N° 1319
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2013.
PROPOSITION DE LOI
relative au développement de l’audiovisuel extérieur
de la France,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Frédéric LEFEBVRE,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’impossibilité d’avoir accès à l’étranger aux programmes des chaînes publiques diffusées sur la TNT par internet est un enjeu sur lequel nos compatriotes résidant hors de France ont saisi leurs représentants et fait part de leurs attentes.
La nécessaire promotion de la francophonie et l’indispensable modernisation du réseau de diffusion de notre langue et de notre culture doivent en outre être au cœur des missions de l’audiovisuel public, tant dans le cadre de la diffusion à l’étranger des chaînes de France Télévision et émissions de Radio France, que dans le cadre des programmes spécifiques de France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à modifier la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin de contribuer au développement de l’audiovisuel extérieur de la France.
L’ancienne holding Audiovisuel extérieur de la France, la société nationale de programmes réunissant Radio France Internationale (RFI), France 24 et Monte Carlo Doualiya a été officiellement rebaptisée France Médias Monde au mois de juin 2013.
Ce changement de dénomination sociale de l’Audiovisuel extérieur de la France en « France Médias Monde », décidé en mai dernier par son Conseil d’Administration, a en effet été soumis au vote et approuvé le 26 juin 2013 par une assemblée générale extraordinaire de la société.
Cette nouvelle entité devrait permettre aux interlocuteurs étrangers, mais aussi aux Français établis hors de France, de mieux identifier l’audiovisuel extérieur de la France et de donner une meilleure visibilité à la stratégie de France Médias Monde qui devrait être déclinée dans son prochain contrat d’objectif.
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L’article 1er vise à modifier l’article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 et à préciser que lorsque l’éditeur de services détient, directement ou indirectement, des parts de producteur sur des programmes, il veille à les diffuser en télévision de rattrapage, notamment à l’étranger.
La Télévision de Rattrapage, dite « catch-up TV » ou « replay », consiste à prolonger l’exploitation des programmes télévisés dans le sillage de la première diffusion antenne en les rendant disponibles à la demande pendant une durée limitée.
En France, la durée de disponibilité est généralement de 7 jours (certaines fenêtres d’accessibilité peuvent toutefois atteindre 30 jours en fonction des négociations entre diffuseurs et ayants droit).
Les contenus sont mis à disposition des utilisateurs sur l’internet ouvert (sur un service dédié ou directement sur le site de la chaîne) ou sur les réseaux dits « managés » (ADSL, câble et fibre optique). À de très rares exceptions près, les programmes sont généralement accessibles en « streaming ».
Aujourd’hui, la Télévision de Rattrapage des chaînes de télévision françaises, et notamment de la TNT, n’est souvent disponible que sur le territoire national. Les Français résidant à l’étranger ne peuvent accéder à ces programmes, un mécanisme technique de géolocalisation bloquant leur diffusion sur internet.
Cette restriction territoriale relève d’une question de droits. En effet, les conditions de diffusion en télévision de rattrapage des œuvres audiovisuelles dépendent directement des contrats passés avec les producteurs. Ces derniers étant le plus souvent réticents à céder leurs droits sur le territoire « monde », les chaînes sont dans l’impossibilité d’offrir aux Français résidant à l’étranger une offre de programmes en télévision de rattrapage.
Même si la loi encadre les modalités de cession de droits, elle ne peut obliger les ayants droit à céder tels droits sur tels territoires – cela porterait atteinte aux principes fondamentaux de la propriété intellectuelle. La cession de droits de propriété intellectuelle ne peut relever que d’accords contractuels.
Dans ce contexte, et pour permettre une diffusion en Télévision de Rattrapage dépassant le territoire national, les chaînes doivent être elles-mêmes titulaires des droits, soit coproduire le programme.
Or, les obligations de production indépendante empêchent aujourd’hui les chaînes de détenir ces droits. Un assouplissement du régime de la production indépendante serait donc une solution viable pour permettre aux chaînes d’étendre le territoire de diffusion de la Télévision de Rattrapage.
L’objet de l’article 2 est de confier au CSA la mission de veiller à ce que les programmes de France Télévision diffusés sur la TNT en France puissent être accessibles à nos compatriotes établis hors de France notamment dans le cadre de la Télévision de Rattrapage dite « catch-up TV » ou « replay ».
Nos compatriotes établis hors de France n’ont actuellement pas accès aux programmes de France Télévision diffusés sur le territoire métropolitain au titre de la Télévision Numérique Terrestre en vertu des autorisations attribuées au titre de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986.
Cette situation est d’autant plus paradoxale que les chaînes publiques espagnoles 1 et 2 et la chaîne sportive du service du service public sont disponibles en direct sur l’internet. De même, la Suède offre un accès gratuit sur iPad PC et Mac à toutes les séries de fiction produites dans un pays nordique.
Enfin, les ressortissants canadiens peuvent grâce au site tout.tv avoir accès à des rediffusions à l’étranger.
En ce qui concerne les programmes de France télévision, la plateforme pluzz.tv ne permet l’accès qu’aux programmes d’informations. Nos compatriotes résidant hors de France désireux d’avoir accès en télévision de rattrapage dite « catch-up TV » ou « replay », à un documentaire, une série ou une fiction diffusée sur France Télévision se voient systématiquement opposés le message suivant : « il n’y a aucun résultat. tentez à nouveau votre chance ! »
Afin d’avoir accès à ces programmes certains de nos compatriotes initiés aux nouvelles technologies ont recours à un service payant VPN, à la légalité sujette à caution, masquant leur adresse IP afin de faire croire qu’ils résident en France.
C’est pourquoi il est essentiel que le CSA veille à ce que les sociétés publiques et plus particulièrement France Télévision, proposent à nos compatriotes établis hors de France des programmes en télévision de rattrapage ou « replay ».
L’article 3 vise à compléter l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relatif au rapport public annuel que le Conseil supérieur de l’audiovisuel remet au Président de la République, au gouvernement et au Parlement.
Il élargit le champ de rapport sur l’activité de France Médias Monde et la diffusion, attendue par nombre de nos compatriotes résidant hors de France, de la diffusion à l’étranger des programmes en télévision de rattrapage, ou « replay », des chaînes de télévisions françaises.
L’article 4 de la présente proposition de loi vise à imposer aux Présidents des sociétés nationales de programmes la transmission d’un rapport d’orientation au Président de chaque assemblée parlementaire aux commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires étrangères de chaque assemblée ainsi qu’à la Commission Culture, enseignement et audiovisuel de l’Assemblée des Français de l’Étranger.
Ce rapport devra détailler notamment les choix stratégiques de l’audiovisuel public en matière, de développement de l’audiovisuel public sur la TNT et internet, de diffusion des Radios et Télévisions Françaises à l’Étranger, de promotion de la culture française à l’étranger, de soutien à la francophonie et de promotion de la langue française, d’information.
Ce rapport devra également détailler les choix stratégiques par lesquels les présidents de France Médias Monde et des sociétés nationales de programmes, et le Directeur Général de TV5 Monde, assurent la diffusion de leurs émissions à l’étranger, contribuent à la promotion de la culture française à l’étranger, au soutien de la francophonie et à la promotion de la langue française.
L’objet de l’article 5 est de faire figurer dans l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, cette nouvelle dénomination.
L’article 6 vise à assurer la présence sur la TNT de France 24, seule chaîne d’information continue de service public. Cette présence enrichirait le paysage audiovisuel hexagonal d’une ouverture sur l’information internationale qui n’est actuellement proposée par aucune autre chaîne.
Cette perspective internationale contribuerait à une meilleure compréhension entre les Français de l’étranger et ceux de métropole et permettrait aux étrangers résidant en France de disposer d’une approche française de l’actualité de leur pays.
Il paraîtrait légitime que les Français, qui financent France 24 par leurs impôts et le paiement de la redevance audiovisuelle, puissent y accéder.
Les articles 7 à 9 visent à compléter les articles 44, 53 et 80 de la loi du 30 septembre 1986.
L’article 7 précise qu’une partie significative des ressources publiques destinées aux sociétés de l’audiovisuel public est attribuée à France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France afin notamment d’assurer à l’ensemble des Français résidant à l’étranger la réception des services de télévision qu’elle édite.
L’article 8 vise à préciser que pour France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, le contrat d’objectif imposé par l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précise les voies et moyens par lesquels elle assure à l’ensemble des Français résidant à l’étranger la réception des services de télévision qu’elle édite.
L’article 9 vise à indiquer clairement dans la loi n° 86-1067 qu’une partie significative des ressources publiques destinées aux sociétés de l’audiovisuel public est attribuée à France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France afin notamment d’assurer à l’ensemble des Français résidant à l’étranger la réception des services de télévision qu’elle édite.
Les ressources publiques de France Médias Monde se sont élevées à 238,7 millions d’euros en 2013 contre 252,7 en 2011, soit une baisse de 14 millions et d’environ 5,5 % sur deux ans. Elles proviennent à hauteur d’environ 165 millions de la contribution à l’audiovisuel public et de 73 millions du programme 115.
Or, France 24 et TV5 Monde constituent les principales sources télévisuelles d’information, de connaissance et de divertissement des Français résidant à l’étranger et établissent à ce titre un lien indispensable entre ceux-ci et la métropole. Elles sont en outre un moyen de développer l’influence de la culture et de la langue française dans le monde, à l’heure où la diversité culturelle doit être préservée.
Tels sont, Mesdames, Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Le second alinéa de l’article 71-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigé :
« Lorsque l’éditeur de services détient, directement ou indirectement, des parts de producteur sur des programmes, il veille à les diffuser en télévision de rattrapage, notamment à l’étranger. »
L’article 30-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un VIII ainsi rédigé :
« VIII. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à ce que les services diffusés au titre du présent article par les sociétés visées à l’article 44 de la présente loi soient accessibles aux Français établis hors de France, notamment dans le cadre de la télévision de rattrapage. »
Après le deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport visé au premier alinéa fait le point sur le développement et les moyens de financement de France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et sur la diffusion à l’étranger des programmes des sociétés visées à l’article 44 de la présente loi dans le cadre de la télévision de rattrapage. »
L’article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :
« II. – Ils transmettent chaque année avant le dépôt par le gouvernement du projet de lois de finances, au président de chaque assemblée parlementaire, aux commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires étrangères de chaque assemblée ainsi qu’à la commission « Culture, enseignement et audiovisuel » de l’Assemblée des Français de l’étranger, un rapport d’orientation.
« III. – Ce rapport d’orientation détaille notamment les choix stratégiques de l’audiovisuel public en matière :
« – de développement de l’audiovisuel public sur la télévision numérique terrestre et internet ;
« – de diffusion des radios et télévisions françaises à l’étranger ;
« – de diffusion à l’étranger des programmes des télévisions françaises, et plus particulièrement des chaînes visées à l’article 44 de la présente loi, en télévision de rattrapage ;
« – de promotion de la culture française à l’étranger ;
« – de soutien à la francophonie et de promotion de la langue française ;
« – d’information.
« IV. – Ce rapport d’orientation détaille notamment les choix stratégiques par lesquels les présidents de France Médias Monde et des sociétés nationales de programmes, ainsi que le directeur général de TV5 Monde, assurent la diffusion de leurs émissions à l’étranger, contribuent à la promotion de la culture française à l’étranger, au soutien de la francophonie et à la promotion de la langue française. »
Le premier alinéa du IV de l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :
« France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, société nationale de programme, a pour mission de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu’au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la programmation et la diffusion d’émissions de télévision et de radio ou de services de communication au public en ligne relatifs à l’actualité française, francophone, européenne et internationale. »
Au premier alinéa du II de l’article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, après la référence : « 44 », sont insérés les mots : « et notamment à France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ».
Le IV de l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une partie significative des ressources publiques destinées aux sociétés de l’audiovisuel public est attribuée à France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, afin notamment d’assurer à l’ensemble des Français résidant à l’étranger la réception des services de télévision qu’elle édite. »
Après le treizième alinéa du I de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ce contrat d’objectifs précise les voies et moyens par lesquels elle assure à l’ensemble des Français résidant à l’étranger la réception des services de télévision qu’elle édite. »
Après l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un article 80-1 ainsi rédigé :
« Art. 80-1. – Une partie significative des ressources publiques destinées aux sociétés de l’audiovisuel public est attribuée à France Médias Monde, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, afin notamment d’assurer à l’ensemble des Français résidant à l’étranger la réception des services de télévision qu’elle édite. »
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