N° 577
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 janvier 2013.
PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,
Premier ministre,
par M. Laurent FABIUS,
ministre des affaires étrangères.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France et le Luxembourg appliquaient avant le 1er mai 2010 les dispositions de l’ancien règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté. Depuis cette date, le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ainsi que son règlement d’application en matière de coopération administrative dans le champ de la sécurité sociale sont entrés en vigueur. Par ailleurs, la France et le Luxembourg ont également conclu un accord bilatéral sur la sécurité sociale, en vigueur depuis le 1er août 2008, qui prévoit d’une part de préciser certaines dispositions applicables en matière d’assurance maladie-maternité, d’invalidité, de vieillesse et de survie, et d’autre part de faciliter le recouvrement des cotisations sociales et la récupération des prestations versées à tort.
Les dispositions communautaires ou bilatérales existantes sont insuffisamment développées pour la mise en place d’une coopération renforcée, concrète et directe entre les organismes de sécurité sociale de nos deux États. En particulier, elles prévoient seulement un échange d’informations sur des dossiers individuels et ne prévoient ni la transmission de fichiers à des fins de rapprochement ni les échanges à l’occasion de contrôles effectués sur le territoire de l’un des deux États.
C’est pourquoi les deux États ont entrepris de conclure cet accord sous forme d’échange de lettres signées à Paris le 11 avril 2011 et à Luxembourg le 17 juin 2011. Cet accord étend et modernise la coopération bilatérale, en particulier en vue de renforcer la lutte contre les fraudes, les erreurs et les abus dans le domaine de la sécurité sociale.
L’article 1er définit les termes employés dans l’accord. Ceux-ci ont la signification mentionnée dans le cadre du règlement (CE) n° 883/2004 précité. Il intègre en tant qu’autorité compétente, le ministère chargé de l’application de la règlementation relative aux prestations visées à l’article 3 qui ne relèvent pas du champ d’application matériel du règlement (CE) n° 883/2004 et, en tant qu’institutions compétentes, les organismes ayant en charge le versement de ces prestations ou le recouvrement des contributions correspondantes.
L’article 2 précise le champ d’application personnel comme recouvrant l’ensemble des personnes relevant du champ du règlement ainsi que les personnes éligibles aux prestations visées à l’article 3.
L’article 3 indique le champ d’application matériel de l’accord qui inclut l’échange de données et la coopération dont l’objectif vise à garantir non seulement l’application des législations de sécurité sociale conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 883/2004 mais en y ajoutant les prestations non contributives exclues du champ de ce règlement (Revenu de solidarité active pour la France).
L’article 4 définit le champ d’application territorial.
L’article 5 pose les principes généraux de coopération et d’obligation d’assistance tels qu’ils figurent dans le règlement (CE) n° 883/2004 (obligation d’assistance mutuelle, principe de gratuité de l’entraide administrative, authenticité des documents fournis). L’accord pose ensuite l’obligation de répondre à une demande d’une institution compétente dans un délai maximum de trois mois. En cas de demande urgente dûment motivée, l’accord impose à l’institution compétente de répondre dans les délais fixés.
L’article 6 rappelle les principales dispositions communautaires en matière de protection des données à caractère personnel (directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995) également applicables dans le cadre de la mise en œuvre de cet accord et en particulier les dispositions de droit interne propres à chaque État partie à l’accord, notamment concernant d’éventuelles autorisations préalables (Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)). Les données de nature fiscale peuvent ainsi être communiquées uniquement si la législation nationale permet cette transmission pour appliquer les dispositions en matière de sécurité sociale.
L’article 7 prévoit la transmission de fichiers de données à des fins d’exploitation et de rapprochement de fichiers en vue de la constatation de fraudes, d’abus ou d’erreurs en matière de prestations, de cotisations ou d’assujettissement. Ces contrôles portent sur les données relatives à l’état civil, la composition de la famille, la résidence, l’appréciation des ressources, l’exercice ou non d’une activité professionnelle ou encore le cumul de prestations. Ces opérations respectent le cadre juridique relatif à la protection des données à caractère personnel. Ces transmissions s’organisent conformément à des modalités prévues entre les institutions (dates, périodicité).
L’article 8 prévoit l’information directe et mutuelle des autorités compétentes au sujet des modifications législatives et réglementaires qui interviendraient à l’avenir et auraient un impact sur la coopération prévue par cet accord.
L’article 9 prévoit la possibilité pour un organisme de sécurité sociale, de contrôler la résidence d’une personne qui, sur cette base, soit bénéficie d’une prestation sociale soit est affilié à sa législation. Dans ce but, elle peut interroger une institution de l’autre État qui est tenue de lui répondre pour vérifier la qualité de résident de ladite personne.
L’article 10 permet à un organisme de sécurité sociale d’interroger un organisme de l’autre État pour vérifier les ressources d’une personne soumise à la législation de son État et ainsi, de contrôler l’assiette des cotisations et contributions dues à ce titre. Le contrôle des ressources peut également être mis en œuvre dans le cadre des contrôles de l’octroi de prestations sous conditions de ressources.
L’article 11 permet aux institutions d’échanger des informations dans le cadre de contrôles visant à vérifier l’absence de cumul de prestations lorsque ce cumul est interdit.
L’article 12 complète les articles 9 à 11 posant le principe de la possibilité de recueillir des informations dès lors qu’elles ont pour finalité de garantir une bonne application des droits en matière de prestations de sécurité sociale.
L’article 13 vise à permettre la saisine d’un organisme de sécurité sociale de l’autre État au stade de l’instruction d’une demande d’octroi d’une prestation sociale afin de vérifier que l’intéressé(e) remplit bien les conditions posées, que ces conditions soient liées à l’état civil, aux ressources ou encore à la résidence. L’organisme saisi d’une telle demande procède aux vérifications requises conformément aux dispositions de sa législation interne.
Si l’organisme saisi d’une demande de vérification constate que des prestations sociales ont été abusivement versées, il en informe l’organisme qui l’a contacté et ce, y compris en cas de suspicion de fraude ou d’erreur.
Enfin, en l’absence d’une saisine d’un organisme de sécurité sociale de l’autre État, si un organisme a connaissance d’informations, par exemple d’un changement de situation ayant un impact sur les droits aux prestations sociales, il peut en informer l’organisme intéressé.
L’article 14 permet aux institutions, sur la base des éléments recueillis dans le cadre de la coopération entre institutions des deux Parties, d’en tirer les conséquences sur les droits des bénéficiaires ou des cotisants. L’accord autorise ainsi de refuser, de suspendre ou de mettre fin au versement d’une prestation.
L’article 15 prévoit le contrôle par les organismes des deux États du respect des conditions de détachement lors de l’établissement de l’attestation concernant la législation applicable. Ces vérifications portent sur l’assujettissement du travailleur à la législation du pays d’origine avant son détachement, sur l’existence d’une activité réelle de l’entreprise détachant le travailleur dans le pays où elle est établie et sur le maintien du lien de subordination entre le travailleur détaché et l’employeur. Les États se communiquent les instructions données en ce sens à leurs organismes.
Si un organisme d’un État a connaissance d’informations relatives à un établissement erroné ou frauduleux de ladite attestation pour un travailleur originaire de l’autre État et détaché sur son territoire, il doit en informer l’organisme de départ, qui se prononce sur le maintien ou non du détachement.
L’article 16 permet aux institutions compétentes en charge du recouvrement et du contrôle de chaque État d’échanger toute information de nature à établir le droit au recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale.
L’article 17 institue une transmission annuelle de données statistiques en matière de détachement entre les organismes de liaison par voie électronique.
L’article 18 pose le principe d’une assistance mutuelle et de coopération en matière de contrôles et prévoit, en particulier, la possibilité d’échanger des agents entre organismes de sécurité de sécurité sociale pour appuyer des opérations de contrôle enclenchées par des agents de l’autre Partie.
L’article 19 permet la présence d’agents de l’autre État lors d’un contrôle organisé pour l’établissement correct des cotisations et contributions sociales, pour les contrôles de conditions de détachement ou encore de cumul de prestations. Les agents de l’autre État sont présents pendant un contrôle uniquement en qualité d’observateurs et doivent justifier de leur qualité.
L’article 20 vise à permettre la demande d’un organisme d’une Partie à l’organisme de l’autre Partie en vue de vérifier le bien-fondé des arrêts de travail d’un salarié qui serait soumis à la législation du premier État et résiderait sur le territoire du second État. Ce dernier informe l’organisme demandeur des constatations faites à l’issue de ces contrôles.
L’organisme de la première Partie peut, en outre, mandater un médecin de son choix exerçant sur le territoire de la seconde Partie afin d’effectuer une visite de contrôle au domicile du salarié.
L’article 21 prévoit la conclusion entre les autorités compétentes d’un arrangement administratif pour déterminer les modalités de mise en œuvre de cet accord.
L’article 22 pose le principe classique de règlement à l’amiable des différends qui pourraient intervenir quant à l’interprétation ou l’application de l’accord.
L’article 23 introduit une clause d’adaptabilité destinée à garantir la cohérence de cet accord avec les dispositions contenues dans les règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale (n° 883/2004 et ses règlements d’application).
L’article 24 prévoit une durée indéterminée d’application de l’accord et les modalités de sa dénonciation.
L’article 25, de facture classique, concerne l’entrée en vigueur de l’accord.
Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale (ensemble une annexe), signées à Paris, le 11 avril 2011 et à Luxembourg, le 17 juin 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 9 janvier 2013.
Signé : Jean-Marc AYRAULT
Par le Premier ministre : |
© Assemblée nationale