N° 1979
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2014.
PROPOSITION DE LOI
relative à l’accès égalitaire pour toutes aux techniques d’assistance à la procréation,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Sergio CORONADO, Barbara POMPILI, François de RUGY, Éric ALAUZET, Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Denis BAUPIN, Michèle BONNETON, Christophe CAVARD, Cécile DUFLOT, Noël MAMÈRE, Véronique MASSONNEAU, Jean-Louis ROUMEGAS et Eva SAS,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En France, la procréation médicalement assistée est, selon les termes du code de la santé publique, « destinée à répondre à la demande parentale d’un couple ». En outre, « l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans ». Ces dispositions excluent donc les femmes célibataires ainsi que les couples homosexuels féminins. Cette limitation n’a pour nous plus lieu d’être dès lors que le cadre légal a changé et s’est ouvert à la reconnaissance juridique des couples homosexuels.
En effet, si la principale revendication qui a présidé aux réflexions et à l’élaboration du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe est celle de l’égalité, il nous semble que l’on ne peut aboutir à une égalité effective entre tous les couples sans ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de femmes. C’est d’ailleurs pour cette raison que presque tous les pays ayant permis le mariage aux couples de même sexe, ont également ouvert l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes.
Tout comme un couple hétérosexuel qui souffrirait d’infertilité, les couples de femmes ont, par définition, une sexualité non reproductive. Ce droit à l’assistance médicalement assistée doit donc leur être reconnu afin de mettre fin à toute forme de discrimination.
Il ne s’agit pas ici de questions éthiques ou morales comme celles que peut soulever la gestation pour autrui, il s’agit uniquement de réaffirmer le principe d’égalité entre tous les couples et de protéger les intérêts de l’enfant.
Il s’agit enfin de sortir d’une certaine forme d’hypocrisie. On le sait, de nombreux couples de femmes qui ont un projet parental commun ou de femmes seules, ont recours à l’assistance médicale à la procréation dans les pays qui nous entourent.
Il s’agit également de permettre aux femmes qui le désirent un encadrement médical et une sécurité juridique. Face aux blocages de la loi, de nombreuses solutions alternatives ont été bricolées par les parents, malgré les risques sanitaires pesant sur ces femmes ou l’insécurité juridique pesant sur les enfants. Prendre en compte l’intérêt des enfants c’est leur donner une sécurité juridique envers leurs parents.
Enfin, le droit français prévoit, pour les couples hétérosexuels qui ont recours à cette assistance, que la paternité du conjoint de la mère soit judiciairement déclarée.
La présente proposition de loi préconise donc que la même procédure soit possible pour les couples de femmes afin que l’enfant voie sa filiation établie à l’égard de ses deux parents.
L’article 1 introduit « la demande parentale d’un couple de femmes » comme nouvel objet justifiant le recours à l’assistance médicale à la procréation. En effet, le recours à la procréation médicalement assistée n’est aujourd’hui possible qu’en cas d’infertilité pathologique ou de risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité.
L’article 2 introduit « la demande parentale d’une femme en âge de procréer » comme nouvel objet justifiant le recours à l’assistance médicale à la procréation.
L’article 3 introduit des modifications de conséquence.
L’article 4 introduit une filiation judiciairement reconnue pour la conjointe, partenaire de pacte civil ou personne vivant en concubinage, dans le cadre d’une procréation médicalement assistée pour un couple de femmes. Dès lors, comme pour les couples de personnes du même sexe ayant recours à une procréation médicalement assistée, aucun des deux parents ne peut refuser de reconnaître l’enfant ainsi né et se soustraire à ses devoirs parentaux.
Enfin, le droit d’initiative parlementaire étant limité par l’obligation de ne pas créer de charge, il est mentionné à l’article 5 que les frais engendrés par ces droits nouveaux ne seraient pas pris en charge par les organismes de sécurité sociale. Il serait souhaitable que, par la suite, le gouvernement ne limite pas financièrement ce droit, et aligne les conditions de la procréation médicalement assistée pour tous les couples.
PROPOSITION DE LOI
L’article L. 2141-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
I. – Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’assistance médicale à la procréation a également pour objet de répondre à la demande parentale d’un couple de femmes. »
II. – Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « femme », sont insérés les mots : « ou les deux femmes » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « l’homme ou la femme » sont remplacés par les mots : « l’une des deux personnes formant le couple ».
Après l’article L. 2141-2 du même code, il est inséré un article L. 2141-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-1. – L’assistance médicale à la procréation a également pour objet de répondre à la demande parentale d’une femme majeure, en âge de procréer. »
L’article L. 2141-10 du même code est ainsi modifié :
I. – Au troisième alinéa, les mots : « de l’homme et de la femme formant le couple » sont remplacés par les mots : « des deux membres du couple ou de la femme ».
II. – Au dernier alinéa, les mots : « ou les concubins » sont remplacés par les mots : « , les concubins ou la femme ».
L’article 311-20 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le couple ayant consenti à une assistance médicale à la procréation est composé de deux femmes, la filiation avec la conjointe est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. »
Les actes réalisés en application du troisième alinéa de l’article L. 2141-2 et de l’article L. 2141-2-1 du code de la santé publique ne sont pas pris en charge par les organismes de sécurité sociale.
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