N° 3289 - Rapport d'information de Mme Marietta Karamanli et M. Charles de La Verpillière déposé par la commission des affaires européennes sur le programme européen de sécurité




NO 3289

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020

ET PRÉSENTÉ

par Mme Marietta KARAMANLI et M. Charles de La VERPILLIÈRE

Députés

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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.

(La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Dominique POTIER, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY)

SOMMAIRE

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Pages

I. L’IMPLICATION CROISSANTE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ TÉMOIGNE DU SOUCI DE MENER UNE POLITIQUE AMBITIEUSE MAIS RÉALISTE EN LA MATIÈRE 7

A. DE LA STRATÉGIE DE SECURITÉ INTERIEURE AU PROGRAMME EUROPEEN DE SECURITÉ : L’IMPLICATION CROISSANTE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LES QUESTIONS DE SÉCURITÉ 7

1. Une intervention par principe subsidiaire 7

2. Une plus-value néanmoins certaine 8

B. UNE MÉTHODE EUROPÉENNE SE DESSINE PROGRESSIVEMENT EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ 9

1. Une volonté de promouvoir une démarche rationnelle fondée sur l’évaluation et l’utilisation optimale des instruments existants 9

2. Une politique européenne recentrée sur deux axes principaux 11

a. Renforcer les échanges d’informations 11

b. Améliorer la coopération opérationnelle 12

II. ILLUSTRATION DE LA DÉMARCHE DE L’UNION EUROPÉENNE EN LA MATIÈRE, LE PROGRAMME DE SÉCURITÉ POUR LA PÉRIODE 2015-2020 SE CONCENTRE SUR DES OBJECTIFS CLAIREMENT IDENTIFIÉS ET RESSERRÉS, DONT LA RÉALISATION DÉPENDRA DE LA DÉTERMINATION DES ACTEURS À LES METTRE EN œUVRE 15

A. UN PROGRAMME QUI S’INSCRIT DANS LA CONTINUITÉ DES ACTIONS MENÉES DEPUIS 2010 ET DONT LES PRIORITÉS ILLUSTRENT LES EVOLUTIONS DU CONTEXTE SECURITAIRE 15

1. Lignes directrices du programme européen de sécurité : une approche globale, équilibrée et tournée vers l’efficacité 15

2. Trois objectifs stratégiques ambitieux et complémentaires 17

a. Lutter contre le terrorisme et prévenir la radicalisation : des priorités réactualisées par le contexte sécuritaire 17

b. « Désorganiser la criminalité organisée » 19

c. Assurer la « cybersécurité » 19

B. UN PROGRAMME DECLINE EN ACTIONS COMPLEMENTAIRES ET AMBITIEUSES DONT LA REALISATION DEMEURE TOUTEFOIS FORTEMENT CONDITIONNEE 20

1. Détecter les terroristes et gêner leurs déplacements 21

a. Le renforcement des contrôles aux frontières au sein de l’Union européenne 21

b. La surveillance des mouvements financiers 22

c. L’instauration d’un système européen de dossiers passagers pour assurer la sécurité des citoyens 23

2. Harmoniser les législations en matière de terrorisme 25

3. Mettre l’accent sur la prévention et la déradicalisation 26

a. Le contrôle et la suppression des contenus illicites sur Internet 26

b. La construction et la diffusion d’un contre-discours 27

c. La redéfinition des priorités des programmes en matière d’éducation et de formation 28

4. Lutter contre le trafic d’armes à feu 28

5. Lutter contre la traite des êtres humains et des migrants 29

6. Assurer la « cybersécurité » 30

III. CERTAINES ACTIONS NON CONTENUES DANS LE PROGRAMME POURRAIENT UTILEMENT COMPLETER L’ACTION DE L’UNION EUROPENNE EN MATIERE DE SECURITE ET EN RENFORCER L’EFFICACITE 33

A. ASSURER LA SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS TERRESTRES 33

B. TROUVER UNE RÉPONSE AU PHÉNOMÈNE DES COMBATTANTS ÉTRANGERS 34

C. BÂTIR UN DIALOGUE AVEC LES GRANDS OPÉRATEURS D’INTERNET 34

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 59

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 63

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Il y a plus de deux cent ans, Condorcet, justifiant la constitution d'une force publique dévouée à la République, affirmait qu’ »  il ne suffit pas pour jouir de la liberté, de ne pas craindre qu’elle soit troublée par l’autorité civile, il faut encore qu’elle soit à l’abri de la violence et des attentats que les préjugés peuvent inspirer ». Ces questions sont malheureusement aujourd’hui au cœur de l’actualité et de ce présent rapport d’information.

Les tragiques événements qui ont frappé l’Europe et, plus particulièrement, la France au cours de l’année 2015, illustrent, s’il en était besoin, la réalité de la menace terroriste qui pèse sur la sécurité des ressortissants européens. S’il est regrettable qu’il faille parfois attendre un drame pour que les États prennent conscience de la nécessité d’agir ensemble, dans un cadre européen, il faut espérer que le terrible choc et le drame qu’ont constitués les attentats terroristes du 13 novembre dernier constitueront une injonction à l’action pour les États membres comme pour l’Union européenne.

Le 28 avril dernier, la Commission européenne a présenté, dans une communication1, le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020. Ce programme s’inscrit dans la continuité de la Stratégie de sécurité intérieure (SSI) 2010-2014 et des actions mises en œuvre en la matière depuis 2010, en particulier dans le cadre du programme de Stockholm. Les évolutions du contexte sécuritaire ont toutefois conduit à un ajustement des priorités, moyens d’actions et instruments dans le programme pour 2015-2020. Aussi, la Commission européenne a-t-elle retenu, pour les cinq années à venir, trois objectifs stratégiques dont l’actualité souligne tragiquement la pertinence : la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre la cybercriminalité.

L’Union européenne et ses États membres sont confrontés à d’importants défis qui menacent la sécurité du continent et les droits et libertés des citoyens. Le caractère de plus en plus transfrontière des actes criminels et des menaces rappelle que les États membres et l’Union européenne ont une responsabilité commune en matière de sécurité et doivent agir de concert. A cet égard, si le partage des compétences établi par les traités prévoit que la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public incombent aux États membres, l’Union européenne dispose, en matière de sécurité, d’une compétence d’appui et a un rôle majeur à jouer dans l’impulsion ou la coordination des actions mises en œuvre au plan national.

Dans sa communication, la Commission européenne définit une approche globale dont la réussite repose sur un triptyque associant partage des responsabilités, confiance mutuelle et coopération effective entre tous les acteurs, c’est-à-dire les institutions et agences de l’Union européenne, les États membres et les autorités nationales, voire la société civile.

Dans le présent rapport d’information, vos rapporteurs présenteront les objectifs et priorités de la Commission européenne pour la période 2015-2020, la méthode qu’elle entend privilégier pour mener ou encourager la mise en œuvre du programme ainsi que leurs points de vue sur l’avancée de certains chantiers dont les négociations s’annoncent compliquées. Vos rapporteurs indiqueront également les insuffisances qu’ils ont pu relever dans le programme européen de sécurité.

Les questions de sécurité, préoccupation centrale de l’Union européenne, exigent une réponse coordonnée à l’échelle du continent.

Le programme européen de sécurité s’inscrit dans la continuité de la Stratégie de sécurité intérieure (SSI) 2010-2014. Les évolutions du contexte sécuritaire ont toutefois conduit à un ajustement des priorités, moyens d’actions et instruments dans le programme pour 2015-2020.

L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne au 1er décembre 2009 a constitué, pour les questions de justice et d’affaires intérieures, un renouvellement profond du cadre d’intervention de l’Union européenne. Au fonctionnement intergouvernemental qui prévalait jusqu’alors, se substitue une logique « communautaire » où les décisions sont prises, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, à la majorité qualifiée, et non plus à l’unanimité.

La suppression de l’architecture en piliers qui établissait, selon les domaines concernés, des règles de fonctionnement et de vote différentes, n’a toutefois pas mis fin à l’existence de certaines spécificités institutionnelles dans les matières touchant au cœur de la souveraineté des États. Ainsi, si le Conseil européen définit, conformément à l’article 68 TFUE, les orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public demeurent de la responsabilité des États membres (art. 4 § 2 TUE, art. 72 TFUE). Ces derniers peuvent toutefois organiser entre eux et sous leur responsabilité des formes de coopération entre leurs services compétents en matière de sécurité2.

Dans ce contexte, l’Union européenne peut s’appuyer sur le Comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure (COSI), créé par le Traité de Lisbonne, pour promouvoir la coopération opérationnelle effective dans le domaine de la sécurité intérieure de l'Union européenne, y compris en matière de maintien de l'ordre, de contrôle aux frontières et de coopération judiciaire en matière pénale.

Par ailleurs, en conférant une valeur juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE) et en ouvrant la perspective de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), le Traité de Lisbonne inscrit le respect des droits fondamentaux au cœur de l’action des institutions européennes.

Les évolutions de l’environnement international et de la nature des menaces exigent une réponse européenne cohérente et efficace.

L’Union européenne et ses États membres sont confrontés à d’importants problèmes de sécurité. L’évolution de l’environnement sécuritaire international, en particulier depuis le début des années 2000, illustre la vulnérabilité des sociétés face à des menaces nouvelles et l’interdépendance croissante des États. Seule une réponse cohérente et coordonnée pourra répondre à des enjeux transfrontières.

Si le terrorisme et la criminalité organisée ne sont pas des menaces nouvelles pour la sécurité, leur nature et leur ampleur ont changé. Les évolutions techniques et technologiques des sociétés ont en outre permis l’émergence d’une forme nouvelle de criminalité - la cybercriminalité – qui ne connaît pas de frontières.

L’instabilité politique de certains pays voisins de l’Union européenne présente également des défis et des risques pour la sécurité du continent. L’afflux massifs de migrants en provenance de zones en conflit et la radicalisation observable partout en Europe et notamment dans le départ des ressortissants de l’Union européenne pour rejoindre des groupes terroristes - phénomène dit des combattants étrangers - soulignent la nécessité pour les États membres et l’Union européenne de réfléchir et d’agir ensemble pour assurer la sécurité de l’Europe.

Par ailleurs, la criminalité organisée transfrontière et, en particulier, le trafic des êtres humains, continue de représenter une menace pour la sécurité intérieure de l’Union européenne et est, à cet égard, un défi particulièrement important.

L’interdépendance croissante des États et le caractère de plus en plus transfrontière des actes criminels et des menaces pour la sécurité rappellent que les États membres et l’Union européenne ont une responsabilité commune en la matière et doivent agir de concert.

L’Union européenne a ainsi un rôle à jouer dans l’impulsion et la coordination des actions mises en œuvre aux plans nationaux. Son intervention en matière de sécurité présente une incontestable valeur ajoutée pour la lutte contre des phénomènes ou menaces criminels étrangers à la notion de frontière.

Il semble que la Commission européenne ait souhaité tenir compte du bilan de la stratégie précédente pour définir le programme 2015-2020.

Élaborée en 2010 pour permettre à l’Union européenne de réagir et de faire face aux menaces existantes et nouvelles qui pèsent sur sa sécurité, la stratégie de sécurité intérieure recense les enjeux et défis à relever. Dans un contexte où aucun État membre n’est en mesure de faire face seul à des problèmes transfrontières et transsectoriels, la SSI a retenu, pour la période 2010-2014, cinq grands objectifs3 :

- la perturbation des réseaux criminels internationaux ;

- la prévention du terrorisme et la lutte contre la radicalisation et le recrutement de terroristes ;

- l’accroissement du niveau de sécurité pour les citoyens et les entreprises dans le cyberespace ;

- le renforcement de la sécurité par la gestion des frontières ;

- le renforcement de la résilience de l’Europe face aux crises et aux catastrophes.

Les institutions européennes se sont efforcées de recourir à une démarche d’évaluation4 visant à mesurer les avancées dans la mise en œuvre effective de la Stratégie. Le rapport d’évaluation de la Commission européenne de 20145, à l’approche de la fin de la période couverte par la stratégie de sécurité intérieure, a procédé à une évaluation des actions mises en œuvre au titre des cinq objectifs stratégiques et a recensé les défis futurs et les objectifs transversaux à promouvoir pour les années à venir.

Le bilan de la Stratégie est globalement satisfaisant mais les efforts doivent être poursuivis.

Des réalisations incontestables

Sur la période couverte, la stratégie de sécurité intérieure a été le pivot des initiatives entreprises en matière de sécurité et a permis de renforcer l’approche intersectorielle des questions de sécurité, ainsi que les capacités d’action de l’Union européenne, en particulier s’agissant du rôle de coordination du comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure (COSI).

On peut ainsi noter l’adoption de directives ambitieuses renforçant l’harmonisation des législations nationales, s’agissant notamment de la prévention de la traite des êtres humains6 ; de la lutte contre les abus sexuels, l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie7 ; ou encore des attaques contre les systèmes d’information8. L’entrée en vigueur de la nouvelle législation sur la gouvernance de Schengen9 vise quant à elle à améliorer l’évaluation et la surveillance, à fournir le soutien nécessaire aux États membres et à combler les lacunes éventuelles pour maintenir la confiance mutuelle au sein de l’espace Schengen.

La stratégie de sécurité intérieure a permis d’accroître la coopération opérationnelle entre États membres, institutions et agences de l’Union européenne. Le soutien accru d’EUROPOL et d’EUROJUST aux enquêtes, dans le cadre des équipes communes d’enquête (ECE)10, et les objectifs stratégiques et programmes d’actions à mener dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, déterminés par les États membres, sur la base de l’évaluation des menaces par EUROPOL (rapports SOTCA) sont ainsi d’importantes réalisations.

De nouvelles structures ou enceintes de coopération ont également été créées, à l’instar du cycle politique de l’Union européenne pour lutter contre la grande criminalité organisée11, du réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR)12 et du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3). Ce dernier devient une référence pour les questions de cybersécurité et compte déjà à son actif des coopérations fructueuses avec les États membres, EUROJUST et des pays tiers.

Les défis à venir

Le rapport identifie, au titre des défis à venir, plusieurs thématiques et objectifs transversaux. La grande criminalité transfrontière organisée, la cybercriminalité, la menace terroriste et le renforcement de la sécurité aux frontières devraient ainsi faire l’objet d’une attention particulière. Par ailleurs, la Commission européenne appelle de ses vœux le renforcement du lien entre sécurité intérieure et sécurité extérieure de l’Union européenne, du respect des droits fondamentaux, et du rôle de la recherche, du financement et de la formation.

Le programme européen de sécurité pour 2015-2020 reprend à son compte l’ensemble de ces conclusions.

L’Union européenne dispose de plusieurs instruments pour faciliter les échanges d’informations entre les services répressifs nationaux. Ces instruments sont aujourd’hui inégalement ou insuffisamment exploités. L’ambition du programme de sécurité pour 2015-2020 est d’apprécier l’utilité des instruments existants, d’en promouvoir une meilleure utilisation par les acteurs impliqués dans la mise en œuvre du programme et de proposer, le cas échéant, de nouveaux outils à même de remplir les objectifs que l’Union s’est fixée pour assurer sa sécurité. Vos rapporteurs souhaitent saluer cette démarche pragmatique.

La Commission européenne dresse un état des lieux des dispositifs et outils existants. Elle esquisse également des pistes d’amélioration. Pour rappel, les États, institutions et agences de l’Union disposent, à l’heure actuelle, de plusieurs bases de données. Le système d’information Schengen (SIS) a été mis à jour en 2015 pour améliorer l’échange d’informations sur les terroristes présumés et pour soutenir les efforts des États membres pour invalider les documents de voyage des personnes soupçonnées de vouloir rejoindre des organisations terroristes. La Commission européenne souligne que les États membres gagneraient à croiser les informations contenues dans le SIS et dans la base de données d’Interpol sur les documents de voyage volés ou perdus (SLTD).

Le système douanier d’informations anticipées sur les marchandises et le système d’information antifraude (AFIS), exploité par l’OLAF, sont deux plateformes d’échanges d’informations utilisées pour lutter contre la criminalité transfrontière. L’environnement commun de partage de l’information (CISE) en matière maritime permet, par ailleurs, l’échange d’informations concernant la sécurité face aux menaces liées à la piraterie, au terrorisme, au trafic d’armes et de stupéfiants ou encore à la traite des êtres humains et constitue une source d’information particulièrement utile.

S’agissant de la coopération policière, le « cadre Prüm », qui fournit aux États membres la possibilité de procéder à des comparaisons de données utiles dans le cadre d’enquêtes policières ou de poursuites judiciaires (profils ADN, données dactyloscopiques, immatriculation des véhicules), pourrait produire de meilleurs résultats si les États membres s’acquittaient davantage de leurs obligations relatives à la mise en œuvre du réseau. L’amélioration du fonctionnement du dispositif fait partie des priorités de la Commission européenne pour les années à venir. Vos rapporteurs estiment qu’une telle ambition doit être soutenue.

Enfin, dans les années à venir, le fonctionnement du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS)13 devrait être amélioré et l’opportunité de créer un système d’index européen des registres de la police (EPRIS)14 étudiée.

La Commission européenne a également présenté, en janvier 2013, une seconde étude portant sur l’échange des antécédents policiers (ADEP). Certains pays moteurs, dont la France, ont participé à l’élaboration, au cours de l’année 2015, d’un projet pilote devant aboutir, à terme, à la mise en place d’un tel système à l’échelle européenne.

La mise en œuvre du programme européen de sécurité nécessite une étroite coopération entre tous les acteurs concernés par les questions de sécurité. L’Union européenne peut, par l’intermédiaire du COSI, jouer un rôle déterminant pour promouvoir la coopération opérationnelle, y compris dans les secteurs où les compétences des États membres demeurent entières. L’action de l’Union européenne dans le cadre de la clause de solidarité,15 s’appuie par ailleurs sur le Centre de coordination de la réaction d’urgence de l’Union européenne.

En matière de terrorisme, l’Union européenne dispose désormais d’un Coordinateur de la lutte contre le terrorisme, poste créé à la suite des attentats de Madrid en 2004. Occupant ces fonctions depuis septembre 2007, Gilles de KERCHOVE est chargé de coordonner les travaux du Conseil, de présenter des recommandations et de suivre la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne dans ce domaine.

Enceinte de coopération, le cycle politique de l’Union européenne pour lutter contre la grande criminalité internationale organisée permet aux États membres de coordonner leurs priorités ou actions opérationnelles et de parvenir, notamment grâce à l’expertise d’EUROPOL, à une approche commune de la sécurité intérieure au sein de l’Union. Les opérations communes coordonnées par EUROPOL, à l’instar de l’opération Archimède16 menée en septembre 2014, sont des pratiques à systématiser pour réprimer les actes de grande criminalité.

La mobilisation des agences sur les questions de sécurité (en particulier FRONTEX, EUROPOL, EUROJUST) offre aux États membres un soutien précieux dans la lutte contre les menaces sécuritaires. Un renforcement de la coopération entre agences17 et entre États membres permettrait toutefois d’intensifier les échanges d’informations et d’améliorer l’efficacité des actions mises en œuvre.

À cet égard, vos rapporteurs soulignent qu’un projet d’accord de travail entre EUROPOL et EUROJUST est actuellement à l’étude. Il pourrait notamment permettre à EUROJUST d’accéder aux données détenues par EUROPOL. Les conditions de coopération doivent encore être précisées et devront présenter des garanties suffisantes du point de vue de la protection des données.

Les instruments de coopération transfrontières comme les équipes communes d’enquête (ECE) ou les opérations douanières conjointes (ODC) sont des illustrations des progrès accomplis en matière de coopération opérationnelle. Le recours à ces instruments doit être encouragé. La coopération entre États membres concerne également des réseaux d’unités nationales spécialisées tels que les cellules nationales de renseignements financiers (CRF) et les bureaux nationaux de recouvrement des avoirs (BRA) qui participent activement à la lutte contre le blanchiment de capitaux et à l’accès aux produits issus d’activités criminelles. Ce type de démarche est vivement encouragé par la Commission européenne.

Les institutions européennes soulignent par ailleurs les apports que peuvent représenter les échanges réguliers d’informations et de bonnes pratiques en matière de sécurité. Ces rencontres fréquentes peuvent prendre la forme de conférences annuelles, à l’instar du Forum consultatif européen sur la sécurité intérieure associant de nombreux acteurs (voir infra18).

Afin d’accroître la coopération judiciaire en matière pénale, l’Union européenne s’est enfin dotée d’outils efficaces quoique sous-exploités par les États. Si la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires et le mandat d’arrêt européen ont démontré leur efficacité, le gel et la confiscation d’avoirs d’origine criminelle et le réseau judiciaire européen (RJE) sont encore insuffisamment utilisés.

La mise en œuvre du programme européen pour 2015-2020, dans le respect des compétences des États membres et du principe de subsidiarité, doit aboutir à la création d’un espace européen de sécurité intérieure dans lequel la sécurité et les libertés individuelles sont garanties.

Véritablement transversal, le programme européen de sécurité s’appuie sur l’ensemble des politiques et des instruments de l’Union européenne.

Sans préjudice de la vigilance globale dont l’Union européenne doit faire preuve pour assurer sa sécurité, le programme pour la période 2015-2020 fixe trois priorités interdépendantes et complémentaires. Les actions coordonnées entre l’Union européenne et ses États membres devraient ainsi se concentrer sur la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et la cybercriminalité. De manière plus générale, les objectifs stratégiques définis dans la stratégie de sécurité intérieure 2010-2014 demeurent valables et sont maintenus (voir supra19).

Le programme définit une approche globale dont la réussite repose sur un triptyque associant partage des responsabilités, confiance mutuelle et coopération effective entre tous les acteurs : institutions et agences de l’Union européenne, États membres et autorités nationales, voire société civile.

Le programme européen pour 2015-2020 repose sur cinq principes directeurs et illustre le souci de l’Union européenne de développer une approche équilibrée conciliant libertés et sécurité.

L’Union européenne entend tout d’abord veiller au respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles20. Vos rapporteurs sont très sensibles à cette démarche et rappellent qu’il s’agit d’une nécessité dans un contexte marqué par le renforcement des garanties juridiques et juridictionnelles au sein de l’Union européenne21.

Le programme européen doit également s’inscrire dans un climat de confiance, nécessitant la poursuite des efforts en faveur de la transparence, de la responsabilité et du contrôle démocratique. Il est ainsi prévu que la Commission européenne tienne le Parlement européen et le Conseil informés de la réalisation des objectifs du programme de sécurité deux fois par an. Vos rapporteurs saluent les efforts annoncés pour renforcer le contrôle démocratique au sein de l’Union européenne et y demeureront attentifs.

Par ailleurs, la création, à l’initiative de la Commission européenne, d’un Forum consultatif européen sur la sécurité intérieure associant les institutions et agences de l’Union européenne, les États membres ainsi que des représentants de la société civile, du monde universitaire et du secteur privé, permet de renforcer la transparence et l’implication de tous les acteurs.

Pour une mise en œuvre efficace des mesures du programme européen de sécurité, une meilleure utilisation des instruments juridiques et outils en vigueur de l’Union européenne doit, en outre, être encouragée.

La Commission européenne insiste enfin sur la nécessité de concilier efficacement les dimensions intérieure et extérieure de la sécurité22. Dans cette perspective, le dialogue régulier avec les pays voisins de l’Union européenne et les candidats à l’adhésion, mais aussi avec les organisations régionales et internationales concernées doit être approfondi, notamment les Nations Unies, le Conseil de l’Europe et Interpol.

Pour une mise en œuvre satisfaisante du programme européen en matière de sécurité, les instruments en vigueur doivent être pleinement mobilisés et complétés, le cas échéant, par de nouveaux outils permettant d’améliorer les échanges d’informations, de renforcer la coopération opérationnelle ou de soutenir d’autres actions transversales en matière de sécurité (éducation, formation, recherche et innovation).

Depuis les années 2000, la dégradation du contexte sécuritaire a conduit au renforcement du cadre d’intervention des organisations internationales et des États.

La prise de conscience du développement du terrorisme international avec les attentats du 11 septembre 2001 a permis de renforcer progressivement le cadre d’intervention et les moyens d’actions des États et organisations internationales en matière de sécurité. La Stratégie antiterroriste mondiale adoptée par les Nations Unies en 200623 vise ainsi à promouvoir une approche stratégique commune et des actions coordonnées en matière de contre-terrorisme. Dans ce cadre, les Nations Unies ont, à plusieurs reprises, invité les États à adopter des sanctions pénales en répression d’actions terroristes. A la même période, le Conseil de l’Europe a adopté une Convention pour la prévention du terrorisme24 afin de renforcer les efforts déployés par les États en la matière.

La lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation sont des sujets d’importance pour l’Union européenne. Si la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public demeurent de la compétence des États membres (art. 4 TUE), l’action menée par l’Union européenne, aux côtés et en appui des États membres, permet de compléter utilement les mesures mises en œuvre au niveau national et d’offrir aux États membres un cadre commun pour lutter contre les organisations terroristes à dimension supranationale.

Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit que l’Union européenne puisse établir des règles minimales pour la définition des infractions pénales et des sanctions en matière de terrorisme25 et mener des actions de prévention, de coordination et de coopération – notamment par l’intermédiaire d’EUROPOL et d’EUROJUST – entre les autorités policières et judiciaires compétentes (art. 67 TFUE). Son intervention peut également s’inscrire dans le cadre de la clause de solidarité (art. 222 TFUE) permettant une action conjointe de l’Union européenne et de ses États membres, notamment en cas d’attaque terroriste dans un État. L’article 43 TUE26 prévoit également l’intervention de l’Union européenne, au titre de la politique de sécurité et de défense commune, pour lutter contre le terrorisme et l’article 42.7 TUE27 prévoit l’assistance que peuvent apporter les États membres à un État ayant fait l’objet d’une agression armée sur son territoire.

L’émotion suscitée par les attentats terroristes en Europe au cours de l’année 2015 a souligné la réalité de la menace que représentent pour le continent les individus radicalisés et est à l’origine des engagements forts pris par les chefs d’État et de Gouvernement en la matière. Le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020 s’inscrit dans ce contexte.

La thématique, qui figurait parmi les cinq axes identifiés pour la SSI 2010-2014, a été érigée au rang de priorité par les ministres des affaires intérieures de l’Union européenne, à la suite des attentats terroristes survenus en France28 et au Danemark en janvier et février 2015. Dans une déclaration commune, les chefs d’État et de Gouvernement ont rappelé, lors du Conseil européen du 12 février 2015, la nécessite de renforcer la lutte contre le terrorisme.

Les enjeux du programme européen de sécurité en matière de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation

En matière de lutte contre le terrorisme, l’intervention de l’Union européenne doit s’articuler avec les actions mises en œuvre au plan national et favoriser, autant que faire se peut, l’harmonisation des législations pour que les groupes terroristes ne profitent pas d’un défaut de coordination. L’Union européenne doit toutefois tenir compte, dans le domaine sensible qu’est par essence la sécurité intérieure, des choix de société souverains exprimés par les États membres en la matière. Vos rapporteurs rappellent le rôle que peuvent jouer les Parlements nationaux dans ce contexte et l’importance de les voir associés au processus législatif européen.

L’objectif prioritaire que constitue la lutte contre le terrorisme se traduit, dans le programme présenté par la Commission européenne, par une approche globale proposant à la fois de renforcer le volet répressif de la lutte contre le terrorisme à des fins de dissuasion et d’accentuer le volet préventif par une mobilisation aussi large que possible et reposant sur des mesures de communication, d’éducation et de formation.

Il est possible d’identifier, dans la mise en œuvre du premier objectif du programme, quatre axes principaux : l’identification des déplacements des terroristes ; la surveillance des mouvements financiers ; l’harmonisation des législations applicables en matière de terrorisme ; l’accent sur les actions de prévention, en particulier dans les prisons.

L’objectif de désorganiser la criminalité organisée s’inscrit dans la continuité du cycle politique mis en œuvre à partir de 2010 dans le cadre du programme de Stockholm. La grande criminalité transfrontière continue de représenter une menace préoccupante pour la sécurité de l’Union européenne ainsi qu’un risque de déstabilisation pour l’économie. En dépit des actions déjà menées pour en limiter l’ampleur ou les conséquences, le développement et le maintien des trafics de drogues, d’armes, de contrefaçons voire de monnaies ainsi que la traite des êtres humains, justifient l’attention particulière et constante que les institutions européennes leur portent.

La déstabilisation politique de certains pays d’Afrique du Nord et du Proche et Moyen-Orient alimente régulièrement depuis quelques temps les flux de migrants à destination de l’Union européenne et permet aux réseaux de passeurs de prospérer. La Commission européenne a ainsi souligné que le trafic de migrants constitue une nouvelle forme de traite des êtres humains à laquelle se livrent les réseaux de criminalité. L’une des priorités de l’action de l’Union est de découvrir et démanteler ces réseaux criminels. Le renforcement des enquêtes transfrontières, avec le soutien des agences européennes, et des mécanismes permettant de confisquer les avoirs d’origine criminelle sont des pistes à privilégier.

L’Union européenne entend aussi renforcer la coopération avec les pays tiers, en particulier avec les pays de la Corne de l’Afrique s’agissant du trafic des migrants. La lutte contre la criminalité organisée est par ailleurs au cœur des négociations sur l’élargissement avec certains pays des Balkans occidentaux, comme le Kosovo.

Les enjeux du programme européen de sécurité pour 2015-2020 en matière de lutte contre la criminalité organisée

En matière de lutte contre la criminalité organisée, les priorités identifiées par la Commission européenne concernent principalement l’amélioration de la législation sur les armes à feu et le renforcement de la lutte contre le trafic des êtres humains – en particulier s’agissant du trafic de migrants.

Si les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) présentent des potentialités prometteuses pour les sociétés européennes et l’avènement d’un grand marché unique numérique, elles offrent également un support nouveau et facilement accessible pour les activités criminelles, en leur conférant une ampleur sans précédent.

La cybercriminalité fait peser sur les droits fondamentaux et sur les économies une menace réelle et croissante. A cet égard, les attaques des systèmes d’information, la pédopornographie, la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement ou encore le hameçonnage, commandent une réponse appropriée et coordonnée à l’échelle européenne.

La cybersécurité est au cœur des préoccupations de l’Union européenne, en particulier depuis l’établissement, en 2013, d’une stratégie visant à établir un cyberespace « ouvert, sûr et sécurisé ». Elle s’articule avec la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité29, qui constitue la norme internationale en matière de coopération et une source d’inspiration pour les législations nationales et européenne. L’Union européenne, dont tous les membres n’ont pas ratifié le texte, promeut de façon continue la Convention dans le souci d’une coopération internationale efficace en la matière.

Les enjeux du programme européen de sécurité pour 2015-2020 en matière de cybercriminalité

La lutte contre la cybercriminalité en Europe doit prendre en compte la nécessité de disposer d’un personnel hautement qualifié, pouvant faire face aux défis techniques et technologiques sur lesquels s’appuient les nouvelles formes de criminalité ; la protection des droits fondamentaux, de la vie privée et des données personnelles des citoyens ; et l’intérêt que peut représenter en la matière une coopération opérationnelle avec le secteur privé.

Le programme de la Commission européenne se décline en actions souvent complémentaires, mettant l’accent sur la coopération opérationnelle et les échanges d’informations. Le programme identifie des actions législatives et des actions non législatives à mettre en place. Si l’essentiel du programme reste à réaliser, certaines mesures ont déjà été mises en œuvre, pour corriger ou compléter les dispositifs existants.

L’adoption du paquet anti-blanchiment en mai 2015 ou l’établissement d’indicateurs de risques communs à destination des garde-frontières à l’appui des contrôles aux frontières au sein l’Union européenne en sont des illustrations.

Ambitieux, le programme européen de sécurité se propose d’ouvrir plusieurs chantiers d’importance. Au moment de la rédaction de cette communication, certains sujets sont déjà en cours de négociations.

Vos rapporteurs considèrent néanmoins que certains projets, qui ne sont pas évoqués dans le programme, comme le projet relatif au Parquet européen, mériteraient d’y figurer. Vos rapporteurs y reviendront (cf. III).

La détection le plus en amont possible des intentions criminelles suppose que les échanges d’informations au sein de l’Union européenne soient fluides et réguliers et la coopération opérationnelle efficace.

Dans cette perspective, l’accroissement des échanges d’informations, notamment via le système d’information Schengen (SIS) et la surveillance des mouvements financiers, le renforcement des contrôles aux frontières au sein de l’Union européenne et l’établissement d’un Passenger Name Record (PNR) européen et sont des démarches à poursuivre ou encourager.

Le renforcement des contrôles aux frontières au sein de l’Union européenne constitue un enjeu central de la lutte contre le terrorisme et nécessite l’implication de tous les États membres.

Acté dans la déclaration des chefs d’État et de Gouvernement du 12 février 2015 de Riga, le principe des « contrôles systématiques et coordonnés de personnes jouissant du droit à la libre circulation » s’est traduit par l’adoption d’une liste d’ »  indicateurs de risque communs » à destination des garde-frontières.

Le document réalisé à partir des contributions des États membres, d’EUROPOL et de FRONTEX, a été finalisé le 15 juin 2015 et ses critères sont utilisés depuis dans les contrôles réalisés. L’identification lors de leur retour vers l’Union européenne des combattants étrangers radicalisés s’appuie désormais sur l’exploitation d’un SIS plus performant (SIS II) ainsi que sur une liste de critères communs permettant des contrôles plus ciblés et plus cohérents sur l’ensemble du territoire européen.

Pour faciliter la mise en œuvre coordonnée des indicateurs de risque communs, des lignes directrices pourraient être établies par FRONTEX et régulièrement mises à jour par la Commission européenne, FRONTEX, EUROPOL et les États membres.

S’il faut saluer l’instauration, à droit constant, de ces contrôles coordonnés sur la base des indicateurs de risque communs, vos rapporteurs rappellent que seule une révision du code frontières Schengen pourrait rendre les contrôles obligatoires et systématiques.

Une telle évolution du cadre juridique applicable est vivement demandée par la France. En effet, sans contrôle systématique effectif à l’occasion du franchissement des frontières au sein de l’Union européenne, le dispositif français de lutte contre le terrorisme30, qui prévoit une interdiction administrative de sortie du territoire pour les ressortissants français projetant de participer à des activités terroristes à l’étranger, serait vidé de sa substance.

L’application systématique et obligatoire de normes communes rigoureuses en matière de gestion des frontières est essentielle pour prévenir la criminalité transfrontière et le terrorisme dans une zone où chaque État membre est responsable pour l’ensemble de l’Union européenne du contrôle de ses frontières. Vos rapporteurs sont favorables à une modification du cadre applicable qui aille dans le sens d’une plus grande responsabilité et solidarité entre les États membres.

La surveillance des opérations financières est un volet important de la lutte contre les réseaux terroristes. Souvent associées, la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme ont fait l’objet, au sein de l’Union européenne, de plusieurs règlementations.

L’Union européenne s’est ainsi dotée en 2002 d’un règlement sur le gel administratif des avoirs liés au terrorisme31 et peut, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, instaurer un système équivalent pour les activités terroristes menées à l’intérieur de l’Union européenne32. L’opportunité d’une telle législation est actuellement étudiée par la Commission européenne. Vos rapporteurs considèrent que cette démarche est nécessaire à l’amélioration du cadre répressif européen. Dans une lettre commune adressée à la Commission européenne le 31 mars 2015, la France et l’Allemagne ont indiqué leur souhait de voir le mécanisme européen de gel des avoirs des terroristes renforcé afin d’assurer une meilleure traçabilité des flux financiers.

Il convient de souligner l’adoption, en mai 2015, de nouvelles règles33 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Celles-ci entendent « protéger les citoyens et préserver le marché intérieur de l'Union européenne en veillant à ce que les systèmes financiers de l'Union européenne ne soient pas exploités à des fins terroristes ou pour le blanchiment de capitaux » et mettent en place une approche fondée sur les risques, conformément aux recommandations du groupe d’action financière34 (GAFI).

Il est toutefois possible d’aller plus loin35 et d’envisager une révision de la directive de mai 2015 afin d’harmoniser les compétences des cellules nationales de renseignement financier en charge de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, aujourd’hui très différentes et non optimales36.

La possibilité de recourir, à l’image du système de suivi du financement du terrorisme américain (TFTP), à la surveillance des messages financiers permettant les opérations bancaires est soutenue par la France. La Commission européenne estime pour l’heure que le programme de surveillance établi entre l’Union européenne et les États-Unis, qui permet aux États membres de solliciter la consultation de données financières lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner des activités terroristes, fonctionne de façon satisfaisante et considère qu’un programme similaire à l’échelle européenne n’est pas pertinent compte tenu du rapport coûts/avantages.

Rejetée par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (LIBE) en 2013, la proposition de directive visant à créer un système européen de dossiers passagers (Passenger Name Record – PNR) fait, depuis le début de l’année 2015, l’objet de négociations dont les institutions européennes espèrent l’aboutissement d’ici la fin de l’année.

Toutefois, l’absence de compromis entre les institutions et États européens à ce stade37 rend cette échéance de moins en moins réaliste.

Les discussions menées illustrent, dans un contexte marqué par la jurisprudence « Schrems »38, les tensions traditionnelles entre sécurité et libertés. Alors que certains pays se sont déjà dotés d’un outil national, la mise en place d’un système européen décentralisé d’exploitation des données PNR permettrait d’améliorer l’efficacité de la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité à l’échelle de l’Union européenne. Un juste calibrage de l’outil est toutefois indispensable.

Les oppositions et craintes des institutions et États de l’Union européenne qui s’expriment sur ce projet soulignent en effet la nécessité d’aboutir à un outil parfaitement opérationnel et pleinement respectueux des droits fondamentaux et des données personnelles. Ainsi, le champ d’application de la directive, la durée « avant masquage » et la durée de conservation des données sont des points vivement débattus. Par ailleurs, certains aspects qui n’étaient pas inclus dans le projet initial sont examinés par le Parlement européen et le Conseil, à l’instar des questions relatives aux charters et aux vols cibles ainsi qu’à l’inclusion de vols PNR intra-européens.

Les attentats déjoués dans le Thalys à l’été 2015 illustrent la nécessité d’une approche globale en matière de transports. Vos rapporteurs rappellent, à cet égard, que la priorité d’assurer la sécurité dans les transports aériens ne doit pas aboutir à négliger la sécurité dans les autres types de transports, en particuliers terrestres.

Fonctionnement du dispositif et positions de la France

En l’état actuel des négociations, le dispositif prévoit que les données PNR feront l’objet d’un masquage et ne seront pas directement accessibles. Les services seront tenus de transmettre des requêtes motivées auprès de l’Unité d’information des passagers (UIP), qui donnera l’autorisation de procéder au démasquage des données.

Outre la durée de conservation des données PNR39, la durée de masquage des données, élément central du dispositif, fait l’objet de vifs débats entre les États membres. La durée de 30 jours avant masquage initialement proposée ne répond pas aux impératifs d’efficacité et de réactivité nécessaires en matière de lutte contre le terrorisme et de criminalité grave. La France a proposé que la durée avant masquage soit portée à un an. L’efficacité des enquêtes et la protection des données doivent être habilement conciliées.

Très attachée à ce que la mise en œuvre du PNR s’accompagne d’un dispositif exigeant de protection des données personnelles, la France considère que des garanties nouvelles pourraient également être insérées. Ainsi, des efforts pour la formation à la protection des données personnelles et aux droits fondamentaux pourraient être encouragés et la création d’une « liste blanche », pour éviter que les voyageurs contrôlés à tort ne le soient de nouveau lors d’un voyage futur, envisagée. Ce dernier point n’a, à ce stade, pas été évoqué lors des négociations.

Vos rapporteurs soulignent la nécessité pour la France de faire entendre sa voix40 dans les négociations afin que le dispositif mis en place présente un haut niveau de protection des droits fondamentaux et des données personnelles, tout en satisfaisant aux impératifs d’une lutte efficace contre le terrorisme.

Vos rapporteurs tiennent également à rappeler l’attention constante portée par notre Commission à ces questions depuis le lancement du projet. Votre Commission a ainsi exprimé à plusieurs reprises41 son souhait de voir les négociations sur les données PNR aboutir rapidement à un dispositif d’exploitation efficace et pleinement respectueux des droits fondamentaux et des données personnelles.

La lutte contre le terrorisme au niveau européen exige une harmonisation plus poussée des législations pénales. Une approche supranationale est en effet nécessaire dans un espace où les personnes circulent librement, afin que les différences dans les législations en vigueur ne soient pas exploitées à des fins criminelles ou terroristes.

Dans un contexte d’augmentation et de renouvellement de la menace terroriste, le phénomène des «  combattants étrangers », apparu dans le cadre du conflit syrien et dont l’importance n’a cessé de croître depuis, a conduit les institutions européennes et internationales à se saisir de la question. La Résolution 2178 (2014) des Nations Unies42 a ainsi proposé une définition du « combattant terroriste étranger ». Le Protocole additionnel à la Convention du 16 mai 2005 pour la prévention du terrorisme du Conseil de l’Europe, signé par 17 États et par l’Union européenne le 22 octobre 201543, érige en infractions pénales la participation intentionnelle à un groupe terroriste, le fait de recevoir un entraînement pour le terrorisme, le fait de se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme ainsi que le financement ou l’organisation de ces voyages.

Dans cette perspective, un chantier de révision de la décision-cadre 2008/919/JAI devrait être ouvert afin de tenir compte des instruments légaux créés par le Protocole additionnel précité.

La Commission LIBE du Parlement européen a par ailleurs proposé44 que l’Union européenne adopte une définition commune de cette réalité nouvelle afin qu’un traitement identique puisse lui être réservé. Vos rapporteurs considèrent qu’une telle proposition doit être soutenue et soulignent que le traitement juridique de la question doit s’accompagner, pour être plus efficace, d’actions de prévention, d’éducation et de formation.

Les actions de prévention de la radicalisation constituent l’un des principaux axes du programme européen de sécurité et s’articulent principalement autour du contrôle des messages diffusés sur Internet, de la construction d’un contre-discours de tolérance et d’une étroite coopération avec les grands opérateurs d’Internet. L’éducation et la formation ont également un rôle important à jouer.

Réunis le 11 janvier 2015 à Paris à l’invitation du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, les ministres de l’Intérieur et/ ou de la Justice de 11 États membres, en présence de la Commission européenne et des autorités du Canada et des États-Unis, ont exprimé dans leur déclaration conjointe leurs préoccupations quant à l’utilisation d’Internet à des fins de haine et de violence. Les différents États se sont entendus sur la nécessité de veiller à ce qu’Internet demeure un espace de libre expression respectueux des libertés fondamentales et des législations applicables.

Créée le 1er juillet 2015 au sein d’EUROPOL, l’unité de référencement Internet (Internet Referral Unit – IRU) pour lutter contre la propagande terroriste sur Internet s’inscrit dans la continuité du projet « Check the web »45.

L’utilisation croissante des technologies de l’information et de la communication par les organisations terroristes, leur fine connaissance du fonctionnement des réseaux sociaux et le succès de leurs campagnes de communication, nécessitent une approche cohérente et coordonnée à l’échelle européenne. L’unité de référencement Internet d’Europol est ainsi chargée d’aider les États membres à détecter et éliminer les contenus extrémistes violents diffusés sur Internet afin de limiter l’impact de la propagande terroriste. Actuellement en phase pilote, l’unité a mis en place des partenariats avec des sociétés actives dans le domaine d’Internet et a déjà procédé à 500 signalements dont 90 % ont abouti au retrait des contenus. L’unité effectue également une activité de veille sur l’aide à l’immigration illégale.

Si les premiers résultats sont encourageants, un renforcement significatif des moyens de la cellule pourrait être encouragé, comme le souligne, notamment le Coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme. Vos rapporteurs saluent la création de l’unité de référencement et souscrivent aux préconisations du Coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme.

La prévention de la radicalisation et de l’islamophobie peuvent également s’attacher à construire un contre-discours européen.

Les actions entreprises en matière de prévention de la radicalisation s’appuient sur le réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR) dont le fonctionnement, depuis son lancement en 2011, s’avère plutôt satisfaisant.

La Commission européenne entend le faire évoluer vers un centre d’excellence46 dont l’action s’articule principalement autour de l’échange d’expérience, de la coopération et du partage d’expertise en matière de prévention. De la participation et de l’implication de tous les acteurs pour faire vivre ce réseau dépendent les succès des actions de prévention menées. Le réseau devra ainsi être pleinement exploité par les États membres et des activités pourront utilement être développées avec les pays tiers identifiés comme prioritaires.

Vos rapporteurs regrettent à ce stade que le programme européen de sécurité ne soit pas suffisamment précis sur ces questions et se contente de déclarations d’intentions.

Le colloque annuel sur les droits fondamentaux des 1er et 2 octobre 2015, organisé par le premier vice-président de la Commission européenne, M. Timmermans, s’est concentré sur la promotion de la tolérance et du respect, faisant émerger des pistes d’action pour l’Union européenne pour prévenir et combattre l’intolérance religieuse. Dans le contexte de crise des réfugiés, l’action de l’Union européenne pourrait notamment s’appuyer sur les témoignages des victimes de l’État islamique afin de faciliter et de renforcer le contre-discours véhiculé.

Par ailleurs, les mesures mises en œuvre par les autorités françaises depuis 2014 pourraient constituer une source d’inspiration pour l’Union européenne en matière de lutte contre la radicalisation et la diffusion de la propagande terroriste, en particulier sur Internet.

Ainsi, en France, le plan de lutte contre la radicalisation violente permet ainsi, depuis avril 2014, aux parents inquiets de s’opposer à la sortie du territoire de leurs enfants en se signalant aux autorités. Des actions préventives visant à développer un contre-discours sont également menées. Un site dédié à la prévention et à la lutte contre la propagande djihadiste (stop-djihadisme.gouv.fr) fournit aux citoyens des informations permettant de comprendre les enjeux et moyens de la lutte antiterroriste et de faciliter la mobilisation du plus grand nombre.

La prévention de la radicalisation a également vocation à être traitée dans le cadre des politiques éducatives et sociales. A cet égard, l’accent doit être mis sur l’éducation, la formation, l’intégration professionnelle et sociale, en particulier pour les individus en prison ou à leur sortie de prison. L’Organisation européenne des services pénitentiaires et correctionnels (EUROPRIS) constitue un partenaire précieux pour appréhender les actions de formation à la déradicalisation et à la prévention de la radicalisation en milieu carcéral.

Le Coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme invite plus généralement la Commission européenne à présenter en janvier 2016 une communication sur la contribution de l’éducation, de la culture et du sport à la prévention de la radicalisation.

Le rapport de la commission LIBE précédemment cité souligne notamment la nécessité de lutter contre la radicalisation et la marginalisation des jeunes et de promouvoir leur inclusion par une série de mesures concrètes mises en œuvre dans le cadre de la stratégie européenne en faveur de la jeunesse, des plans de travail de l’Union européenne en faveur du sport et de la culture. Des travaux de recherche pourront également être lancés dans le cadre du programme « Horizon 2020 » afin d’améliorer la connaissance et la compréhension des causes et manifestations de la radicalisation et de développer des réponses appropriées.

Vos rapporteurs se félicitent de la prise de conscience de la nécessité d’intégrer les questions d’éducation et de formation aux enjeux du programme de sécurité et se montreront particulièrement vigilants au suivi des mesures mises en œuvre dans ce cadre. Vos rapporteurs soulignent également qu’il conviendra de veiller à la correcte articulation de ces mesures avec l’ensemble des politiques de l’Union européenne, notamment s’agissant des programmes en faveur de la jeunesse.

La circulation des armes à feu sur le territoire de l’Union européenne est actuellement régie par une directive de 1991 modifiée en 200847. Le contrôle de l’application de cette directive est toutefois insuffisant. Par ailleurs, certaines définitions données dans la directive sont insatisfaisantes et permettent des interprétations divergentes qui profitent aux criminels.

Les attentats terroristes qui ont frappé l’Europe ces dernières années ont cristallisé l’attention sur la manière dont les groupes criminels organisés se procurent des armes à feu en Europe et se livrent, le cas échéant, à un commerce à grande échelle. Sensibles, les questions relatives au droit de détenir et aux conditions d’utilisation d’une arme à feu, relèvent de choix de société qui appartiennent aux États membres. Les divergences entre les législations nationales qui font toutefois obstacle aux contrôles et à la coopération policière profitent in fine aux réseaux criminels.

Consciente de cette problématique, la Commission européenne réexaminera en 2016 la législation sur les armes à feu en tenant compte des positions des différents États membres en la matière. A cet égard, la France se montre particulièrement déterminée à améliorer le cadre commun applicable.

Favorables à une révision de la directive de 1991 modifiée en 2008, les autorités françaises ont également souligné des mesures à droit constant articulées autour de trois axes : la neutralisation des armes à feu, un contrôle accru sur l’application de la directive et un renforcement significatif des échanges d’informations, en particulier en l’absence de fichier dématérialisé au niveau de l’Union européenne48 permettant d’assurer la traçabilité des armes à feu.

La révision de la directive sera l’occasion d’établir des positions européennes concernant : le statut juridique49 et la définition50 de certains points mentionnés dans la directive ; l’élargissement éventuel du champ de la directive afin d’y inclure les armes neutralisées, les armes à blanc et les armes historiques ; la traçabilité des armes à feu ; l’instauration d’une norme européenne en matière de marquage ; l’allongement de la durée de conservation des armes ; la régulation de la vente d’armes sur Internet.

L’importance du trafic d’armes à feu dans certains pays voisins de l’Union européenne souligne la nécessité de renforcer la coopération avec les pays de provenance des armes introduites de manière illégale sur le territoire européen. A cet égard, il convient de mettre pleinement en œuvre le plan d’action opérationnel établi pour 2015-2019 entre l’Union européenne et les pays de l’Europe du Sud-Est et de réfléchir à l’opportunité d’un partenariat similaire avec certains pays d’Afrique du Nord et du Proche et Moyen-Orient (Égypte, Tunisie, Maroc, Algérie, Israël, Liban, Jordanie).

Vos rapporteurs soutiennent la démarche des autorités françaises et saluent l’intention de l’Union européenne de développer, outre une réponse législative, des partenariats opérationnels avec les États concernés.

Le président Juncker a fait de la lutte contre la traite des êtres humains une des priorités de la Commission européenne. Plusieurs axes ont été identifiés : la dimension « genrée » de la traite des êtres humains qui concerne à 90 % des femmes ou des filles, la lutte contre les différentes formes d’exploitation (sexuelle, exploitation par le travail, travail forcé, servitude, mendicité forcée, trafic d’organes) et le cas particulier que constitue le trafic de migrants.

Une attention particulière semble devoir être portée aux flux financiers engendrés par ces trafics, ainsi que sur les liens entre ces profits et le terrorisme.

Le programme européen de sécurité reste relativement muet sur les solutions opérationnelles que l’Union européenne pourrait mettre en œuvre et se contente d’indiquer qu’une stratégie de l’après 2016 devra être élaborée51. S’agissant du trafic de migrants, le programme européen de sécurité propose de lancer des actions conjointes et des stratégies de coopération avec les pays tiers clés.

Il convient de saluer le lancement, le 17 mars 2015, de l’opération « Jot Mare52 », modèle unique créant une équipe opérationnelle commune associant les États membres et EUROPOL, qui témoigne de la détermination de l’Union européenne à faire du trafic de migrants une priorité. Cette opération, axée sur le renseignement, vise à lutter contre les groupes criminels organisés qui se livrent à un trafic de migrants en Méditerranée. Les États d’accueil ou de transit53, et d’autres acteurs clefs comme INTERPOL ou FRONTEX sont étroitement associés à l’opération. L’équipe opérationnelle commune Mare travaille également en étroite collaboration avec l’unité de référencement Internet pour limiter l’utilisation abusive que peuvent faire les trafiquants des réseaux sociaux.

Sous la pression migratoire constante et croissante, la Commission européenne a indiqué, dans sa communication relative au plan d’action de l’Union européenne contre le trafic de migrants (2015-2020)54, au titre des actions spécifiques, le renforcement de la « JOT Mare » pour en faire le centre d'information de l'Union pour les affaires de trafic de migrants par mer. Cette annonce devra faire l’objet d’un suivi attentif.

L’adoption de la stratégie de cybersécurité de l’Union européenne55 met notamment l’accent sur la prévention des menaces pesant sur l’environnement en ligne.

Au sein de l’Union européenne, les actions privilégient l’harmonisation des législations nationales, encouragent la coopération opérationnelle et l’échange d’informations, tout en insistant sur le rôle du centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3).

L’adoption de la directive sur la sécurité des réseaux et de l’information56 constitue un axe important de la stratégie européenne et devrait permettre de renforcer la coopération entre les services répressifs et les autorités chargées de la cybersécurité.

L’implication des agences et institutions de l’Union européenne, en particulier s’agissant du centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) d’EUROPOL et de l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), témoigne du renforcement du cadre pour l’échange d’informations sur les attaques. Les efforts en la matière doivent être poursuivis.

Par ailleurs, vos rapporteurs rappellent que la création de l’EC3 s’est faite à ressources constantes et soulignent la nécessité de se montrer particulièrement vigilant à ce que les coûts de la création de ce nouveau centre ne conduisent pas à priver de moyens d’autres actions du programme européen en matière de sécurité, en particulier s’agissant de la lutte contre la criminalité organisée.

La cybercriminalité, menace transfrontière par nature, nécessite également que les autorités judiciaires compétentes coopèrent et améliorent notamment l’accès aux éléments de preuve et d’information en dehors de leur juridiction territoriale. La Commission européenne souligne à cet égard le rôle que peut jouer EUROJUST pour faciliter l’échange de bonnes pratiques et pour mettre en lumière les difficultés posées par la collecte et l’utilisation de preuves électroniques dans les enquêtes en matière de cybercriminalité risquant d’entraver la lutte contre la criminalité.

De manière générale, vos rapporteurs se félicitent de la démarche retenue par la Commission européenne et souscrivent à l’ensemble des objectifs retenus pour la période 2015-2020.

Vos rapporteurs regrettent que certains points du programme ne soient pas suffisamment précis, notamment s’agissant des aspects liés au financement des actions du programme. Il conviendra de se montrer particulièrement attentif à cette question et veiller également à ce que les outils ou organes nouveaux qui pourraient être créés pour la mise en œuvre opérationnelle du programme n’aboutissent pas à dupliquer inutilement les structures de coopération.

Vos rapporteurs souhaitent également revenir à présent sur certaines annonces et initiatives mises en place depuis le lancement officiel du programme européen de sécurité et faire part de leur souhait de voir les choses aller plus loin encore. A cet égard, il est regrettable que certains projets ou mesures ambitieux ne figurent pas dans le programme de sécurité pour 2015-2020.

La sécurité des transports terrestres, qui n’est pas abordée spécifiquement dans le programme européen de sécurité, a fait l’objet d’une attention renouvelée suite aux événements de l’été 2015.

L’attaque déjouée à bord d’un train Thalys le 21 août 2015 a donné lieu à une réunion extraordinaire d’un groupe d’experts de l’Union européenne sur la sûreté des transports terrestres (LANDSEC) le 11 septembre 2015 portant sur la sécurité des voyageurs empruntant les voies de chemins de fer.

A cette occasion, les États membres, la Commission européenne et les opérateurs se sont entendus sur la nécessité d’apporter une réponse coordonnée et proportionnée à cette question, qui ne nuise pas au bon fonctionnement, à l’accessibilité et à la rapidité des transports ferroviaires.

Les modalités d’une coopération efficace incluant des échanges d’informations et de bonnes pratiques devraient être précisées, s’agissant notamment de la formation des personnels aux questions de sûreté, de la définition des niveaux de sûreté, de la planification des mesures d’urgence et des plans de rétablissement des services pour faire face aux incidents graves.

Vos rapporteurs soulignent la nécessité de ne négliger, en matière de sécurité, aucun mode de transports et souhaiteraient que cette dimension soit intégrée dans les actions et priorités de l’Union européenne.

Les attentats survenus à Paris le 13 novembre 2015 illustrent de façon tragique le phénomène des combattants étrangers.

L’importance prise par l’augmentation du nombre de combattants étrangers, en particulier parmi les jeunes européens, rend indispensable une réflexion sur les réponses qui peuvent être apportées à ce phénomène nouveau et préoccupant.

Selon le Coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, près de 5 000 personnes seraient concernées, en particulier en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Les solutions jusque-là esquissées par les États membres pourraient faire l’objet de discussions et un consensus s’est dégagé sur le rôle que peut jouer l’Union européenne pour faciliter et promouvoir les échanges d’expériences et de bonnes pratiques ainsi que sur l’appui financier que peut apporter la Commission européenne à des initiatives locales.

Vos rapporteurs saluent cette démarche et demandent à ce que l’implication de tous les acteurs s’intensifie sur ce point.

Vos rapporteurs estiment, qu’à l’image de la démarche entreprise en France par le ministre de l’Intérieur, Bernard CAZENEUVE, l’Union européenne devrait s’efforcer d’établir un dialogue et un partenariat constructifs avec les grands opérateurs d’Internet dont la coopération est essentielle au succès de la lutte contre le terrorisme.

En France, l’accent a été mis sur la nécessité de responsabiliser les acteurs du secteur. Ainsi, le recours à une réglementation a été écarté au profit d’une démarche plus souple associant davantage les opérateurs d’Internet à la mise en place d’une stratégie coopérative pour lutter contre la propagande terroriste en ligne. Réunis le 22 avril 2015, le Ministre de l’Intérieur français et les grands opérateurs d’Internet se sont accordés sur la nécessité de mettre en place une plateforme de bonnes pratiques dans le cadre de la lutte contre la propagande terroriste sur Internet.

Cette plateforme prévoit notamment la création d’un label permettant le retrait plus rapide des contenus illicites sur Internet57, le renforcement de la formation destinée aux policiers et aux gendarmes sur ces questions et la création d’un groupe de contact permanent entre le ministère et les opérateurs afin d’améliorer la réactivité opérationnelle.

Le programme européen de sécurité indique que l’Union européenne doit combler les lacunes éventuelles de la lutte contre l’incitation à la haine en ligne et propose la création d’un forum de l’Union européenne avec le secteur informatique pour lutter contre la propagande terroriste et répondre aux interrogations suscitées par les nouvelles technologies de cryptage.

Lors d’une conférence consacrée à la radicalisation58 réunissant, le 19 octobre 2015, les ministres de la Justice des États de l’Union européenne, la Commission européenne s’est engagée à organiser, au mois de décembre 2015, un Forum avec le secteur informatique - fournisseurs d’accès à Internet et représentants des réseaux sociaux -, les autorités répressives et la société civile dans le cadre de la lutte contre la propagande terroriste en ligne. La conférence a par ailleurs permis un échange de points de vue sur les réponses pouvant être apportées en matière de prévention de la radicalisation (programmes de réinsertion dans le cadre judiciaire, en prison ou en dehors).

Vos rapporteurs saluent ces initiatives et invitent l’Union européenne et les États membres à poursuivre dans cette voie, en tirant utilement parti d’une coopération avec le secteur privé. Ces engagements devraient en outre faire l’objet d’une action législative au niveau de l’Union européenne afin de créer ou, a minima, d’harmoniser les outils permettant de lutter efficacement contre la haine et la criminalité en ligne.

Renforcer le traitement judiciaire de la criminalité transfrontière en soutenant l’émergence d’un Parquet européen aux compétences élargies

Vos rapporteurs regrettent qu’aucune mention ne soit faite du projet de Parquet européen dans le programme européen de sécurité. Conformément à une position constante de notre Commission59, vos rapporteurs rappellent leur vif soutien à ce projet ainsi que leur souhait de voir les compétences du Parquet européen élargies à la criminalité transfrontière. Une telle avancée permettrait en effet de donner à l’Union européenne et aux États membres les moyens d’apporter une réponse commune efficace et cohérente sur l’ensemble du territoire européen en matière de sécurité.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Examen du rapport d’information le 18 novembre 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, présidente.

« La Présidente Danielle Auroi. Le premier point de notre ordre du jour est malheureusement au cœur de l’actualité puisqu’il s’agit de présenter le nouveau programme européen de sécurité. Je crois que la question que je posais tout à l’heure sur le Parquet européen dans le cadre des questions au Gouvernement faisait aussi partie de la même logique.

Avant de passer la parole à nos deux co-rapporteurs, je souhaiterais souligner auprès de vous que, dans son discours solennel devant le Congrès, le Président de la République a fortement fait appel à l’action de l’Europe. Dans ces circonstances tragiques, l’Europe est en effet le niveau incontournable pour relever les défis majeurs qui sont devant nous, notamment en matière de sécurité, mais aussi dans bien d’autres domaines.

Le Président a évoqué le recours au paragraphe 7 de l’article 42 du Traité sur l’Union européenne. Celui-ci, resté jusqu’à présent lettre morte, prévoit une aide et une assistance de tous les États membres si l’un d’entre eux fait l’objet d’une agression armée. Je me permettrais quand même de rappeler que cinq États sont théoriquement dispensés mais le Ministre Le Drian nous a assuré que tous les États avaient fait preuve de solidarité au cours du Conseil qui a examiné cette demande de la France. La Haute Représentante Federica Mogherini et notre Ministre de la Défense ont annoncé ensemble, compte tenu du contexte sécuritaire inédit en Europe, que cette clause de défense commune était activée à effet immédiat. Nous sommes donc bien dans une logique plus positive et plus claire : cet article est utilisé et activé de façon solidaire pour la première fois.

La réaction de l’Union européenne pour assurer sa protection collective face à la menace terroriste ne serait donc pas limitée au domaine intérieur mais aura désormais une dimension de défense commune. C’est important pour nous qui travaillons déjà depuis des mois et des années, pour certains d’entre nous, sur cette logique de la défense commune. C’est un pas politique essentiel pour l’union de nos pays européens que je tenais à souligner devant vous dès maintenant.

Sur des sujets voisins, je vais passer la parole à nos deux co-rapporteurs que nous allons écouter avec la plus grande attention.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Merci, Madame la Présidente, pour vos paroles à ce moment particulier. Effectivement, chers collègues, notre communication relative au programme européen de sécurité pour la période 2015-2020, prévue depuis plusieurs semaines, intervient après le terrible choc et drame qu’ont constitué les attentats du 13 novembre. Bien sûr, ma première pensée va aux victimes, à leurs familles et proches. Ma reconnaissance va aussi aux forces de sécurité, de secours et de santé mobilisées pour aider et sauver.

Il y a plus de deux cent ans, Condorcet énonçait qu’ »  il ne suffit pas pour jouir de la liberté, de ne pas craindre qu’elle soit troublée par l’autorité civile, il faut encore qu’elle soit à l’abri de la violence et des attentats que les préjugés peuvent inspirer ». C’était, selon lui, la justification d’une force publique dévouée à la République. Les conditions de fonctionnement d’une « force publique », pour reprendre cette expression, au niveau européen sont au cœur de notre communication avec Charles de La Verpillière.

Si parfois notre travail de députés de la commission des affaires européennes est un point dans un chemin décisionnel complexe où les États doivent s’accorder pour décider, il convient de considérer que notre travail est un travail de fond, de conviction, de recommandation et de résolution engageant la volonté nationale. Notre travail, en s’inscrivant dans la durée et au fond, fait progresser les opinions : celles des autorités françaises, celles des autres parlements, qu’ils soient européen ou nationaux, et évidemment de nos concitoyens.

Sur l’ensemble des sujets évoqués par le Chef de l’État lors de son message au Congrès lundi, nous pouvons me semble-t-il nous féliciter d’avoir travaillé, proposé, alerté sur un grand nombre de sujets qui sont aujourd’hui des priorités, que l’on retrouve dans nos communications précédentes mais aussi dans le programme pour la sécurité au niveau européen. La gestion communes des frontières, le passager name record (PNR), la nécessité d’une meilleure coordination de la lutte contre les trafics criminels, font partie des sujets que nous avons traités, appelant au renforcement des moyens partagés et communs dans l’Union.

Nos résolutions sur le Parquet européen, rappelées d’ailleurs par notre Présidente lors des questions d’actualité, notre appel à renforcer les moyens dédiés aux opérations de contrôle de l’immigration irrégulière au moment où la Commission entendait les diminuer, notre appui à des moyens nouveaux comme la création d’un corps de garde-frontières, constituent autant de points positifs et constructifs d’une politique de sécurité commune que nous soutenons depuis plusieurs années. Nous ne pouvons que nous féliciter que le bien fondé de nos orientations raisonnées, cherchant toujours l’équilibre entre les besoins de la force publique et la nécessité des droits et des libertés des citoyens, soit en quelque sorte admis.

Nous ne pouvons que regretter ici qu’il faille parfois un drame pour que les États prennent conscience de la nécessité d’aller plus loin. Souvent les gouvernements des États de l’Union européenne reprochent à leurs citoyens de ne pas changer aussi vite et aussi profondément qu’ils devraient le faire pour s’adapter à un monde globalisé et à des enjeux nouveaux. Force est de reconnaître que les États ne sont pas toujours exempts de critiques au niveau européen.

Le constat est que la coopération existe là où le fait de ne pas décider et d’agir aurait des conséquences immédiates négatives, autrement dit, si l’abstention des États était directement la raison d’une crise, d’une dégradation imputable à leur négligence ou imprudence. Dans ces conditions, notre travail est et reste fondamental. Les événements récents leur donnent une perspective et une justification renouvelées. Faisons en sorte que ce drame national devienne une force pour aller plus loin.

Nous vous proposons à présent de faire un point sur le travail qui a été conduit depuis plusieurs semaines sur ce programme européen pour la sécurité. Mon collègue co-rapporteur Charles de La Verpillière va tout d’abord vous présenter les enjeux, les priorités et nous vous présenterons ensuite les différents aspects du programme. Nous vous proposons de ne pas adopter de conclusions aujourd’hui puisque vendredi prochain aura lieu une réunion du Conseil Justice et Affaires Intérieures, portant sur cette thématique-là, et nous vous proposons de revenir devant vous avec des conclusions ou une résolution, selon les décisions qui seront prises, dans quinze jours lors d’une prochaine réunion de notre commission.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. Je voudrais, avant d’en venir à la partie de la présentation qui m’incombe, faire moi aussi une déclaration liminaire, en soulignant que je la fais à titre personnel.

Tout d’abord, l’actualité tragique des attentats islamistes à Paris et au Stade de France donne tout son sens, s’il en était besoin, au travail que nous avons entrepris. Le meilleur hommage que nous puissions rendre aux victimes et aux forces de l’ordre, c’est de créer, en tant que parlementaires, les conditions juridiques et pratiques, d’une lutte efficace contre le terrorisme.

Dans ce contexte, l’impérieuse nécessité d’une politique européenne en matière de sécurité est plus que jamais évidente. Un seul exemple suffit à l’illustrer : le fait que c’est une filière franco-belge qui a préparé et perpétué les massacres de vendredi dernier.

Je dois relever, malheureusement, la mise en œuvre trop lente et tardive de la politique européenne en matière de sécurité. Pourtant des outils existent et sont à mettre à l’actif de cette politique européenne. Ces outils existent par exemple pour l’échange d’informations entre les forces de sécurité des États membres, mais la Commission européenne souligne qu’ils ne sont pas suffisamment utilisés. Quant aux outils nouveaux, comme le système européen de dossiers passagers - le fameux PNR – il est anormal qu’ils n’aient pas encore abouti. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement français en la matière, mais je constate qu’il n’a pas obtenu gain de cause à ce stade.

Je souhaite, dans le même esprit, que l’appel à la solidarité européenne, lancé par la France dans le cadre de l’article 42 alinéa 7 du Traité sur l’Union européenne, soit entendu et que tous nos partenaires européens mettent en œuvre des mesures concrètes de solidarité.

Enfin, je voudrais souligner que la politique de sécurité et la question des migrations sont étroitement liées. Là encore, les attentats de vendredi dernier nous le démontrent : l’un des terroristes était entré en Europe, semble-t-il, en se faisant passer pour un migrant. La lutte contre le terrorisme en Europe passe aussi par un traitement approprié des flux migratoires.

Ayant fait cette déclaration liminaire, j’en viens désormais à notre communication orale proprement dite. Dans un premier temps, je vous dirai quels sont les objectifs et les priorités retenus dans ce programme et Marietta Karamanli vous présentera ensuite notre point de vue sur le programme et l’avancée de certains chantiers.

Le 28 avril dernier, la Commission européenne a présenté le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020. Le partage des compétences établi par les traités prévoit que le Conseil européen définit les grandes orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, conformément à l’article 68 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tandis que les États membres demeurent pleinement responsables de la sécurité nationale et du maintien de l’ordre public (art. 4 § 2 TUE, art. 72 TFUE).

Figurant parmi les priorités politiques du président Juncker pour la période 2015-2020, le programme de l’Union européenne présenté le 28 avril dernier visant à lutter contre les menaces pour la sécurité dans l’Union européenne, s’inscrit dans la continuité de la Stratégie précédente. Les évolutions du contexte sécuritaire ont toutefois conduit à un ajustement des priorités, moyens d’actions et instruments dans le programme pour 2015-2020. Je précise que la stratégie précédente est la Stratégie de sécurité intérieure (SSI), qui couvrait la période 2010-2014.

Dans sa communication du 28 avril, la Commission européenne définit une approche globale dont la réussite repose sur un triptyque associant partage des responsabilités, confiance mutuelle et coopération effective entre tous les acteurs, c’est-à-dire les institutions et agences de l’Union européenne, les États membres et les autorités nationales, voire la société civile.

Trois objectifs stratégiques ont été retenus pour les années 2015 à 2020 : la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre la cybercriminalité. Je vais reprendre ces trois objectifs en disant tout de même, avant, quelques mots sur la méthode privilégiée par la Commission.

Pour la mise en œuvre du programme pour 2015-2020, la Commission insiste sur la nécessité de renforcer les échanges d’information et d’améliorer la coopération opérationnelle. L’Union européenne dispose en effet de plusieurs instruments pour faciliter les échanges d’informations entre États membres, agences et institutions. Plusieurs bases de données, comme le système d’information Schengen (SIS), le système douanier d’informations anticipées sur les marchandises, le système d’information antifraude (AFIS), exploité par l’OLAF, l’environnement commun de partage de l’information (CISE) en matière maritime ou le « cadre Prüm » concernant la coopération policière permettent aux États membres de procéder à de tels échanges. Ces instruments existent donc mais ils sont aujourd’hui inégalement ou insuffisamment exploités.

L’ambition du programme de la Commission pour 2015-2020 est d’apprécier l’utilité des instruments existants, d’en promouvoir une meilleure utilisation et de proposer, le cas échéant, de nouveaux outils à même de remplir les objectifs que l’Union s’est fixée pour assurer sa sécurité. Vos rapporteurs saluent tout particulièrement cette démarche pragmatique.

Je voudrais à présent revenir sur les trois objectifs du programme. Tout d’abord, sur l’objectif premier et central : la lutte contre le terrorisme. C’est évidemment cet objectif qui, ces jours-ci et pour les semaines et les mois qui viennent, va nous mobiliser particulièrement.

Vos rapporteurs souhaitent saluer l’approche globale retenue dans le programme, qui propose de renforcer le volet répressif de la lutte contre le terrorisme, à des fins de dissuasion, et d’accentuer considérablement le volet préventif en mettant l’accent sur le développement de mesures de prévention par la communication, l’éducation et la formation et en incitant à la mobilisation la plus large possible.

Le deuxième objectif du programme, la lutte contre la criminalité organisée, s’inscrit dans la continuité des actions entreprises par l’Union européenne depuis 2010, en particulier dans le cadre du programme de Stockholm sur lequel notre Commission s’est déjà exprimée en mai dernier. En dépit des mesures déjà mises en œuvre dans ce cadre, le développement ou le maintien de réseaux criminels s’adonnant à des trafics divers, continuent de menacer l’économie européenne ainsi que les droits et libertés fondamentales.

La Commission européenne a érigé au rang de priorités pour la période 2015-2020 l’amélioration de la législation sur les armes à feu et le renforcement de la lutte contre le trafic des êtres humains. À cet égard, une attention particulière devra être portée, bien entendu, aux flux financiers engendrés par les trafics en tous genres, ainsi que sur les liens entre ces profits et le terrorisme. Ces jours derniers, de tous côtés, il a été dit combien le tarissement des financements des groupes terroristes - à commencer par le financement de l’État islamique – était absolument prioritaire et primordiale.

Vos rapporteurs rappellent l’existence d’un plan d’action de l’Union européenne spécifique contre le trafic de migrants pour la période 2015-2020 et soulignent que l’articulation entre les mesures mises en œuvre au titre de ce plan d’action et celles relevant du programme européen de sécurité devront faire l’objet d’une étroite coordination et d’un suivi régulier. J’ai insisté dans ma déclaration liminaire sur le lien qu’il convient de faire entre le programme de sécurité intérieure et la politique en matière de migrations.

S’agissant enfin du troisième objectif, je voudrais souligner que la cybercriminalité, menace transfrontière par nature, nécessite un traitement juridique commun des menaces contre la « cybersécurité » et une étroite coopération entre les autorités judiciaires compétentes afin d’améliorer notamment l’accès aux éléments de preuve et d’information en dehors de leur juridiction territoriale.

Cette troisième priorité est plus succinctement abordée dans la communication de la Commission européenne et nécessitera de veiller à sa déclinaison opérationnelle. Vos rapporteurs soulignent l’aspect stratégique des actions visant à assurer la « cybersécurité » de l’Union européenne dans la mesure où Internet se révèle être un cadre propice à l’épanouissement des activités criminelles et/ou terroristes et aussi de possibles atteintes aux libertés individuelles et là encore l’actualité récente et tragique vient de nous le rappeler.

Je laisse la parole à Marietta Karamanli pour présenter nos points de vue sur le programme et l’avancée de certains chantiers.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Sur l’analyse des objectifs et priorités du programme et suite aux auditions que nous avons conduites, je souhaiterais vous faire part de certaines remarques qu’appelle de notre part ce programme.

Quelques mois seulement après son lancement, plusieurs chantiers législatifs ont déjà été menés ; d’autres sont seulement esquissés dans la communication et restent à accomplir. Je tiens particulièrement à souligner que la plupart des orientations nous semblent aller dans le bon sens mais qu’il est possible d’aller encore plus loin sur certains aspects.

De manière générale, je tiens à saluer les mesures visant à réviser ou compléter le cadre juridique applicable et à rappeler que les efforts pour améliorer l’harmonisation des législations nationales doivent être poursuivis.

Tout d’abord, le financement du terrorisme doit faire l’objet d’une attention régulière et plus soutenue et de mesures efficaces pour tarir les ressources des groupes terroristes. La révision du cadre applicable à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, intervenue récemment avec le paquet législatif adopté en mai 2015, met en place une approche fondée sur les risques, plus efficace et conforme aux recommandations du groupe d’action financière (GAFI). C’est une bonne chose mais il est possible d’aller plus loin encore. Les compétences des cellules nationales de renseignement financier sur ces questions sont aujourd’hui très différentes selon les États et gagneraient à être harmonisées.

Par ailleurs, la France est favorable à la mise en place d’un système de surveillance des messages financiers permettant la réalisation des opérations bancaires, à l’image du système de suivi du financement du terrorisme américain (TFTP). Pour l’heure, la Commission européenne et le Parlement européen sont opposés à cette idée, considérant que la mise en place d’un tel système n’est pas pertinente compte tenu du rapport coût/avantages et que le programme de surveillance établi entre l’Union européenne et les États-Unis, qui permet de solliciter la consultation de données financières lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner des activités terroristes, fonctionne par ailleurs de façon satisfaisante.

L’Union européenne pourrait enfin exploiter la possibilité offerte par les traités et mettre en place un système de gel des avoirs liés au terrorisme à l’intérieur de l’Union européenne et cela nous semble important.

Deuxièmement, une réflexion sur le cadre juridique européen et les réponses apportées en matière de terrorisme doit être menée, en dehors des seuls aspects financiers. Il convient particulièrement de tirer les conséquences de la ratification par l’Union européenne du protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme de 2005, s’agissant de la criminalisation de certaines activités terroristes et de prendre en compte, comme le suggère le Parlement européen dans un rapport qui sera présenté demain, 19 novembre, en séance plénière, le phénomène nouveau des combattants étrangers.

Troisièmement, le renforcement des contrôles aux frontières au sein de l’Union européenne constitue un enjeu central de la lutte contre le terrorisme et nécessite, à terme, une révision du code frontières Schengen. Nous saluons l’instauration, à droit constant, d’indicateurs de risque communs élaborés par la Commission européenne à partir des contributions des États membres, d’EUROPOL et de FRONTEX, qui permettent des contrôles coordonnés de personnes jouissant du droit de libre circulation sur le territoire de l’Union européenne. Nous rappelons toutefois notre soutien à la demande de révision du code frontières Schengen, notamment encouragée par la France, pour rendre ces contrôles obligatoires et systématiques dans une zone où chaque État membre est responsable pour l’ensemble de l’Union européenne du contrôle de ses frontières extérieures.

Quatrièmement, les divergences entre les législations nationales, les imprécisions ou l’insuffisante application de la directive régissant la circulation des armes à feu sur le territoire de l’Union européenne profitent actuellement aux criminels. C’est pourquoi nous soutenons la démarche de la Commission européenne visant à réexaminer cette directive, ainsi que les positions défendues par les autorités françaises soulignant particulièrement la nécessité de développer, outre une réponse législative, des partenariats opérationnels avec les États les plus concernés par les trafics d’armes.

Dans cette perspective d’ailleurs, l’accent pourrait être mis sur la neutralisation des armes à feu, question sur laquelle il n’existe aujourd’hui pas de consensus. Les attentats de Paris en janvier 2015, dont il semble qu’ils auraient été perpétués à l’aide d’armes neutralisées mais reconditionnées ensuite par une filière slovaque illustrent la nécessité de renforcer le contrôle de l’application de la directive et les échanges d’informations pour améliorer la traçabilité des armes.

Le projet de créer un PNR européen fait l’objet de négociations particulièrement difficiles qui rendent peu probable son adoption d’ici la fin de l’année 2015, comme l’avaient pourtant appelé de leurs vœux les institutions européennes. Les désaccords et l’absence de compromis à ce stade illustrent, dans un contexte marqué par l’ »  arrêt Schrems », les tensions traditionnelles entre sécurité et libertés. A ce stade, aucun compromis ne se dessine sur le champ d’application de la directive, s’agissant tant des infractions concernées que de l’inclusion des vols intra-européens et domestiques, ni sur les conditions de conservation et d’exploitation des données.

Nous réaffirmons ici notre souhait de voir les négociations aboutir rapidement et nous rappelons notre attachement à ce que soit privilégiée une démarche équilibrée qui concilie à la fois la garantie des droits fondamentaux et des données personnelles et les impératifs liés à des contrôles efficaces. Ce sujet a fait l’objet d’une attention constante et régulière par votre Commission depuis le lancement du projet. Je voudrais à cet égard mentionner notamment la résolution du 18 octobre 2009 que nous avions adoptées ainsi que la communication sur l’exploitation des données PNR (« passenger name records ») présentée en octobre 2014.

Par ailleurs, le programme européen en matière de sécurité insiste sur la coordination des actions pouvant être menées, au titre de la sécurité, au niveau des États membres et propose de renforcer les enceintes de coopération permettant de faciliter les échanges d’informations et les retours d’expériences.

Nous souscrivons à cette démarche et nous saluons en particulier la création du réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR), du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) ou encore de l’unité de référencement internet. Nous soulignons toutefois que le succès de telles enceintes formelles dépend fortement de la volonté des acteurs à en animer les réseaux de coopération.

Par ailleurs, nous nous félicitons du souci témoigné par le Commission européenne d’intégrer les questions d’éducation et de formation aux enjeux du programme de sécurité – ce volet préventif – et à ce stade, des précisions sur la mise en œuvre concrète des actions envisagées nous semblent encore devoir être apportées et devront faire l’objet d’un suivi attentif afin que ces déclarations d’intentions ne restent pas lettre morte.

L’accent mis sur la nécessité de concilier les dimensions intérieure et extérieure de la sécurité, dont les réalisations sont encore peu claires à ce stade, est pourtant une démarche à saluer et à promouvoir. Dans cette perspective, nous soulignons la nécessité d’établir un dialogue régulier avec les pays voisins de l’Union européenne et les candidats à l’adhésion, mais aussi avec les organisations régionales et internationales concernées, notamment les Nations-Unies, le Conseil de l’Europe et INTERPOL.

Nous saluons également, s’agissant de la lutte contre le trafic des migrants, les propositions formulées par la Commission européenne, en marge du programme européen de sécurité, visant à renforcer l’opération « JOT Mare » associant, selon un modèle unique, l’expertise d’EUROPOL au soutien logistique des États membres et de certains pays tiers, afin d’en faire le centre d’information de l’Union pour les affaires de trafic de migrants par mer.

Pour conclure, nous saluons la démarche entreprise par la Commission européenne dans ce programme de sécurité pour les cinq années à venir, mais nous rappelons qu’une action conjointe de l’Union européenne et des États membres est plus que jamais nécessaire pour assurer la sécurité du continent. Les efforts de coopération et de coordination des mesures mises en place doivent être poursuivis et certains éléments du programme encore précisés.

Il convient aussi d’être attentif aux moyens budgétaires propres et dédiés qui y seront consacrés, point sur lequel le programme demeure silencieux. Je tiens aussi à cet égard à rappeler que notre Commission a manifesté à plusieurs reprises, et à juste titre me semble-t-il, ses inquiétudes quant à certaines déclarations ambitieuses formulées simultanément à une réduction des moyens.

Voilà ce que nous pouvons dire aujourd’hui sur ce programme européen pour la sécurité et nous attendons bien sûr la rencontre du Conseil JAI qui portera sur ce sujet pour vous présenter des conclusions ou une résolution si cela nous semble nécessaire.

M. Joaquim Pueyo. Je voudrais remercier les rapporteurs, qui ont présenté, d’une manière très synthétique, les grandes orientations de leur rapport et je pense qu’on pourrait y souscrire. Évidemment, les attaques du 13 novembre dernier nous ont tous frappés. Nous sommes tous abasourdis et nous pensons tous aux dégâts que cela a pu engendrer dans les familles et chez les victimes.

Malgré les attentats, nous avons encore besoin de plus d’Europe. Plus d’Europe, cela veut dire plus de coopération dans le domaine de la police, dans le domaine de la justice. À cet égard, je suis très intéressé pour avancer sur les armes à feu, pour que l’Union européenne se mette d’accord sur une véritable politique contre les armes à feu qui circulent au sein des pays européens.

Je voudrais également dire qu’on a davantage besoin de coopération pour contrôler nos frontières, renforcer FRONTEX. Schengen est un bon dispositif : on l’a renforcé avec des informations qui peuvent être mieux traitées, avec INTERPOL, qui rentre également dans ce dispositif. Plus d’Europe, cela veut dire également plus d’Europe de la défense. Ce n’était pas directement lié à votre rapport, mais le Président de la République vient de nous indiquer qu’il allait demander à ce que l’article 42 alinéa 7 soit appliqué ; ce qui veut dire également que l’on attend des autres pays européens plus de contribution sur le terrain extérieur, que ce soit dans l’assistance matérielle, dans la présence ou dans la formation – je pense au Mali, je pense à la formation des militaires en Irak.

Dans la prévention aussi, on a besoin de plus d’Europe. Cela veut dire plus de recherche, plus de dispositifs adaptés, notamment lorsque vous parlez de contre-propagande. Il est bien de se mettre en relation avec des pays qui ont fait de la recherche et qui ont travaillé sur des discours contre la propagande. Je pense notamment aux Émirats Arabes Unis : ils ont créé un système international dans lequel les français sont présents et ils ont mis en place des propagandes contre les discours de Daech. Je crois que c’est bien que l’Union européenne travaille avec d’autres pays qui sont peut-être en avance sur certains dispositifs.

Nous avons véritablement besoin de plus d’Europe et j’ai parfois du mal à comprendre pourquoi on n’arrive pas à avancer sur le PNR. On voit que c’est indispensable actuellement, indispensable de renforcer les frontières, quand on voit que les terroristes circulent au sein de l’Union européenne, de la Syrie en passant par des pays et en arrivant en France ou en Belgique et je ne comprends pas pourquoi nous avons des parlementaires européens qui butent sur le PNR. J’ai du mal à comprendre, car c’est quand même un besoin essentiel des populations qui veulent vivre en toute sécurité et en toute protection. Voilà ce que je voulais dire mais je souscris à votre rapport qui fixe, d’une manière objective, les objectifs à atteindre rapidement.

M. William Dumas. Personnellement, je voudrais remercier les deux rapporteurs parce que j’ai vraiment découvert beaucoup de choses. La communication que vous faites sur ce rapport est au cœur de l’actualité, car vous parlez de la prévention du terrorisme, de la lutte contre la radicalisation, de la gestion des frontières, de la cybercriminalité avec les effets à venir. J’ai découvert qu’il existait déjà beaucoup de systèmes européens, mais peut-être faut-il les rendre plus opérationnels, plus coopératifs. J’ai découvert le RSR sur la radicalisation - on en parle beaucoup en ce moment -, l’EC3 sur la cybercriminalité, ECRIS, sur les casiers judiciaires et EPRIS sur les systèmes de registres et police et j’ai été surpris qu’il existe tant de choses.

Dans le moment que nous vivons, avec ce que nous venons de subir, on se tourne beaucoup vers l’Europe. Dans certains discours, on entend qu’elle ne fait pas tout ce qu’il faut, qu’il n’y a peut-être pas la coopération qu’il faut, et pourtant on voit tous les systèmes qui sont déjà mis en place. Effectivement, les discussions sont peut-être un peu longues. Marietta Karamanli parlait du blanchissement des capitaux : incontestablement, cela passe par là. Il faudra un jour fermer le robinet du financement car il n’y a pas que les bombardements. Je pense qu’on est capable d’avoir des cellules financières qui fonctionnent, seulement je crois qu’on mélange un peu tout quand on parle d’aspects financiers. Il y a beaucoup de gens qui ont exporté leurs capitaux, mais pas pour faire du terrorisme. On sait de toute façon que le blanchiment des capitaux, que ce soit pour la traite des êtres humains, pour les armes, pour tout, c’est vraiment c’est le terreau.

S’agissant du PNR, vous écrivez dans votre rapport que les dernières discussions n’ont pas abouti alors qu’on pensait que cela aboutirait à la fin de l’année. Je pense que ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays, que ce soit vendredi ou ce matin, va permettre à nos ministres, qui vont porter ça au niveau européen, de débloquer la situation ou alors, on n’y comprend plus rien.

Je pense également, comme mon collègue Joaquim Pueyo, que le trafic d’armes, c’est aussi important. On veut l’étudier en 2016 mais peut-être qu’il faut l’étudier début 2016 et pas fin 2016. Je crois qu’il faut battre le fer quand il est chaud : on a les outils aujourd’hui et on a vu malheureusement ce qu’il s’est produit dans notre pays et ce n’est certainement pas fini - ne rêvons pas - il y a encore des cellules dormantes. Je crois maintenant qu’il faut, au niveau européen, avec le Parlement européen et avec des rapports comme vous avez fait et des conclusions dont je sais qu’elles seront à la hauteur et que, personnellement, je soutiendrai, faire avancer sérieusement les choses. J’espère que nous allons avancer rapidement pour arriver à éradiquer ce cancer qu’est l’État islamique, qui frappe toutes ces victimes innocentes. La guerre, c’est une chose mais pas avec des inconnus.

M. Michel Piron. Je voudrais faire quelques constations, poser quelques questions et faire une proposition.

Quelques constations. Merci d’abord aux rapporteurs qui ont fait un excellent travail, comme d’habitude, mais je tiens à souligner la particulière qualité de ce rapport et sa richesse. Une constatation : le sujet qui nous préoccupe est évidemment européen et, plus largement, international. On a évoqué, à travers les événements qui viennent de s’écouler, la question belgo-française et son traitement, évidemment européen. Entre Américains et Russes et le patchwork - pardonnez-moi pour le mot qui n’a rien d’esthétique en la circonstance - moyen-oriental, quelle autre chance de peser, de faire entendre notre point de vue que de s’exprimer au nom de l’Europe ? De ce point de vue, évidemment, tout ce qui peut favoriser une réponse collective européenne pour, encore une fois, compter dans ce théâtre, importe. Mais reconnaissons-le, pour être efficace également aujourd’hui, tant vis-à-vis de l’extérieur que de l’intérieur, la France est quand même demeurée souvent, surtout sur les théâtres extérieurs, très seule. Vous l’avez d’ailleurs en sous-titre dans les documents que vous nous avez remis en information, la France ne peut pas tout faire toute seule et répondre à tout toute seule. On l’a vu avec le Mali, mais on le voit sur d’autres théâtres africains, je voudrais me permettre de le rappeler.

Aujourd’hui donc, première question, qui nous entend ? Qui entend la France véritablement et sérieusement ? L’émotion est là. Incontestablement, elle est partagée. Je salue en effet cette émotion collective. Je salue moi aussi les manifestations de solidarité qui s’expriment de manière très forte du point de vue émotif. Mais de l’émotion à l’action, reconnaissons-le, il y a encore tant à faire et votre rapport le souligne assez à travers ses propositions.

Il se trouve que j’avais l’occasion aujourd’hui de discuter de la position allemande. L’Allemagne, pour ne prendre qu’un exemple, dont nous sommes et avons à être si proches, accueille un flot de réfugiés absolument considérable puisque cela va friser le million dans l’année, et envisage environ trente pour cent d’accords en matière d’asile. Sur les soixante-dix autres pour cent, quels échanges d’informations allons-nous avoir ? Seront-ils véritablement tous renvoyés à domicile ou que se passera-t-il à l’intérieur même de l’espace européen ? Je n’ai pris que cet exemple, j’aurais pu en prendre beaucoup d’autres.

À l’extérieur nous sommes bien seuls mais à l’intérieur, la question majeure du renseignement et de l’échange de renseignements pour une sécurisation est tout à fait essentielle et, de ce point de vue-là, vous avez évoqué la question du PNR, qui est une question cruciale. Comment prétendre sécuriser, à l’intérieur, l’espace européen à partir du moment où on a une telle faiblesse à l’extérieur, je le rappelle, concernant Schengen ? Comment arriver à une sécurisation intérieure en l’absence de décision concrète sur le PNR ?

Je voudrais également évoquer, concernant ces mouvements intérieurs, la question des échanges d’informations. On pourrait même demander éventuellement à en savoir un peu plus sur l’absence d’échanges d’informations entre un certain nombre de pays car c’est aujourd’hui parfois le cas, que les pays n’en aient pas les moyens véritables ou qu’ils aient consacré des moyens insuffisants pour y parvenir. Enfin, sur le théâtre extérieur, je voudrais simplement indiquer qu’on n’arrivera pas au bout de Daech, sans, incontestablement, une action terrestre. Action terrestre qui devra d’abord s’appuyer, autant que faire se peut, sur les pays arabes eux-mêmes. Mais l’action de Daech exigera aussi forcément, encore une fois, une convergence Russie/États-Unis, et dans cette affaire pour l’instant, j’allais ajouter l’Europe, mais l’Europe aujourd’hui, c’est la France. Là encore, la question est absolument majeure. On le sait, un certain nombre de pays européens aujourd’hui ont déjà déclaré que toute participation à une intervention terrestre en Syrie était exclue. Alors il y a peut-être d’autres moyens d’aider et de participer.

La proposition que j’avais envie de vous faire à la suite de votre excellent rapport et notamment touchant au PNR : pas de proposition de résolution aujourd’hui avant la prochaine réunion du Conseil, je l’entends, mais ne serait-il pas éventuellement bienvenu, d’émettre un vœu - je n’ai pas dit une résolution - au nom de la commission pour demander qu’en effet on passe de l’émotion à l’action concernant le PNR ?

M. Didier Quentin. À mon tour je tiens à m’associer aux compliments qui ont été adressés à Marietta Karamanli et à Charles de La Verpillière. Compliments tout à fait sincères, et ils ont fait un remarquable travail. La question que je voudrais leur poser, un peu liée à l’actualité, une question un peu naïve : l’opinion publique est évidemment frappée par ces événements et l’idée reçue, sans doute fausse, comme beaucoup d’idées reçues, c’est que l’Europe ne fait strictement rien dans ces domaines. Alors si vous aviez à répondre à une question d’un homme ou d’une femme de la rue ou à des journalistes, qu’est-ce que vous retiendriez de votre très bon rapport ? Trois ou quatre idées force, pour dire l’Europe n’est pas inactive, pas inerte ; il y a encore des choses à faire mais déjà des choses ont été faites.

La Présidente Danielle Auroi. Je voudrais rajouter à mon tour quelques mots pour souligner effectivement la qualité du rapport et rappeler deux ou trois choses qui s’inscrivent dans cette logique.

Il y a déjà, je me suis permise de rappeler tout à l’heure, y compris dans ma question au Gouvernement, l’article 42-7 qui a été activé. Il y a quand même une solidarité qui a été manifestée. Du coup, le groupe de travail qui vient de se mettre en place avec la commission de la Défense va être particulièrement à l’œuvre. On voit bien aussi qu’il y a une cohérence de nos équipes. On prouve, les uns et les autres, sur ces sujets-là, qu’on n’a pas tort de vouloir faire plus d’Europe, à l’intérieur de la question purement nationale. Et je regrette que cela soit dans des circonstances aussi dramatiques que certains de nos collègues le réalisent.

J’ai été surprise aussi du peu de questions au Gouvernement sur l’aspect européen, alors que le président l’avait mis vraiment beaucoup en exergue. Nous n’avons donc pas fini d’être des militants de la cause européenne. Du coup, je pense que le fait de retarder la proposition de résolution - car je pense que ce qui aurait le plus de sens serait une résolution de nos deux collègues - pour après le Conseil, où les États vont sans doute être un petit peu plus précis que d’habitude, ne peut que nous aider et nous renforcer à faire valoir cette proposition-là. Voilà pour l’aspect général.

Ensuite par rapport au PNR, je ne suis pas pour qu’on fasse un vœu ni quoi que ce soit tout de suite car c’est le Parlement européen qu’il faut convaincre. Or, la semaine prochaine, c’est le Conseil. On a encore du temps et de la militance à faire, d’autant que je connais un certain nombre de collègues qui disent que le PNR coûte cher et que ce n’est pas plus efficace qu’un certain nombre de choses qui sont déjà en place. Donc il faut encore du temps pour débattre. Et le fait que l’on puisse discuter plus entre parlementaires nationaux et européens, cela va faire partie des exemples concrets.

J’avais également une question concernant les armes. Il a déjà été dit beaucoup de choses, mais qu’en est-il aussi justement de certaines armes qui ne sont toujours pas classées militaires, un certain nombre d’armes semi-automatiques, dont on voit bien l’utilisation à l’heure actuelle ? Il y a peut-être des questions à poser à ce niveau-là. Je ne veux pas être plus longue car je pense que dans même pas quinze jours nous aurons l’occasion de rediscuter pour une résolution et je vais vous laisser répondre mais je crois que, dans cette affaire, nous sommes particulièrement complémentaires et solidaires.

M. Michel Piron. Simplement, compte tenu de cette réponse - je voulais indiquer mais je n’insisterai pas - je ne suis pas là surtout pour gêner encore une fois les convergences que vous souhaitez et que je salue, simplement pour moi, l’un n’excluait pas l’autre, mais je me rangerai bien entendu à l’avis de la majorité de la commission. Dans une affaire comme celle-là, on a d’abord le devoir de montrer notre propre convergence.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Merci de votre confiance, surtout sur un sujet qui est quand même assez complexe et dans un contexte particulier. Je voudrais peut-être rebondir d’abord sur la proposition de Michel Piron sur le vœu. Ce n’est pas contradictoire, c’est complémentaire et je dirais même, à la limite, que le vœu peut se retrouver dans la résolution parce que faire un vœu uniquement sur le PNR, c’est donner une orientation très limitée, par rapport à un programme européen sur la sécurité, qui est beaucoup plus large. Mais nous pouvons, dans la résolution, réaffirmer, ce que nous avons déjà dit dans cette commission. Comme la Présidente le rappelle, on peut tous ensemble dire qu’on n’a pas à rougir : depuis très longtemps, depuis plus de douze ans je dirais, on rappelle, à plusieurs reprises, toute une série de questions sur la sécurité, sur l’immigration etc. Donc cela ne peut que renforcer finalement les points de vue que nous avons exprimés, et les propositions que nous avons faites auparavant.

Sur les armes, la question, doit être approfondie parce que dans ce que l’on a pu voir, il n’y a pas suffisamment de précisions - je le disais tout à l’heure - dans ce programme européen pour la sécurité. Sur la question des armes à feu, on n’a pas suffisamment de précision sur une nouvelle directive pour traiter cette question donc on demandera à ce que l’on nous reprécise ce qui sera mis en place concernant ce sujet.

Enfin sur la question de notre collègue Didier Quentin. Alors, très simplement, c’est vrai que les gens peuvent croire que l’Europe ne fait rien, que les États ne font rien, que les politiques ne font rien. Pourquoi ? Parce que nous avons affaire à des questions et des sujets qui prennent du temps parce que ce sont des décisions collectives, et on voit très bien comment les États ne sont pas immédiatement d’accord, même si la France aujourd’hui propose depuis longtemps des choses, elle a pris des initiatives et n’a pas été forcément suivie par les autres États. Nous pouvons prendre l’exemple du Parquet européen : on était tout seul au début, tout seul, et même l’Allemagne n’était pas avec nous, et puis après, il y a eu un travail avec l’Allemagne, et puis les choses avancent. C’est exactement la même problématique sur le corps de garde-frontières européens, c’était la même situation. Sur FRONTEX, exactement la même situation. Donc, il faut expliquer à nos concitoyens, que les décisions complexes prennent du temps. Et qu’effectivement, on a souvent des annonces, mais qu’on ne voit pas forcément les faits. Mais les faits arrivent petit à petit. Donc c’est très difficile, mais il faut faire l’effort de l’expliquer à nos concitoyens. Ce que nous faisons aussi à travers nos travaux, il faut les rendre simples, accessibles pour tous. Et je compte sur tout le travail qui est fait ici en commission et à l’Assemblée nationale pour rendre lisibles nos propositions et notre communication, mais je ne sais pas s’il y aura une communication au niveau des médias suite à notre rapport.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. Un mot également pour répondre à Didier Quentin. Je crois qu’il y a un domaine où l’Europe peut apporter beaucoup, et elle apporte déjà beaucoup, parce que les instruments, encore une fois, existent, c’est le domaine des échanges d’informations. Quand on parle d’échanges d’informations, c’est échanges d’informations entre les États entre eux, échanges d’informations entre les agences européennes entre elles et échanges d’informations entre les agences européennes et les États. Ce sont ces trois catégories d’échanges.

On voit que tout cela est évidemment très complexe, mais les principes sont posés, et ce qui me frappe dans les attaques terroristes qui ont eu lieu depuis quelques jours, c’est que l’on s’aperçoit qu’en fait toutes les informations existent, mais elles sont parcellaires et elles ne sont pas rassemblées. Il est quand même extraordinaire, et je trouve que c’est à mettre au crédit des différents services des États, de voir que par exemple, malgré tout ce que l’on dit de la Grèce, l’un des terroristes qui avait un passeport syrien, avait été enregistré à son entrée et le passeport était faux. Mais je suis sûr que quelque part, dans une base de données occidentale, pour le dire comme cela, il est dit que ce passeport est faux, à tous les coups. Donc les informations existent, il faut les faire circuler.

Cela m’amène au PNR. Ce sera, de toute évidence, une source d’informations extrêmement utile donc il faut avancer. En dernier lieu, je pense que la question du financement est centrale. On sait depuis au moins François Ier, mais probablement depuis plus longtemps encore, que l’argent est le nerf de la guerre et quand on voit ce que les États-Unis ont réussi à faire en matière d’évasion fiscale, vis-à-vis de la Suisse, en matière de blanchiment pouvant, et Dieu sait que cela ne me fait pas forcément plaisir, faire une application extraterritoriale de leur droit à tous les mouvements de fonds en dollars, on se dit que si l’Europe fait la même chose, notre force de frappe sera extraordinaire ».

*

* *

2. Examen de la proposition de résolution européenne présentée par les co-rapporteurs, le 1er décembre 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, présidente.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Nous vous avons présenté le 18 novembre dernier le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020. Notre réunion de ce jour a pour objet la discussion et l’adoption de la résolution qui s’attache à nos débats et prises de position. Elle est aussi l’occasion pour nous de faire un point des derniers développements à la suite du conseil Justice et Affaire Intérieures (JAI) du 20 novembre et de l’adoption par le Parlement européen d’une résolution sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens par des organisations terroristes.

Avant d’aborder le fond de ces deux réunions, je souhaite revenir sur deux points qui nous paraissent à Charles de La Verpillière et moi-même importants.

D’une part, l’adoption de mesures au niveau du Conseil ne vaut que si leur déclinaison sur le terrain est effective, ce qui suppose un suivi dans le temps, à échéances régulières, avec la capacité d’adapter les dispositifs pour les rendre opérationnels et efficaces. Cet « après adoption », si vous permettez l’expression, doit aussi faire partie des compétences exercées par notre Assemblée.

D’autre part, si la modernité se fonde sur une spécialisation des fonctions, des acteurs et des systèmes, gage d’efficacité a priori, la véritable efficacité suppose une collaboration institutionnelle, relationnelle et une coopération réelle qui, seules, sont en mesure de rendre efficaces les dispositifs. A un fonctionnement en tuyaux d’orgue doit se substituer un fonctionnement et un esprit harmoniques au sens où les parties concourent à former une unité, un équilibre entre le niveau national et européen et une aisance dans la lutte contre le terrorisme et le crime.

La réunion extraordinaire du Conseil JAI le 20 novembre dernier a donné lieu à l’adoption de conclusions sur la lutte contre le terrorisme et de conclusions sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent.

Les principaux engagements formulés à cette occasion concernent le projet de PNR européen, les armes à feu, les contrôles extérieurs aux frontières et la lutte contre le financement du terrorisme. Tous ces points constituent des priorités du programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020 et nous avions eu l’occasion de les évoquer lors de notre réunion de commission du 18 novembre dernier.

De manière générale, les conclusions adoptées nous semblent aller dans le bon sens et semblent témoigner de la prise de conscience par les États membres de la nécessité d’agir au plan européen, et d’agir rapidement et de concert.

Sur le PNR européen, la présidence luxembourgeoise a rappelé son intention de parvenir à un accord avant la fin de l’année 2015. Dans cette perspective, le conseil JAI du 3 décembre prochain sera l’occasion de mesurer les avancées en la matière.

Sur les armes à feu, la Commission européenne a présenté le 18 novembre dernier un projet de révision de la directive régissant actuellement les armes à feu visant à renforcer les contrôles relatifs à l’acquisition et à la possession d’armes à feu. Un règlement a également été adopté par les États membres concernant la définition de normes minimales en matière de neutralisation des armes à feu.

La Commission européenne devrait par ailleurs prochainement présenter un plan d’action contre le trafic illicite d’armes et d’explosifs.

Sur le contrôle des frontières extérieures, les conclusions du Conseil invitent la Commission européenne à présenter une proposition de révision ciblée du Code frontières Schengen. Cette révision doit permettre que des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures de l'UE puissent être réalisés sur les ressortissants européens ; en tout état de cause un meilleur partage de l'information entre les États membres et une alimentation en temps réel des bases de données européennes doivent être encouragés.

Sur la lutte contre le financement du terrorisme, le Conseil a demandé à la Commission européenne de présenter, dans les meilleurs délais, des propositions visant à améliorer le volet préventif de la lutte contre le financement du terrorisme, en particulier s’agissant des cellules de renseignement financier.

Les conclusions évoquent également le gel des avoirs et la nécessité de transposer rapidement dans le droit de l’Union européenne le protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe relative à la prévention du terrorisme signé par l’Union européenne le 22 octobre dernier. Celui-ci érige en infractions pénales un certain nombre d’actes, parmi lesquels la participation intentionnelle à un groupe terroriste, la réception d’un entraînement pour le terrorisme, le fait de se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme et le financement ou l’organisation de ces voyages. Le Protocole pose le principe de l’instauration d’un réseau de points de contact nationaux disponibles 24h/24 et 7j/7, permettant l’échange rapide d’informations.

Les conclusions mentionnent également l’échange des casiers judiciaires – système ECRIS – dont le fonctionnement pourrait être amélioré, notamment par une extension de son champ d’application aux ressortissants de pays tiers.

Par ailleurs, nous avions également indiqué que le Parlement européen devait examiner, le 19 novembre, le rapport présenté par Rachida Dati et adopté par la commission libertés civiles, justice et affaires intérieures le 19 octobre, sur la prévention de la radicalisation et l’extrémisme violent.

La présentation du rapport en séance plénière s’est accompagnée du vote d’une proposition de résolution sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens par des organisations terroristes.

La résolution, massivement adoptée – 548 voix pour, 110 contre et 36 abstentions –, rappelle notamment la nécessité :

- de mener des contrôles obligatoires et systématiques, aux frontières extérieures de l'Union européenne ;

- de renforcer les échanges d’informations entre EUROPOL et les autorités nationales compétentes ;

- d’optimiser le recours aux instruments déjà existants, à l’instar du Système d’information Schengen.

Le Parlement européen rappelle également son soutien au projet de PNR européen, insiste sur la nécessité de renforcer le dialogue interculturel par des actions d’éducation et des mesures visant à prévenir la marginalisation et à encourager l'insertion.

Le rapport comporte également des propositions et préconisations concernant les combattants étrangers dont une définition commune devrait être donnée, la séparation des détenus radicalisés des autres détenus dans les prisons ou encore la suppression sans délai des contenus illégaux sur Internet et propageant l’extrémisme violent.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. En guise d’introduction à la discussion de cette résolution, je voudrais insister sur trois aspects. Tout d’abord, il me semble très important de réaffirmer qu’il n’y aura pas de politique de sécurité efficace au sein de l’Union européenne sans une action coordonnée et solidaire des États membres. La Commission européenne doit, par ailleurs, prendre des mesures immédiates et concrètes pour parvenir à améliorer le dispositif contre le terrorisme. Je voudrais, ensuite, insister sur l’urgence et sur la nécessité d’adopter, d’ici la fin de l’année, des mesures opérationnelles. Enfin, il me semble important de bien comprendre que la crise migratoire et la lutte contre le terrorisme sont deux réalités intimement liées et que l’on ne pourra trouver de solution efficace sans traiter les deux problèmes conjointement. Je vais d’ailleurs présenter un amendement à ce sujet.

La Présidente Danielle Auroi. Nous pouvons maintenant passer à l’examen des amendements.

M. Charles de La Verpillière. L’amendement no 1 présenté par la rapporteure ne pose pas de difficultés sur le fond, il vise à rappeler des éléments de contexte, c’est-à-dire que le Conseil JAI du 20 novembre 2015 et le Parlement européen ont pris position sur les réponses à apporter à la radicalisation conduisant au terrorisme.

La Présidente Danielle Auroi. Je suis d’accord sur cet amendement de précision.

L’amendement no 1 est adopté.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. Je souhaite présenter un amendement qui rappelle que la crise migratoire déclenchée par la guerre en Syrie favorise le risque terroriste. Je voudrais, par cet amendement, montrer que les deux phénomènes sont liés et qu’il faut mener une action conjointe pour maîtriser ces deux réalités qui menacent la cohésion de l’Europe. La guerre en Syrie explique l’arrivée massive de réfugiés en Europe et la confusion qui règne en Syrie a des retentissements dans les pays membres. Des attaques terroristes ont été menées par des individus qui ont profité du flux de réfugiés pour pénétrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne sans être réellement contrôlés à leur arrivée.

M. Michel Piron. Je suis très surpris par la teneur de votre amendement. Tel qu’il est rédigé, votre amendement laisse à penser qu’on peut faire un amalgame entre le terrorisme et la situation des réfugiés. Je refuse cette confusion et souligne que ce n’est pas parce qu’une infime minorité d’individus fanatisés ont profité des flux de réfugiés pour pénétrer en Europe qu’il faut assimiler la présence des réfugiés à la menace terroriste. La crise migratoire s’explique avant tout par la guerre et par la terreur qui règne dans certaines zones de la Syrie où règnent des groupes terroristes dont Daech. Je voterai contre cet amendement.

La Présidente Danielle Auroi. Je souligne aussi le risque d’amalgame et je crois qu’il faut éviter d’avoir une analyse trop simpliste de la réalité. Comme l’a bien montré Gilles Keppel, les périodes de guerre au Moyen-Orient génèrent des dommages très profonds et produisent des effets très complexes qui échappent à une analyse superficielle de la réalité.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Je voudrais dire combien j’ai été choquée lors de la séance de la COSAC de l’attitude de la Hongrie ou de la Slovaquie qui dressent des murs pour se protéger contre les réfugiés mais qui ne proposent rien de constructif pour gérer cette crise migratoire. Je voudrais demander à notre collègue de La Verpillière de retirer son amendement, qui prête à confusion. Ce geste serait conforme à son attitude humaniste et à son souci de traiter de cette question complexe avec nuances. Je voudrais enfin souligner que la France n’a pas à rougir de ce qu’elle a proposé pour répondre au défi terroriste. Nous devons lutter contre ces groupes terroristes mais ne pas oublier la solidarité européenne.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. Loin de moi l’idée de faire un amalgame entre réfugiés et risque terroriste. J’ai voulu souligner que ces deux réalités ont des racines communes et que l’on ne pourra pas régler le problème des réfugiés sans apporter des solutions efficaces à la menace terroriste. Je retire mon amendement pour éviter tout risque de confusion.

L’amendement no 2 est retiré.

La Présidente Danielle Auroi. Je présente un amendement de précision au sujet des trafics d’armes à feu. La circulation des armes à feu doit être à l’évidence surveillée, mais il faut aller plus loin pour les contrôler étroitement afin de lutter contre la criminalité et le terrorisme. Mon amendement vise donc à rajouter la notion de contrôle des armes à feu sur le territoire européen.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec cet amendement qui donne plus de cohérence à cette action relative aux armes à feu.

L’amendement no 3 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Je voudrais compléter le texte de la résolution en précisant que le programme européen de sécurité doit être cordonné avec la politique de sécurité et de défense commune, notamment dans les mesures vis-à-vis des pays tiers pour lutter par exemple contre le financement du terrorisme. Tel est le sens de l’amendement que je vous propose. Il est essentiel de garder à l’esprit que la sécurité intérieure et la politique de défense commune sont les deux faces d’une même mobilisation pour protéger l’Union européenne.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec cet amendement qui reprend d’ailleurs un des engagements du conseil JAI du 20 novembre dernier au sujet de la coordination des politiques de sécurité et de défense.

La Présidente Danielle Auroi. Alors que nous allons nous prononcer sur cette résolution, je voudrais vous expliquer pourquoi je m’abstiendrai sur ce texte. La raison principale de ma réserve est liée à la mise en place de la procédure sur données des dossiers passagers - dit PNR. Le recours systématique à ces contrôles sur les ressortissants européens sera-t-il une solution efficace au regard du coût très élevé nécessaire à la mise en place de cette surveillance de masse ? Les budgets étant limités, nous devons faire des choix et je crains que les sommes consacrées à ce projet soient autant de moyens qui manqueront pour renforcer les forces de sécurité, les garde-frontières ou les services de renseignement. Le PNR ne doit pas être le moyen essentiel pour surveiller les frontières extérieures et assurer la sécurité des déplacements sur le territoire de l’Union. Pour ces raisons, je m’abstiendrai sur cette résolution.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Je regrette votre décision car cette résolution ne porte pas uniquement sur le projet PNR, bien au contraire. Cette résolution insiste sur l’aspect global du programme européen de sécurité en intégrant les politiques de sécurité mais aussi les initiatives tendant à prévenir les risques venant de pays tiers et la politique de défense extérieure de l’Union. Nous étions parvenus à exprimer un consensus jusqu’ici et il est dommage qu’avec votre abstention nous ne puissions aller tous ensemble au terme de cette démarche.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix la proposition de résolution européenne ainsi amendée.

La proposition de résolution ainsi amendée est adoptée.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 68 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 4 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’article 72 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 28 avril 2015 : « Le programme européen en matière de sécurité » COM(2015) 185 final,

Vu les conclusions du 20 novembre 2015 du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme,

Vu les conclusions du 20 novembre 2015 du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent,

Vu la résolution du Parlement européen du 25 novembre 2015 sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'Union par des organisations terroristes,

Vu la résolution européenne sur la proposition de directive relative à la mise en place d’un système européen de collecte et de traitement des données des dossiers passagers (données PNR) adoptée par l’Assemblée nationale le 23 décembre 2011,

Vu la résolution européenne relative à la proposition de règlement du Conseil du 17 juillet 2013 portant création du Parquet européen adoptée par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2014,

Vu la résolution européenne sur les orientations pour l’avenir de l’espace de liberté, de sécurité et de justice adoptée par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014,

Considérant que les États membres et l’Union européenne sont confrontés à d’importantes menaces pour leur sécurité et que les évolutions du contexte sécuritaire soulignent la vulnérabilité et l’interdépendance croissantes entre les sociétés ;

Considérant que si la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public relèvent de la compétence des États membres, l’Union européenne a toutefois un rôle d’impulsion et de coordination des actions mises en place à jouer pour lutter efficacement contre des menaces transfrontières ;

Considérant que la constitution d’un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures et dans laquelle la liberté, la sécurité et les droits fondamentaux des citoyens sont protégés, est un objectif de l’Union européenne ;

Salue la volonté de la Commission européenne de promouvoir une intervention de l’Union européenne en appui des actions mises en œuvre dans le domaine de la sécurité par les États membres ainsi que la cohérence des actions stratégiques présentées par l’Union européenne depuis 2010 ;

Rappelle que les États membres ont, en matière de sécurité, une responsabilité commune et doivent, pour être efficaces, se coordonner et faire preuve de solidarité ;

Approuve les grands objectifs stratégiques retenus comme prioritaires pour la période 2015-2020 ainsi que la promotion d’une méthode privilégiant l’échange d’informations et la coopération opérationnelle ;

Demande que les efforts visant à une plus grande harmonisation des législations soient poursuivis, en particulier s’agissant de la lutte contre le terrorisme et contre la circulation et le contrôle des armes à feu sur le territoire européen et se félicite des initiatives et engagements pris à l’approche ou à l’occasion du Conseil JAI du 20 novembre 2015 en la matière ;

Réaffirme son soutien aux actions spécifiquement mises en œuvre pour lutter contre le trafic irrégulier des migrants, en particulier en Méditerranée ;

Soutient la démarche pragmatique de la Commission européenne pour la mise en œuvre opérationnelle du programme, reposant principalement sur des évaluations régulières des dispositifs et outils existants ;

Regrette toutefois l’absence, d’orientations, de précisions ou de moyens dédiés significatifs dans le programme, en particulier dans le domaine de la prévention des comportements délinquants ou criminels et des aspects liés au rôle de l’éducation et de la formation ;

Regrette en particulier qu’aucune mention ne soit faite du projet de Parquet européen dont l’élargissement des compétences aux formes de la criminalité transfrontière les plus graves (comme la lutte contre le terrorisme, le trafic des armes, des stupéfiants, le blanchiment d’argent et ou le trafic des êtres) constituerait une réponse commune efficace et cohérente sur l’ensemble du territoire européen en matière de sécurité ;

Réitère ses observations et demandes s’agissant de la mise en œuvre d’un PNR à dimension européenne, gage d’efficacité d’un tel dispositif ;

Réitère ses observations et demandes en matière de mise en œuvre d’un corps de garde-frontières « européen » tout au long des frontières communes ;

Réitère ses observations et demandes en matière de coordination des services et agences existant dans le domaine de la police (EUROPOL) et de la justice (EUROJUST) et insiste sur l’indispensable coordination et coopération des services de sécurité nationaux et des moyens existant au niveau européen ;

Demande que les actions du programme soient assorties d’objectifs mesurables auxquels correspondent des moyens dédiés, afin que les parlements nationaux puissent en suivre la mise en œuvre, en particulier dans un domaine où ils ont la compétence de droit commun ;

Souligne que le succès du programme dépendra très largement de la volonté effective des États membres à le mettre en œuvre et à se saisir des outils à leur disposition ;

Demande que l’articulation du programme avec d’autres politiques ou plans d’action de l’Union européenne, comme le plan d’action de l’Union européenne contre le trafic des migrants ou l’agenda européen sur les migrations, soit précisée et le financement de certaines actions explicitement abordé ;

Encourage les États membres comme les institutions de l’Union européenne à assurer un suivi attentif et régulier de la mise en œuvre du programme, en particulier s’agissant des dossiers dont les négociations sont difficiles ;

Demande à cet égard que le projet de PNR européen aboutisse rapidement et rappelle son attachement à ce que soit privilégiée une démarche équilibrée conciliant la garantie des droits fondamentaux et des données personnelles et les impératifs liés à des contrôles efficaces ; salue la détermination affichée par les États membres lors du Conseil JAI du 20 novembre 2015 et invite les institutions européennes à redoubler d’efforts dans la construction d’un compromis satisfaisant dans les meilleurs délais ;

Partage l’avis de la Commission européenne sur la nécessité de concilier les dimensions intérieure et extérieure de la sécurité et de veiller à établir un dialogue régulier dans ce domaine avec les pays voisins de l’Union européenne et les candidats à l’adhésion, ainsi qu’avec les organisations régionales et internationales concernées ;

Souligne la nécessité de concilier les actions entreprises par l’Union européenne au titre du programme de sécurité avec la politique de sécurité et de défense commune, s’agissant notamment de la lutte contre le financement du terrorisme et invite les États membres à prendre des mesures visant à couper les financements de Daech.

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Ø Ministère de l’Intérieur :

- M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur ;

- M. Jean-Jacques Colombi, Chef de la direction des relations internationales – DCPJ ;

- M. Gautier Lekens, conseiller diplomatique ;

- Mme Armelle Valentin, chargée de mission auprès du conseiller diplomatique ;

- Mme Séverine Wernert, conseillère diplomatique adjointe.

Ø SGAE :

- Mme Isabelle Jégouzo, SGA, et M. David Leroy, chef du secteur sécurité de l’espace européen ;

Ø Europol :

- M. Quentin Faure, Commissaire de police, chef du bureau de liaison France.

L’Union européenne est confrontée à d’importants défis qui menacent sa sécurité ainsi que les droits et libertés des citoyens. La dégradation du contexte sécuritaire depuis le début des années 2000, illustre la vulnérabilité et l’interdépendance croissantes des sociétés. Le caractère transfrontière des actes criminels rappelle que les États membres et l’Union européenne ont une responsabilité commune en matière de sécurité et doivent agir de concert.

Le programme européen pour la période 2015-2020, témoigne de l’implication croissante et de la valeur ajoutée de l’intervention de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité. S’inscrivant dans la continuité des actions menées depuis 2010, il fixe, pour la période concernée, trois objectifs stratégiques dont l’actualité souligne tragiquement la pertinence : la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre la cybercriminalité.

Le renforcement des échanges d’informations et de la coopération opérationnelle entre tous les acteurs concernés constituent les deux priorités des actions du programme et les conditions sine qua non de sa réussite. La démarche de la Commission européenne doit être poursuivie. Revenant sur les actions accomplies, le présent rapport esquisse des pistes qui pourraient utilement compléter l’action de l’Union européenne en matière de sécurité et en renforcer l’efficacité.

1 COM(2015) 185 final.

2 La France a ainsi conclu de nombreux accords de coopération policière avec les États membres voisins, mettant en place des centres de coopération policière et douanière (CCPD) à proximité des frontières communes.

3 Illustrant la continuité de l’action de l’Union européenne en matière de sécurité, trois de ces objectifs constituent les axes stratégiques du programme pour 2015-2020.

4 COM(2011) 790 ; COM(2013) 179 ; COM(2014) 365 final.

5 La Commission européenne a tenu compte, dans l’élaboration de son rapport, de la résolution du Parlement européen concernant le deuxième rapport sur la mise en œuvre de la stratégie de sécurité intérieure.

6 La directive 2011/36/UE relative à la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne visant l’éradication de la traite des êtres humains (2012-2016), actuellement en cours d’application.

7 La directive 2011/93/UE relative à la lutte contre les abus sexuels, l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie harmonise la définition des infractions pénales et prévoit des sanctions minimales.

8 La directive 2013/40/UE relative aux attaques contre les systèmes d’information vise le rapprochement des législations pénales et prévoit des règles minimales concernant la définition des infractions et des sanctions applicables. A titre d’exemple, l’utilisation des logiciels malveillants est passible de sanctions.

9 Règlement (UE) n° 1053/2013 ; règlement (UE) n° 1051/2013.

10 En 2013, 34 ECE ont bénéficié du concours notamment financier d’EUROJUST. EUROPOL a pleinement participé à 35 ECE et a fourni un soutien opérationnel systématique à 9 autres ECE.

11 Conclusions du Conseil des 8-9.11-2010.

12 Le RSR, mis en place par la Commission européenne en 2011 dans un souci de faciliter la coopération entre les communautés, les autorités locales et la société civile, donne aux acteurs locaux les moyens d’appréhender les problèmes de radicalisation et de recrutement des terroristes. Le RSR a notamment réalisé un guide de bonnes pratiques abordant la question des combattants étrangers.

13 Le système ECRIS permet aux États membres d’échanger des informations sur les condamnations antérieures des ressortissants de pays tiers ayant fait l’objet d’une condamnation dans l’Union européenne.

14 Un tel système permettrait de faciliter l’accès transfrontière aux informations conservées dans les registres de police nationaux.

15 « L'Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste ou la victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine. L'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres… » (art. 222 TFUE).

16 L’opération Archimède ciblait les groupes criminels organisés et a permis de procéder à plus de 1 000 arrestations à travers l’Europe.

17 Le Coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme insiste sur la nécessité d’une coopération étroite entre EUROPOL et FRONTEX, notamment en matière d’échanges des données à caractère personnel et de coopération dans le cadre des hotspots. La conclusion d’un accord de coopération opérationnelle dans les meilleurs délais constituerait une avancée souhaitable.

18 II, A, 1.

19 I, B, 1.

20 Dans sa communication COM(2015) 185 final, la Commission européenne rappelle que « toutes les mesures de sécurité doivent satisfaire aux principes de nécessité, de proportionnalité et de légalité et prévoir les garanties appropriées de responsabilité et de recours juridictionnel » (art. 52, paragraphe 1 CDFUE).

21 La valeur juridique contraignante conférée à la CDFUE par le Traité de Lisbonne, la perspective de l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH et le récent arrêt rendu par la CJUE dans le cadre de l’« affaire Schrems » illustrent le souci croissant que portent les institutions européennes à la protection des droits fondamentaux.

22 A l’image des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, cette priorité de l’Union européenne acte de la disparition de la frontière entre défense et sécurité, dans un contexte marqué par la recomposition des menaces et caractérisé par un risque accru de rupture stratégique pouvant toucher aussi bien les intérêts français à l’étranger que la sécurité du territoire.

23 Voir également la résolution 1624(2005) du Conseil de sécurité des Nations Unies.

24 Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme du 16/05/2005, STCE n° 196.

25 Les fondements du rapprochement des dispositions du droit pénal en matière d’infractions terroristes ont été posés par la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme. De nouvelles infractions concernant la provocation publique, le recrutement et l’entraînement pour le terrorisme ont ensuite été introduites dans la décision-cadre 2008/919/JAI.

26 « Les missions visées à l'article 42, paragraphe 1, dans lesquelles l'Union peut avoir recours à des moyens civils et militaires, incluent les actions conjointes en matière de désarmement, les missions humanitaires et d'évacuation, les missions de conseil et d'assistance en matière militaire, les missions de prévention des conflits et de maintien de la paix, les missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix et les opérations de stabilisation à la fin des conflits. Toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire. »

27 « Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. »

28 Lors du Conseil JAI informel des 29 et 30 janvier 2015.

29 Dite Convention de Budapest de 2001.

30 Dispositif mis en place en application de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

31 Règlement 881/2002.

32 Conformément à l’article 75 TFUE.

33 Directive 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et règlement 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds.

34 Le Groupe d'action financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

35 Notons que les conclusions du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe aboutissent à des conclusions similaires. Rapport n° 288 (2014-2015) – 1er avril 2015.

36 A titre d’illustration, la cellule française Tracfin, service de renseignement rattaché au Ministère des Finances et des Comptes publics, reçoit les déclarations des professions assujettis à une obligation déclarative, les analyse, les enrichit et les transmet principalement à l’autorité judiciaire. La cellule allemande de renseignement financier ne dispose pas de compétences réelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et n’est qu’une simple « boîte aux lettres ».

37 Le troisième trilogue s’est tenu le 9 novembre 2015 mais aucun compromis ne semble, pour l’heure, se dessiner sur ce projet.

38 Saisie d’une question préjudicielle, la Cour de Justice de l’Union européenne a rappelé, dans un arrêt du 6 octobre 2015 (C-362/14), l’importance de garantir la protection des données à caractère personnel transférées depuis l’Union européenne.

39 Le juste calibrage de la durée de conservation des données est un élément important pour l’efficacité du système. La France propose que la durée de conservation minimale des données soit portée à 4 ans (au lieu de 5 dans la proposition initiale) pour l’ensemble des finalités.

40 Selon une position constante, la France reste par ailleurs attachée à ce que certaines données sensibles (race, religion, opinions politiques) ne soient ni exploitées ni conservées.

41 Il est possible de mentionner, à cet égard, la résolution du 18 octobre 2009 sur la proposition de décision cadre du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name record, PNR) à des fins répressives ou, plus récemment, la communication, présentée le 8 octobre 2014 par votre Rapporteure, sur l’exploitation des données PNR (« passenger name record ») dans l’Union européenne.

42 Résolution sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme.

43 L’entrée en vigueur du Protocole est conditionnée à sa ratification, dans un délai de trois mois, par au moins six des États signataires.

44 Rapport sur la prévention de la radicalisation et l’extrémisme violent présenté par Rachida DATI et adopté par la commission LIBE le 19 octobre 2015. Il sera mis aux votes en séance plénière le 19 novembre 2015.

45 Les conclusions du Conseil sur la coopération en matière de lutte contre le terrorisme (projet « Check the web » ou « Surveillance de l’Internet ») ont été adoptées lors de la session JAI des 12 et 13 juin 2007 et ont permis le développement du portail d’information d’EUROPOL.

46 Le centre est actuellement en cours d’établissement.

47 Directive 91/477/CE du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, modifiée par la directive du 21 mai 2008.

48 Les États membres peuvent toutefois recourir au fichier SIS, au focal point firearm d’EUROPOL et à l’iARMS d’INTERPOL.

49 Notamment s’agissant des dispositifs silencieux ou des munitions.

50 A titre d’exemple, des précisions pourraient être apportées s’agissant des armes d’alarme, de la distinction entre « parties » et « pièces essentielles » ou de la signalisation.

51 Vos rapporteurs rappellent toutefois l’existence d’un plan d’action du l’Union européenne contre le trafic des migrants pour la période 2015-2020, COM(2015) 285 final.

52 Pour joint operational team.

53 Certains pays mettent à disposition des hotspots des enquêteurs.

54 COM(2015) 285 final.

55 JOIN(2013) 1 final.

56 Projet de directive sur la sécurité des réseaux et de l'information constitue l'une des principales démarches entreprises dans le cadre de la stratégie.

57 Ces éléments sont issus du communiqué de presse du 22 avril 2015. Les services de l’État pourront ainsi mieux hiérarchiser et organiser leurs demandes de retrait ; les opérateurs pourront traiter plus facilement ces demandes.

58 Conférence ministérielle sur la réponse de la justice pénale à la radicalisation, organisée conjointement par la Commission européenne et la présidence luxembourgeoise du Conseil et avec le soutien du Coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme.

59 Voir notamment la résolution européenne relative à la proposition de règlement du Conseil du 17 juillet 2013 portant création du Parquet européen adoptée par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2014.