N° 1635
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2013.
PROPOSITION DE LOI
relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation
en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Laurence ABEILLE, Éric ALAUZET, Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Denis BAUPIN, Michèle BONNETON, Christophe CAVARD, Sergio CORONADO, François-Michel LAMBERT, Noël MAMÈRE, Véronique MASSONNEAU, Paul MOLAC, Barbara POMPILI, Jean-Louis ROUMEGAS, François de RUGY et Eva SAS,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Lors de leur journée d’initiative parlementaire du 31 janvier 2013, les député-e-s du groupe écologiste ont inscrit à l’ordre du jour la proposition de loi n° 531 du 12 décembre 2012 relative à l’application du principe de précaution défini par la Charte de l’environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques.
Alors que ce texte avait été amendé et adopté en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire saisie pour avis le 15 janvier et en commission des affaires économiques saisie au fond le 23 janvier, une motion de renvoi en commission a été adoptée lors de la séance publique, bloquant l’examen de ce texte et le débat pourtant indispensable et urgent sur la protection de la population par rapport aux champs électromagnétiques.
Citoyens, associations, élus locaux et parlementaires de tous les bords politiques réclament l’adoption d’une législation. C’est pourquoi les parlementaires du groupe écologiste, après avoir entendu les réticences sur certaines dispositions de la proposition de loi initiale et après les multiples rencontres, échanges et auditions menées depuis lors, ont décidé de déposer une nouvelle proposition de loi.
Ce nouveau texte relaie les considérations écologistes, intègre les préoccupations citoyennes mais tient également compte des difficultés techniques, juridiques et financières de certaines dispositions initialement portées.
Il prend acte des rapports du COMOP-COPIC issu du Grenelle des ondes qui font état de la faisabilité technique d’un abaissement des seuils et de la nécessité d’instaurer une procédure stricte de concertation lors d’implantation d’antennes-relais. Il prend également acte des conclusions du dernier rapport de l’ANSES d’octobre 2013 qui recommande, comme en 2009, d’abaisser les expositions aux ondes électromagnétiques. Il s’appuie aussi sur les échanges avec la mission sur l’objectif de sobriété demandée par le Premier ministre à MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler.
L’article 1 fait de la modération en matière d’exposition du public aux ondes électromagnétiques l’un des objectifs de la politique des télécommunications. Il prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les obligations de concertation et de transparence en matière d’installation des équipements radioélectriques ainsi que la procédure de traitement des points atypiques.
L’article 2 prévoit la publication par l’ANFR d’outils de simulation de l’exposition générée par l’implantation d’une installation radioélectrique. L’objectif est de permettre la création de « cadastres électromagnétiques ».
L’article 3 prévoit un rapport périodique de l’ANSES relatif à l’impact du déploiement des technologies sans fils, comme la 4G ou les nouveaux produits, sur l’exposition du public aux ondes.
L’article 4 modifie la loi « Grenelle 2 » et prévoit de nombreux dispositifs visant à limiter et à contrôler les sources d’émissions :
- En mentionnant le débit d’absorption spécifique sur tous les terminaux radioélectriques (tablettes, etc.) et pas uniquement sur les téléphones portables ;
- En recommandant l’usage d’un kit main-libre lors de l’utilisation d’un téléphone portable ;
- En désactivant par défaut le wifi ;
- En donnant la possibilité de désactiver simplement le wifi des box internet ;
- En mentionnant l’émission d’ondes électromagnétiques sur les appareils qui en émettent et qui pourrait prendre la forme de pictogrammes intelligibles et facilement reconnaissables ;
- En désactivant par défaut les femtocell des box internet ;
- En informant de la présence de wifi dans les lieux publics qui en sont équipés.
L’article 5 renforce les règles relatives à la publicité pour les téléphones portables et autres terminaux radioélectriques (tablettes). Est interdite toute publicité visant à promouvoir l’utilisation et la vente d’un téléphone portable aux enfants de moins de 14 ans. Sur le même modèle que la campagne « manger-bouger », toute publicité devra être accompagnée d’un message de recommandation sur la bonne utilisation du téléphone portable. Toute publicité pour un téléphone portable doit se faire avec un kit oreillette, c’est-à-dire que la réclame publicitaire ne doit plus montrer un utilisateur avec un téléphone porté directement à l’oreille.
L’article 6 prévoit le lancement par le gouvernement d’une campagne visant à promouvoir la bonne utilisation du téléphone portable.
L’article 7 vise à protéger les enfants des effets d’une exposition continue aux ondes électromagnétiques. Il interdit l’installation de wifi dans les établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans ; il permet l’utilisation du wifi dans les établissements scolaires uniquement lors d’activités le nécessitant ; il vise à privilégier les connexions filaires dans les écoles maternelles et élémentaires via l’obligation d’établir un devis mentionnant le coût d’une connexion filaire lors de l’installation d’un réseau de télécommunication.
L’article 8 traite de l’électro-hypersensibilité et demande au gouvernement la remise rapide d’un rapport afin d’apporter des réponses concrètes aux personnes qui souffrent.
PROPOSITION DE LOI
MODÉRATION DE L’EXPOSITION AUX CHAMPS ÉLECTROMAGNÉTIQUES ET CONCERTATION LORS DE L’INSTALLATION D’ÉQUIPEMENTS RADIOÉLECTRIQUES
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le 12° bis du II de l’article L. 32-1 est ainsi rédigé :
« 12° bis À la modération de l’exposition de la population et des usagers aux champs électromagnétiques. L’Agence nationale des fréquences est particulièrement chargée de cette mission ; » ;
2° L’article L. 34-9-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-1. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de mise en œuvre de l’objectif de modération de l’exposition de la population et des usagers aux champs électromagnétiques. Il détermine notamment :
« 1. Les valeurs que ne doivent pas dépasser les champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de communications électroniques ou par les installations mentionnées à l’article L. 33-3, lorsque le public y est exposé ;
« 2. Les conditions d’installation et de modification des installations radioélectriques :
« 1° L’organisation des compétences de l’Agence nationale des fréquences et le rôle du maire ;
« 2° Le déroulement de la procédure de concertation et d’information au niveau communal et l’articulation avec l’autorisation délivrée par l’Agence nationale des fréquences ;
« 3° Les travaux à conduire en vue de rendre compte de l’objectif de modération dans les discussions avec les communes ; les modalités de prise en compte des établissements sensibles ; les possibilités de rationalisation et de mutualisation des sites ;
« 4° La procédure de mesure des niveaux de champs électromagnétiques globaux, à la charge de la personne souhaitant exploiter l’installation radioélectrique, prévoyant des mesures autour de l’emplacement prévu pour cette installation, une étude d’impact électromagnétique simulant les émissions résultant de l’implantation de l’installation envisagée et une représentation actualisée des niveaux de champs électromagnétiques après l’installation ;
« 5° Les conditions d’exercice du droit à l’information, notamment en ce qui concerne les résidents et les riverains ;
« 6° Les principes d’organisation de la concertation locale ;
« 7° Les modalités de conciliation au niveau national, dans le cadre d’un comité de dialogue installé à l’Agence nationale des fréquences. Ce comité consultatif est saisi des difficultés d’installation d’équipements radioélectriques rencontrées au plan local. Il participe à l’information des parties prenantes ;
« 8° Les modalités de financement de l’information, de la concertation et des recours.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques, de la santé et de l’environnement établit un protocole applicable lors de toute installation d’un équipement radioélectrique.
« 3. Les conditions de recensement et de traitement des points atypiques, définis comme les points du territoire où le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques dépasse sensiblement la moyenne observée à l’échelle nationale. Le seuil d’exposition caractérisant un point atypique est déterminé par l’Agence nationale des fréquences et fait l’objet d’une révision régulière en fonction des données d’exposition disponibles. Le respect de ces valeurs peut être vérifié sur place par des organismes répondant aux exigences de qualité fixées par un décret. Un rapport périodique sur les modalités de traitement et la trajectoire de résorption des points atypiques est établi par l’Agence nationale des fréquences. Une procédure de mise en demeure de tout exploitant qui manquerait aux obligations de traitement des points atypiques est mise en place.
« Les principes d’information et de concertation locale indiqués au 2 s’appliquent aux procédures de traitement des points atypiques. »
3° L’article L. 34-9-2 est abrogé.
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, l’Agence nationale des fréquences publie les lignes directrices nationales en vue d’harmoniser les outils de simulation de l’exposition générée par l’implantation d’une installation radioélectrique.
INFORMATION, SENSIBILISATION ET PROTECTION
DU PUBLIC ET DES USAGERS
L’Agence mentionnée au chapitre III du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique évalue périodiquement les risques pour la santé en matière de radiofréquences, particulièrement pour les produits et équipements innovants et en considérant l’organisation des infrastructures de réseau.
L’article 184 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est ainsi rédigé :
« Art. 184. – I. – Pour tout terminal radioélectrique connecté à un réseau ouvert au public proposé à la vente sur le territoire national, le débit d’absorption spécifique est indiqué de façon lisible, intelligible et en français.
« Pour tout appareil de téléphonie mobile, mention doit également être faite de la recommandation d’usage de l’accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques lors des communications, prévu au cinquième alinéa du I de l’article 183 de la présente loi.
« Ces mentions figurent sur l’appareil.
« II. – Afin de limiter l’exposition du public aux champs électromagnétiques :
« 1° Sur tout appareil radioélectrique équipé, l’accès sans fil à internet est désactivé par défaut.
« 2° Les modems et les boîtiers multiservices proposés par les fournisseurs d’accès à internet disposent d’un mécanisme simple de désactivation de l’accès sans fil à internet.
« Les notices d’utilisation de ces boîtiers multiservices comportent une information claire sur les indications pratiques permettant à l’abonné d’activer ou de désactiver l’accès sans fil à internet.
« 3° Tout appareil émettant un champ électromagnétique de radiofréquence dont la liste est définie par décret doit en porter la mention selon des modalités définies par décret. Les recommandations d’usage liées à l’utilisation de cette technologie et les mesures de précaution à prendre lors de son activation doivent être mentionnées de façon claire et lisible.
« 4° Aucun équipement émetteur de champs électromagnétiques ne peut être installé dans un local privé sans l’autorisation de ses occupants et sans qu’une information claire leur soit donnée. Cette information porte sur les modalités techniques de fonctionnement, les émissions de champs électromagnétiques, les recommandations d’usage et les risques pour la santé ;
« 5° Sur tout équipement terminal défini au 10° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, équipé d’une technologie établissant une liaison entre un réseau mobile et un réseau filaire au moyen d’une station de base miniature, celle-ci est désactivée par défaut et peut être désactivée de façon simple ;
« 6° Les établissements recevant du public au sein desquels une zone d’accès sans fil à internet est proposée au public doivent le mentionner clairement au moyen d’un pictogramme à l’entrée de l’établissement ainsi que dans chacune de ces zones. »
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 5231-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5231-3. – Toute publicité, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct ou indirect de promouvoir la vente, la mise à disposition, ou l’usage d’un terminal radioélectrique destiné à être connecté à un réseau ouvert au public par des enfants de moins de quatorze ans est interdite. »
2° Après l’article L. 5232-1, sont insérés deux articles L. 5232-1-1 et L. 5232-1-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 5232-1-1. – Toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile doit mentionner de manière claire, visible et lisible l’usage recommandé d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement.
« Art. L. 5232-1-2. – Est interdite toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile sans accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement. »
I. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, il est mené une campagne visant à promouvoir une utilisation plus responsable du téléphone mobile et relative aux précautions d’utilisation des appareils utilisant des radiofréquences. Cette campagne encourage un usage responsable et raisonné des téléphones mobiles, notamment en recommandant l’utilisation d’un kit mains libres ou encore en déconseillant l’utilisation prolongée des téléphones mobiles. Cette campagne s’adresse à tous les publics et, en particulier, aux parents et aux enfants.
II. – Afin de limiter l’exposition du public aux champs électromagnétiques, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé établit une brochure d’information sur la bonne utilisation du téléphone mobile et en assure la promotion.
Elle contient notamment des préconisations concernant la bonne utilisation des téléphones mobiles et les mesures à respecter pour protéger les jeunes enfants. Elle est diffusée dans les établissements scolaires, dans les structures d’accueil de la petite enfance et dans les maternités.
I. – Dans les établissements mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique, l’installation d’un boîtier multiservice émetteur d’ondes électromagnétiques est interdite dans les espaces dédiés à l’accueil, au repos et aux activités avec des enfants.
II. – L’accès sans fil à internet dans les établissements scolaires n’est possible que dans le cadre d’activités le nécessitant.
III. – Dans les écoles maternelles et les écoles élémentaires, pour toute nouvelle installation d’un réseau de télécommunication, les demandes de devis préalables au lancement des travaux d’installation comprennent l’étude d’une solution de connexion filaire.
Le conseil d’école est informé des différentes solutions techniques et tarifaires proposées et émet un avis consultatif sur la solution à retenir.
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’électro-hypersensibilité qui étudie notamment l’opportunité de créer des zones à rayonnements électromagnétiques limités, notamment en milieu urbain, les conditions de prise en compte de l’électro-hypersensibilité en milieu professionnel et l’efficacité des dispositifs d’isolement aux ondes.
DISPOSITIONS DIVERSES
La présente loi est applicable à la Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.
Les charges pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
© Assemblée nationale