N° 813
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mars 2013.
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
relatif à la démocratie sociale,
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. François HOLLANDE,
Président de la République,
par M. Jean-Marc AYRAULT,
Premier ministre,
et par Mme Christiane TAUBIRA,
garde des sceaux, ministre de la justice.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France, comme beaucoup de grandes démocraties, reconnaît une place importante au dialogue social et à la négociation collective. Le préambule de la Constitution de 1946 affirme, en son huitième alinéa : « Tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ».
Cette reconnaissance du rôle des partenaires sociaux et de leur légitimité à agir pour organiser les relations du travail est un combat qui a marqué les dernières décennies. Du fait syndical enfin reconnu dans les entreprises après les grandes grèves de mai 1968 au grand accord interprofessionnel sur la formation de 1970, des lois Auroux de 1982 à la loi Larcher de janvier 2007, ce long combat a progressivement consolidé l’ambition d’une démocratie sociale. La grande conférence sociale de juillet 2012, suivie notamment de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, a marqué une nouvelle étape dans la reconnaissance des apports essentiels du dialogue social.
Il est temps d’inscrire la démocratie sociale dans notre loi fondamentale.
Le présent projet de loi crée donc dans la Constitution un nouveau titre, consacré au dialogue social préalable à la loi.
En s’inspirant du mécanisme introduit à l’article L. 1 du code du travail par la loi du 31 janvier 2007, et des protocoles adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat pour ce qui concerne les propositions de loi, le projet de loi dispose que les organisations syndicales représentatives de salariés et d’employeurs seront désormais mises en mesure de négocier préalablement à l’adoption de tout projet de loi ou d’ordonnance ou de toute proposition de loi portant réforme en matière de droit du travail, d’emploi ou de formation professionnelle. Le projet de loi ou d’ordonnance ne pourra être délibéré en conseil des ministres et la proposition de loi être inscrite à l’ordre du jour d’une des deux assemblées qu’au terme de cette procédure. Seule une situation d’urgence pourra justifier de ne pas suivre cette procédure.
Une loi organique précisera les conditions d’application de ce nouvel article.
Le projet de loi constitutionnelle ne définit pas un domaine réservé aux partenaires sociaux pour élaborer directement la norme. Un tel changement, étranger à notre vision de la démocratie politique, n’était souhaité ni par les partenaires sociaux, ni par le Parlement, ni par le Gouvernement.
Le législateur garde ses prérogatives institutionnelles d’auteur de la loi. Mais il tiendra compte et se nourrira des accords nationaux interprofessionnels signés dans ce cadre par les partenaires sociaux.
Ce projet s’inscrit donc au cœur du mouvement de renouveau démocratique engagé dans notre pays.
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Le Président de la République,
Sur la proposition du Premier ministre,
Vu l’article 89 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui sera chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Après le titre V de la Constitution, il est inséré un titre V bis intitulé « Du dialogue social préalable à la loi » et comportant un article 51-3 ainsi rédigé :
« Art. 51-3. – Tout projet de loi ou d’ordonnance ou toute proposition de loi qui procède à une réforme en matière de relations individuelles et collectives du travail, d’emploi ou de formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle ne peut, sauf en cas d’urgence, être délibéré en conseil des ministres ou inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou du Sénat sans que les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives aient été mises en mesure de négocier, si elles le souhaitent, sur l’objet de cette réforme.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par une loi organique. »
L’article 51-3 de la Constitution, dans sa rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entre en vigueur dans les conditions fixées par la loi organique nécessaire à son application.
Fait à Paris, le 14 mars 2013.
Signé : François HOLLANDE
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