N° 4327 - Rapport d'information de MM. Christophe Caresche et Michel Herbillon déposé par la commission des affaires européennes sur le semestre européen 2017 : œuvrer à une reprise plus forte et plus intégratrice




N° 4327

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 décembre 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur le Semestre européen 2017 : œuvrer à une reprise plus forte
et plus intégratrice 

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Christophe CARESCHE et Michel HERBILLON

Députés

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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.

(La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Sandrine DOUCET, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Philippe BIES, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY)

SOMMAIRE

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Pages

I. LA COMMISSION EUROPÉENNE CONFIRME L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE ET PRÉCONISE UNE LÉGÈRE POLITIQUE DE RELANCE EN ZONE EURO 7

A. DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE PLUS SOLIDE QUOIQU’ENCORE INCERTAIN, LA COMMISSION EUROPÉENNE RÉAFFIRME L’ACTUALITÉ DE SON « TRIANGLE VERTUEUX »… 7

1. Une reprise avérée mais fragile dans un contexte économique global de plus en plus incertain 7

a. Une amélioration de la conjoncture réelle quoique fragile 7

b. Une incertitude croissante de l’environnement économique international 8

2. Priorités de politique économique pour 2017 : un triptyque inchangé 9

a. Stimuler l’investissement 9

b. Poursuivre les réformes structurelles 11

c. Mener des politiques budgétaires responsables 13

B. … ET PRÉCONISE UNE LÉGÈRE EXPANSION BUDGÉTAIRE EN ZONE EURO 14

1. Le rapport sur le mécanisme d’alerte : une analyse des déséquilibres macroéconomiques 14

2. La recommandation de politique économique pour la zone euro 17

II. L’AVIS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE SUR LES PROJETS DE BUDGET NATIONAUX REFLÈTE UNE ORIENTATION GLOBALEMENT NEUTRE DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE 23

A. LA NEUTRALITÉ RETROUVÉE DE L’ORIENTATION BUDGÉTAIRE EN ZONE EURO 23

B. L’AVIS SUR LE PROJET DE PLAN BUDGÉTAIRE DE LA FRANCE : UN DOCUMENT GLOBALEMENT CONFORME AUX RÈGLES DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE MAIS DES EFFORTS D’AJUSTEMENT À POURSUIVRE 25

III. LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LE CONSEIL CONFIRMENT L’AMÉLIORATION GLOBALE DE LA SITUATION DE L’EMPLOI MAIS INVITENT LES ÉTATS MEMBRES À POURSUIVRE LES EFFORTS ENGAGÉS 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

Mesdames, Messieurs,

Le 16 novembre dernier, la Commission européenne a lancé le septième exercice du Semestre européen, cycle de coordination des politiques économiques.

Confirmant, dans son examen annuel de croissance, la plus grande résilience de l’économie européenne dans un environnement global toutefois incertain, la Commission européenne promeut, dans sa recommandation de politique économique concernant la zone euro, une orientation légèrement positive de la politique budgétaire. Cette proposition fait actuellement l’objet de discussions et devra, en cas d’accord des États membres, être « endossée » par les ministres de l’Économie et des Finances au début de l’année 2017.

Vos rapporteurs saluent cette orientation légèrement positive proposée pour la politique budgétaire de la zone euro, qui témoigne d’un changement de cap bienvenu. Sa mise en œuvre dépendra toutefois de la détermination des États membres à en suivre les grandes orientations et devra, en tout état de cause, s’articuler avec les priorités de politique économique identifiées pour l’année à venir.

Ces dernières, inchangées par rapport au précédent exercice du Semestre européen, réaffirment la nécessité de stimuler l’investissement - en s’appuyant notamment sur les succès du Plan d’investissement pour l’Europe -, de poursuivre les réformes structurelles et de promouvoir des politiques budgétaires responsables.

Par ailleurs, conformément à la pratique instaurée lors de la mise en place du Semestre européen, la Commission européenne a également publié au mois de novembre son avis sur les projets de budgets nationaux. Si aucun des documents budgétaires qui lui ont été transmis ne comportent de manquement particulièrement grave aux dispositions du Pacte de stabilité et de croissance, certains présentent des risques de non-conformité et nécessitent une vigilance particulière.

Le projet transmis par le Gouvernement français est, pour sa part, jugé globalement conforme aux règles de la discipline budgétaire mais la Commission européenne indique, qu’à politique inchangée, la situation de la France pourrait devenir problématique en 2018. Vos rapporteurs insistent donc sur la nécessité de se montrer prudent et de poursuivre les efforts en matière d’assainissement budgétaire.

Comme chaque année au moment du lancement du Semestre européen, vos rapporteurs se concentrent sur l’examen annuel de croissance et l’analyse des projets de budgets nationaux, afin de permettre à la commission des Affaires européennes d’examiner les propositions de la Commission européenne avant que le Conseil européen se prononce lors des sommets de décembre et de mars.

Dans son examen annuel de croissance, la Commission européenne indique que toutes les économies européennes ont « retrouvé le chemin de la croissance » (2). En s’appuyant sur les évolutions de l’investissement, du taux d’emploi, de chômage et d’activité ainsi que sur les indicateurs relatifs à la situation des finances publiques, la Commission européenne dresse le constat d’une plus grande solidité de l’économie européenne.

Selon ses prévisions économiques publiées à l’automne 2016, la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel dans l’Union européenne devrait s’établir à 1,8 % en 2016 (1,7 % en zone euro) et à 1,6 % en 2017 (1,5 % en zone euro). Ce ralentissement est notamment imputable à la dynamique modérée de la demande intérieure (consommation privée et investissement). L’inflation devrait, quant à elle, se maintenir à des niveaux historiquement bas, en 2016 comme en 2017.

La Commission européenne relève une amélioration de la situation de l’emploi, qui devrait se poursuivre en 2017. Indiquant que huit millions de nouveaux emplois ont été créés depuis 2013, elle ajoute que si la tendance observée s’agissant de la hausse du taux d’emploi se poursuit, l’objectif fixé en la matière dans la Stratégie Europe 2020 (3) pourrait être atteint. La hausse du taux d’activité, en dépit de la crise, témoigne, pour sa part, d’une amélioration structurelle de la situation des marchés du travail. Le taux de chômage devrait diminuer en 2017, passant de 8,6 % en 2016 à 8,3 %.

Par ailleurs, l’évolution globale de l’endettement public est encourageante : le déficit public moyen de la zone euro, supérieur à 6 % en 2009-2010 (4), est désormais inférieur à 2 % (1,8 % en 2016) et devrait, selon la Commission européenne, continuer de diminuer pour atteindre 1,5 % du PIB en 2017.

Réelle, la reprise économique demeure toutefois fragile. Les effets de la crise sur l’emploi, la productivité et l’investissement ont contribué à affecter durablement les performances des économies européennes. Ainsi le potentiel de croissance européen demeure-t-il en deçà de son niveau d’avant-crise et le taux de chômage encore globalement élevé. Par ailleurs, les disparités sont grandes entre les États membres et les déséquilibres macroéconomiques fragilisent la solidité de la zone.

L’incertitude de l’environnement économique international, déjà soulignée par la Commission européenne dans son précédent examen annuel de croissance (5), risque de s’accroître. Le ralentissement économique observé dans les pays émergents, dont la contribution au commerce extérieur et à la croissance mondiale était, jusqu’à présent, substantielle, constitue un facteur de fragilisation de la dynamique économique au niveau mondial.

En outre, les tensions géopolitiques, les évolutions attendues du prix du pétrole et la « normalisation » de la politique monétaire, annoncée par la Banque centrale américaine (Fed) et attendue de la Banque centrale européenne, sont également des éléments de nature à entretenir un climat d’incertitude.

À la lumière de tous ces éléments, vos rapporteurs considèrent, à l’instar de la Commission européenne, que la reprise économique en Europe doit davantage s’appuyer sur les moteurs internes de la croissance (c'est-à-dire la consommation et l’investissement) que des politiques budgétaires et structurelles bien calibrées peuvent contribuer à stimuler.

En premier lieu, la Commission européenne rappelle que le bon fonctionnement du secteur financier est une condition indispensable de la vitalité de l’investissement.

Or, dans certains États membres, les difficultés d’accès au financement demeurent importantes, qu’il s’agisse des petites et moyennes entreprises (PME) (6), des microentreprises (7), des sociétés relativement jeunes (8) ou de start-ups (9). Par ailleurs, dans les systèmes économiques où le financement est encore fortement intermédié, les restructurations à l’œuvre dans le secteur bancaire rendent moins aisé l’accès aux financements « traditionnels ». La Commission européenne rappelle, par conséquent, le caractère stratégique du capital-risque ainsi que les modifications qu’elle a proposé d’apporter au cadre existant (10).

L’Union des marchés des capitaux (UMC), l’achèvement de l’Union bancaire européenne (UBE) et la poursuite de l’assainissement du secteur bancaire dans les pays dans lesquels les prêts improductifs demeurent élevés (11) constituent, dans le cadre de la stimulation de l’investissement, des chantiers stratégiques auxquels la Commission européenne réaffirme tout son soutien.

En second lieu, la Commission européenne invite les États membres comme les acteurs privés à mieux tirer profit des sources de financement aujourd’hui disponibles et à exploiter avec efficience le dispositif déployé dans le cadre du Plan d’investissement pour l’Europe (dit « Plan Juncker »). Rappelant les premiers succès du « Plan Juncker », la Commission européenne insiste, dans sa récente proposition visant à en prolonger la durée et les montants (12), sur la nécessité, pour l’Union européenne, de promouvoir des investissements « durables ». Ces derniers, qui reposent sur une utilisation plus rationnelle des ressources, doivent permettre une meilleure efficacité énergétique et avoir, sur l’ensemble de l’économie, des effets bénéfiques non négligeables (transition énergétique, création de nouveaux emplois dans des secteurs innovants…).

La Commission européenne préconise également de mettre l’accent sur les investissements ciblés sur le capital humain et les infrastructures sociales (13) afin d’améliorer la situation globale de l’emploi.

En troisième lieu, la Commission européenne confirme la nécessité de poursuivre les efforts pour améliorer le climat d’affaires et réduire les obstacles, notamment réglementaires, à l’investissement (14). Cette volonté, régulièrement affirmée par la Commission européenne depuis 2014, constitue le troisième pilier du « Plan Juncker » et présente, à l’heure actuelle, des résultats encore en retrait par rapport aux objectifs affichés (15).

Les trois volets du Plan d’investissement pour l’Europe (16)

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Seconde branche du « triangle vertueux », les réformes structurelles font l’objet de développements réguliers et adaptés à la situation de chaque État membre dans les recommandations spécifiques pays par pays publiées par la Commission européenne au printemps de chaque année.

Dans son examen annuel de croissance pour 2017, la Commission européenne met notamment l’accent sur le capital humain et sur la nécessité de moderniser l’État-providence.

Le capital humain est appréhendé dans une dimension quantitative (créer de nouveaux emplois) et qualitative (accroître les compétences). Les États membres sont ainsi invités à mettre en place des réformes du marché du travail facilitant l’accès à l’emploi (pour les jeunes, notamment) comme le retour à l’emploi (en particulier pour les chômeurs de longue durée). L’éducation et la formation constituent par conséquent deux politiques publiques stratégiques qui doivent avoir pour objet de faciliter les transitions sur le marché du travail, éviter sa dualisation et assurer la concordance entre l’offre et la demande de travail.

Par ailleurs, en dépit des améliorations constatées, notamment grâce à la garantie pour la jeunesse (17) et au programme Erasmus (18), les États membres doivent intensifier leurs efforts pour lutter contre le chômage des jeunes qui demeure encore très élevé en moyenne. Dans cette perspective, les systèmes de formation professionnelle et d’apprentissage constituent des domaines de réforme prioritaires pour la plupart des pays.

Les évolutions démographiques à l’œuvre dans la plupart des États membres et, en particulier, la baisse de la natalité, le vieillissement de la population et la dégradation de son état de santé général, qui conduit, dans les cas les plus extrêmes, à la sortie du marché du travail, réduisent la population active, la productivité et, in fine, la croissance. Considérant que l’ensemble des éléments ci-après favorise, en particulier, l’accès au travail des femmes ainsi que l’inclusion sociale, la Commission européenne invite les autorités publiques à redoubler d’efforts pour garantir un large accès à des services de qualité, notamment s’agissant de l’aide à l’enfance, du logement, des soins de santé et de longue durée ainsi que de l’éducation et de la formation.

Les États membres devront également faire face à de nouveaux défis. Lors du lancement de l’exercice précédent du Semestre européen, la Commission européenne indiquait que « l’afflux sans précédent de réfugiés et de demandeurs d’asile » pourrait avoir, à long terme, « des effets positifs sur l’offre de main-d’œuvre ainsi que sur la croissance de l’Union européenne, pour autant que des politiques adéquates soient mises en place pour garantir l’accès au marché du travail et au processus d’intégration » (19). Cette année, elle souligne la nécessité, pour les États membres concernés, de poursuivre les démarches entreprises pour faciliter l’intégration rapide, par le travail, des migrants ayant une expérience antérieure et des capacités entrepreneuriales.

Rappelant la nécessité d’un dialogue social efficace au sein des États membres, la Commission européenne considère que ceux-ci devraient, en concertation avec les partenaires sociaux nationaux, veiller à ce que l’évolution des salaires soit compatible avec la création d’emplois, la hausse du revenu réel des salariés et qu’elle reflète l’évolution de la productivité.

La Commission européenne estime, s’agissant du modèle de l’État-providence, que les États membres doivent repenser « leurs régimes de protection sociale afin de mieux promouvoir la participation au marché du travail et d’offrir une sécurité d’emploi et un revenu de remplacement appropriés » (20). Elle préconise un ciblage plus fin des dépenses publiques relatives à la protection sociale afin de réduire la part des personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne, laquelle demeure, en dépit de la baisse enregistrée en 2015, encore élevée (21) et invite, de manière générale, les États membres à veiller à ce que :

- les systèmes d’imposition et de prestations combinent soutien financier et incitation au travail ;

- les régimes nationaux de retraite prennent davantage en compte l’augmentation de l’espérance de vie ;

- les politiques de santé participent de manière active aux politiques d’inclusion sociale en mettant notamment l’accent sur la prévention, la guérison et la réadaptation.

Enfin, la modernisation des systèmes fiscaux nationaux constitue un axe privilégié par la Commission européenne pour assurer une croissance efficace et équitable.

Constatant une amélioration de la situation des finances publiques européennes, résultant notamment des efforts entrepris par les États membres pour réduire le niveau élevé comme l’évolution du déficit public, la Commission européenne insiste sur l’importance des disparités qui persistent à l’heure actuelle.

Dans certains États membres, la viabilité des finances publiques ne semble pas assurée et représente un facteur de vulnérabilité préoccupant. Dans cette perspective, la Commission européenne suggère aux États membres de compléter les réformes des systèmes de retraite par des mesures visant une meilleure adéquation avec les évolutions démographiques (en liant notamment l’âge de départ à la retraite à l’espérance de vie, cf. supra) et un complément de revenus pour les personnes retraitées.

À l’inverse, la Commission européenne invite les États membres qui disposent de marges de manœuvre budgétaires à mettre en œuvre des politiques de soutien de la demande.

Enfin, elle rappelle que le contexte économique actuel, notamment caractérisé par la faiblesse du coût de financement, constitue une opportunité, pour effectuer certains investissements publics, que les États membres devraient exploiter.

Identifier les déséquilibres macroéconomiques

« Le rapport sur le mécanisme d’alerte (RMA) est le point de départ du cycle annuel de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), qui vise à identifier et à traiter les déséquilibres qui entravent le bon fonctionnement des économies des États membres et l'économie de l'UE et peuvent mettre en péril le fonctionnement de l’Union économique et monétaire.

Le RMA s’appuie sur un tableau de bord d'indicateurs sélectionnés, assortis d’un ensemble plus large d’indicateurs auxiliaires, pour détecter dans les États membres les déséquilibres économiques potentiels qui nécessitent l'adoption de mesures. Les États membres désignés par le rapport font ensuite l'objet d'un bilan approfondi réalisé par la Commission afin d’évaluer dans quelle mesure les risques macroéconomiques s'accroissent ou se résorbent dans ces pays, et de déterminer si des déséquilibres, voire des déséquilibres excessifs, existent. Conformément à la pratique établie, dans le cas des États membres pour lesquels des déséquilibres avaient été constatés lors du cycle précédent, un nouveau bilan approfondi sera en tout état de cause préparé.

À la lumière de ces discussions avec le Parlement européen et des débats au sein du Conseil et de l’Eurogroupe, la Commission réalisera des bilans approfondis pour les États membres concernés. Les conclusions seront prises en compte dans les recommandations par pays émises dans le cadre du semestre européen de coordination des politiques économiques. Les bilans devraient être publiés en février 2017 dans les rapports par pays, en prélude à l'ensemble de recommandations par pays du semestre européen. » (22)

Marquant le sixième exercice du cycle annuel de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), le rapport sur le mécanisme d’alerte présente les résultats du screening réalisé par la Commission européenne, à partir de son tableau de bord, sur la situation économique des États membres. Le rapport désigne ainsi les pays susceptibles de présenter des déséquilibres macroéconomiques, pour lesquels la Commission européenne considère qu’un examen approfondi est nécessaire.

Vos rapporteurs rappellent que le rapport sur le mécanisme d’alerte prend désormais davantage en considération les considérations relatives à la zone euro et les incidences qu’ont sur elle les déséquilibres macroéconomiques nationaux (23).

Les pays pour lesquels des déséquilibres ou des déséquilibres excessifs ont été constatés lors du précédent exercice de la PDM font l’objet d’un suivi spécifique. Ainsi, les bilans approfondis à réaliser pour l’Allemagne, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Suède visent-ils à apprécier l’évolution de leur situation par rapport aux déséquilibres identifiés en 2016.

Si certains des pays qui n’avaient pas fait l’objet d’un bilan approfondi lors du précédent exercice de la PDM (Danemark, Luxembourg, Estonie, Lettonie, Lituanie) présentent des évolutions particulièrement dynamiques des prix du logement (pour les deux premiers) ou des coûts de la main-d’œuvre (pour les trois suivants), la Commission européenne considère qu’elles ne nécessitent pas, à ce stade, de bilan approfondi.

Vos rapporteurs rappellent que l’évaluation de la situation économique de la Grèce continue de s’effectuer dans le cadre du programme d’assistance financière dont bénéficie le pays et n’est donc pas abordée dans le rapport sur le mécanisme d’alerte.

Au total, alors que des bilans approfondis avaient été réalisés pour dix-neuf États membres l’année dernière, la Commission européenne considère qu’un nouvel examen approfondi se justifie, cette année, pour treize États membres. Cette évolution illustre notamment les progrès accomplis par les pays dans la réduction des déséquilibres macroéconomiques.

De manière générale, le rapport sur le mécanisme d’alerte fait apparaître les constats suivants (24) :

- l’ajustement macroéconomique opéré demeure asymétrique : il s’est poursuivi dans les pays présentant un déficit extérieur ou endettés vis-à-vis de l’extérieur alors que les excédents courants demeurent importants et continuent même de croître dans certains pays ;

Le rapport note un assainissement global de la situation économique : la plupart des déficits courants observés après la crise se sont résorbés (situation d’équilibre) voire, dans certains cas, transformés en excédents. À ce jour, seuls Chypre et le Royaume-Uni présentent des déficits supérieurs au seuil. À l’inverse, les excédents en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas demeurent supérieurs au seuil et la progression des excédents allemands se poursuit (ceux-ci représentent 8,5 % du PIB en 2015).

De manière générale, les ajustements opérés se sont traduits par une légère hausse (0,8 pp) de l’excédent courant de la zone euro, qui atteint 3,3 % du PIB en 2015.

- le désendettement du secteur privé se poursuit à un rythme lent et fortement inégal : dans certains pays, le niveau encore élevé de la dette privée et publique limite les possibilités d’investissement et fragilise l’économie ; en outre, le désendettement le plus rapide n’intervient pas toujours dans les pays où il est le plus nécessaire ;

Le rapport souligne un désendettement encore lent et inégal. L’endettement privé des ménages et/ou des sociétés non financières demeure particulièrement important à Chypre, en Irlande et au Luxembourg et une part importante des écarts entre les pays s’explique par des différences de développement financier.

Le désendettement privé se poursuit dans la plupart des États membres, de manière active (à l’instar de la Croatie, de la Grèce, de la Lettonie ou du Portugal, par exemple) ou passive (Danemark et Pays-Bas notamment) mais continue de progresser en Suède et au Royaume-Uni.

- le secteur bancaire rencontre des difficultés, notamment liées à sa moindre rentabilité financière et à la présence de prêts improductifs dans certains bilans d’établissements bancaires et financiers ;

- la hausse des prix du logement s’accélère de manière préoccupante dans certains pays ;

- l’amélioration observée sur les marchés du travail ne suffit pas à éradiquer la « détresse sociale », en particulier dans les pays les plus durement touchés par la crise financière et des dettes souveraines.

Déséquilibres, risques et ajustement : commentaires pour la France (25)

Dans un contexte de croissance économique « résiliente mais modeste », la Commission européenne insiste sur la nécessité d’une orientation budgétaire positive pour la zone euro. Rappelant que le cadre budgétaire et institutionnel actuel de l’Union européenne ne contient, pour l’heure, aucune règle ou instrument permettant de gérer l’orientation budgétaire de la zone euro, la Commission européenne souligne que la recommandation concernant la politique économique de la zone euro constitue un document de référence de nature à orienter les efforts entrepris au niveau national par les États membres. Outil de « soft law », cette recommandation – qui est une avancée du point de vue de la coordination des politiques économiques – voit son efficacité conditionnée à la bonne volonté des États membres d’en suivre les préconisations.

Vos rapporteurs indiquent, à cet égard, qu’il serait sans doute opportun de réfléchir, notamment dans la perspective des réformes institutionnelles à entreprendre pour approfondir l’Union économique et monétaire (26), aux modalités susceptibles de conférer à la recommandation concernant la politique économique de la zone euro une dimension plus contraignante.

La situation actuelle de l’Union économique et monétaire est, en effet, sous-optimale. Caractérisée, d’une part, par une politique monétaire intégralement unifiée et mise en œuvre par un organe unique, la Banque centrale européenne, et, d’autre part, par une coordination - perfectible - des politiques budgétaires nationales, le cadre économique et institutionnel actuel de la zone euro ne permet pas d’empêcher l’apparition de déséquilibres en son sein ni de les faire disparaître.

Ainsi, observe-t-on aujourd’hui d’importants déséquilibres macroéconomiques : d’un côté, la grande majorité des États membres de l’Union économique et monétaire présentent une situation dégradée de leurs finances publiques et certains d’entre eux peinent à respecter les règles de la discipline budgétaire ; de l’autre, quelques États enregistrent, a contrario, des excédents budgétaires et/ou commerciaux importants voire croissants. Or, en l’état, les outils du Semestre européen ne peuvent que « recommander » des ajustements macroéconomiques et non les imposer, y compris quand leur réalisation serait bénéfique pour l’ensemble de l’Union économique et monétaire.

Dans la communication (27) accompagnant sa recommandation concernant la politique économique de la zone euro, la Commission européenne présente les arguments qui plaident, selon elle, pour une orientation budgétaire plus positive au sein de l’Union économique et monétaire. Vos rapporteurs soulignent et saluent l’effort pédagogique réalisé par la Commission européenne dans ce document.

Orientation budgétaire de la zone euro (28)

« Bien qu’il n’en existe pas de définition communément admise, l’« orientation budgétaire » est généralement comprise comme l’orientation imprimée à la politique budgétaire par les décisions discrétionnaires des pouvoirs publics en matière de fiscalité et de dépenses. Traditionnellement, l’orientation budgétaire est reflétée par la variation du solde primaire structurel (c'est-à-dire le solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles, hors mesures exceptionnelles et paiements d’intérêts), bien que d’autres indicateurs puissent également être utilisés pour la caractériser (comme les indicateurs basés sur la croissance des dépenses, déduction faite des nouvelles mesures en matière de recettes). Selon que les pouvoirs publics décident de soutenir, de réduire ou de maintenir à son niveau l’effet des finances publiques sur l’économie réelle – par la hausse/la réduction des dépenses, déduction faite des nouvelles mesures fiscales – l’orientation budgétaire est dite, respectivement, « expansionniste », « restrictive » ou « neutre ».

Avec la politique monétaire, la politique budgétaire intervient dans la stabilisation de l’environnement macroéconomique, tout en servant des finalités plus larges en termes de viabilité budgétaire et de redistribution. Le sens de l’orientation budgétaire détermine le rôle que la politique budgétaire joue dans le cycle économique, qui peut être plus ou moins procyclique ou contracyclique, suivant les circonstances.

Lorsque l’on considère la zone euro dans son ensemble, il convient de noter que, si la politique monétaire est conçue et définie comme un instrument unique, la politique budgétaire globale est le fruit de l’agrégation de dix-neuf politiques budgétaires individuelles. Les instruments du semestre européen et les règles du pacte de stabilité et de croissance ont longtemps donné le cap à suivre au niveau national, mais, à l’exception du rôle récent joué par la recommandation sur la politique économique de la zone euro, la coordination des actions a jusqu’à présent été limitée, et les situations et les défis de la zone euro n’ont pas facilement été pris en compte. En particulier, l’adéquation et la cohérence, avec la politique monétaire, de l’orientation budgétaire de la zone euro découlant de l’agrégation des politiques budgétaires nationales restent largement aléatoires. Ce point est particulièrement pertinent lorsque les taux d’intérêt de la politique monétaire avoisinent zéro.

La discussion sur l’orientation budgétaire adéquate pour la zone euro est un aspect clé des efforts déployés par la Commission pour intensifier le débat sur l’intérêt général et sur la responsabilité collective à l’égard de la zone euro, dans le cadre de la phase 1 (« approfondissement par la pratique ») de suivi du rapport dit des cinq présidents (29).

En premier lieu, la Commission européenne rappelle que la situation économique d’ensemble de la zone euro est le premier argument en faveur d’une orientation positive de la politique budgétaire. En effet, le potentiel de croissance à moyen terme, fortement ébranlé par la crise économique et financière, y a diminué de moitié par rapport à son niveau d’avant-crise. D’autant plus problématique qu’il est prolongé, le ralentissement de la croissance détériore les conditions économiques et les facteurs de production (réduction de l’investissement, dégradation du capital humain en cas de période prolongée de chômage…) et nécessite, par conséquent, la mise en œuvre de véritables mesures structurelles pour stimuler l’emploi et la productivité.

Par ailleurs, si la reprise de l’économie européenne, à l’œuvre depuis 2013, est réelle (30), elle est encore insuffisante et l’environnement global encore très incertain. L’inflation demeure « désespérément faible », le chômage à des niveaux élevés et la croissance de la productivité et des salaires modérée. En outre, si la politique monétaire accommodante menée depuis plusieurs années par la Banque centrale européenne a permis d’amortir une part non négligeable des effets de la crise, elle semble aujourd’hui avoir atteint ses limites et ne contribue plus que de manière marginale à la stabilisation macroéconomique. La Commission européenne indique ainsi qu’il est aujourd’hui « généralement admis que la politique monétaire ne saurait assumer à elle seule le poids de la stabilisation macroéconomique et qu’une politique budgétaire responsable et propice à la croissance doit jouer un rôle plus important dans le soutien à la reprise dans la zone euro » (31).

En second lieu, la Commission européenne présente les récentes évolutions de l’orientation budgétaire de la zone euro. Il ressort de son analyse qu’après l’assainissement budgétaire réalisé après la crise, entre 2011 et 2013, l’orientation budgétaire de la zone est globalement neutre sur la période 2014-2017. Restrictive en 2011-2013, neutre en 2014-2015 et légèrement expansionniste en 2016, l’orientation budgétaire devrait être, en 2017, de nouveau globalement neutre.

Source : COM (2016) 727 final.

En troisième lieu, la Commission européenne souligne que la situation d’ensemble de la zone euro masque aujourd’hui des situations contrastées et une répartition sous-optimale de l’ajustement budgétaire entre les pays. Alors que certains États, dont la situation nécessiterait la poursuite de l’assainissement budgétaire, présentent, dans leur projet de plan budgétaire, une orientation expansionniste, certains de ceux qui disposent d’une marge budgétaire ne l’utilisent pas pour relancer l’investissement ou la demande et, in fine, la croissance.

En quatrième lieu, la Commission européenne insiste sur la nécessité de bien calibrer la composition de l’orientation budgétaire afin que les ajustements ne se fassent pas au détriment de la reprise économique. Il convient ainsi de veiller à ce que certaines des erreurs commises après la crise ne se répètent pas. La Commission européenne évoque l’importance excessive qui a été accordée aux augmentations d’impôts et à la contraction des dépenses publiques d’investissement. De manière générale, elle considère qu’une réforme des systèmes de retraite et de soins de santé est nécessaire dans la plupart des États membres afin d’assurer leur viabilité et que la mise en place de processus de revue des dépenses efficaces doit être promue.

À l’instar de la Commission européenne, vos rapporteurs soulignent les obstacles économiques et juridiques associés à l’adoption d’une orientation budgétaire positive pour la politique budgétaire, qui limitent le caractère effectif de la recommandation. La Commission européenne évoque ainsi la difficulté de parvenir à un équilibre entre les besoins à court terme liés à la stabilisation macroéconomique et la nécessité, à plus long terme, de garantir la soutenabilité des finances publiques. Elle rappelle également les limites inhérentes à la recommandation de politique économique pour la zone euro qui ne peut qu’inviter les États membres à s’y conformer, sans avoir toutefois les moyens de les y contraindre.

b. Les principaux axes de la recommandation (32)

À travers cinq thématiques, la Commission européenne recommande aux États membres de la zone euro de :

- mener des politiques qui soutiennent la croissance à court et long terme et renforcent les capacités d’ajustement, le rééquilibrage et la convergence. L’accent est notamment mis sur les politiques en faveur de la productivité, de l’investissement et de la création d’emplois ;

- adopter une orientation budgétaire globalement positive et renforcer la reprise par une expansion budgétaire pouvant aller jusqu’à 0,5 % du PIB en 2017 ;

En particulier, la Commission européenne recommande aux États membres qui dépassent leurs objectifs budgétaires d’utiliser leur marge de manœuvre budgétaire pour soutenir leur demande intérieure et des investissements de qualité, et notamment les investissements transfrontières, dans le cadre du plan d’investissement pour l’Europe ; aux États membres où des ajustements budgétaires supplémentaires sont nécessaires au titre du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance de faire en sorte que ses exigences soient globalement respectées ; aux États membres relevant du volet correctif du Pacte de veiller à corriger en temps utile leurs déficits excessifs, y compris en se dotant de marges de manœuvre budgétaires afin d’être en mesure de faire face à des circonstances imprévues ;

- mettre en œuvre des réformes qui promeuvent la création d’emplois, l’équité et la convergence sociales et qui reposent sur un véritable dialogue social ;

- s’accorder sur un système européen d’assurance des dépôts, sur la base de la proposition présentée par la Commission européenne en novembre 2015, et d’engager les travaux sur le dispositif de soutien (backstop) commun pour le Fonds de résolution unique, afin qu’il soit opérationnel avant la fin de la période transitoire du Fonds ;

- accélérer, dans le plein respect du marché intérieur, la mise en œuvre ouverte et transparente d'initiatives visant à compléter l’union économique et monétaire.

À travers son évaluation des projets de budgets des dix-huit États membres de la zone euro qui ne sont pas soumis à un programme d’ajustement macroéconomique (33), la Commission européenne dresse un tableau d’ensemble de la politique budgétaire au niveau de la zone euro. Après avoir été légèrement expansionniste en 2016, l’orientation budgétaire de la zone euro retrouve sa neutralité.

Récapitulatif des agrégats économiques et budgétaires (ZE-18)
pour 2016 et 2017

Source : COM (2016) 730 final.

Plusieurs éléments ressortent de cette analyse. Tout d’abord, l’assainissement budgétaire se poursuit : le déficit agrégé continue de diminuer (de l’ordre de 2 % du PIB en 2015 et de 1,8 % en 2016, il devrait s’établir à 1,5 % du PIB en 2017), à l’instar du niveau total d’endettement public (de 90 % en 2016, le ratio devrait diminuer et atteindre 89 % en 2017).

L’ajustement attendu s’agissant du déficit public est inférieur de 0,5 pp aux évaluations figurant dans les programmes de stabilité pour 2017 et pourrait indiquer un ralentissement dans le rythme de l’assainissement budgétaire. La Commission européenne indique également qu’une hausse des dépenses consacrées à la sécurité et à la gestion de la crise des réfugiés est à prévoir dans certains États membres.

Les évolutions attendues du ratio dette/PIB sont conformes aux projections des programmes de stabilité transmis au printemps 2016 mais masquent d’importants écarts entre les États membres : alors que l’Italie affiche un ratio supérieur à 130 % du PIB, l’Estonie présente un niveau d’endettement légèrement inférieur à 10 % du PIB. Par ailleurs, il convient de relever qu’une grande partie de la réduction de la dette agrégée est attribuable à l’Allemagne, sans laquelle le niveau global d’endettement atteint 99 % du PIB - soit plus de 10 points de PIB par rapport au niveau moyen observé à l’heure actuelle.

Étudiant la composition de l’ajustement budgétaire, la Commission européenne relève que les changements opérés entre 2016 et 2017 sont très limités et que l’ampleur de l’ajustement ne devrait pas compromettre, à moyen terme, les perspectives de croissance. La Commission européenne invite toutefois les États membres à veiller à ce que les réductions de dépenses soient compatibles avec la consolidation de la reprise économique. Dans cette perspective, l’efficacité et la finesse des processus de revue des dépenses devraient être privilégiées (cf. supra).

Au niveau agrégé, les projets de plan budgétaire et les prévisions de la Commission européenne indiquent une orientation globalement neutre de la politique budgétaire dans la zone euro pour la période 2014-2017 (34).

De manière générale, les positions budgétaires des États membres sont soutenues par la faiblesse du coût des emprunts (35) et sont, par conséquent, fragiles. La Commission européenne considère ainsi qu’il « serait risqué d’utiliser les économies résultant de l’allègement des paiements d’intérêts pour financer des augmentations permanentes de dépenses publiques ou abaisser les impôts, compte tenu du caractère temporaire de ces économies » (36).

Aucun des projets de plan budgétaire analysés par la Commission européenne ne présente de manquement particulièrement grave aux règles du Pacte de stabilité et de croissance. En revanche, dans certains cas, les ajustements budgétaires présentés par les États membres sont insuffisants ou risquent de l’être.

ü S’agissant des pays qui relèvent du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance :

- cinq États membres (Allemagne, Estonie, Luxembourg, Pays-Bas et Slovaquie) présentent, pour 2017, un plan budgétaire conforme aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance ;

- quatre États membres (Autriche, Irlande, Lettonie et Malte) présentent, pour 2017, un plan budgétaire globalement conforme (37) aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance ;

- pour six États membres (Belgique, Chypre, Finlande, Italie, Lituanie et Slovénie), le plan budgétaire pour 2017 présente un risque de non-conformité avec les exigences du Pacte de stabilité et de croissance ;

ü S’agissant des trois pays qui relèvent du volet correctif du Pacte de stabilité et de croissance :

- le plan budgétaire de la France pour 2017 est jugé globalement conforme aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance. L’effort structurel est toutefois moins important que ce que préconisaient les recommandations du Conseil et la situation sera, à politique inchangée, problématique en 2018 ;

- le plan budgétaire de l’Espagne pour 2017 présente un risque de non-conformité aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance : la Commission européenne prévoit que ni l’objectif de déficit nominal ni l’effort budgétaire recommandé ne seront atteints ;

- le plan budgétaire du Portugal pour 2017 présente un risque de non-conformité aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance mais la Commission européenne estime, compte tenu du faible écart entre le déficit recommandé et celui observé, que le pays pourrait relever du volet préventif du Pacte dès 2017.

Le 14 octobre 2016, la France a transmis à la Commission européenne son projet de plan budgétaire pour 2017 (38). Relevant, depuis 2009, du volet correctif du Pacte de stabilité et de croissance, la France fait l’objet d’une surveillance renforcée de la part des institutions européennes et a bénéficié, depuis le lancement de la procédure pour déficit excessif (PDE) par le Conseil, le 27 avril 2009, de plusieurs délais pour remédier à la situation de déficit excessif. Le plein respect par la France des règles de la discipline budgétaire est exigé pour 2017. Conformément aux recommandations du Conseil, il est attendu que la France réduise son déficit public à 3 % du PIB maximum.

Dans son avis sur le projet de plan budgétaire français, la Commission européenne estime que le document transmis par le Gouvernement est globalement conforme aux dispositions du Pacte de stabilité et de croissance.

Elle considère toutefois, à l’instar du Haut Conseil pour les finances publiques (HCFP), dans son avis rendu le 24 septembre dernier (39), que les hypothèses de croissance qui sous-tendent le projet de budget sont quelque peu optimistes. Alors que le projet de budget français repose sur une hypothèse de croissance de 1,5 % pour 2016 et 2017, les prévisions d’automne de la Commission européenne évaluent la croissance à 1,3 % (-0,2 pp) en 2016 et à 1,4 % (-0,1 pp) en 2017.

Les différences tiennent notamment à l’appréciation faite de la contribution de chacune des composantes de la demande à la croissance : par rapport à celles du Gouvernement français, les évaluations de la Commission européenne anticipent ainsi une plus faible contribution des exportations à la croissance. S’agissant des perspectives d’inflation, la Commission européenne prévoit une hausse d’un point entre 2016 et 2017 (de 0,3 % à 1,3 %), une estimation supérieure à celle des autorités françaises (+ 0,8 %) pour 2017.

Vos rapporteurs signalent également que l’INSEE a récemment revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2016 (40), évaluant la croissance à 1,2 %, soit 0,1 pp de moins que dans ses précédentes prévisions d’automne. De manière générale, entre 2012 et 2016, la croissance française aura été en moyenne de 0,8 point de PIB soit 0,5 point inférieure à la moyenne de notre partenaire allemand.

Source : COM (2016) 730 final.

Les perspectives d’évolution du déficit présentées par le Gouvernement français prévoient une contraction importante, permettant de réduire le déficit à un niveau compatible avec les exigences du Pacte de stabilité et de croissance : le projet de plan budgétaire annonce ainsi que le déficit passera de 3,3 % du PIB en 2016 à 2,7 % du PIB en 2017. Une évolution que le HCPF estime « improbable », compte tenu, notamment, des risques qui pèsent sur les dépenses comme sur les recettes : « Sur la base des informations dont il dispose, il [le Haut Conseil pour les finances publiques] considère comme incertain le retour en 2017 du déficit nominal sous le seuil de 3 points du PIB » (41).

Les prévisions de la Commission européenne concernant le déficit public sont identiques à celles des autorités françaises pour 2016 mais légèrement supérieures pour 2017 : la Commission européenne estime que le déficit public atteindra 2,9 % du PIB. Un écart que la Commission européenne explique notamment par les différences des hypothèses de croissance (celles de la Commission européenne étant moins optimistes que celles retenues par la France) ainsi que par la prise en compte par le Gouvernement français, dans son projet de budget, de certaines recettes supplémentaires dont la Commission européenne n’avait pas connaissance au moment de la publication de ses prévisions d’automne (42).

De manière générale, la Commission européenne estime que l’effort structurel réalisé par la France en 2016 et 2017 sera insuffisant car inférieur aux recommandations du Conseil.

S’agissant de la dette publique, le Gouvernement français prévoit une diminution de 0,1 point de PIB, celle-ci passant de 96,1 % en 2016 à 96 % en 2017. La Commission européenne estime, quant à elle, que le ratio dette/PIB passera de 96,4 % en 2016 à 96,8 % en 2017.

La Commission européenne considère enfin que la France n’a réalisé que des progrès limités dans la mise en œuvre des réformes structurelles notamment suggérées dans les recommandations spécifiques pays par pays publiées au printemps 2016 dans le cadre du Semestre européen. Elle invite par conséquent les autorités françaises à intensifier leurs efforts en la matière.

Extrait du rapport d’information n° 3893 du 29 juin 2016 de MM. Christophe Caresche et Michel Herbillon sur la clôture du Semestre européen 2016.

Au printemps 2016, la Commission européenne a formulé, à l’égard de la France, cinq recommandations de politique économique dont la plupart ne présentent pas de nouveauté et font l’objet de préconisations constantes de la Commission européenne.

De manière générale, la Commission européenne invite la France à améliorer l’efficience des dépenses publiques dans tous les sous-secteurs des administrations publiques, en renforçant notamment les évaluations indépendantes des politiques publiques (recommandation n° 1).

S’agissant de la nécessité de rétablir l’équilibre des finances publiques, la Commission européenne suggère que toutes les recettes exceptionnelles soient affectées à la réduction du déficit et de la dette (recommandation n° 1) et préconise d’accentuer les efforts pour accroître le montant des économies générées par les revues de dépenses, y compris en ce qui concerne les dépenses des collectivités locales, d’ici la fin de l’année 2016 (recommandation n° 2).

S’agissant de la nécessité d’améliorer la situation de l’emploi, la Commission européenne invite la France à pérenniser les réductions du coût du travail et à veiller à ce que les évolutions du salaire minimum soient compatibles avec la création d’emplois et la compétitivité (recommandation n° 2) ; recommande également de réformer le droit du travail pour inciter davantage les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée (recommandation n° 2).

S’agissant de la nécessité d’améliorer les performances en matière d’éducation et de formation, la Commission européenne incite la France à renforcer les liens entre le secteur de l’éduction et le marché du travail, notamment par une réforme du système d’apprentissage et de la formation professionnelle qui mette l’accent sur les personnes peu qualifiées et recommande qu’une réforme du système d’assurance-chômage soit entreprise, avant la fin de l’année 2016, pour en rétablir la viabilité budgétaire et encourager le retour au travail (recommandation n° 3).

S’agissant de la nécessité d’améliorer l’environnement économique des entreprises et d’éliminer les obstacles à l’activité dans le secteur des services, la Commission européenne recommande d’approfondir, d’ici la fin de l’année 2016, la réforme des critères de taille réglementaires qui freinent la croissance des entreprises et de continuer à simplifier les règles administratives, fiscales et comptables en poursuivant le programme de simplification ; d’éliminer les obstacles à l’activité dans le secteur des services, en particulier dans les services aux entreprises et les professions réglementées et de simplifier les programmes publics d’innovation pour en améliorer l’efficacité (recommandation n° 4).

S’agissant de la nécessité de réformer la fiscalité, la Commission européenne recommande de réduire les impôts sur la production et le taux nominal de l’impôt sur les sociétés, tout en élargissant la base d’imposition sur la consommation, notamment en ce qui concerne la TVA ; de supprimer les dépenses fiscales inefficaces, notamment celles dont le rendement est nul ou faible et d’adopter la réforme concernant la retenue à la source de l’impôt sur le revenu des personnes physiques d’ici la fin de l’année 2016 (recommandation n° 5).

Vos rapporteurs considèrent qu’il est indispensable de poursuivre les efforts entrepris par la France en matière d’assainissement budgétaire. L’ajustement graduel et progressif permet de limiter les effets récessifs des ajustements sur la croissance et doit demeurer une priorité pour les années à venir. Outre les bénéfices évidents associés à un retour à des finances publiques saines ou, a minima, conformes aux règles de la discipline budgétaire, le respect par la France de ses engagements budgétaires est une condition essentielle de sa crédibilité et de son influence en Europe.

Compte tenu de l’importance qu’ils accordent au renforcement de la dimension sociale du Semestre européen, vos rapporteurs ont décidé de consacrer, cette année, quelques développements au rapport conjoint sur l’emploi.

Si la reprise de la croissance est annoncée par la Commission européenne et si l’expansion budgétaire recommandée pour 2017 témoigne d’une réelle amélioration de la conjoncture économique, les conséquences sociales de la crise demeurent fortes dans certains États membres et continuent à obérer le potentiel de croissance de certaines économies.

Dans le rapport conjoint sur l’emploi, la Commission européenne et le Conseil dressent un état des lieux de la situation européenne, dont vos rapporteurs souhaitent indiquer ici les grandes lignes.

Dans une démarche en deux temps, le rapport conjoint sur l’emploi esquisse un aperçu de la situation du marché du travail et des principaux enjeux de nature sociale dans l’Union européenne et apprécie les résultats des actions mises en œuvre par les États membres en matière de réformes sociales et d’emploi.

Dans un premier temps, le rapport souligne que la situation de l’emploi européen s’améliore, dans un contexte de reprise économique réelle quoique modérée.

L’évolution de la plupart des indicateurs du marché de l’emploi illustre, en 2015 comme en 2016, l’amélioration de la situation en Europe. Le taux de chômage continue à suivre un mouvement baissier et s’établit, en septembre 2016, à 8,5 % du PIB (10 % dans la zone euro).

Le taux de chômage des jeunes et le taux de chômage de longue durée, qui constituent deux des trois nouveaux indicateurs du tableau de bord utilisé par la Commission européenne dans le cadre de la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques, enregistrent un recul mais demeurent encore relativement élevés dans certains États membres. Ainsi, en dépit de la réduction observée en 2015, le chômage de longue durée représente plus de 50 % du taux de chômage total en Europe. En outre, la participation des femmes au marché du travail demeure perfectible : actuellement sous-représentées, elles continuent à pâtir d’un écart de rémunération important, en dépit d’un niveau moyen d’étude supérieur à celui des hommes.

De son niveau record de 23,7 % en 2013, le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) au sein de l’Union européenne est passé à 20,3 % en 2015 à 18,9 % au cours du premier semestre 2016. Il reste toutefois plus élevé au sein de la zone euro où le taux était, à la même période, de 21,4 %.

Le taux de chômage de longue durée, exprimé en pourcentage de la population active, est, pour sa part, passé de 5 % en 2014 à 4,5 % en 2015. La Commission européenne souligne néanmoins que cette réduction, relativement lente, est susceptible d’entretenir la hausse du chômage structurel.

Taux de chômage de longue durée - 2015
(% de la population active âgée de 15 à 74 ans)

Source : Eurostat

Par ailleurs, illustrant l’amélioration de la situation économique par rapport à la crise, le taux d’emploi des 20-65 ans atteignait, au deuxième trimestre 2016, 71,1 %, soit un taux dépassant, pour la première fois, celui observé en 2008.

Ces évolutions positives et particulièrement encourageantes ne doivent toutefois pas masquer l’importance du phénomène de pauvreté et les disparités qui existent, en matière sociale et d’emploi, entre les États membres. Vos rapporteurs considèrent, par conséquent, que la convergence sociale et salariale doit demeurer une priorité des politiques européennes.

Diminuant en 2015, la part de la population menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale demeure très élevée, dans l’Union européenne comme au sein de la zone euro. Avec un taux de 23,1 % en 2015, l’Union européenne compte en son sein 119 millions de personnes menacées par la pauvreté ou l’exclusion sociale (soit 3,5 millions de moins qu’en 2014). De manière générale, les personnes les plus exposées à ces risques sont les enfants, les chômeurs et les ressortissants des pays tiers.

Évolution du taux de risque de pauvreté et d’exclusion sociale et de ses composants dans l’UE-27 (43)

Source : Eurostat.

NB. La Croatie est exclue car les données ne sont pas disponibles pour 2009.

La Commission européenne relève notamment que les inégalités « considérables et persistantes » nuisent à la productivité de l’économie et au potentiel de croissance durable et nécessitent que les pouvoirs publics leur consacrent une attention renouvelée. Dans cette perspective, la fiscalité, les systèmes de protection sociale et les politiques de fixation des salaires, d’éducation et de formation constituent des leviers d’action privilégiés.

Si les revenus des ménages ont augmenté, en 2015, au sein de l’Union européenne, notamment sous l’effet combiné des augmentations des revenus du travail et des baisses des impôts et cotisations, le revenu brut des ménages dans la zone euro n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant-crise. De manière générale, l’évolution des salaires nominaux n’a été que modérée.

S’agissant des systèmes de protection sociale, la Commission européenne relève que les efforts entrepris pour les moderniser se sont poursuivis, l’amélioration de l’adéquation entre la couverture et les prestations fournies, l’accès, la qualité et la réactivité des services en constituant les principaux enjeux. S’agissant des systèmes de retraite, les mesures récemment mises en œuvre par les États membres sont diverses et concernent, selon les cas, les conditions de départ à la retraite (relèvement de l’âge de départ à la retraite et limitation des dispositifs de retraite anticipée) ou les conditions de vie des personnes retraitées (augmentation du niveau minium des pensions et/ou prestations ciblées). Plusieurs États membres ont également réformé leur système de soins de santé.

De manière générale, l’analyse des indicateurs clés en matière sociale et d’emploi révèle que cinq États membres (Grèce, Chypre, Portugal, Espagne et Italie) sont confrontés à un certain nombre de problèmes importants en matière d’emploi et dans le domaine social.

La France se situe dans une situation intermédiaire s’agissant du taux de chômage et du taux de chômage des jeunes ; dans une situation « à surveiller » s’agissant du taux de jeunes sans emploi qui ne suivent ni études ni formation et du revenu disponible brut des ménages ; et affiche des performances supérieures à la moyenne en matière de risque de pauvreté et s’agissant des inégalités.

Source : COM (2016) 729 final.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 20 décembre 2016, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

« M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Madame la Présidente, Mes chers collègues. Nous vous présentons aujourd’hui, comme chaque année à cette période, notre rapport sur le lancement du Semestre européen et je vous prie d’excuser mon collègue Christophe Caresche, qui est malade et m’a chargé de rapporter nos travaux en notre nom à tous les deux.

Le 16 novembre dernier, la Commission européenne a lancé le septième exercice du Semestre européen, cycle de coordination des politiques économiques, en publiant son examen annuel de croissance, sa recommandation de politique économique concernant la zone euro, son avis sur les projets de plans budgétaires ainsi que le rapport sur le mécanisme d’alerte et le rapport conjoint sur l’emploi.

Si la plupart des constats s’inscrivent dans la continuité des exercices précédents, nous relevons une nouveauté s’agissant de l’orientation de la politique budgétaire de la zone euro. La Commission européenne suggère en effet une légère expansion budgétaire dans un contexte économique plus solide quoiqu’encore incertain. Cette orientation légèrement positive ne fait, pour l’heure, pas l’objet d’un consensus entre les États membres et doit être débattue dans les prochaines semaines.

Nous y voyons deux enseignements majeurs. Tout d’abord, ce changement de cap semble amorcer une nouvelle ère pour la politique économique de la zone euro en marquant la fin du moment de la consolidation budgétaire nécessaire, après la crise économique et financière, en raison de la situation fortement dégradée des finances publiques européennes. Ensuite, elle nous semble bienvenue dans un contexte où la reprise économique est réelle mais encore fragile et, par ailleurs, caractérisée par une faiblesse persistante de l’investissement, en dépit des premiers résultats positifs et encourageants du Plan d’investissement pour l’Europe (dit « Plan Juncker ») lancé en novembre 2014 par le Président de la Commission européenne.

Ma première observation est la suivante. Dans un premier temps, la Commission européenne confirme l’amélioration de la situation économique européenne et préconise une légère « politique de relance » en zone euro.

Exposant, dans son examen annuel de croissance, les priorités économiques et sociales de l’Union européenne pour l’année à venir, la Commission européenne réaffirme, pour 2017, l’actualité des axes identifiés en 2016 et souligne, conformément au discours sur l’état de l’Union de son Président, le 14 septembre 2016, la nécessité de poursuivre les efforts en faveur de la jeunesse et du tissu productif européens.

La Commission européenne confirme la reprise économique observable en Europe mais souligne également les incertitudes croissantes de l’environnement global. S’agissant de la reprise, les indicateurs relatifs à l’investissement, au taux d’emploi, au taux de chômage, à la situation des finances publiques et à l’évolution du produit intérieur brut (PIB) illustrent la plus grande solidité de l’économie européenne. On ne peut que s’en réjouit. Ainsi, selon les prévisions d’automne 2016 de la Commission européenne, la croissance du PIB réel dans l’Union européenne devrait s’établir à 1,8 % en 2016 (1,7 % en zone euro) et à 1,6 % en 2017 (1,5 % en zone euro). L’amélioration de la situation de l’emploi devrait se poursuivre en 2017 : huit millions de nouveaux emplois ont été créés depuis 2013 et si la tendance observée se poursuit, l’objectif fixé en la matière dans la stratégie Europe 2020 pourrait bel et bien être atteint d’ici 2020 (pour mémoire, l’objectif est de parvenir à un taux d’emploi de 75 % au sein de l’Union européenne). Le taux de chômage devrait, pour sa part, diminuer, passant de 8,6 % en 2016 à 8,3 % en 2017. Enfin, l’évolution globale de l’endettement public est encourageante : le déficit public moyen de la zone euro, supérieur à 6 % en 2009-2010, est désormais inférieur à 2 % (1,8 % en 2016) et devrait, selon la Commission européenne, continuer de diminuer pour atteindre 1,5 % du PIB en 2017. Il s’agit donc là d’une série d’éléments positifs.

Toutefois, les facteurs d’incertitude qui pèsent sur la croissance européenne ne doivent pas être négligés : la crise a eu, sur le potentiel de croissance et le niveau d’investissement, des effets dévastateurs que les initiatives telles que le Plan Juncker et la mise en œuvre des réformes structurelles ne sont pas encore parvenues à faire disparaître. Par ailleurs, le ralentissement de la croissance dans les principaux pays émergents, les tensions géopolitiques, les évolutions du prix du pétrole et la « normalisation » de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine comme de la Banque centrale européenne sont autant de facteurs qui augmentent l’incertitude économique au niveau global.

À la lumière de tous ces éléments, nous considérons que la reprise économique en Europe doit davantage s’appuyer sur les moteurs internes de la croissance (c'est-à-dire la consommation et l’investissement) que des politiques budgétaires et structurelles bien calibrées peuvent contribuer à stimuler.

Dans un tel contexte, la Commission européenne confirme l’actualité des priorités de politique économique de l’année 2016. Ainsi, le « triangle vertueux » de la Commission Juncker est-il maintenu, à savoir : la stimulation de l’investissement ; la mise en œuvre des réformes structurelles et la poursuite de politiques budgétaires responsables.

Analysant, dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), la situation des États membres, la Commission européenne conclut cette année qu’un bilan approfondi se justifie pour treize États membres, contre dix-neuf l’année dernière. Cette relative réduction du nombre de pays susceptibles de présenter des déséquilibres macroéconomiques confirme l’amélioration de la situation d’ensemble de l’économie européenne. En ce qui concerne le rapport sur le mécanisme d’alerte, la Commission européenne souligne les éléments suivant. L’ajustement macroéconomique opéré est asymétrique : il s’est poursuivi dans les pays présentant un déficit extérieur ou endettés vis-à-vis de l’extérieur alors que les excédents courants demeurent importants et continuent même de croître dans certains pays, à l’instar de l’Allemagne.

Le désendettement du secteur privé se poursuit à un rythme lent et fortement inégal : dans certains pays, le niveau encore élevé de la dette privée et publique limite les possibilités d’investissement et fragilise l’économie ; en outre, le désendettement le plus rapide n’intervient pas toujours dans les pays où il est le plus nécessaire.

Le secteur bancaire rencontre des difficultés, notamment liées à sa moindre rentabilité financière et à la présence de prêts improductifs dans certains bilans d’établissements bancaires et financiers.

La hausse des prix du logement s’accélère de manière préoccupante dans certains pays. Enfin, l’amélioration observée sur les marchés du travail ne suffit pas à éradiquer la « détresse sociale », en particulier dans les pays les plus durement touchés par la crise financière et des dettes souveraines.

Nouveauté notable, la Commission européenne propose cette année une légère expansion de la politique budgétaire de la zone euro. Dans un contexte de croissance économique « résiliente mais modeste », la Commission européenne insiste sur la nécessité d’une orientation budgétaire positive pour la zone euro. Rappelant que le cadre budgétaire et institutionnel actuel de l’Union européenne ne contient, pour l’heure, aucune règle ou instrument permettant de gérer l’orientation budgétaire de la zone euro, elle souligne que la recommandation sur la politique économique de la zone euro constitue un document de référence de nature à orienter les efforts entrepris au niveau national par les États membres. Outil de « soft law », cette recommandation – qui est une avancée du point de vue de la coordination des politiques économiques – voit son efficacité conditionnée à la bonne volonté des États membres d’en suivre les préconisations.

Nous indiquons, à cet égard, qu’il serait sans doute opportun de réfléchir, notamment dans la perspective des réformes institutionnelles à entreprendre pour approfondir l’Union économique et monétaire, aux modalités susceptibles de conférer à la recommandation de politique économique de la zone euro une dimension plus contraignante. Nous avions évoqué cette question dans le cadre du groupe de travail dont nous faisions tous deux partie et dont MM. Philip Cordery et Arnaud Richard vous ont présenté, il y a quelques semaines, les travaux. Nous pensons qu’il s’agit d’une question à se poser.

Après l’assainissement budgétaire réalisé après la crise, entre 2011 et 2013, l’orientation budgétaire de la zone est globalement neutre sur la période 2014-2017. Restrictive en 2011-2013, neutre en 2014-2015 et légèrement expansionniste en 2016, l’orientation devrait être, en 2017, globalement neutre. Une légère expansion budgétaire permettrait de redynamiser l’économie européenne dont le potentiel de croissance demeure en deçà de son niveau d’avant-crise.

Ma deuxième observation porte sur l’avis de la Commission européenne sur les projets de budget nationaux, qui reflète une orientation globalement neutre de la politique budgétaire.

La Commission européenne souligne que l’ajustement budgétaire se poursuit, comme en témoignent les prévisions concernant l’évolution du déficit agrégé : de l’ordre de 2 % du PIB en 2015, de 1,8 % en 2016, ce dernier devrait en effet s’établir à 1,5 % du PIB en 2017. La Commission européenne indique toutefois que les positions budgétaires des États membres sont soutenues par la faiblesse des coûts d’emprunt et sont, par conséquent, fragiles.

De manière générale, aucun des projets de plan budgétaire analysés par la Commission européenne ne présente de manquement particulièrement grave aux règles du Pacte de stabilité et de croissance. En revanche, dans certains cas, les ajustements budgétaires présentés sont insuffisants ou risquent de l’être.

S’agissant des pays relevant du volet préventif du Pacte, cinq États membres (Allemagne, Estonie, Luxembourg, Pays-Bas et Slovaquie) présentent un plan budgétaire conforme au PSC ; quatre (Autriche, Irlande, Lettonie et Malte) un plan budgétaire globalement conforme au PSC et six (Belgique, Chypre, Lituanie, Italie, Slovénie et Finlande) présentent des risques de non-conformité aux règles du PSC.

S’agissant des pays relevant du volet correctif du Pacte, le plan budgétaire de la France est jugé globalement conforme au PSC, tandis que celui de l’Espagne et du Portugal présentent un risque de non-conformité, relativement marginal pour le Portugal qui pourrait relever du volet préventif du Pacte en 2017.

Plus précisément, l’avis sur le projet de plan budgétaire de la France conclut à une globale conformité aux dispositions du Pacte mais la prudence et la vigilance demeurent de mise. Nous rappelons que l’avis rendu par le Haut Conseil pour les Finances publiques sur le projet de loi de finances établi pour l’année 2017 par le Gouvernement souligne le caractère optimiste des hypothèses de croissance sur lesquelles il repose et considère, compte tenu des informations dont il dispose, que le retour du déficit nominal sous le seuil des 3 % du PIB est « incertain ».

Moins inquiète, en dépit de prévisions de croissance plus modestes que celles du Gouvernement français, la Commission européenne considère que le document qui lui a été transmis est globalement conforme aux règles du PSC quoique les efforts décrits soient inférieurs aux recommandations formulées par le Conseil dans le cadre de la procédure pour déficit excessif. De manière générale, la Commission européenne considère que la France n’a réalisé que des progrès limités dans la mise en œuvre des réformes structurelles suggérées dans le cadre des recommandations spécifiques pays par pays publiées au printemps dernier et que nous avions étudiées dans notre précédent rapport sur la clôture du Semestre européen 2016.

Nous considérons qu’il est indispensable de poursuivre les efforts entrepris en matière d’assainissement budgétaire, à plus forte raison étant donné qu’à politique inchangée, la Commission européenne estime que la situation de la France pourrait devenir préoccupante en 2018. L’ajustement graduel et progressif permet de limiter les effets récessifs des ajustements sur la croissance et doit demeurer une priorité pour les années à venir. Outre les bénéfices évidents associés à un retour à des finances publiques saines ou, a minima, conformes aux règles de la discipline budgétaire, le respect par la France de ses engagements budgétaires est une condition essentielle de sa crédibilité et de son influence en Europe. Dans le contexte qui est celui du Brexit, une France aux finances publiques plus saines lui permettra de voir sa voix porter davantage.

Enfin, ma troisième observation est la suivante. La Commission européenne et le Conseil confirment également l’amélioration de la situation de l’emploi qui ne saurait toutefois dispenser les États membres de poursuivre leurs efforts.

Le rapport conjoint sur l’emploi est un document important qui illustre directement le renforcement de la dimension sociale du Semestre européen auquel nous avons souhaité consacrer quelques développements. De manière générale, l’évolution de la plupart des indicateurs du marché de l’emploi illustre une amélioration de la situation en Europe. Le taux de chômage et le taux de chômage de longue durée, qui constituent deux des trois nouveaux indicateurs du tableau de bord de la Commission européenne dans le cadre de l’analyse des déséquilibres macroéconomiques, enregistrent un recul mais demeurent encore à des niveaux élevés dans certains États membres.

Le phénomène de pauvreté et les inégalités sociales demeurent également importants et nécessitent une véritable relance du processus de convergence des économies. Les inégalités nuisent en effet à la productivité et à la croissance et contribuent à creuser la fracture sociale en Europe.

La Commission européenne relève les efforts entrepris par certains États membres pour réformer et moderniser leurs systèmes de protection sociale et leurs systèmes de santé mais invite les États membres à poursuivre les efforts entrepris.

Nous indiquons, enfin, que la France se situe dans une situation intermédiaire s’agissant du taux de chômage et du taux de chômage des jeunes ; dans une situation « à surveiller » s’agissant du taux de jeunes sans emploi qui ne suivent ni études ni formation et du revenu disponible brut des ménages ; et affiche des performances supérieures à la moyenne en matière de risque de pauvreté et s’agissant des inégalités.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie pour ce travail clair et efficace. J’ai une observation à formuler concernant la pauvreté. Un certain nombre de rapports, publiés la semaine dernière, démontrent qu’il y a, en Allemagne, une grande pauvreté. Plus de seize millions de personnes y vivent sous le seuil de pauvreté alors que la richesse d’une partie infime de la population augmente, comme dans d’autres pays d’ailleurs. On s’aperçoit donc qu’après avoir promu pendant des années un modèle allemand de plein-emploi et de richesse, des fragilités apparaissent. Il me semble donc que l’idée de relancer la convergence des économies est plus que jamais nécessaire et peut permettre de redonner un sens à l’Europe. Je pense également qu’il pourrait être opportun de relancer, au sein du couple franco-allemand, des questionnements sur le Brexit, la dimension sociale de l’Union européenne et les travailleurs détachés notamment.

M. Michel Herbillon, co-rapporteur. Dans cette perspective, c’est une très bonne chose que les indicateurs sociaux soient davantage pris en compte dans le Semestre européen. »

1 () « l’Europe doit investir résolument dans sa jeunesse, dans ses demandeurs d’emploi et dans ses start-up ».

2 () COM (2016) 725 final, page 2.

3 () Pour mémoire, l’objectif vise à parvenir à un taux d’emploi de 75 % au sein de l’Union européenne d’ici 2020.

4 () Le déficit public moyen de la zone euro atteignait 6,3 % du PIB en 2009 et 6,2 % en 2010 (Source : Eurostat).

5 () Cf. COM(2015) 690 final.

6 () La Commission européenne indique que la proportion de PME considérant l’accès au financement comme la principale difficulté qu’elles rencontrent est de 30 % en Grèce et 25 % à Chypre (Enquête sur l’accès des entreprises au financement, SAFE), cf. COM (2016) 725 final.

7 () 12 % des microentreprises indiquent que l’accès au financement constitue la principale difficulté à laquelle elles sont confrontées, ibid.

8 () 13 % des entreprises créées au cours des deux à cinq dernières années indiquent que l’accès au financement constitue la principale difficulté à laquelle elles sont confrontées, ibid.

9 () 14 % des entreprises ayant un taux de croissance annuel de 20 % ou plus indiquent que l’accès au financement constitue la principale difficulté à laquelle elles sont confrontées, ibid.

10 () Cf. COM (2016) 725 final, page 5.

11 () C’est notamment le cas de l’Italie.

12 () Cf. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n° 1316/2013 et (UE) 2015/1017 en vue de prolonger la durée d’existence du Fonds européen pour les investissements stratégiques et d’introduire des améliorations techniques concernant ce Fonds et la plateforme européenne de conseil en investissement, COM(2016) 597 final et le rapport d’information n° 4171 du 26 octobre 2016 de MM. Razzy Hammadi et Arnaud Richard sur ce sujet.

13 () En particulier, s’agissant du « développement de services de soin de longue durée et de structures de garde d’enfants abordables et flexibles » pour réduire « les obligations familiales à l’égard des personnes âgées et des enfants qui pèsent fréquemment sur les femmes », cf. COM (2016) 725 final, page 8.

14 () De manière générale, le cadre légal et réglementaire est souvent considéré comme inadapté au développement de l’innovation et la fiscalité excessivement lourde ou complexe.

15 () Voir notamment l’évaluation réalisée par la Banque européenne d’investissement en septembre 2016 sur le fonctionnement du Fonds européen pour les investissements stratégiques.

16 () Source : Fiche d’information n° 1 de la BEI et de la Commission européenne : « Pourquoi un plan d’investissement pour l’UE ? ».

17 () La Commission européenne indique que neuf millions de jeunes ont bénéficié de la garantie pour la jeunesse de l’Union européenne. Cf. COM (2016) 725 final, page 12.

18 () La Commission européenne indique que près de quatre millions d’étudiants ont déjà bénéficié du programme Erasmus et qu’un jeune sur trois s’est vu offrir un emploi par l’entreprise dans laquelle il été formé. Cf. COM (2016) 725 final, page 12.

19 () Cf. Examen annuel de croissance pour 2016, COM(2015) 690 final.

20 () Cf. COM (2016) 725 final, page 13.

21 () Selon la Commission européenne, « en 2015, environ 119 millions de personnes étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, soit environ 3,5 millions de personnes de moins qu’en 2014 », ibid.

22 () Extrait du rapport sur le mécanisme d’alerte 2017, COM (2016) 728 final, page 2.

23 () Conformément à la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne 21 octobre 2015, « Mesures à prendre pour compléter l’Union économique et monétaire », COM (2015) 600.

24 () En dépit des améliorations constatées par la Commission européenne dans la réduction de certains déséquilibres, le rapport sur le mécanisme d’alerte 2017 confirme la plupart des conclusions établies en 2016.

25 () Source : COM (2016) 728 final, page 34.

26 () Vos rapporteurs signalent les travaux réalisés, au sein de la commission des Affaires européennes, par le groupe de travail sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, dont ils étaient tous deux membres. (Rapport d’information n° 4257 du 29 novembre 2016 de MM. Philip Cordery et Arnaud Richard).

27 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 16 novembre 2016, « Pour une orientation positive de la politique budgétaire de la zone euro », COM (2016) 727 final.

28 () Extrait de COM (2016) 727 final.

29 () «Compléter l’Union économique et monétaire européenne », Rapport dit « des cinq présidents » préparé par le Président de la Commission européenne, en étroite collaboration avec les Présidents du Conseil européen, de l’Eurogroupe, de la Banque centrale européenne et du Parlement européen, 22 juin 2015.

30 () La Commission européenne indique que le PIB de la zone euro est désormais supérieur à son niveau d’avant-crise, COM (2016) 727 final, page 5.

31 () Ibid.

32 () Cf. COM (2016) 726 final.

33 () La situation de la Grèce est évaluée dans le cadre du programme d’ajustement macroéconomique auquel est soumis le pays.

34 () Après avoir été globalement neutre en 2014-2015, l’orientation de la politique budgétaire de la zone euro est devenue légèrement expansionniste en 2016 et devrait redevenir neutre en 2017 (cf. supra).

35 () Les rendements des obligations souveraines dans la zone euro demeurent ainsi à des niveaux historiquement bas, compris entre 0 % et 1,75 % pour les quatre plus grands États membres de la zone. Cf. COM (2016) 730 final.

36 () Ibid.

37 () Leur plan budgétaire pourrait entraîner un écart par rapport à la trajectoire d’ajustement en direction de leur objectif budgétaire à moyen terme (OMT).

38 () Conformément à l’article 7 du règlement (UE) n° 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro.

39 () Avis n° HCFP-2016-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2017.

40 () Prévisions en date du 15 décembre 2016.

41 () Cf. Avis du 24 septembre 2016 précité.

42 () La Commission européenne mentionne notamment les économies attendues par le Gouvernement français au titre des négociations paritaires sur la convention Unédic (1,6 milliard d’euros, soit 0,1 point de PIB).

43 () Source : COM (2016) 729 final, page 16.