N° 1138
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2013.
PROPOSITION DE LOI
relative à la stratégie et à l’organisation
de la fonction d’actionnaire de l’État,
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Hervé MARITON, Étienne BLANC, Sylvain BERRIOS, Philippe COCHET, Annie GENEVARD, Jean-Pierre GORGES, Philippe GOSSELIN, Anne GROMMERCH, Patrick HETZEL, Jacques LAMBLIN, Charles de la VERPILLIÈRE, Isabelle LE CALLENNEC, Marc LE FUR, Jean-Luc MOUDENC, Jean-Frédéric POISSON et Éric STRAUMANN,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans le contexte économique et budgétaire difficile que connaît notre pays, l’État dispose d’un levier majeur constitué par les participations qu’il détient aussi bien dans des groupes d’envergure internationale que dans des PME/ETI. À l’heure où le Gouvernement envisage la cession de certaines de ces participations, il apparaît indispensable d’associer la représentation nationale à la définition de cette stratégie eu égard aux montants d’argent public concernés, aux effets à moyen et long termes de ces choix sur la vie des entreprises concernées, celle de leurs salariés et plus largement, sur le paysage de notre industrie et à l’intérêt de ces cessions pour la contribution au désendettement de l’État.
Cela est d’autant plus nécessaire que l’organisation actuelle de cette fonction, indépendamment du contenu même de la stratégie souffre d’ores et déjà de nombreuses lacunes :
– hétérogénéité des dispositifs de gestion (Agence des participations de l’État, Fonds stratégique d’investissement qui a été récemment intégré à la Banque publique d’investissement, Caisse des dépôts et consignations,…) ;
– hétérogénéité des organes chargés de la prospective économique et manque d’intégration de leurs efforts (direction générale de la compétitivité, des industries et des services partagées sous tutelle conjointe du ministère du redressement productif et du ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme, Commissariat général à la stratégie et à la prospective (ex Centre d’analyse stratégique), organismes internes au sein de l’APE d’une part et de la BPI d’autre part, experts sectoriels répartis dans les ministères,…).
Il résulte de cette situation un certain nombre de défauts structurels. La dispersion des moyens financiers et humains de l’État induit un manque de vision intégrée des secteurs d’avenir devant faire l’objet d’efforts concentrés et à long terme, ainsi qu’un manque de liquidité du portefeuille de l’État et in fine une insuffisance de dynamisme et de pertinence de l’intervention publique.
Cela est d’autant plus regrettable que le levier actionnarial n’est qu’un outil parmi d’autres dont dispose l’État pour intervenir dans l’économie. Il est par exemple évident qu’État-régulateur et État-actionnaire poursuivent des buts tout à fait différents, les objectifs de régulations de la politique publique du premier n’étant pas forcément compatibles avec la préoccupation des intérêts sociaux des entreprises au cœur des préoccupations du second. Un des grands enjeux de la stratégie de l’État-actionnaire est donc d’être complémentaire des autres types d’intervention publique : régulations, aides à l’export, commande publique, fiscalité, soutien de l’offre, effort de recherche et développement, etc.
Il importe donc de repenser la gouvernance globale de la fonction actionnariale de l’État afin notamment :
– de définir précisément les pondérations respectives des différents objectifs : contribution au désendettement, contribution à la création de valeur en soutenant les entreprises porteuses de croissance, contribution à la création de champions européens (coordination avec les partenaires de l’UE des initiatives en matière d’actionnariat public pour créer des entreprises européennes de taille continentale ou mondiale en particulier dans le secteur des infrastructures), contribution exceptionnelle pour l’investissement de défense ;
– de définir des critères légitimant une intervention de l’État : protection des intérêts vitaux du pays, entreprises concourant à l’approvisionnement en « intrants » indispensables au fonctionnement de l’économie, soutien direct et indirect aux entreprises innovantes porteuses de croissance et d’externalités positives importantes et dans lesquels le secteur privé ne veut/peut intervenir (en raison par exemple de l’incertitude qui pèse sur les profits attendus, ou de coûts d’entrée élevés qu’un acteur isolé éprouverait des difficultés à assumer) ;
– de préciser les postures d’actionnaire (arbitrages court terme long terme, niveau de risque tolérable,…) et les niveaux de ressources à mobiliser pour s’assurer du rôle d’actionnaire majoritaire ;
– de fournir aux entreprises toutes les garanties de stabilité de la position de cet actionnaire atypique permettant ainsi de renforcer sa posture de partenaire fiable et donc désiré ;
– de modifier la structuration actuelle de la fonction actionnariale de l’État pour aller faire plus d’intégration permettant d’en améliorer la simplicité et l’efficacité.
L’objet de cette proposition de loi est de définir les modalités de la participation du Parlement à la définition de la stratégie en matière d’actionnariat public, stratégie qui doit s’inscrire dans le cadre global d’une ambition cohérente et de long terme.
PROPOSITION DE LOI
Les projets de cession des participations de l’État au-delà d’un montant de 100 millions d’euros et le choix de l’affectation des produits de cession afférents sont soumis à l’avis des commissions des finances de l’Assemblée Nationale et du Sénat.
Selon une périodicité qui ne peut excéder trois ans, le Gouvernement présente au Parlement un document d’orientations décrivant la stratégie actionnariale de l’État qui fait l’objet d’un débat et d’un vote.
Ce document fixe notamment une part minimale des produits de cession et des dividendes tirés des participations publiques allant au désendettement de l’État.
L’Agence des participations de l’État et le pôle « investissement » de la Banque publique d’investissement sont fusionnés dans un établissement public dénommé « France Investissement » chargé de mettre en œuvre la stratégie actionnariale de l’État.
Cet établissement public est dirigé par un directeur général nommé par décret en Conseil des ministres après avis favorable des commissions des finances de l’Assemblée Nationale et du Sénat.
Une commission de surveillance est chargée de veiller au contrôle des décisions majeures prises par cet établissement public. Elle est composée de quatorze membres :
– quatre députés ;
– deux sénateurs ;
– trois personnalités qualifiées issues du secteur privé, dont deux nommées par le président de l’Assemblée nationale et une par le président du Sénat ;
– un représentant du Conseil d’État ;
– deux représentants de la Cour des Comptes ;
– le gouverneur de la Banque de France ;
– le directeur général du Trésor.
Cette commission est présidée par un député. Elle peut proposer de mettre fin aux fonctions du directeur général.
Chaque année, cet établissement public transmet au Parlement un rapport annuel d’activité.
Les charges pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
© Assemblée nationale