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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juin 2016.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
sur la nouvelle stratégie européenne globale
en matière de politique étrangère et de sécurité
ET PRÉSENTÉ
PAR MM. Joaquim PUEYO et Yves FROMION
Députés
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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.
La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain Bocquet, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA STRATÉGIE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ DE 2003, PREMIÈRE TENTATIVE DE DONNER UNE COHÉRENCE À LA PESC 7
A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA PESC RENDAIT NÉCESSAIRE LA DÉFINITION D’UN CADRE POUR L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’UNION 7
1. La montée en puissance de la PESC 7
2. La nécessité de définir les enjeux et les objectifs stratégiques 8
B. LA STRATÉGIE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ DE 2003 AVAIT L’AMBITION DE CONSTITUER LE CADRE DE L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’UNION 10
C. UNE STRATÉGIE IMPRÉCISE ET DATÉE, MARGINALISÉE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES 14
1. Une stratégie datée et imprécise dans ses objectifs et ses priorités 15
2. Une stratégie marginalisée depuis plusieurs années 16
II. LA LENTE MATURATION D’UNE RÉFORME NÉCESSAIRE DE LA STRATÉGIE EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE PESC 18
A. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET LONGUEMENT MÛRIE 18
1. Le rapport Ashton (2013) et le lancement du processus de révision de la stratégie européenne de sécurité 18
2. Après la publication d’une évaluation de l’environnement stratégique en juin 2015, le processus aboutira à la présentation d’une nouvelle stratégie au Conseil européen de juin 2016 19
a. L’évaluation de l’environnement stratégique de l’Union 19
b. L’élaboration de la nouvelle stratégie repose sur un processus à la fois participatif et exclusif 21
B. UNE NOUVELLE STRATÉGIE QUI DOIT ÊTRE À LA HAUTEUR DES ENJEUX ET DES MENACES AUXQUELS EST CONFRONTÉE L’EUROPE 22
1. Une stratégie globale, axée sur la sécurité, qui doit définir les objectifs de l’Union européenne sur la base de ses valeurs 22
2. Une stratégie qui doit fixer des priorités claires pour atteindre les objectifs stratégiques 24
a. Les priorités intérieures de l’Union 24
b. Les priorités dans le voisinage 25
c. Les priorités globales 27
3. Une stratégie qui doit pouvoir s’appuyer sur l’ensemble des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs 27
a. Le renforcement des moyens civils et militaires de l’Union 28
b. L’aide au développement comme instrument de résilience 31
C. UNE STRATÉGIE DONT LA PORTÉE EST INCERTAINE 32
1. L’ombre du « Brexit » 32
2. Stratégie de la Haute représentante, de la Commission ou de l’Union européenne ? 32
TRAVAUX DE LA COMMISSION 35
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 39
MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION 45
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51
Mesdames, Messieurs,
Héritière de la coopération politique instituée à partir de 1970 entre les États membres de la Communauté économique européenne, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) avait pour objectif, dès l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, de permettre à l’Union européenne de peser et d’agir en tant que telle sur la scène internationale.
Bien qu’elle disposât d’un cadre juridique, d’institutions spécifiques et de procédures particulières, renforcées par les traités d’Amsterdam (1997) puis de Nice (2000), la PESC souffrait de l’absence d’une stratégie à même de guider sa mise en œuvre en lui donnant une cohérence. Telle est en effet la définition d’une stratégie : la conception et l’utilisation de moyens pour réaliser une fin repose sur un choix d’objectifs de sécurité qui se réfère à des valeurs, à des formes particulières d’adaptation à l’environnement et de résolution des problèmes associées aux risques et menaces, y compris l’emploi de la force. La définition d’une telle stratégie apparaissait en outre d’autant plus urgente que l’invasion de l’Irak, en 2003, avait mis en lumière les profondes divergences stratégiques des États-membres. Ce travail de réflexion devait permettre de rassembler cette Europe divisée autour de valeurs, d’intérêts et d’objectifs communs.
Après de longues négociations, la stratégie européenne de sécurité (SES), a été adoptée par le Conseil européen des 12 et 13 décembre 2003. Elle commençait par ces mots : « l’Europe n’a jamais été aussi prospère, aussi sûre ni aussi libre ». 2003, c’était il y a maintenant 13 ans et depuis, l’environnement international s’est considérablement dégradé ; certes, les menaces identifiées à l’époque restent toujours valables mais certaines se sont exacerbées et de nouvelles, non moins dangereuses, sont apparues. De plus, l’Union européenne affronte actuellement une multitude sans précédente de crises, internes et externes, qui menacent ce qu’elle a réussi à bâtir jusqu’alors, notamment la liberté de circulation à l’intérieur de l’espace Schengen. Enfin, la stratégie européenne de sécurité, malgré quelques réussites qu’il est possible de mettre à son actif, notamment dans le domaine de la politique commerciale et de développement, n’a pas réellement atteint son objectif. Force est en effet de reconnaître que l’Union européenne est largement absente du règlement des grandes crises apparues depuis 2003, que les procédures instituées par le Traité de Lisbonne dans le cadre de la PSDC (battlegroups, coopération structurée permanente…) n’ont jamais connu une amorce de mise en œuvre et que l’essentiel de l’action de l’UE sur la scène internationale, hors commerce et développement, repose sur l’initiative et les capacités de quelques États-membres et, aussi, de l’OTAN. On pourrait presque dire que la PSDC fait figure d’avatar honteux de la PESC.
Ces constats sont partagés par tous et, lors du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, les plus hauts dirigeants de l’Union se sont accordés pour relancer la réflexion stratégique au niveau européen et l’adapter au nouveau contexte de sécurité dans lequel elle se trouve. Ils ont chargé la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, vice-Président de la Commission (HP/VP), Mme Federica Mogherini, d’élaborer, en lien avec les Etats-membres, une nouvelle stratégie globale en matière de politique étrangère et de sécurité qui devra leur être présentée lors du Conseil européen des 28 et 29 juin prochain.
Le sujet est d’importance car cette nouvelle stratégie devrait avoir vocation à guider l’action extérieure de l’Union pour de nombreuses années. Vos rapporteurs souhaitent donc, par leurs constats, analyses et propositions, nourrir le débat que, depuis juillet 2015, suscite le travail de la Haute représentante. Ils rappellent également que la PESC et, en particulier, les questions de Défense et de sécurité, ne reçoivent pas toujours, de la part des institutions européennes comme des Parlements nationaux, toute l’attention qu’ils méritent alors même qu’elles présentent des enjeux vitaux pour les citoyens, les États-membres et l’Union européenne tout entière.
I. LA STRATÉGIE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ DE 2003, PREMIÈRE TENTATIVE DE DONNER UNE COHÉRENCE À LA PESC
A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA PESC RENDAIT NÉCESSAIRE LA DÉFINITION D’UN CADRE POUR L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’UNION
Héritière de la Coopération politique instituée à partir de 1970 entre les États membres de la Communauté économique européenne (CEE) (1), la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a pris, depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, le 1er novembre 1993, une importance croissante dans l’action de l’Union européenne.
La fin de la guerre froide a en effet contribué à accélérer le processus engagé depuis les débuts de la construction européenne. La disparition du monde bipolaire, en offrant une capacité d’initiative nouvelle à l’Europe sur la scène internationale, a rendu intenable un statu quo par ailleurs de plus en plus contesté par les opinions publiques sensibilisées par les médias aux tourments du monde. Ces derniers n’étaient d’ailleurs pas cantonnés aux régions lointaines puisque l’éclatement, en 1992, de la Yougoslavie et la guerre terrible qui s’en est suivie ont montré, s’il le fallait, l’urgence pour l’Union européenne d’assurer la stabilité dans son voisinage. À terme, il est évident qu’elle devrait aussi assumer la responsabilité de sa propre sécurité compte tenu du retrait inéluctable des forces américaines d’Europe.
Le traité sur l’Union européenne est à la fois l’aboutissement logique des vingt années de Coopération politique européenne et une étape résolument nouvelle et ambitieuse. Dans son préambule, ses signataires s’y affirment « résolus à mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune, qui pourrait conduire à une défense commune, conformément aux dispositions de l’article 17, renforçant ainsi l’identité de l’Europe et son indépendance afin de promouvoir la paix, la sécurité et le progrès en Europe et dans le monde. ». Dans la même phrase figure ainsi à la fois l’ambition des États européens d’agir en commun sur la scène internationale et les objectifs de cette action qui sont à fois extérieurs mais également intérieurs.
En effet, définir une politique étrangère et de sécurité commune oblige les États-membres à s’accorder, au-delà de ce qui les divise, sur ce qu’ils partagent, sur les intérêts à défendre, leurs valeurs et, en définitive, leur identité en tant que membres de l’Union européenne et, au-delà, l’identité de l’Union européenne elle-même.
Le Traité de Maastricht ne se contente pas de déclarations mais institue le cadre institutionnel nécessaire pour atteindre ces objectifs. La PESC forme ainsi le 2ème pilier de l’édifice européen dont le fonctionnement reste, toutefois, marqué par l’intergouvernementalité et, en particulier, l’unanimité qui en découle. Sur ce point, le Traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, apporte plusieurs améliorations et, en particulier, la création d’un nouvel instrument, la stratégie commune. Si celle-ci doit être adoptée à l’unanimité par les États-membres, les décisions prises dans son cadre le sont ensuite à la majorité qualifiée. En outre, elle crée le poste de Haut Représentant pour la PESC confié à l’ancien secrétaire général de l’OTAN, M. Javier Solana. Enfin, les « missions de Petersberg » (2) sont intégrées dans le Traité, traduisant la volonté commune des États membres d’assurer la sécurité en Europe par le biais d’opérations telles que les missions humanitaires ou de rétablissement de la paix. La PESC se dote ainsi d’une dimension « Défense » actée comme telle lors du Conseil européen de Cologne (3 et 4 juin 1999) et intégrée dans le Traité de Nice qui en définit les structures politiques et militaires.
Après le Traité de Nice, la PESC est ainsi devenue une véritable politique européenne avec ses institutions et organes propres, son cadre juridique, ses moyens et ses objectifs. Toutefois, mentionnés dans le Traité lui-même, à l’article 11, ces objectifs étaient en réalité des déclarations de principe généreuses mais très vagues, insuffisantes pour fournir un cadre à la prise de décision en matière de politique extérieure et de sécurité (3). De même, s’agissant du rôle de l’instrument militaire, l’article 17 du Traité intégrait bien les missions de Petersberg précitées mais, tel qu’il est rédigé, il ne donnait pas plus que les autres articles du titre V des indications sur les circonstances dans lesquels cet instrument pouvait être utilisé. Pour autant, les premières missions ont été lancées avec succès en 2003, à la fois civiles – une mission de police en Bosnie-Herzégovine, et militaires. Ces dernières ont eu lieu à la fois dans le voisinage – en Macédoine où l’Union a assuré la relève d’une mission de l’OTAN dans le cadre de l’accord dit « Berlin plus » (4), et hors d’Europe – en République démocratique du Congo.
En effet, l’absence de véritables objectifs stratégiques n’est pas un problème tant que les opérations sont d’une portée très limitée et obéissent davantage à une logique humanitaire et de gestion de crise dont les conséquences n’impactent pas directement l’Europe. En revanche, dans le cas d’une crise de grande ampleur, avec de fortes implications politiques et militaires, cette absence peut avoir des effets bien plus importants en révélant les divisions stratégiques des États-membres, paralysant de fait l’action de l’Union européenne tout en soumettant la PESC à de très fortes tensions.
L’invasion de l’Irak par une coalition constituée et dirigée par les États-Unis en avril 2003 constitue un élément révélateur très marquant de la division stratégique européenne. Cette guerre a en effet causé une crise et une division profonde au sein de l’Union européenne, entre ce que le Secrétaire américain à la Défense de l’époque, M. Donald Rumsfeld, a appelé la « vieille Europe » et la « nouvelle Europe ». En effet, plusieurs États-membres, dont la France et l’Allemagne, se sont résolument opposés à toute intervention américaine en Irak en dehors d’un mandat de l’ONU, lequel mandat n’avait aucune chance d’être accordé. À l’inverse, d’autres États-membres, parmi lesquels le Royaume-Uni, l’Espagne et le Danemark mais également la quasi-totalité des pays d’Europe l’Est ont soutenu, voire participé militairement à l’opération américaine. Si le Conseil européen extraordinaire du 17 février 2003 a déclaré que « la force ne peut être utilisée qu’en dernier ressort » et souligna l’importance de relancer le processus de paix au Moyen-Orient, l’Union européenne n’en a pas moins montré une division radicale entre ses membres entraînant son absence totale d’initiatives dans cette crise, comme dans la gestion de ses suites.
Cette opposition découlait évidemment de l’absence préalable de réflexion et, par conséquent, de consensus sur ce que devaient être les objectifs de la PESC au-delà des principes énoncés dans le Traité. Les États-membres, qu’ils se soient prononcés pour ou contre la guerre en Irak, étaient tous convaincus d’agir dans l’intérêt non seulement de leur pays mais également de l’Union européenne. L’élaboration d’une stratégie européenne de sécurité est donc devenue une priorité qui, elle-même, poursuivait deux objectifs :
– fournir une analyse européenne des menaces et des enjeux en matière de sécurité et, ainsi, faire prendre conscience aux États-membres qu’ils ont, en tant qu’Européens, des intérêts communs à défendre ;
– renouer les liens et la confiance entre les États-membres, durement éprouvés par la guerre en Irak.
En définitive, au-delà du contexte de la guerre en Irak, la stratégie européenne de sécurité, en écho, dix ans, après au préambule du Traité de Maastricht, visait tout à la fois la mise en œuvre d’une politique étrangère et de sécurité commune, mais également, et même surtout, à renforcer l’identité de l’Europe par la révélation et la mise par écrit des intérêts communs de ses membres.
B. LA STRATÉGIE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ DE 2003 AVAIT L’AMBITION DE CONSTITUER LE CADRE DE L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’UNION
La stratégie européenne de sécurité, élaborée par M. Javier Solana, a été adoptée par le Conseil européen de 12 décembre 2003. Elle précise de manière concrète les objectifs assignés à la PESC. Il convient de souligner l’ambiguïté de l’exercice. En effet, certains États-membres ont vu dans cette stratégie l’occasion de définir une véritable vision stratégique européenne et, ainsi, de prendre leur distance avec une politique américaine qu’ils ne partageaient pas, alors que d’autres espéraient qu’elle permettrait d’aligner les intérêts stratégiques européens sur cette dernière et, ainsi, de renforcer l’alliance transatlantique. Cependant, de l’avis général, le plus important dans cette stratégie n’est pas tant son contenu que le fait que les Européens aient débattu de celle-ci.
En raison des ambiguïtés et des divergences stratégiques entre les États-membres, on pouvait craindre que la stratégie européenne de sécurité ne soit que le plus petit dénominateur commun. Pourtant, parce qu’elle a été rédigée par un petit groupe de hauts fonctionnaires, elle est parfaitement cohérente et la description de l’environnement de sécurité européen et des menaces qu’il comporte est tout à fait pertinente. Cinq menaces sont ainsi identifiées.
– les conflits régionaux « tels que ceux du Cachemire, de la région des Grands Lacs et de la péninsule coréenne. [Ils] ont un impact direct et indirect sur les intérêts européens, tout comme les conflits qui sévissent plus près […], surtout au Moyen-Orient. Les conflits violents ou ‘gelés’, qui persistent également [aux frontières de l’UE], menacent la stabilité régionale » ;
– la déliquescence des États, à travers la mauvaise gestion des affaires publiques, la corruption, la faiblesse des institutions et le non-respect de l’obligation de rendre des comptes. La stratégie associe cet effondrement de l’État « à des menaces évidentes, telles que la criminalité organisée ou le terrorisme. La déliquescence des États constitue un phénomène alarmant, qui sape la gouvernance mondiale et ajoute à l’instabilité régionale » ;
– de nouvelles menaces, « plus variées, moins visibles et moins prévisibles » comme le terrorisme qui « vise à porter atteinte à l’ouverture et la tolérance de nos sociétés et constitue une menace stratégique croissante pour l’ensemble de l’Europe. La vague terroriste la plus récente revêt un caractère mondial et elle est liée à un extrémisme religieux violent ».
– la criminalité organisée, dont l’Europe se considère comme une cible, avec une menace intérieure comportant une dimension extérieure importante : « le trafic de drogue, la traite des femmes, l’immigration clandestine et le trafic d’armes représentent une grande partie des activités des groupes criminels ».
– enfin, la prolifération des armes de destruction massive, qui « constitue potentiellement la menace la plus importante pour sa sécurité », d’autant plus si cette menace est associée au terrorisme.
Il apparaît clairement, à la lecture de la stratégie, que ces différentes menaces sont liées entre elles et se nourrissent les unes des autres.
À partir de ces constats, la stratégie entérine une série d’objectifs stratégiques : faire face aux menaces et construire la sécurité dans le voisinage de l’UE, tout en insistant sur le fait que l’ordre international doit être fondé sur un multilatéralisme efficace. Sont ainsi rappelées, à propos de la réponse aux menaces, les mesures pluridimensionnelles prises par l’Europe après les attentats du 11 septembre, sa politique de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, les interventions en vue de contribuer au règlement des conflits et au soutien à la bonne gouvernance. Et d’insister sur le fait qu’aujourd’hui, à la différence d’hier, « face aux nouvelles menaces, c’est à l’étranger que se situera souvent la première ligne de défense ».
La stratégie précise en outre l’Europe doit être prête à agir avant qu’une crise se produise, en opposant une combinaison de moyens d’action, qu’ils soient politiques, économiques, policiers, judiciaires, militaires. Ces interventions ciblées et plurisectorielles devront aller de pair avec une politique de bon voisinage et de stabilisation des États situés à ses frontières : « il est dans l’intérêt de l’Europe que les pays situés à ses frontières soient bien gouvernés », d’autant que, si l’élargissement accroît en principe la sécurité européenne, en stabilisant les pays concernés, « elle aura également pour effet de rapprocher l’UE des zones de troubles ». C’est pourquoi il convient de faire bénéficier ces voisins orientaux « des avantages de la coopération économique et politique tout en nous attaquant aux problèmes politiques que connaissent ces pays », en donnant pour illustration la politique européenne dans les Balkans.
Ce cadre interventionniste s’appuie sur un ordre international que l’Union veut faire reposer sur l’ONU, mais aussi sur l’OTAN, l’OSCE et toutes les organisations multilatérales et régionales pouvant apporter leur « contribution à un monde plus ordonné ». L’objectif est bien de propager la bonne gouvernance, soutenir les réformes sociales et politiques, protéger les droits de l’homme, soutenir l’aide au développement (qui est considérée, dans la stratégie, comme un levier conditionnant l’aide au respect nécessaire des normes internationales.)
Une fois ces objectifs stratégiques définis, la stratégie insiste, dans une dernière partie, sur la nécessité d’être plus actif dans leur poursuite, à savoir l’ensemble des instruments de gestion de crise et de prévention des conflits, y compris les « actions au plan politique, diplomatique, militaire et civil, commercial et dans le domaine du développement ». La stratégie estime que des politiques actives doivent être conduites pour faire face au dynamisme des menaces nouvelles, dynamisme qui implique une « culture stratégique propre à favoriser des interventions en amont, rapides et, si nécessaire, robustes ».
Dans cette perspective, la stratégie affirme la nécessité de soutenir l’action de l’ONU en réponse aux menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales, mais aussi de développer des capacités afin de « transformer les armées en forces plus flexibles et mobiles et […] leur permettre de faire face aux nouvelles menaces ». Pour l’Union européenne, « davantage de ressources pour la défense et une meilleure utilisation des moyens sont nécessaires », ainsi que le recours systématique à des moyens mis en commun, afin d’éviter les duplications et de réduire les coûts. Sont également valorisés les moyens de gestion civile des crises, l’Agence européenne de l’armement, le partage du renseignement, les capacités diplomatiques, le renforcement de la capacité opérationnelle de l’UE via le partenariat stratégique avec l’OTAN dans le domaine de la gestion des crises.
Enfin, la stratégie insiste sur la cohérence nécessaire de la PESC avec les instruments nationaux et les actions extérieures des différents États-membres, sur l’unité de commandement, mais aussi sur la nécessité de regrouper des instruments et moyens autour de la sécurité, condition première du développement. Cette cohérence implique donc de coopérer avec les partenaires de l’Union, à commencer par les États-Unis, dans le cadre d’un partenariat efficace et équilibré, et la Russie, élément majeur de la sécurité et de la prospérité de l’Union.
Dès son adoption, il était acquis que la stratégie européenne de sécurité devrait être actualisée pour tenir compte des changements qui interviendraient dans l’environnement de l’Union et dans le monde. Toutefois, le mandat confié à M. Javier Solana par le Conseil européen des 13-14 décembre 2007 était relativement modeste : faire le point sur la stratégie et « proposer des éléments visant à améliorer sa mise en œuvre et, selon les cas, les éléments qui devraient la compléter ». En effet, rouvrir les débats stratégiques alors que le Traité de Lisbonne était en voie de ratification et le nouveau concept stratégique de l’OTAN en cours de négociation, n’était pas opportun. Le rapport présenté au Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008, sous présidence française, est donc un simple addendum à la stratégie définie en 2003, dressant un inventaire des nouvelles menaces auxquelles est confrontée l’Union européenne.
Le contexte international a en effet profondément changé par rapport à 2003. Ce changement apparaît dans le rapport avec la notion de « monde en mutation » qui figure dans son titre même. En effet, le rapport note que « la mondialisation a renforcé la complexité et l’interconnexion des menaces », que « les canaux vitaux de notre société sont désormais plus vulnérables » et qu’elle « accélère la modification des rapports de force et met en évidence les différences de valeurs ». Par rapport à la stratégie de 2003, qui commençait par « l’Europe n’a jamais été aussi prospère, aussi sûre, ni aussi libre », incontestablement, l’environnement politique et sécuritaire international s’est considérablement dégradé.
L’évaluation des défis mondiaux et des principales menaces pour l’Europe soulignés dans le rapport 2008 témoigne en revanche de la continuité avec la stratégie de 2003. Cette dernière mentionnait cinq menaces principales : la prolifération des armes de destruction massive (ADM), les conflits régionaux, la déliquescence des États et le terrorisme et la criminalité organisée. Le rapport 2008 affirme que « cinq ans après l’adoption de la stratégie, ces menaces et défis n’ont pas disparu : certains ont pris de l’ampleur et tous sont devenus plus complexes ».
Outre ces trois menaces majeures, trois nouveaux défis sont mis en avant : la cybersécurité, la sécurité énergétique et le changement climatique. Concernant la cybersécurité, les attaques perpétrées à l’encontre de systèmes informatiques privés ou gouvernementaux dans des États membres de l’Union européenne ont donné une dimension nouvelle à la question de la protection des infrastructures stratégiques, y compris l’internet. La concurrence pour les ressources naturelles, aggravée par le changement climatique, et la dépendance énergétique de l’Union, déjà mentionnées en 2003, sont devenues des questions de plus en plus pressantes au cours des cinq dernières années et occupent une place centrale dans le rapport 2008.
Les menaces et les défis posés par les conflits régionaux et la déliquescence des États sont traités séparément, dans la partie du rapport consacrée à la stabilisation en Europe et au-delà. À cet égard, le rapport confirme qu’il est de l’intérêt de l’Union européenne que les pays situés à ses frontières soient bien gouvernés et il souligne que certaines questions sont sources d’inquiétudes croissantes. Les conflits « gelés » dans le voisinage oriental nécessitent une attention toute particulière, comme en témoigne l’escalade ayant conduit à des hostilités ouvertes entre la Russie et la Géorgie durant l’été 2008. La région méditerranéenne soulève un certain nombre de défis complexes, tels que l’insuffisance des réformes politiques, les conflits régionaux, l’augmentation du radicalisme et les migrations illégales. Le développement, par l’Iran, d’une capacité militaire nucléaire constituerait une menace inacceptable pour la sécurité européenne, tandis qu’il reste beaucoup à faire pour apporter une stabilité durable en Afghanistan. En outre, à la jonction des défis lancés par la criminalité organisée et par la déliquescence des États, la question de la piraterie est considérée comme de plus en plus pressante, compte tenu de la détérioration de la sécurité dans l’océan Indien et dans le golfe d’Aden.
La lecture combinée de la stratégie européenne de sécurité de 2003, du rapport 2008 et des documents l’accompagnant permet d’identifier cinq éléments qui caractérisent la culture de sécurité européenne et les perspectives stratégiques de l’Union.
– le soutien à un multilatéralisme efficace, considéré comme l’une des caractéristiques primordiales de son identité internationale. Les Nations Unies sont la clé de voûte du système international dont l’efficacité et la légitimité doivent cependant être renforcées ;
– la notion de souveraineté responsable. Non seulement un gouvernement doit assumer la responsabilité des conséquences de ses actions mais les gouvernements doivent assumer ensemble la responsabilité de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. En outre, l’Union européenne accorde une grande importante au respect « de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des États, ainsi [qu’au] règlement pacifique des différends » ;
– la forte attention portée au voisinage de l’Union européenne qui, dans un contexte tendant, apparaît comme un « pôle de sécurité » dont l’élargissement a un impact stabilisateur ;
– l’importance accordée à la prévention et aux causes profondes des menaces sécuritaires. L’Union a conscience du lien entre sécurité et développement ainsi qu’entre les conflits et la fragilité des États tout en soulignant l’importance des implications du changement climatique et de la question de l’exploitation des ressources comme sources de conflit ;
– l’amélioration de la cohérence des différents outils de l’Union dans une approche d’ensemble de la sécurité. La stratégie vise non seulement à combler le fossé entre sécurité intérieure et extérieure mais également, dans le cadre de la PSDC, à combiner les compétences civiles et militaires depuis la conception d’une mission jusqu’à sa mise en œuvre.
La stratégie européenne de sécurité de 2003 présente des avantages qu’il est utile de rappeler avant de présenter les critiques dont elle fait aujourd’hui l’objet. Élaborée par le Haut Représentant de l’époque, M. Javier Solana, assisté d’un petit groupe de hauts fonctionnaires, elle présente une grande cohérence et les menaces qu’elle identifiait ont conservé leur pertinence jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, cette cohérence a été mise à mal par la révision de 2008 qui, à l’inverse du processus d’élaboration de la stratégie elle-même, a largement impliqué les États-membres dont les préoccupations stratégiques sont divergentes. En outre, le contexte stratégique a considérablement évolué depuis 2008 et, a fortiori, depuis 2003. Largement datée, ne prenant pas en compte les nouvelles menaces et imprécises dans ses priorités, la Stratégie européenne de sécurité a été marginalisée dans la mise en œuvre de la PESC.
La stratégie de 2003 est un cadre normatif porteur de « principes directeurs », selon les termes de M. Javier Solana. Si elle présente une liste de défis et de menaces auxquels est et sera confrontée l’Union européenne, elle est fondamentalement dépourvue de toute portée opérationnelle.
– elle ne hiérarchise pas les intérêts européens entre eux, pas plus que ces derniers par rapport aux intérêts nationaux ;
– elle n’indique pas clairement si l’action extérieure de l’Union européenne doit découler nécessairement de la constatation d’une violation d’un ordre international basé sur le multilatéralisme, en quelque endroit qu’une telle violation se produise, ou si elle peut être régie par des intérêts européens spécifiques ;
– les développements relatifs aux capacités sont particulièrement vagues, laissant croire que l’Union a pris le parti de déléguer aux États membres et/ou à l’OTAN la responsabilité d’intervenir pour assurer sa sécurité, en particulier à l’intérieur de son territoire.
En outre, la stratégie européenne de sécurité apparaît singulièrement datée. La révision de 2008 n’en était pas réellement une, si bien que jusqu’en 2016, le seul document stratégique global dont disposait l’Union européenne datait de 2003. Il n’est guère étonnant que, dans le contexte de la guerre en Irak, elle considère que « la prolifération des armes de destruction massive constitue potentiellement la menace la plus importante pour sa sécurité ». De même, les défis tenant à la stabilité du système financier international ne sont pas évoqués et le rôle majeur de la Russie pour la stabilité et la sécurité de l’Union, tant à l’intérieur (énergie) que dans son voisinage, est à peine mentionné, comme les défis posés par la Chine. Le défi que posent aujourd’hui les migrations n’est pas évoqué. Enfin, s’agissant des moyens d’action, la stratégie ne tient pas compte des avancées intervenues avec le Traité de Lisbonne, pas plus que du nouveau concept stratégique de l’OTAN adopté en 2010.
Enfin, d’une manière générale, et c’est peut-être le plus grave défaut de la stratégie européenne de sécurité de 2003, le lien n’est pas réellement fait entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.
C’est un fait qu’à partir de 2003, l’Union européenne a été très active sur la scène internationale, lançant seule ou en partenariat de nombreuses missions civiles et militaires, aussi bien dans son voisinage proche que dans les pays lointains, en Afghanistan et en Afrique. Dix missions civiles et cinq missions militaires ont été achevées, généralement avec succès (5). En mai 2016, 17 missions sont en cours en Bosnie-Herzégovine, en Ukraine, au Kosovo, en Afghanistan, en Libye, en Méditerranée, en Géorgie, dans les Territoires Palestiniens, en République centrafricaine, au Mali, au Niger, en Somalie et en République démocratique du Congo.
Cependant, si vos rapporteurs saluent évidemment cet activisme de l’Union européenne sur la scène internationale et la contribution qu’elle apporte à la stabilisation des États concernés comme à la lutte contre le terrorisme qui, notamment en Afrique, fonde son intervention, ils s’interrogent sur l’influence de la stratégie de 2003 sur la définition et la mise en œuvre de la PESC. En d’autres termes, celle-ci a-t-elle donné une cohérence à la politique étrangère et de sécurité de l’Union ?
La réponse à cette question est malheureusement négative et il ne pouvait probablement pas en être autrement compte tenu des divergences considérables entre les différents acteurs chargés de la mise en œuvre de la PESC. En effet, les États-membres ont des intérêts nationaux forts en matière de sécurité, tant à l’intérieur de leur territoire qu’à l’extérieur, et poursuivent, sans se sentir tenus par la stratégie, leur propre politique dictée par leur histoire, leur taille, leurs ressources ou leur situation géographique. Certains États-membres sont neutres tandis que d’autres, comme la France et le Royaume-Uni notamment, sont des puissances nucléaires, possèdent un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et jouent un rôle politique mondial. Les perceptions des menaces, tout comme les attitudes sur le recours à la force et sur l’équilibre entre les moyens civils et militaires sont très variées. Les différences entre les « atlantistes » et les « européanistes » sont moins visibles qu’auparavant mais la question de l’autonomie de l’Union comme acteur de sécurité et de ce qu’elle implique, par exemple, en termes de capacité de planification et de conduite des opérations, reste sujette à débat. Enfin, les différents cadres juridiques, notamment ceux relatifs aux prérogatives des parlements en matière d’autorisation des déploiements militaires, influent sur la prise de décision au niveau national.
Quant aux institutions européennes, premières concernées par la stratégie, force est de constater qu’elles ne vont pas toutes dans le même sens en matière de PESC. Les études sont nombreuses qui montrent la lutte d’influence et le manque de coordination, voire la méfiance, entre la Commission, le Secrétariat du Conseil et le SEAE. Sans un leadership au niveau européen, la stratégie ne peut évidemment pas être mise en œuvre ; à l’inverse, certains auteurs soulignent que c’est le caractère très vague de la stratégie elle-même qui contribue à cette absence de cohérence au niveau de l’Union.
L’effet ces divergences est bien connu. Si l’Europe parvient à parler d’une seule voix sur les sujets les plus consensuels, notamment sur le commerce et le développement, si les mécanismes de la PESC et ses institutions (à commencer par le SEAE) ont fait prospérer une réelle socialisation diplomatique européenne et une habitude de se concerter, c’est un fait que les divisions ressurgissent dès que les enjeux touchent directement aux intérêts de certains États-membres. Après les divisions sur la guerre en Irak, les Européens se sont à nouveau divisés, notamment sur la Géorgie (2008), sur l’opportunité de recourir à la force en Libye (2011), au Mali (2013) et en Syrie (2013), sur le Kosovo (que tous ne reconnaissent toujours pas comme un État) ou sur l’admission de la Palestine à l’UNESCO (2011) puis comme État observateur à l’ONU (2012)…
Non-contraignante, la stratégie a donc largement échoué, dans sa mise en œuvre, à dépasser les divergences d’intérêts entre les États-membres ainsi qu’à donner une cohérence à une action extérieure de l’Union qui, pour une large part, repose sur ces mêmes États-membres. L’absence de réaction de l’Union, en particulier lors de graves crises internationales, a eu deux conséquences :
– certains États-membres, plus volontaires ou impliqués, ont fait le choix d’agir seuls, hors de tout cadre européen (au moins dans un premier temps) mais, le cas échéant, avec l’aide de l’OTAN (c’est-à-dire, en pratique, des États-Unis) : c’est le cas notamment de la France en Géorgie (2008) qui a élaboré avec la Russie un plan de paix, alors même que les présidents de cinq pays d’Europe de l’Est — la Pologne, l’Ukraine et les trois États baltes — se sont rendus à Tbilissi pour soutenir la Géorgie. De même notre pays est-il intervenu en Libye en 2011, avec le Royaume-Uni, puis au Mali en 2013 ;
– les institutions européennes ont, sans le dire, largement délaissé la stratégie à laquelle elles ne faisaient plus que de très rares allusions. Comme l’indique une étude récente du Parlement européen (6), la Haute Représentante Mme Catherine Ashton, nommée en 2009, « ne croyait pas que l’Union européenne avait besoin d’une nouvelle stratégie de sécurité. Elle privilégiait pour l’Europe une approche par stratégie thématique et géographique » qui s’est matérialisée, le temps de son mandat, par la multiplication des documents stratégiques spécifiques (7) qui, à une seule exception près, ne font pas référence à la stratégie européenne de sécurité, visiblement considérée comme inutile et dépassée. Quant au Conseil européen, il a tout simplement ignoré les questions de Défense jusqu’au sommet des 19 et 20 décembre 2013.
1. Le rapport Ashton (2013) et le lancement du processus de révision de la stratégie européenne de sécurité
Dix ans après son adoption, la stratégie européenne de sécurité apparaissait singulièrement datée ; sa modernisation, à la lumière des changements intervenus dans l’environnement de sécurité et de l’expérience de sa mise en œuvre, était unanimement considérée comme nécessaire et urgente. La crédibilité de l’Union sur la scène internationale comme vis-à-vis de ses citoyens, en attente forte de sécurité, impliquait ainsi une stratégie claire et ambitieuse qui ne pouvait plus être celle de 2003.
La réforme de la stratégie était en outre cohérente avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, lequel affichait de grandes ambitions en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense :
– initialement limitée aux missions humanitaires et d’évacuation, de maintien de la paix et de forces de combat pour la gestion de crise, le cadre d’action de la PSDC (« missions de Petersberg »), la PSDC permet désormais les actions conjointes en matière de désarmement, les missions de conseil et d’assistance en matière militaire, de prévention des conflits et de maintien de la paix et de stabilisation à la fin des conflits (article 43 du Traité sur l’Union européenne) ;
– l’Agence européenne de défense (AED), créée en 2004 pour développer les capacités de défense dans le domaine de la gestion des crises, promouvoir la coopération européenne en matière d’armement et renforcer la base industrielle et technologique européenne dans le domaine de la défense, est consacrée par le Traité ;
– le Traité permet aux États-membres dont l’effort de Défense est le plus important de mettre en œuvre une « coopération structurée permanente » afin d’augmenter ensemble leurs investissements, rapprocher leurs outils de Défense, renforcer l’interopérabilité des matériels et participer à des programmes d’équipement dans le cadre de l’Agence européenne de défense ;
– enfin, sur le plan institutionnel, le Haut Représentant pour la PESC n’est plus le Secrétaire général du Conseil mais un des vice-Présidents de la Commission bénéficiant d’un service dédié : le Service européen d’action extérieure (SEAE).
Il est intéressant de noter que ce sont les États-membres, plus que la Commission, qui ont fait pression pour qu’une nouvelle stratégie soit adoptée. S’appuyant sur l’expertise des think tanks, l’Italie, la Pologne, la Suède et l’Espagne ont ainsi lancé, à partir de 2012, une initiative, nommée European Global Strategy qui a abouti à la publication d’un rapport en mai 2013. Mais c’est seulement avec le Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013 que les enjeux de sécurité et de défense ont été mis au cœur de l’agenda politique européen. Ce Conseil a fait le constat qu’« il n’y a pas de vision commune de long terme sur le futur de la PSDC ». Or, aux termes de l’article 22 du Traité sur l’Union européenne, « le Conseil européen identifie les intérêts stratégiques et les objectifs de l’Union ». Il a donc invité la Haute Représentante, après la présentation de son rapport faisant une large part à la Défense, « à évaluer, en coopération étroite avec la Commission les conséquences des changements intervenus sur la scène internationale et à rendre compte au Conseil, dans le courant de 2015 et après consultation des États membres, des défis qui attendent l’Union et des possibilités qui s’offriront à elle ». Le processus de révision de la stratégie européenne de sécurité est alors officiellement lancé.
2. Après la publication d’une évaluation de l’environnement stratégique en juin 2015, le processus aboutira à la présentation d’une nouvelle stratégie au Conseil européen de juin 2016
Malgré l’arrivée d’une nouvelle Commission, l’agenda défini par le Conseil européen précité n’a pas été modifié. En effet, face à l’accumulation sans précédent de crises dans le voisinage de l’Union et au-delà, le Président de la Commission a fait d’une « Europe plus forte en matière de politique étrangère » l’une de ses priorités (8). Lors de son audience de confirmation devant le Parlement européen, la future Haute Représentante Federica Mogherini a quant à elle souligné la nécessité de « définir une véritable politique étrangère ».
Toutefois, le Conseil européen n’appelait pas à proprement parler à l’élaboration d’une nouvelle stratégie de sécurité mais, plus modestement, à une évaluation du nouvel environnement stratégique de l’Union, lequel a considérablement évolué depuis 2003. C’est ainsi que, lors du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, Mme Federica Mogherini a présenté un rapport sur les menaces et défis auxquels l’Union devra faire face. Ce rapport, généralement considéré comme une analyse fine et franche des évolutions du contexte régional et international, montre un changement radical par rapport à l’analyse faite en 2003. En effet, à la satisfaction du constat que « l’Europe n’a jamais été aussi prospère, aussi sûre ni aussi libre » s’est substitué celui d’une « Europe entourée par un arc d’instabilité » avec, à l’Est, la remise en cause des principes du droit international, à commencer par l’inviolabilité des frontières, au Proche-Orient, des rivalités de puissances, les guerres et les attentats terroristes, en Asie, les tensions régionales suscitées par la Chine, sans oublier les menaces globales comme le changement climatique et la rareté des ressources. D’une manière générale, cette évaluation prend acte du fait que le monde actuel est « plus connecté, plus contesté et plus complexe ».
Le monde dont l’Union européenne fait partie est en effet plus connecté. La mondialisation est à l’origine d’une « connectivité » inédite qui, conjuguée à une accélération de la mobilité humaine, oblige à repenser les migrations, la citoyenneté, le développement et la santé. En outre, la croissance exponentielle d’Internet n’offre pas seulement de nouvelles opportunités mais favorise également la criminalité économique et financière, le terrorisme et les divers trafics. Les marchés sont également de plus en plus connectés, comme le montrent notamment la multiplication des accords de libre-échange et l’accroissement phénoménal des flux financiers. Ce monde plus connecté est visible enfin en Europe : la crise de la zone Euro a montré à la fois l’importance de l’interdépendance au sein de l’Union européenne et la nécessité d’un approfondissement de l’intégration pour régler les différents problèmes économiques qu’elle affronte.
Le monde actuel est également plus contesté. Les États en faillite et les zones non-gouvernées sont de plus en plus nombreux. Dans le voisinage oriental, les pays souffrent de leur fragilité politique, économique et énergétique. Au-delà de la Méditerranée, l’absence de gouvernement a facilité l’installation d’organisations criminelles et terroristes. Au sud, l’instabilité et la violence sont la conséquence de la pauvreté, de l’absence de lois, des conflits politiques et de la corruption. Plus de 50 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées. L’idéologie et l’identité sont à l’origine de tensions sur tous les continents. En Europe et au-delà, le modèle d’une société ouverte est contesté. Au Moyen-Orient, des politiques identitaires nourrissent de nouveaux clivages et réactivent les anciens. La croissance démographique et l’accroissement des inégalités laissent présager de nouveaux conflits, comme le changement climatique et la rareté des ressources, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique et ce, malgré l’émergence d’une classe moyenne mondiale. Enfin, le progrès technologique est en train de changer la nature des conflits, révolutionnant l’industrie de Défense et générant, de ce fait, de nouvelles menaces. L’Union européenne est elle-même contestée, au sein de ses membres dont une partie de la population conteste le projet européen.
Le monde est enfin plus complexe. Au cours des prochaines années, les États-Unis devraient continuer d’être la principale puissance mondiale et l’Union européenne de profiter de l’un des revenus par habitant les plus importants au monde. Néanmoins, l’époque où un seul pays dominait les autres est terminée. Des nouvelles puissances mondiales sont apparues, sur l’ensemble des continents, à commencer par la Chine, mais la probabilité de les voir former un bloc unique et cohérent est faible. De plus, les différentes régions montrent différentes configurations de puissance tandis que le pouvoir global se diffuse au-delà de l’État-nation à travers un réseau d’acteurs étatiques, non-étatiques et transnationaux. Le multilatéralisme traditionnel est en perte de vitesse. Les puissances émergentes veulent réformer le système international hérité de la seconde guerre mondiale mais il leur est plus facile de s’accorder dans l’opposition à celui-ci que dans la création d’un nouveau.
b. L’élaboration de la nouvelle stratégie repose sur un processus à la fois participatif et exclusif
L’étape de l’évaluation de l’environnement stratégique franchie avec la présentation du rapport de la HP/VP, le Conseil européen a donné mandat à cette dernière de lancer un « processus de réflexion stratégique en vue d’élaborer, en étroite coopération avec les États membres, une stratégie globale de l’UE concernant les questions de politique étrangère et de sécurité, qui sera soumise au Conseil européen d’ici juin 2016 ». En pratique, le processus d’élaboration retenu écarte à la fois l’option retenue en 2003 d’une élaboration par le seul Haut représentant et l’option de 2008 d’une très grande implication des États-membres. Dans le premier cas, le risque – avéré, ainsi qu’il a été dit – est d’aboutir à un document, certes cohérent, mais que les États-membres n’endosseraient pas forcément et, dans le deuxième cas, d’aboutir à une stratégie incohérente, brouillonne et, de fait, inapplicable.
C’est ainsi que la stratégie est rédigée par Mme Nathalie Tocci, conseillère spéciale de la HP/VP et directrice de l’Institut italien des relations internationales, assistée du SEAE. Certes, les États-membres sont régulièrement consultés par Mme Tocci et des réunions mensuelles sont organisées entre elle et les « points de contact » nationaux qui, de fait, peuvent faire passer leurs idées et indiquer quelles sont leurs lignes rouges mais ils ne tiennent pas la plume. C’est donc une action d’influence qu’ils doivent mettre en œuvre afin de faire prévaloir leurs positions qui, une fois de plus, sont divergentes sur des points aussi importants que les relations avec la Russie ou la question des migrants. Pour notre pays, cette action est conduite par le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du Ministère des Affaires étrangères, qui centralise l’ensemble des contributions des différentes parties prenantes et porte les positions françaises.
Outre les États-membres, directement ou via des institutions européennes comme le COPS ou le Conseil « Affaires étrangères », le processus d’élaboration de la nouvelle stratégie présente l’originalité de donner lui, depuis près d’un an, à un vaste débat au niveau européen, rythmé par de nombreux événements, généralement en présence de la HP/VP ou de Mme Tocci, qui distillent ainsi leurs idées et alimentent la réflexion des très nombreux think tank mobilisés sur ce sujet. Un site internet dédié a par ailleurs été créé qui permet de consulter à la fois le calendrier des événements précités et de nombreuses contributions académiques.
En conclusion, ce processus d’élaboration, largement inclusif, présente l’avantage d’associer l’ensemble des parties prenantes et, en particulier, les États-membres, sans contraindre outre mesure la marge de la manœuvre de la HP/VP, assurant ainsi la cohérence de la future stratégie. Il s’achèvera avec le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains qui devrait prendre acte de la nouvelle stratégie, dans des modalités restant à définir, sous réserve bien sûr que son ordre du jour ne soit pas bouleversé par les résultats du référendum britannique sur le Brexit. Près de trois ans auront donc été nécessaires pour actualiser la stratégie européenne de sécurité.
B. UNE NOUVELLE STRATÉGIE QUI DOIT ÊTRE À LA HAUTEUR DES ENJEUX ET DES MENACES AUXQUELS EST CONFRONTÉE L’EUROPE
En se saisissant de la nouvelle stratégie, vos rapporteurs lui donnent l’importance qu’elle mérite ; en effet, ce document représente à la fois une nécessité pour la crédibilité de l’Union vis-à-vis de l’extérieur comme de l’intérieur, mais aussi un exercice que l’Europe fait sur elle-même. Par les développements à suivre et la proposition de résolution européenne qui accompagne le présent rapport, ils souhaitent ainsi montrer l’implication des Parlements nationaux en matière de PESC mais également contribuer, dans la perspective du futur Conseil européen des 28 et 29 juin prochains, au débat auquel la stratégie donne lieu depuis plusieurs mois autant qu’à la mise en œuvre future de celle-ci.
1. Une stratégie globale, axée sur la sécurité, qui doit définir les objectifs de l’Union européenne sur la base de ses valeurs
Contrairement à la stratégie de 2003, qui était une stratégie de sécurité, la stratégie actuellement en cours d’élaboration est globale, c’est-à-dire qu’elle a vocation à englober l’ensemble des politiques européennes afin de leur donner une cohérence dans la perspective de la politique étrangère et de sécurité commune. Par conséquent, elle devra faire le lien avec d’autres politiques comme la politique commerciale, la politique en faveur du développement et la politique de lutte contre le changement climatique, sans oublier les dimensions intérieures de la sécurité extérieure. En effet, face à des menaces qui sont elles-mêmes globales, l’Union ne peut se contenter des instruments classiques de la Défense, parmi lesquels, par exemple, le déploiement de troupes ou le renseignement.
Le risque, toutefois, était que la stratégie prenne la forme d’une énumération « à la Prévert » des différents enjeux en matière de politique étrangère, en perdant de vue l’objectif de sécurité qui doit la sous-tendre. Les événements tragiques intervenus depuis le Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, à commencer par les attentats de Paris et Bruxelles mais également l’aggravation de la crise des migrants, ont recentré l’élaboration de la stratégie sur les questions de sécurité, lui donnant une orientation réaliste conforme à la position française comme aux attentes des citoyens européens. L’un des concepts clés de la stratégie devrait ainsi être l’objectif de résilience de l’Union, c’est-à-dire sa capacité à résister aux crises en s’adaptant.
Globale, la nouvelle stratégie devra également être précise et définir de manière claire quels sont les intérêts de l’Union européenne. L’Europe est une communauté de droit mais également une communauté de valeurs. Dès lors, les conditions nécessaires pour préserver à l’intérieur les valeurs qui sont les siennes, rappelées dans l’article 3 du Traité sur l’Union européenne (9) et précisées dans son article 21 (10), devront être considérées comme les intérêts vitaux de l’Europe. La résilience, déjà évoquée, c’est aussi la capacité de l’Union à rester fidèle à ses valeurs, même en période de crise. La préservation des valeurs européennes est également un intérêt stratégique pour la PESC, car les droits de l’Homme, l’État de droit, la démocratie, la prospérité et le bien-être des peuples, sont la condition de la stabilité et de la sécurité de l’Europe. Il est donc dans l’intérêt de l’Union européenne qu’elles soient répandues dans le monde et vital qu’elles le soient dans son voisinage où certains pays font face à de nombreuses menaces susceptibles de les déstabiliser et, par conséquent, de déstabiliser l’Europe. Enfin, la stratégie devra aussi contenir des éléments précis fondant le recours légitime à la force. Définir les conditions de celui-ci, notamment le rapport au multilatéralisme, fait en effet également partie des valeurs européennes.
Ces éléments généraux, qui figurent pour partie dans la stratégie de 2003, sont les plus évidents ne devraient pas faire l’objet de difficultés. Toutefois, vos rapporteurs attirent l’attention sur la possible contradiction entre les valeurs de l’Europe et ses intérêts, visible notamment en Libye.
Il est clairement dans l’intérêt de l’Union européenne de stopper les bateaux de migrants partant des côtes libyennes avant qu’ils atteignent la haute mer. 500 000 à 1 million de migrants seraient en attente d’un passage vers l’Europe, lesquels représenteraient un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros pour les bénéficiaires du trafic. Or, les résultats de l’opération Sophia en Méditerranée, comme l’ont récemment constaté vos rapporteurs (11), sont pour le moins « mitigés », notamment parce qu’elle est limitée à la haute mer. Intervenir directement dans les eaux territoriales libyennes non seulement mettrait un terme à ce qui s’apparente à du trafic d’êtres humains par des organisations mafieuses, voire terroristes, mais permettrait également de sauver de nombreuses vies humaines car les naufrages sont malheureusement très fréquents. Or, une telle intervention exige soit une modification de la résolution 2240, qui n’est pas à l’ordre du jour et s’exposerait à un veto probable d’un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, soit la coopération du gouvernement libyen, qui se fait encore attendre.
Dans ces conditions, il est évident qu’en cantonnant son action aux eaux internationales, d’ailleurs pour respecter le droit international, l’Union européenne se prive de la capacité d’intervenir efficacement contre l’une des menaces majeures pour sa sécurité. Dans le cas libyen, les conséquences restent « gérables », du moins pour le moment, mais peut-être une autre crise exigera-t-elle que l’Union choisisse entre ses valeurs et sa sécurité.
Une fois les objectifs généraux stratégiques définis sur la base des valeurs européennes, encore faut-il les décliner en objectifs opérationnels et, surtout, les hiérarchiser entre eux. Ce double travail n’a pas été fait dans le cadre de la stratégie de 2003, contribuant pour une part à sa désuétude. Il va sans dire qu’il sera bien plus difficile à faire que le travail consistant à s’accorder sur des objectifs généraux. Le fait que, depuis 2003, l’Europe se soit élargie de 15 à 28 États-membres le complique plus encore, d’autant que les cultures stratégiques nationales diffèrent.
Ces priorités devront être clairement définies en un ensemble cohérent touchant à toutes les politiques de l’Union, y compris celles qui, a priori, ne relèvent pas de la sécurité stricto sensu, et mettre l’accent, bien plus que la stratégie de 2003, sur le lien inextricable qu’il y a entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Concrètement, les priorités pourraient s’organiser selon trois cercles concentriques : priorités intérieures de l’Union, priorités dans le voisinage et priorités globales.
C’est un fait désormais acquis que la politique étrangère et de sécurité européenne est inséparable des politiques intérieures. En effet, non seulement la sécurité intérieure et la sécurité extérieure sont indéfectiblement liées mais se renforcer à l’intérieur est la condition de la capacité d’agir à l’extérieur.
La première priorité de l’Union devrait donc être l’achèvement du marché intérieur. En effet, c’est en s’appuyant sur sa croissance, sa richesse et ses emplois que l’Europe pourra s’affirmer et agir sur la scène internationale tout en assurant le « bien-être de ses peuples » au sens économique du terme. Le fait que l’Europe reste le premier marché du monde et l’une des premières puissances commerciales renforce évidemment aussi la portée des sanctions économiques qu’elle pourrait être amenée à prendre contre tel ou tel État menaçant, de même que sa capacité à agir comme une puissance normative internationale.
La deuxième priorité, c’est évidemment le renforcement de la sécurité intérieure. Le « non-papier » de la France, de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Espagne le dit avec force : « la sécurité intérieure et la sécurité extérieure ne peuvent plus être séparées. Les risques les plus dangereux pour la stabilité émanent de l’interaction entre les menaces extérieures et les faiblesses intérieures. Nos adversaires sont capables d’exploiter les dysfonctionnements des mécanismes de coordination et le manque d’intégration en matière de sécurité pour élaborer des menaces complexes et hybrides. Pour certains, les progrès accomplis en termes d’intégration européenne ces dernières décennies sont perçues comme des faiblesses ». Outre l’amélioration des échanges en matière de renseignement intérieur, de coordination des polices et des autres services de sécurité, l’Europe a le devoir d’assurer la protection de ses frontières tout en accueillant dignement ceux dont la situation l’exige. La création en cours d’un corps de gardes-frontières européens va dans le bon sens, à condition qu’il soit doté des moyens matériels et juridiques nécessaires.
Enfin, réduire la dépendance énergétique doit être la troisième priorité de l’Union sur la scène intérieure car elle la rend vulnérable aux ruptures d’approvisionnement comme aux fluctuations de prix, lesquels mettent en danger à la fois l’autonomie de sa politique étrangère et sa compétitivité. L’enjeu que constituent les relations avec la Russie ne doit pas être éludé malgré les intérêts très divergents des États-membres entre ceux qui sont proches de la Russie, notamment l’Allemagne, et ceux qui voient en elle la principale menace pour leur sécurité, en particulier les pays de l’Est. Ce qui est en revanche certain et pourra faire consensus, c’est la réduction de la dépendance de l’Europe aux énergies fossiles grâce au développement des énergies renouvelables et à l’amélioration de l’efficacité énergétique. L’Union doit donc encourager celles-ci qui, par ailleurs, sont sources de croissance et d’emploi et, le plus rapidement possible, chercher à diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie fossile tout en augmentant le nombre de points d’entrée pour le gaz naturel liquéfié. Les réserves stratégiques devraient enfin être accrues.
L’ensemble de ces priorités relèvent des politiques intérieures de l’Union : marché intérieur, sécurité intérieure et politique de l’énergie. Toutes, cependant, contribuent à renforcer la sécurité et la résilience de l’Europe, tout autant que l’autonomie de sa politique étrangère.
La nouvelle stratégie pourrait être l’occasion d’une redéfinition du concept de voisinage. En effet, le voisinage ne peut plus aujourd’hui se limiter aux seuls pays frontaliers de l’Union européenne, mais doit inclure des pays qui sont fondamentalement liés aux intérêts vitaux de l’Union européenne. Une crise au Proche-Orient, par exemple, comme la guerre en Syrie, a autant, voire plus, de répercussions sur l’Union européenne qu’une crise affectant un pays du voisinage au sens traditionnel. Le voisinage devrait donc être défini du point de vue stratégique et non géographique et, par conséquent, inclure la Turquie et la Russie, mais également la Chine et les États-Unis.
Ces quatre pays exigent de la stratégie qu’elle adopte une position claire.
L’élargissement est un objectif stratégique parce qu’il accroît la taille du marché européen et augmente la profondeur stratégique de l’Union. Toutefois, la question se pose des limites de l’élargissement. Il ne peut se faire qu’avec des pays européens qui partagent les valeurs européennes et satisfont aux « critères de Copenhague ». La Turquie pose de ce point de vue un redoutable problème : certes, elle joue un rôle majeur au Proche-Orient et représente un marché considérable pour nos entreprises, mais les orientations politiques, sociales et culturelles qu’elle a adoptées depuis quelques années l’éloignent toujours plus des valeurs européennes. L’ambiguïté actuelle n’est pas satisfaisante et l’Union européenne devra bien un jour en sortir. La stratégie pourrait en être l’occasion.
Quelles que soient les difficultés actuelles que rencontre l’Union avec la Russie, dont la gouvernance est défaillante et la politique étrangère agressive, ce pays est un partenaire incontournable, principal fournisseur d’énergie et acteur majeur pour le règlement de la crise syrienne. Une Russie bien gouvernée, respectueuse de ses engagements et du droit international serait un partenaire de valeur pour l’Union. Il est donc dans l’intérêt de l’Union de rétablir une relation de confiance avec ce pays mais sans céder sur ses principes. Elle sera d’autant plus forte dans cette relation que sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie aura diminué et que son économie sera prospère, représentant des débouchés encore plus importants pour les entreprises russes.
Enfin, la Chine est au cœur des bouleversements stratégiques qui affectent de manière croissante l’influence globale mais aussi régionale de l’Europe. Le développement de relations avec ce pays doit être au cœur de la stratégie européenne qui pourrait reposer sur trois piliers : une coopération économique avec un focus particulier sur la protection des investissements et des droits de propriété intellectuelle, des échanges éducatifs et scientifiques et le renforcement de la coopération politique, avec un focus sur droits humains.
Les États-Unis font partie du voisinage stratégique de l’Union européenne. En termes politique, économique, culturelle et sécuritaire, la relation transatlantique est plus approfondie que bien des accords d’association signés par l’Union européenne avec des pays de son voisinage géographique. Le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), actuellement en cours de négociation, peut être l’occasion d’approfondir encore cette relation, à supposer que les États-Unis le veuillent et que l’Europe ne sacrifie pas à cet objectif ses préférences collectives. Quant à l’OTAN, elle reste une instance de dialogue incontournable autant qu’un partenaire fondamental dans la poursuite des objectifs de la PESC (voir infra).
Au-delà de ces quatre pays du voisinage stratégique, il est évident que c’est dans le voisinage de l’Union que sa politique étrangère et de sécurité commune peut s’exercer dans sa forme la plus complète, mêlant dialogue politique, échanges commerciaux et coopération multisectorielle. Toutefois, celle-ci ne saurait suffire. Compte tenu du retrait américain, elle doit se préparer à intervenir dans son voisinage stratégique en conformité avec le droit international lorsque ce sera nécessaire pour protéger ses intérêts vitaux, que ce soit par des opérations humanitaires, civiles mais aussi militaires.
L’Union européenne est, par ses valeurs, son histoire et sa puissance commerciale, un acteur global qui doit continuer à poursuivre des objectifs stratégiques globaux, lesquels sont d’ailleurs inséparables des autres objectifs intérieurs et de voisinage. L’action de l’Union doit viser prioritairement les objectifs suivants :
– la politique de sécurité a incontestablement une dimension économique. L’extrême pauvreté, les violations de l’État de droit et des droits humains et, d’une manière générale, le manque de perspective pour la jeunesse forment le terreau idéal pour les troubles civils, la déstabilisation des États et l’implantation de mouvements terroristes qui, à terme, frapperont l’Europe, peut-être avec des armes de destruction massive. L’Union est d’ores et déjà le premier contributeur à l’aide au développement avec plus de 58 milliards d’euros par an (en incluant l’aide des États-membres). Elle doit poursuivre dans cette voie en renforçant, par son aide, la résilience des pays les moins avancés les plus exposés aux risques susmentionnés, notamment en Afrique (voir infra) ;
– une autre priorité globale de l’Union doit être ce qui apparaît de plus en plus comme la principale menace pour notre planète et ceux qui l’habitent : la lutte contre changement climatique. L’Union doit donc prioritairement poursuivre l’application des Accords de Paris adoptés lors de la COP21 ;
– l’Union devra travailler à améliorer la gouvernance économique mondiale car les États peuvent être autant, voire plus déstabilisés par une crise économique majeure que par des mouvements terroristes. La lutte contre les paradis fiscaux, qui sapent les ressources budgétaires, doit être une priorité.
– enfin, le développement toujours plus rapide d’Internet, s’il est source d’opportunités majeures en termes de croissance économique mais aussi pour le progrès des droits humains, présente des enjeux fondamentaux en termes de cybersécurité. L’Union devra donner toute sa portée à la stratégie en matière de cybersécurité présentée en 2013.
L’ensemble de ces actions doivent s’inscrire dans un multilatéralisme qui, il faut le reconnaître, est en perte de vitesse. Pourtant, l’Europe est très bien représentée dans les institutions multilatérales. Il est donc dans son intérêt de renforcer l’influence de ces dernières et sa propre influence au sein de celles-ci.
3. Une stratégie qui doit pouvoir s’appuyer sur l’ensemble des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs
Selon les informations transmises à vos rapporteurs, la future stratégie européenne globale en matière de PESC comportera quatre parties :
– intérêts fondamentaux de l’Union : sécurité, démocratie, prospérité, ordre mondial fondé sur le droit ;
– principes de l’action de l’Union : engagement, responsabilité et travail en commun ;
– priorités : communauté de sécurité, résilience du voisinage, approche intégrée des crises, coopération régionale et gouvernance mondiale ;
– moyens de mise en œuvre.
Cette quatrième partie est, aux yeux de vos rapporteurs, essentielle et c’est avec satisfaction qu’ils ont constaté que le gouvernement, qui a transmis des propositions ambitieuses, partageait ce point de vue. En effet, sans des développements précis consacrés aux capacités civiles et militaires ainsi qu’aux autres moyens d’action de l’Union sur la scène internationale, incluant les relations avec l’OTAN, il est plus que probable que la stratégie resterait un intéressant mais vain exercice théorique, sans portée pratique. Deux points leur apparaissent fondamentaux qui devront figurer en tant que tels dans la stratégie.
La nouvelle stratégie européenne en matière de PESC doit être ambitieuse mais elle resterait vaine si elle n’ouvrait pas la voie au renforcement des moyens civils et militaires de l’Union.
Ce renforcement des capacités de l’Union repose avant tout sur les États-membres. C’est en effet dans le cadre national que s’effectue, aujourd’hui encore, l’effort de Défense. L’objectif doit être de porter ce dernier à 2 % du PIB, ce pourcentage étant le seuil minimal fixé par l’OTAN.
Or, les États-membres, à la seule exception du Royaume-Uni, sont aujourd’hui loin d’atteindre ce seuil, y compris pour les pays les plus impliqués en matière de Défense. C’est ainsi que, selon le ministère de la Défense, en 2014 (derniers chiffres disponibles) (12), si les États-Unis consacraient 3,4 % de leur PIB à la Défense (hors pensions), ce pourcentage n’atteint que 1,5 % en France et en Pologne et seulement 1,1 % en Allemagne. Au niveau de l’Union, les dépenses consacrées à la Défense ne représentent que 1,2 % du PIB. Il va sans dire que sans un effort supplémentaire, l’Union européenne ne pourra jouer un rôle majeur sur la scène internationale, ni atteindre les objectifs fixés par la nouvelle stratégie.
Vos rapporteurs sont évidemment conscients des difficultés budgétaires que traversent la plupart des États-membres et du fait que les dépenses relatives à la Défense ont souvent constitué la « variable d’ajustement » des budgets de rigueur adoptés ces dernières années. Même si l’année 2015, marquée par les attentats de Paris, la multiplication des crises et la montée générale de l’insécurité internationale, a vu les budgets consacrés à la Défense augmenter dans plusieurs États-membres, notamment en Allemagne, en Pologne et dans les Pays Baltes, il est évident que les États-membres ne pourront pas seuls, indépendamment les uns des autres, mobiliser les sommes considérables qu’exigent les programmes d’armement modernes. C’est pourquoi la Stratégie devra réaffirmer la nécessité d’une coopération entre les États-membres, à la fois pour identifier les lacunes capacitaires (parmi lesquelles le ravitaillement en vol, les transports intrathéâtre…) et développer leurs capacités respectives selon une programmation cohérente. L’Agence européenne de Défense (AED) aura un rôle majeur à jouer dans la mise en œuvre de cette politique de renforcement en commun des capacités de Défense de l’Union.
Le rôle de l’AED est également important en matière de recherche puisqu’elle est en charge de l’Action préparatoire du futur programme de recherche européen consacré à la Défense et à la sécurité à partir de 2021. D’une manière générale, 20 % des 2 % de PIB consacrés à la Défense devraient l’être à la recherche et au développement, à la fois pour améliorer l’efficacité des armements mais également pour soutenir l’industrie européenne de Défense. En effet, si le renforcement des capacités de Défense européenne a pour objectif l’autonomie stratégique de l’Union, cette dernière serait réduite à néant si les Européens devaient se fournir à l’étranger – notamment aux États-Unis, faute d’une industrie européenne performante. Préserver les capacités industrielles de l’Union en matière de Défense et de sécurité doit aussi être un objectif mentionné en tant que tel dans la stratégie.
Le renforcement des moyens doit également concerner le renseignement intérieur qui, malgré les attentats terroristes réguliers sur le territoire de l’Union depuis plus de dix ans, souffre encore d’un manque de coordination entre les services nationaux et de l’absence d’un service européen de renseignement, sur le modèle d’Europol.
Dotée de nouvelles capacités, en particulier militaires, l’Union doit être capable de les déployer sur le terrain, notamment en Afrique, en renforçant ses structures de planification et de conduite des opérations. Toutefois, un tel déploiement repose aujourd’hui sur les États-membres qui non seulement fournissent les troupes mais doivent en plus assumer l’essentiel du coût, même lorsqu’elles sont déployées pour défendre les intérêts de l’Union européenne. En effet, comme vos rapporteurs l’ont constaté dans un précédent rapport (13), « le mécanisme ATHÉNA ne permet de communautariser qu’une faible partie du budget de l’opération (le commandement et certaines tâches communes) ». Compte tenu des contraintes budgétaires des États, surtout s’ils doivent accroître leur effort de Défense, le renforcement de ce mécanisme apparaît nécessaire pour lever leurs réticences à déployer leurs troupes.
Ce renforcement des capacités des États-membres, la mutualisation de celles-ci et l’augmentation des financements européens sont la voie vers une Défense intégrée européenne que vos rapporteurs appellent de leurs vœux. En effet, l’étape suivante pourrait être la mutualisation permanente d’unités militaires sous commandement européen via un quartier général européen, dont la doctrine d’emploi serait fixée par l’équivalent européen des « Livres blancs » nationaux. Maintes fois annoncé et a priori prévu pour l’automne, ce « Livre blanc », bien qu’il ne fasse pas l’unanimité, apparaît comme le complément indispensable de la stratégie.
Enfin, la stratégie doit être l’occasion pour l’Union européenne de clarifier ses relations avec l’OTAN, à laquelle appartiennent 22 de ses membres. Lors de leurs auditions, vos rapporteurs se sont vus confirmés que les relations sont aujourd’hui apaisées et que l’appartenance à l’OTAN ne suscite plus – même dans notre pays – de controverses idéologiques. Cependant, la question reste ouverte des rapports entre les deux organisations. L’autonomie stratégique de l’Union, qui est l’objectif fondamental poursuivi par la stratégie, ne peut se satisfaire d’une dépendance totale, fut-elle consentie, à l’OTAN.
L’article 42 du Traité sur l’Union européenne s’est attaché à poser les bases d’un rapport dépourvu de caractère conflictuel entre la PSDC et l’OTAN : « la politique de l’Union au sens de la PSDC n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ».
Ces principes étant posés, il reste évident que l’on ne peut exiger des États de l’Union européenne membres de l’OTAN d’apporter une double contribution à l’OTAN et à la PSDC. C’est donc vers un mécanisme de « double appartenance » à l’une et l’autre organisation, pour les États-membres qui le souhaitent, qu’il faut aller, en préservant les impératifs d’efficacité, de souplesse, d’économie des moyens indispensables. Bien entendu, la « double appartenance » a des limites notamment dans le domaine des équipements hautement stratégiques tel que l’espace ou le numérique, mais dans de très nombreux domaines elle est possible et d’ailleurs, dans les faits, réalisée.
La question est souvent débattue, de savoir si les États de l’UE membres de l’OTAN auraient intérêt à se regrouper en une sorte d’Alliance dans l’Alliance, ou de pilier européen de l’OTAN, pour affirmer leur autonomie stratégique et celle de l’Union européenne. Cette réflexion est particulièrement intéressante et devrait impérativement trouver sa place dans la nouvelle stratégie européenne. Faute d’une clarification en la matière, l’UE ne pourra se poser en acteur souverain, réellement décisionnaire des choix se rapportant à l’organisation des moyens militaires à sa disposition, à leur équipement, à leur commandement et à leur emploi. Elle sera également contrainte au double plan de sa base industrielle et technologique de Défense et également de la recherche de Défense, dont l’importance n’est pas à démontrer.
La coopération OTAN-PSDC doit être un choix assumé et non une contrainte ou encore la conséquence d’un abandon de responsabilité par les Européens. L’Union sera d’ailleurs d’autant plus considérée par son partenaire américain comme par des puissances tierces, qu’elle aura su vivifier sa PSDC.
Parmi les menaces les plus grandes auxquelles est confrontée l’Europe figurent le terrorisme mais aussi les réseaux criminels qui, souvent d’ailleurs, leur sont liés. Or, terroristes et criminels ne prospèrent jamais tant que sur la faiblesse des États, les violations de l’État de droit, la pauvreté, l’ignorance, l’absence de perspective économique et le désespoir de la jeunesse qui en découle. Ce constat est partagé par tous et la stratégie devra en faire état.
C’est pourquoi, face à ces menaces, l’Union européenne ne peut se contenter de renforcer ses capacités militaires qui, le plus souvent, n’interviennent qu’une fois la menace – en l’occurrence l’installation de réseaux terroristes ou criminels profitant de la faillite d’un État – présente dans les pays concernés. Elle doit agir préventivement pour empêcher ces réseaux d’acquérir un territoire à partir duquel ils pourraient préparer des attaques vers l’Europe. Cette action ne repose pas sur les armes, mais sur une aide aux États menacés, afin de renforcer leur résilience, de favoriser leur développement économique et social et, ainsi, supprimer le terreau où prospèrent ses réseaux.
En pratique, cette aide peut prendre deux formes :
– la forme, classique, de l’aide au développement telle qu’elle existe aujourd’hui, évidemment conditionnée au respect de l’État de droit par les pays concernés. En effet, les violations des droits humains, au même titre que l’extrême pauvreté ou l’ignorance, sont susceptibles de nourrir la révolte de la jeunesse et de la pousser vers des activités terroristes ou criminelles ;
– une aide directement axée sur le renforcement de la résilience des États fragiles, via le « renforcement des capacités dans le domaine de la sécurité et du développement (en anglais : « capacity-building in support of security and development » – CBSD), mécanisme d’aide actuellement en cours d’élaboration par la Commission.
L’aide au développement doit être mobilisée, avec d’autres instruments conformément à l’approche globale de la stratégie, non seulement pour favoriser le développement économique et social des pays concernés, condition de la sécurité à long terme de l’Union européenne, mais également comme instrument de lutte contre les menaces globales, à commencer par le changement climatique dont les conséquences sur la sécurité de l’Union – via la faillite d’États et leurs corollaires : migrations incontrôlées, guerres et terrorisme – peuvent être considérables.
Le Royaume-Uni est, avec la France et, dans une moindre mesure, pour des raisons historiques bien connues, l’Allemagne, l’un des principaux acteurs de la Défense en Europe. Par ses capacités civiles, militaires et de renseignement, la possession de l’arme nucléaire et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ce pays a un rôle majeur à jouer dans la sécurité de l’Union européenne comme, à terme, dans la construction d’une véritable Europe de la Défense. Or, le peuple britannique doit se prononcer, le 23 juin prochain, sur le maintien ou non de son pays dans l’Union européenne et l’éventualité d’une réponse négative a d’ores et déjà des conséquences, notamment sur la stratégie.
En effet, selon les informations qui avaient été communiquées à vos rapporteurs, le Conseil « Affaires étrangères » du 23 mars aurait dû se voir présenter un résumé de la stratégie voire même l’adopter. Or, il n’en a rien été. Les ministres ont simplement évoqué le sujet lors de leur déjeuner sans disposer dudit résumé. La stratégie ne sera par ailleurs transmise que quelques jours avant le Conseil européen des 28 et 29 juin afin d’éviter qu’elle puisse être instrumentalisée dans le débat sur le « Brexit ». De même, la Haute représentante a, jusqu’ici, soigneusement évité le terme de « Livre blanc » de la Défense qui doit décliner la stratégie sur le plan plus opérationnel et si la fin de l’année a pu être évoquée comme calendrier, ce n’est pas officiellement. Une fois de plus, le référendum britannique oblige à la prudence sur une question – celle de la Défense et de sécurité – qui est très sensible dans le contexte actuel.
Si ces péripéties sont avant tout conjoncturelles et n’auront pas de suite en cas de « oui » au référendum, une réponse négative, entre autres conséquences bien plus importantes pour l’Union, impacterait évidemment considérablement le destin de la stratégie. Il est en effet probable qu’en cas de « non » le 23 juin, l’ordre du jour du Conseil européen soit complètement chamboulé, renvoyant la présentation de la stratégie à une date indéterminée. En outre, un éventuel départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, compte tenu de l’importance de ses capacités, remettrait largement, au moins à court terme, les avancées de l’Europe de la Défense comme la perspective d’un « Livre blanc » ambitieux.
L’une des principales incertitudes qui entourent la stratégie est celle de sa portée réelle, qu’il est difficile aujourd’hui d’estimer véritablement. En effet, élaborée par la Haute représentante via une plume assistée par le SEAE, la stratégie a vocation à guider son action – et celle du SEAE – pour les prochaines années. Il n’est pas certain, en revanche, qu’elle engage réellement la Commission tout entière.
Il convient de rappeler qu’une des initiatives majeures de M. Jean-Claude Juncker dans l’organisation du Collègue des Commissaires a été la création de sept postes de vice-Présidents chargés chacun de coordonner un groupe de commissaire. C’est ainsi qu’aux termes de sa lettre de mission, Mme Federica Mogherini est « responsable de diriger et de coordonner le travail de tous les Commissaires en charge des relations extérieures », c’est-à-dire les Commissaires en charge de la Politique de voisinage et des négociations d’élargissement, du Commerce, de la Coopération internationale et du développement et, enfin, de l’Aide humanitaire et de la gestion de crise. Cette évolution, qui présente des avantages en elle-même, est également favorable à la mise en œuvre de la stratégie et cohérente avec celle-ci. En effet, à des menaces globales, les réponses ne peuvent être qu’également globales, rendant nécessaire la coordination des différents Commissaires. La stratégie a donc vocation à être celle de la Commission européenne pour l’ensemble de son action extérieure.
Séduisant sur le papier, ce rôle de coordination donné à la HP/VP est néanmoins une gageure, comme le montre, par exemple, les difficultés rencontrées par Mme Catherine Ashton et son Commissaire à l’élargissement M. Stefan Füle, incapables de parler d’une seule voix sur la crise ukrainienne. Seule la pratique montrera si cette organisation est parvenue, comme le souhaite la lettre de mission précitée, « à montrer une unité d’objectifs et une unité d’action ».
Enfin, à supposer même qu’elle soit endossée par la Commission tout entière, la stratégie ne serait pas pour autant celle de l’Union européenne, à moins que les États-membres en décident autrement. D’où l’importance de la formulation qui sera retenue au Conseil européen des 28 et 29 juin prochain. Or, selon les informations communiquées à vos rapporteurs, il semblerait que le Conseil européen – sous réserve des résultats du référendum britannique (voir supra) – se contente de « prendre note » ou de « prendre acte » de la stratégie sans la reprendre à son compte. Une telle formulation aurait pour conséquence que les États-membres, en tant que Conseil européen, ne s’approprieraient pas la stratégie alors même qu’individuellement, ils garderaient toute latitude dans la définition de leur politique étrangère et de sécurité nationale.
Cependant, même si la stratégie n’est finalement que celle de la Commission, voire seulement de la HP/VP, elle peut néanmoins jouer un rôle important, à l’extérieur comme à l’intérieur, d’une part en affirmant publiquement les intérêts de l’Union européenne sur la scène internationale et, d’autre part, en tant que texte fondateur, en contribuant à faire émerger le SEAE comme corps diplomatique à part entière au service d’une politique cohérente. L’importance de la stratégie serait encore renforcée si sa durée de validité était calée sur celle du mandat de la Commission, permettant ainsi au Parlement européen comme aux Parlement nationaux de contrôler sa mise en œuvre par la Haute représentante/vice-Présidente.
La Commission s’est réunie le 8 juin 2016, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.
« M. Jacques Myard. Après avoir écouté attentivement les rapporteurs, le moins que l’on puisse dire, c’est que la Défense européenne n’est pas pour demain. Je voudrais rappeler ce qu’Elisabeth 1ère a dit à Sir Francis Blake : « salut aux chercheurs d’aventure ». Il faut rester réaliste, et malgré toute l’agitation autour de cette nouvelle stratégie, j’ai des doutes, des réserves, voire de l’hostilité sur cette démarche car, je le crois, nous perdons notre temps.
Les rapporteurs ont parlé du nécessaire renforcement du marché intérieur. Le problème, c’est que cette politique, mise en œuvre depuis des décennies, ne marche pas. On le voit tous les jours ; si on ne change pas de logiciel macro-économique en Europe, celle-ci ira dans le mur et nous avec.
En ce qui concerne l’industrie européenne de Défense, ne nous berçons pas d’illusions : à part la nôtre, il n’en reste rien. Les Américains se sont joués de nous dans l’aéronautique en promettant monts et merveilles mais ils ont gardé pour eux les brevets et sous-traité le reste. C’est ainsi qu’il n’y a plus d’industrie aéronautique de Défense aujourd’hui en Europe, mis à part Dassault. Quant à la recherche, Yves Fromion a raison ; sous prétexte qu’elle est financée par des crédits européens, ses résultats sont diffusés urbi et orbi, y compris aux Américains !
Enfin, je voudrais revenir sur l’hypocrisie qui, selon moi, caractérise tous ces discours en faveur de la Défense européenne. L’article 42 du Traité sur l’Union européenne stipule que « la politique de l’Union au sens de la présente section n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». En d’autres termes, qu’on ne raconte pas d’histoire : l’OTAN est le cadre de la Défense et de la sécurité de certains États-membres de l’Union qui sont par ailleurs membres de l’OTAN. La France en fait partie, et on sait pourquoi : elle voulait, par son ralliement, rallier les États-membres à la Défense européenne. Force est de constater que c’est un échec.
Votre rapport est intéressant mais il ne changera pas mes convictions sur la Défense européenne qui est une utopie. À 28 États-membres, rien n’est et ne sera possible en matière de Défense. Les quelques États-membres qui ont de réelles capacités de défense, à savoir la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, voire l’Italie et l’Espagne, doivent travailler ensemble, en tenant à l’écart le SEAE qui est une machine à anglicisation lorsqu’il n’est pas frappé de paralysie.
Philippe-Armand Martin. Je tiens à remercier les rapporteurs pour ce rapport qui, s’il est favorable à cette nouvelle stratégie européenne, ne cache rien de ses difficultés de mise en œuvre, parmi lesquelles les divergences d’intérêts entre les États-membres. Toutefois, j’aurais aimé qu’il insiste plus que la nécessité d’une coopération avec des États tiers ainsi qu’avec Interpol.
La Présidente Danielle Auroi. Ces questions soulevées aujourd’hui ont été évoquées hier pendant l’audition de Michel Barnier, Conseiller spécial du Président de la Commission européenne pour la Défense et la sécurité. Pour l’avoir récemment entendu à la fondation Schumann, ce dernier est d’ailleurs très conscient de la nécessité de progresser sur ces sujets dans le contexte actuel. Cependant, la question reste entière de la volonté des États-membres d’aller de l’avant. Certains le veulent, d’autres non. Peut-être un accroissement des budgets européens en matière de sécurité et de Défense pourrait convaincre les plus réticents.
Je voudrais également insister sur un point évoqué par les rapporteurs, à savoir que la sécurité ne peut être garantie, à long terme, sans agir contre la pauvreté, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union. C’est d’autant plus nécessaire qu’une nouvelle pauvreté va apparaître avec le changement climatique, qui risque de pousser vers nos frontières des millions de réfugiés qu’il faudra gérer. L’Europe ne peut être une forteresse assiégée et si la sécurité doit être un objectif de sa politique étrangère, celui-ci doit être concilié avec l’impératif de solidarité.
M. Joaquim Pueyo, rapporteur. Si on croit à la construction européenne, la stratégie européenne est indispensable ; si on n’y croit pas, comme Jacques Myard, alors effectivement, la coopération bilatérale entre États est suffisante. J’étais présent hier à l’audition de Michel Barnier et ses déclarations allaient dans le sens des constatations de notre rapport : dégradation de l’environnement de sécurité, attente de sécurité de la part des citoyens européen, prise de conscience des institutions européennes, retrait américain... Bien sûr, le chemin sera long et la stratégie n’est qu’un premier pas mais j’observe d’ores et déjà des progrès, comme la future création d’un corps de garde-frontières européens. Il faut être optimiste, je le suis, et ne jamais perdre de vue que, sans l’Europe, la situation serrait très probablement pire encore.
M. Yves Fromion, rapporteur. Je partage l’optimisme de Joaquim Pueyo. La démarche de la Haute représentante, Mme Federica Mogherini, est importante car plus que jamais, l’Union européenne a besoin d’une stratégie globale pour faire face à l’ensemble des menaces qui l’entourent. Celle-ci lui donnera un cap alors que, jusqu’à présent, c’était l’impression d’une navigation à vue qui dominait. Bien sûr, la mise en œuvre sera compliquée mais ce n’est pas une raison pour ne pas saluer cette avancée que constitue la stratégie.
La Défense européenne est un concept flou qui prête à confusion et permet toutes les exagérations. Personne ne peut raisonnablement soutenir qu’elle a pour objectif la fusion des forces armées des États-membres. Il s’agit simplement de faire coopérer et de coordonner celles-ci qui, par ailleurs, ont des doctrines et des armements proches. C’est d’ailleurs l’esprit de la coopération structurée permanente prévue par la Traité de Lisbonne et qui, malheureusement, n’est toujours pas mise en œuvre.
La Présidente Danielle Auroi. Nous allons passer à la discussion de l’amendement déposé par Yves Fromion sur la proposition de résolution européenne.
Yves Fromion, rapporteur. L’amendement porte sur le point 10 de la proposition de résolution. Il me semble en effet important de rappeler que le modèle d’organisation des capacités militaires de l’Union doit permettre de rationaliser les dépenses des États-membres en évitant les doublons et les gaspillages.
M. Joaquim Pueyo. Je suis favorable à cet amendement.
La Présidente Danielle Auroi. Comme l’a dit hier Michel Barnier, six programmes de construction de frégates ont été lancés par les États-membres. C’est un bel exemple du gaspillage évoqué par Yves Fromion.
L’amendement n° 1 de M. Yves Fromion est adopté.
Je mets aux voix la proposition de résolution européenne ainsi amendée.
La proposition de résolution ainsi amendée est adoptée, à l’unanimité moins un vote contre (M. Jacques Myard).
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu le Traité sur l’Union européenne et, en particulier, l’article 18,
Vu la Stratégie européenne de sécurité du 12 décembre 2003 et le rapport de mise en œuvre du 11 décembre 2008,
Vu les conclusions des Conseils européens des 19 et 20 décembre 2013 et des 25 et 26 juin 2015,
Vu le rapport de la Haute représentante intitulé « L’Union européenne dans un environnement mondial en mutation – Un monde plus connecté, plus contesté et plus complexe »,
Vu la résolution du Parlement européen du 13 avril 2016 sur « l’Union européenne dans un environnement mondial en mutation – un monde plus connecté, plus contesté et plus complexe »,
Vu l’avis du Comité économique et social européen du 28 avril 2016 sur la nouvelle Stratégie globale européenne en matière de politique étrangère et de sécurité commune,
Considérant que, par rapport à 2003, l’Union européenne fait aujourd’hui face à une dégradation considérable de son environnement de sécurité, l’exposant à des menaces hybrides d’acteurs étatiques et non étatiques cherchant à la déstabiliser, tant à l’intérieur de ses frontières que dans son voisinage ; que celui-ci, comme les pays plus lointains, est marqué par la multiplication des conflits et des zones de non-droit, aux mains de mouvements terroristes et/ou criminels ; que ces menaces s’ajoutent, en les aggravant, aux défis posés par les enjeux globaux que sont le changement climatique, la cybercriminalité, la lutte pour les ressources naturelles, l’accélération du progrès technologique, les migrations incontrôlées, l’extrême pauvreté, l’instabilité résultant de l’accroissement des flux financiers et la montée des tensions identitaires et religieuses ;
Considérant que l’ensemble de ces menaces, défis et, plus généralement, l’environnement de sécurité de l’Union européenne ont été analysés dans le rapport de la Haute Représentante intitulé « L’Union européenne dans
un environnement mondial en mutation – Un monde plus connecté, plus contesté et plus complexe », présenté au Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 ;
Considérant que cette dégradation de l’environnement de sécurité, à l’œuvre depuis plusieurs années, a d’ores et déjà des conséquences à l’intérieur des frontières européennes, comme le montrent les attentats de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016, ainsi que la crise des migrants, lesquels sont directement liés à la guerre en Syrie et, plus généralement, au développement du terrorisme islamiste ; que, sans réaction forte et rapide, tant des États-membres que des institutions européennes, ses conséquences iront en s’aggravant au point de remettre en cause les acquis, voire la pérennité de l’Union européenne elle-même ;
Considérant qu’une menace ou une crise affectant un État-membre les affectent tous, solidaires au sein de l’Union européenne, et que, vu l’ampleur qu’elles peuvent prendre, une action commune sera bien plus efficace pour les conjurer qu’une initiative individuelle ;
Considérant que la Stratégie européenne de sécurité adoptée le 12 décembre 2003 et complétée par le rapport de mise en œuvre du 11 décembre 2008, même si un certain nombre des menaces et des défis qu’elle avait identifiés restent d’actualité, n’est plus adaptée à l’environnement de sécurité actuel de l’Union, pas plus qu’au cadre institutionnel découlant du Traité de Lisbonne ;
Considérant que les multiples stratégies sectorielles adoptées par l’Union européenne depuis 2009, malgré leur pertinence, ne sauraient se substituer à une stratégie globale qui, impliquant l’ensemble des instruments à sa disposition, est la seule à même de permettre une réponse adaptée à des menaces qui sont elles-mêmes globales ;
Considérant qu’il est à l’avantage de l’Union européenne d’affirmer ses intérêts stratégiques dans un document rendu public ; qu’une telle affirmation, en tant que telle, renforce la crédibilité de son action sur la scène internationale en mettant en avant le consensus des États-membres en matière de politique étrangère et de sécurité ; qu’elle contribue également, de ce fait et au-delà des différences nationales, à forger l’identité européenne par la révélation et la mise par écrit des intérêts communs de ses membres ;
Considérant que le processus d’élaboration de la nouvelle Stratégie a su maintenir l’équilibre entre la cohérence de son contenu et la nécessaire prise en compte des intérêts des États-membres, en confiant son écriture à une plume unique, sous le contrôle de la Haute Représentante et avec l’aide du Service européen pour l’action extérieure tout en informant et en consultant régulièrement les États-membres ; que la société civile a également participé à ce processus d’élaboration jalonné de très nombreux évènements lui ayant permis de donner son point de vue ;
Considérant que sécurité intérieure et sécurité extérieure sont liées et qu’une Stratégie de sécurité doit avant tout contribuer à la résilience de l’Union européenne, en renforçant sa capacité à surmonter les crises qu’inévitablement, elle devra affronter ;
Considérant que la crédibilité de l’Union européenne sur la scène internationale exige non seulement une stratégie claire, identifiant les menaces et fixant les objectifs en les hiérarchisant, mais également la définition des moyens nécessaires à sa mise en œuvre, lesquels doivent être à la hauteur des ambitions affichées ;
Considérant que parmi les plus grandes menaces auxquelles est confrontée l’Europe figurent les réseaux terroristes et criminels qui ne prospèrent jamais tant que sur la faiblesse des États, la pauvreté, l’ignorance, l’absence de perspectives économiques et le désespoir de la jeunesse qui en découle ; que la sécurité de l’Union, à long terme, exige de renforcer la résilience des États dont le territoire est susceptible d’abriter de tels réseaux, d’aider à leur développement économique et social et de veiller à ce que l’État de droit y soit respecté ;
1. Attire l’attention sur la dégradation considérable de l’environnement de sécurité de l’Union européenne depuis 2003, désormais entourée par un arc d’instabilité constitué d’États en faillite, en guerre et/ou abritant des réseaux terroristes ou criminels, susceptibles d’aggraver les menaces globales auxquelles, comme l’ensemble des pays du monde, elle est et sera confrontée.
2. Se félicite que les institutions européennes comme les États-membres aient pris la mesure de cette dégradation en demandant à la Haute représentante Federica Mogherini, lors du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, d’établir une nouvelle Stratégie européenne en matière de politique étrangère et de sécurité, comme d’un processus d’élaboration de celle-ci qui permet d’en assurer la cohérence tout en impliquant les États-membres et la société civile.
3. Rappelle que les menaces auxquelles est et sera confrontée l’Europe ne peuvent être conjurées par un ou des États-membres individuellement mais par une action concertée au sein l’Union, dans le cadre d’une Stratégie commune et par la mise en commun de leurs moyens, sous l’égide d’un multilatéralisme fondé sur les règles de droit.
4. Souhaite que la Stratégie soit véritablement globale ; qu’à ce titre, elle englobe l’ensemble des politiques européennes afin de leur donner une cohérence dans la perspective de la politique étrangère et de sécurité commune ; que, par conséquent, elle fasse le lien avec d’autres politiques comme la politique commerciale, la politique en faveur du développement et la politique de lutte contre le changement climatique, sans oublier les dimensions intérieures de la sécurité extérieure.
5. Estime nécessaire que la Stratégie soit précise et définisse de manière claire quels sont les intérêts de l’Union européenne ; que l’Union étant une communauté de droit autant qu’une communauté de valeurs, les conditions nécessaires pour préserver à l’intérieur les valeurs qui sont les siennes devront être considérées comme les intérêts vitaux de l’Europe ; qu’il en va de même en matière de politique extérieure et de sécurité : le respect des droits humains et de l’État de droit, la démocratie et la bonne gouvernance, la prospérité, le développement durable et le bien-être des peuples dans les États tiers, en particulier ceux de son voisinage, sont la condition de la stabilité et de la sécurité de l’Europe.
6. Souligne l’importance d’aller au-delà de l’affirmation des intérêts de l’Union et de fixer des priorités stratégiques précises en matière de politique étrangère et de sécurité, y compris à l’intérieur, et de les hiérarchiser, tout en les subordonnant à l’objectif fondamental qu’est l’autonomie stratégique de l’Union.
7. Estime que cette autonomie stratégique ne pourra être atteinte sans un renforcement substantiel des capacités civiles et militaires de l’Union européenne ; que celui-ci repose avant tout sur les États-membres qui devront augmenter la part de leur budget consacré à la Défense à 2 % au moins de leur PIB, dont 20 % à la recherche ; que cet effort individuel sera d’autant plus efficace qu’il s’accompagnera d’une coopération étroite entre les États-membres pour identifier les lacunes capacitaires et développer leurs capacités respectives selon une programmation cohérente ; que ces dépenses sont également nécessaires pour soutenir l’industrie européenne de Défense, sans laquelle l’autonomie stratégique que poursuit l’Union avec la Stratégie serait réduite à néant.
8. Considère que ce renforcement des capacités doit s’intégrer dans un cadre européen de défense et de sécurité renouvelé, à la fois dans ses institutions avec la promotion du rôle de l’Agence européenne de défense dans la coopération entre les États-membres, voire la mise en œuvre de la coopération structurée permanente prévue par le Traité de Lisbonne, ses financements avec l’amélioration du mécanisme Athéna et la doctrine d’emploi avec l’établissement de l’équivalent européen des « livres blancs » nationaux.
9. Rappelle l’importance des relations transatlantiques et le fait que les États-Unis demeurent le principal partenaire stratégique de l’Union européenne ; que la Stratégie doit ainsi être l’occasion de clarifier les relations UE-OTAN sans perdre de vue l’objectif de l’autonomie stratégique de l’Union, laquelle ne doit cependant pas empêcher une coopération pleine et entière avec l’OTAN, notamment en matière de renseignement, d’interopérabilité des armements et de planification et de conduite des opérations.
10. Souligne qu’il est dans l’intérêt de l’Union de promouvoir un modèle d'organisation des capacités militaires de ses États-membres qui leur permettra, outre un usage à finalité nationale, d’être employées indifféremment dans le cadre de l' OTAN pour ceux qui en sont membres comme dans un cadre propre à l'Union européenne, au service de ses propres objectifs ; que ce modèle original d’organisation doit permettre d’éviter la mauvaise économie des moyens qui caractérise et pénalise les défenses européennes.
11. Estime que l’augmentation des capacités militaires de l’Union ne peut, à elle seule, garantir sa sécurité sur le long terme ; que des menaces comme le terrorisme ou les réseaux criminels exigent d’agir préventivement en s’attaquant à leurs causes que sont la faiblesse des États, l’extrême pauvreté, l’ignorance, l’absence de perspectives économiques et le désespoir de la jeunesse qui en découle ; que l’aide au développement, dont l’Union européenne est le premier bailleur mondial, est le meilleur moyen de prévenir ces menaces comme elle l’est également pour d’autres, notamment pour lutter contre le changement climatique.
12. Regrette qu’il ait fallu attendre 2016 pour adapter à un environnement se dégradant rapidement une Stratégie datant de 2003 ; que la future Stratégie européenne globale en matière de PESC est également susceptible d’être dépassée, si bien qu’il apparaît nécessaire de prévoir d’ores et déjà sa révision d’ici à cinq ans ; qu’un tel délai permettrait en outre au Parlement européen comme aux Parlement nationaux de contrôler sa mise en œuvre dans le cadre du mandat de la Haute représentante.
13. Souhaite qu’au-delà de cette Stratégie, les questions de défense et de sécurité, aujourd’hui au cœur des préoccupations des citoyens européens, le soient également de leurs dirigeants, notamment par des réunions régulières du Conseil européen et du Conseil des ministres qui leur seraient consacrés.
MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION
On the new European global strategy on the common foreign and security policy
Single article
The National Assembly,
In the light of Article 88-4 of the Constitution,
In the light of the Treaty on European Union and, in particular, Article 18,
In the light of the European Security Strategy of 12 December 2003 and the implementation report of 11 December 2008,
In the light of the conclusions of the European Council of 19 and 20 December 2013 and that of 25 and 26 June 2015,
In the light of the report from the High Representative on ‘The European Union in a changing global environment – a more connected, contested and complex world’.
In the light of the resolution of the European Parliament of 13 April 2016 on ‘The European Union in a changing global environment – a more connected, contested and complex world’.
In the light of the opinion of the European Economic and Social Committee of 28 April 2016 on the new European global strategy on the common foreign and security policy,
Considering that, with respect to 2003, the European Union is today facing a significant deterioration in its security environment, exposing it to hybrid threats from State and non-State players seeking to destabilise it both inside its borders and in its neighbourhood; that the neighbourhood, like more distant countries, is marked by the multiplication of conflicts and lawless zones in the hands of terrorist and/or criminal movements; that these threats compound the challenges posed by global issues such as climate change, cyber crime, conflict over natural resources, acceleration of technical progress, uncontrolled migration, extreme poverty, instability resulting from increased financial flows and the rise in identity-based and religious tensions,
Considering that all of these threats, challenges and, more generally the EU security environment, have been analysed in the Report from the High Representative on ‘The European Union in a changing global environment – a more connected, contested and complex world’, presented to the European Council of 25 and 26 June 2015,
Considering that this deterioration in the security environment, which has been occurring for several years, is already having consequences inside the European borders, as shown by the attacks in Paris in November 2015 and Brussels in March 2016 and by the migrant crisis, directly related to the war in Syria and, more generally, to the development of Islamist terrorism; that, without a strong and rapid reaction, both from the Member States and from the European institutions, its consequences will worsen to the extent of jeopardising the acquis or even the continuation of the European Union itself,
Considering that a threat or a crisis affecting a Member State affects them all as they show solidarity to each other in the European Union, and that, given the scale they can reach, joint action will be far more effective in averting them than an individual initiative,
Considering that, even if a certain number of the threats and challenges it had identified remain relevant, the European Security Strategy adopted on 12 December and completed by the implementation report of 11 December 2008 is no longer adapted to the EU’s present security environment or to the institutional framework under the Lisbon Treaty,
Considering that, despite their relevance, the many sectoral strategies adopted by the European Union since 2009 cannot replace a global strategy which, drawing on the whole range of instruments available to it, can alone provide an adapted response to threats which are themselves global,
Considering that it is in the best interest of the European Union to affirm its strategic interests in a publicly disclosed document; that such an affirmation strengthens per se the credibility of its action on the international scene by highlighting the Member States’ consensus on the foreign and security policy; that it also contributes, therefore and over and beyond national differences, to forging European identity by disclosing in writing the common interests of its members,
Considering that the formulating process of the new Strategy has managed to keep a balance between the coherence of its content and the necessary taking into account of the interests of the Member States, by being written by a single author, under the monitoring of the High Representative and with the help of the European External Action Service while informing and regularly consulting the Member States; that civil society has also participated in this formulating process punctuated with very many events that allowed it to express its point of view,
Considering that internal security and external security are related and that a security Strategy must above all contribute to the EU’s resilience by strengthening its capacity to overcome the crises that it will inevitably have to face,
Considering that the credibility of the European Union on the international scene requires not only a clear strategy, identifying threats and setting goals while prioritising them, but also the definition of the necessary means to implement it, these means having to be equal to the stated ambitions,
Considering that terrorist and criminal networks feature among the great threats Europe is facing and that they never prosper more than on the weakness of States, poverty, ignorance, a lack of economic prospects and the related young people’s despair; that the EU’s security in the long term requires strengthening the resilience of the States whose territory is likely to harbour such networks, helping in their economic and social development and ensuring that the rule of law is abided with there,
1. Draws attention to the significant deterioration in the European Union’s security environment since 2003. The EU is now surrounded by an arc of instability constituted by failed States, States at war and/or harbouring terrorist or criminal networks, likely to worsen the global threats which, like the countries of the world all together, it is facing and will face.
2. Welcomes the fact that the European institutions and the Member States have duly assessed this deterioration by asking the High Representative Federica Mogherini, at the European Council of 25 and 26 June 2015, to establish a new European strategy on foreign and security policy, and that they have taken stock of the formulating process of said policy which is ensuring its coherence while involving the Member States and civil society.
3. Recalls that the threats Europe is and will be facing cannot be averted by one or several
Member States individually but by concerted action within the EU as part of a joint Strategy and by pooling their resources under multilateralism based on the rules of law.
4. Desires that the Strategy be genuinely global; that in this respect it encompass all the European policies so as to give them coherence with a view to the common foreign and security policy; that, consequently, it should tie in with other policies like the trade policy, the development assistance policy and the climate change policy, without forgetting the internal dimensions of external security.
5. Considers it necessary that the Strategy be precise and clearly define the EU’s interests; that as the EU is a community of law as much as a community of values, the necessary conditions to preserve within it said values must be considered as Europe’s vital interests; that the same applies to foreign and security policy: respect for human rights and the rule of law, democracy and good governance, prosperity, sustainable development and the well-being of the peoples in third States, especially those of its neighbourhood, are a prerequisite for Europe’s stability and security.
6. Emphasises the importance of going beyond mere affirmation of the Union’s interests by setting precise strategic priorities in foreign and security policy, including inside the EU, and prioritising them while subjecting them to the fundamental goal of the EU’s strategic autonomy.
7. Deems that this strategic autonomy cannot be reached without a substantial strengthening of the European Union’s civil and military capabilities; that said strengthening lies above all with the Member States which must increase the share of their budget devoted to Defence to at least 2% of their GDP, of which 20% to research; that this individual effort will be all the more effective if combined with close cooperation between the Member States to identify capability shortfalls and develop their respective capabilities in accordance with coherent programming; that this expenditure is also necessary to support the European Defence industry, without which the strategic autonomy pursued by the EU would be destroyed.
8. Feels that this strengthening of capabilities must fit into a renewed European security and defence framework as regards: its institutions with the promotion of the role of the European Defence Agency in cooperation with the Member States, or even the implementation of permanent structured cooperation provided for in the Lisbon Treaty; and its funding with the improvement of the Athena mechanism and the doctrine governing employment with the establishment of the European equivalent of national ‘White Papers’.
9. Recalls the importance of transatlantic relations and the fact that the United States remains the EU’s main strategic partner; that the Strategy must therefore be an opportunity to clarify EU-NATO relations without losing sight of the EU’s strategic autonomy goal, which must not however prevent full and complete cooperation with NATO, especially in intelligence, interoperability of armaments and the planning and conduct of operations.
10. Emphasises that it is in the interest of the EU to promote an organisational model of the military capabilities of its Member States which will allow said capabilities, aside from use for a national purpose, to be used indifferently in the framework of NATO for those who are members of it or in a framework specific to the EU and serving its own goals; that this original organisational model should allow the avoidance of the poor economy of means which is characterising and penalising European defences.
11. Considers that the increase in the EU’s military capabilities cannot alone guarantee its long term security; that threats like terrorism or criminal networks require preventive action by tackling their causes, namely the weakness of States, extreme poverty, ignorance, a lack of economic prospects and the related young people’s despair; that development assistance, for which the EU is the world’s leading donor, is the best means to avert these threats and also others such as in combating climate change.
12. Regrets that we had to wait until 2016 to adapt to a rapidly deteriorating situation a Strategy dating back to 2003; that the future global European Strategy on CFSP may also become outdated, and it therefore appears necessary to already plan for its revision within five years; that such period would furthermore allow the European Parliament and the national Parliaments to monitor its implementation within the framework of the High Representative’s mandate.
13. Desires that, beyond this Strategy, the issues of defence and security, today at the heart of the concerns of European citizens, should also be so with their leaders, especially via regular meetings of the European Council and of the Council of Ministers that would be devoted to them.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Ø À Paris
– M. Justin Vaïsse, Directeur du Centre d’analyses, prospectives et stratégie (CAPS) du Ministère des Affaires étrangères ;
– Monsieur Jay Dharmadhikari, Conseiller pour les affaires européennes, cabinet du Ministre de la Défense.
Ø À Bruxelles (19 mai 2016)
– M. Alain Le Roy, Secrétaire général du Service européen d’action extérieure ;
– M. Alberto Conte, Chef de la division « Planification stratégique » du Service européen d’action extérieure ;
– M. Philippe Setton, Ambassadeur, Représentant de la France auprès du comité politique et de sécurité de l’Union européenne.
1 () Héritière du rapport Davignon, l’objectif de la CPE était de développer la coopération intergouvernementale dans le domaine de la politique internationale, en vue de parvenir à la définition puis l’adoption de positions communes. En pratique, elle se limitait à une politique déclaratoire et de rappel des grands principes qui, pour la CEE devait fonder l’ordre international.
2 () Ces missions ont été instituées par la déclaration de Petersberg, adoptée à l’issue du conseil ministériel de l’UEO de juin 1992. Les pays de l’UE avaient alors décidé de mettre à la disposition de l’UEO, mais également de l’OTAN et de l’Union européenne, des unités militaires provenant de tout l’éventail de leurs forces conventionnelles. Elles couvrent des missions humanitaires ou d’évacuation de ressortissants, des missions de prévention des conflits et de maintien de la paix, des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix, des actions conjointes en matière de désarmement, des missions de conseil et d’assistance militaires et des opérations de stabilisation après la fin des conflits.
3 () L’article 11 stipule que les objectifs de la PESC sont : « la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux, de l’indépendance et de l’intégrité de l’Union, conformément aux principes de la Charte des Nations-Unies, le renforcement de la sécurité de l’Union sous toutes ses formes, le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, conformément aux principes de la charte des Nations-Unies ainsi qu’aux principes de l’acte final d’Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures, la promotion de la coopération internationale [et] le développement et le renforcement de la démocratie, de l’État de droit ainsi que le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».
4 () Ensemble de dispositions permettant à l’Union européenne d’avoir recours aux capacités et moyens de l’OTAN dans le cadre d’opérations de gestion de crise dirigées par l’Union.
5 () EUPM BIH en Bosnie-Herzégovine, Concordia Fyrom, Eupol Proxima Fyrom et EUPAT Fyrom en République de Macédoine, Eujust Themis en Arménie, Eujust Lex en Irak, EU SSR en Guinée Bissau, EUFOR Tchad au Tchad, EUASVEC au Sud-Soudan, Artémis, EUPOL, EUPOL Kinshasa et EUFOR RDC en RDC, EUFOR RCA en République centrafricaine et AMM Monitoring Mission en Indonésie.
6 () A Global Strategy on foreign and security policy for the EU, avril 2016.
7 () Communication pour une approche européenne globale des conflits extérieurs et des crises (2013), communication pour une nouvelle réponse aux changements dans le voisinage de l’Europe (2011), Communication pour la sécurité et le développement du Sahel (2011), Communication pour une stratégie européenne de cybersécurité (2013).
8 () « Un nouvel élan pour l’Europe: mon programme pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement démocratique », 15 juillet 2014.
9 () « L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples ».
10 () « L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international ».
11 () Rapport d’information n° 3563 du 9 mars 2016 sur l’opération PSDC « Sophia » en Méditerranée centrale.
12 () Les chiffres-clés de la Défense, édition 2015.
13 () Rapport d’information sur la relance de l’Europe de la Défense, 9 avril 2013.