N° 4528 - Rapport d'information de Mme Marietta Karamanli déposé par la commission des affaires européennes sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions




N° 4528

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2017.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un contrôle de proportionnalité avant l’adoption d’une nouvelle réglementation de professions

(COM(2016) 822 final) 

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Marietta KARAMANLI,

Députée

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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.

(La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Sandrine DOUCET, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Philippe BIES, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.)

SOMMAIRE

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Pages

I. LE CONTRÔLE DE PROPORTIONNALITÉ EN MATIÈRE DE SERVICES 7

A. LA COMMISSION EUROPÉENNE A UNE COMPÉTENCE FONDÉE PAR LES TEXTES DANS LE DOMAINE DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES 7

B. LES DYSFONCTIONNEMENTS IDENTIFIÉS PAR LA COMMISSION 9

II. LE PROJET DE LA COMMISSION SE HEURTE À DES CONSIDÉRATIONS RELEVANT DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ 10

A. LE PROJET DE LA COMMISSION 10

B. LE NÉCESSAIRE RESPECT DU CHAMP D’INTERVENTION DES ETATS MEMBRES 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 17

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION 19

Mesdames, Messieurs,

La libre circulation des services et la liberté d’établissement sont de ces principes fondateurs de l’Union européenne qui font de cet espace politique un ensemble économiquement intégré.

Ces deux libertés sont fondées sur les traités mais aussi sur des directives, dont la plus célèbre fut sans doute la directive « services » (1) de 2006, dont les conséquences dans le débat politique furent dommageables pour l’image de la Commission européenne et le louable objectif d’approfondissement du marché intérieur.

La proposition de directive relative à un contrôle de proportionnalité avant l’adoption d’une nouvelle réglementation de professions, soumise à notre examen, s’inscrit dans la lignée de cette précédente directive, et vise à éviter toute forme de disproportion dans l’établissement des professions réglementées au sein des États membres. La faible mobilité des travailleurs a notamment été identifiée par la Commission européenne comme un important gisement de croissance potentielle.

La légitimité d’un contrôle de proportionnalité en la matière ne doit toutefois pas entraîner de contrainte excessive dans les capacités de régulation dont doivent disposer les États membres dans certains secteurs fondamentaux, tels que la protection de la santé humaine ou le tourisme. Il est en effet inscrit dans les gènes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) que la répartition des compétences entre les différentes personnes institutionnelles reconnues par le traité sur l’Union européenne (TUE), doit être respectée, en vertu du principe de subsidiarité.

C’est pourquoi le présent rapport a pour objet d’évaluer dans quelle mesure la procédure de contrôle de la proportionnalité des dispositions en matière de professions réglementées respecte ce dernier principe.

La compétence de la Commission européenne en matière de services s’appuie en premier lieu sur le TFUE, et en particulier sur ses articles 46, 53 et 62.

Articles du TFUE légitimant l’action de la Commission

Article 46

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, arrête, par voie de directives ou de règlements, les mesures nécessaires en vue de réaliser la libre circulation des travailleurs, telle qu’elle est définie à l’article 45, notamment :

a) en assurant une collaboration étroite entre les administrations nationales du travail,

b) en éliminant, celles des procédures et pratiques administratives, ainsi que les délais d’accès aux emplois disponibles découlant soit de la législation interne, soit d’accords antérieurement conclus entre les États membres, dont le maintien ferait obstacle à la libération des mouvements des travailleurs,

c) en éliminant tous les délais et autres restrictions, prévus soit par les législations internes, soit par des accords antérieurement conclus entre les États membres, qui imposent aux travailleurs des autres États membres d’autres conditions qu’aux travailleurs nationaux pour le libre choix d’un emploi,

d) en établissant des mécanismes propres à mettre en contact les offres et les demandes d’emploi et à en faciliter l’équilibre dans des conditions qui écartent des risques graves pour le niveau de vie et d’emploi dans les diverses régions et industries.

Article 53

1. Afin de faciliter l’accès aux activités non salariées et leur exercice, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent des directives visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres, ainsi qu’à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant l’accès aux activités non salariées et à l’exercice de celles-ci.

2. En ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, la suppression progressive des restrictions est subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice dans les différents États membres.

Article 62

Les dispositions des articles 51 à 54 inclus sont applicables à la matière régie par le présent chapitre (le chapitre Services).

Cet ensemble de dispositions, auquel s’ajoute l’article 114 du même traité, au titre duquel le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, a permis à l’Union européenne d’encadrer le marché des services, ainsi que de définir des professions réglementées.

C’est ainsi qu’en vertu de la directive dite « qualification professionnelle » (2) ont été définies les règles s’appliquant aux médecins, dentistes, infirmiers, vétérinaires, sages-femmes, pharmaciens et architectes, quant à la reconnaissance mutuelle entre États membres des qualifications professionnelles. Celle-ci porte notamment sur le niveau de qualification, la formation et l'expérience professionnelle.

Cette directive, modernisée en conformité avec le Livre vert de la Commission, de 2011, (3) puis par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013, a entraîné l’introduction d’une carte professionnelle européenne (4), la reconnaissance automatique de sept professions (5) ainsi qu’un système d’information du marché intérieur permettant une coopération accrue en matière de reconnaissance des diplômes.

Pour ce qui est des autres professions, enfin, pour lesquelles la reconnaissance mutuelle est moins aboutie, la directive 98/5/CE du 16 février 1998, par exemple, a permis aux avocats titulaires d'un titre professionnel d'un État membre de s'établir dans un autre État membre pour y exercer leur profession, avec la réserve que l'exercice de la représentation et de la défense en justice peuvent être soumis par cet État à l'exigence de l'assistance d'un avocat du pays. Les opérateurs de transport routier, les courtiers d’assurance ou encore les architectes font également l’objet de textes spécifiques.

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) assure, par une jurisprudence constante (6), l’application sans discrimination des réglementations nationales et de toute exigence nationale applicable aux qualifications, pour éviter d’entraver l’exercice de la liberté d’établissement, notamment, par les citoyens de l’Union.

Le cadre juridique européen ne permet toutefois pas, selon la Commission européenne, d’assurer une mobilité suffisante des travailleurs dans ces secteurs. Celle-ci estime que plusieurs facteurs expliquent cet état de fait.

Le manque d’harmonisation entre États membres dans la réglementation de ces professions aurait des répercussions négatives sur la prestation des services et la mobilité globale des travailleurs.

Les procédures de contrôle des réglementations nationales doivent permettre de pallier ces différences, afin d’appréhender pleinement leurs effets sur les parties prenantes et sur l’environnement commercial dans son ensemble. Or, la Commission européenne relève, au sein des motifs de la proposition examinée, que la majorité des évaluations actuelles n’est pas dûment motivée et qu’en l’état, les décisions réglementaires ne sont pas toujours fondées sur des analyses fiables et objectives, ni adoptées de manière ouverte et transparente. L’étude d’impact indique notamment qu’un tiers environ des évaluations de la proportionnalité n’a pas encore été réalisé, et ce près d’un an après la date de transposition. Parmi les évaluations reçues par la Commission européenne, il a été décidé, dans près de 70 % des cas, de maintenir le statu quo sur la base d’évaluations insuffisantes. Cette proportionnalité s’entend comme le juste équilibre entre des impératifs d’intérêt général, tels que la santé des consommateurs ou l’équilibre économiques des systèmes sociaux, et le bon fonctionnement du marché intérieur des services.

Enfin, la Commission européenne estime que, même lorsque les tests préalables sont fondés et que les réglementations font l’objet d’une analyse approfondie, tant qualitative que quantitative, cela n’a pas empêché que de nouvelles mesures restrictives soient introduites, notamment en ce qui concerne l’exercice des professions juridiques. Dès lors, les écarts entre États membres pourraient se creuser, de telle sorte que la fragmentation du marché aurait des conséquences négatives pour les consommateurs, mais aussi pour les nouveaux entrants dans ces marchés du travail segmentés.

A l’inverse, la Commission européenne estime que les bénéfices d’une intégration accrue entre les différents secteurs nationaux des professions réglementées seraient de l’ordre de 700 000 emplois supplémentaires, dès lors que sont supprimées les réglementations disproportionnées ou inutiles (7). C’est pourquoi cette proposition, inscrite dans le cadre de la stratégie pour un marché unique, vise à limiter au maximum toute forme d’entrave inutile à la liberté d’établissement.

La Commission européenne de Jean-Claude Juncker a érigé la stratégie pour le marché unique comme priorité pour accompagner la reprise économique et intensifier les échanges au sein du bloc continental. Elle s’est matérialisée dans une communication du 28 octobre 2015, « Améliorer le marché unique: de nouvelles opportunités pour les citoyens et les entreprises ». Considéré comme l’une des plus belles réussites européennes, le marché unique devrait, selon la Commission européenne, devenir à la fois approfondi et plus équitable, en intégrant notamment l’innovation et les chaînes de valeur internationales. Le Conseil dit « compétitivité », du 29 février 2016, a accueilli « favorablement les critères à utiliser par les États membres pour évaluer le caractère proportionné des projets de législation » et a réaffirmé « la nécessité de veiller à évaluer plus systématiquement le caractère proportionné des exigences et restrictions réglementaires applicables aux marchés des services », en invitant « la Commission à étendre le cadre à toutes les exigences et restrictions pertinentes ayant une incidence sur l'accès aux activités de service et sur leur exercice, pour ce qui concerne aussi bien les qualifications professionnelles que les autres exigences réglementaires. »

En particulier, la Commission européenne a souhaité faire du marché sans frontières une réalité pour les services professionnels, qui génèrerait 9 % du PIB de l’Union et 20 % de l’emploi européen. Selon la base de données dont elle dispose, l’Europe compte actuellement plus de 5 000 professions réglementées, regroupant plus de 50 millions de personnes.

C’est dans ce contexte que des mesures visant à introduire un « contrôle de la proportionnalité » ex ante, à l’occasion de la réforme de la réglementation des services professionnels, ont été proposées. L’objectif annoncé du texte est de libérer « un potentiel considérable d’amélioration de la croissance et de l’emploi par les États membres, car ceux-ci pourraient ainsi renforcer la transparence de leurs professions réglementées et effectuer une analyse plus approfondie du caractère proportionné des nouvelles règles envisagées avant leur adoption tout en réformant les professions réglementées afin d’en moderniser les conditions d’accès. »

C’est dans cette perspective que le contrôle de proportionnalité s’appliquerait, lors de l’introduction ou de la modification d’exigences concernant l’accès à une profession réglementée ou son exercice. Cette évaluation devrait :

La Commission européenne estime, notamment à partir de l’analyse des obstacles actuels à une pleine intégration du marché unique, que la proposition respecte le principe de subsidiarité. En effet, selon elle, les États membres ne sauraient mettre en place un cadre juridique cohérent à l’échelle de l’Union, seul à même de permettre de comparer les réglementations nationales en matière de professions réglementées.

Il demeure toutefois que le texte proposé suscite des réserves en matière de subsidiarité sur plusieurs points. C’est sans doute ce qui explique que la Commission a d’abord eu recours à des lignes directrices, via une communication en 2013, puis à la fourniture d’une grille et d’orientations favorisant la réalisation d’une évaluation mutuelle entre États membres pendant deux ans.

Les principales difficultés que contient cette proposition en matière de subsidiarité tiennent dans le partage des compétences entre États membres et Union européenne dans des domaines qui ne relèvent pas uniquement des services.

Dans le domaine de la santé, par exemple, en vertu de l’article 168 du TFUE, il est établi que l’action de l’Union complète les politiques nationales et que le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent adopter des mesures d’encouragement pour protéger et améliorer la santé humaine. Il en va de même dans le domaine du tourisme, en vertu de l’article 195 du même traité, ou encore dans le domaine de l’enseignement, selon l’article 165, qui pourraient être également affectés par la procédure de proportionnalité proposée par la Commission européenne.

Dès lors, l’introduction d’un contrôle ex ante de proportionnalité obligatoire pourrait contraindre la satisfaction d’objectifs nationaux tels que la protection la plus haute possible de la santé humaine ou une politique économique de promotion du tourisme décidée à l’échelon national.

C’est pourquoi la proposition de directive relative à un contrôle de proportionnalité avant l’adoption d’une nouvelle réglementation de professions ne paraît pas en tout point conforme au principe de subsidiarité.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 21 février 2017, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Merci Madame la Présidente. Je voulais vous remercier d’avoir saisi cette opportunité pour donner une présentation sage, juste mais aussi inquiétante.

Ces deux directives ne sont pas anodines. Lorsqu’on regarde ces deux textes qui relèvent du « paquet services » qui a été présenté par la Commission européenne en janvier, on voit bien qu’ils s’inscrivent dans la volonté de libérer la croissance dans le secteur des services, via un approfondissement, justement, du marché intérieur. Cette ligne est traduite dans la stratégie pour le marché unique qui a été annoncée. Les deux propositions de directive sont les derniers éléments en date puisqu’elles datent de Janvier.

Sur le premier texte, vous l’avez dit, Madame la Présidente, il s’agit d’une modernisation du système de notification en matière de services. Cependant, vous l’avez aussi signalé, il demeure des inquiétudes sur le fond. Ce sont des points qui motivent un avis d’infraction au principe de subsidiarité. D’un côté, l’extension démesurée du champ de la directive est un motif d’inquiétude, puisqu’elle pourrait limiter d’autant le champ d’intervention des États membres. Mais il y a aussi des contraintes qui pèsent sur la procédure parlementaire, qui pourraient s’avérer délétères. Pour ce qui est du droit d’amendement, par exemple, le délai proposé de trois mois implique que les parlementaires qui voudront exercer cette prérogative entraîneront une nouvelle notification. L’impossibilité, aussi, pour un État membre, d’appliquer une réglementation, lorsque la Commission Européenne l’alerte, pendant trois mois, peut aussi entrer en contradiction avec le calendrier parlementaire.

Au niveau de l’Allemagne, il y a aussi des inquiétudes et le Bundestag a été saisi ; d’autres États seront saisis. On peut donc craindre des risques quant à la bonne application de la loi. Juridiquement parlant, ce n’est peut-être pas suffisant mais politiquement, sur le fond, c’est très inquiétant. D’une part, nous souhaitons émettre un avis négatif et je partage votre proposition de faire en sorte qu’une mission d’information soit mise en place dès la nouvelle mandature.

Sur le second texte, c’est un peu différent. Il y a des éléments sur le plan juridique qui peuvent poser encore plus de questions. Dans le domaine des professions réglementées, pourrait être menacé aussi le bon exercice des règles, pourtant parfois mieux mis en œuvre à l’échelle nationale, en conformité avec l’article 5 du TUE. En matière de santé comme en matière de tourisme ou d’enseignement, les États conservent une pleine compétence, là où l’Union n’intervient qu’à titre d’appui. Un contrôle de proportionnalité ex ante pourrait donc contraindre l’exécution d’objectifs nationaux tels que la protection la plus haute possible de la santé humaine. Il y a là des questions inquiétantes.

De plus, est mentionné dans la directive que « les objectifs de la présente directive, à savoir la suppression des restrictions disproportionnées à l’accès aux professions réglementées ou à leur exercice, ne peuvent pas être atteints d’une manière suffisante par les États membres mais peuvent, en raison des dimensions de l’action, être mieux réalisés au niveau de l’Union ». Rien ne le prouve. La Commission européenne fait appel à des études indépendantes mais lesquelles ? Le lobbying demeure très présent au niveau européen, on l’a évoqué dernièrement dans la commission. Il y a plusieurs aspects dans cette directive qui motivent notre démarche et qui nous font dire aujourd’hui qu’il serait mieux de porter un avis négatif motivé sur ces deux textes.

Nous avons travaillé ensemble sur les deux propositions qui sont présentées ici. La première sur la directive relative à la notification et l’autre sur le contrôle de proportionnalité avant l’adoption d’une nouvelle réglementation de professions. On a rappelé, dans le premier avis le fait que la procédure de notification proposée entrave l’exercice du pouvoir législatif de telle sorte qu’une règle nationale qui pourrait mieux atteindre les objectifs de réglementation des activités de service pourrait être privée d’opposabilité. On a aussi rappelé que la mise en place d’une action préventive interdisant la mise en œuvre d’une mesure notifiée contraignait excessivement les capacités d’intervention des États membres. La position de la Commission Européenne ne justifie également pas suffisamment en quoi la modernisation de la procédure de notification permettrait de mieux satisfaire l’objectif d’approfondissement du marché intérieur des services à l’échelle de l’Union. C’est pour cette raison-là qu’on estime que la proposition de directive précitée n’est pas conforme au principe de subsidiarité. Telle est la proposition de l’avis pour le premier texte.

En ce qui concerne le second texte, on a relevé que la Commission européenne estimait que la réglementation par voie d’activité réservée ne devait être utilisée que si les mesures visent à prévenir le risque d’une atteinte grave aux objectifs d’intérêt général. On a rappelé que la Commission Européenne estime que la suppression des restrictions proportionnées à l’accès aux professions réglementées, ou à leur exercice, ne peut être une mise en œuvre d’une manière suffisante par les États membres. Considérant que la proposition de directive étend le champ du contrôle de proportionnalité aux professions réglementées qui relèvent du champ d’application de la directive de 2005 ; et considérant aussi que le contrôle de proportionnalité proposé pourrait atteindre la capacité des États membres de mettre en œuvre des réglementations en matière de santé, de tourisme, d’enseignement et, enfin, que l’action de l’Union dans les domaines de la protection de l’amélioration de la santé humaine et le tourisme ne doit que compléter celle des États membres, il apparaît que la proposition de directive précitée n’est pas conforme au principe de subsidiarité. Cela nous permet, à la fois sur le plan juridique pour le deuxième texte et sur le plan politique sur les deux textes, de donner un signal. On est en fin de mandature. Je pense que c’était important et sage de notre part de rappeler ces sujets fortement politiques. Ce n’est pas le moment de se diviser entre États membres.

La présidente Danielle Auroi. Nous avons donc les mêmes inquiétudes sur le fond. J’étais sur la démarche, c’est là notre différence. C’est un choix politique que vous faites, avec cette démarche qui porte sur le fond et non sur la forme est tout à fait respectable. Je m’abstiendrais sur ces deux textes. Il était tout de même important d’avoir cet échange. Je propose de mettre aux voix le texte. »

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Vu l’article 151-9 du règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 5 et 7 du traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 6 et 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 3 du protocole n° 1 sur le rôle des parlements nationaux annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu le protocole n° 2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un contrôle de proportionnalité avant l’adoption d’une nouvelle réglementation de professions, COM(2016) 822 final,

Considérant que la Commission européenne estime que la réglementation par voie d’activités réservées ne devrait être utilisée que si les mesures visent à prévenir le risque d’une atteinte grave à des objectifs d’intérêt général,

Considérant, également, que la Commission estime que la suppression des restrictions disproportionnées à l’accès aux professions réglementées ou à leur exercice ne peut pas être mise en œuvre d’une manière suffisante par les États membres,

Considérant que la proposition de directive étend le champ du contrôle de proportionnalité aux professions réglementées qui relèvent du champ d’application de la directive 2005/36/CE,

Considérant que le contrôle de proportionnalité proposé pourrait atteindre la capacité des États membres de mettre en œuvre des réglementations en matière de santé ou de tourisme,

Considérant que l’action de l’Union, dans les domaines de la protection et l’amélioration de la santé humaine et le tourisme, ne doit que compléter celle des États membres,

Estime ainsi que la proposition de directive précitée n’est pas conforme au principe de subsidiarité.

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION

The French National Assembly,

Having regard to article 88-6 of the Constitution,

Having regard to article 151-9 of the Rules of Procedure of the National Assembly,

Having regard to articles 5 and 7 of the Treaty on the European Union,

Having regard to articles 6 and 168 of the Treaty on the Functioning of the European Union

Having regard to article 3 of protocol n° 1 on the role of national parliaments annexed to the Treaty on the European Union and to the Treaty on the Functioning of the European Union,

Having regard to protocol n° 2 on the application of the principles of subsidiarity and proportionality annexed to the Treaty on the European Union and to the Treaty on the Functioning of the European Union,

Having regard to the directive of the European Parliament and of the Council concerning the monitoring of proportionality before the adoption of a new regulation on occupations COM (2016) 822 final,

Considering that the European Commission feels that regulation through the channel of reserved activities should only be used if such measures aim at preventing the risk of a serious threat to objectives of general interest,

Considering also that the Commission feels that the abolition of disproportionate restrictions concerning the access to regulated occupations or to their practice, cannot be implemented in a satisfactory way by the member states,

Considering that the draft proposition extends the scope of monitoring of proportionality to the occupations regulated by directive 2005/36/EC,

Considering that the proposed monitoring of proportionality could endanger the ability of member states to implement regulations in the field of health or of tourism,

Considering that the action of the Union, in the fields of the protection and the improvement of human health and of tourism, should but add to that of the member states

Feels that the aforementioned draft directive is not in compliance with the principle of subsidiarity.

1 () Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

2 () Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

3 () «Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles», (COM(2011)0367).

4 () Uniquement pour les professions suivantes : infirmiers responsables de soins généraux, pharmaciens, kinésithérapeutes, guides de montagne, agents immobiliers.

5 () Les architectes, les dentistes, les médecins, les infirmiers, les sages-femmes, les pharmaciens et les vétérinaires.

6 () Il en va ainsi des arrêts de la Cour dans les affaires C-340/89, Vlassopoulou, et C-55/94, Gebhard.

7 () «Measuring Prevalence and Labour Market impacts of Occupational Regulation in the EU» (Mesure de la prévalence et des incidences sur le marché du travail de la réglementation des professions dans l’UE), Maria Koumenta, Queen Mary University of London, et Mario Pagliero, Collegio Carlo Alberto Torino.