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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2015
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
portant observations sur le projet de loi relatif au droit des étrangers (no 2183),
ET PRÉSENTÉ
par Mme MARIETTA KARAMANLI,
Députée
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La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.
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Pages
I. FAVORISER L’ACCUEIL, L’ACCOMPAGNEMENT ET LE PARCOURS D’INTÉGRATION DES ÉTRANGERS EN FRANCE 9
A. S’ASSURER DE L’INTÉGRATION EFFECTIVE DES PRIMO-ARRIVANTS PAR UN ACCUEIL ADAPTÉ, EN COHÉRENCE AVEC LES ORIENTATIONS POLITIQUES EUROPÉENNES 9
1. Le constat d’échec de l’actuel contrat d’accueil et d’intégration 9
2. Une révision nécessaire pour un accueil plus individualisé, aux exigences plus ambitieuses 10
a. L’instauration d’un contrat personnalisé, remplaçant l’actuel CAI 10
b. Un parcours individualisé exigeant, en lien étroit avec la délivrance du titre de séjour 11
3. Une refonte du dispositif d’accueil pourtant insuffisante, qui ne favorise toujours pas l’intégration, selon la Ligue des droits de l’Homme 12
B. FACILITER L’IMMIGRATION LÉGALE PAR LA MISE EN PLACE DE LA CARTE DE SÉJOUR PLURIANNUELLE ET LA TRANSPOSITION DES DISPOSITIONS EUROPÉENNES RELATIVES AU SÉJOUR TEMPORAIRE D’AGENTS ÉCONOMIQUES 12
1. La consécration de la carte de séjour pluriannuelle, pour un processus plus favorable à l’immigration 13
a. Un parcours d’intégration plus sécurisé pour l’étranger 13
b. Un dispositif encore fragile, souffrant de ses incohérences 13
2. L’aménagement de la durée de certaines cartes de séjour temporaires : faciliter l’exercice des activités professionnelles des étrangers 15
II. RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE : ATTIRER LES TALENTS ÉTRANGERS EN INTÉGRANT LES RÈGLES EUROPÉENNES 16
A. LA CRÉATION DU « PASSEPORT TALENT » 16
1. La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » 16
2. Le « passeport talent – famille » 17
3. Le « passeport talent » carte bleue européenne 17
B. UNE STRATÉGIE D’ATTRACTIVITÉ NATIONALE COMME EUROPÉENNE 18
C. SIMPLIFIER LE PARCOURS DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS SOUHAITANT ÉTUDIER EN FRANCE 19
1. La possibilité pour les étudiants de bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle 19
2. Au niveau européen, la volonté de faire de l’Europe un pôle d’attraction pour les étudiants et chercheurs étrangers 20
DEUXIÈME PARTIE 23
I. LES GRANDS PRINCIPES DE LA DIRECTIVE RETOUR 25
II. LES PRINCIPALES MESURES PROPOSÉES : DANS LE CADRE D’UNE TRANSPOSITION PLUS COMPLÈTE DE LA DIRECTIVE RETOUR, VISER LE RENFORCEMENT DU CARACTÈRE PRIORITAIRE DE L’ASSIGNATION À RÉSIDENCE ET ASSURER L’EFFECTIVITÉ DES DÉCISIONS D’ÉLOIGNEMENT 29
A. L’ASSIGNATION À RÉSIDENCE EST INSUFFISAMMENT MISE EN œUVRE 29
1. En cohérence avec le droit européen, renforcer le caractère prioritaire de l’assignation à résidence 29
2. Renforcer les outils à la disposition de l’administration pour assurer l’exécution effective des mesures d’éloignement dans le cadre de l’assignation à résidence 30
B. LE RÉGIME DE L’OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) 33
1. Préciser la portée européenne de l’OQTF 33
2. Les modifications apportées à la liste des motifs d’OQTF 34
3. Précisions sur le délai de départ volontaire 35
4. Le délai de recours contentieux en cas d’OQTF avec délai de départ volontaire 36
C. LES CONDITIONS DE MISE EN œUVRE DE L’INTERDICTION DE RETOUR 38
III. L’EXERCICE DU DROIT À LA LIBRE CIRCULATION POUR LES RESSORTISSANTS EUROPÉENS ET LES MEMBRES DE LEUR FAMILLE 40
CONCLUSION 43
TRAVAUX DE LA COMMISSION 45
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 47
Mesdames, Messieurs,
L’immigration irrégulière et l’immigration légale, sont des questions qui concernent tant les États membres que l’Union européenne (UE). Les dispositions des articles 77, 79 et 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) définissent la base juridique des textes européens adoptés relatifs aux questions d’immigration.
En matière d’immigration légale, la compétence des États membres est première, mais l’Union européenne a fixé des règles sur les conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories de personnes (2).
Le cadre juridique existant en matière d’accueil et d’intégration des étrangers en France est le résultat de dispositions législatives diverses, nationales ou européennes telles que la directive 2011/51/UE relative aux résidents de longue durée, la loi n°2005-35 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale portant création du Contrat d’Accueil et d’Intégration (CAI) ou encore la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration rendant obligatoire la signature du CAI par tout étranger sous certaines conditions. Il n’en demeure pas moins que le cadre juridique existant reste à améliorer, comme le démontre le rapport demandé par le ministre de l’Intérieur en février 2013. En effet, le rapport sur l’évaluation de la politique d’accueil des étrangers primo-arrivants, rédigé conjointement par l’Inspection Générale de l’Administration (IGA) et par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), auquel est venu s’ajouter le rapport de M. Fekl sur ce sujet (3), met en avant un certain nombre de dysfonctionnements, dont les suivants :
- le dispositif d’accueil ne permet pas de répondre aux attentes de la société en matière de connaissance des valeurs de la République ;
- le dispositif d’accueil ne répond qu’imparfaitement aux attentes des primo-arrivants ;
- le manque d’articulation entre la politique d’accueil et la politique d’intégration affecte la cohérence de l’ensemble ;
La comparaison faite avec les politiques menées par d’autres États de l’Union européenne montre des points positifs et met aussi en évidence des axes de progrès.
En dépit de ces difficultés, les rédacteurs du rapport relèvent la bonne identification et mise œuvre du contenu de l’accueil. Seuls les aspects pratiques de la politique concentrent la majorité des dysfonctionnements, sans pour autant nécessiter une remise en cause des orientations générales en la matière. Une réelle amélioration des dispositions actuelles est donc préférable à un changement radical de politique et de philosophie générale.
À cette fin le projet de loi, présenté par le ministre de l’Intérieur, relatif au droit des étrangers en France tente de pallier ces difficultés. Ce dernier fixe quatre priorités principales :
- le renforcement de l’exigence de connaissance de la langue française avec la volonté d’accompagner les migrants vers le niveau A2 au terme de cinq années sur le territoire français ;
- le choix d’une approche, aux contenus et modalités rénovés, plus concrète de l’organisation et du fonctionnement de la société française afin de faciliter la transmission des droits et devoirs de la République ;
- le choix d’une orientation et d’un accompagnement vers les services de droit commun facilités, dans une logique de meilleure articulation interministérielle ;
- le renforcement de l’articulation entre le dispositif d’accueil et de délivrance des titres de séjour.
Ces priorités s’articulent autour de deux grandes notions primordiales pour l’efficacité d’une politique migratoire, la cohérence du cadre juridique et l’intégration des étrangers en situation irrégulière. En effet, un droit trop complexe précarise la situation des étrangers, susceptibles de rencontrer des difficultés dans la compréhension, dans le respect de ce droit et donc dans la régularité de leur situation.
La réforme du droit des étrangers vise donc à renforcer la cohérence du cadre législatif existant dans le domaine de l’immigration légale ( première partie ), en favorisant les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers en situation régulière.
Conscient de l’opportunité que représente l’immigration légale pour notre pays, la réforme vise à renforcer l’attractivité de la France notamment par la création d’une carte de séjour propre aux talents internationaux. Le présent projet de loi propose également, par la création et le renforcement de mesures, une amélioration du cadre législatif en matière d’immigration irrégulière ( seconde partie ).
Il convient de noter que certains États de l’Union Européenne avec l’aide de collectivités territoriales et d’organismes dédiés ont pu mettre en place un accompagnement actif pendant plusieurs mois des familles primo arrivantes en vue de les aider dans leurs démarches, s’assurer de leur intégration par l’apprentissage de la langue et la connaissance du pays, l’acquisition de qualifications professionnelles et l’existence de relais et soutiens dans les communautés de proximité.
À ce titre le parcours d’intégration des étrangers tel qu’encadré par le droit ne peut être dissocié de la définition d’une stratégie nationale d’intégration des étrangers accueillis de façon plus ou moins longue sur son territoire qui en l’état n’existe que de façon embryonnaire.
En matière d’immigration irrégulière, le présent projet de loi vise essentiellement à assurer l’effectivité des mesures d’éloignement et à se conformer au droit européen applicable. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un projet de loi de transposition proprement dit, il comporte plusieurs dispositions tendant à mieux transposer la directive dite directive retour (4) et à faire usage des possibilités prévues par la directive relative à la libre circulation (5) des ressortissants européens et des membres de leur famille.
Ces mesures découlent pour la plupart des observations formulées par la Commission européenne dans le cadre des échanges qu’elle a eus avec les autorités françaises. Il convient toutefois de souligner que le droit français ne fait l’objet d’aucune procédure de la part de la Commission européenne.
Le présent rapport analyse les dispositions proposées pour donner à l’assignation à résidence un caractère prioritaire par rapport au placement en rétention, conformément à la directive retour. Des mesures de contrainte nouvelles sont proposées, afin d’assurer l’effectivité de l’éloignement dans le cadre de l’assignation à résidence.
Le rapport examine également les modifications apportées au cadre de l’OQTF au regard du droit européen.
Enfin, la création de l’interdiction de circulation pour les ressortissants européens et les membres de leur famille en cas d’abus de droit ou de menace particulière constitue le troisième ensemble de mesures détaillées.
A. S’ASSURER DE L’INTÉGRATION EFFECTIVE DES PRIMO-ARRIVANTS PAR UN ACCUEIL ADAPTÉ, EN COHÉRENCE AVEC LES ORIENTATIONS POLITIQUES EUROPÉENNES
En portant l’ambition d’améliorer l’accueil des migrants en situation régulière en France et de renforcer leur intégration dans la société française, ce projet s’inscrit dans la lignée de l’Agenda européen en matière de migration.
Si la compétence dans ce domaine relève toujours des États, l’intégration effective est un objectif partagé par la France et l’Union européenne. Cette dernière participe pleinement à cette intégration, notamment par son financement via différents fonds : le Fonds « Asile, migration et intégration » (FAMI), le Fonds social européen (FSE), et même le Fonds européen de développement régional (FEDER).
L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a rappelé dans un rapport, dont votre rapporteure était l’auteure, et une résolution adoptée en 2014 que « l’intégration des immigrés réguliers comme un processus à double sens d’inclusion dans les institutions et relations au sein de la société d’accueil, impliquant des droits et des responsabilités des deux côtés. Le marché du travail et les services sociaux, ainsi que l’éducation et la participation à la vie politique constituent les principaux domaines d’intégration. » (6)
En l’état actuel du droit français, la politique d’accueil française est mise en œuvre à travers le dispositif du contrat d’accueil et d’intégration ( CAI ). L’article L. 311-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit que l’étranger « s’oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin est établi, linguistique ». À ce titre, l’État, par l’intermédiaire de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, offre les prestations suivantes :
- une formation civique d’une journée comportant une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité ;
- une formation linguistique, en cas de besoin, pouvant aller jusqu’à 400 heures ;
- une session d’information sur la vie en France ;
- un bilan de compétences permettant à l’étranger signataire du CAI de connaître et valoriser ses expériences passées, ses compétences professionnelles ou son savoir-faire dans une recherche d’emploi ;
- un accompagnement social si la situation personnelle ou familiale du signataire le justifie.
Le respect du CAI est déterminant dans le processus d’intégration de l’étranger puisqu’il conditionne le renouvellement du titre de séjour par l’autorité administrative.
Le rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), présenté en octobre 2013 (7) dresse un constat plutôt négatif du contrat d’accueil et d’intégration ( CAI ), supposé préparer en douze mois l’intégration républicaine dans la société française des étrangers de plus de seize ans.
En effet, il s’avère que ce dispositif unique d’intégration est trop standardisé, incohérent, et n’offre pas des prestations adaptées aux étrangers primo-arrivants : une formation civique trop dense, dispensée en français, sans tenir compte du profil du migrant, une formation linguistique trop insuffisante pour permettre une réelle intégration, un accompagnement dans l’accès à l’emploi inefficace du fait d’un bilan de compétence inadapté, etc.
C’est pourquoi le projet de loi propose une refonte significative du système d’accueil et d’intégration.
Votre rapporteure se félicite de la volonté ou exprimée du projet de loi d’accompagner les étrangers dans un processus d’accueil constructif, qui favorisera leur intégration effective dans la société française. Cet objectif inscrit dans la feuille de route gouvernementale du 11 février 2014 relative à la politique d’égalité républicaine et d’intégration témoigne de la prise de conscience de l’importance de la phase d’accueil et d’accompagnement des étrangers.
L’une des mesures déterminantes en ce sens est le remplacement de l’article L.311-9 du CESEDA par les dispositions de l’article 1 du projet de loi, qui n’évoque plus le « contrat d’accueil et d’intégration » mais un « contrat personnalisé ».
Ce contrat personnalisé s’accompagne d’un ensemble de prestations étatiques, qui, selon votre rapporteure, sont plus propices à favoriser l’intégration. Ainsi, sont désormais prévus dans le projet de loi :
- une information sur la vie en France, accessible dès le pays d’origine, étant précisé dans l’étude d’impact que l’enseignement sera plus adapté aux migrants, et qu’il s’accompagnera au besoin d’une formation linguistique dès ce stade ;
- un entretien individualisé afin d’établir un diagnostic précis de la situation familiale et socio-professionnelle, qui permettra l’orientation vers les services de droit commun (école, formation professionnelle, services sociaux du Conseil général, etc.) ;
- des formations rénovées aux valeurs de la République ainsi qu’au fonctionnement de la société française, à travers une approche plus concrète et des exemples du quotidien ;
- une formation linguistique visant à acquérir un niveau suffisant de connaissance du français. Une évaluation du niveau de langue du primo-arrivant se fera au cas par cas afin de l’orienter vers la formation la plus adaptée pour lui.
Le parcours individualisé impose une forme d’investissement de la part de l’État, qui accompagne individuellement chaque ressortissant d’États tiers dans des conditions qui semblent optimales.
Mais une réelle intégration de l’étranger, ne serait se faire, il nous semble, sans un réel engagement de sa part. C’est pourquoi l’article 2 du projet de loi prévoit un niveau de langue plus exigeant, qui ne saurait être inférieur à celui fixé par le Conseil d’État (niveau A2 du cadre européen de référence pour les langues).
Cette exigence est érigée comme une condition indispensable à la délivrance de la carte de résident, aboutissement effectif de l’intégration.
Toutefois, si l’exigence du niveau de langue est un véritable instrument d’intégration, il faut veiller à ce qu’elle ne se transforme pas en obstacle pour les parents étrangers venant retrouver leur(s) enfant(s) français. Il conviendrait peut-être de réfléchir à des aménagements pour les situations dans lesquelles ces parents ont des difficultés à appréhender la langue française.
3. Une refonte du dispositif d’accueil pourtant insuffisante, qui ne favorise toujours pas l’intégration, selon la Ligue des droits de l’Homme
Au même titre que l’ont fait remarquer certaines associations (8), votre rapporteure s’interroge sur la forme même de l’accueil et de l’intégration des étrangers. Si le projet de loi pose un cadre plus cohérent, il n’en demeure pas moins que le contrat personnalisé reste une convention qui induit une relation forte entre le respect des obligations d’une part, et l’accès à une intégration stable d’autre part.
Alors que notre majorité critiquait sous le mandat précédent, l’ « inversion de la logique d’intégration » en ce sens où le cadre français ne garantit pas la stabilité du séjour avant de considérer l’intégration, il est à craindre que ce projet reste dans la même logique.
B. FACILITER L’IMMIGRATION LÉGALE PAR LA MISE EN PLACE DE LA CARTE DE SÉJOUR PLURIANNUELLE ET LA TRANSPOSITION DES DISPOSITIONS EUROPÉENNES RELATIVES AU SÉJOUR TEMPORAIRE D’AGENTS ÉCONOMIQUES
Le deuxième axe porté par ce projet de loi vise à encadrer les conditions d’exercice de l’immigration légale, de longue durée ou de courte durée.
Sur le premier point, votre rapporteure se félicite de l’ambition du projet de loi, qui consacre une promesse électorale de l’actuel Président de la République en mettant en place la carte de séjour pluriannuelle. Cette dernière tend à inverser le principe général de l’annualité des titres de séjour pour favoriser un parcours d’immigration cohérent et moins contraignant.
Le projet de loi ne néglige pas pour autant les séjours de plus courte durée, et vise à les simplifier.
Dès lors, la réforme du droit des étrangers semble avoir pour objectif, non seulement de construire un parcours d’intégration sécurisé, mais aussi, en reprenant les dispositions européennes, de réaffirmer l’hospitalité française envers les ressortissants qui apportent un avantage économique et de renforcer les mesures d’attractivité du territoire français.
1. La consécration de la carte de séjour pluriannuelle, pour un processus plus favorable à l’immigration
Votre rapporteure se réjouit de l’intégration dans le CESEDA d’une partie consacrée à la carte de séjour pluriannuelle. Il nous semble que la cohérence du projet de loi mérite ici d’être soulignée en ce qu’il ambitionne de mettre en place un processus d’accueil progressif, pour une intégration effective.
En effet, cette carte, subordonnée à l’obligation de séjourner sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour ou d’une carte de séjour temporaire (Article 4 du projet de loi), permet de sécuriser le processus d’intégration de l’étranger pour une période maximale de quatre ans (article 6 du projet de loi). La pluriannualité de l’acte suppose ainsi que l’étranger n’aura plus besoin de faire les démarches annuelles de renouvellement de son titre de séjour, et s’émancipera des contrôles contraignants inhérents à cette démarche. À cet apport certain s’ajoute l’effet bénéfique pour notre administration : le passage à la pluriannualité du titre de séjour permettra de mettre fin aux trop nombreux renouvellements annuels de carte de séjours temporaires qui engorgent l’administration nationale.
De plus, il est important de constater que la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle s’inscrit dans la progressivité et la cohérence du parcours entrepris par l’étranger.
Ainsi, l’article 11 propose d’insérer un article L. 313-17 dans le CESEDA qui disposera que l’étranger, au terme d’une première année de séjour régulier en France, pourra bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle, ou de son renouvellement, dès lors qu’il justifie de « son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’État dans le cadre du contrat personnalisé », et s’il continue à remplir les conditions de délivrance de sa carte de séjour temporaire.
Dès lors la carte de séjour pluriannuelle apparait à nos yeux, comme un vecteur d’intégration en ce qu’elle incite les étrangers à participer activement aux formations prescrites dans le contrat individualisé et qu’elle sanctionne leurs efforts par une forme de stabilité et de tranquillité.
Si les indices témoignant d’une réflexion sur l’accueil et l’intégration sont à souligner, nous pouvons cependant déplorer un grand nombre d’incohérences qui viennent affaiblir le système.
Tout d’abord, l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle ne protège pas l’étranger de contrôles pendant la période de validité de ce titre. En effet, l’article 8 du projet de loi prévoit l’ajout d’un article L. 313-5-1 dans le CESEDA fixant les modalités de contrôles pour s’assurer du maintien du droit au séjour du titulaire d’une carte de séjour pluriannuelle. Ce dernier doit pouvoir justifier à tout moment qu’il continue de satisfaire aux conditions fixées lors de la délivrance de sa carte. Ainsi, si le contrôle lié au renouvellement de la carte de séjour temporaire disparait, l’étranger n’échappe pas pour autant à la surveillance de l’administration, et pourra toujours se voir retirer son titre de séjour pluriannuel.
Il nous semble dès lors étonnant d’accorder toutes ces facilités à l’étranger, encourager son intégration, tout en lui imposant une forme de menace aléatoire de contrôle.
De plus, le projet de loi ne permet pas de mettre fin définitivement à la précarité des étrangers qui souhaitent séjourner durablement en France. En effet, la pluriannualité du titre ne garantit pas pour autant le passage automatique à une carte de résident. Nous pouvons ainsi déplorer que contrairement à la communication du ministre de l’Intérieur (9) et à ce que proposait le rapport Fekl, les conditions de délivrance de la carte de résident ne soient pas modifiées.
Enfin, le projet de loi ne prévoit pas un régime unique de carte de séjour pluriannuelle. Si les nouveaux articles L. 313-17, L. 313-18 et L. 313-19, du CESEDA prévoient un régime général avec une carte pluriannuelle valable quatre ans, votre rapporteure regrette l’existence de régimes dérogatoires selon les situations, comme le prévoit l’article 11 aux paragraphes 12 et suivants. Ainsi pour les conjoints-e-s de Français-e-s, les parents d’enfant français et les personnes ayant des liens personnels et familiaux en France, la carte pluriannuelle est valable deux ans. Pour les étudiants, la carte délivrée ne sera valable que pendant la durée de ses études. Pour les étrangers malades, elle durera pendant « la durée prévisible des soins ».
Si ces régimes dérogatoires trouvent certainement à se justifier au regard des motivations des étrangers visées, il n’empêche qu’ils complexifient le dispositif de la carte de séjour pluriannuelle, et fragilisent la cohérence du projet. Ces inquiétudes sont partagées par bon nombre d’associations (10) qui parlent même de « nouvelle usine à gaz », qui ne permet pas la rationalisation des démarches administratives et une réelle diminution du passage en préfecture.
Force est de constater, au regard des chiffres de l’OFII, qu’en 2014 la France a fait face à une grande diversité de situations. Ainsi, le pays a délivré 207 870 premiers permis de séjours, dont 92 365 pour raisons familiales, 62 200 dans le cadre d’études, 19 565 aux fins d’exercice d’une activité professionnelle, 20 360 pour des raisons humanitaires et 13 380 pour des raisons autres. Les primo-délivrances de titres ont augmenté de 1,9 % en 2014 par rapport à 2013. Face à cette grande diversité, il est très probable que l’inquiétude des associations quant à la complexité du dispositif se révèle fondée.
2. L’aménagement de la durée de certaines cartes de séjour temporaires : faciliter l’exercice des activités professionnelles des étrangers
Dans les cas où les cartes de séjour temporaires persistent, le projet de loi apporte une certaine souplesse pour favoriser la venue en France de ressortissants étrangers pour des séjours temporaires.
Ainsi, et votre rapporteure s’en félicite, l’article 9 du présent projet vise à simplifier les dispositions actuelles du CESEDA relatives au séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle (Article L. 313-10). Dans ce cadre, le projet avalise les cartes de séjour portant la mention « salarié », pour les contrats à durée indéterminée, et les cartes de séjours portant la mention « travailleur temporaire » pour ceux à durée déterminée. Il facilite également l’obtention de la carte mention « salarié » pour l’étudiant de niveau master qui présente un contrat de travail à l’expiration de sa carte mention « étudiant » et consacre la carte portant mention « entrepreneur-profession libérale », fusion de la carte de séjour délivrée aux étrangers exerçant une profession commerciale, artisanale ou industrielle avec celle délivrée aux travailleurs indépendants.
Ces titres, à mi-parcours entre la carte de séjour temporaire classique et la carte de séjour pluriannuelle, permettent aux étrangers en séjour temporaire de bénéficier d’une forme de stabilité et de sécurité. En effet, la carte s’adapte à la durée du contrat de travail, et les conditions de prolongations de la carte sont simplifiées.
De plus, le projet de loi intègre les dispositions contenues dans la directive relative aux « travailleurs saisonniers » (11) et la directive « transferts temporaires intragroupe » (12). Ces directives, adoptées respectivement le 26 avril et 13 mai 2014, transposables jusqu’au 30 septembre 2016, visent à faciliter l’exercice professionnel au sein des États membres de l’Union des travailleurs concernés (travailleurs peu qualifiés pour la directive « travailleurs saisonniers » et travailleurs très qualifiés pour ceux concernés par les « transferts temporaires intragroupe »).
Très active lors des négociations relatives à ces directives, la France se dote donc d’un cadre législatif favorable et attractif pour ces travailleurs étrangers. Ainsi l’article 11 dans sa sous-section 3 accorde dans l’article L. 313-23 du CESEDA une carte de séjour pluriannuelle d’une durée de trois ans, renouvelable, qui autorise l’activité professionnelle de l’étranger « travailleur saisonnier » résidant hors de France.
Des dispositions similaires sont prévues pour les « transferts temporaires intragroupe ».
Le deuxième objectif affiché de ce projet de loi est de « contribuer à l’attractivité de la France en créant une carte propre aux talents internationaux et en simplifiant le parcours des étudiants ».
II. RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE : ATTIRER LES TALENTS ÉTRANGERS EN INTÉGRANT LES RÈGLES EUROPÉENNES
Avec la création du « passeport talent », ce projet de loi rénove l’accueil des talents étrangers et répond à la difficulté actuelle d’un manque de cohérence entre les titres de séjour existants et les publics visés.
L’article 11 du projet de loi prévoit ainsi la création d’une carte de séjour pluriannuelle spécifique portant la mention « passeport talent » (13), destinée aux étrangers qui apportent une contribution au développement et au rayonnement de la France. Elle remplace la carte de séjour « compétences et talents » qui avait été instituée en 2006.
La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » est le principal instrument du projet de loi en faveur d’une plus grande attractivité de la France. D’une durée maximale de quatre ans, renouvelable, elle est délivrée dès la première admission au séjour (14). Elle fait donc, sur ce point, exception à la carte de séjour pluriannuelle générale et facilite le séjour du public concerné, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Dans le régime actuel, la multitude de titres de séjour relatifs à l’attractivité du territoire est un frein au développement de l’immigration professionnelle des publics que la France souhaite attirer. Votre rapporteure se félicite que cet ensemble hétérogène soit remplacé par une carte unique qui fusionne des catégories de titres de séjour existantes dans le CESEDA (15), modifie les conditions de délivrance de certaines autres catégories (16) et crée trois nouveaux motifs de séjour (17).
La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » concerne donc neuf catégories distinctes :
- jeune diplômé qualifié,
- travailleur hautement qualifié (carte bleue européenne),
- salarié en mission,
- chercheur,
- créateur d’entreprise,
- investisseur,
- mandataire social,
- artiste,
- étranger ayant une renommée internationale dans un domaine scientifique, littéraire intellectuel, éducatif et sportif.
La stratégie d’attractivité qui est adoptée consiste à fluidifier les contraintes administratives d’entrée et de séjour des catégories d’étrangers que la France souhaite attirer. Cette nouvelle carte, qui regroupe tous les publics concernés, devrait donc apporter plus de visibilité et améliorer la promotion de la France à l’étranger.
L’article 11 prévoit également la création du « passeport talent – famille » pour les membres de la famille (conjoint et enfants mineurs) du bénéficiaire de la carte « passeport talent ». Sa durée est égale à la période de validité restant à courir de la carte de séjour de leur conjoint ou parent. Elle donne droit à l’exercice d’une activité professionnelle.
Le but est, là encore, d’attirer les talents étrangers puisque ce « passeport talent – famille » est un dispositif dérogatoire au regroupement familial.
Une catégorie spécifique de la carte « passeport talent » est dédiée à la « carte bleue européenne », mise en place à l’échelle de l’Union européenne par une directive du Conseil du 25 mai 2009 (18). Celle-ci a pour but de faciliter l’admission des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié en harmonisant les conditions d’entrée et de séjour dans l’Union européenne et en simplifiant les procédures d’admission.
L’article 11 du projet de loi prévoit que la carte « passeport talent » peut être délivrée à « l’étranger qui occupe un emploi hautement qualifié, pour une durée égale ou supérieure à un an, et justifie d’un diplôme sanctionnant au moins trois années d’études supérieures ou d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable ». Pour cette catégorie, la carte de séjour « passeport talent » porte la mention « carte bleue européenne ». Cette carte spécifique a une durée de validité différente de la carte « passeport talent » puisqu’elle a une durée égale à celle figurant sur le contrat de travail.
La stratégie d’attractivité de la France, mise en œuvre dans ce projet de loi, s’inscrit dans une volonté plus globale, à l’échelle de l’Union européenne, d’attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée.
La crise des migrants en Méditerranée a révélé les besoins immédiats mais a aussi mis en évidence les limites structurelles de la politique migratoire de l’Union et des instruments dont cette dernière dispose. Dans son Agenda européen en matière de migration, la Commission européenne prévoit une refonte de sa politique d’immigration légale et a lancé, pour cela, une consultation publique sur la directive « carte bleue européenne ».
En matière de migration légale, il convient de rappeler que l’Europe rivalise avec d’autres économies pour attirer les travailleurs possédant les compétences dont elle a besoin. C’est pour cette raison que l’Union européenne se doit de mettre en place, à l’échelle européenne, un régime attrayant pour les ressortissants de pays tiers hautement qualifiés.
La directive « carte bleue » prévoit déjà un tel régime mais celui-ci est sous-utilisé. La consultation publique lancée par la Commission, ouverte jusqu’au 21 août 2015 a pour objectif d’améliorer les politiques de l’Union européenne en matière de migration de la main d’œuvre qualifiée et permettra, à terme, de réviser la directive « carte bleue européenne ». Il s’agit de susciter un débat et de recueillir un retour d’information sur des questions essentielles se rapportant à l’amélioration de l’attractivité de l’Union européenne, à l’amélioration de la directive, à l’aide qui peut être apportée aux entreprises pour recruter des talents, etc.
La directive « carte bleue européenne », dans sa version actuelle, souffre d’une transposition aléatoire dans les différents États membres. En plus des clauses d’exception pour le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, seuls quatre pays ont respecté les délais de transposition imposés par les institutions européenne. Ce manque d’engagement a fait l’objet de différents rappels de la part de la Commission européenne, notamment dans sa communication du 24 mai 2011 (19).
Au-delà du problème des délais de transposition de la directive, on constate un engouement différencié pour la carte bleue européenne selon les États membres. Ainsi, en 2013, l’Allemagne a octroyé environ 93 % du total des cartes bleues délivrées dans l’Union, avec 11 580 cartes. Cette même année, la France en a délivré seulement 371, l’Espagne 313, le Luxembourg 236. D’autres pays, comme la Hongrie, Malte, les Pays-Bas ou encore la Suède, en ont accordées chacun moins de cinq.
Un tel écart dans l’utilisation de ce dispositif s’explique souvent par un ensemble de données objectives, comme l’attractivité des territoires, la taille des États membres, la situation économique du pays et notamment du marché du travail, etc.
Cependant, ces écarts dans l’utilisation de la carte bleue européenne peuvent également être dus aux choix politiques opérés par les États. En ce qui concerne la France, par exemple, le peu de cartes bleues distribuées est probablement dû au cumul de ce dispositif avec les dispositifs nationaux en faveur des migrants hautement qualifiés, comme la carte de séjour « compétences et talents » ou la carte de séjour temporaire « salarié et travailleur temporaire ».
L’existence de dispositifs nationaux similaires à la carte bleue européenne, en France mais également dans d’autres États membres, et la possible concurrence entre ces mécanismes, peut expliquer la faible délivrance de la carte bleue européenne dans la plupart des États membres.
Il convient, ici, de rappeler que notre commission a, à plusieurs reprises, rappelé que « dans un contexte de crise économique qui a durement frappé l’Europe, et alors que les tensions liées à la xénophobie sont plus manifestes, une vigilance toute particulière doit être portée à réguler activement l’immigration économique, les mesures utiles sortant du seul champ de la mobilité des personnes et touchant des sujets aussi divers que la concurrence des salaires au sein des pays de l’Union ou les politiques de coopération de celle-ci avec les pays tiers d’où vient principalement la main d’œuvre. »
Dans sa démarche pour faire de la France un pays plus attractif pour les étrangers susceptibles de contribuer au développement et au rayonnement du pays, ce projet de loi cherche également à attirer les étudiants, notamment les plus qualifiés d’entre eux.
Votre rapporteure se félicite de la possibilité désormais offerte aux étudiants de bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle. Cette initiative donne aux étrangers une certaine stabilité dans leur séjour, et est d’autant plus importante lorsqu’elle bénéficie à des étudiants qui, la plupart du temps, suivent un cursus de deux ans ou plus. La carte pluriannuelle évite ainsi aux étudiants de se heurter à des obstacles administratifs lourds et complexes.
Cependant, comme le soulignent certaines associations (20), il est regrettable que la durée de validité de la carte pluriannuelle soit modulable en fonction de la catégorie juridique de son détenteur. C’est ainsi que pour les étudiants, la validité de la carte de séjour n’est pas de quatre ans mais correspond à la durée « restant à courir du cycle d’études dans lequel est inscrit l’étudiant » (21).
La carte pluriannuelle est délivrée aux étudiants sous réserve du caractère réel et sérieux des études. Le projet de loi ne prévoit pas plus de précisions sur ce sujet, laissant ainsi en suspens la question de savoir si la carte est subordonnée, ou non, à la réussite aux examens durant l’année scolaire.
2. Au niveau européen, la volonté de faire de l’Europe un pôle d’attraction pour les étudiants et chercheurs étrangers
La Commission européenne affiche, depuis plusieurs années déjà, sa volonté d’attirer des étudiants et chercheurs talentueux originaires de pays tiers, capables de contribuer, par leurs connaissances et compétences, à la croissance et à la compétitivité de l’UE.
Elle a proposé, le 25 mars 2013, une directive relative aux « étudiants, chercheurs et autres » qui vise à fusionner et refondre deux textes antérieurs : la directive « étudiants » (22) et la directive « chercheurs » (23). Elle fait encore aujourd’hui l’objet de négociations à Bruxelles par le biais de trilogues.
La directive définit les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire des États membres, pour une durée supérieure à trois mois, des chercheurs, étudiants, élèves et stagiaires (rémunérés ou non), volontaires et personnes au pair, qui sont ressortissants de pays tiers et met en place un système de mobilité intra-européenne qu’elle veut plus efficient, en particulier pour les besoins d’études ou de recherches.
Elle met également en place un régime souple d’admission au séjour, d’accès au marché du travail et de mobilité pour les membres de la famille accompagnant le chercheur, toujours dans une logique de renforcement de l’attractivité pour des publics hautement qualifiés.
S’agissant de la position de la France, celle-ci souhaite que le dispositif mis en place par la directive soit adapté aux besoins des catégories visées et suffisamment souple pour leur permettre une mobilité effective, conforme à la réalité des mouvements intra-européens. Cette mobilité intra-Union européenne devra être encadrée par des accords entre les établissements d’accueil ou des programmes de l’Union, afin de limiter les risques d’abus ou de fraudes qui pourraient survenir.
Simultanément, la France défend des dispositions permettant des gains de compétitivité réels pour l’ensemble des États membres, tout en leur permettant de maintenir des procédures de contrôle s’agissant notamment de l’accueil des chercheurs étrangers.
Les travaux de la commission des Affaires européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière ont été denses ces derniers mois, compte tenu de l’acuité et de la complexité des questions soulevées, notamment en Méditerranée où les drames humains sont devenus quotidiens.
Il convient en premier lieu de renvoyer au rapport no 2579 du 11 février 2015, présenté par votre rapporteure ainsi que par M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur, sur les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière au regard des migrations en Méditerranée. Ce rapport, portant sur les questions d’immigration irrégulière, était accompagné d’une proposition de résolution, adoptée à l’unanimité par la commission des affaires européennes le 11 février 2015, et devenue depuis définitive (résolution no 499 du 28 mars 2015 appelant à un renforcement des politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, particulièrement en Méditerranée). La résolution est reproduite dans l’encadré ci-après.
Résolution no 499 du 28 mars 2015 appelant à un renforcement des politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière,
particulièrement en Méditerranée
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 77 à 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la communication de la Commission européenne, du 4 décembre 2013, au Parlement européen et au Conseil sur les travaux de la task-force pour la Méditerranée (COM[2013] 869 final),
Vu les conclusions du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice,
Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne Justice et affaires intérieures du 10 octobre 2014 : « Prendre des mesures en vue de mieux gérer les flux migratoires »,
Vu la résolution du Parlement européen, du 17 décembre 2014, sur la situation en Méditerranée et sur la nécessité d’une approche globale de la question des migrations de la part de l’Union européenne (2014/2907[RSP]),
1. Rappelle l’indignation suscitée par les tragédies répétées ces dernières années en mer Méditerranée et souligne que cette voie migratoire est devenue la plus dangereuse au monde pour les migrants ;
2. Souligne que la lutte contre l’immigration irrégulière menée par l’Union européenne et les États membres doit garantir le plein respect des droits fondamentaux des migrants ;
3. Insiste sur le nécessaire respect des droits des demandeurs d’asile faisant partie des flux mixtes de migrants arrivant aux frontières extérieures de l’Union européenne, notamment au regard du principe de non-refoulement interdisant toute mesure qui aurait pour effet de renvoyer un demandeur d’asile ou un réfugié vers des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée, et souhaite que la transposition rapide de l’ensemble des textes adoptés au niveau européen en matière d’asile constitue une priorité dans le cadre de la mise en œuvre d’un véritable régime d’asile européen commun ;
4. Souligne qu’un processus plus ambitieux de réinstallation dans les États membres de l’Union de réfugiés qui ne peuvent demeurer dans l’État tiers dans lequel leur statut de réfugié a été reconnu par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés constituerait une manière efficace d’éviter que des demandeurs d’asile ne s’engagent dans des traversées périlleuses ;
5. Rappelle que les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière doivent être fondées à la fois sur la responsabilité et la solidarité : responsabilité qui incombe aux États membres dans le contrôle de leurs frontières extérieures et indispensable solidarité de tous les États membres de l’Union, qu’ils soient ou non directement exposés à l’afflux d’immigrants en situation irrégulière ;
6. Souligne que l’opération Mare Nostrum a permis de sauver un très grand nombre de vies et regrette le manque de coordination au niveau européen pour la mise en œuvre de cette opération ;
7. Juge que les politiques de l’Union en matière de lutte contre l’immigration irrégulière demeurent à ce jour beaucoup trop fragmentées et très peu coordonnées ;
8. Estime nécessaire de s’attaquer aux causes profondes des migrations irrégulières, notamment par une intensification de la coopération avec les pays tiers d’origine et de transit, et souhaite, dans cet objectif, la recherche des synergies possibles entre la politique étrangère et de sécurité commune et la politique en matière de justice et d’affaires intérieures ; souligne la contribution que les États membres peuvent apporter dans le cadre d’accords bilatéraux ;
9. Considère que les travaux entrepris dans le cadre de l’approche globale pour la question des migrations et de la mobilité doivent être renforcés sur des priorités mieux définies ;
10. Juge que les mesures incitatives au règlement des questions soulevées par l’immigration irrégulière, à destination des pays d’origine et de transit, devraient être diversifiées et que les enjeux liés aux questions migratoires devraient être mieux pris en compte dans le cadre des autres politiques menées par l’Union européenne qui peuvent avoir un impact sur ces questions ;
11. Appelle à intensifier et à fixer comme priorité la lutte contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, demande que des mesures soient prises à l’encontre des personnes qui leur procurent des navires, estime que le rôle d’Europol devrait être renforcé par une meilleure transmission d’informations de la part des États membres et demande que l’accord de travail entre Europol et Frontex sur le traitement des données à caractère personnel soit rapidement mis en œuvre ;
12. Regrette le caractère trop tardif des transmissions d’informations dans le cadre du dispositif Eurosur et la perte de capacité de réaction qui en découle ;
13. Demande un renforcement très significatif des moyens de l’agence Frontex et de ceux mis à la disposition des États membres les plus concernés ; rappelle son soutien, à moyen terme, à la création d’un corps européen de gardes-frontières ;
14. Prend acte du projet pilote relatif au paquet législatif sur les frontières intelligentes, tendant à la création d’un système pour l’enregistrement des entrées et sorties des ressortissants de pays tiers et d’un programme d’enregistrement des voyageurs, qui devrait aboutir au dépôt de nouvelles propositions de textes par la Commission européenne ;
15. Rappelle, en matière de retour, l’importance de la conclusion des accords de réadmission et de leur mise en œuvre concrète, bien que de tels accords ne constituent pas toujours une mesure suffisante pour assurer l’efficacité des procédures de retour, et demeure attentive aux travaux entrepris avec les pays moins coopératifs ;
16. Estime que la régulation européenne de l’immigration régulière pour des motifs économiques doit être plus active et être traitée en tenant compte de l’ensemble de ses implications économiques et sociales, tant dans sa dimension interne pour l’Union européenne qu’en matière de coopération avec les États d’origine des migrants ;
17. Souhaite que le rapport annuel du Gouvernement au Parlement, établi en application de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, « Les étrangers en France », s’attache à éclairer le plus possible les enjeux liés aux politiques européennes en matière de migrations et à la participation française à ces politiques ;
18. Examinera avec intérêt le nouveau programme pour les migrations annoncé par M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dans ses lignes directrices : « Un nouveau départ pour l’Europe : mon programme pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement démocratique ».
Il convient en second lieu de rappeler que, dans sa communication sur le programme européen en matière de migration présentée le 3 juin 2015 devant la commission des affaires européennes, votre rapporteure a analysé l’agenda européen en matière de migration présenté par la Commission européenne (COM(2015) 240 final) ainsi que le plan d’action de l’UE contre le trafic de migrants (2015 - 2020) du 27 mai 2015 (COM(2015) 285 final).
Depuis, l’opération navale « EUNAVFOR MED », visant à lutter contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, a été lancée par le Conseil Affaires étrangères le 22 juin 2015. La première phase de l’opération a pour objectifs la détection et la surveillance des réseaux grâce à la collecte d’informations et à l’organisation de patrouilles en haute-mer.
Le présent projet de loi vise essentiellement, s’agissant des instruments européens de lutte contre l’immigration irrégulière, à mieux transposer la directive dite directive retour en assurant le respect des principes directeurs de la directive, tels que la priorité donnée au retour volontaire, à l’assignation à résidence par rapport à la rétention qui doit demeurer l’exception, et la nécessité d’assurer le caractère effectif des mesures d’éloignement prononcées.
Il comporte également des dispositions relatives à la lutte contre les comportements constituant une menace à la sécurité ou à l’ordre public et les abus de droit, s’agissant des ressortissants européens et des membres de leur famille jouissant du droit à la libre circulation au sein de l’Union.
Votre rapporteure a souhaité logiquement concentrer ses observations sur les articles du projet de loi présentant un lien direct avec le droit européen.
La lutte contre l’immigration irrégulière constitue un élément majeur du droit des étrangers, en ce qu’elle doit garantir la crédibilité et la pérennité du droit applicable aux étrangers en matière d’entrée et de séjour en France.
Cette politique ne se définit plus au seul plan national mais relève toujours davantage d’enjeux européens, l’actualité récente en apporte la démonstration.
Le projet de loi propose plusieurs mesures tendant à transposer au mieux la directive retour, compte tenu des observations formulées par la Commission européenne (24) et des réalités concrètes, opérationnelles et contentieuses, de l’éloignement.
La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive retour, constitue un jalon essentiel dans la politique européenne en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
Les États membres doivent prendre une décision de retour à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, dans le cadre d’une procédure équitable et transparente. La légitimité de la pratique du retour par les États membres est reconnue à condition que soient en place des régimes d’asile justes et efficaces qui respectent pleinement le principe du non-refoulement (considérant 8). Si le ressortissant d’un pays tiers est titulaire d’un titre de séjour valable ou d’un document équivalent délivré par un autre État membre, il ou elle doit immédiatement retourner dans cet État membre. Pour des motifs humanitaires ou autres, un État membre peut accorder un titre de séjour autonome ou un droit de séjour équivalent à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier. Les États membres ne doivent pas prendre de décisions de retour tant que les procédures de renouvellement des titres de séjour ne sont pas achevées.
La priorité doit être donnée au retour volontaire dès lors qu’il n’y a pas lieu de croire que « l’effet utile de la directive s’en trouve compromis » (considérant 10).
La décision de retour doit prévoir un délai de sept à trente jours pour le départ volontaire du ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier. Les États membres peuvent également imposer certaines obligations au ressortissant d’un pays tiers pendant ce délai afin de l’empêcher de prendre la fuite. S’il existe un risque de fuite, si une demande frauduleuse a été déposée ou si le ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier constitue un danger pour la sécurité publique ou nationale, l’État membre peut accorder un délai de départ volontaire plus court ou n’accorder aucun délai.
Si aucun délai n’a été accordé ou si le ressortissant d’un pays tiers n’a pas respecté la décision de retour dans le délai accordé, l’État membre doit procéder à son éloignement. Des mesures coercitives proportionnées et usant de la force uniquement dans les limites du raisonnable ne peuvent être utilisées qu’en dernière instance pour procéder à l’éloignement de ressortissants de pays tiers.
La directive a créé l’interdiction d’entrée sur le territoire européen, conférant une dimension européenne aux effets des mesures nationales. Une décision de retour peut être complétée d’une interdiction d’entrée. Toutefois, une interdiction d’entrée doit être émise si aucun délai de départ volontaire n’est accordé ou si le ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier n’a pas respecté la décision de retour. La durée de l’interdiction d’entrée doit être fixée au cas par cas en tenant compte des circonstances propres à la personne concernée. Il convient de noter qu’en droit français, l’interdiction d’entrée, telle qu’elle est définie par la directive, a été dénommée interdiction de retour.
Lorsque des mesures moins coercitives s’avèrent insuffisantes, les États membres peuvent placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers pendant la procédure de retour s’il risque de fuir, ou s’il évite ou empêche la préparation du retour ou le processus d’éloignement. La période de rétention doit être aussi courte que possible et ne peut pas dépasser six mois. C’est notamment sur cette durée de rétention que se sont focalisés les débats au cours de la négociation de la directive. Dans des cas particuliers uniquement, lorsque l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers risque de dépasser le délai fixé, les États membres peuvent prolonger la rétention pour une durée maximale de 12 mois.
Comme votre rapporteure le précisait dans sa communication du 18 juillet 2012 relative aux jurisprudences européenne et française en matière de garde à vue des étrangers mis en cause pour entrée ou séjour irrégulier :
« L’esprit qui préside à la directive dite « directive retour » (2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier) est bien celui de la gradation dans les mesures prises à l’encontre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La priorité doit être donnée au retour volontaire, l’article 7 de la directive prévoyant un délai approprié allant de sept à trente jours.
Dans certaines circonstances particulières (risque de fuite), les États membres peuvent imposer des mesures plus contraignantes (dépôt d’une garantie financière, présentation régulière aux autorités) et prévoir un délai de départ volontaire inférieur à 7 jours.
En l’absence de retour volontaire, l’État a l’obligation de procéder à l’éloignement en prenant les mesures nécessaires les moins coercitives possibles.
En application de l’article 8 de la directive, « lorsque les États membres utilisent — en dernier ressort — des mesures coercitives pour procéder à l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers qui s’oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d’usage de la force allant au-delà du raisonnable.
Ces mesures sont mises en œuvre comme il est prévu par la législation nationale, conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l’intégrité physique du ressortissant concerné d’un pays tiers. »
[…]
La durée de rétention ne peut pas dépasser six mois (elle est de 45 jours en droit français) et peut, dans certains cas (manque de coopération de l’étranger ou de son pays d’origine), être prolongée de douze mois maximum.
La CJUE a rappelé (25) que les États membres peuvent édicter des mesures pénales visant notamment à dissuader les ressortissants de demeurer illégalement sur leur territoire. Toutefois, les États membres ne peuvent appliquer une législation pénale qui pourrait mettre en péril la réalisation des objectifs de la directive (le retour des ressortissants en séjour irrégulier) et priver celle-ci de son effet utile. »
La CJUE a donc jugé qu’une peine de prison au titre du séjour irrégulier ne peut intervenir qu’en cas d’échec de l’ensemble des mesures prévues par la directive retour, y compris le placement en rétention.
La loi no 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a procédé à la transposition de la directive dite directive retour ainsi qu’à celle des directives relatives aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié, dite directive carte bleue (2009/50/CE), et aux normes minimales concernant les sanctions et mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive sanctions (2009/52/CE).
La loi du 16 juin 2011 a procédé à d’importantes modifications du droit de l’éloignement. Elle prévoit notamment :
- le passage de la durée maximale de rétention administrative de 32 à 45 jours ;
- la création de l’interdiction de retour ;
- la généralisation de la mesure d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) ;
- la création de la procédure d’assignation à résidence par l’autorité administrative, en alternative au placement en rétention ;
- la réorganisation du contentieux de l’éloignement ;
- la création des zones d’attente temporaires pour faire face à l’arrivée inattendue de migrants.
La Commission européenne a dressé un état des lieux général de la transposition de la directive retour dans sa communication sur la politique de l’Union en matière de retour (COM(2014) 199 final), qui a été examinée dans le rapport présenté par Mme Marietta Karamanli et M. Charles de La Verpillière no 2579 du 11 février 2015 sur les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière au regard des migrations en Méditerranée (pages 54 et suivantes).
II. LES PRINCIPALES MESURES PROPOSÉES : DANS LE CADRE D’UNE TRANSPOSITION PLUS COMPLÈTE DE LA DIRECTIVE RETOUR, VISER LE RENFORCEMENT DU CARACTÈRE PRIORITAIRE DE L’ASSIGNATION À RÉSIDENCE ET ASSURER L’EFFECTIVITÉ DES DÉCISIONS D’ÉLOIGNEMENT
1. En cohérence avec le droit européen, renforcer le caractère prioritaire de l’assignation à résidence
En l’état actuel de notre droit, l’article 551-1 du CESEDA relatif au placement en rétention prévoit l’application de la mesure de rétention à moins que l’étranger ne soit assigné à résidence (AAR) :
« À moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative ».
L’article L. 561-2 relatif à l’AAR dispose :
« Dans les cas prévus à l’article L. 551-1, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l’article L. 511-1, qu’il se soustraie à cette obligation. »
En 2013, 1 258 AAR ont été prononcées, contre 24 176 placements en rétention (668 AAR avaient été décidées en 2012).
La réécriture proposée vise à inverser la logique prévalant à l’heure actuelle afin de prévoir que l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il ne se soustraie à son OQTF puisse être placé en rétention (article 19 de réécriture de l’article L. 551-1 du CESEDA).
La mesure prioritaire est l’AAR.
La refonte de l’article L. 561-2 (article 22) vise à ce que cet article dresse le cadre pour la préparation de l’éloignement sans délai de départ volontaire.
Du point de vue des associations entendues par votre rapporteure, l’actuel 3° du II de l’article L. 511-1, qui définit le risque de fuite (26), devrait être modifié car il fonde bien trop largement le risque de fuite sur le séjour irrégulier, bien qu’il ne s’agisse pas du seul critère.
2. Renforcer les outils à la disposition de l’administration pour assurer l’exécution effective des mesures d’éloignement dans le cadre de l’assignation à résidence
Les mesures proposées ne constituent pas des mesures de transposition du droit européen.
Comme le soulignait votre rapporteure dans son rapport présenté avec M. Charles de La Verpillière (27), l’exécution des mesures d’éloignement demeure très problématique.
La Commission européenne souligne des difficultés majeures d’exécution dans sa communication sur la politique de retour précitée. « Il existe un écart considérable entre le nombre de personnes qui se voient notifier une décision de retour (environ 484 000 en 2012, 491 000 en 2011 et 540 000 en 2010) et le nombre de retours effectifs (environ 178 000 en 2012, 167 000 en 2011 et 199 000 en 2010).
La politique de retour comprend un élément extérieur qui est fondamental avec les accords de réadmission. S’agissant de la coopération extérieure, la Commission européenne indique que, depuis 2005, la Commission a financé plus de 40 projets dans le cadre des instruments de coopération au développement qui ont notamment mis l’accent sur le renforcement des capacités en matière de retour et de réintégration des personnes, pour un montant de plus de 70 millions d’euros.
L’organisation internationale pour les migrations (OIM) joue un rôle important pour faciliter le départ volontaire par la mise en œuvre de programmes de retour volontaire assisté avec une assistance complète, permettant de garantir une réintégration durable dans le pays d’origine. L’OIM gère 70 projets de ce type dans 26 États membres. Sur les six dernières années, 148 000 migrants ont bénéficié d’une assistance dans le cadre d’un retour volontaire.
Dans le dernier rapport annuel sur l’analyse de risque de Frontex publié en 2014, l’agence rappelle que, en 2013, 224 305 décisions d’éloignement ont été prises à l’encontre de ressortissants de pays tiers (baisse de 17 % par rapport à 2012 mais les chiffres n’étaient pas encore connus pour la France et les Pays-Bas, la Suède n’ayant par ailleurs cité que les retours effectifs). En 2013, 160 699 ressortissants d’États tiers ont été effectivement renvoyés dans leur pays d’origine ou de transit, la Grèce et le Royaume-Uni étant les deux États membres ayant effectué le plus grand nombre de retours. 54 % des retours effectués étaient des retours forcés. » (28)[…]
« En France, le taux d’exécution des mesures d’éloignement prononcées (29), est passé de 18,9 % en 2011 à 23,3 % en 2012. Le nombre d’éloignements effectifs d’étrangers depuis la métropole a atteint, en 2012, 36 822 (21 841 si l’on exclut les départs aidés). Il convient de souligner que 11 000 personnes ont fait l’objet de renvoi ou de réadmission vers un État membre de l’Union européenne.
D’après les données de l’étude d’impact du projet de loi relatif au droit des étrangers no 2183 déposé le 23 juillet 2014, le nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées en 2013 (88 940) demeure très éloigné du nombre des OQTF exécutées (15 213), soit un taux d’exécution de 17,1 %. S’agissant des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF), sur 653 prononcés en 2013, 471 ont été exécutés.
Le nombre d’éloignements contraints réalisés depuis la métropole a atteint 20 853 en 2013.
Suite aux jurisprudences de la CJUE et de la Cour de cassation précitées, l’année 2012 a fait apparaitre une augmentation sensible du taux d’échec à l’éloignement fondé sur l’irrégularité des procédures d’interpellation et de contrôle antérieures.
Selon les informations fournies aux rapporteurs, les chiffres attestent de l’impact de la procédure de retenue pour vérification du droit au séjour(30). En 2012, 1 398 procédures d’éloignement ont échoué du fait de l’irrégularité d’une garde à vue (7,52 % des causes d’échec à l’éloignement identifiées par les services du ministère de l’intérieur). En 2013, ce chiffre a diminué à 533, soit 3,61 % des causes d’échec à l’éloignement. Il convient par ailleurs de noter que la réforme est intervenue en cours d’année 2013.
Selon les informations transmises aux rapporteurs, au cours de l’année 2013, 15 218 causes d’échec à l’éloignement ont été recensées, contre 18 589 en 2012 et 27 218 en 2011. La principale cause est l’absence de mise à exécution des mesures de reconduite prononcées (indisponibilité avérée dans les centres de rétention administrative, nationalité incertaine ou difficile à éloigner : 5 327 cas), se traduisant par le non placement en centre de rétention administrative. Les autres causes principales sont la non prolongation de la rétention administrative par les autorités judiciaires (3 802 cas) et le défaut de délivrance des laissez-passer consulaires par les autorités des États tiers (2 999 cas, soit 19,7 % des causes de non éloignement) » (31).
Une personne peut faire obstacle à son éloignement par un refus de coopération pour établir les documents de circulation ou utiliser le caractère inviolable du domicile pour s’opposer à la procédure administrative (la notification d’une mesure de placement en rétention peut être empêchée). Il faut alors engager une procédure répressive qui n’est pas adaptée, notamment du fait de la difficulté à caractériser un cas de soustraction à l’exécution de l’OQTF.
Il est proposé :
- d’une part (article 18) de permettre à l’autorité administrative, lorsque l’étranger assigné à résidence n’a pas déféré à une précédente demande de celle-ci, de le faire escorter par les services de police ou les unités de gendarmerie, à l’occasion des déplacements devant les autorités consulaires nécessaires à la préparation de son départ (obtention d’un document de voyage). La loi subordonne explicitement cette contrainte à une exigence de stricte proportionnalité ;
- d’autre part, de permettre (II du nouvel article L. 561-2 dans sa rédaction issue de l’article 22) à l’autorité administrative de solliciter auprès du juge des libertés et de la détention une autorisation d’accès au domicile pour procéder à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement (pénétrer au domicile afin de s’assurer de la présence de la personne, la reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, lui notifier son placement en rétention). L’ordonnance du magistrat est soumise à des exigences de motivation, à l’image de celles prévues en matière de perquisition ou de saisie au domicile (32). Les opérations ne peuvent avoir lieu qu’entre 6 heures du matin et 21 heures. L’ordonnance est exécutoire pendant 96 heures. Il convient de rappeler que la Cour européenne des droits de l’Homme a, dans son arrêt du 15 octobre 2013 (Gustanovi c/ Bulgarie) fixé les conditions dans lesquelles les agents de la force publique peuvent pénétrer dans un domicile privé pour procéder à l’interpellation d’une personne (le cas d’espèce ne relevait pas du droit de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière), notamment en présence de sa famille. Un juge doit exercer un contrôle préalable sur la nécessité et la régularité de l’opération.
Les associations entendues par votre rapporteure dénoncent la « présentation vertueuse » de ces dispositions et estiment que l’objectif du projet est celui d’une amélioration de la « productivité » des procédures d’éloignement, en donnant aux préfectures le maximum de souplesse dans l’utilisation des mesures de contrainte et la possibilité d’user, dans le cadre de l’AAR, d’un « niveau de contrainte similaire » à celui de la rétention (33).
La Commission européenne a souligné que l’OQTF doit impliquer, non seulement l’obligation de quitter le territoire français, mais aussi celui des Etats membres de l’Union, conformément à la notion de retour définie au paragraphe 3 de l’article 3 de la directive retour. Pour les ressortissants de pays tiers auxquels s’applique la directive retour, celui-ci se fait nécessairement à destination d’un pays tiers (non membre de l’Union) : son pays d’origine, un pays de transit ou un autre pays tiers dans lequel la personne accepte de retourner et où elle sera admise.
Cette définition a été entérinée par la Conseil d’État dans sa jurisprudence (arrêts du 23 juin 2011, n° 350136 et du 27 juin 2011, n°350207), en établissant que la remise à un État membre n’entre pas dans le champ d’application de la directive retour.
Dans le cadre d’une OQTF assortie d’une interdiction de retour, l’étranger est informé de son signalement aux fins de non admission dans l’espace Schengen dans le système d’information Schengen (SIS).
L’étranger doit attester de sa sortie par un point de passage frontalier (nécessairement, s’agissant de la France qui est membre de l’espace Schengen, aux frontières extérieures de l’espace Schengen) (R. 511-4 du CESEDA).
Toutefois, dans le cas d’une OQTF sans interdiction de retour, il n’est pas précisé clairement que l’étranger en situation irrégulière doit, non seulement quitter le territoire français, mais également rejoindre un pays tiers.
Le projet de loi vise donc, en son article 14, à clarifier le droit français applicable. À l’article L. 511-1 (II), il serait ajouté que, pour satisfaire à l’OQTF, l’étranger dispose de 30 jours à compter de sa notification « pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l’Union européenne où il est légalement admissible. » Il peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine.
L’article 17 du projet de loi vise à préciser que, pour la réadmission d’étrangers en situation irrégulière entre États membres, ne sont applicables que les accords et arrangements bilatéraux en vigueur avant l’entrée en vigueur de la directive retour, soit le 13 janvier 2009 (« Par dérogation […], l’étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l’État membre qui l’a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les États membres de l’Union européenne. »)
Il convient de relever que l’étude d’impact souligne que le projet de loi traite également de la situation spécifique d’un étranger qui ne doit plus circuler sur le territoire français mais qui dispose d’un titre de séjour valable dans un autre État membre. Cette mesure n’apparait pas dans le corps du projet de loi mais pourrait faire l’objet d’un amendement afin de rendre le droit français conforme à l’article 6.2 de la directive retour (34).
Le I de l’article L. 511-1 serait clarifié pour les cas dans lesquels la demande d’asile est rejetée. L’article L. 742-3 dispose que l’autorité ne peut pas décider d’une OQTF sans délai de retour s’il existe un risque que l’étranger se soustraie à son OQTF. Cela sous-tend que l’article L. 511-1 est applicable, hormis le 3° du II. Mais ce n’est pour autant pas clairement indiqué dans le I, qu’il est proposé de clarifier. A l’heure actuelle, l’autorité se fonde sur le 3° du I de l’article L. 511-1 à l’égard des personnes déboutées du droit d’asile (35).
Il est proposé d’ajouter au I de l’article L. 511-1 un 6° : « Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l’étranger, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité. »
Cela permet de prendre en compte les cas dans lesquels l’OQTF n’accompagne pas une décision de refus d’admission au séjour.
Il convient de noter qu’un 7° et un 8° seraient introduits dans le I de l’article L. 511-1 pour reprendre les motifs de prononcé d’un arrêté de reconduite à la frontière (36), dispositif qui est peu utilisé (366 APRF prononcés au second semestre 2013) et qui serait totalement absorbé dans l’OQTF (article 14 du projet de loi). Il s’agissait d’une recommandation du rapport de M. Matthias Fekl (37).
En 2014, 88 225 OQTF ont été prononcées, dont 32 174 sur le fondement des 1° et 2° de l’article L. 511-1 du CESEDA (entrée irrégulière et maintien au-delà de la durée de validité du visa), 49 108 sur celui des 3° à 5° de l’article L. 511-1(refus de délivrance ou retrait de titre, absence de demande de renouvellement de titre, retrait ou non renouvellement d’une autorisation provisoire de séjour). 6 943 ont été prononcées sur le fondement de l’article L. 511-1-3 (notamment en cas d’abus de droit et de menace pour un intérêt fondamental).
L’article 7 de la directive retour, relatif au délai de départ volontaire, dispose :
« 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande.
Le délai prévu au premier alinéa n’exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt.
2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d’une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux.
3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire.
S’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. »
Le délai de départ est fixé à l’article L. 511-1 à 30 jours. L’administration peut fixer un délai supérieur « eu égard à la situation personnelle » de la personne. Or, il conviendrait également, selon la Commission européenne, de pouvoir prolonger le délai de départ si nécessaire et pour une durée appropriée (article 7§2 de la directive). Tel est l’objet du 3° du I de l’article 14. Les circonstances propres à chaque cas ne sont pas détaillées comme elles le sont dans l’article 7§2 de la directive retour (« telles que la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux »).
La définition des risques de fuite au 3° de l’article L. 511-1 du CESEDA, selon laquelle le risque est établi dans les cas définis à l’article, n’est pas conforme à la directive retour selon la Commission européenne, en ce qu’elle restreint la possibilité d’appréciation au cas par cas. Le 4° du I de l’article 14 vise à modifier le II de l’article L. 511-1 en conséquence.
Les délais de recours contentieux seraient modifiés à l’article L. 512-1 du CESEDA, dans un nouveau 1 bis :
« I bis. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sur le fondement du 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l’article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article peut, dans le délai de sept jours suivant sa notification, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.
Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard un mois à compter de sa saisine.
L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.
L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.
Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. » ;
En l’état actuel du droit, le délai de recours contentieux est de 30 jours pour les OQTF avec délai de départ volontaire (avec un délai de jugement de trois mois), mais de 48 heures en cas de refus de délai (II de l’article L. 512-1).
En cas d’AAR ou de placement en rétention, la procédure accélérée (délai de recours de 48 heures) devant un juge statuant seul (dans un délai de 72 heures) est applicable au recours contre la décision de placement et la décision d’AAR (III de l’article L. 512-1).
Le gouvernement souligne, dans son étude d’impact, que les délais de droit commun n’ont pas lieu d’être applicables dès lors que la demande d’asile a été définitivement rejetée. C’est pourquoi, en lien avec le projet de loi sur l’asile tendant à réduire les délais de procédure, il est proposé de prévoir des délais de recours et de jugements spécifiques aux étrangers dont la demande d’asile a été rejetée et qui ne sont pas admis au séjour à un autre titre (nouveau 1 bis du L. 512 -1). Le délai de recours serait réduit à sept jours, le magistrat statuant seul dans un délai d’un mois.
Le projet de loi étend cette même logique aux cas dans lesquels l’OQTF se fonde sur l’entrée irrégulière, aux cas dans lesquels l’étranger est entré irrégulièrement sur le territoire, s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa (ou au-delà du délai de trois mois s’il n’est pas soumis à l’obligation de visa), aux cas dans lesquels il n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour et s’est maintenu sur le territoire à l’expiration de sa validité. Ce sont les cas dans lesquels la personne n’a pas demandé une admission au séjour.
Les garanties procédurales seraient fixées au nouveau 1 bis de l’article L. 512-1.
Les associations entendues par votre rapporteure soulignent la difficulté de faire coexister trois régimes de recours contre les OQTF présentant des délais différenciés et dénoncent la réduction des délais de recours, jugée disproportionnée.
Les statistiques disponibles ne permettent pas (voir supra) d’évaluer avec certitude la part des OQTF qui relèveraient du nouveau régime de recours, mais l’on constate que plus de la moitié des OQTF relèveraient du nouveau régime de recours (1°, 2°, 4° actuels du L. 511-1 et 6° nouveau relatif aux demandeurs d’asile).
En ce qui concerne l’effectivité des recours en matière de décision d’éloignement dans les collectivités d’outre-mer (Guyane, Mayotte, Guadeloupe, Saint Martin, Saint Barthélémy), il convient également de relever que l’article 16 du projet de loi vise à prendre en compte la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme (arrêt de Souza Ribeiro c/ France du 13 décembre 2012).
Le dispositif applicable dans les collectivités d’outre-mer a été jugé non conforme au droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
L’article 16 vise, sans étendre le droit commun du recours suspensif de plein droit contre une OQTF aux collectivités d’outre-mer, à interdire l’exécution de la mesure d’éloignement avant que le juge administratif, saisi d’un référé liberté, n’ait statué sur la tenue d’une audience contradictoire et, dans le cas de la tenue de cette audience, n’ait rejeté le référé.
L’article 11§1 de la directive retour impose qu’une OQTF soit assortie d’une interdiction de retour si aucun délai n’a été accordé pour le retour volontaire ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée. Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée.
Toutefois, en dehors du cas particulier des personnes victimes de la traite des êtres humains prévu par la directive, « les États membres peuvent s’abstenir d’imposer, peuvent lever ou peuvent suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires. Les États membres peuvent lever ou suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers ou certaines catégories de cas, pour d’autres raisons. »
En 2011, il a été décidé de maintenir un pouvoir d’appréciation pour chacun des cas d’interdiction de retour (l’administration peut, par une décision motivée, assortir l’OQTF d’une interdiction de retour, en cas de délai de départ volontaire ou non), afin de permettre la meilleure transposition, tout en tenant compte de l’existence d’un débat non tranché à l’époque sur le caractère de sanction ou de mesure de police de l’interdiction de retour. Depuis, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 9 juin 2011, que cette interdiction est une mesure de police et non une sanction. 6,5 % des OQTF étaient assorties d’une interdiction de retour en 2012 et moins de 2 % en 2013. La publication tardive d’un décret no 2013-745 du 14 août 2013 pour inscrire sur le fichier de personnes recherchées les étrangers faisant l’objet de la mesure, et permettre à la mesure d’avoir un effet utile, a contribué aux réticences à prononcer une interdiction de retour.
Le III de l’article L. 511-1 serait modifié afin de clarifier les cas d’interdiction de retour et de différencier les situations dans lesquelles l’OQTF doit être assortie d’une interdiction de retour, conformément aux dispositions de la directive retour (6° du I de l’article 14) :
« III. – L’autorité administrative, par une décision motivée, assortit l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger ou lorsque l’étranger n’a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti.
Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative ne prenne pas d’interdiction de retour dans des cas particuliers.
Lorsqu’elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée maximale de deux ans. »
Les critères de fixation de la durée demeurent ceux prévus par l’actuel article L. 511-1. Les critères d’abrogation de la mesure d’interdiction de retour demeurent également.
Il convient de relever que l’article 11-3 de la directive prévoit une disposition spécifique pour la protection des victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé et qui coopèrent avec les autorités, qui ne doivent pas faire l’objet d’une interdiction de retour (38). Cette disposition n’est pas explicitement transposée en droit français.
Toutefois, le droit français prévoit bien (article L. 316-1 du CESEDA) la délivrance d’un titre provisoire de séjour et d’une carte de résident en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause. Le cas d’une personne victime de la traite et qui serait soumise à une interdiction de retour apparait peu probable.
Par ailleurs, les circonstances humanitaires visées au deuxième alinéa du nouveau III de l’article L. 511-1 devraient permettre de protéger les victimes de la traite des êtres humains.
Enfin, le III de l’article L. 511-1 dispose que l’autorité administrative peut à tout moment abroger une interdiction de retour, ce qui est toutefois différent d’une protection contre le prononcé d’une interdiction de retour.
III. L’EXERCICE DU DROIT À LA LIBRE CIRCULATION POUR LES RESSORTISSANTS EUROPÉENS ET LES MEMBRES DE LEUR FAMILLE
Le gouvernement rappelle l’existence d’un constat partagé de certains abus du droit à la libre circulation au sein de l’Union, tel qu’il est garanti par les traités (39) et établi par la directive 2004/38/CE pour les ressortissants européens qui exercent leur droit à la libre circulation et certains membres de leur famille (40), dans le cadre de réseaux organisés.
La Commission européenne a formulé des observations dans sa communication (COM(2013) 837) du 25 novembre 2013, selon lesquelles les États membres doivent prendre les mesures de lutte contre les abus telles qu’elles sont prévues par la directive relative à la libre circulation.
Il est donc proposé, à l’article 15, de créer la possibilité d’une OQTF assortie d’une interdiction temporaire de circulation sur le territoire français lorsque le comportement d’une personne concernée par la directive 2004/38/CE constitue une menace à l’ordre ou la sécurité public ou un abus de droit.
Le droit français actuel ne prévoit pas l’interdiction de circulation autorisée par la directive 2004/38/CE.
Une interdiction de circulation peut assortir une décision d’éloignement prononcée pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique et la directive précise les conditions d’application et les garanties procédurales (articles 15, 27 (41) et suivants).
Par ailleurs, l’article 35 de la directive dispose : « Les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d’abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance. »
L’article 15 du projet de loi propose donc de créer, au nouvel l’article L. 511-3-2 du CESEDA, la base légale pour permettre d’assortir une OQTF prononcée en cas d’abus de droit ou de menace à l’ordre ou la sécurité public d’une interdiction de circulation sur le territoire d’une durée maximale de trois ans (nouvel article L. 511-3-2). L’autorité administrative pourrait abroger l’interdiction de circulation à tout moment. Cette abrogation pourrait être sollicitée par la personne si elle réside hors de France depuis au moins un an. L’autorité administrative devrait tenir compte de l’ensemble des circonstances relatives à la situation de la personne (durée de séjour, âge, santé, situation familiale, situation économique, intégration, liens avec son pays d’origine). Les associations entendues par votre rapporteure dénoncent fermement cette atteinte « maximale » portée à l’exercice d’une liberté fondamentale. Selon elles, aucun autre État membre n’aurait prévu de dispositif similaire. Il conviendra au cours des débats d’examiner avec précision ce que recouvre une interdiction de circulation et à quel moment elle est notamment opposable.
Le 3° de l’article L. 511-3-1 serait modifié pour prévoir un éloignement du territoire français lorsqu’un comportement « constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », en supprimant donc la condition tenant à ce que ce comportement soit constaté dans les trois premiers mois après l’entrée en France, le gouvernement soulignant que le texte en vigueur est trop réducteur sans raison objective, notamment sans fondement particulier au regard de la directive 2004/38/CE.
En conclusion, bien que de nombreuses dispositions nationales et européennes existent en matière d’immigration légale, il n’en demeure pas moins que le cadre juridique existant reste à améliorer. Plusieurs dysfonctionnements ont été analysés. Le présent projet de loi vise à pallier les difficultés à travers quatre priorités qui ont été rappelées (connaissance de la langue française, facilitation de la transmission des droits et devoirs de la République, facilitation de l’accompagnement vers les services de droit commun, meilleure articulation entre le dispositif d’accueil et la délivrance de titres de séjour). La cohérence du cadre juridique et l’intégration des étrangers en situation régulière constituent les fondements de ce projet.
Les priorités portées par le projet de loi doivent être soutenues. Le remplacement du contrat d’accueil et d’intégration par le contrat d’accueil personnalisé s’accompagnera d’un ensemble de mesures qui seront plus propices à favoriser l’intégration. L’exigence relative au niveau de langue est très importante mais elle ne devra pas constituer un obstacle pour certains parents étrangers rejoignant leur enfant français. La valorisation de la langue d’origine doit également être soutenue. Il convient également de se féliciter de la création de la carte de séjour pluriannuelle. Toutefois, certaines incohérences ont été relevées, qui affaiblissent la proposition (contrôles durant la durée de validité, passage à une carte de résident, absence de régime unique de carte de séjour pluriannuelle).
Le projet de loi procède également à la transposition de dispositions européennes relatives aux travailleurs saisonniers et aux transferts temporaires intragroupe. Le cadre de l’accueil des talents étrangers est rénové et le parcours des étudiants simplifié.
S’agissant des dispositions du projet de loi relatives à l’éloignement et en lien avec le droit européen, il convient de souligner que nombre d’entre elles visent à clarifier le droit applicable et à assurer une meilleure transposition de la directive retour, compte tenu notamment des observations formulées par la Commission européenne. Il convient de s’en féliciter. Le renforcement du caractère prioritaire de l’assignation à résidence rend notre droit plus conforme à la directive retour. Le prononcé systématique, sauf motif humanitaire, d’une interdiction de retour pour une partie des OQTF, qui constitue la transposition d’une mesure prévue par la directive, est une évolution nécessaire. Le gouvernement prévoit également d’utiliser les possibilités offertes par la directive relative à la libre circulation des ressortissants européens en créant une interdiction de circulation dans certaines situations spécifiques d’abus de droit ou de menace pour un intérêt fondamental de la société.
Certaines avancées du projet sont saluées par les acteurs de la société civile mais plusieurs mesures ont été dénoncées par ces derniers, notamment s’agissant du renforcement des mesures de contrainte dans le cadre de l’assignation à résidence, du prononcé systématique, sauf motif humanitaire, d’une interdiction de retour pour une partie des OQTF, du raccourcissement du délai de recours à sept jours pour plusieurs catégories de personnes faisant l’objet d’une OQTF ou de la création d’une interdiction de circulation pour les ressortissants européens en cas d’abus de droit ou de menace pour un intérêt fondamental de la société.
Tout en soutenant l’objectif de renforcer l’effectivité des mesures d’éloignement, votre rapporteure souligne que le nouveau régime de recours prévu pour certaines catégories d’OQTF devra être examiné avec attention.
La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne et celle de la Cour européenne des droits de l’Homme justifient également d’autres modifications apportées au CESEDA.
Dans son ensemble, ce projet de loi doit être soutenu, compte tenu des améliorations qu’il apporte au droit applicable, tout en soulignant les réserves et pistes d’évolution précédemment décrites dans le rapport.
La Commission s’est réunie le 30 juin 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.
« La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie vivement pour cet excellent rapport. Nous voyons bien qu’il existe encore des points durs relatifs à certaines mesures proposées. Je souhaiterais poser quelques questions spécifiques. Qu’en est-il des passerelles prévues, pour les étudiants notamment, qui se retrouvent souvent dans une zone de non droit lorsqu’ils passent d’un statut à l’autre ? De même pour les étrangers malades, qui risquent de se retrouver condamnés à vivre en séjour irrégulier pendant les longs mois de la procédure de reconnaissance de leur taux d’incapacité ? Qu’en est-il de l’article 25 du projet de loi, qui met en place un suivi extrêmement étroit des personnes étrangères en France ? Ce point notamment est-il bien fidèle à la philosophie européenne en matière de protection des données personnelles ? Enfin, n’y a–t-il pas un risque de voir se multiplier les reconductions à la frontière sans saisine du juge habilité à valider cette procédure ? La France a déjà été condamnée une fois par la Cour européenne des droits de l’Homme pour éloignement avant tout accès au juge du fait de l’absence de possibilité concrète de recours effectif, comme cela peut être le cas à Mayotte notamment.
Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Ce sont effectivement des questions importantes et j’ai pu en discuter avec le rapporteur de la Commission des Lois, notre collègue Erwann Binet. Elles méritent d’être portées devant le ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, qui sera auditionné demain. Je vous remercie pour votre appréciation car nous avons effectivement été amenés à travailler dans des conditions de délais très difficiles. Je me suis logiquement concentrée sur les questions présentant un lien direct avec le droit européen. »
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
Secrétariat général des Affaires européennes :
– Mme Isabelle Jegouzo, secrétaire générale adjointe ;
– Mme Laurence Rist, chef du secteur libre circulation des personnes (LCP) ;
– Mme Lucie Saint Genez, secteur travail, emploi, politique sociale (TESC), adjointe au chef de secteur ;
– Mme Guylène Sandjo, LCP, adjointe au chef de secteur ;
– Mme Marie Traquini, LCP, adjointe au chef de secteur ;
– Mme Laurence Simmonet, secteur Parlement Européen, adjointe au chef de secteur.
Ligue des Droits de l’Homme :
– Mme Mylène Stambouli, membre du bureau national.
Amnesty International France :
– M. Jean-François Dubost, responsable du programme « personnes déracinées ».
Ordre de Malte France :
– Mme Lucie Feutrier-Cook, directrice adjointe en charge du pôle « migrants ».
La Cimade :
– M. Jean-Claude Mas, secrétaire général.
1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
2 () Les étudiants, les travailleurs qualifiés, les personnes venant pour regroupement familial.
3 () Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France - Matthias FEKL, Parlementaire en mission auprès du Ministre de l’Intérieur (14 mai 2013).
4 () Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
5 () Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
6 () « Intégration des immigrés en Europe : la nécessité d'une politique volontaire, continue et globale », rapport de : Mme Marietta KARAMANLI, France, résolution RES 2006 du 25-06-2014
7 () Rapport sur l’évaluation de la politique d’accueil des étrangers primo-arrivants, Tome I, octobre 2013.
8 () Analyse interassociative du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, signée par ADDE, Anafé, Fasti, Gisti, La Cimade, LDH, Mom, Saf, Syndicat de le magistrature.
9 () Dossier de presse du ministère de l’intérieur, juillet 2014.
10 () Analyse interassociative du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, signée par ADDE, Anafé, Fasti, Gisti, La Cimade, LDH, Mom, Saf, Syndicat de le magistrature.
11 () Directive 2014/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi en tant que travailleur saisonnier.
12 () Directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe.
13 () Nouvel article L. 313-20 du CESEDA.
14 () Sa délivrance est subordonnée à la possession d’un visa de long séjour par l’étranger concerné (article 7 du projet de loi).
15 () Scientifique-chercheur, profession artistique et culturelle, salarié en mission, carte bleue européenne.
16 () Contribution économique exceptionnelle, compétences et talent.
17 () Étudiants titulaires d’un diplôme supérieur en France ou recrutés dans une jeune entreprise innovante et exerçant une activité salariée, créateur d’entreprise et mandataire social.
18 () Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié. Directive dite « carte bleue européenne ».
19 () Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Rapport annuel sur l’immigration et l’asile (2010), du 24 mai 2011.
20 () Notamment la Ligue des Droits de l’Homme et l’Ordre de Malte.
21 () Article L. 313-18, nouvellement créé.
22 () Directive 2004/114/CE du Conseil du 13 décembre 2004 relative aux conditions d’admission des ressortissants de pays tiers à des fins d’études, d’échange d’élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat.
23 () Directive 2005/71/CE du Conseil du 12 octobre 2005 relative à une procédure d’admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique.
24 () Ces observations ont été formulées dans le cadre de l’examen de la transposition de la directive retour en 2013 et des travaux du groupe de contact sur la directive retour, notamment pour l’élaboration d’un manuel de bonne pratique en matière de retour, en cours de finalisation. Ces observations n’ont notamment pas été formalisées dans le cadre d’une procédure de type EU-Pilot.
25 () Arrêt du 28 avril 2011 El Dridi et arrêt du 6 décembre 2011Achughbabian.
26 () Le II de l’article L. 551-1 du CESEDA est relatif aux conditions dans lesquelles une OQTF peut être prononcée sans être accompagnée d’un délai de retour volontaire.
27 () Rapport n° 2579 du 11 février 2015 sur les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière au regard des migrations en Méditerranée.
28 () Page 54.
29 () Les étrangers en France, année 2012, dixième rapport établi en application de l’article L. 111-10 du code
de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
30 () Créée par la loi° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
31 () Page 56.
32 () Le II de l’article L. 561-2 disposerait que : « Le juge des libertés et de la détention saisi par requête statue dans les vingt-quatre heures. À peine de nullité, sa décision est motivée. Le juge s’assure du caractère exécutoire de la décision d’éloignement que la mesure vise à exécuter et de l’obstruction volontaire de l’étranger à l’exécution de la mesure d’éloignement, dûment constatée par l’autorité administrative résultant notamment de ce que l’étranger n’a pas répondu à sa demande de présentation pour les nécessités de l’exécution de la mesure d’éloignement. La décision mentionne l’adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées.
« L’ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire pendant quatre-vingt-seize heures au seul vu de la minute. Elle est notifiée sur place à l’étranger dans une langue qu’il comprend, ou à défaut à l’occupant des lieux qui en reçoit copie intégrale contre récépissé. L’acte de notification comporte mention des voies de recours.
« Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent être commencées avant 6 heures ni après 21 heures. Elles ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que l’exécution de la mesure d’éloignement visée dans la décision du juge des libertés et de la détention.
« Il est dressé un procès-verbal mentionnant notamment les dates et heures de début et de fin des opérations, et les conditions de leur déroulement. Ce procès-verbal est présenté à la signature de la personne intéressée ; si elle refuse de signer, mention est faite de ce refus et de ses motifs déclarés. Le procès-verbal est transmis au juge des libertés et de la détention, copie en ayant été remise à la personne intéressée.
« Les ordonnances mentionnées au présent article par lesquelles le juge des libertés et de la détention statue sur la demande de l’autorité administrative sont susceptibles d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué qui est saisi sans forme et doit statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine. L’appel n’est pas suspensif. »
33 () Synthèse de l’analyse interassociative du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (ADDE – Anafé – Fasti – Gisti – La Cimade – LDH – Mom- Saf – Syndicat de la magistrature), 4 mars 2015.
34 () « Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre »
35 () Une OQTF peut être prononcée « 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; »
36 () Un APRF peut être prononcé si :
- si le comportement de l’étranger, qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, constitue une menace pour l’ordre public. La menace pour l’ordre public peut s’apprécier au regard de la commission de faits passibles de poursuites pénales sur le fondement des articles du code pénal cités au premier alinéa de l’article L. 313-5 du présent code, ainsi que des 1°, 4°, 6° et 8° de l’article 311-4, de l’article 322-4-1 et des articles 222-14, 224-1 et 227-4-2 à 227-7 du code pénal ;
- si l’étranger, qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, a méconnu l’article L. 5221-5 du code du travail. Il s’agit du fait de travailler sans autorisation de travail.
37 () Rapport au Premier ministre du 14 mai 2013, Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France.
38 () Sous certaines conditions tenant au respect de l’ordre public, de la sécurité publique ou de la sécurité nationale. Ces dispositions sont en outre prévues sans préjudice d’une interdiction d’entrée si la personne n’a pas respecté une obligation de retour.
39 () Article 3, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne et articles 26 (libre circulation des personnes au sein du marché intérieur), 67 et 77 (espace Schengen de libre circulation sans frontières intérieures qui comprend 22 des 28 États membres et quatre États associés) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
40 () Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Les membres de la famille sont définis comme:
« a) le conjoint;
b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d'un État membre, si, conformément à la législation de l'État membre d'accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l'État membre d'accueil;
c) les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b);
d) les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b); »
41 () Article 27 : « Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. »