N° 3496 - Rapport d'information de Mme Danielle Auroi déposé par la commission des affaires européennes sur les négociations de l'Union européenne avec le Royaume Uni relatives à son maintien au sein de l'Union




NO 3496

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 février 2016

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur les négociations de l’Union européenne avec le Royaume Uni

relatives à son maintien au sein de l’Union,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Danielle AUROI,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LA RELATION AMBIGUË DU ROYAUME-UNI À L’UNION EUROPÉENNE 7

A. UN « STATUT PARTICULIER » 7

B. UN EUROSCEPTICISME LATENT DANS LA CLASSE POLITIQUE ET L’OPINION PUBLIQUE BRITANNIQUE 7

C. LA PROMESSE DU DISCOURS DE BLOOMBERG : UN MESSAGE ADRESSÉ AU PARTI CONSERVATEUR 8

II. UN ACCORD EST-IL POSSIBLE LORS DU PROCHAIN CONSEIL EUROPÉEN ? 9

A. LES QUATRE VOLETS DES DEMANDES BRITANNIQUES 9

1. La gouvernance économique : des mécanismes d’articulation entre les États membres de la zone euro et les États non-membre de la zone euro 9

2. La compétitivité 9

3. La souveraineté 10

4. L’immigration intra-communautaire 10

B. UN ACCORD EST-IL POSSIBLE LORS DU CONSEIL EUROPÉEN DES 18 ET 19 FÉVRIER 2016 ? 11

1. Le déroulement des négociations 11

2. La proposition du président du Conseil européen 12

III. QUELLES PERSPECTIVES POUR LE RÉFÉRENDUM ? 15

A. L’ORGANISATION DU RÉFÉRENDUM 15

1. Le calendrier : un référendum en juin…ou en 2017 ? 15

2. Quelle sera la question posée ? 16

3. Qui pourra voter ? 16

B. LE CAMP DU « IN » ET LE CAMP DU « OUT » 16

1. Les arguments du « in » et du « out » : raison et sentiments ? 16

2. Le positionnement des partis politiques 17

3. Les milieux économiques 18

C. POUR LE MOMENT, DES SONDAGES TRÈS SERRÉS MAIS PLUTÔT EN FAVEUR D’UNE SORTIE DE L’UNION 19

IV. L’ÉVENTUEL IMPACT DE LA SORTIE DU ROYAUME-UNI DE L’UNION EUROPÉENNE 21

A. LES SCÉNARIOS EN CAS DE SORTIE DU ROYAUME-UNI 21

1. Que prévoient les traités en cas de retrait d’un État membre ? 21

2. Quelles seraient les conséquences concrètes d’une sortie de l’Union européenne pour le Royaume-Uni ? 21

B. QUELLES SERAIENT LES CONSÉQUENCES D’UNE SORTIE DU ROYAUME-UNI POUR LA FRANCE ? 23

CONCLUSION 25

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

CONCLUSIONS ADOPTÉES 29

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme vous le savez, un accord avec le Royaume-Uni pourrait être conclu lors du Conseil européen des 18 et 19 février prochain, suite à la liste de demandes présentées par le Premier ministre britannique en novembre dernier.

Si le Conseil européen parvient à un accord sur ce sujet, le référendum britannique sur le maintien ou la sortie de l’Union pourrait avoir lieu dès le mois de juin 2016.

Dans ce cadre, la rapporteure s’est rendue à Londres les 27 et 28 janvier dernier, accompagnée par MM. Jérôme Lambert, Pierre Lequiller et Arnaud Richard. Lors de cette mission, la délégation a rencontré :

- le ministre britannique des affaires européennes, David Lidington ;

- le conseiller « Europe » du Premier ministre David Cameron, Mats Persson ;

- la « Shadow minister » travailliste pour les affaires européennes, Pat Glass ;

- le « directeur » (2) de la City, Mark Boleat ;

- le directeur de la stratégie de la campagne du « IN », Ryan Coetzee ;

- plusieurs parlementaires conservateurs en faveur du maintien dans l’Union européenne (Damian Green, Kenneth Clarke, Mark Field) ;

- le président du think-tank « British influence », Peter Wilding.

Pour mémoire, les Britanniques ont déjà négocié tout au long de la construction européenne des systèmes dits d’ « opt-out ». Ainsi, le Royaume-Uni :

- n'est pas tenu d'adopter l'euro et peut conserver la livre sterling comme monnaie (protocole n° 15 sur certaines dispositions relatives au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord) ;

- ne participe pas à l'acquis de Schengen et ne fait pas partie de l’espace Schengen, et peut donc continuer à exercer des contrôles aux frontières extérieures et intérieures de l’Union (protocole n° 20 sur l'application de certains aspects de l'article 26 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne au Royaume-Uni et à l'Irlande et n° 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l'égard de l'espace de liberté, de sécurité et de justice) ;

- bénéficie d’un « opt-out » global sur toutes les mesures de l’ancien troisième pilier relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, sauf pour trente-cinq mesures pour lesquelles le Royaume-Uni a demandé un « opt-in back ». Parmi ces 35 mesures, on trouve notamment Europol, Eurojust, les équipes communes d’enquête, le mandat d’arrêt européen, la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation et des peines d’emprisonnement, les échanges d’informations issues du casier judiciaire, certaines dispositions de la Convention de Schengen et le Système d’information Schengen (protocole n° 36 sur les dispositions transitoires) ;

- n’est pas lié par la Charte européenne des droits fondamentaux (protocole n° 30 sur l'application de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni).

Le débat sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union n’est pas nouveau.

Pour mémoire, un premier référendum a déjà eu lieu en 1975, deux ans après l’adhésion du Royaume-Uni. Le Premier ministre travailliste Harold Wilson, comme David Cameron aujourd’hui, avait fait de la renégociation des conditions de l’adhésion et de l’organisation d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni au sein de la Communauté économique européenne une promesse de campagne. À l’époque, la gauche britannique était majoritairement opposée au projet européen, considéré comme trop libéral. Au contraire, les conservateurs voyaient dans l’Europe une manière d’exposer leur pays à la concurrence et de relancer son économie.

Le référendum de 1975 avait donné lieu à une large victoire du « oui », remportant 65 % des suffrages.

Ce débat sur l’appartenance du pays à l’Union avait presque disparu sous les trois mandats de Margaret Thatcher, malgré le discours de plus en plus hostile de celle-ci à la construction européenne.

Il a resurgi au début des années 1990, au moment du traité de Maastricht, considéré comme un virage inacceptable vers plus de fédéralisme par une partie des parlementaires conservateurs. Le courant europhobe du parti conservateur, qui restait minoritaire au début des années 1990, a depuis pris une importance de plus en plus grande.

Parallèlement, un nouveau parti, UKIP (UK Independence Party, Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni) a été fondé en 1993 avec pour objectif de faire campagne pour le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ce parti est arrivé en tête au Royaume-Uni lors des élections européennes en mai 2014, et a recueilli 12 % des voix lors des élections générales de 2015 (mais n’a obtenu qu’un seul député, du fait du scrutin uninominal majoritaire à un tour britannique).

Le débat sur l’appartenance ou non du Royaume-Uni à l’Union européenne a pris une importance telle au sein du parti conservateur que lors d’un discours prononcé le 23 janvier 2013, rebaptisé « discours de Bloomberg », David Cameron s’est engagé, en cas de victoire de son parti aux élections générales de 2015, à organiser avant la fin de l’année 2017 un référendum sur le maintien du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Contrairement à ce que tous les sondages prévoyaient, les conservateurs ont remporté 330 sièges sur 650 aux élections générales, et leurs très pro-européens partenaires de coalition durant le mandat précédent, les libéraux-démocrates, n’ont remporté que huit sièges. David Cameron s’est donc retrouvé « pris à son propre piège », tenu d’organiser ce référendum.

Depuis 2013, le Premier ministre britannique a toujours affirmé son souhait que le Royaume-Uni reste dans une « Union européenne réformée ». Selon lui, ces réformes bénéficieraient à l’Union tout entière, et non pas au seul Royaume-Uni.

Il a dressé la liste de ses demandes de réforme dans une lettre adressée à Donald Tusk, président du Conseil européen, le 10 novembre 2015.

Elles s’articulent autour de quatre volets.

Le Royaume-Uni demande :

- la reconnaissance du fait que l’UE a plus d’une monnaie ;

- la consécration du principe selon lequel aucune entreprise ne devrait faire l’objet d’une discrimination ni être désavantagée en raison de la monnaie de son pays ;

- la garantie que les États non-membres de la zone euro ne seront pas obligés de contribuer financièrement aux décisions prises par la zone euro :

- le maintien des compétences de supervision et de stabilité financière des pays non-membres de la zone euro au niveau des institutions nationales et en particulier à la Banque d’Angleterre ;

- la garantie que les pays non-membres de la zone euro ne soient pas marginalisés au sein du processus de décision lorsque cette décision pourrait affecter tous les États membres.

David Cameron souhaite notamment l’approfondissement du marché intérieur, la simplification de la législation européenne (et notamment un objectif d’allégement des charges totales pesant sur les entreprises) et la conclusion de nouveaux accords commerciaux avec des pays tiers.

Le gouvernement britannique récuse la formule d’une « union sans cesse plus étroite » (la formulation complète contenue dans le préambule du traité est « établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ») et souhaite que le Royaume-Uni en soit exempté, après avoir demandé la suppression pure et simple de cette phrase des traités. Mais cette demande est purement symbolique, car cette formule du préambule n’a aucune implication juridique concrète : la Cour de Justice ne l’a jamais utilisée pour justifier une extension des compétences de l’Union.

Enfin, pour satisfaire une partie des parlementaires britanniques soucieux, David Cameron a demandé un renforcement du rôle des parlements nationaux, et souhaite qu’un groupe de parlements puisse bloquer des propositions législatives (mécanisme de « carton rouge »), sans pour autant proposer un seuil précis. Il demande également une meilleure application du principe de subsidiarité. Initialement, certains députés conservateurs souhaitaient que ce « carton rouge » soit en fait un veto unilatéral dont pourrait disposer chaque parlement national, mais cette idée n’a jamais été relayée par David Cameron.

Ce point est à la fois le point le plus délicat des négociations et le point le plus important aux yeux des électeurs britanniques, en vue du référendum.

Le Royaume-Uni demande l’encadrement des prestations sociales dont bénéficient les ressortissants communautaires : le non-versement des prestations sociales durant les quatre premières années de séjour des ressortissants communautaires, la non-exportabilité des prestations aux enfants non-résidents au Royaume-Uni, la lutte contre les mariages blancs et les fraudeurs. Il souhaite également la suspension provisoire de la liberté de circulation en cas de nouveaux élargissements. (3)

Le non-versement des prestations sociales durant les quatre premières années de séjour des ressortissants communautaires se heurte de plein fouet au principe fondamental de la libre circulation des travailleurs, qui, selon l’article 45 du TFUE, implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

À l’appui de ses demandes, le Royaume-Uni met en avant une immigration intra-communautaire très importante, associée à un système de prestations sociales très largement non-contributif.

Pour rappel, lors de l’élargissement de 2004, le Royaume-Uni a été le seul pays, avec la Suède et l'Irlande, à ne pas imposer de mesures transitoires pour les travailleurs des huit nouveaux États membres. Cela s’est traduit par une immigration massive en provenance des pays de l’Est : aujourd’hui, on estime que plus d’un million de ressortissants d’Europe centrale et Orientale travaillent au Royaume-Uni, dont environ 700 000 Polonais. À titre d’exemple, un Lituanien sur vingt est aujourd’hui installé au Royaume-Uni.

La négociation à Bruxelles avec les représentants britanniques se déroule en cercle restreint, autour du Président du Conseil européen, du Secrétaire général du Conseil, de la « task force » spécifiquement mise en place sur ce sujet au sein de la Commission européenne, dirigée par Jonathan Faull.

Après la présentation par David Cameron de ses demandes en novembre 2015, des réunions bilatérales entre le Royaume-Uni et chacun des États membres ont eu lieu.

Le Conseil européen des 17 et 18 décembre a ensuite donné lieu à un premier tour de table. Lors de son audition par notre commission sur ce Conseil européen le 13 janvier 2016, le secrétaire d’État aux affaires européennes a affirmé qu’une position générale s’était dégagée de ce premier tour de table : « la position de la France et celle, unanime, du Conseil européen, consistent à encourager une convergence de vues afin que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne, sans pour autant s’engager dans une révision des traités ni remettre en cause les principes qui fondent l’Union européenne ».

Dans les jours qui ont suivi notre déplacement à Londres, le Premier ministre britannique a rencontré le président de la Commission européenne puis le président du Conseil européen. À la suite de cette rencontre, ce dernier a présenté le 2 février un ensemble de propositions qui serviront de base aux discussions du Conseil européen des 18 et 19 février prochain.

Si les négociations échouent le 18 et 19 février, un Conseil européen exceptionnel pourrait avoir lieu quelques semaines plus tard.

La proposition de décision du Conseil européen donne des gages au Royaume-Uni en garantissant notamment que « toute discrimination entre personnes physiques ou morales fondée sur la monnaie officielle de l'État membre où elles sont établies est interdite », que les mesures d'urgence destinées à préserver la stabilité financière de la zone euro n'engageront pas la responsabilité budgétaire des États membres dont la monnaie n'est pas l'euro ou de ceux qui ne participent pas à l'union bancaire, et que les réunions de l’Eurogroupe n’empiètent pas sur les compétences du Conseil.

Elle propose un mécanisme de deuxième tour de table au Conseil lors de la discussion d’un texte relatif à la zone euro et à l’Union bancaire devant être adopté à la majorité qualifiée, si un certain nombre (le seuil reste encore à définir) d’États non-membres de la zone euro s’y oppose. Une délibération pourrait éventuellement être demandée au Conseil européen sur la question.

Ce mécanisme semble relativement peu contraignant de prime abord, mais il conviendra d’être très vigilant.

Le Gouvernement français a déjà souligné qu’il ne pourrait pas y avoir « d’interférence » des pays hors zone euro sur les décisions prises par les pays de la zone euro. La rapporteure partage pleinement cette position, qui doit être une « ligne rouge » dans les négociations.

• Sur la souveraineté

Le projet de décision du Conseil rappelle que la référence à une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ne constitue donc pas une base pour étendre la portée des dispositions des traités ou du droit dérivé de l'UE. Elles ne sauraient non plus être utilisées à l'appui d'une interprétation large des compétences de l'Union ou des pouvoirs de ses institutions tels qu'ils sont fixés dans les traités.

Le projet de décision admet que, eu égard à sa situation particulière en vertu des traités, le Royaume-Uni n'adhère pas à une intégration politique plus poussée dans l'Union européenne. Le contenu de cette disposition serait intégré dans les traités lors de leur prochaine révision, conformément aux dispositions pertinentes des traités et aux règles constitutionnelles respectives des États membres.

En ce qui concerne le rôle des parlements nationaux, le projet présenté par Donald Tusk prévoit que, dans le cas où les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d'acte législatif, adressés dans un délai de douze semaines à compter de la transmission dudit projet, représenteraient plus de 55 % des voix attribuées aux parlements nationaux, le Conseil mette fin à l’examen du projet d’acte en question, sauf s’il est modifié de manière à tenir compte des préoccupations exprimées dans les avis motivés.

Pour mémoire, aujourd’hui, un projet contesté par un tiers des parlements, chaque assemblée de parlement bicaméral possède une voix, tandis que les parlements monocaméraux en possèdent deux, doit être réexaminé par la Commission (c’est le « carton jaune »). Une proposition dénoncée par la moitié des assemblées peut être rejetée, en première lecture et à la majorité simple, par le Parlement européen ou par le Conseil (c’est le « carton orange »).

Le seuil prévu par ce nouveau carton serait donc un peu plus élevé que celui du carton orange, et plus contraignant pour le législateur européen.

En revanche, ce nouveau carton serait envoyé au Conseil, et non pas à la Commission européenne ou au Parlement européen. Le seuil de 55 % correspond implicitement au seuil de 55 % nécessaire pour atteindre la majorité qualifiée au Conseil.

• Sur la compétitivité

Des quatre points des demandes britanniques, c’est celui qui pose le moins de difficultés dans les négociations, et qui ne pose aucun problème de compatibilité avec les traités.

Le projet présenté par Donald Tusk prévoit que le Conseil européen s’engage à « renforcer le marché intérieur », à alléger les charges réglementaires inutiles et à mener une « politique commerciale ambitieuse ».

• Sur l’immigration

Le projet de décision tente d’apporter des solutions à la demande britannique qui ne seraient pas contraires aux traités.

Il propose ainsi que la Commission européenne présente deux initiatives législatives :

- une proposition visant à modifier le règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, afin de donner aux États membres, en ce qui concerne l'exportation des allocations familiales vers un État membre autre que celui où le travailleur réside, la possibilité d'indexer ces prestations sur le niveau de vie de l'État membre où l'enfant réside ;

- une proposition visant à modifier le règlement (CE) no 492/2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union, qui prévoirait un mécanisme d'alerte et de sauvegarde destiné à faire face aux situations caractérisées par l'afflux d'une ampleur exceptionnelle et pendant une période prolongée de travailleurs en provenance d'autres d'États membres.

Afin de donner des gages au Royaume-Uni, le projet de déclaration de la Commission européenne annexé au projet de décision du Conseil dispose que « la Commission européenne estime qu'il ressort de la nature des informations qui lui sont transmises par le Royaume-Uni que le pays fait réellement face aujourd'hui au type de situation exceptionnelle auquel le mécanisme de sauvegarde proposé devrait s'appliquer ».

Ce mécanisme ne rentrerait donc pas immédiatement en vigueur, et devrait d’abord faire l’objet d’une procédure législative ordinaire, nécessitant l’approbation du Parlement européen. Le Premier ministre britannique a d’ailleurs rencontré le président du Parlement européen le 29 janvier dernier, et ce dernier sera exceptionnellement présent au Conseil européen des 18 et 19 février.

La loi sur le référendum promulguée le 17 décembre 2015 ne fixe pas de date précise pour le scrutin. Elle impose néanmoins qu’il soit organisé avant le 31 décembre 2017 et exclut sa concomitance avec les prochaines élections des exécutifs locaux.

Pour le moment, en cas d’accord en février, un scrutin en juin pourrait être possible. C’est probablement ce que souhaitera le Premier ministre : plus la période s’écoulant entre l’accord à Bruxelles et le référendum sera longue, plus le vote en faveur du « Brexit » risque de gagner du terrain.

Toutefois, le ministre des affaires européennes, David Lidington, et le conseiller Europe de David Cameron, Mats Persson, ont affirmé à la délégation que le gouvernement « n’était pas pressé » et ne chercherait pas un accord en février à tout prix.

En tout état de cause, si le référendum doit avoir lieu en juin, le calendrier sera très contraint.

En effet, pour que le référendum puisse se tenir, le Parlement britannique devra adopter deux actes : un texte fixant les modalités de désignation des organes officiels de campagne et un texte fixant la date du référendum et la durée de la période référendaire. Si le gouvernement obtient sans difficultés – ce qui n’est pas acquis – l’adoption de ces deux textes de manière très rapide, la période référendaire, pourrait débuter en avril. Cette période de campagne référendaire devra durer dix semaines minimum.

Si aucun accord n’est trouvé en février, le référendum pourrait alors être repoussé au mois de décembre 2016 (impossibilité d’organiser le référendum en juillet, mois des vacances écossaises, ni en août ; risque politique de l’organiser à la rentrée de septembre ; le mois d’octobre est traditionnellement le mois des conférences des partis politiques britanniques…).

Le ministre des affaires européennes, auditionné par la délégation, a même évoqué la possibilité que le référendum ait lieu en mars ou avril 2017, ou même au deuxième semestre 2017. Toutefois, nous pouvons espérer que le Royaume-Uni évitera d’organiser un référendum sur son appartenance à l’Union pendant sa présidence tournante de l’Union, qui aura lieu de juillet à septembre 2017…

Les électeurs devront répondre à une question alternative : « le Royaume-Uni devrait-il rester membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? ».

Ils auront le choix entre deux bulletins de vote : « rester membre de l’Union européenne » ou « quitter l’Union européenne ».

Tous les citoyens de nationalité britannique âgés d’au moins 18 ans inscrits sur les listes électorales au Royaume-Uni ou à Gibraltar : les Britanniques âgés de 16 à 18 ans ne pourront donc pas voter, contrairement au référendum sur l’indépendance de l’Écosse, et contrairement à ce que demandait la chambre des Lords ;

Un fort facteur générationnel risque pourtant de jouer dans ce référendum, car les jeunes britanniques sont plus favorables que le reste de la population à un maintien dans l’Union (dans un sondage publié par The Independant en novembre dernier, 69 % des 18-24 ans étaient en faveur du maintien dans l’Union européenne, contre seulement 38 % chez les plus de 65 ans). La campagne du « in » jouera probablement sur cet aspect intergénérationnel, en développant des opérations autour du thème « les petits-enfants parlent de l’Europe avec leurs grands-parents ».

- les citoyens britanniques résidant à l’étranger depuis moins de 15 ans (pour mémoire, 1,3 million de citoyens britanniques vivent aujourd’hui dans un autre pays européen, dont 381 000 en Espagne) ;

- les citoyens irlandais résidant au Royaume-Uni, ainsi que les citoyens des pays du Commonwealth résidant au Royaume-Uni (y compris les Chypriotes et les Maltais).

Pour résumer, la rapporteure retient des auditions conduites à Londres que les arguments du « in » sont majoritairement terre-à-terre, rationnels, tandis que les arguments du « out » se rangent plus du côté des sentiments et de l’enthousiasme. Une dynamique similaire avait d’ailleurs été observée lors du référendum écossais.

La campagne du « in » sera orientée autour de trois axes principaux, déjà déclinés dans le discours de David Cameron :

- l’économie ;

- la sécurité ;

- la place du Royaume-Uni sur la scène internationale.

Les personnalités politiques en faveur du « in » n’insistent pas sur le sentiment d’appartenance à l’Union ou sur l’apport de celle-ci à la paix en Europe, tant la population britannique est devenue eurosceptique. Au contraire, la campagne en faveur du maintien dans l’Union jouera principalement sur la peur, en insistant sur les incertitudes que ferait peser une telle sortie sur l’avenir du Royaume-Uni.

Tous nos interlocuteurs ont mentionné le risque que pourrait faire peser une sortie de l’Union pour l’unité du pays, puisque l’Irlande du Nord et l’Écosse et le Pays de Galles restent très majoritairement en faveur du maintien dans l’Union européenne. L’Écosse pourrait demander la tenue d’un nouveau référendum sur son indépendance en cas de Brexit (c’est en tout cas ce que souhaite le SNP, le parti national écossais).

Évidemment, les arguments en faveur du « in » sont également des arguments économiques, soulignant l’importance pour le Royaume-Uni d’avoir accès au marché unique et les pertes d’emploi que pourrait générer un « Brexit ».

Au contraire, du côté du « out », le discours politique joue sur l’idée d’un Royaume-Uni qui ne serait plus limité dans son essor par une Union européenne « bruxelloise », mais tourné vers le large, et qui retrouverait enfin sa place d’autrefois dans le monde – certains évoquant même un retour au Commonwealth.

Dans le camp du « out », on retrouve évidemment UKIP, mais également une partie importante des députés conservateurs.

Les députés conservateurs rencontrés par la délégation estiment qu’aujourd’hui une centaine de parlementaires conservateurs – un tiers des députés du parti, donc – sont en faveur de la sortie de l’Union européenne. La plupart sont réunis au sein du groupe « Conservatives for Britain ». Un tiers des députés britanniques restent indécis, et décideront selon toute probabilité de suivre les consignes de vote du Premier ministre. La base de l’électorat conservateur est en revanche bien plus eurosceptique et europhobe que les parlementaires du parti.

Deux principaux organes de campagne en faveur du « out » coexistent pour le moment : « Leave EU », proche d’UKIP, dont la campagne est principalement axée sur l’immigration, et « Vote Leave », qui réunit les eurosceptiques de tous bords, dont la campagne est plus axée sur les questions de compétitivité.

Même au sein du gouvernement, la question européenne divise. Début janvier, David Cameron a finalement accepté de laisser les ministres de son cabinet faire campagne en faveur du Brexit s’ils le souhaitaient, à titre privé et individuel.

Lorsque du déplacement de la délégation à Londres, l’incertitude demeurait totale sur la position de deux figures majeures du parti conservateur : Theresa May, la ministre de l’intérieur, et Boris Johnson, le maire de Londres.

Le Labour a en revanche décidé en septembre de faire campagne en faveur du maintien dans l’Union européenne, quel que soit le résultat des négociations à Bruxelles. Mais une petite trentaine de députés travaillistes fera probablement campagne pour la sortie de l’Union. Jeremy Corbyn, le nouveau leader du parti travailliste, plutôt connu pour son euroscepticisme – il avait voté pour la sortie de l’Union en 1975 – reste pour le moment relativement en retrait sur cette question.

La délégation a rencontré lors de notre déplacement le principal organisateur de la campagne du « in », la plateforme « Britain Stronger in Europe », au sein de laquelle sont réunis tous les partis pro-européens ainsi que les conservateurs en faveur du maintien dans l’Union. Cette plateforme devrait permettre de centraliser une partie de la campagne, tout en permettant aux principaux leaders du « in » de mener une campagne segmentée et adaptée à leur électorat.

Au moment de la campagne référendaire, une commission électorale devra désigner deux organes de campagne officiels, une par camp. Pour ces deux organisations, le plafond de dépenses sera fixé à sept millions de livres sterling, et elles recevront six cent mille livres sterling de subvention publique. La chaîne de supermarchés Sainsbury est le principal donateur de la campagne du « in », mais selon les médias, les banques américaines Goldman Sachs et JP Morgan ont également fait des dons à « Britain Stronger in Europe ».

La délégation a rencontré à Londres Mark Boleat, le directeur général de la City. Celui-ci a initié l’entretien en déclarant « Nous aimons l’Union européenne » (« We love UE »), ce qui résume bien l’attitude de la City vis-à-vis de l’Union. Il s’est déjà prononcé à plusieurs reprises dans les médias pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

Toutefois, l’image de la City est aujourd’hui très dégradée dans l’opinion publique, et une campagne trop visible provenant de la City pourrait être contre-productive. Mark Boleat a toutefois rappelé que les banques d’investissement américaines représentent 80 000 emplois pour le Royaume-Uni, et pas uniquement à Londres (JP Morgan est par exemple le plus gros employeur du Dorset). Leur potentiel départ en cas de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pourrait donc être un argument de campagne.

Les grandes entreprises britanniques restent très largement favorables au maintien du Royaume-Uni dans l’Union, même si ce soutien s’est légèrement érodé au cours des derniers mois. Selon une étude récente réalisée par le cabinet Deloitte, 62 % des directeurs financiers des trois cent cinquante plus grandes entreprises du Royaume-Uni se disent favorables à un maintien dans l’Union européenne, et seulement se disent favorables 6 % à la sortie.

Selon un sondage réalisé la semaine dernière (4), après la publication de l’accord proposé par le président du Conseil européen, 45 % des Britanniques sont aujourd’hui favorables à une sortie de l'Union, alors que 36 % disent vouloir y rester. 56 % des Britanniques considéreraient que les réformes proposées ne vont pas assez loin, et 54 % que les réformes proposées concernant l’immigration ne permettront pas de réduire efficacement le niveau de l’immigration intra-communautaire en Europe.

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L’évolution des sondages en faveur du maintien dans l’Union européenne (en bleu) et de la sortie de l’Union européenne (en vert)

Les médias britanniques sont très majoritairement eurosceptiques (à l’exception du Guardian et du Financial Times), et ont fortement critiqué le projet d’accord obtenu par Cameron : le Sun, quotidien de langue anglaise le plus vendu dans le monde, titrait par exemple le 3 février dernier : « De qui vous moquez-vous, Mr Cameron ? ».

Pour le moment, la campagne du « out » est beaucoup plus audible que la campagne du « in ».

Toutefois, selon les interlocuteurs rencontrés par la délégation, la véritable campagne en faveur du « in » ne commencera que lorsqu’un accord aura été trouvé au Conseil européen. Pour le moment, le Premier ministre britannique, s’il ne cache pas en privé sa volonté de voir le Royaume-Uni se maintenir au sein d’une Union européenne « réformée », continue de lier son positionnement dans la campagne au contenu de l’accord qui sera in fine négocié. Il semblerait que le Premier ministre ait demandé aux membres de son camp en faveur du maintien dans l’Union et aux grandes entreprises de ne pas se lancer pleinement dans la campagne, et d’attendre la fin des négociations à Bruxelles.

Cependant, le contenu de l’accord en lui-même aura probablement peu d’impact sur les résultats du référendum. Tous les interlocuteurs rencontrés se sont accordés sur le fait qu’aujourd’hui, le sujet reste « très limité aux milieux d’affaires et à Westminster ». Une très grande méconnaissance des enjeux par les citoyens britanniques a été constatée par les enquêtes d’opinion menées sur le sujet.

Le seul point de l’accord qui sera probablement présent dans le débat référendaire sera la question de l’immigration intra-communautaire : les enquêtes d’opinion montrent cependant que les Britanniques ont une perception plutôt positive de cette immigration, mais sont surtout attachés à la question de l’équité des prestations sociales.

En revanche, la crise de la zone euro et la crise migratoire seront certainement des sujets majeurs dans la campagne britannique.

L’article 50 du traité sur l’Union européenne, introduit par le traité de Lisbonne, prévoit que « tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ». Le cas échéant, le Royaume-Uni devrait notifier son intention de se retirer avec le Conseil européen, et négocier un accord fixant les modalités de ce retrait. Cet accord devrait être conclu par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, après l’approbation du Parlement européen.

Si l’accord n’est pas conclu au bout de deux ans, les traités cesseraient de s’appliquer au Royaume-Uni sauf si un délai supplémentaire était autorisé par le Conseil européen (statuant à l’unanimité et en accord avec le Royaume-Uni).

Comme la rapporteure l’a déjà évoqué, les conséquences d’une sortie de l’Union sur l’unité du pays, sur son influence internationale, sur sa sécurité restent incertaines.

Il est extrêmement difficile d’évaluer quel serait l’impact économique d’une sortie de l’Union européenne pour le Royaume-Uni, car les différentes études disponibles donnent des résultats extrêmement variables, qui vont de vingt points de PIB d’impact négatif à dix points d’impact positif.

Source : Ambassade de France au Royaume-Uni, service économique

En cas de sortie de l’Union, trois principaux scénarios sont avancés par les partisans du Brexit (5) :

- l’option « norvégienne », qui permettrait au Royaume-Uni, alors membre de l’EEE (et de l’AELE), d’avoir accès au marché unique et de jouir des quatre libertés fondamentales, sans s’engager dans les autres politiques communautaires. Mais cette option ne semble pas vraiment intéressante pour le Royaume-Uni, qui serait soumis à un ensemble de règles affectant le marché intérieur, sans pouvoir prendre part aux décisions. Par ailleurs, il devrait continuer de contribuer au budget communautaire, en versant une somme équivalente à sa participation actuelle. Le Premier ministre norvégien, lors d’une visite à Londres, a publiquement déclaré que cela constituerait une mauvaise solution pour le Royaume-Uni ;

- l’option « suisse » : le Royaume-Uni devrait conclure avec l’Union européenne une multitude d’accords bilatéraux sectoriels fondés sur le droit international classique ;

- l’option d’un accord de libre échange ou d’association ad hoc négocié avec l’UE : il permettrait au Royaume-Uni de ne plus participer à certaines politiques communautaires, tout en ayant accès au marché communautaire, sans pouvoir de décision sur la réglementation. Parallèlement, Londres devrait négocier séparément des accords commerciaux avec les pays tiers et les organisations extérieures à l’Union, qui seraient probablement moins avantageux que ceux négociés par l’Union européenne, qui disposera d’un plus grand pouvoir de négociation.

Une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aurait de réelles conséquences pour la France. Le Royaume-Uni reste notre premier partenaire européen sur les questions de diplomatie et de défense, et nos échanges avec Londres en matière de renseignements sont très importants.

Par ailleurs, la France réalise son premier excédent commercial avec le Royaume-Uni : en 2014, le Royaume-Uni était le 5ème marché français à l’exportation (les exportations vers le Royaume-Uni représentent 7,1 % du total des exportations françaises).

Enfin, se posera la question de la gestion de la frontière commune entre la France et le Royaume-Uni. Ainsi, la rapporteure a interrogé à plusieurs reprises les interlocuteurs auditionnés sur ce qu’ils imaginent qu’il adviendrait des accords du Touquet : pour schématiser, Calais pourrait être déplacé à Douvres ! (6) C’est une question qui a également émergé dans les médias britanniques au cours des derniers jours.

CONCLUSION

Pour conclure, pour la rapporteure, la France doit affirmer sa volonté de voir le Royaume-Uni rester dans l’Union, mais pas à n’importe quel prix.

Une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne risquerait de mettre en péril la cohésion de l’Union européenne, déjà fortement menacée. Toutefois, les demandes britanniques ne doivent pas amener l’Europe à renoncer à ses valeurs fondamentales, ou à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, y compris dans sa dimension sociale et environnementale.

Enfin, se pose également la question du positionnement britannique en cas de maintien dans l’Union : la victoire du « in » permettra-t-elle vraiment de normaliser les relations entre le Royaume-Uni et l’Union, et d’apaiser le débat européen à l’intérieur du pays ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 10 février 2016, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Michel Piron. Cette mission a dû être très intéressante, et je trouve que ses conclusions sont un modèle d’équilibre !

La Présidente Danielle Auroi. Je crois, et je parle sous le contrôle d’Arnaud Richard, que nous avons réussi à parler d’une seule voix lors de cette mission, au-delà de nos clivages partisans, pour dire aux Britanniques que nous souhaitions qu’ils restent dans l’Union, mais pas à n’importe quel prix.

M. Bruno Gollnish, député européen. Je vais lire avec beaucoup d’attention votre rapport, et je suis très admiratif du dernier paragraphe : « se pose également la question du positionnement britannique en cas de maintien dans l’Union : la victoire du « in » permettra-t-elle vraiment de normaliser les relations entre le Royaume-Uni et l’Union, et d’apaiser le débat européen à l’intérieur du pays ? ». En effet, cette question se pose vraiment.

La commission a ensuite adopté les conclusions suivantes ».

CONCLUSIONS ADOPTÉES

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 décembre 2015,

Vu le projet d’ordre du jour du Conseil européen du 18 et 19 février 2015,

Vu le projet de décision des chefs d'État ou de gouvernement, réunis au sein du Conseil européen, concernant un nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l'Union européenne du 2 février 2016 (EUCO 4/16) et les cinq projets de déclaration annexés,

Vu le courrier adressé par le Premier ministre du Royaume-Uni au président du Conseil européen le 10 novembre 2015 ;

Considérant qu’une sortie du Royaume-Uni de l’Union risquerait de porter gravement atteinte à la cohésion européenne et de déstabiliser profondément l’Union,

Considérant toutefois que les régimes dérogatoires ne doivent pas être multipliés, et que l’Union européenne ne doit pas devenir une Union « à deux vitesses »,

1. Affirme son souhait que le Royaume-Uni reste membre de l’Union européenne ;

2. Prend acte des demandes de réforme formulées par le Royaume-Uni et du projet de décision présenté par le président du Conseil européen ;

3. Souligne que de telles réformes ne peuvent être envisageables que si elles respectent les principes fondateurs de l’Union européenne ainsi que les traités européens ;

4. Rappelle que l’euro est, selon les traités, la monnaie unique de l’Union ;

5. Réaffirme son attachement à un approfondissement de l’Union économique et monétaire, y compris dans sa dimension sociale et environnementale ;

6. Considère que la question de l’articulation entre États membres et non membres de la zone euro doit être abordée en veillant à garantir l’autonomie de décision de celle-ci, et ne doit pas entraver ce processus d’approfondissement ;

7. Demande qu’en échange d’une attention à ne pas discriminer les États ne participant pas à la monnaie unique, le Royaume-Uni s’engage à ne pas bloquer les initiatives visant à accroître l’intégration de la zone euro ; appelle ainsi à un nouveau « compromis de Luxembourg » qui concilie les intérêts des États de la zone euro avec ceux des autres États membres ;

8. Est favorable à la proposition d’approfondir le marché unique en poursuivant l’harmonisation des marchés de capitaux et en créant un véritable marché unique numérique ;

9. Considère que l’allégement de la réglementation et la conclusion par l’Union d’accords commerciaux avec les pays tiers ne doivent pas s’effectuer au détriment d’un haut niveau de protection sociale et environnementale ;

10. Affirme son attachement à la construction d’une Union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ;

11. Partage la volonté britannique de renforcer le rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel européen, mais considère que ce rôle doit davantage s’orienter vers un pouvoir de proposition et de contrôle strict ;

12. Considère que la proposition britannique initiale visant à autoriser le non-versement de prestations sociales durant les quatre premières années de séjour des ressortissants communautaires serait contraire aux principes garantis par les traités ;

13. Rappelle que la libre circulation des travailleurs est un pilier fondamental de l’Union européenne, consacré par les traités, et qui implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et d'emploi, et que cette règle doit s’appliquer de la même manière dans tous les États de l’Union.

1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

2 () « Chairman of the policy and resources committee of the City of London.

3 () La Cour de Justice de l’Union a répondu à une partie des préoccupations exposées par le Royaume-Uni en considérant, en réponse aux questions du Tribunal social de Leipzig, que pour pouvoir accéder à certaines prestations sociales, les ressortissants d’autres Etats membres ne peuvent réclamer une égalité de traitement que si leur séjour respecte les conditions de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, qui conditionne le droit au séjour des ressortissants de l’Union inactifs au fait qu’ils disposent de ressources suffisantes (arrêt dans l’affaire C-333/13 Elisabeta Dano, Florin Dano/Job Center Leipzig du 11 novembre 2014).

4 () Sondage réalisé par YouGov et publié le 5 février 2016 par le Times.

5 () Source : Question d’Europe n° 369, Jean-Claude Piris, « Brexit ou Britin : fait-il vraiment plus froid dehors ? », 26 octobre 2015.

6 () Depuis le traité du Touquet du 4 février 2003, la France a accepté que les contrôles frontaliers se déroulent sur son sol et non pas sur le sol britannique.