N° 499
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.
PROPOSITION DE LOI
visant à faire figurer la mention « non fabriqué par des enfants » sur les produits importés distribués en France,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Marc LE FUR,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le travail des enfants est une réalité qui ne concerne pas exclusivement les pays en voie de développement. En 2001 le Bureau international du travail recensait 246 millions de petits travailleurs dans le monde. Âgés de 5 à 17 ans, plus de la moitié d’entre eux travaillent à plein temps ! La majorité des enfants travaillent dans l’agriculture. L’artisanat et l’industrie sont aussi des secteurs clés : manipulation des fours où coule du verre fondu en Inde, fabrication de tapis au Népal et au Pakistan…
Selon le rapport du BIT (2001), dans le groupe des enfants de 5 à 17 ans, un sur six – soit 246 millions – est astreint au travail. Plus préoccupant encore, un sur huit – soit 179 millions d’enfants – est encore assujetti aux pires formes de travail, celles qui mettent en danger sa santé physique ou mentale ou sa moralité.
Par ailleurs :
– environ 111 millions d’enfants de moins de 15 ans sont astreints à des travaux dangereux et devraient y être immédiatement soustraits ;
– 59 millions de jeunes de 15 à 17 ans eux aussi affectés à un travail dangereux devraient bénéficier de toute urgence d’une protection ou être soustraits à ce travail ;
– 8,4 millions d’enfants sont assujettis à des travaux relevant des pires formes de travail des enfants, car il s’agit d’activités intrinsèquement condamnables : esclavage, traite, servitude pour dettes et autres formes de travail forcé comme le recrutement forcé en vue de la participation à des conflits armés, la prostitution, la pornographie, le trafic de drogues et autres activités illicites.
Le travail des enfants reste un phénomène mondial, auquel aucun pays ni aucune région n’échappe. Les crises de toutes sortes – catastrophes naturelles, chocs économiques, pandémie du VIH/SIDA, conflits armés – ont notamment pour effet de pousser un nombre croissant de jeunes vers des formes de travail débilitantes, parfois illégales et clandestines.
Le BIT présente des chiffres qui s’écartent sensiblement des estimations les plus fiables dont on disposait en 1996, et qui fixaient à quelque 250 millions le nombre d’enfants de 5 à 14 ans astreints au travail dans les pays en développement. Il indique que les méthodes les plus récentes de collecte de données offrent une représentation plus précise du travail des enfants et, en particulier, de son incidence selon les classes d’âge et les régions, de sorte que les nouvelles estimations ne se prêtent pas à une comparaison directe avec les précédentes. Le travail des enfants à l’aube du XXIe siècle y est décrit comme un phénomène infiniment volatil revêtant les formes les plus variées. Sur la base des données les plus récentes, il est estimé que 352 millions d’enfants de 5 à 14 ans exercent aujourd’hui une activité économique d’un type ou d’un autre.
Sur ce total, 106 millions sont affectés à des types de travaux acceptables pour des enfants ayant atteint l’âge minimum d’admission à l’emploi (généralement 15 ans), ou à des travaux légers tels que les tâches ménagères ou des travaux rentrant dans le cadre de leur éducation (voir convention de l’OIT – nº 138 – sur l’âge minimum, 1973).
Il en résulte que 246 millions d’enfants sont astreints à des formes de travail qu’il faut abolir. Le BIT estime que le principal obstacle à l’abolition effective du travail des enfants est sa prépondérance dans un secteur qui échappe au contrôle de la plupart des institutions officielles, indépendamment des moyens économiques du pays. On distingue :
– les enfants producteurs (mines, verres, tapis),
– les enfants en servitude pour dettes (c’est le cas en Asie par exemple),
– les enfants esclaves (domesticité et prostitution). Dès 5 ans en Afrique,
– les enfants travailleurs dans leur famille ou leur communauté (1/3 de la main-d’œuvre agricole dans certains pays en développement),
– les filles qui participent aux tâches domestiques ne sont pas considérées au travail.
L’Unicef et d’autres organisations font la distinction entre le travail acceptable, qui apporte formation et statut à l’enfant et le travail intolérable, qui entrave son développement intellectuel, physique et psychologique.
D’un bout à l’autre de la Terre, on retrouve des enfants dans les champs, dans les mines, les ateliers ou dans les cuisines. L’agriculture est encore la plus grande utilisatrice d’enfants. Ce travail est souvent organisé de telle manière que les enfants doivent travailler aussi longtemps et durement que leurs parents. La mortalité, la malnutrition et l’analphabétisme sont presque partout plus élevés dans les campagnes que dans les villes. On trouve des enfants qui fondent des tôles d’acier, tissent des tapis ou fabriquent des allumettes. Les locaux sont souvent sans air et sans lumière : on les appelle les « ateliers à sueur ». Les enfants qui travaillent comme domestiques sont en général loués ou même vendus à des familles plus riches. Dans l’immense majorité, il s’agit de fillettes, souvent de moins de 13 ans, qui habitent chez l’employeur. Bien des enquêteurs pensent que les cas de mauvais traitements sont fréquents. Ce sont peut-être, de tous les enfants au travail, ceux qui sont le plus exploités et qui peuvent le moins se défendre car ils vivent totalement isolés. Et puis il y a tous les enfants des rues : certains jeunes chassés de chez eux par la misère, ou orphelin, vivent entièrement dans la rue. Ils survivent en vendant des cigarettes ou des chewing-gums, cirent des chaussures, lavent des voitures, chantent sur les trottoirs ou bien mendient. Beaucoup d’entre eux basculent dans la délinquance et la prostitution.
Arrachés à l’enfance pour des raisons économiques et/ou politiques, ils font les frais de la misère, d’une crise, d’une guerre... parce qu’il constitue une main-d’œuvre docile, l’enfant est de plus en plus exploité : des champs à la mine rien ne lui est épargné. Recherché pour sa souplesse et son petit gabarit, ou simplement pour son joli minois, il piochera dans les mines de charbon en Colombie, s’intoxiquera les poumons dans les tanneries du Pakistan, ou passera des heures dans la chaleur des sunlights d’une quelconque agence de pub. Depuis 30 ans le phénomène a considérablement évolué, et le travail de l’enfant s’apparente de moins en moins à un apprentissage. La crise économique, l’endettement des pays pauvres, les programmes d’ajustement structurel et d’austérité économique imposés par le Fond monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont conduit à des coupes claires dans les budgets sociaux et d’éducation. Les enfants ont été contraints de travailler pour survivre, et des employeurs sans scrupules ou poussés eux aussi par le besoin, se sont précipités sur cette main-d’œuvre. Dans bien des cas c’est l’enfant qui subvient aux besoins de la famille.
Les principaux facteurs du travail des enfants sont les suivants :
– pauvreté,
– analphabétisme,
– différence de salaire négligeable entre adultes et enfants,
– décès ou absence permanente du père,
– le niveau de sous-développement rural,
– conditions de vie dans les quartiers pauvres de la ville,
– impossibilité du système scolaire de garantir un emploi futur,
– exigences physiques spécifiques pour effectuer certaines tâches (mines, tissage des tapis, etc.),
– enfants abandonnés ou errants,
– école buissonnière,
– familles nombreuses,
– emploi des parents.
Le boycott des produits fabriqués par les enfants est un indéniable outil de pression : le témoignage du petit Iqbal Masih avait dévoilé le vrai visage de la fabrication des tapis au Pakistan. C’est sans doute pour cela qu’il a été assassiné, et son assassinat en 1995 n’a fait que renforcer la réaction du public : le chiffre d’affaires de l’exportation de tapis a plongé. Sans cette baisse les fabricants et exportateurs de tapis n’auraient jamais signé en 1998 un accord avec le BIT concernant le retrait de 8 000 petits tisserands à domicile.
Mais un boycott peut avoir des effets pervers. En 1992-1993, quand les États-Unis débattaient d’une éventuelle interdiction de biens produits par les enfants, plusieurs usines textiles du Bangladesh, craignant une chute des commandes, ont procédé au débauchage de quelque 50 000 enfants, surtout des filles. Pour continuer de subvenir aux besoins de la famille beaucoup ont dû se tourner vers des métiers informels ou plus dangereux (casseurs de pierres par exemple). Certains ont échoué dans la prostitution.
Le boycott constitue donc une arme à double tranchant. Cet effet de semonce sur les employeurs ne doit être utilisé que pour organiser un retour à la scolarisation des enfants, il faut donc pour cela en donner les moyens à ces pays.
Aussi, afin de lutter contre le travail des enfants dans le monde, toute mesure de rétorsion économique doit être accompagnée d’un dispositif de soutien scolaire et de codéveloppement.
C’est pourquoi je vous demande que notre Assemblée permette de proposer une impulsion pour que cesse l’exploitation des enfants, et stigmatise les entreprises qui ne respecteraient pas ce souci de donner aux enfants du monde un avenir meilleur que celui dont ils doivent trop souvent s’accommoder. Le consommateur doit être informé par le biais d’un logo assorti d’un pictogramme destiné aux malvoyants et aux enfants, faisant figurer la mention « non fabriqué par des enfants », afin qu’il puisse privilégier les produits respectueux des droits de l’enfant au sens de la convention internationale des droits de l’enfant.
Espérant pouvoir compter sur votre soutien, je vous prie de croire, cher(e) collègue, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
PROPOSITION DE LOI
Il est créé un signe d’identification visuelle officiel, dénommé logo, indiquant qu’un produit n’a pas été fabriqué de manière directe ou indirecte par des enfants. Ce logo doit être visible et compris par tous.
Un décret en Conseil d’État fixe, après consultation du Défenseur des enfants, le modèle du logo officiel et ses modalités d’utilisation.
Est considéré comme enfant au sens de la présente loi tout mineur de moins de seize ans.
Le Gouvernement adresse un rapport au Parlement sur l’exécution de la présente loi un an après son entrée en vigueur.
© Assemblée nationale