N° 695
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2013.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Franck MARLIN, Damien ABAD, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Patrick BALKANY, Marcel BONNOT, Xavier BRETON, Philippe COCHET, Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Laure de LA RAUDIÈRE, Jean-Pierre DECOOL, Stéphane DEMILLY, Nicolas DHUICQ, Marianne DUBOIS, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Jean-Christophe FROMANTIN, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Bernard GÉRARD, Philippe GOSSELIN, Anne GROMMERCH, Jean-Claude GUIBAL, Christophe GUILLOTEAU, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Jacques LAMBLIN, Guillaume LARRIVÉ, Marc LE FUR, Dominique LE MÈNER, Maurice LEROY, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Alain MARTY, Philippe MEUNIER, Jean-Claude MIGNON, Jean-Luc MOUDENC, Jacques PÉLISSARD, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Arnaud ROBINET, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Alain SUGUENOT, Michèle TABAROT, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Michel TERROT, Guy TEISSIER, Patrice VERCHÈRE, Jean-Pierre VIGIER, François-Xavier VILLAIN, Michel VOISIN et Michel ZUMKELLER,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Nous avons tous à cœur de favoriser la préservation du patrimoine automobile français des véhicules de collection légers ou poids-lourds, qu’ils soient issus de l’industrie française, européenne ou encore importés par les alliés lors des dernières guerres mondiales. Il en est de même pour les véhicules deux-roues motorisés de collection. Or les contraintes imposées par un contrôle technique et, pour certains, le coût prohibitif de l’immatriculation liée à la cylindrée et au nombre de chevaux fiscaux appliqués aux véhicules anciens, considérés comme des véhicules de collection selon les dispositions de l’article R. 311-1 (6.3) du code de la route, nuisent considérablement à cet objectif.
L’absence de nécessité d’économiser l’énergie avant le premier choc pétrolier de 1973 a conduit nombre de constructeurs automobiles à produire des modèles disposant d’une importante cylindrée et comprenant jusqu’à 40 ou 50 chevaux fiscaux sur des voitures de grandes séries.
De même, certains véhicules spéciaux ou certains camions peuvent couramment relever d’une puissance fiscale allant jusqu’à 100 chevaux fiscaux, voire plus dans certains cas.
Or, avec un prix de 27 à 51,20 euros par cheval fiscal selon les régions pour 2012, et une hausse qui a pu atteindre 28 % entre 2011 et 2012, le montant à payer peut rapidement devenir prohibitif et constituer un frein à la préservation de certains véhicules dont les caractéristiques techniques mériteraient pourtant qu’ils soient préservés.
En tout état de cause, il convient de noter que la mesure demandée aurait un impact négligeable sur le budget de l’État.
En effet, sur les vingt dernières années, moins de 5 000 véhicules (tous types, catégories et cylindrées confondus) sont immatriculés en moyenne chaque année en France dans la catégorie « véhicule de collection », tandis que comparativement, plus de 1 million d’immatriculations ont lieu, tous les ans en France, uniquement en ce qui concerne les automobiles neuves.
Par ailleurs, à la suite de trois arrêtés du 14 octobre 2009 (NOR : DEVE0924224A, NOR : DEVE0924266A et NOR : DEVE0924298A) et des articles 3 et 4 du décret n° 2011-2046 du 29 décembre 2011, tous les véhicules de collection de plus de trente ans d’âge doivent désormais faire l’objet d’un contrôle technique favorable préalable à l’établissement du certificat d’immatriculation avec la mention relative à l’usage « véhicule de collection », ainsi qu’un contrôle technique périodique à intervalle régulier n’excédant pas cinq ans. Or, nombre de collectionneurs font remarquer la disproportion et le coût prohibitif des mesures imposées, ainsi que les nombreuses difficultés pour leur mise en œuvre.
En effet, il convient de signaler que la dernière étude détaillée, intitulée « enquête économique et sociale FIVA » portant sur les véhicules de plus de 25 ans d’âge au 30 juin 2005, a permis d’établir que sur un total de 660 000 véhicules de collection (soit 1,37 % du parc automobile français total), 74 % des véhicules font moins de 1 500 kms par an, 27 % font moins de 500 kms par an et 19 % ne roulent pas du tout. En fait, l’impact sur la circulation (distance parcourue) est de 0,09 %. Les conséquences en matière de pollution et de sécurité routière sont donc totalement insignifiantes.
Cette étude a également permis de constater que le « collectionneur moyen » est un homme d’une cinquantaine d’années, expérimenté, et n’est pas le riche propriétaire que l’on décrit trop souvent, puisque 30 % gagnent moins de 30 000 euros par an et 65 % moins de 50 000 euros annuels. Ces chiffres sont encore plus bas pour les collectionneurs de cyclomoteurs. Enfin, 83 % des véhicules, hors cyclomoteurs, valent moins de 15 000 euros.
De plus, certains collectionneurs disposent de plusieurs véhicules qu’ils ont restaurés dont des poids lourds notamment. Or, si le prix d’un contrôle technique moyen pour une automobile est de 70 euros, il est sans commune mesure pour celui d’un poids lourd et a fortiori pour plusieurs. D’autant qu’il existe des frais annexes liés au déplacement pour effectuer le contrôle, le plus souvent sur porte-engin, qui peuvent multiplier le montant de la facture par 5 à 10 fois le prix de l’opération de contrôle initiale.
Quant aux cyclomoteurs, les coûts engendrés seraient démesurés face à la valeur marchande des véhicules concernés, souvent proches de la valeur de l’engin lui-même pour un seul contrôle ; or, de par le coût d’achat très faible et l’encombrement minime, les collectionneurs en possèdent souvent plusieurs dizaines. Le coût serait également disproportionné en regard du kilométrage parcouru : en raison de leur conception, il est bien difficile d’effectuer de longs trajets avec ces cyclomoteurs anciens. Et, là encore, un moyen de transport vers les centres de contrôle serait nécessaire.
De surcroît, pour ces deux-roues, l’obligation d’immatriculation datant du 1er janvier 2011, leur date d’immatriculation récente leur interdit l’accès au régime dit « de collection » permettant des contrôles techniques : c’est bientôt tous les ans qu’il faudra passer un contrôle pour un véhicule qui n’aura vraisemblablement roulé que quelques dizaines de kilomètres dans l’intervalle. Nombre de passionnés renoncent déjà à leur immatriculation, compte tenu des difficultés administratives rencontrées dans certains départements, et du coût d’achat de plaque minéralogique et de fabrication d’un support de plaque spécifique.
En tout état de cause, compte tenu du fait que trois quarts des véhicules immatriculés en collection font moins de 1 500 kms par an, alors que les véhicules d’usage courant parcourent entre 15 000 et 25 000 kms par an, les véhicules de collection sont contrôlés en moyenne cinq fois plus souvent en regard du kilométrage parcouru.
Il faut ajouter que vu le peu de véhicules concernés et le très faible kilométrage parcouru (souvent moins de 200 kms par an) pour les véhicules Poids Lourds (PL) immatriculés en carte grise « collection », l’instauration d’un contrôle technique est d’autant moins justifiable.
Enfin, il existe un rejet massif du principe même de contrôle technique des véhicules anciens chez les collectionneurs, puisqu’une majorité écrasante d’entre eux n’ont toujours pas amené leurs véhicules au contrôle à ce jour.
Aussi, l’instauration de contrôles techniques obligatoires pour des véhicules légers ou lourds qui roulent aussi peu, avec un coût aussi élevé et des conditions de mise en place aussi complexes, ne présente pas un réel intérêt.
Ces contrôles ne peuvent prendre en compte que les normes obligatoires à la date de mise en circulation du véhicule ; ils sont donc très réduits sur les points à contrôler. En outre, les tarifs extrêmement bas pratiqués par les compagnies d’assurance démontrent que l’accidentologie de ces véhicules est très faible.
Il faut également noter que, quel que soit le type de véhicule, toutes les études disponibles (1) réalisées par des chercheurs en sécurité routière et les offices gouvernementaux chargés de ces questions ont conclu à la très faible incidence des contrôles techniques sur la mortalité routière.
Par exemple, le rapport MAIDS (2) synthétisant une étude approfondie et de grande envergure à partir de 921 accidents de cyclomoteurs et motos et dans cinq régions tests de France, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas et d’Espagne indique que seuls 0,3 % des accidents de l’ensemble de ces véhicules sont directement causés par une défaillance technique du véhicule et dans 1,6 % des cas indirectement.
De plus, selon les données publiées par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), la majorité des accidents de 2 Roues Motorisés (2 RM) concerne des véhicules récents n’ayant parcouru qu’un faible kilométrage, celui-ci évalué annuellement à 4 700 kms par le Préfet Guyot (3) . Ceci rend de facto inutile, du point de vue de la sécurité routière, tout contrôle technique spécifique à partir de la quatrième année.
Enfin, un rapport du Conseil général des Ponts et chaussées relatif au contrôle technique des 2 RM (4) précise que l’acceptation sociale de sa mise en place est une donnée essentielle à ne pas négliger, car le deux-roues est un moyen de transport économique et ses usagers appartiennent pour beaucoup d’entre eux à des catégories défavorisées. Là encore, le coût d’un tel contrôle paraît disproportionné au regard des bénéfices supposés, en terme de sécurité routière.
Ainsi, les raisons à l’origine de l’instauration de ces contrôles pour les véhicules de collection sont dénuées de tout fondement. D’ailleurs, l’opinion publique ne comprend pas, à juste titre, l’obligation de contrôle technique envisagée pour des cyclomoteurs anciens de conception simple, proches des vélos, tels les Solex.
D’autant plus que le principe du contrôle technique pour des véhicules de collection est issu, d’après les pouvoirs publics, de leur obligation de transposer la directive européenne n° 2009/40/CE qui indique pourtant que « les États membres peuvent, après consultation de la Commission, exclure du champ d’application de la présente directive ou soumettre à des dispositions spéciales certains véhicules qui sont exploités ou utilisés dans des conditions exceptionnelles, ainsi que des véhicules qui n’utilisent pas ou n’utilisent presque pas les voies publiques, y compris les véhicules présentant un intérêt historique et construits avant le 1er janvier 1960, ou qui sont temporairement retirés de la circulation ».
La France a donc volontairement décidé de ne pas exempter de contrôle technique les véhicules de collection, bien que de nombreux parlementaires aient secondé la demande de dizaines de milliers de collectionneurs visant à maintenir cette exemption par le biais de nombreuses questions parlementaires. Cette décision est d’autant plus choquante, qu’hormis le fait qu’elle n’était pas juridiquement nécessaire au plan européen, il a largement été répondu dans le cadre des réponses ministérielles précitées « que la plupart des propriétaires de véhicules de collection restent très soucieux de maintenir ces objets dans un état d’usage plus que satisfaisant » et que ces véhicules « sont utilisés sur de courtes distances et à des fréquences moins élevées » que les autres véhicules.
Enfin, la proposition de règlement du parlement européen et du conseil, du 13 juillet 2012, relatif au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques et abrogeant la directive 2009/40/CE, prévoit d’emblée de ne pas imposer de contrôle aux véhicules d’intérêt historique, qui sont définis comme « tout véhicule remplissant l’ensemble des conditions suivantes : il a été construit il y a au moins 30 ans ; il est entretenu au moyen de pièces de rechange reproduisant les composants historiques du véhicule ; aucune modification n’a été apportée aux caractéristiques techniques de ses composants principaux tels que le moteur, les freins, la direction ou la suspension ; son aspect n’a pas été modifié. »
Pour l’ensemble de ces raisons, et considérant que la préservation de ce patrimoine unique, importante pour la France repose entièrement sur les efforts des collectionneurs qui le maintiennent vivant, il vous est proposé d’exonérer ou de plafonner le montant de la taxe sur les certificats d’immatriculation de ces véhicules et de dispenser de tout contrôle technique, sans intérêt au niveau de la sécurité et techniquement forcément restreint par définition, ceux présentant un intérêt historique et définis dans la loi comme tels.
Tel est l’objet de cette proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Après l’avant-dernier alinéa de l’article 1599 sexdecies du code général des impôts, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« IV. – Le paiement de la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules de collection répondant à la condition d’ancienneté requise notamment à l’article R. 311-1 du code de la route est plafonné à 15 chevaux fiscaux. »
L’article 1599 octodecies du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 6. Aucune taxe n’est due au titre de la délivrance des certificats d’immatriculation des véhicules de collection de plus de soixante-quinze ans. »
Après l’article L. 323-1 du code de la route, est inséré un article L. 323-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 323-2. – Est exempté de contrôle technique en raison de son usage, de son intérêt technique ou industriel et de sa conception obsolète impropre à répondre aux exigences d’un contrôle technique, tout véhicule remplissant l’ensemble des conditions suivantes :
« 1) il a été construit il y a au moins 30 ans ;
« 2) il est entretenu au moyen de pièces de rechange reproduisant les composants historiques du véhicule ;
« 3) aucune modification n’a été apportée aux caractéristiques techniques de ses composants principaux tels que le moteur, les freins, la direction ou la suspension ;
« 4) son aspect n’a pas été modifié. »
Les pertes de recettes résultant pour les régions et la collectivité territoriale de Corse de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement, pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
1 () Rapport du Conseil général des Ponts et chaussées n° 004620-01 du 10 mai 2007 ; Peter Christensen et Rune Elvik , L’effet sur les accidents du contrôle périodique des véhicules en Norvège (AAP, n° 39, 2007) ; note de l’ONISR de février 2007.
2 () Motorcycle Accidents In Depth Study, final report 2.0, European Association of Motorcycle Manufacturers, April 2009.
3 () Rapport Guyot, « gisements de sécurité routière, les deux roues motorisés » du 18 septembre 2008, Documentation Française 2008.
4 () Rapport du Conseil général des Ponts et chaussée n° 004620-01 du 10 mai 2007, page 45.
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