N° 3153
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2015.
PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République
de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Manuel VALLS,
Premier ministre,
par M. Laurent FABIUS,
ministre des affaires étrangères et du développement international.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu a été signée à Singapour le 15 janvier 2015. Elle a vocation à se substituer à la convention fiscale franco-singapourienne du 9 septembre 1974 actuellement en vigueur.
Le texte est conforme dans ses grandes lignes au modèle de convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sous réserve des aménagements liés aux spécificités de la législation des deux États.
Les principales stipulations de la convention sont les suivantes :
La République de Singapour ne disposant pas d’impôt sur la fortune, la convention ne vise que les impôts sur le revenu.
L’article 1erprécise que la convention s’applique aux résidents d’un État contractant ou des deux.
L’article 2 énumère les impôts couverts par la convention.
Côté français, la convention vise l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, les contributions sur l’impôt sur les sociétés, les contributions sociales généralisées et les contributions pour le remboursement de la dette sociale.
Côté singapourien, est visé l’impôt sur le revenu.
L’article 3 énonce, selon l’usage, les définitions nécessaires à l’interprétation de certains termes utilisés dans la convention et la règle générale applicable en l’absence d’une telle définition.
L’article 4 définit la notion de résidence, laquelle constitue un critère essentiel de répartition des droits d’imposer entre les deux États, s’inspirant largement du modèle de l’OCDE.
L’article 5, conforme au modèle de l’OCDE, reprend la notion d’établissement stable.
Le paragraphe 3 reprend les stipulations issues du modèle de convention fiscale de l’Organisation des nations unies.
Toutefois, la durée minimale requise pour considérer que les chantiers sont constitutifs d’un établissement stable a été portée de six mois - convention de 1974 - à douze mois, durée prévalant dans le modèle OCDE.
L’article 6 prévoit, comme il est d’usage, l’imposition des revenus de biens immobiliers au lieu de situation de ceux-ci.
L’article 7 précise les règles d’attribution et de détermination des bénéfices des entreprises.
Il est ainsi prévu qu’une entreprise d’un État qui exerce une activité sur le territoire de l’autre État contractant n’est imposable dans cet autre État que si l’activité y est exercée par l’intermédiaire d’un établissement stable et uniquement à raison des bénéfices dégagés par celui-ci.
L’article 8 prévoit, conformément au modèle de l’OCDE, que les bénéfices d’une entreprise provenant de l’exploitation en trafic international de navires ou d’aéronefs ne sont imposables que dans l’État contractant où le siège de direction effective de l’entreprise est situé.
L’article 9 règle, conformément au principe de pleine concurrence posé par le modèle de l’OCDE, le cas des transferts de bénéfices entre entreprises associées.
L’article 10 pose le principe de l’imposition des dividendes dans l’État de résidence de leur bénéficiaire et prévoit également la possibilité que celui de la source puisse les imposer aux taux maximum suivants :
– 5 % du montant brut des dividendes lorsque le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital social de la société qui paie les dividendes ;
– 15 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas.
La définition des dividendes (article 10, paragraphe 3) s’inspire largement du modèle de convention de l’OCDE. Toutefois, afin de lever le doute sur l’article de la convention à appliquer aux revenus réputés distribués, il est précisé que le terme de « dividendes » inclut les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l’État contractant dont la société distributrice est un résident.
Le paragraphe 4 clarifie les modalités d’imposition des revenus réalisés par les véhicules d’investissements immobiliers.
L’article 11 stipule que les intérêts provenant d’un État contractant et payés à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.
Toutefois, l’État d’où proviennent les intérêts conserve le droit de les imposer à un taux n’excédant pas 10 % de leur montant brut.
Le paragraphe 3 prévoit un certain nombre d’exonérations de retenue à la source en faveur des personnes publiques prévues par les commentaires du modèle OCDE et lorsque les intérêts sont payés entre deux entreprises privées.
La définition des intérêts (paragraphe 4) exclut désormais expressément les pénalisations pour paiement tardif, conformément au modèle de l’OCDE.
L’article 12 fixe le régime applicable aux redevances.
Conformément au modèle de l’OCDE, il prévoit une imposition exclusive des redevances dans l’État contractant dont le bénéficiaire effectif est un résident.
Le paragraphe 3 étend la définition des redevances aux rémunérations payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur les films ou bandes utilisés pour les émissions radiophoniques ou télévisées ainsi que d’un équipement industriel, commercial ou scientifique, conformément à la convention de 1974 et au modèle de l’ONU.
L’article 13 définit le régime applicable aux gains en capital.
Un principe d’imposition à la résidence des gains en capital (paragraphe 4), conforme au modèle de l’OCDE, est adopté.
Conformément à sa pratique habituelle et au principe posé par l’OCDE, la rédaction du paragraphe 3 permet à la France d’appliquer sa législation pour l’imposition des plus-values de cessions de titres, actions, parts ou autres droits dans des sociétés ou autres entités à prépondérance immobilière. Ne sont pas pris en considération les biens immobiliers affectés par une telle société à sa propre activité d’entreprise.
L’article 14 reprend les règles du modèle de l’OCDE pour l’imposition des rémunérations d’un emploi dépendant du secteur privé.
Il retient ainsi le principe de l’imposition des salaires dans l’État d’exercice de l’activité (paragraphe 1) mais prévoit également une exception pour le cas des missions temporaires effectuées dans un État par un résident de l’autre (paragraphe 2).
Contrairement au modèle OCDE, le paragraphe 3 prévoit néanmoins une imposition exclusive des rémunérations liées à un emploi salarié exercé à bord d’un navire ou d’un aéronef en trafic international, dans l’État contractant où le siège de direction effective de l’entreprise est situé.
L’article 15 prévoit l’imposition à la source des rémunérations des administrateurs de sociétés, conformément au modèle de l’OCDE.
L’article 16 relatif aux professionnels du spectacle et sportifs prévoit que les revenus versés à ceux-ci dans le cadre d’activités artistiques et sportives sont imposables dans l’État d’exercice de l’activité.
Cet article stipule en outre que l’État qui finance de manière importante de telles activités conserve le droit d’imposer les revenus correspondants (paragraphes 2 et 3).
L’article 17 relatif aux pensions du secteur privé prévoit une imposition dans l’État de résidence du bénéficiaire, conformément au modèle de l’OCDE.
L’article 18 définit le régime d’imposition des rémunérations et des pensions correspondant aux fonctions publiques.
Il maintient conformément au modèle de l’OCDE, le principe de l’imposition exclusive de ces revenus dans l’État de la source.
L’imposition est toutefois réservée à celui de la résidence lorsque les services sont rendus dans ce second État et que le bénéficiaire des rémunérations ou pensions en est un résident et en possède la nationalité sans posséder en même temps celle du premier.
L’article 19 permet d’exonérer, dans l’État où ils séjournent et sous certaines conditions, des sommes perçues par les étudiants et stagiaires.
L’article 20 exonère dans l’État d’exercice de l’activité, pour une période n’excédant pas deux années, les rémunérations des enseignants et des chercheurs qui, étant précédemment résidents de l’autre État contractant, séjournent dans le premier aux seules fins d’y enseigner ou de s’y livrer à la recherche.
L’article 21 concerne le régime fiscal des revenus qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la convention.
Selon la règle habituelle, ces revenus ne sont imposables que dans l’État de résidence de leur bénéficiaire, à moins qu’ils ne soient rattachables à un établissement stable que leur bénéficiaire possède dans l’autre.
Par ailleurs le paragraphe 3, non prévu par le modèle OCDE, définit les modalités d’imposition des sommes perçues d’un plan d’épargne complémentaire. Dans ce cadre, le montant retiré par un résident d’un État d’un tel plan est imposable dans celui de la source lorsque ce dernier a accordé une déduction fiscale sur les cotisations.
L’article 22 institue une clause de limitation des avantages. Il prévoit notamment, dans les cas d’imposition partagée, de limiter les exonérations ou réductions d’impôts accordées en France (état de source) à la seule fraction des revenus perçus et imposés à Singapour.
L’article 23 traite des modalités d’élimination des doubles impositions.
La France retient une combinaison de trois méthodes, couramment utilisées, pour l’élimination des doubles impositions sur les revenus provenant de la République de Singapour et perçus par un résident.
Pour les revenus dont l’imposition est partagée et soumis à une retenue à la source à Singapour (dividendes et intérêts notamment), le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt singapourien effectivement payé à titre définitif. Lorsqu’il excède l’impôt français correspondant à ces revenus, ce crédit est limité au montant de ce dernier.
Pour les autres revenus, le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus. Cette méthode équivaut à une exemption tout en permettant de préserver la progressivité de notre système fiscal.
Enfin, en cohérence avec le régime mère-fille prévu par la législation interne, les dividendes de source singapourienne reçus par une société résidente de France sont exonérés d’impôt sur les sociétés si elle détient au moins 10 % du capital de celle qui distribue.
Par ailleurs, la France met un terme au dispositif de crédits d’impôts fictifs prévu par la convention de 1974. Cette suppression sera favorable aux intérêts du Trésor.
De l’autre côté, lorsqu’un résident de Singapour reçoit des revenus provenant de France et imposables dans cet État, ils bénéficient d’une exemption à Singapour, sous réserve du respect des dispositions prévues par la loi sur l’impôt sur le revenu (« Singapore Income Tax Act »).
Si ces dispositions ne sont pas satisfaites, Singapour accorde, directement ou par déduction, un crédit d’impôt sur l’impôt singapourien égal à l’impôt payé en France.
Par ailleurs, une exemption d’impôt sur les sociétés à Singapour est également prévue dans le cas des dividendes payés à une société résidente de cet État par une filiale française détenue à 10 % au moins.
L’article 24 s’inspire des clauses de non-discrimination prévues dans les conventions conclues par la France. Le paragraphe 6, contrairement au modèle OCDE, en limite la portée aux seuls impôts visés par la convention.
L’article 25 relatif à la procédure amiable est similaire au modèle de l’OCDE à l’exception du paragraphe 5 relatif à l’arbitrage qui n’a pas été repris.
L’article 26 relatif à l’échange de renseignements est conforme au dernier standard de l’OCDE. Le paragraphe 2 introduit par ailleurs la possibilité que les renseignements reçus par un État contractant soient utilisés à d’autres fins lorsque les lois des deux parties le permettent et que l’autorité compétente de celle qui les fournit l’autorise.
L’article 27 est relatif aux membres des missions diplomatiques, consulaires et aux organisations internationales.
L’article 28 prévoit, à la demande de la France, une clause générale visant à lutter contre les abus. Les réductions ou exonérations d’impôts, prévues par la présente convention, ne sont pas accordées en cas d’opérations principalement réalisées à des fins d’optimisation fiscale.
L’article 29 précise les modalités et l’entrée en vigueur de la convention ainsi que les dates de prise d’effet de ses stipulations pour les différents impôts.
Une phase transitoire de 12 mois après l’entrée en vigueur de la convention est prévue, pendant laquelle les crédits d’impôts fictifs continueront à s’appliquer aux intérêts et aux redevances. De plus, afin de ne pas remettre en cause l’équilibre économique des opérations actuellement conduites par les entreprises, le paragraphe 4 prévoit que les contrats de crédit-bail définis ou les prêts conclus avant le 1er mars 2012 continueront à bénéficier du dispositif des crédits d’impôts fictifs pour leur durée restant à courir.
L’article 30 arrête les modalités selon lesquelles la convention pourra être dénoncée.
Telles sont les principales observations qu’appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, signée à Singapour le 15 janvier 2015.
Celle-ci, ayant pour objet de fixer un certain nombre de règles qui conditionnent l’étendue des obligations fiscales des contribuables français et singapouriens en fonction du régime fiscal qui leur est applicable dans l’un et l’autre État, entre dans le domaine de la loi et doit faire l’objet d’une autorisation d’approbation parlementaire au sens de l’article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, signée à Singapour le 15 janvier 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 21 octobre 2015.
Signé : Manuel VALLS
Par le Premier ministre : |
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