique – garantie par le recours à un laboratoire indépendant agréé –, est similaire.

Dans le premier volet, Générations futures met en évidence l’omniprésence de très nombreux pesticides perturbateurs endocriniens dans l’environnement, provoquant une exposition très importante de l’ensemble de la population27.

Ces substances appartiennent à deux familles :

– les organophosphorés ;

– les pyréthrinoïdes.

L’exposition est de deux natures :

– par le biais des résidus de pesticides présents dans les produits alimentaires ;

– par le biais des insecticides et antiparasitaires ménagers employés pour le jardin, dans l’air, la literie ou les textiles, ou encore à usage vétérinaire ou humain – traitements anti-poux.

Pour la partie alimentaire, Générations futures a sélectionné, dans plusieurs supermarchés, douze produits de grande marque à base de céréales – barres, biscuits, pain, pâtes et viennoiseries –, vendus dans toute l’Europe. Il apparaît que 75 % des échantillons analysés comportent des résidus de pesticides contenant une ou plusieurs substances, organophosphorées ou pyréthrinoïdes, suspectées de perturber le système endocrinien. Ce résultat est particulièrement inquiétant dans la mesure où la plupart de ces produits sont très prisés des enfants et des adolescents, qui constituent, nous l’avons vu, deux catégories de publics à risque.

Pour les produits non alimentaires, sur 181 échantillons étudiés, 108, soit plus de la moitié, contenaient une ou plusieurs substances organophosphorées ou pyréthrinoïdes. Générations futures souligne en particulier que la composition de certains produits n’est pas systématiquement indiquée.

En conséquence, Générations futures demande le retrait programmé des pesticides perturbateurs endocriniens pointés par ses analyses et, au-delà, appelle le Gouvernement à faire de l’objectif d’élimination de tous les perturbateurs endocriniens dans notre environnement un axe majeur de sa politique de santé environnementale, afin de protéger les enfants nés et à naître.

Parce que les fœtus et les jeunes enfants sont des populations particulièrement vulnérables aux dangers des perturbateurs endocriniens, même à faible dose, Générations futures a ensuite décidé de réaliser une expertise sur un fruit généralement très chargé en pesticides, bien qu’il soit très apprécié par les jeunes enfants et surtout, selon la croyance populaire, par les femmes enceintes : la fraise28.

La campagne d’analyses a porté sur des fruits vendus en France, d’origine nationale ou importés d’Espagne. Au total, 225 résidus de pesticides ont été retrouvés dans les 49 échantillons analysés. Pas moins de 91,83 % d’entre eux contenaient un ou des résidus de pesticides et 71,42 % – 35 sur 49 – contenaient des pesticides perturbateurs endocriniens :

– 17 sur 26 échantillons français, soit 65,38 % ;

– 18 sur 23 échantillons espagnols, soit 78,26 %.

Les analyses ont également révélé la présence de résidus de pesticides interdits ou interdits d’usage sur la fraise dans le pays de production considéré, c’est-à-dire la France ou l’Espagne.

Deux échantillons français contenaient en outre de l’endosulfan, un insecticide organochloré interdit en Europe depuis 2005 et inscrit sur la liste des polluants organiques persistants (POP) devant être éliminés à l’échelle mondiale dans le cadre de la convention de Stockholm de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Les liens entre l’exposition aux particules de pesticides et les pathologies chroniques ne sont plus contestables et l’imprégnation de la population est générale, avec une quarantaine de pesticides en circulation en Europe possédant un caractère de perturbateurs endocriniens. Générations futures milite par conséquent en faveur du développement des solutions alternatives :

– en utilisant des produits moins nocifs ;

– en renonçant aux pratiques agronomiques de confort ou d’assurance ;

– en recourant au biocontrôle, avec des microorganismes, des macroorganismes, des médiateurs chimiques et/ou des produits naturels.

Surtout, en conclusion de son expertise, Générations futures alertait de nouveau sur la nécessité de prendre des mesures immédiates et fortes pour réduire l’exposition des populations aux pesticides perturbateurs endocriniens et d’adopter une stratégie nationale ambitieuse.

L’institut Noteo, organisation non gouvernementale créée en 2006, réunit des experts en nutrition, environnement, toxicologie et responsabilité sociale, a pour objectif de donner au plus grand nombre les clés pour améliorer la consommation et la production.

Grâce à un dispositif de notation exclusif, évaluant l’impact des produits grand public, Noteo cherche à éclairer les choix de consommation des ménages afin qu’ils sachent quels sont les meilleurs produits, dans les rayons hygiène et beauté, entretien, alimentation et boissons non alcoolisées. Pour chaque produit, quelque 400 informations émanant de diverses sources – à commencer par le décryptage des étiquettes – sont pris en compte, l’intention étant de guider les consommateurs en fonction de quatre catégories de critères :

– santé ;

– environnement ;

– social ;

– prix.

La base de données de Noteo, qui contient plus de 45 000 produits, est actualisée en continu, d’une part pour collecter, intégrer et noter de nouveaux produits, d’autre part pour vérifier et mettre à jour les informations relatives aux produits déjà notés, toutes ces informations étant consultables en ligne. Elle constitue par conséquent un outil intéressant pour systématiser les comparatifs qualitatifs entre produits concurrents. Elle ne produit pas de science mais utilise les données scientifiques disponibles.

En s’appuyant sur sa base de données, qui scanne 15 000 produits d’hygiène et de beauté, Noteo, en lien avec le Réseau environnement santé (RES), a rendu publique une synthèse évaluant la présence de perturbateurs endocriniens dans cette catégorie29.

Il en ressort que 40 % des produits d’hygiène et de beauté contiennent des perturbateurs endocriniens et qu’aucun segment de produits n’en est exempt, ce qui signifie que l’ensemble des consommateurs sont soumis à une exposition quotidienne. Il convient toutefois de souligner que 60 % des produits d’hygiène et de beauté examinés ne contiennent aucun perturbateur endocrinien.

Contiennent au moins une substance perturbatrice du système endocrinien :

– 74 % des vernis à ongle ;

– 71 % des fonds de teint ;

– 51 % des maquillages pour les yeux ;

– 43 % des démaquillants ;

– 40 % des rouges à lèvres ;

– 38 % des crèmes pour le visage ;

– 36 % des déodorants ;

– 30 % des dentifrices ;

– 24 % des shampoings.

Parmi les substances les plus utilisées, on retrouve ;

– des parabènes, utilisés comme conservateurs ;

– le fluidifiant cyclopentasiloxane dans les après-shampooings ;

– l’antibactérien triclosan ;

– des filtres et absorbeurs de rayons ultraviolets comme le benzophénone.

L’étude révèle de surcroît que, dans la majorité des cas, ces substances à risque sont utilisées combinées avec d’autres au sein d’un même produit ; or ce type de cocktails, nous l’avons vu, démultiplie l’effet des perturbateurs endocriniens.

Le docteur Laurent Chevallier, médecin nutritionniste et responsable de la commission alimentation du RES, part du principe que le risque découle de l’exposition à un danger. Faute d’application du principe de précaution dans la réglementation française et européenne, le danger demeure ; pour réduire le risque de contamination, il recommande par conséquent au consommateur de jouer sur son degré d’exposition aux produits contenant des produits chimiques perturbateurs endocriniens. C’est ce qu’il appelle l’« hygiène chimique »30, en référence à l’hygiène microbienne pratiquée pour lutter contre les maladies infectieuses.

En outre, la hiérarchisation des risques impose de se montrer particulièrement vigilant sur ses pratiques de consommation, surtout pendant la grossesse, notamment en donnant la priorité aux aliments issus de l’agriculture biologique. En effet, même si la pollution atmosphérique fait qu’aucun aliment n’est biologique à 100 %, la supériorité des produits labellisés « bio » est indéniable, outre leur qualité nutritionnelle, parce qu’ils sont nettement moins chargés en substances chimiques de synthèse que les autres.

Un consommateur réduit son risque d’exposition aux perturbateurs endocriniens d’environ 80 % s’il achète les produits biologiques suivants :

– fruits, surtout pommes, poires et pêches, les plus courants en bio ;

– la plupart des légumes, notamment les salades, les poivrons et le céleri ;

– les produits laitiers et les œufs.

Au-delà du bio, les filières écolabellisées offrent une bonne garantie de ne pas contenir d’ingrédients pollués par des perturbateurs endocriniens car la philosophie qui anime ces types d’acteurs économiques est positive. L’adhésion aux protocoles d’écolabellisation génère de petits surcoûts à la caisse pour le consommateur final ; ils sont largement compensés par la qualité sanitaire des aliments achetés.

Il convient en outre de limiter sa consommation de charcuterie, de viandes et de poissons gras car certains polluants chimiques se concentrent dans les graisses.

Il est préférable de boire de l’eau vendue en bouteilles en verre – voire, si elle est correctement traitée, de l’eau du robinet – plutôt que de l’eau vendue en bouteilles en plastique.

Tous les emballages et objets plastifiés, jouets inclus, sont identifiés par un symbole – un chiffre compris entre 1 et 7 entouré d’un triangle – et par un sigle indiquant le type de résine utilisé. Les plastiques les plus sûrs au regard du risque chimique sont représentés par les chiffres 2, 4 et 5.

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Source : http://envi2bio.com

S’agissant des ustensiles de cuisine, les plastiques doivent être évités car certains d’entre eux se dégradent dès 70 °C. En tout état de cause, les matériaux les plus inertes sont à privilégier :

– l’acier inoxydable ;

– le verre ;

– la céramique, à condition qu’elle soit fabriquée aux normes françaises ;

– la fonte émaillée.

Il est conseillé de laver les vêtements neufs avant de les porter car la production d’1 kilogramme de textile requiert 1 kilogramme d’intrants chimiques. Pour les bébés, les dessins plastifiés sur les grenouillères sont à proscrire car la probabilité qu’ils comportent des phtalates est élevée.

Il existe enfin des alternatives simples et peu coûteuses à nombre de produits industriels d’usage domestique courant contenant des substances chimiques perturbatrices du système endocrinien :

– le vinaigre blanc peut être substitué à des produits nettoyants, dégraissants, désinfectants, détartrants et assouplissants ;

– le citron à des produits désodorisants et nettoyants ;

– le bicarbonate de soude à des produits nettoyants, décapants et assouplissants.

Par exemple, pour éviter le BPA – un perturbateur endocrinien particulièrement préoccupant, qui fait d’ores et déjà l’objet de mesures d’interdiction partielles en France et en Europe, nous y reviendrons –, il est recommandé d’adopter l’éventail de pratiques de consommation suivantes :

– pour les boissons, préférer les bouteilles en verre aux canettes en aluminium, dont les polymères époxyde sont susceptibles de libérer du BPA ;

– de même, pour les conserves, privilégier les bocaux en verre par rapport aux boîtes en métal, surtout si l’aliment sera réchauffé sans être extrait de son contenant ;

– éviter les plats prêts à consommer sous emballage plastique, surtout s’ils sont destinés à être réchauffés tels quels, ainsi que les films alimentaires sur les plats maisons réchauffés, car le chauffage de certains plastiques favorise la diffusion de BPA dans les aliments ;

– dans le même esprit, pour le petit électroménager, choisir des cuves en verre ou en acier inoxydable plutôt qu’en plastique ;

– interroger son dentiste sur la composition des alliages utilisés pour obturer les caries.

Les premières victimes de l’abus de produits chimiques dans notre société sont les salariés et les professionnels des entreprises qui les produisent et les emploient.

Le monde agricole est particulièrement touché par les maladies professionnelles liées à l’usage intensif des pesticides ; une association, Phyto-victimes, a d’ailleurs été créée en 2011 pour les conseiller et libérer la parole, dans un milieu qui n’est pas toujours conscient du danger. Les professionnels de l’agriculture – surtout ceux adeptes de pratiques culturales intensives – sont en effet spectaculairement exposés par la voie respiratoire et la voie cutanée, puisqu’ils manipulent une variété de produits phytosanitaires contenant jusqu’à une cinquantaine de molécules différentes.

Compte tenu de l’effet retard des perturbateurs endocriniens, il est à craindre que la prévalence des pathologies caractéristiques d’une perturbation endocrinienne, déjà alarmante parmi les agriculteurs et leur descendance, s’accroisse dans de fortes proportions au cours des décennies à venir.

Générations futures a réalisé, entre mi-octobre et mi-novembre 2012, une analyse de pesticides agricoles dans les cheveux (APACHE), qui a consisté à prélever et faire analyser par un laboratoire indépendant des mèches de cheveux de vingt-cinq personnes afin de mettre en lumière la présence de résidus de pesticides agricoles31 :

– quinze salariés viticoles du Médoc ;

– dix non-salariés viticoles, dont :

• cinq riverains des vignes ;

• cinq témoins vivant loin des vignes.

Des résidus de pesticides agricoles ont été trouvés dans les cheveux des quinze salariés viticoles testés. Pour quatre d’entre eux, des traces de dix pesticides différents ont même été relevées.

En moyenne, on a découvert :

– onze fois plus de résidus de pesticides chez les salariés viticoles que chez les non-salariés viticoles habitant loin des vignes ;

– cinq fois plus chez les non-salariés viticoles riverains des vignes que chez ceux habitant loin des vignes.

Enfin, plus du tiers des molécules retrouvées sont des perturbateurs endocriniens potentiels.

Une directive de 199032 définit des règles de protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes sur les lieux de travail et fixe des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP).

Afin d’adapter ce texte aux évolutions des connaissances scientifiques, du progrès technique et du monde du travail, la Commission européenne a envisagé sa révision dès le début des années 2000 – cet objectif était déjà inscrit dans la stratégie de 2002 pour la santé au travail33. Pourtant, quatorze ans plus tard, le dossier est toujours sur sa table.

La principale pierre d’achoppement est l’extension du champ d’application de la directive aux substances toxiques pour la reproduction, qui couvrirait de nombreux perturbateurs endocriniens. La Confédération européenne des syndicats (CES) et son centre d’expertise, l’Institut syndical européen (ISE), invoquent la nature, la gravité et le caractère irréversible des effets sur la santé résultant de l’exposition des travailleurs des deux sexes – en particulier des femmes enceintes – aux perturbateurs endocriniens. Cette extension a déjà été opérée par six États membres, parmi lesquels la France, dans leur droit interne.

De nombreuses substances toxiques pour la reproduction sont également reconnues comme produits chimiques perturbateurs endocriniens. Pour celles-ci, en l’absence de seuil d’exposition sûr pour les perturbateurs endocriniens, les VLEP ne seraient aucunement protectrices.

Marc Mortureux, directeur général de l’ANSES, a annoncé, le 13 février 2014, que la question des expositions aux pesticides des travailleurs agricoles et des riverains figurera parmi les thématiques prioritaires de l’Agence au cours de l’année à venir : elle publiera plusieurs avis et rapports sur la caractérisation de ces expositions, ainsi que sur l’efficacité des vêtements et équipements de protection individuelle.

À rebours des idées reçues, le Center for International Environmental Law (CIEL), une organisation non gouvernementale américaine active dans les domaines du droit social, de l’environnement et de la santé, a publié une étude tendant à démontrer qu’un durcissement de la réglementation sur les produits chimiques est de nature à amorcer un processus d’innovation industrielle favorable dans le secteur de la chimie34.

Si cette étude théorique s’applique à l’ensemble des produits chimiques et pas exclusivement aux perturbateurs endocriniens, les recommandations auxquelles elle aboutit sont particulièrement indiquées pour ceux-ci, du fait de leurs propriétés particulièrement délétères pour la santé humaine.

En première analyse, la réglementation apparaît comme l’ennemie de l’innovation, dans la mesure où elle tend à contraindre le développement d’une entreprise et donc ses résultats.

Et pourtant, la perspective d’une législation plus stricte sur les substances chimiques toxiques provoque automatiquement l’invention, le développement et l’adoption de solutions de substitution. Ainsi les dépôts de brevets internationaux pour des substances ou des produits de remplacement ont-ils connu une accélération en réponse à des lois plus contraignantes pour protéger le public et l’environnement contre les phtalates, conduisant à la mise sur le marché du DINCH comme alternative au diéthylhexylphtalate (DEHP) et au diisononylphtalate (DINP) : il a suffi de jouer sur le nombre d’atomes d’hydrogène d’un phtalate incriminé pour trouver une nouvelle molécule présentant les caractéristiques d’un phtalate sans en être un.

Les interventions du législateur sont particulièrement indiquées pour favoriser cette innovation dans le secteur de l’industrie chimique sujet à une grande inertie, due à :

– de fortes économies d’échelle ;

– une externalisation des coûts très marquée ;

– des lacunes dans l’information des consommateurs.

Cependant, l’histoire regorge d’exemples de substitutions regrettables, comme celle de certains phtalates : un produit chimique dangereux fait l’objet de restrictions réglementaires mais est ensuite remplacé par un autre produit chimique dangereux. Les substances chimiques nouvelles ne doivent plus bénéficier d’une présomption d’innocuité mais au contraire être soumises à une évaluation de leur dangerosité.

Cette innovation est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que l’industrie chimique mondiale, génératrice de 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, est confrontée à la pression croissante des consommateurs, des détaillants et des investisseurs, qui exigent des produits plus sûrs. Dans le même temps, les économies émergentes se positionnent pour devenir des leaders de la chimie innovante et pourraient bien supplanter l’Europe occidentale et les États-Unis. Ces forces conjuguées sont en train d’instiller des changements dans la façon dont les gouvernements, les fabricants de produits chimiques et les utilisateurs en aval travaillent à assurer la sécurité des produits chimiques et à stimuler l’innovation.

Le renforcement de la réglementation stimule donc l’innovation vers des alternatives plus sûres et la pénétration commerciale de ces dernières, en faisant tomber les obstacles à leur introduction. Mais des politiques doivent être mises en place pour s’assurer que les produits de substitution ne présentent pas également des propriétés préoccupantes et ainsi pour garantir que l’innovation contribue effectivement à assainir le marché.

À cette fin, CIEL émet une série de recommandations à destination des décideurs politiques, en soulignant que certaines d’entre elles ont déjà cours dans l’Union européenne mais ni aux États-Unis ni dans le reste du monde :

– s’assurer que la charge de la preuve de la sûreté d’un produit chimique incombe à son fabricant, afin d’établir un jeu concurrentiel équitable et d’inciter à mieux évaluer les alternatives envisageables.

– retirer progressivement du marché les produits chimiques présentant certains dangers intrinsèques ;

– reconnaître les perturbateurs endocriniens comme une classe de substances dangereuses dont les risques ne peuvent être maîtrisés, compte tenu de l’incertitude à propos des doses d’exposition acceptables, et devant par conséquent être mis au ban de la communauté internationale ;

– internaliser les coûts des substances chimiques dangereuses, pour conduire les utilisateurs en aval à se tourner vers des solutions de remplacement à moindre coût et l’industrie chimique à investir dans la recherche et le développement pour faire émerger des alternatives plus sûres ;

– favoriser l’accès à l’information sur les propriétés des substances chimiques utilisées dans l’industrie, pour aider les inventeurs à développer des produits plus sûrs et pour aider les consommateurs à opter en faveur de ces solutions ;

– élaborer une réglementation internationale plus sévère pour assurer une concurrence équitable à l’échelle mondiale.

L’entreprise américaine Terumo BCT, dont l’activité principale est la production de dispositifs médicaux à usage unique (DMU) pour la collecte et la transfusion de sang, a sollicité votre rapporteur pour l’interpeller sur la difficulté particulière à laquelle elle est confrontée.

Dans de nombreux composants des produits qu’elle commercialise – tuyaux, embouts, robinets, pochettes, etc. –, Terumo utilise du DEHP, qui cumule trois propriétés :

– assouplir le plastique sans modifier sa forme ;

– laisser au plastique ses propriétés lors de toutes les phases du procédé industriel, de la stérilisation au stockage en passant par la fabrication ;

– diminuer l’hémolyse des globules rouges, en vue d’une conservation du concentré jusqu’à 42 jours, facilitant la gestion de l’autosuffisance pour les établissements de collecte.

La loi de 2012, sur laquelle nous reviendrons, prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement pour juger de l’opportunité de prohiber l’usage du DEHP et de deux autres phtalates dans l’ensemble des dispositifs médicaux. Au plan européen, une proposition de règlement35 relative aux dispositifs médicaux tend à limiter les risques liés aux substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien. Il est certes reconnu que le DEHP peut avoir un impact sur la santé, du fait de ses caractéristiques de perturbateur endocrinien ; Terumo a donc fait le choix de la proactivité et de le supprimer de ces dispositifs.

Mais l’Alliance européenne du sang (EBA36) – l’association des établissements de sang européens, dont est membre l’Établissement français du sang (EFS) – estime qu’il n’existe pas aujourd’hui d’alternative au DEHP efficace et scientifiquement viable. L’entreprise Terumo appelle donc l’attention des pouvoirs publics sur les conséquences qu’aurait une prohibition trop hâtive du DEHP sur des produits sanitaires indispensables au système de soin dans son ensemble – 20 millions de poches de sang concentré sont transfusées chaque année en Europe.

Seules des prémices de nouveaux adjuvants existent et, une fois que leur opérationnalité sera pleinement démontrée, un minimum de trois ans – voire de cinq ans pour certains composants – sera nécessaire pour mettre en place le process de production au sein de Terumo et chez ses sous-traitants.

Cet exemple montre qu’un arbitrage bénéfice/risque doit être effectué : faute d’alternative, dans l’état actuel des connaissances, à un produit indispensable pour sauver des vies, il ne serait pas pertinent de l’interdire sans délai – d’autant que l’impact de l’exposition au DEHP par la voie sanguine est moins puissant que par voie digestive. Certains matériels médicaux ont du reste été exonérés de l’interdiction du BPA. De tels arbitrages relèvent des agences sanitaires.

En 1989, le Parlement de l’État du Massachusetts – 6,6 millions d’habitants – a adopté, à l’unanimité, une loi de réduction des produits toxiques, dite « TURA37 », entrée en vigueur en 1990, qui fixe les objectifs suivants :

– réduire la production et l’utilisation des produits chimiques toxiques dans l’industrie ;

– ériger la réduction des produits toxiques comme la priorité pour se conformer aux orientations des autres lois à vocation environnementale ;

– accorder un avantage concurrentiel aux entreprises de l’État, pour donner une contrepartie économique à leurs efforts en faveur de la santé humaine et de l’environnement.

Là encore, cette initiative unique dans le monde – même si les États du Connecticut, du Maine, de New York et de l’Oregon en ont repris certains volets –ne concerne pas exclusivement les perturbateurs endocriniens mais elle représente un modèle intéressant pour l’ensemble des produits chimiques préoccupants, perturbateurs endocriniens inclus.

Sous le régime de cette loi, les 500 entreprises de plus de dix salariés qui utilisent de grandes quantités de produits chimiques toxiques sont investies de trois responsabilités – les entreprises de plus petite taille peuvent aussi participer au programme, sur la base du volontariat.

Premièrement, elles doivent délivrer un rapport annuel sur l’ensemble de leurs utilisations de produits chimiques toxiques en distinguant :

– les quantités de produits chimiques introduits dans leurs installations ;

– les quantités de produits chimiques incorporés à la production finale ;

– les quantités de produits chimiques générés comme sous-produits.

Ces informations détaillées sont utiles à trois niveaux :

– pour l’entreprise elle-même, car elle peut ainsi analyser et comprendre ce qui se passe dans ses installations ;

– pour les travailleurs, car les dangers auxquels ils sont confrontés sont identifiés ;

– pour le public, car il a accès, sur un site Internet dédié, à une base de données permettant d’effectuer des recherches par ville, entreprise ou produit chimique.

Deuxièmement, les entreprises du Massachusetts doivent suivre un processus de « planification de réduction de produits chimiques toxiques ».

L’hypothèse centrale des concepteurs originels de la loi était qu’un processus de planification obligatoire est nécessaire pour faire découvrir aux entreprises des possibilités de réduction d’usage de produits chimiques et les entraîner à les implémenter volontairement. Ainsi, la planification est obligatoire, tandis que l’implémentation des options identifiées dans les plans est volontaire. Il s’avère que cette approche réussit dans beaucoup de cas – même si cela ne doit pas remplacer les autres programmes obligatoires.

Les plans doivent prévoir les tâches suivantes :

– identifier pourquoi les entreprises utilisent des produits chimiques toxiques et quelles sont les alternatives ;

– analyser les effets sanitaires et environnementaux de ces alternatives ;

– conduire une analyse technique et financière de ces alternatives.

Finalement, le plan doit être validé et signé par un « planificateur certifié », soit un salarié de l’installation, soit un consultant.

Les entreprises doivent conserver une copie du plan dans les locaux de l’installation, afin que les inspecteurs de l’État puissent y avoir accès à tout moment lors de leurs inspections – même si la signature du planificateur suffit généralement pour garantir la bonne qualité du plan.

Troisièmement, les entreprises doivent payer une contribution – entre 3 000 et 35 000 dollars par an – couvrant les frais des services pourvus par l’État pour les aider à respecter leurs obligations.

Le département de protection de l’environnement reçoit les rapports des entreprises, certifie les planificateurs et assure l’application de la loi. Il est responsable de toutes les lois environnementales de l’État ; le programme de réduction des produits chimiques ne constitue qu’une petite partie de son champ de compétence.

Les deux autres agences ont été créées spécifiquement par la loi TURA :

– le bureau d’assistance technique est formé d’ingénieurs qui se déplacent dans les installations demandeuses pour offrir avis et conseils techniques relatifs à la réduction des produits chimiques toxiques ;

– l’Institut de réduction de produits toxiques (TURI38), hébergé par UMass Lowell, est chargé de toutes les autres activités découlant de la loi TURA :

• la formation des planificateurs ;

Description : TURI - Toxics Use Reduction Institute
le versement des subventions ;

• l’organisation de la recherche ;

• les analyses des alternatives ;

• l’appui technique aux entreprises ;

• la gestion d’un laboratoire travaillant avec les entreprises, au cas par cas, pour trouver des solutions ;

• la gestion d’une bibliothèque d’information spécialisée dans les produits chimiques et les alternatives.

Au cours des dix premières années du programme, les entreprises du Massachusetts ont réduit l’utilisation de produits toxiques de 40 % et les rejets dans l’air, l’eau et les sols de 90 %. Au cours des onze années suivantes, c’est-à-dire de 2000 à 2011, elles ont continué à accomplir des progrès : l’utilisation de produits toxiques a encore chuté de 20 % et les émissions de 70 %39. Ces résultats traduisent l’ampleur des changements opérés.

Cinq leçons peuvent être tirées de ces vingt-trois ans d’expérience :

– les installations industrielles peuvent économiser de l’argent et améliorer la santé des travailleurs et des consommateurs grâce à la réduction de l’utilisation des produits toxiques ;

– pour pérenniser le programme, il est important que les entreprises s’acquittent d’une contribution directement corrélée aux services dispensés par l’État ;

– le processus de planification de réduction des produits toxiques continue d’être utile, même pour les entreprises participant au programme depuis plusieurs années ;

– les planificateurs certifiés jouent un rôle clé pour assurer la légitimité des projets de réduction des produits toxiques dans les installations ;

– l’organisation d’un système à trois agences gouvernementales travaillant de concert a été très efficace.

Pour synthétiser, le modèle du Massachusetts constitue l’archétype d’une politique publique de promotion de la dimension santé environnementale de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), bien loin des logiques binaires qui priment le plus souvent sur le vieux continent, particulièrement en France. Il constitue un éclairage intéressant car les pouvoirs publics, en l’occurrence, assument le rôle de chef d’orchestre de la lutte contre les perturbateurs endocriniens, en appliquant pragmatiquement le principe de précaution, à travers une politique transversale de lutte contre ces substances.

Les réactions aux études et alertes des organisations non gouvernementales, qui passent par la caisse de résonnance des médias, sont très diverses, du déni et de la contestation – ce qui peut conduire à l’organisation de contre-analyses – à l’appropriation, en passant par le désintérêt.

Les entreprises qui décident de modifier leurs pratiques et d’agir au niveau microéconomique contre l’usage de produits chimiques dangereux sont mues par deux soucis :

– la sensibilité à la protection de l’environnement et de la santé des consommateurs, qui leur fait prendre conscience de la nécessité d’appliquer le principe de précaution ;

– la peur de la mise en cause par des lanceurs d’alerte – ou naming and shaming –, dans un contexte où les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la sécurité sanitaire de leur alimentation et où les dangers inhérents aux perturbateurs endocriniens commencent à être popularisés.

La pratique montre que des substances chimiques présentes dans le produit lui-même ou dans son emballage peuvent souvent être retirées du marché au bénéfice d’alternatives inoffensives – ou du moins ne présentant pas le même degré de dangerosité.

Il faut toutefois s’assurer que la solution alternative ne pose pas d’autres problèmes sanitaires. Par exemple, la tendance au retour au conservateur methylisothiazolinone (MIT), qui avait été remplacé par le parabène, est contestée, car il provoque des irritations et des allergies cutanées importantes.

Les chaînes de distribution sont aussi confrontées au problème de la concurrence : si un fournisseur découvre un substituant aux composants perturbateurs endocriniens présents sur le revêtement intérieur des canettes, par exemple, cela renchérira son coût ; il faut s’assurer que des substituants existent et que leur innocuité est démontrée, mais aussi qu’ils sont susceptibles d’être employés par un nombre suffisant de fabricants pour ne pas déséquilibrer le marché.

Le mode d’emballage peut également être revu pour éviter la nécessité de recourir à des adjuvants chimiques : ainsi, pour les cosmétiques, les tubes à ouverture étroite et à dispositifs anti-retour permettent de renoncer au recours à des conservateurs car il y a beaucoup moins de contacts directs avec l’oxygène et les mains des usagers, ce qui réduit considérablement la dégradation du produit.

À l’instar du groupe américain Walmart, le groupe de grande distribution Carrefour a adopté une stratégie de réduction des perturbateurs endocriniens présents dans les produits qu’il commercialise.

Les responsables du groupe Carrefour que votre rapporteur a auditionnés lui ont fait part de leur préférence pour une législation claire, aussi drastique soit elle. La pire des situations, pour la grande distribution, est en effet l’absence de règle du jeu. La confusion qui en découle est anxiogène ; elle fait le jeu des lobbies et oblige le consommateur à analyser les mentions négatives sur les étiquettes, alors qu’il ne possède pas forcément les compétences scientifiques requises pour cela.

La grande distribution, à l’interface entre producteurs et consommateurs, s’en trouve contrainte à adopter une stratégie complexe de gestion du risque, qui tient du « marketing de la peur ».

L’enseigne Carrefour se targue d’avoir toujours été très active en matière de promotion des filières de qualité, par souci d’appliquer le principe de précaution et pour répondre aux attentes des consommateurs, qui meurent de moins en moins de problèmes liés à la qualité de l’alimentation mais sont de plus en plus sensibles aux dangers sanitaires. Carrefour se présente comme le premier vendeur de produits biologiques en France, avec 1 000 références sous sa propre marque de distributeur et 4 000 références toutes marques comprises. Sur ce segment de produits, la demande française est supérieure à l’offre de l’industrie agroalimentaire nationale.

L’offre de produits en hypermarché est telle que le consommateur y dispose d’un choix lui permettant, pour certaines catégories de produits comme les cosmétiques, de bannir certains perturbateurs endocriniens potentiels de son chariot. Dans le cadre de son action contre le risque chimique, sur toutes les niches de produits pour lesquels c’est possible – car il faut s’assurer que des substituts existent, que leur innocuité est démontrée et qu’ils sont susceptibles d’être employés par un nombre suffisant de producteurs –, Carrefour s’est engagé dans une campagne de suppression ou de substitution progressive des perturbateurs endocriniens :

– en supprimant le BPA dans les produits de puériculture depuis 2010 ;

– en s’acheminant vers la suppression du BPA également dans les produits électroménagers ainsi que dans les tickets de caisse ;

– en limitant la présence de phtalates dans les produits textiles, les chaussures et les produits de puériculture non électriques ;

– en se déclarant favorable à la suppression des emballages de produits textile en polychlorure de vinyle (PVC) souple contenant des plastifiants comme le DEHP ;

– en retirant de ses assortiments des produits phytosanitaires élaborés à base de glyphosate ;

– en allant vers la suppression du triclosan dans ses cosmétiques ;

– en proscrivant les parabènes à chaîne longue de la composition de ses cosmétiques.

La stratégie de Carrefour est exclusivement axée sur les produits vendus sous marque propre, qui représentent 30 % du chiffre d’affaires des magasins. Elle s’appuie sur les 20 000 producteurs, qui suivent un protocole draconien et contractualisé, assurant la traçabilité de tous les intrants.

Les substances soupçonnées d’avoir des propriétés de perturbateur endocrinien sont tellement répandues et en si grande quantité qu’il est impossible pour les consommateurs de s’en protéger complètement, même s’ils adoptent des stratégies comportementales préventives. Il est par conséquent indispensable que les pouvoirs publics prennent des dispositions protectrices, conformes au principe de précaution.

Des décisions spécifiques ont été prises concernant le BPA, les phtalates ou d’autres molécules mais une réponse globale s’impose, au plan national et surtout à l’échelle de l’Union européenne.

Découvert en 1938, le BPA a d’abord été utilisé comme traitement pharmaceutique de synthèse substituable à l’œstrogène, en concurrence avec le distilbène. Il est aujourd’hui principalement employé, associé à d’autres substances chimiques, pour la fabrication de plastiques et de résines. Il fait par exemple partie de la composition du polycarbonate, un plastique rigide et transparent de haute performance servant pour fabriquer :

– des récipients alimentaires comme des bouteilles recyclables, des biberons et de la vaisselle jetable ;

– des conteneurs destinés au stockage ;

– du petit électroménager.

Des résidus de BPA se retrouvent également dans des résines époxy utilisées pour fabriquer des revêtements et des films de protection recouvrant les canettes et les cuves destinées à recevoir des aliments et des boissons. Le BPA peut migrer en petites quantités vers les aliments et les boissons stockées dans des matériaux qui en contiennent.

Les industriels considèrent le BPA comme une molécule miracle car, au vu des substituts potentiels disponibles sur le marché, il faut recourir à une combinaison entre plusieurs substances – ce qui entraîne des difficultés techniques et un surcroît de coût –pour obtenir des propriétés identiques.

Le BPA est toutefois considéré comme l’une des substances les plus dangereuses au regard de l’homéostasie endocrinienne : à lui seul, il est incriminé dans des tumeurs mammaires chez la femme exposée in utero, dans le diabète de type 2, dans certaines maladies cardiovasculaires ainsi que dans des troubles de la reproduction.

L’Union européenne autorise son emploi dans un texte relatif aux matériaux en contact avec les aliments40, lequel n’évoque au demeurant même pas le concept de perturbation endocrinienne ; elle l’interdit, en revanche, pour la fabrication de biberons pour nourrissons41.

Le Parlement français a voté42, en 2012, la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires :

– destinées aux moins de trois ans depuis le 1er janvier 2013 ;

– destinées aux consommateurs de tous âges à compter du 1er janvier 2015.

Le Gouvernement n’est habilité à lever la suspension que dans l’hypothèse où l’ANSES émettrait un avis scientifique favorable à la reprise des opérations prohibées.

En outre, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la suspension complète de 2015, tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires doit comporter un avertissement sanitaire déconseillant son usage aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes et aux nourrissons et enfants en bas âge. Le décret d’application n’a néanmoins toujours pas été publié – sans doute à cause de la lourdeur de la procédure à suivre pour les actes de ce type, que les États membres doivent notifier à la Commission européenne afin de vérifier qu’ils ne contreviennent pas aux règles de la concurrence dans le marché intérieur.

Ce texte modifie une première loi de 201043 qui avait déjà suspendu la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de bisphénol A.

La Belgique et la Suède ont depuis lors adopté des dispositions analogues pour les produits alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans, après le Danemark, premier pays à avoir légiféré dans ce domaine, dès 2010. Au-delà des frontières de l’Union européenne, les États-Unis et la Chine commencent également à encadrer l’usage de cette substance.

Signalons enfin que le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) de l’Assemblée nationale a présenté, en mars 2012, une proposition de loi qui tendait à élargir la démarche à l’ensemble des perturbateurs endocriniens, en instaurant « des mesures de précaution, de suspension ou d’interdiction, de commercialisation, d’importation, de vente ou d’offre » et, dans leur attente, en instaurant « un étiquetage d’information […] apposé pour information des consommateurs »44.

Pour aller plus loin, la loi de 2012 enjoint au Gouvernement de remettre deux rapports au Parlement :

– avant le 1er juillet 2014, un rapport évaluant les substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles ;

– avant le 24 décembre 2013, un rapport :

• analysant les conséquences sanitaires et environnementales de la présence croissante de perturbateurs endocriniens dans l’alimentation, l’environnement direct, les dispositifs médicaux et l’organisme humain ;

• étudiant, en particulier, l’opportunité d’interdire l’usage du DEHP, du dibutyl phtalate (DBP) et du butyl benzyl phtalate (BBzP) dans l’ensemble des dispositifs médicaux au regard des matériaux de substitution disponibles et de leur innocuité.

Ce second rapport, déjà évoqué dans le présent rapport d’information, a effectivement été préparé par la direction générale de la santé du ministère des affaires sociales et de la santé. Validé par les agences sanitaires, il est actuellement en cours d’examen interministériel.

Au terme de trois années de travail, l’ANSES a publié, il y a un an, une évaluation des risques sanitaires associés au BPA45. Cette étude collective, pluridisciplinaire et contradictoire, menée par un groupe de travail spécifiquement dédié aux perturbateurs endocriniens, avec l’appui de plusieurs collectifs d’experts de l’ANSES, confirme les effets sanitaires du bisphénol A qu’elle avait déjà pointés, en particulier sur la femme enceinte, au regard des risques potentiels pour l’enfant à naître. Il prend en compte pour la première fois une estimation des expositions réelles de la population au bisphénol A par voie alimentaire, mais aussi par inhalation, via l’air ambiant, et par voie cutanée, au contact de produits de consommation.

Les effets identifiés portent sur une modification de la structure de la glande mammaire chez l’enfant à naître, qui pourrait favoriser un développement tumoral ultérieur. La mise en évidence de ces risques potentiels est néanmoins associée à un niveau de confiance qualifié de « modéré » par les experts au regard de l’état actuel des connaissances et des incertitudes.

Les travaux ont également conduit à identifier d’autres situations d’exposition, notamment liées à la manipulation de papiers thermiques – tickets de caisse, reçus de cartes bancaires, etc. –, en particulier dans un cadre professionnel. Notons d’ailleurs que l’agence suédoise des produits chimiques (KEMI46), a émis, en juin 2012, un avis recommandant de remplacer le BPA dans le papier thermique.

Les lacunes dans les connaissances relatives à d’autres populations sensibles, notamment les jeunes enfants, n’ont pas permis à l’ANSES de mener à bien l’évaluation des risques pour ces populations.

Afin de lever les différentes incertitudes qui demeurent, l’ANSES recommande que soit poursuivies des recherches afin d’acquérir des données scientifiques nouvelles sur la toxicité du bisphénol A, en particulier pour les populations les plus sensibles, et de mieux caractériser les expositions.

Au plan méthodologique, elle préconise de revoir la pertinence de l’utilisation de valeurs toxicologiques de référence ou de dose journalière tolérable (DJT), s’agissant de substances pour lesquelles les périodes de vulnérabilité ne sont pas toujours connues.

En février 2012, le groupe scientifique matériaux des contenants alimentaires, enzymes, arômes et auxiliaires technologiques (CEF47) de l’EFSA a décidé d’entreprendre une réévaluation complète des risques pour l’homme associés à l’exposition au BPA par l’intermédiaire du régime alimentaire, en tenant compte également de la contribution de sources non alimentaires à l’exposition globale au BPA.

En juillet 2013, première étape, elle conclut provisoirement que l’exposition s’avère plus faible qu’elle ne l’avait précédemment estimé. Cette position est conforme à la doctrine préventive habituelle de l’Autorité, passablement laxiste puisqu’elle retenait une dose journalière tolérable (DJT) 600 fois supérieure à celle préconisée par l’ANSES…

Pourtant, le 17 janvier 2014, quand elle lance la consultation publique sur la seconde partie de son projet d’avis, consacré à la toxicité du BPA et aux risques qu’il fait peser sur la santé humaine, elle identifie des effets défavorables probables sur le foie et les reins ainsi que sur la glande mammaire et recommande en conséquence de réduire la DJT de 90 %, en la ramenant de 50 à 5 microgramme par kilogramme de poids corporel et par jour.

Considérant que des incertitudes persistent quant à un certain nombre d’autres dangers pour la santé considérés comme moins probables, l’Autorité précise que cette la DJT doit être établie de façon provisoire, en attendant les résultats des travaux de recherche internationaux en cours. Cette volte-face traduit un changement d’appréciation notable.

L’EFSA estime cependant que le BPA ne présente qu’un risque faible pour les consommateurs, l’exposition à cette substance chimique se situant bien en-dessous de la DJT provisoire. Les résultats des deux phases de consultation et de l’avis final de l’EFSA seront publiés en milieu d’année 2014.

Dans le cadre de son troisième axe – prévenir les risques sanitaires environnementaux –, la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, qui avait pour objectif de débattre du programme de travail du Gouvernement en matière de développement durable, en particulier de trier et d’isoler les sujets prioritaires pour enclencher la transition écologique, a programmé l’élaboration d’une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE).


Le Président de la République, dans son discours d’ouverture
48, s’était inquiété des « risques associés à des polluants mal appréhendés comme les perturbateurs endocriniens qui agissent sur la fertilité ou la croissance […] questions de société essentielles pour les Français qui veulent être informés, prévenus, protégés, on les comprend, pour ce qui concerne notamment la santé de leurs enfants », et s’était engagé à ce que le Gouvernement tienne « le plus grand compte des conclusions de la conférence sur cette question-là pour définir ensuite sa politique ». Puis le premier ministre, dans son discours de clôture49, a annoncé l’approfondissement de la définition des perturbateurs endocriniens.

La Feuille de route pour la transition écologique – document de synthèse élaboré au terme de la Conférence environnementale – cite les perturbateurs endocriniens parmi les « risques émergents » et prévoit, dans son programme de travail, la mise sur pied d’« un groupe de travail associant l’ensemble des parties prenantes […] pour élaborer d’ici juin 2013 une stratégie nationale comprenant des actions de recherche, d’expertise, d’information du public et de réflexion sur l’encadrement réglementaire ».

L’idée maîtresse est alors de capitaliser sur la dynamique enclenchée par la France sur le dossier du BPA et de continuer à faire preuve d’esprit pionnier dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens. Il s’agit aussi de peser sur la future stratégie européenne – les deux calendriers prévisionnels étaient plus ou moins parallèles et, nous le verrons, il s’est avéré que les exercices, soumis à des influences similaires, ont pris tous deux beaucoup de retard –, en affichant le fait qu’un État membre majeur de l’Union européenne fait preuve de volontarisme.

La SNPE est en outre destinée à alimenter le futur troisième plan national santé-environnement (PNSE 3), dont la préparation est imminente.

Le 10 décembre 2012, lors d’un colloque international co-organisé avec l’ANSES, Delphine Batho, alors ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, annonce que la conception de la SNPE « s’appuiera sur un groupe de travail composé de parlementaires, de représentants des ministères concernés, des ONG, des fédérations professionnelles, des agences et d’experts spécialisés sur ces sujets », dont le travail sera présenté en conseil des ministres en juin 2013.

Le groupe de travail se réunit pour la première fois le 1er février 2013, avec comme cahier des charges de produire une stratégie comprenant « des actions de recherche, d’expertise, d’information du public et de réflexion sur l’encadrement réglementaire » des perturbateurs endocriniens.

Il est composé d’une quarantaine de membres50, représentatifs de toutes les parties prenantes publiques et privées :

– les directions générales compétentes des sept ministères concernés ;

– un député, une sénatrice et deux députées européennes ;

– les agences sanitaires ;

– des personnalités scientifiques ;

– des experts associatifs ;

– des syndicalistes des secteurs de l’industrie, de la santé et de l’agriculture.

Le groupe de travail a été réuni à six reprises au premier semestre 2013, dans l’optique, comme l’explique notre collègue Gérard Bapt (SRC, Haute-Garonne), président du groupe santé environnement (GSE), d’aboutir avant que la stratégie européenne ne soit finalisée, car les décisions de la France, sur ce dossier, sont attendues. Il s’agit de ne pas être à la traîne des orientations que la strate européenne s’apprête à édicter mais au contraire de rester leader et d’imprimer la sensibilité française sur la ligne communautaire. La députée européenne Corinne Lepage (ADLE, France) estime même, pour sa part, qu’« il ne faut rien attendre de la Commission européenne mais prendre des initiatives nationales, en s’appuyant notamment sur le travail des agences ».

Les organisations non gouvernementales européennes comme Health & Environment Alliance (HEAL) ou le Pesticide Action Network (PAN) espèrent aussi beaucoup de la SNPE, du fait du pas législatif accompli par la France sur le BPA, qui traduit une évolution des mentalités sur le thème des perturbateurs endocriniens.

C’est dans cet esprit qu’est organisé au Sénat, le 26 avril 2013, un colloque intitulé « Perturbateurs endocriniens : à la reconquête de la santé publique ? ».

Mais les divergences de point de vue entre parties prenantes se traduisent pas des désaccords concrets difficiles à trancher, qu’il s’agisse :

– du périmètre des produits à considérer ;

– de la prise en compte des effets sans seuil ;

– ou encore des moyens susceptibles d’être mobilisés, notamment en matière de recherche et d’expertise.

Il faut donc attendre l’été 2013 pour que soit rendu public le rapport du groupe de travail51.

Une consultation publique en ligne est ouverte le 19 août 2013, pour un mois, par les ministères chargés de la santé et de l’écologie, qui indiquent que la stratégie du Gouvernement « sera définitivement arrêtée à l’issue de cette consultation et en lien avec l’action communautaire et internationale sur ces sujets ».

La consultation se solde par un succès indéniable, avec 1 500 contributions, dont :

– un millier environ reprenant tout ou partie du manifeste ou de la pétition du collectif « Ensemble contre les perturbateurs endocriniens », à propos desquels nous reviendrons plus bas ;

– 500 contributions originales.

La SNPE est actuellement en phase de discussions interministérielles. Son fond et sa forme définitifs sont encore en débat et un dernier tour d’échanges entre administrations, ultime étape avant l’arbitrage du premier ministre, devrait s’achever ces jours-ci.

Elle a ensuite vocation à être présentée devant le Conseil national de la transition écologique – vraisemblablement lors de sa réunion d’avril 2014 –, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie l’a encore rappelé le 30 janvier 2014 lors d’un colloque sur les pesticides organisé par le groupe d’étude santé environnementale de l’Assemblée nationale52.

Les associations de protection de la santé et de l’environnement regrettent que le Gouvernement ne se soit pas distingué de la Commission européenne en temporisant, tout comme elle – nous y reviendrons plus bas –, et tarde à reprendre la main. Elles s’inquiètent des freins mis à l’élaboration de la SNPE et de l’incertitude quant à la teneur des arbitrages ministériels en cours, d’autant que le document qui a servi de base à la consultation publique et qui constitue la dernière version du rapport du groupe de travail ne les satisfait pas totalement.

Le 19 juin 2013, jour de la réunion qui doit sceller le sort de la SNPE, un collectif d’une quarantaine d’organisations de la société civile53 – associations de protection de l’environnement, de promotion de la santé, de défense et d’information des consommateurs, think tanks, un syndicat agricole, une mutuelle –, baptisé « Ensemble contre les perturbateurs endocriniens »54, publie un manifeste55 et une pétition publique appelant le Gouvernement à adopter une SNPE ambitieuse.

Ce collectif, reproche au Gouvernement de reculer au fil des négociations, en faisant état de plusieurs signaux négatifs.

Premièrement, alors que des dispositions réglementaires relatives aux phtalates avaient initialement été annoncées comme l’un des résultats possibles de la SNPE, les négociateurs gouvernementaux semblent avoir renoncé à reprendre cet engagement dans le texte. De même, aucune proposition concrète de restrictions supplémentaires du BPA pour le papier thermique n’est avancée, en dépit des mises en garde formulées par l’ANSES sur les risques liés à l’exposition cutanée chez les femmes en âge de procréer.

Deuxièmement, six mois après l’entrée en vigueur de la loi relative au BPA dans les contenants alimentaires, le décret d’application sur l’étiquetage obligatoire des produits dans la période intérimaire n’est toujours pas paru ; il n’a pas même fait l’objet d’une consultation spécifique.

Troisièmement, après avoir été précurseur, la France renvoie toute mesure de réglementation vers les instances européennes.

Quatrièmement, plus grave, la France ne tient pas son rôle dans les négociations européennes visant à établir des critères d’identification des perturbateurs endocriniens et à fixer leur sort réglementaire.

Les organisations signataires demandent que le SNPE :

– mette l’accent sur la réduction des expositions des populations – en particulier des femmes enceintes ou en âge de procréer – et des écosystèmes, par l’adoption de mesures réglementaires sur les perturbateurs endocriniens identifiés, à commencer par le retrait du marché des pesticides et des biocides perturbateurs endocriniens ;

– fasse de l’innovation et de la substitution une priorité, par :

• la promotion de la chimie verte et des alternatives non chimiques, prioritairement pour les cosmétiques, les jouets, l’alimentation et les dispositifs médicaux ;

• l’exemplarité de l’État et des collectivités locales en matière de politique d’approvisionnement ;

– favorise la mobilisation et la formation de tous les acteurs de la prévention ainsi qu’une information claire du public pour renforcer sa capacité à effectuer des choix de consommation éclairés.

Elles réclament enfin qu’une réflexion soit entamée sur la contribution financière des entreprises génératrices de risques, comme la chimie, ou vectrices de risques, comme l’agroalimentaire, en vue de renforcer, adapter et pérenniser les moyens de l’expertise et de la recherche publiques sur les perturbateurs endocriniens.

Les organisations non gouvernementales jugent inacceptable le maintien, dans la rédaction du rapport qui a été retenue pour la consultation publique, d’une disposition prévoyant qu’une fois la définition européenne des perturbateurs endocriniens adoptée, la France puisse soutenir la révision des critères d’exclusion prévus dans le règlement PPPR :

– soit globalement ;

– soit au cas par cas, au vu des résultats d’études d’impact, quand des lobbies industriels crieront à l’impasse technique sur telle ou telle culture, comme ils ont l’habitude de le faire.

Si ce chapitre C.2.2. est maintenu au terme de l’arbitrage interministériel, des pesticides pourtant reconnus comme perturbateurs endocriniens seront purement et simplement dispensés d’exclusion. Revenir ainsi sur l’exclusion a priori des pesticides reconnus comme perturbateurs endocriniens constituerait un recul considérable car le règlement PPPR se fonde aujourd’hui sur leur dangerosité intrinsèque. Ce serait aussi donné un signal négatif à l’Europe car il s’agit du texte législatif européen en vigueur le plus draconien et donc le plus protecteur.

C.2.2. Substances entrant dans le cadre des phytopharmaceutiques et des biocides

S’il s’agit de substances déjà approuvées dans le cadre de ses règlements, il est prévu qu’elles puissent faire l’objet d’une demande de réexamen dès lors que ces substances auront été identifiées comme des perturbateurs endocriniens. Ce réexamen permettra de revoir les mesures de gestion prévues dans le cadre de l’approbation initiale.

En fonction des résultats obtenus par l’Anses sur le caractère PE des substances priorisées entrant dans le champ des réglementations phytopharmaceutique ou biocide, ou des résultats obtenus dans le cadre de programmes internationaux, tel que celui de l’US EPA, la France présentera des demandes de réexamen de ces substances actives identifiées comme perturbateurs endocriniens.

De plus, une fois la définition européenne de « perturbateur endocrinien » adoptée, la France pourrait soutenir la révision des critères d’exclusion dans le règlement phytopharmaceutique, soit globalement, soit au cas par cas pour chaque substance après une étude d’impact de l’application des critères présents et des conséquences en matière de protection de la santé, de l’environnement ainsi que de substances actives disponibles.

Ce point ne fait pas consensus au sein du GT :

Les représentants des ONG, soutenus par les parlementaires européens, sont opposés à la révision des critères d’exclusion qui ont été mis en place sur la base des dangers intrinsèques des substances. La révision des critères induit une évaluation des risques et donc une remise en cause des fondamentaux du règlement. Ils précisent que les considérations socioéconomiques ne devraient pas primer sur la protection de la santé humaine et de l’environnement, et que l’étude d’impact doit bien refléter ces différentes dimensions.

Les représentants des entreprises estiment que l’exposition des populations sensibles pourrait intervenir dans les critères à prendre en compte afin que la notion d’exclusion ne porte pas uniquement sur les critères de danger. Cette approche aurait le mérite de ne pas écarter a priori des substances actives efficaces qui ne génèrent pas d’exposition des populations sensibles.

Extrait du rapport du groupe de travail chargé d’élaborer la SNPE

En dépit des vives protestations des organisations non gouvernementales et des députées européennes membres du groupe de travail, ce point, qui hypothèque la sécurité sanitaire des citoyens et va dans le sens des intérêts de la seule industrie agrochimique, n’a pas été expurgé de la version définitive du rapport. Leur opposition est seulement évoquée dans un encadré, alors que la règle du jeu fixée au départ était de ne faire figurer dans le rapport que les points de consensus.

Les représentants du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, que votre rapporteur a questionné à ce propos, lui ont pourtant répondu que la position de leur administration est sans ambiguïté : les critères d’exclusion doivent englober un maximum de substances, les perturbateurs endocriniens avérés, évidemment, mais aussi les substances suspectées de l’être.

Si le retard pris par l’exercice de la SNPE est indéniablement regrettable, ces critiques ne remettent en cause ni son utilité ni l’intérêt de la plupart des conclusions auxquelles le groupe de travail est parvenu. Elles doivent être considérées comme un appel au Gouvernement à aller plus vite et à ne pas céder sur les points positifs figurant dans le rapport du groupe de travail56, notamment en matière :

– de recherche et valorisation, en particulier grâce à la mobilisation de moyens communautaires et internationaux ;

– de surveillance des populations et des milieux ;

– d’actions de formation ;

– d’expertise ;

– de conception d’un cadre réglementaire adapté.

La Commission européenne a présenté, en 1999, une communication stratégique ad hoc57, dans laquelle elle notait qu’il restait beaucoup de recherches à accomplir à ce sujet et qu’il n’existait pas encore de méthode d’essai validée pour établir définitivement qu’une substance est un perturbateur endocrinien. La stratégie était fondée sur les informations existantes en 1999 et conçue pour pouvoir être adaptée à l’évolution des connaissances scientifiques.

Elle préconisait des actions à court, moyen et long terme dans les domaines suivants :

– approfondissement de la recherche ;

– coopération internationale ;

– information de la population ;

– action politique.

La stratégie de 1999 programmait d’abord une série de mesures à prendre sous un à deux ans :

– établir, pour une évaluation, une liste de substances devant être évaluées en priorité, afin d’identifier, entre autres :

• les substances susceptibles d’être prises en compte dans la législation actuelle ;

• les lacunes de connaissances ;

• les cas particuliers de consommation à examiner spécifiquement ;

– renforcer ou accélérer la mise en œuvre des instruments législatifs en vigueur comme les règlements REACH et CLP ;

– établir des programmes de surveillance visant à estimer l’exposition aux substances de la liste prioritaire, en fonction de la dose, de la fréquence et des modalités d’exposition ;

– identifier des cas particuliers de groupes vulnérables à l’exposition à certaines substances – par exemple les enfants – et, lorsque ces substances ne sont pas couvertes par la législation existante, réfléchir à leur inscription sur la liste prioritaire ;

– assurer un échange d’information et une coordination efficace entre tous les acteurs – Commission européenne, États membres, industrie, etc. – ainsi qu’au plan international ;

– informer pleinement la population des activités entreprises, expliquer les mécanismes mis en œuvre et rendre toutes les informations publiques ;

– consulter régulièrement les parties intéressées, à savoir les gouvernements, les organisations non gouvernementales, l’industrie, etc.

D’autres dispositions étaient prévues sous un délai de deux à quatre ans :

– identifier et évaluer les perturbateurs endocriniens ;

– poursuivre la coopération internationale dans la recherche en vue de mettre en œuvre des méthodes d’essai validées ;

– s’appuyer sur le cinquième programme-cadre de recherche et développement ;

– encourager la recherche de produits de substitution et les initiatives privées.

Un troisième train de mesures avait vocation à être implémenté au-delà de quatre ans :

– adapter les textes législatifs applicables à l’époque aux produits chimiques afin de prendre en compte les perturbateurs endocriniens ;

– veiller à ce que d’autres textes législatifs en vigueur, à l’instar de ceux concernant la protection de l’environnement ou les consommateurs, tiennent compte de la perturbation endocrinienne.

La stratégie communautaire a donné lieu à quatre rapports d’évaluation, en 200158, 200459, 200760 et 201161. Il ressort d’un avis de l’ANSES62 que les actions suivantes ont bien été réalisées.

La Commission européenne a élaboré la liste prioritaire prévue. La base de données contenant les informations utilisées pour l’établir est consultable sur le site de la DG Env.

De nombreux programmes de recherche sont en cours sur les sujets suivants :

– vérification que l’approche conventionnelle pour estimer des doses sans effet n’est pas pertinente ;

– impact à long terme de l’exposition répétée à plusieurs substances à de faibles doses pour les populations sensibles ;

– développement de tests in vitro ;

– impact de l’exposition du fœtus à des substances perturbatrices endocriniennes ;

– lien entre exposition prénatale à des perturbateurs endocriniens et développement ultérieur de pathologies comme l’obésité ;

– impact de l’exposition aux substances génotoxiques sur l’apparition de cancers et de troubles immunitaires chez l’enfant ;

– détection des divers contaminants alimentaires ;

– composés perfluorés dans l’alimentation.

Le règlement REACH prévoit la possibilité de considérer qu’une substance est « extrêmement préoccupante », ou « SVHC63 », et par conséquent de l’inscrire parmi celles qu’« un fabricant, importateur ou utilisateur en aval s’abstient de mettre sur le marché […] en vue d’une utilisation ou de l’utiliser lui-même » :

– si elle est CMR de catégorie 1 ou 2, selon la définition du règlement CLP ;

– si elle est PBT, voire très persistante ou très bioaccumulable, selon la définition de l’annexe XIII du règlement REACH ;

– s’il est scientifiquement prouvé qu’elle suscite un niveau de préoccupation équivalent.

Jusqu’à présent, cette notion de « niveau de préoccupation équivalente » n’a toutefois permis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA64), sur recommandation de son Comité d’évaluation du risque (RAC65), de n’interdire que quatre perturbateurs endocriniens :

– le 4-(1,1,3,3-tétraméthylbutyl)phénol ;

– le 4-nonylphénol, ramifié et linéaire ;

– le 4-(1,1,3,3-tétraméthylbutyl)phénol, éthoxylé ;

– le 4-nonylphenol, ramifié et linéaire, éthoxylé.

Bien que les connaissances scientifiques se soient considérablement consolidées depuis 1999 et que l’opinion publique européenne ait commencé, dans le même temps, à prendre conscience des conséquences sur la santé humaine des produits chimiques présentant des propriétés de perturbation du système endocrinien, les méthodologies suivies par les industriels dans le cadre de la procédure REACH prennent insuffisamment en compte cette dimension.

REACH prévoit en effet des mécanismes pour établir la sécurité chimique des produits et encourager la substitution de produits innovants inoffensifs ; mais l’efficacité de son fonctionnement repose sur la fourniture par les déclarants de données scientifiquement pertinentes, adaptées aux ambitions de la législation. Or un rapport de l’organisation non gouvernementale spécialisée dans le droit de l’environnement ClientEarth66 publié en juillet 2013 tend à démontrer que ce n’est pas toujours le cas.

L’analyse portait sur cinq produits chimiques d’usage courant, enregistrés dans plusieurs États membres selon la réglementation REACH :

– le diéthyl phtalate (DEP) ;

– le BPA ;

– le tétrabromobisphénol A (TBBPA) ;

– le triclosan ;

– l’octyl-méthoxycinnamate (MOC).

Sur ces cinq substances, il existe des écarts entre, d’une part, les résultats de recherche publiés et, d’autre part, les informations disponibles sur la base de données Internet de l’ECHA. Ces différences suggèrent que l’industrie ne prend pas systématiquement en compte l’état des connaissances scientifiques sur des substances chimiques présentes dans des produits commercialisés dans le marché intérieur. Par conséquent, la protection de la santé humaine et de l’environnement n’est pas assurée au niveau voulu dans REACH.

En vérité, faute de critères de définition des perturbateurs endocriniens, l’Europe ne possède pas d’outil conceptuel pour organiser la révision de sa réglementation et en est réduite à des mesures de sauvegarde certes nécessaires dans l’immédiat mais tout à fait insuffisantes pour prendre le problème à bras-le-corps. Une nouvelle stratégie européenne s’avère donc nécessaire.

L’Europe se doit d’agir pour répondre à trois défis contemporains.

Premièrement, il s’agit évidemment de protéger la santé de nos concitoyens et la biodiversité de nos territoires face à la menace désormais avérée découlant de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Si les États membres – à commencer par la France, qui a montré l’exemple avec le Bisphénol A – ont un rôle à jouer pour répondre aux préoccupations particulières de leurs opinions publiques et adopter des législations d’avant-garde, l’Union européenne a le devoir impérieux d’agir afin de garantir un traitement homogène du problème dans tout le marché intérieur.

Il en va en particulier de l’efficience de la réglementation sur le BPA : Gérard Bapt, qui fut le rapporteur de la seconde proposition de loi sur son interdiction, estime que la portée de ce texte restera limitée si une mesure analogue n’est pas prise à l’échelon européen.

Les responsables politiques se doivent de prendre des actes clairs, faute de quoi les acteurs de la société civile sont livrés à eux-mêmes et seuls les plus concernés d’entre eux adoptent des stratégies microéconomiques pour combler le vide réglementaire. Le rôle du pouvoir politique est d’agir rapidement, avec une grille de lecture intermédiaire entre celle des médecins, qui constatent les conséquences des perturbateurs endocriniens sur leurs patients et préconisent par conséquent des mesures de précaution immédiates, et celle des agences sanitaires, qui ont besoin d’un niveau de preuve très élevé avant de transmettre un avis définitif à leur administration de référence.

Deuxièmement, l’Europe porte une responsabilité vis-à-vis du reste du monde. Une réglementation stricte sur l’usage des produits contenant des substances perturbatrices endocriniennes impactera le profil des marchandises importées sur notre continent, notamment en provenance des pays du Sud, en voie de développement et surtout émergents, dans lesquels se situe le plus gros potentiel de croissance de production et de consommation de produits chimiques et de biens manufacturés en contenant.

Une réglementation dure sur les perturbateurs endocriniens entraînera progressivement la diffusion de meilleures pratiques sanitaires et environnementales dans les pays du Sud.

Troisièmement, le droit européen pourrait s’avérer être un facteur de compétitivité hors-prix important pour l’industrie Europe. Alors que débutent tout juste les négociations relatives à l’accord de partenariat de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis, il convient de faire entrer rapidement dans l’acquis communautaire un cadre réglementaire plus protecteur en matière de perturbateurs endocriniens.

Des contraintes sur la commercialisation des substances perturbatrices endocriniennes frapperont en effet les produits fabriqués en Europe comme les produits importés. L’enjeu consiste à mener à bien le développement de substances inoffensives susceptibles de les remplacer afin de donner à la production européenne un avantage comparatif. Celui-ci sera également valorisable à l’export, au fur et à mesure de l’alignement des règlementations étrangères sur celle en vigueur chez nous.

Le 7e programme d’action pour l’environnement67 (PAE), qui fixe la stratégie environnementale de l’Union européenne jusque 2020, accorde une attention importante aux perturbateurs endocriniens et trace des lignes d’actions contraignantes. Notons que la version finale du texte, sur ce volet, a été significativement enrichie, grâce à l’insistance des membres de la commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen, mais aussi de la France, du Danemark et de la Suède.

D’abord, au point 50, le 7e PAE rappelle la réalité du phénomène des perturbateurs endocriniens et prévoit l’établissement de critères afin de les définir, en vue de renforcer la législation :

« […] La recherche indique que certaines substances chimiques possèdent des propriétés de perturbation endocrinienne pouvant entraîner un certain nombre d’effets néfastes sur la santé et l’environnement, y compris lors du développement des enfants, potentiellement même à des doses très faibles, et que lesdits effets méritent qu’on considère des mesures de précaution. »

« […]

« L’Union continuera à élaborer et à appliquer des approches permettant d’examiner les effets combinés des produits chimiques et les problèmes de sécurité liés aux perturbateurs endocriniens en recourant à toute législation pertinente de l’Union. En particulier, l’Union mettra au point des critères harmonisés fondés sur le danger, en vue de l’identification des perturbateurs endocriniens. »

Ensuite, au point 54, il programme l’élaboration d’une « stratégie pour une Europe non toxique », incluant un volet relatif aux perturbateurs endocriniens :

« Afin de protéger les citoyens de l’Union contre les pressions liées à l’environnement et les risques pour la santé et le bien-être, le programme garantit, d’ici 2020 :

« […]

« d) l’examen efficace, dans l’ensemble de la législation de l’Union en la matière, des effets combinés des produits chimiques et des questions de sécurité liées aux perturbateurs endocriniens, et l’évaluation et la réduction maximale des risques pour l’environnement et la santé, en particulier en relation avec les enfants, associés à l’utilisation de substances dangereuses, y compris les substances chimiques présentes dans les produits ».

« […]

« À cet effet, il faut en particulier :

« […]

« g) iv) […] Élaborer, d’ici 2018, une stratégie de l’Union pour un environnement non toxique, qui aboutisse à des innovations et à la mise au point de produits de substitution durables, y compris des solutions non chimiques, en s’appuyant sur les mesures horizontales qui doivent être mises en œuvre d’ici 2015 afin de garantir : 2) la réduction maximale de l’exposition aux perturbateurs endocriniens ; ».

Enfin, au point 71, le 7e PAE appelle à un renforcement de l’effort de recherche sur les perturbateurs endocriniens :

« 3) Des incertitudes demeurent quant aux conséquences sur la santé humaine et sur l’environnement des perturbateurs endocriniens, des effets combinés de substances chimiques, de certaines substances chimiques présentes dans les produits et de certains nanomatériaux. Combler les lacunes restantes sur le plan des connaissances peut permettre d’accélérer les prises de décisions et de poursuivre le développement de l’acquis relatif aux produits chimiques, et contribuer également à encourager une approche plus durable de l’utilisation des produits chimiques. »

L’élaboration de critères pour donner une définition scientifico-juridique européenne aux perturbateurs endocriniens est, en quelque sorte, le premier champ de bataille du dossier.

Pour commencer, c’est une obligation découlant des règlements phytosanitaires et biocides, lesquels prévoyaient explicitement l’édiction d’une définition des perturbateurs endocriniens avant la fin 2013 afin de prendre correctement le problème en compte, sur la base de critères adaptés et non plus temporaires.

Cette définition permettra d’éviter d’avoir à engager une procédure réglementaire spécifique pour chaque substance incriminée, à l’instar de ce qui a été difficilement accompli, en France, en ce qui concerne le BPA.

L’ensemble des personnes auditionnées, y compris les représentants de l’industrie, sont tombées d’accord sur le principe d’une définition unique faisant autorité pour toutes les politiques sectorielles, quels que soient les usages des substances, par souci de cohérence et de simplicité, considérant que certaines molécules sont utilisées, par exemple, dans la composition de certains pesticides et de certains biocides.

Reste à trancher sur l’opportunité de retenir la notion de dose d’exposition. Après la publication du rapport Kortenkamp, un consensus scientifique s’est imposé, bon an mal an, en faveur d’une définition inclusive : une substance doit être classée parmi les perturbateurs endocriniens en fonction de ses caractéristiques intrinsèques de dangerosité et non du risque qu’elle fait peser à partir d’une dose d’exposition donnée.

Un document de travail de la DG Env du 19 février 201368 exclut catégoriquement la prise en compte de la notion de dose d’exposition. Ce papier, qui aurait dû être finalisé dans les mois suivants, n’a pas résisté aux concertations interservices de la Commission européenne, notamment au désaccord manifeste entre, d’une part, la DG Env et, d’autre part, la direction générale de la santé et des consommateurs (DG Sanco), la direction générale de l’agriculture et du développement durable (DG Agri) et la direction générale entreprises et industrie (DG Entr).

À côté du consensus scientifique, il existe aussi un relatif consensus politique, puisque la résolution du Parlement européen portée par Åsa Westlund en mars dernier a recueilli une large majorité de 489 voix pour, 102 voix contre et 19 abstentions.

Le même document penche pour une distinction entre deux catégories de perturbateurs endocriniens, peu ou prou sur le modèle de la réglementation CLP :

La catégorie 1, celle des perturbateurs endocriniens avérés, comprendrait les substances :

– dont il est avéré qu’elles ont causé des effets nocifs sur le système endocrinien d’humains ou de populations, ou d’espèces animales vivant dans un écosystème donné ;

– qui, au regard d’études expérimentales, semblent susceptibles de causer des effets nocifs sur le système endocrinien d’humains ou de populations, ou d’espèces animales vivant dans un écosystème donné.

La catégorie 2, celle des perturbateurs endocriniens suspectés, comprendrait les substances pour lesquelles il existe certaines preuves d’effets nocifs sur le système endocrinien d’humains, d’espèces animales vivant dans un écosystème donné ou d’animaux de laboratoire, mais des preuves insuffisantes pour entraîner leur classement dans la catégorie 1.

Si cette distinction entre substances avérées et suspectées peut se comprendre compte tenu des progrès restant à accomplir en matière de méthodes d’essai, est-il raisonnable d’établir une telle graduation à l’intérieur de la classe des perturbateurs endocriniens, au risque de déboucher sur un traitement réglementaire différencié, sachant que toutes ces substances ont un effet délétère à terme ? Elle a en tout cas l’aval des autorités françaises et de l’ANSES, qui considère que des tests in vitro peuvent suffire pour faire entrer une substance dans la seconde catégorie.

Lisette Van Vliet, conseillère politique senior de l’organisation non gouvernementale HEAL, la considère également pertinente, à condition que les deux catégories soient soumises au même régime réglementaire, car elle permettrait d’encadrer l’usage de substances sur la base de seuls tests in vitro.

Quant aux industriels, ils rejettent au contraire cette idée de perturbateurs endocriniens suspectés. En effet, selon eux, cela jetterait l’opprobre sur des produits dont la nocivité ne serait pas absolument prouvée.

Le Gouvernement français a approuvé les grandes lignes du document de travail de la DG Env. Une note du secrétaire général des affaires européennes (SGAE), datée du 15 novembre 2013 se prononce en faveur des grandes lignes suivantes :

– élaboration de critères scientifiques communs :

• pour définir tous les perturbateurs endocriniens ;

• quelles que soient les voies d’exposition ;

• valables pour toutes les réglementations sectorielles ;

• sur la base exclusive des propriétés intrinsèques des produits et de leur danger pour la santé humaine et l’environnement, les considérations socio-économiques ne devant être prise en compte qu’au stade des mesures de gestion ;

• en excluant la prise en compte de la notion de dose ou de niveau d’exposition, non pertinente en la matière ;

– définition d’une classe de produits chimiques « perturbateurs endocriniens », au sein de laquelle il conviendra de distinguer les deux catégories :

• avérés ;

• suspectés.

– prise en compte des données mettant en évidence un effet potentiel, même si les mécanismes d’action biologique ne sont pas clairement compris.

Il restera ensuite à transposer en droit positif européen ces critères de définition qui s’esquissent, afin de sortir des mesures de sauvegarde au cas par cas, lourdes et insatisfaisantes, comme sur le dossier du BPA. Deux options s’offrent aux colégislateurs :

– une réglementation transversale prévoyant des mesures de gestion homogènes pour tous les perturbateurs endocriniens, quelles que soient les marchandises dans lesquelles ils sont utilisés, selon le même principe que les règlements REACH et CLP ;

– une revue de sa réglementation sectorielle, c’est-à-dire des textes relatifs :

• aux pesticides ;

• aux biocides ;

• aux cosmétiques ;

• aux contenants alimentaires en matière plastique.

Sous réserve d’une réflexion plus approfondie à ce sujet dans le cadre de ses travaux ultérieurs, votre rapporteur serait favorable à la première option, dans le même esprit que le règlement REACH mais en disposant d’un cadre conceptuel adapté aux perturbateurs endocriniens, à travers la définition des critères attendue. Il est conscient qu’il s’agit de la voie la plus exigeante mais aussi la plus efficace, car elle présenterait l’avantage de prendre pleinement en compte l’effet cocktail des perturbateurs endocriniens contenus dans diverses catégories de produits de consommation courante.

Le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie considère au contraire qu’il serait plus pragmatique de s’appuyer sur les réglementations sectorielles existantes en y intégrant la dimension des perturbateurs endocriniens.

L’esprit d’un texte législatif transversal serait de classer automatiquement une substance comme SVHC dès lors qu’elle serait reconnue comme perturbatrice endocrinienne, afin de l’extraire du marché.

Elle ferait alors l’objet :

– d’une interdiction en première intention pour les produits susceptibles d’entrer en contact avec les publics vulnérables :

• femmes enceintes ;

• enfants et adolescents ;

• professionnels comme les agriculteurs ;

– pour les autres usages, d’une suppression progressive en faveur d’alternatives plus sûres pour l’environnement et la santé humaine.

Cette mécanique serait valable non seulement pour les molécules déjà existantes mais aussi pour celles découvertes ultérieurement.

La recherche et l’expertise sont à la base des connaissances nécessaires à une gestion appropriée du problème des perturbateurs endocriniens.

L’Union européenne dispose d’un outil puissant de financement de la recherche : son programme-cadre de recherche pluriannuel. Le huitième, baptisé « Horizon 2020 », qui vient d’être adopté et dont la période d’exécution court jusqu’en 202069, prévoit la répartition de 77 milliards d’euros aux laboratoires publics et privés européens. Si les perturbateurs endocriniens n’y sont pas cités explicitement, cette thématique de recherche est éligible aux actions du troisième pilier, consacré aux défis de société, plus particulièrement de l’objectif spécifique « santé, évolution démographique et bien-être », qui fait références aux « maladies chroniques », « causes majeures d’incapacité, de problèmes de santé, de retraite pour cause de maladie ainsi que de décès prématuré » et source d’« un coût économique et social considérable ».

La recherche sur les perturbateurs endocriniens doit être puissamment soutenue dans les programmes de travail définis annuellement par les structures de comitologie, en insistant sur trois aspects.

La compréhension des modes d’exposition aux perturbateurs endocriniens et du lien entre exposition et pathologies passe par un croisement entre l’approche toxicologique et l’approche épidémiologique, contrairement à ce que préconisent les groupes de pression industriels, favorable au primat des travaux toxicologiques classiques sur les animaux de laboratoire. C’est oublier, répétons-le, que les perturbateurs endocriniens ne se caractérisent pas par une toxicité aiguë mais produisent des effets à moyen et long terme, non décelables immédiatement après l’exposition.

Les données d’exposition par les différentes voies possibles manquent notamment en ce qui concerne l’exposition du fœtus et de l’embryon au cours de la grossesse.

Il n’existe pas de preuve de mécanisme d’action pour toutes les substances incriminées. Pour certaines, des tests in vitro suffisent ; pour d’autres, confirmer ou lever la suspicion suppose des tests in vivo sur des animaux. S’agissant des modes d’action œstrogéniques, des méthodes in vitro et in vivo sont disponibles. Mais il faut des tests permettant de couvrir la totalité des effets eu égard aux différentes cibles endocrines. Or, pour d’autres effets de perturbation endocrinienne, d’énormes lacunes demeurent, nécessitant des investissements de recherche importants afin de mettre au point des tests in vitro et in vivo reconnus par consensus international, adaptés pour établir l’innocuité ou la dangerosité d’un produit même à très faible dose.

L’OCDE a fixé des lignes directrices incluant des protocoles d’essai, afin de détecter les interférences imputables aux perturbateurs endocriniens sur l’homéostasie des hormones œstrogènes, androgènes, thyroïdiennes et stéroïdiennes, et ainsi d’identifier les substances qui en sont responsables, selon un protocole en cinq étapes commençant par l’in vitro.

Le CCR travaille à l’élaboration de tests communs, essentiellement in vitro.

Il est essentiel de disposer a minima de tests in vitro pour l’ensemble des substances suspectes, notamment des pesticides. Pour l’ANSES, il serait néanmoins délicat de fonder une réglementation sur ces seuls tests, sans recourir à des tests in vivo : avant que ne soit envisagée l’interdiction d’une molécule, l’Agence, par souci de rigueur scientifique, préconise la constitution d’un faisceau d’indices établissant la corrélation entre exposition et pathologie, à partir d’un protocole reproductible.

Votre rapporteur est plutôt enclin à suivre l’avis d’Andreas Kortenkamp, selon lequel, par souci de précaution, la constatation de perturbations endocriniennes par test cellulaire in vitro devrait suffire pour refuser l’autorisation de mise sur le marché d’une molécule ou décider de son retrait si elle est déjà commercialisée. La charge de la démonstration de son innocuité doit peser sur l’industrie et non sur l’État, d’autant que le progrès technologique et la découverte de nouvelles molécules vont plus vite que l’évaluation de la nocivité de ces dernières.

Il convient enfin de mener à bien des études épidémiologiques sur des échantillons de population humaine, afin de mieux caractériser les cofacteurs d’exposition susceptibles d’avoir un effet de perturbation endocrinienne. Des conclusions ne peuvent toutefois être tirées qu’une quinzaine ou une vingtaine d’années après leur lancement – c’est-à-dire le temps nécessaire pour qu’un bébé parvienne à l’âge adulte –, et encore, si ces études n’ont pour objet que d’observer des individus d’une seule génération.

Reste que les études épidémiologiques présentent toujours des limites en ce qui concerne le degré de confiance de plausibilité biologique du lien de causalité entre exposition et pathologie.

En attendant l’éradication des perturbateurs endocriniens, l’information des utilisateurs de produits chimiques et de l’ensemble des consommateurs constitue un autre levier utile pour réduire progressivement l’exposition de la population humaine et de l’environnement.

Les populations vulnérables, à savoir les femmes enceintes, voire en âge de procréer, les enfants et les adolescents – ainsi que leurs parents et leurs enseignants –, et enfin les travailleurs particulièrement exposés, comme les agriculteurs, doivent être particulièrement bien informés des précautions à suivre pour réduire le danger.

Des mesures doivent être prises par la Commission européenne, en lien avec les organisations non gouvernementales lanceuses d’alertes – associations de défense de l’environnement, de la santé ou des consommateurs –, pour relever ce défi.

Les lobbies industriels, amenés par leurs intérêts particuliers à rejeter l’idée d’une réglementation plus sévère, suivent une stratégie en deux temps, en intervenant le plus en amont possible, c’est-à-dire auprès des fonctionnaires et contractuels des directions générales de la Commission européenne, ainsi que des membres de leurs groupes d’experts :

– ils cherchent d’abord à empêcher toute nouvelle mesure ;

– puis, lorsqu’une nouvelle réglementation apparaît inévitable, ils s’efforcent :

• de limiter sa portée ;

• de retarder son adoption.

L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), le Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC) et le Conseil européen des producteurs de plastiques et sous-traitants (ECPI), que votre rapporteur a auditionnés, nient l’existence d’un consensus scientifique sur la spécificité des perturbateurs endocriniens et l’inanité de la notion de dose d’exposition, au mépris de la réalité.

Ils militent contre une « approche binaire » discriminant substances chimiques inoffensives et dangereuses, mais pour une distinction entre les substances chimiques ayant un mode d’action endocrinien en fonction de leur degré de toxicité, en maniant l’argument tarte à la crème du café, mis sur le même plan que certains produits chimiques dangereux, au prix d’une manipulation de la science. Si la caféine cause indéniablement des réactions endocriniennes, elle ne produit aucun dommage irréversible aux organismes. En outre, ses effets ne sont ni différés ni transgénérationnels. Le mettre sur le même plan que des substances transformant des grenouilles mâles en des grenouilles femelles relève donc de la mauvaise foi.

Pour minimiser la nocivité des perturbateurs endocriniens à petite dose, les lobbies industriels mettent également en avant le fait qu’ils sont métabolisés et éjectés du corps par les urines. Il n’y a certes pas de bioaccumulation mais ce raisonnement néglige le fait que nous subissons une exposition constante à une pluralité de substances dangereuses, dont les effets, nous l’avons vu, sont accrus par l’effet cumulé et l’effet cocktail. Le stock de perturbateurs endocriniens présents dans le corps est donc constamment renouvelé.

Pour expliquer la pseudo-controverse scientifique de l’été 2013 – qui, comme nous l’avons relaté, s’est éteinte dans le bureau de la conseillère scientifique principale du président Barroso –, deux versions différentes ont été présentées à votre rapporteur.

Pour les organisations non gouvernementales, la polémique est venue de scientifiques en situation de conflit d’intérêts, aveuglés par des liens avec l’industrie qui leur ferait perdre toute rigueur scientifique. Circonstance aggravante, nombre des signataires de l’éditorial évoquant péremptoirement des « prétendus perturbateurs endocriniens » et de la lettre ouverte jointe ont été épinglés pour avoir caché leurs intérêts privés, en violation des pratiques en usage dans la littérature scientifique : dix-sept éditorialistes sur dix-huit sont ainsi liés à l’industrie du tabac, de la chimie, des cosmétiques, de la pharmacologie, des pesticides ou de la biotechnologie, en qualité soit de consultants ou de conseillers scientifiques, soit de responsables de laboratoires bénéficiant de financements privés.

Ces scientifiques ont mis en avant l’expertise de l’EFSA de mars 2013 selon laquelle toutes les substances chimiques actives sur le système endocrinien ne sont pas nécessairement des perturbateurs endocriniens. Mais l’EFSA elle-même est régulièrement mise en cause pour son manque d’objectivité scientifique, voire d’intégrité. Une étude de l’organisation non gouvernementale Corporate Europe Observatory publiée en octobre 2013, conduite par la journaliste Stéphane Horel – que votre rapporteur a auditionnée –, met en avant une véritable « consanguinité » : 59 % des experts de l’Autorité européenne seraient en situation de conflit d’intérêts…

Mais la Commission européenne avance une autre analyse : pour elle, il s’agit plus prosaïquement de la manifestation d’une incompréhension de principe entre deux clans scientifiques : les endocrinologues contre les toxicologues. Les toxicologues travaillent selon des méthodologies anciennes car leurs recherches s’appuient sur des comparaisons dans le temps. Par contre les endocrinologues étudient les systèmes au fil de leur évolution, sur toute leur durée de vie – en commençant par l’embryologie – voire sur plusieurs générations.

Il ne s’agirait donc que d’une dispute entre deux écoles disciplinaires, favorisée, d’une part, par l’absence d’équipes de recherche commune – ce qui serait pourtant nécessaire sur la thématique des perturbateurs endocriniens – et, d’autre part, par le penchant naturel des scientifiques à débattre, quitte à polémiquer, plutôt qu’à rechercher le consensus. Le fait que les toxicologues soient naturellement proches de l’industrie donne de l’écho à la dispute car elle suscite évidemment la méfiance des organisations non gouvernementales et des journalistes.

Quoi qu’il en soit, ces désaccords entre scientifiques, portés sur la place publique, ont compliqué la prise en main du dossier par les instances politiques – d’autant que la communauté des endocrinologues semble proche de la DG Env, tandis que celle des toxicologues est réputée proche de la DG Sanco.

L’année 2013 a été marquée par la défaite, sur le front de la science, des opposants à une réglementation plus stricte, avec notamment le rejet du critère de puissance dans les rapports de l’OMS et de l’EFSA, et par la pression politique du Parlement européen, à travers la résolution adoptée en mars. L’industrie a néanmoins obtenu l’organisation d’une étude d’impact, une procédure qui ne fait pas l’unanimité.

Il s’agit en effet principalement d’examiner les conséquences socioéconomiques des différentes options réglementaires envisageables, c’est-à-dire une démarche contradictoire avec le principe de précaution, qui exige de se conformer aux dangers sanitaires et environnementaux mis en évidence par les travaux scientifiques. L’étude d’impact risque de préconiser l’assujettissement de l’exclusion d’une molécule à la disponibilité, sur le marché, d’une substance active substituable, et donc d’entériner définitivement des impasses techniques sans se donner les moyens de les dépasser.

Il serait exagéré d’affirmer que ces études sont inutiles et que l’angle de réflexion socioéconomique ne compte pas, mais elles souffrent forcément d’un biais, dans la mesure où il est plus aisé de chiffrer les impacts d’une réglementation en termes de productivité et d’emploi que de mesurer ses conséquences sanitaires et environnementales.

Il ne faudrait pas que Bruxelles fabrique une pseudo-science pilotée par l’industrie, fondée sur des outils qui leurs seraient favorables. Comme l’explique en substance Andreas Kortenkamp, il est regrettable que les connaissances accumulées à propos des perturbateurs endocriniens, souvent obtenues grâce à des financements européens, demeurent ignorées par la réglementation européenne.

Le principe des études d’impact a d’ailleurs été clairement suscité, naguère, par l’industrie du tabac, avec pour dessein de faire entrer dans les mœurs institutionnelles ce nouvel outil afin de contrecarrer la régulation sanitaire et environnementale.

Quoi qu’il en soit, le jeu des influences a clairement conduit à retarder l’action de l’Union européenne sur les perturbateurs endocriniens, ce qui amène Yannick Vicaire, du RES, à parler de « procrastination politique ». Alors que les critères de définition et une nouvelle stratégie communautaire auraient dû être publiés avant fin 2013, le calendrier reste encore incertain à ce jour.

D’abord, la Commission européenne est en train de finaliser la feuille de route pour l’étude d’impact sur les critères de définition des perturbateurs endocriniens, qui devrait, comme il est d’usage, envisager plusieurs options. Il y a un mois, la DG Env espérait pouvoir publier cette feuille de route avant fin février 2014 et entamer l’étude d’impact dans la foulée ; à la date du 25 février, votre rapporteur n’a pas obtenu de renseignement plus précis. La Commission européenne n’en est donc qu’au stade du travail préparatoire d’un processus qui prendra plusieurs mois.

La seule consultation publique – qui constitue l’un des volets de l’étude d’impact – durera trois mois. La DG Env se montre très prudente : elle se dit dans l’incapacité de s’engager sur une date.

Enfin, les consultations internes à la Commission européenne préalables à la rédaction de sa nouvelle communication stratégique étant encore en cours, la DG Env se dit, là encore, dans l’incapacité de prévoir quand le texte pourra être publié.

En dépit de la résolution du Parlement européen, le dossier des perturbateurs endocriniens s’est donc enlisé, au point que rien de concret ne sera acté avant les élections au Parlement européen – le scrutin aura lieu entre le 22 et le 25 mai 2014 selon les États membres – et le renouvellement de la Commission européenne qui s’en suivra. Pourtant, jusqu’à l’automne 2013, le commissaire chargé de l’environnement, Janez Potočnik espérait être en mesure de poser des actes concrets avant la fin de son mandat.

Les lobbies industriels résistants à la réglementation ont donc atteint leur meilleur objectif possible au vu du consensus scientifique récemment acté : reporter l’échéance au-delà d’un scrutin qui, espèrent-ils, verra se renforcer les effectifs des députés eurosceptiques, opposés par principe aux réglementations communautaires contraignantes.

Cette situation imposerait aux États membres de prendre de nouvelles clauses de sauvegarde, induisant une disharmonie de la protection sanitaire et environnementale au sein du marché intérieur. En outre, pour ce qui concerne la France, cette issue n’arrangerait pas les parties prenantes engagées dans l’élaboration de la SNPE, qui espèrent au contraire faire entrer les deux exercices en synergie.

Votre rapporteur propose donc, comme ligne de conduite pour l’Union européenne, d’être réaliste et de bien mesurer les conséquences économiques, mais de faire primer la vérité scientifique, dans l’intérêt des personnes, en tant que citoyens, consommateurs et contribuables.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 25 février 2014, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

La Présidente Danielle Auroi. Je suis très satisfaite que l’Assemblée nationale montre l’exemple sur ce sujet.

M. Joachim Pueyo. La conférence environnementale de 2012 a fait des perturbateurs endocriniens un chantier prioritaire mais les lobbies industriels ont entretenu des controverses pour gagner du temps. Le plan cancer rendu public le 4 février dernier fait également référence aux perturbateurs endocriniens. Il est temps de pousser les feux pour aboutir enfin à une stratégie.

Je suis favorable, pour ma part, à une réglementation transversale, gage d’efficacité, contrairement à une démarche au cas par cas.

Compte tenu de la prévalence élevée de certains cancers, vous soulevez là un problème de santé publique particulièrement aigu en France.

J’insiste sur l’importance d’informer l’ensemble de la population et pas seulement les publics vulnérables.

Est-il exact que la teneur en perturbateurs endocriniens des produits bios soit moins élevée, y compris dans le secteur des cosmétiques ?

Mme Chantal Guittet. Ne devient-on pas vulnérable aux perturbateurs endocriniens après y avoir été exposé ?

Les entreprises qui déversent des perturbateurs endocriniens dans la nature sont-elles soumises à une réglementation nationale ou européenne du type « pollueur-payeur » ?

Un laboratoire public européen est-il chargé d’établir la dangerosité des produits incriminés ? Je crains toujours que les structures privées soient influencées par les lobbies.

M. Gérard Bapt. Pour avoir assisté à plusieurs auditions, je ne doute pas que le rapport d’information contient une masse considérable d’informations actualisées.

Je m’interroge sur la rédaction du considérant suivant : « Considérant que l’application du principe de précaution, compte tenu des risques sanitaires et environnementaux encourus, s’impose en la matière, ». Est-elle adaptée à l’état de la réflexion scientifique ? Des lobbies, dont le seul objectif est de ralentir l’action publique, ne pourraient-ils pas prendre appui dessus ?

De même, la distinction entre substances avérées et suspectées ne conduira-t-elle pas à des traitements réglementaires différents ?

M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur. Le cas par cas n’est effectivement pas à la hauteur des enjeux, monsieur Pueyo ; toutes les personnes que j’ai auditionnées s’accordent sur ce point, industriels inclus. Pour être efficace, il convient d’adopter une démarche d’ensemble et de ne pas réglementer substance par substance, comme nous l’avons fait pour le bisphénol A, car il en existe des centaines considérées comme perturbatrices endocriniennes.

Il faut évidemment informer toutes la population mais aussi apposer, sur les étiquettes, des avertissements du style : « déconseillé aux femmes enceintes ».

La Commission européenne comme les organisations non gouvernementales internationales expriment des attentes vis-à-vis de la France ; elles espèrent que nous prendrons les devants et que nous montrerons l’exemple, avec un niveau d’exigence élevé. En effet, seuls notre pays, le Danemark et la Suède travaillent vraiment sur le sujet.

Si j’en crois les personnes que j’ai auditionnées, oui, les produits bios, dès lors qu’ils sont exempts d’additifs chimiques comme les parabènes, protègent des perturbateurs endocriniens.

Je signale au passage que l’enseigne Carrefour, qui se targue de supprimer les perturbateurs endocriniens dans les produits qu’elle vend sous sa propre marque, en a même fait une stratégie de communication commerciale, adossée sur un cahier des charges très exigeant. C’est dire si l’attente des consommateurs est réelle. La dénonciation des dangers par les consommateurs, ou « naming and shaming », permet aussi d’induire des changements de comportements.

La notion de « fenêtres de vulnérabilité » est vraiment un acquis de la science, madame Guittet. Il s’agit de périodes de développement hormonal particulières, en particulier la vie prénatale et l’adolescence.

Aucune réglementation du type « pollueur-payeur » ne vise les perturbateurs endocriniens en tant que tels.

Les laboratoires effectuant des tests doivent être soumis à des règles de déontologie et faire l’objet de contrôles, au niveau national comme européen.

Monsieur Bapt, l’application du principe de précaution et la distinction entre perturbateurs endocriniens avérés et suspectés font aussi l’objet d’un consensus scientifique. Une substance est suspectée dès lors qu’un effet est constaté in vitro, même s’il n’est pas vérifié par des tests sur des animaux ou une étude épidémiologique ; elle doit alors être intégrée dans la réglementation, non pas pour la prohiber d’emblée mais pour la faire entrer dans un processus d’évaluation.

La Commission a ensuite adopté, à l’unanimité, les conclusions ci-après.

CONCLUSIONS

La Commission,

Vu la résolution du Parlement européen du 14 mars 2013 sur la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens [procédure 2012/2066(INI), texte adopté T7-0091/2013],

Vu la directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail (sixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE du Conseil) (version codifiée),

Vu le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission,

Vu le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006,

Vu le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil,

Vu le règlement (CE) no 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques,

Vu le règlement (UE) no 10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires,

Vu la directive 2011/8/UE de la Commission du 28 janvier 2011 modifiant la directive 2002/72/CE en ce qui concerne la restriction de l’utilisation du bisphénol A dans les biberons en plastique pour nourrissons,

Vu le règlement (UE) no 528/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides,

Vu la décision no 1386/2013/UE du Parlement et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète »,

Vu le règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et abrogeant la décision no 1982/2006/CE,

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 17 décembre 1999 « Stratégie communautaire concernant les perturbateurs endocriniens – Une série de substances suspectées d’influer sur le système hormonal des hommes et des animaux » [COM(1999) 706],

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 14 juin 2001 sur la mise en œuvre de la stratégie communautaire concernant les perturbateurs endocriniens [COM(2001) 262],

Vu la communication de la Commission du 11 mars 2002 « S’adapter aux changements du travail et de la société : une nouvelle stratégie communautaire de santé et de sécurité 2002-2006 » [COM(2002) 118],

Vu le document de travail des services de la Commission du 28 octobre 2004 “Implementation of the Community Strategy for Endocrine Disrupters – a range of substances suspected of interfering with the hormone systems of humans and wildlife” [SEC(2004) 1372],

Vu le document de travail des services de la Commission du 30 novembre 2007 “Implementation of the Community Strategy for Endocrine Disrupters – a range of substances suspected of interfering with the hormone systems of humans and wildlife” [SEC(2007) 1635],

Vu le document de travail des services de la Commission du 10 août 2011 “4th Report on the implementation of the Community Strategy for Endocrine Disrupters – a range of substances suspected of interfering with the hormone systems of humans and wildlife” [SEC(2011) 1001],

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 septembre 2012 relatif aux dispositifs médicaux, et modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) no 178/2002 et le règlement (CE) no 1223/2009 [COM(2012) 542],

Considérant que le “State of the Art Assessment of Endocrine Disrupters, Final Report”, dit « rapport Kortenkamp », établit clairement la spécificité des perturbateurs endocriniens par rapport aux autres substances chimiques toxiques,

Considérant que les publics sensibles – femmes enceintes, jeunes enfants et adolescents – doivent tout particulièrement être sauvegardés des expositions aux perturbateurs endocriniens,

Considérant que les perturbateurs endocriniens font peser une menace non seulement pour l’ensemble de la population européenne mais également pour les générations futures,

Considérant que le coût humain lié aux pathologies environnementales et la charge financière qu’elles entraînent pour la collectivité appellent une réponse déterminée des pouvoirs publics européens,

Considérant que l’application du principe de précaution, compte tenu des risques sanitaires et environnementaux encourus, s’impose en la matière,

Considérant que l’innovation s’en trouvera stimulée, puisque cela incitera à la recherche et au développement de nouvelles substances inoffensives, susceptibles d’être substituées à celles présentant un danger,

Considérant qu’il convient de faire primer la vérité scientifique ainsi que l’intérêt des personnes, en tant que citoyens, consommateurs et contribuables, tout en s’efforçant de limiter l’impact socio-économique potentiel des mesures envisagées,

Considérant que la Commission européenne n’a pas respecté son obligation d’établir une définition des perturbateurs endocriniens avant fin 2013, en raison d’une controverse scientifique sur laquelle pèsent des soupçons de conflits d’intérêts,

Considérant que les mesures de sauvegarde nationales peuvent s’avérer nécessaire au cas par cas, pour encadrer certains usages de produits spécifiques, mais que seule une politique transversale sur les perturbateurs endocriniens, harmonisée à l’échelle du marché intérieur, serait à la hauteur des enjeux,

Considérant que le Parlement français, qui a suspendu la fabrication et l’utilisation des conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A, a la responsabilité de rester à l’avant-garde de la lutte contre les perturbateurs endocriniens,

1. Demande à la Commission européenne de publier sans délai une nouvelle communication stratégique d’ensemble sur les perturbateurs endocriniens ;

2. Juge indispensable que l’Union européenne se dote au plus vite d’une définition unique des perturbateurs endocriniens, fondée sur le critère de danger intrinsèque, incluant substances avérées et substances suspectées, afin d’en faire une classe distincte des autres produits chimiques toxiques ;

3. Préconise que le corpus législatif européen en matière de produits chimiques soit complété par un texte transversal, prenant appui sur ces critères de définition, en vue de réduire l’exposition des populations aux perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés, à travers :

a) l’interdiction des molécules incriminées :

– pour leurs usages susceptibles d’affecter les publics vulnérables ;

– pour leurs usages dispersifs ;

b) pour les autres usages, la suppression progressive desdites molécules en faveur d’alternatives plus sûres pour l’environnement et la santé humaine ;

c) la dépollution de l’environnement et la détoxification des populations ;

4. Ajoute que, dans l’attente de l’interdiction absolue d’un perturbateur endocrinien avéré ou suspecté, sa présence dans tout produit, article ou emballage doit être précisée par un avertissement sanitaire bien visible sur l’étiquette, mettant particulièrement en garde les publics sensibles ;

5. Souligne la nécessité d’accroître l’effort de recherche sur les perturbateurs endocriniens, en s’appuyant notamment sur le programme-cadre de recherche Horizon 2020, afin :

a) de mettre à niveau les tests et essais requis par les différentes réglementations pour permettre l’identification des perturbateurs endocriniens ;

b) de mieux comprendre les modes d’exposition aux perturbateurs endocriniens ;

c) de mieux établir leurs mécanismes d’action ;

d) d’entreprendre un programme ambitieux de biovigilance et de veille environnementale afin de soutenir des études épidémiologiques et de mesurer les progrès des politiques de réduction des expositions ;

e) de poursuivre l’évaluation des impacts sanitaires et environnementaux des perturbateurs endocriniens, ainsi que la mise en évidence de leur coût économique et social ;

6. Recommande d’améliorer l’information du public, particulièrement des populations vulnérables ;

7. Souhaite que la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres mettent sur pied des instruments de responsabilité élargie des producteurs et utilisateurs de perturbateurs endocriniens, afin de pénaliser la poursuite de leur usage, d’inciter à l’innovation et de financer des efforts collectifs de recherche et de développement ;

8. Invite les autres assemblées parlementaires nationales des États membres de l’Union européenne à s’exprimer sur le dossier des perturbateurs endocriniens afin d’exprimer les attentes des opinions publiques ;

9. Appelle le Gouvernement à adopter rapidement une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens et à s’assurer que celle-ci reflète un haut niveau d’exigence, afin que la France conserve son rôle moteur dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens.

BIBLIOGRAPHIE

Rapport institutionnel

Rapport de M. Gilbert Barbier, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) : « Les perturbateurs endocriniens, le temps de la précaution » (no 765 du 12 juillet 2011)

Expertises scientifiques

Expertise collective de l’Institut de la santé et de la recherche médicale (INSERM) : « Reproduction et environnement » (2011)

Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) relatif à une demande d’appui scientifique et technique concernant la stratégie européenne des perturbateurs endocriniens (7 novembre 2011, saisine no 2011-SA-0237)

Rapport à la direction générale Environnement de la Commission européenne : “State of the Art Assessment of Endocrine Disrupters, Final Report”, d’Andreas Kortenkamp, Olwenn Martin, Michael Faust, Richard Evans, Rebecca McKinlay, Frances Orton et Erika Rosivatz (contrat de projet no 070307/2009/550687/SER/D3, 23 décembre 2011)

Rapport scientifique et stratégique du groupe consultatif d’experts sur les perturbateurs endocriniens du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne : “Key scientific issues relevant to the identification and characterisation of endocrine disrupting substances”, de Sharon Munn et Marina Goumenou (2013)

Expertise du Comité scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en réponse à une question de la Commission européenne : “Scientific Opinion on the hazard assessment of endocrine disruptors : Scientific criteria for identification of endocrine disruptors and appropriateness of existing test methods for assessing effects mediated by these substances on human health and the environment” (28 février 2013, question no EFSA-Q-2012-00760)

Rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : “State of the science of endocrine disrupting chemicals – 2012”, d’Ake Bergman, Jerrold J. Heindel, Susan Jobling, Karen A. Kidd et R. Thomas Zoeller (2013)

Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) relatif à l’évaluation des risques du bisphénol A (BPA) pour la santé humaine et aux données toxicologiques et d’usage des bisphénols S, F, M, B, AP, AF, et BADGE (25 mars 2013, saisines no 2009-SA-0331 et 2010-SA-0197)

Essais

Le livre anti toxique – alimentation, cosmétiques, maison… d’Alain Chevallier (Fayard, 2013)

Toxique Planète : le scandale invisible des maladies chroniques d’André Cicolella (Anthropocène, 2013)

Articles de presse

« Comment l’environnement informe sur votre santé : les maladies région par région (cancer, diabète, AVC, infertilité…) » (Le Nouvel Observateur no 2552 du 3 au 9 octobre 2013)

« Alerte dans la salle de bain : les résultats complets sont consultables dans le magazine » (Que choisir no 513 d’avril 2013)

« Lingettes et laits de toilette : ne jouez plus avec la peau de bébé ! » (Que choisir no 519 de novembre 2013)

Publications militantes

Analyse de pesticides agricoles dans les cheveux (APACHE) : « Une enquête d’exposition aux pesticides chez les salariés agricoles et les riverains vivant au cœur des vignes du bordelais » (Générations futures, février 2013)

Étude sur la corrélation entre durcissement de la réglementation et l’innovation industrielle dans le secteur de la chimie : “Driving innovation : how stronger laws help bring safer chemicals to market” (Baskut Tuncak pour le Center for International Environmental Law, février 2013)

Enquête sur l’exposition aux pesticides perturbateurs endocriniens (EXPPERT I) : « Quelles expositions aux insecticides perturbateurs endocriniens au quotidien ? » (Générations futures, mars 2013)

Enquête l’exposition aux pesticides perturbateurs endocriniens (EXPPERT II) : « Des pesticides interdits et des perturbateurs endocriniens (PE) dans des fraises » (Générations futures, juin 2013)

Étude sur l’efficacité de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) pour identifier les perturbateurs endocriniens :“REACH registration and endocrine disrupting chemicals” (ClientEarth, juillet 2013)

Enquête sur les produits d’hygiène et de beauté : « Perturbateurs endocriniens : usages et conséquences » (Réseau environnement santé et Noteo, septembre 2013)

ANNEXES

ANNEXE NO 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Institutions européennes

Parlement européen

Mme Corinne LEPAGE, députée (ADLE, France)

Commission européenne

– Cabinet du président :

M. Didier SCHMITT, conseiller scientifique et coordinateur de la prospective auprès de la conseillère scientifique principale

M. Jan-Marco MÜLLER, assistant de la conseillère scientifique principale

– Direction générale de l’environnement (DG Env) :

Mme Cristina DE AVILA, adjointe au chef d’unité produits chimiques, biocides et nanomatériaux

M. Peter KORYTAR, chargé de mission sur les produits chimiques

M. Ludovic CHATELIN, chargé de mission sur les biocides

– Direction générale de la santé et des consommateurs (DG Sanco) :

Mme Laura FABRIZI, chargée de mission sur les produits chimiques, les contaminants et les pesticides

Administration française

Assemblée nationale

M. Gérard BAPT, député (SRC, Haute-Garonne), président du Groupe santé environnement (GSE)

Représentation permanente auprès de l’Union européenne

Mme Sandrine MÉNARD, conseillère chargée de l’automobile, des carburants, des substances chimiques et des programmes concernant l’économie verte

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

– Cabinet du ministre :

Mme Laurence TAVERNIER, conseillère parlementaire

Mme Diane SZYNKIER, conseillère chargée des risques technologiques et de la sûreté nucléaire, de l’économie circulaire et de la santé environnementale

Mme Mathilde ISLER, chargée de mission au pôle diplomatique

– Direction générale de la prévention des risques (DGPR) :

M. Vincent DESIGNOLLE, chef du bureau des substances et préparations chimiques

– Direction des affaires européennes et internationales (DAEI) :

M. Ludovic PAUL, chargé de mission sur les négociations européennes

Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

– Direction générale de l’alimentation

Mme Emmanuelle SOUBEYRAN, cheffe du service de la prévention des risques sanitaires de la production primaire

M. Éric ZUNINO, sous-directeur de la politique de l’alimentation

M. Joël FRANCART, adjoint au sous-directeur de la qualité et de la protection des végétaux

M. Frédéric BERTRAND, chef du bureau de la législation alimentaire

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

Mme Alima MARIE, directrice de l’information, de la communication et du dialogue avec la société

M. Jean-Nicolas ORMSBY, directeur adjoint santé-environnement

Société civile

Organisations non gouvernementales

– Center for International Environmental Law (CIEL) :

M. Baskut O. TUNCAK, avocat en titre

– Générations futures :

M. François VEILLERETTE, porte-parole

– Health & Environment Alliance (HEAL) :

Mme Lisette Van VLIET, conseillère politique senior chargée des produits chimiques et de la prévention des maladies chroniques

– Institut syndical européen (ISE) :

M. Tony MUZU, chercheur senior

– NOTEO :

M. Aurèle CLÉMENCIN, responsable scientifique santé

– Pesticide Action Network (PAN) :

M. Hans MUILERMAN, conseiller chargé des produits chimiques

– Réseau environnement santé (RES) :

M. André CICOLLELA, président

M. Yannick VICAIRE, chargé de mission

– Toxics Use Reduction Institute (TURI) de la University of Massachusetts Lowell :

Mme Rachel MASSEY, analyste et responsable de programme public

– UFC-Que choisir :

M. Olivier ANDRAULT, chargé de mission alimentation

Organisations professionnelles

– Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC)

Mme Maggie SAYKALI, directrice du plaidoyer pétrochimie

– Conseil européen des producteurs de plastiques et sous-traitants (ECPI) :

M. Stéphane CONTENT, responsable du bureau à Bruxelles

M. Nicholas SYNHAEVE, expert scientifique

– Union des industries de la protection des plantes (UIPP) :

Mme Eugénia POMMARET, directrice générale

M. Philippe MICHEL, responsable technique et réglementaire

Entreprises

– Groupe Carrefour :

M. Hervé GOMICHON, directeur qualité et développement durable

M. Lionel DESENCE, chef de groupe qualité et dossiers transversaux

Mme Géraldine ETCHEPARE, responsable études, innovation et affaires publiques

– Terumo BCT :

M. Nigel TALBOYS, directeur des affaires publiques et gouvernementales

M. Bruno BUGAT, responsable du suivi post-commercialisation

M. Erwann LEPAGE, consultant extérieur

Mme Salomé CHELLI, consultante extérieure

Scientifiques

M. Laurent CHEVALLIER, médecin consultant en nutrition, praticien hospitalier en médecine interne, chef de l’unité nutrition, médecine environnementale à la clinique du Parc de Castelnau Le Lez

M. Andreas KORTENKAMP, professeur en toxicologie humaine à en toxicologie humaine à l’Institut pour l’environnement de la Brunel University de Londres

Journaliste

Mme Stéphane HOREL, documentariste

ANNEXE NO 2 :
COURRIER DE M. JEAN-LOUIS ROUMÉGAS
À MME DANIELLE AUROI,
PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
(22 MAI 2013)

ANNEXE NO 3 :
RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
SUR LA PROTECTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE
CONTRE LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
(14 MARS 2013)

Le Parlement européen,

[…]

1. estime, en se fondant sur une évaluation d’ensemble des connaissances disponibles, que le principe de précaution commande, en application de l’article 192, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), que la Commission et les législateurs adoptent des mesures visant à réduire l’exposition humaine à court et à long termes aux perturbateurs endocriniens en multipliant, le cas échéant, les efforts de recherche destinés à améliorer l’état des connaissances scientifiques sur les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine ;

2. rappelle que le principe de précaution s’inscrit dans un environnement scientifique fait d’incertitudes, où le risque ne peut s’apprécier qu’au regard de connaissances fragmentaires, évolutives et non consensuelles, mais où il convient d’agir pour éviter ou réduire des conséquences potentiellement graves ou irréversibles pour la santé humaine et/ou l’environnement ;

3. estime qu’il convient de mettre en œuvre des mesures visant à protéger la santé humaine lorsqu’on peut raisonnablement supposer des effets préjudiciables imputables à des substances susceptibles de perturber le système endocrinien ; souligne en outre que, eu égard aux effets néfastes ou irréversibles que peuvent entraîner des substances ayant des propriétés de perturbateur endocrinien, l’absence de connaissances précises, notamment d’éléments établissant un lien incontestable de cause à effet, ne doit pas faire obstacle à des mesures de protection sanitaire prises en vertu du principe du précaution, sous réserve qu’elles respectent le principe de proportionnalité ;

4. estime qu’il est de la plus haute importance de protéger les femmes contre les risques potentiels que représentent les perturbateurs endocriniens pour leur santé reproductrice ; invite dès lors la Commission à accorder la priorité à des fonds de recherche visant à étudier les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé des femmes, et à soutenir des études à long terme surveillant la santé des femmes sur de grandes périodes de leur vie afin de permettre une évaluation, fondée sur des données probantes, des effets à long terme et intergénérationnels de l’exposition aux perturbateurs endocriniens ;

5. invite dès lors la Commission à présenter, dans les meilleurs délais, des propositions de critères généraux fondés sur la définition de perturbateurs endocriniens chimiques élaborée par le programme international sur la sécurité chimique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), assorties de normes d’essai et d’information applicables aux substances chimiques commerciales, ainsi qu’à introduire dans la législation de l’UE une définition claire des substances ayant des propriétés de perturbateur endocrinien ; estime qu’il convient de réfléchir à l’introduction dans la réglementation d’une classe de danger « perturbateur endocrinien », avec différentes catégories fondées sur le poids des éléments probants ;

6. souligne qu’il est important que le critère visant à déterminer les propriétés de perturbateur endocrinien se fonde sur une analyse globale des risques effectuée au regard des connaissances scientifiques actuelles en tenant compte de l’effet combiné éventuel des impacts à long terme et des effets enregistrés durant les fenêtres critiques de développement, sachant que cette analyse des risques devrait alors être intégrée dans les procédures d’évaluation et de gestion des risques prévues dans les diverses législations concernées ;

7. invite la Commission à adopter des mesures supplémentaires dans le domaine de la politique relative aux substances chimiques et à intensifier les travaux de recherche permettant d’évaluer à la fois les effets potentiels de perturbation endocrinienne des différentes substances chimiques et les effets cumulés de combinaisons définies de substances sur le système hormonal ;

8. estime que les critères de définition des perturbateurs endocriniens doivent reposer sur des éléments visant à définir l’« effet préjudiciable » et le « mécanisme d’action endocrinien », la définition de l’OMS/PISC constituant une base appropriée à cette fin ; est d’avis qu’il est nécessaire d’analyser et de mettre ces deux critères en balance afin d’effectuer une évaluation globale et que les effets observés doivent être considérés comme préjudiciables si des données scientifiques vont dans ce sens ; souligne que les éventuels effets combinés, tels que les mélanges ou les effets cocktail, doivent être pris en compte ;

9. souligne que les critères de définition des perturbateurs endocriniens doivent reposer sur des preuves scientifiques et horizontales ; estime qu’il convient de mettre en œuvre une approche fondée sur la force probante et qu’aucun critère ne doit à lui seul être considéré comme un critère d’exclusion ou de décision dans le cadre de l’identification d’un perturbateur endocrinien ; considère qu’il convient alors de procéder à une évaluation socioéconomique sur la base des dispositions législatives applicables ;

10. est en total désaccord avec les tentatives visant à introduire le critère d’« activité » en tant que seuil de définition des perturbateurs endocriniens, car cette approche limiterait indûment la définition des perturbateurs endocriniens, deviendrait scientifiquement infondée et ne concorderait pas avec la classification des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), qui est fondée sur des preuves solides ;

11. considère que toutes les données et informations scientifiques examinées, y compris une analyse de la documentation scientifique et des études ne respectant pas les bonnes pratiques de laboratoire, doivent être prises en considération, sur la base de leurs forces et de leurs insuffisances, afin d’évaluer si une substance présente des propriétés de perturbateur endocrinien ; estime qu’il est également important de tenir compte des méthodes modernes et des recherches récentes ;

12. invite la Commission à introduire dans toute la législation pertinente de l’UE des exigences appropriées en matière d’essais afin d’identifier les substances ayant des propriétés de perturbateur endocrinien ; estime qu’il convient de mettre en œuvre les méthodes d’essai récemment validées et reconnues sur le plan international que sont notamment celles définies par l’OCDE, par le laboratoire de référence de l’Union européenne CEVAM ou par le programme de dépistage des perturbateurs endocriniens de l’Agence américaine pour la protection de l’environnement ; prend acte que le programme de l’OCDE relatif aux méthodes d’essai concerne les hormones thyroïdiennes et sexuelles, ainsi que la stéroïdogenèse ; souligne toutefois qu’il n’existe pas de méthodes pour un grand nombre d’autres éléments du système endocrinien, tels que l’insuline et les hormones de croissance ; estime qu’il convient de développer des méthodes d’essai et d’élaborer des documents d’orientation visant à mieux prendre en considération les perturbateurs endocriniens, leurs éventuels effets à faible dose, les effets combinés et les relations dose-effet non monotones, en particulier en ce qui concerne les fenêtres critiques d’exposition pendant le développement ;

13. est d’avis qu’il convient de promouvoir l’élaboration de méthodes d’essai ne recourant pas aux animaux pour obtenir des données pertinentes en ce qui concerne la sécurité humaine et remplacer les essais sur les animaux actuellement utilisés ;

14. estime qu’il convient de promouvoir l’utilisation de méthodes d’essai et de stratégies d’évaluation des risques ne recourant pas aux animaux, qu’il y a lieu de réduire au minimum les essais sur les animaux et que les essais sur les vertébrés ne devraient avoir lieu qu’en dernier recours ; rappelle que, conformément à la directive 2010/63/UE, les expérimentations sur des vertébrés doivent être remplacées, limitées ou affinées ; invite donc la Commission à établir des règles qui évitent les essais faisant double emploi et qui garantissent l’interdiction d’essais et d’études répétés sur les vertébrés ;

15. invite la Commission et les États membres à créer des registres des troubles de la santé reproductrice afin de combler le manque actuel de données au niveau de l’Union européenne ;

16. invite la Commission et les États membres à produire des données fiables sur les effets socioéconomiques des maladies et des troubles hormonaux ;

17. considère que les organes décisionnels devraient pouvoir traiter des substances présentant des mécanismes d’action et des propriétés identiques par groupes s’ils disposent de données suffisantes, sachant qu’en l’absence de telles données il peut s’avérer utile de regrouper les substances au regard de l’analogie de leurs structures, afin notamment de hiérarchiser la priorité des essais futurs dans l’optique de protéger aussi rapidement et efficacement que possible la population contre les effets d’une exposition aux perturbateurs endocriniens tout en limitant le nombre d’expérimentations animales ; estime qu’il convient de regrouper les produits chimiques présentant des analogies de structure si le fabricant ou l’importateur n’est pas en mesure de prouver, à la satisfaction des organes décisionnels compétents, la sûreté d’un produit chimique ; fait observer que, en pareil cas, ces organes peuvent utiliser les informations concernant des produits chimiques de structure analogue pour compléter les données dont ils disposent sur le produit chimique donné qu’ils examinent, et ce afin d’arrêter les prochaines mesures à prendre ;

18. invite la Commission à réviser sa stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens, afin de protéger efficacement la santé humaine en insistant davantage sur le principe de précaution sans pour autant méconnaître le principe de proportionnalité, et à œuvrer, le cas échéant, pour une réduction de l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens ;

19. invite la Commission et les États membres à prendre davantage en compte le besoin des consommateurs de disposer d’informations fiables sur les dangers des perturbateurs endocriniens, leurs effets et la possibilité de s’en protéger, présentées dans un langage compréhensible et sous une forme appropriée ;

20. invite la Commission à présenter un calendrier précis pour l’application des futurs critères et des exigences modifiées en matière d’essais pour les perturbateurs endocriniens dans la législation applicable, y compris la révision de l’agrément des substances actives utilisées dans les pesticides et les biocides, ainsi qu’une feuille de route définissant des actions et des objectifs visant spécifiquement à réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens ;

21. considère que la base de données des substances à action hormonale, élaborée dans le cadre de la stratégie actuelle, doit être continuellement mise à jour ;

22. invite la Commission, dans le cadre de sa révision actuelle de la stratégie communautaire de 1999 concernant les perturbateurs endocriniens, à procéder à un examen systématique de l’ensemble des textes législatifs pertinents applicables et, si nécessaire, à modifier d’ici au 1er juin 2015 la législation en vigueur ou à présenter de nouvelles propositions législatives prévoyant notamment une évaluation des risques et des dangers, et ce afin de réduire, le cas échéant, l’exposition humaine, en particulier des groupes vulnérables que sont les femmes enceintes, les bébés, les enfants et les adolescents, aux perturbateurs endocriniens ;

23. demande à la Commission, dans le cadre de la future révision de la stratégie de l’UE concernant les perturbateurs endocriniens, de fixer un calendrier précis, incluant des étapes intermédiaires, pour :

– l’application des futurs critères d’indentification aux produits chimiques potentiellement perturbateurs endocriniens ;

– la révision des législations pertinentes visées au paragraphe 22 ;

– la publication d’une liste régulièrement mise à jour des perturbateurs endocriniens prioritaires, dont la première version devra être publiée avant le 20 décembre 2014 ;

– toutes actions nécessaires visant à réduire l’exposition de la population et de l’environnement de l’UE aux perturbateurs endocriniens ;

24. estime que les perturbateurs endocriniens doivent être considérés comme des substances particulièrement dangereuses au sens du règlement REACH ou comme telles dans le cadre d’une autre législation ;

25. souligne que la science ne constitue pas en l’état une base de réflexion suffisante pour fixer un seuil en dessous duquel des effets préjudiciables ne surviendraient pas et que les perturbateurs endocriniens doivent, dans ces conditions, être assimilés à des substances « dépourvues de seuil », sachant que toute exposition à ces substances peut alors constituer un risque, sauf si le fabricant est en mesure de démontrer scientifiquement l’existence d’un tel seuil, et ce en tenant compte tant de l’augmentation de la sensibilité durant les fenêtres critiques de développement que de l’effet des mélanges ;

26. invite la Commission à soutenir des efforts ciblés de recherche sur les substances susceptibles d’affecter le système endocrinien et à mettre en évidence les effets préjudiciables à faible dose et après exposition combinée, y compris l’élaboration de nouvelles méthodes d’essai et d’analyse, ainsi qu’à encourager une nouvelle approche fondée sur les voies de toxicité et les voies d’effets indésirables ; invite la Commission à faire figurer les perturbateurs endocriniens, leurs effets combinés et les sujets connexes dans les priorités du programme-cadre de recherche et de développement ;

27. invite la Commission à mettre au point des méthodes in vitro et in silico afin de réduire au minimum les essais sur les animaux pour le dépistage des perturbateurs endocriniens ;

28. invite la Commission à exiger que tous les produits importés de pays tiers respectent l’ensemble de la législation européenne actuelle et future en matière de perturbateurs endocriniens ;

29. invite la Commission à associer toutes les parties prenantes concernées aux efforts tendant à mettre en place les modifications législatives nécessaires à une meilleure protection de la santé humaine contre les substances chimiques ayant des propriétés de perturbateur endocrinien, ainsi qu’à concevoir des campagnes d’information ;

30. invite la Commission à envisager la possibilité de créer un centre de recherche sur les perturbateurs endocriniens, avec pour mission d’effectuer des recherches et de coordonner les connaissances sur les perturbateurs endocriniens au niveau de l’Union européenne ;

31. invite la Commission à veiller à ce que l’ensemble de la législation actuelle et future applicable dans ce domaine mette en œuvre, au niveau horizontal, les critères d’identification des perturbateurs endocriniens connus, probables et potentiels, afin d’atteindre un niveau élevé de protection ;

32. souligne que, bien que la présente résolution aborde uniquement la protection de la santé humaine contre les perturbateurs endocriniens, il importe tout autant de mener une action résolue pour protéger la vie sauvage et l’environnement contre ces derniers ;

33. demande instamment à la Commission de promouvoir et de financer des programmes visant à informer les citoyens des risques que les perturbateurs endocriniens font peser sur la santé, de sorte que les citoyens puissent, en toute connaissance de cause, adapter leurs habitudes de consommation et leur mode de vie ; souligne que les programmes d’information doivent particulièrement veiller à protéger les groupes les plus vulnérables (les femmes enceintes et les enfants) de manière à ce que des précautions soient prises en temps utile ;

34. invite les États membres à améliorer les programmes de formation des professionnels de la santé dans ce domaine ;

35. salue le fait que les perturbateurs endocriniens (PE) chimiques se soient invités dans les débats politiques récents s’inscrivant dans le cadre de l’approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (ASGIPC) ; invite la Commission et les États membres à soutenir ces activités de l’ASGIPC et à promouvoir des politiques actives visant à réduire l’exposition humaine et environnementale aux PE chimiques dans toutes les enceintes internationales concernées, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ;

36. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

ANNEXE NO 4 :
DOCUMENT DE CONSENSUS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
(24 OCTOBRE 2013)

ANNEXE NO 5 :
COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL
CHARGÉ D’ÉLABORER LA STRATÉGIE NATIONALE
SUR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
(DOCUMENT DE TRAVAIL DU 17 MAI 2013)

Parlementaires

M. Gérard BAPT, député de Haute-Garonne

Mme Chantal JOUANNO, sénatrice de Paris

Mme Corinne LEPAGE, députée européenne

Mme Michèle RIVASI, députée européenne

Personnalités qualifiées et représentants des organismes de recherche et d’expertise

M. Robert BAROUKI, Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVieSan)

M. Éric VINDIMIAN, Alliance nationale de recherche pour l’environnement (AllEnvi)

Mme Françoise THIBAULT, Alliance nationale des sciences humaines et sociales (ATHÉNA)

M. Rémy SLAMA et Mme Sylvaine CORDIER, Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE)

Mme Francelyne MARANO, présidente de la Société française de santé et environnement (SFSE)

M. Charles SULTAN, pédiatre, professeur en endocrinologie pédiatrique

M. Charles PERSOZ, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

M. Dominique GOMBERT et M. Jean-Nicolas ORMSBY, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

M. Philippe HUBERT, Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS)

M. Paul HOUETO, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

Mme Agnès LEFRANC, Institut de veille sanitaire (InVS)

Représentants d’associations de protection de l’environnement et de consommateurs

Mme José CAMBOU, Mme Sophie FLECKENSTEIN et M. Benoît HARTMANN, France nature environnement (FNE)

M. André CICOLELLA et M. Yannick VICAIRE, Réseau environnement santé (RES)

Mme Anne BARRE et Mme Élisabeth RUFFINENGO, Women in Europe for a Common Future (WECF)

Mme Nadine LAUVERJAT et M. François VEILLERETTE, Générations Futures

Mme Hélène ROCHE, World Wild Fund France (WWF)

M. Olivier ANDRAULT, Union fédérale des consommateurs (UFC-Que choisir)

M. Vincent PERROT, Consommation, logement et cadre de vie (CLCV)

Représentants des organisations professionnelles

M. Patrick LEVY, Mme Véronique EZRATTY et M. Thomas STROHEKER, Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

Mme Sonia BENACQUISTA et M. Rémi BARS, Union des industries chimiques (UIC)

Mme Françoise GORGA, Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

M. Marc MADEC, Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

M. Louis CAYEUX, Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

M. André BOUCHUT, Confédération paysanne

Administrations animatrices

Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Direction générale de la santé (DGS) du ministère des affaires sociales et de la santé

Autres administrations

Direction générale du travail (DGT) du ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt

Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) du ministère du redressement productif

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l’économie et des finances

ANNEXE NO 6 :
EXTRAITS DU PROJET DE STRATÉGIE NATIONALE
SUR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
(VERSION SOUMISE À CONSULTATION PUBLIQUE
LE 19 AOÛT 2013)

ANNEXE NO 7 :
ÉLÉMENTS POSSIBLES POUR DES CRITÈRES D’IDENTIFICATION DES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
(VERSION PROVISOIRE DU 19 FÉVRIER 2013)

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 “State of the science of endocrine disrupting chemicals – 2012”, d’Ake Bergman, Jerrold J. Heindel, Susan Jobling, Karen A. Kidd et R. Thomas Zoeller (2013, Programme des Nations unies pour l’environnement et Organisation mondiale de la santé).

3 Cf. la bibliographie en fin de rapport d’information.

4 Voir, sur ce sujet, le dossier du Nouvel Observateur du 3 au 9 octobre 2013 (no 2552) intitulé « Comment l’environnement informe sur votre santé : les maladies région par région (cancer, diabète, AVC, infertilité…) ».

5 Procédure 2012/2066(INI), texte adopté T7-0091/2013. Voir annexe no 3.

6 Voir, en annexe no 1, la liste des personnes auditionnées.

7 Voir, en annexe no 2, le courrier du 22 mai 2013 à Mme Danielle Auroi, présidente de la Commission des affaires européennes.

8 Ou, en anglais, Endocrine Disruptor.

9 Pour International Programme on Chemical Safety.

10 Pour European Food Safety Authority.

11 Pour Bundesinstitut für Risikobewertung.

12 Lire, à ce propos, l’expertise collective de l’Institut de la santé et de la recherche médicale (INSERM) : « Reproduction et environnement » (2011).

13 State of the Art Assessment of Endocrine Disrupters, Final Report (contrat de projet no 070307/2009/550687/SER/D3) d’Andreas Kortenkamp, Olwenn Martin, Michael Faust, Richard Evans, Rebecca McKinlay, Frances Orton et Erika Rosivatz.

14 Règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (Journal officiel de l’Union européenne L 396 du 30 décembre 2006).

15 Règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (Journal officiel de l’Union européenne L 309 du 24 novembre 2009).

16 Pour Plant Protection Products Regulation.

17 Règlement (CE) no 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques (Journal officiel de l’Union européenne L 342 du 22 décembre 2009).

18 Règlement (UE) no 528/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (alors en cours d’élaboration et publié au Journal officiel de l’Union européenne L 167 du 27 juin 2012).

19 Règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (Journal officiel de l’Union européenne L 353 du 31 décembre 2008).

20 “Key scientific issues relevant to the identification and characterisation of endocrine disrupting substances”, de Sharon Munn et Marina Goumenou.

21 “Scientific Opinion on the hazard assessment of endocrine disruptors : Scientific criteria for identification of endocrine disruptors and appropriateness of existing test methods for assessing effects mediated by these substances on human health and the environment (28 février 2013, question no EFSA-Q-2012-00760).

22 Voir le compte rendu ici : http://www.assemblee-nationale.fr/14/europe/c-rendus/c0080.asp#P17_675

23 “Scientifically unfounded precaution drives European Commission’s recommendations on EDC regulation, while defying common sense, well-established science, and risk assessment principles”, de Daniel R. Dietrich, Sonja von Aulock, Hans Marquardt, Bas Blaauboer, Wolfgang Dekant, James Kehrer, Jan Hengstler, Abby Collier, Gio Batta Gori, Olavi Pelkonen, Florian Lang, Frans P. Nijkamp, Kerstin Stemmer, Albert Li, Kai Savolainen, A. Wallace Hayes, Nigel Gooderham et Alan Harvey.

24 Voir annexe no 4.

25 Les résultats complets sont consultables dans le magazine Que choisir d’avril 2013 (no 513).

26 Les résultats complets sont consultables dans le magazine Que choisir de novembre 2013 (no 519).

27 Enquête EXPPERT I : « Quelles expositions aux insecticides perturbateurs endocriniens au quotidien ? » (mars 2013).

28 Enquête EXPPERT II : « Des pesticides interdits et des perturbateurs endocriniens (PE) dans des fraises » (juin 2013).

29 Perturbateurs endocriniens : usages et conséquences (13 septembre 2013).

30 À ce propos, lire « Le livre anti toxique – alimentation, cosmétiques, maison… » d’Alain Chevallier (Fayard, 2013).

31 Analyse APACHE : « Une enquête d’exposition aux pesticides chez les salariés agricoles et les riverains vivant au cœur des vignes du bordelais » (février 2013).

32 Directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail (sixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE du Conseil) (version codifiée) (Journal officiel de l’Union européenne L 229 du 29 juin 2004).

33 Communication de la Commission du 11 mars 2002 « S’adapter aux changements du travail et de la société : une nouvelle stratégie communautaire de santé et de sécurité 2002-2006 » [COM(2002) 118].

34 “Driving innovation : how stronger laws help bring safer chemicals to market”, de Baskut Tuncak (Center for International Environmental Law, février 2013).

35 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 septembre 2012 relatif aux dispositifs médicaux, et modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) no 178/2002 et le règlement (CE) no 1223/2009 [COM(2012) 542].

36 Pour European Blood Alliance.

37 Pour Toxics Use Reduction Act.

38 Pour Toxics Use Reduction Institute.

39 Données chiffrées ajustées pour tenir compte des changements de niveau de production.

40 Règlement (UE) no 10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires (Journal officiel de l’Union européenne L 12 du 15 janvier 2011).

41 Directive 2011/8/UE de la Commission du 28 janvier 2011 modifiant la directive 2002/72/CE en ce qui concerne la restriction de l’utilisation du bisphénol A dans les biberons en plastique pour nourrissons (Journal officiel de l’Union européenne L 26 du 29 janvier 2011).

42 Loi no 2012-1442 du 24 décembre 2012 (Journal officiel de la République française no 300 du 26 décembre 2012).

43 Loi no 2010-729 du 30 juin 2010 (Journal officiel de la République française no 1050 du 1er juillet 2010).

44 Proposition de loi de MM. Gérard Bapt et Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues visant à réduire l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, no 4434, déposée le 6 mars 2012 et renvoyée à la Commission des affaires sociales.

45 Avis de de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’évaluation des risques du bisphénol A (BPA) pour la santé humaine et aux données toxicologiques et d’usage des bisphénols S, F, M, B, AP, AF, et BADGE (25 mars 2013, saisines no 2009-SA-0331 et 2010-SA-0197).

46 Pour Kemikaleinspektionen.

47 Pour Food Contact Materials, Enzymes, Flavourings and Processing Aids.

48 www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/discours_ouverture_conf_environnementale_140912.pdf

49 www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Discours_cloture_PM_conf.pdf

50 Voir la liste complète en annexe no 5.

51 « Propositions pour une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ».

52 Groupe d’étude coprésidé par les députés Sophie Errante et Jean-Louis Roumégas.

53 Perturbateurs endocriniens : ni dans mon corps, ni dans mon assiette, ni dans l’environnement.

54 Adéquations, Agir pour l’environnement (APE), Appel de la jeunesse, Association ARBRE, Association toxicologie chimie (ATC), ATTAC, Au fil du Rhône, Collectif alternatives aux pesticides 66 (CAP 66), Collectif interassociatif sur la santé (CISS), Clinique Plein soleil, Centre national d’information indépendante sur les déchets (CNIID), Coordination nationale médicale santé environnement (CNMSE), Confédération paysanne, Centre de recherche et d’information indépendantes sur l’eau (CriiEAU), Comité pour le développement durable en santé (C2DS), Écolo crèche, Fédération des AMAP de Picardie (FAMAPP), Fédération d’actions régionales pour l’environnement – Sud (FARE-SUD), Fibromyalgie France, France nature environnement (FSE), Fondation sciences citoyennes (FSC), Groupement international d’études Transdisciplinaires (GIET), Health & Environment Alliance (HEAL), Informations pour la défense des animaux et de l’environnement (IDAE), Le Lien, Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), La Mutuelle familiale, Non au mercure dentaire (NaMd), Institut Noteo, Générations futures, Les Paniers marseillais, Réseau environnement santé (RES), Réseau régional des AMAP Alliance Provence, Santé environnement Rhône-Alpes (SERA), Slow Food France (SFF), SOS Hypersensibilité chimique multiple (SOS MCS), Veille au grain Bourgogne, Women in Europe for a Common Future France (WECF), World Wildlife Fund (WWF).

55 « Perturbateurs endocriniens : le temps de l’action ».

56 Voir, en annexe no 6, les objectifs stratégiques du rapport.

57 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 17 décembre 1999 « Stratégie communautaire concernant les perturbateurs endocriniens – Une série de substances suspectées d’influer sur le système hormonal des hommes et des animaux » [COM(1999) 706].

58 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 14 juin 2001 sur la mise en œuvre de la stratégie communautaire concernant les perturbateurs endocriniens [COM(2001) 262].

59 Commission staff working paper of 28 October 2004 on the implementation of the Community Strategy for Endocrine Disrupters – a range of substances suspected of interfering with the hormone systems of humans and wildlife [SEC(2004) 1372].

60 Commission staff working paper of 30.11.2007 on the implementation of the Community Strategy for Endocrine Disrupters – a range of substances suspected of interfering with the hormone systems of humans and wildlife [SEC(2007) 1635].

61 Commission staff working paper of 10.8.2011 “4th Report on the implementation of the Community Strategy for Endocrine Disrupters – a range of substances suspected of interfering with the hormone systems of humans and wildlife [SEC(2011) 1001].

62 Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à une demande d’appui scientifique et technique concernant la stratégie européenne des perturbateurs endocriniens (7 novembre 2011, saisine no 2011-SA-0237)

63 Pour Substance of Very High Concern.

64 Pour European Chemicals Agency.

65 Pour Risk Assessment Committee.

66 “REACH registration and endocrine disrupting chemicals”.

67 Décision no 1386/2013/UE du Parlement et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète » (Journal officiel de l’Union européenne L 354 du 28 décembre 2013). Voir le rapport d’information de M. Arnaud Leroy, déposé par la Commission des affaires européennes : « 7e PAE : Bien vivre, dans les limites de notre planète » (no 1010 du 24 avril 2013).

68 “Revised version of possible elements for criteria for identification of endocrine disruptors (clean version)”. Voir annexe n °7.

69 Règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et abrogeant la décision no 1982/2006/CE (Journal officiel de l’Union européenne L 347 du 20 décembre 2013).