N° 1822 - Proposition de loi de M. Guillaume Larrivé instaurant un pacte de sécurité territoriale



N° 1822

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 février 2014.

PROPOSITION DE LOI

instaurant un pacte de sécurité territoriale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume LARRIVÉ, Édouard COURTIAL, Éric CIOTTI, François FILLON, Damien ABAD, Benoist APPARU, Julien AUBERT, Xavier BRETON, Alain CHRÉTIEN, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Gérald DARMANIN, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Pierre DOOR, Virginie DUBY-MULLER, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Marie-Louise FORT, Annie GENEVARD, Jean-Pierre GIRAN, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Denis JACQUAT, Frédéric LEFEBVRE, Marc LE FUR, Maurice LEROY, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Alain MARSAUD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Franck RIESTER, Jean-Marie SERMIER et Éric STRAUMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’insécurité est une réalité vécue, au quotidien, par les Français, dans tous les territoires de France.

Les atteintes aux biens et aux personnes ne cessent d’augmenter.

L’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) a tout particulièrement confirmé la très forte augmentation du nombre des cambriolages, commis aux domiciles de nos concitoyens mais aussi dans des locaux professionnels.

Le nombre de vols commis aux domiciles des particuliers a connu, en effet, une très forte hausse en 2013 : + 6,4 %, en zone police, sur un an. De même, les cambriolages de résidences principales ont augmenté de + 4,7 %, sur la même période, dans les secteurs ruraux et périurbains dont la surveillance incombe à la gendarmerie nationale.

Il y a aujourd’hui, en France, un cambriolage toutes les 90 secondes. Aucune région n’est épargnée.

Cette forte augmentation s’explique, notamment, par l’apparition de nouveaux acteurs sur la scène criminelle, en provenance d’Europe de l’Est. Cela se traduit par une augmentation du nombre d’étrangers mis en cause pour cambriolage. Ces individus appartiennent à des réseaux criminels organisés et très mobiles.

La hausse des cambriolages est d’autant plus forte que le taux d’élucidation reste très faible, de l’ordre de 10 à 15 %.

La réponse pénale, surtout, demeure très inadaptée. L’autorité judiciaire ne condamne, en réalité, que des individus pour lesquels la police judiciaire a pu rapporter la preuve qu’ils ont commis plusieurs cambriolages en bande organisée. Un très grand nombre de cambrioleurs échappent ainsi à toute sanction effective. Une telle impunité des coupables est une insulte aux victimes.

Pour mieux protéger les Français, il y a urgence à restaurer l’autorité de l’État et à inventer de nouvelles méthodes d’action.

Bien sûr, la politique de sécurité est d’abord la responsabilité de l’État. C’est le cœur de ses missions régaliennes. Le Parlement en débattra à nouveau au printemps, lorsqu’il sera saisi du projet de loi, présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice, relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines.

Mais la sécurité n’est pas que la responsabilité de l’État : c’est l’affaire de tous, élus territoriaux et citoyens.

Le renouvellement des conseils municipaux, les 23 et 30 mars prochain, doit permettre de débattre, dans toutes les communes, des actions mises en œuvre pour améliorer la tranquillité de nos concitoyens, dans tous les territoires.

Les élus de la République ont un devoir de proposition et d’action.

Dans cette perspective, nous proposons de créer un Pacte de sécurité territoriale, applicable à la période 2014-2017, comportant des engagements opérationnels précis, de la part des services de l’État comme de la part des municipalités, en termes d’effectifs policiers et de missions, permettant une meilleure coordination opérationnelle dans l’espace et dans le temps.

Ce dispositif d’urgence, déployé sur quatre années, ne doit pas être imposé mais fortement encouragé.

Il doit s’agir d’une démarche volontaire, propre à chaque maire ou président de communauté de communes ou d’agglomération. Nous proposons que les municipalités ou les communautés qui choisiront d’adhérer à ce pacte bénéficient, d’ores et déjà, d’un droit à subvention. Seuls ces communes ou ces groupements seront désormais éligibles au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (créé par l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007), doté de 54,6 millions d’euros par la loi de finances pour 2014. Nous avons la conviction, en effet, que les efforts budgétaires des communes qui développent leur police municipale et agissent de manière coordonnée avec les services de l’État doivent être récompensés par une sorte de « bonus » de subventions, ce qui suppose, à enveloppe constante, que les communes faisant moins d’efforts subissent, quant à elles, un « malus ». Si la présente proposition de loi est adoptée, il serait utile, par coordination, de prévoir, dans la prochaine loi de finances, que le calcul de la dotation globale de fonctionnement intègre un tel système de bonus/malus tenant compte de la signature d’un Pacte de sécurité territoriale.

Il convient, en outre, par une réduction de taxe d’habitation applicable dans les communes régies par un pacte de sécurité territoriale, de soutenir les efforts de nos concitoyens qui décident d’équiper leurs habitations de dispositifs techniques de lutte contre les cambriolages.

C’est l’objet de la présente proposition de loi.

L’article 1 crée le pacte de sécurité territoriale. Cette convention, conclue entre l’État et une commune, définit des engagements réciproques, qui se déclinent en trois volets.

Le premier volet, relatif à la sécurité publique, prévoit d’abord une contractualisation des effectifs des forces de sécurité de l’État et de la commune : concrètement, le gouvernement comme le maire s’engageront sur un volume précis d’effectifs, respectivement de policiers nationaux ou de gendarmes et de policiers municipaux, pour chacune des quatre années d’application du pacte. Sur cette base, le pacte précisera les modalités d’échanges d’informations sur les faits de délinquance entre les différentes forces, nationale et municipale. Il définira les priorités d’action, les contributions respectives des forces, de manière aussi opérationnelle et précise que possible, dans l’espace comme dans le temps.

Le deuxième volet est relatif à la prévention de la délinquance. Il comprend des dispositions sur le nombre et les horaires des patrouilles, les missions et les conditions dans lesquelles la police municipale est sollicitée, l’équipement et l’usage de la vidéo-protection dans les communes, ainsi que sur les dispositifs de prévention et de lutte contre la récidive.

Le troisième volet, relatif à la participation citoyenne, intègre au pacte de sécurité territoriale des dispositifs d’association des citoyens à la lutte contre la délinquance. Il prévoit, en particulier, les modalités des échanges d’informations entre les forces de sécurité intérieure et les citoyens. Concrètement, il s’agit de préciser la manière dont les citoyens sont informés de la réalité des actes de délinquance commis sur le territoire communal et des réponses qui leur sont apportées : par exemple, un « baromètre de la sécurité » pourra être publié chaque mois dans la commune. Le volet relatif à la participation citoyenne pourra aussi préciser les conditions dans lesquelles des « voisins solidaires et vigilants », agréés par le préfet et le maire, participeront aux missions de tranquillité publique.

Le procureur de la République du ressort du tribunal dont dépend la commune est associé au pacte de sécurité territoriale, notamment dans ses deuxième et troisième volets.

L’article 2 élargit le pacte de sécurité territoriale aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération ayant la compétence de prévention de la délinquance.

L’article 3 établit un droit à subvention spécifique, au profit de la commune ou de l’intercommunalité qui a signé le pacte de sécurité territoriale. Seuls les communes ou les groupements ayant conclu un tel pacte seront désormais éligibles au Fonds interministériel de prévention de la délinquance.

L’article 4 instaure une réduction de la taxe d’habitation pour les ménages qui s’équipent d’un dispositif technique anti-cambriolage, dans les communes régies par un pacte de sécurité territoriale. Cette réduction d’impôt sera égale à 50 % de la dépense annuelle représentée par l’équipement, plafonnée à un montant défini par l’organe délibérant de la commune compétente.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Après l’article L. 132-7 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 132-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-7-1. – Le préfet et le maire peuvent conclure un pacte de sécurité territoriale, qui porte sur la période 2014-2017. Cette convention comprend trois parties qui définissent les engagements de l’État et de la commune :

« – Dans le domaine de la sécurité publique : effectifs des policiers et des gendarmes affectés au territoire de la commune d’une part, effectifs des policiers municipaux d’autre part ; modalités de l’échange d’informations sur les faits de délinquance entre la police et la gendarmerie d’une part, le maire d’autre part ; définition des priorités de la lutte contre la délinquance sur le territoire de la commune, en fonction d’un diagnostic territorial ; contributions respectives de la police, de la gendarmerie et de la police municipale : mobilisation de leurs effectifs, définition de leurs missions opérationnelles dans l’espace et le temps ;

« – Dans le domaine de la prévention de la délinquance : dispositifs de sécurisation des ensembles immobiliers et des moyens de transport ; définition et mise en œuvre de la vidéoprotection dans la commune ; dispositifs de prévention établis notamment en application de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ; dispositifs d’accueil et de soutien aux victimes d’infractions ;

« – Dans le domaine de la participation des citoyens à la lutte contre la délinquance : modalités des échanges d’informations entre les citoyens, la police, la gendarmerie et la police municipale ; participation au service volontaire citoyen de la police et de la gendarmerie nationales et aux réserves.

« Le procureur de la République est, de droit, associé à la conclusion de cette convention. »

II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les communes est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 2

I. – Après l’article L. 132-14 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 132-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-14-1. – Le préfet et le président de la communauté de communes ou d’agglomération peuvent conclure un pacte de sécurité territoriale qui porte sur la période 2014-2017. Cette convention comprend trois parties qui définissent les engagements de l’État et de la communauté de communes ou d’agglomération :

« – Dans le domaine de la sécurité publique : effectifs des policiers et des gendarmes affectés au territoire de la communauté de communes ou d’agglomération d’une part, effectifs des policiers municipaux d’autre part ; modalités de l’échange d’informations sur les faits de délinquance entre la police et la gendarmerie d’une part, le président de la communauté de communes ou d’agglomération d’autre part ; définition des priorités de la lutte contre la délinquance sur le territoire de la commune, en fonction d’un diagnostic territorial ; contribution respective de la police, de la gendarmerie et des polices municipales : mobilisation de leurs effectifs, définition de leurs missions opérationnelles dans l’espace et le temps ;

« – Dans le domaine de la prévention de la délinquance : dispositifs de sécurisation des ensembles immobiliers et des moyens de transport ; définition et mise en œuvre de la vidéoprotection dans la communauté de communes ou d’agglomération ; dispositifs de prévention établis notamment en application de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ; dispositifs d’accueil et de soutien aux victimes d’infractions ;

« – Dans le domaine de la participation des citoyens à la lutte contre la délinquance : modalités des échanges d’informations entre les citoyens, la police, la gendarmerie et les polices municipales ; participation au service volontaire citoyen de la police et de la gendarmerie nationales et aux réserves.

« Le procureur de la République est, de droit, associé à la conclusion de cette convention. »

II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 3

L’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Seuls les communes ou groupements qui ont conclu une convention en application des articles L. 132-7-1 et L. 132-14-1 du code de la sécurité intérieures sont éligibles au fonds. »

Article 4

I. – Après l’article 1407 bis du code général des impôts, il est inséré un article 1407 ter ainsi rédigé :

« Art. 1407 ter. – Dans une commune ayant conclu la convention prévue par l’article L. 132-7-1 du code de la sécurité intérieure, ou dans une communauté de communes ou d’agglomération ayant conclu la convention prévue par L. 132-14-1 de ce code, la présentation du justificatif de l’achat ou de la location auprès d’une personne morale de droit privé d’un dispositif technique destiné à prévenir la commission de vols par effraction dans une habitation autorise une réduction de la taxe d’habitation acquittée par le propriétaire ou le locataire, à raison de 50 % de la dépense annuelle représentée par l’équipement, plafonnée à un montant défini par l’organe délibérant de la commune compétente. Ce dispositif technique prend la forme d’un système de télésurveillance, de renforcement des protections des portes d’accès au logement ou anti-intrusion aux fenêtres. »

II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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