N° 2059 - Proposition de résolution de M. Frédéric Lefebvre visant à définir les axes d'un pacte collectif de responsabilité à travers l'organisation d'une "Consultation nationale des Français"



N° 2059

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juin 2014.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à définir les axes d’un pacte collectif de responsabilité
à travers l’organisation d’une « Consultation nationale
des Français »,

présentée par

M. Frédéric LEFEBVRE,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La grandeur de la politique est de voter selon sa foi profonde, sa vision sincère plus qu’au fil des intérêts tactiques. Les Français ont besoin de vérité.

Au début de l’année 2014, le Président de la République a annoncé le lancement d’un pacte de responsabilité.

Peu après cette annonce, Paul Krugman, Prix Nobel 2008 d’économie et éditorialiste au New York Times, a livré une analyse sans concession des choix de François Hollande, et a souligné qu’il ne fallait pas oublier la demande, les consommateurs, et donc les Français…

Ces derniers doivent redevenir prioritaires !

C’est pourquoi j’ai réagi à cette annonce de baisses des charges pour les entreprises en disant « chiche » et en suggérant de l’étendre aux salariés afin de redonner du pouvoir d’achat grâce à une augmentation du salaire direct de nos compatriotes.

C’est en tant qu’ancien ministre des entreprises et de la consommation que j’ai proposé une baisse des charges de 20 % sur les charges patronales et salariales. Cette baisse bénéficiant pour moitié au salarié pour augmenter son salaire direct et pour moitié à l’employeur pour lui permettre d’investir et d’embaucher.

La baisse des charges pour être efficace doit être de grande ampleur et profiter autant à l’entreprise qu’au citoyen.

C’est un nouveau contrat social avec les Français qui doit donc être passé. Pas simplement une négociation entre partenaires sociaux. Ce serait loin d’être à la hauteur de l’enjeu.

Dans un récent sondage, pour la première fois, les Français se disent prêts, très majoritairement, à 63 %, à réduire leurs prestations pour que l’on réduise leurs impôts.

Avec le think tank « Nouveaux Horizons » une consultation des Français a été lancée sur un certain nombre de réformes dont on peut attendre des économies substantielles qui permettront de réduire à due concurrence les impôts et les charges.

Il faut combiner politique de l’offre et politique de la demande.

Une entreprise embauche si elle est compétitive et peut répondre à une demande croissante.

Mais cette baisse de charges équitablement répartie entre acteurs économiques et citoyens ne doit en aucun cas être prétexte à augmentation de la dépense publique. Moins encore de l’impôt. Elle serait alors un coup pour rien.

Son financement passe par une baisse drastique de la dépense publique et un transfert sur les produits importés par le biais d’une hausse du taux normal de TVA.

Pas sur le taux intermédiaire malencontreusement augmenté il y a quelques mois, et dont l’assujettissement pèse sur les services co-financés par subvention publique comme par exemple les transports ou les services non délocalisables comme le bâtiment et la restauration.

Une erreur qui coûte cher.

Pas non plus sur le taux minimum qui pèse sur les produits de première nécessité et donc sur les plus modestes de nos compatriotes.

Cette France qui travaille dur a déjà perdu l’équivalent d’un treizième mois avec la re-fiscalisation des heures supplémentaires. Une faute. On ne s’attaque pas à un acquis social vertueux au plan économique.

Un Pacte passe par des engagements. Clairs. Ambitieux. Réalistes.

Après les élections municipales, le Président de la République comme le Parti socialiste ont fait leur ma proposition de baisse des charges en faveur des salariés. C’est une avancée. Même si on est loin du 50/50 que je préconise. Elle ne doit pas être limitée aux bas salaires.

Dans un pays où pour 1 000 euros de salaire direct s’ajoute en moyenne 820 euros de charges ( patronales et salariales) la baisse de charge doit profiter pour moitié à l’entreprise qui pourra ainsi investir, embaucher et pour moitié à l’ensemble des salariés qui pourront consommer.

Les quelques réformes annoncées par le Premier ministre doivent être annonciatrices d’un mouvement plus profond. Plus pérenne.

C’est pourquoi, j’ai répondu « oui mais… » lors du vote du plan de stabilité.

Je considère qu’il faut aller plus loin.

Pour que notre pays réussisse à entreprendre enfin de vraies réformes structurelles à même de le rendre compétitif dans un monde globalisé, il est indispensable que l’État, les entreprises et les citoyens s’engagent collectivement et réciproquement.

C’est pourquoi la présente proposition de résolution vise à définir les axes d’un pacte collectif de responsabilité à travers l’organisation d’une grande « Consultation nationale sur la réduction de la dépense publique, la compétitivité et la revalorisation du travail ».

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que l’objectif du pacte de responsabilité est une baisse de 20 % de charges (patronales et salariales) sur le salaire net dont le produit sera réparti pour moitié dans une hausse directe du salaire et pour l’autre dans l’augmentation de la capacité d’embauche et d’investissement de l’entreprise.

Affirmant qu’il convient de combiner politique de l’offre et politique de la demande.

Considérant que les Français sont prêts, très majoritairement, à 63 %, à réduire leurs prestations pour que l’on réduise leurs impôts.

Souhaitant que la baisse de charges soit équitablement répartie entre acteurs économiques et citoyens et efforts des administrations publiques afin de ne pas accroître la dépense publique

Demande au Gouvernement d’engager sans tarder une réflexion sur la maîtrise des dépenses publiques de l’État et de notre système de protection sociale

Invite le Gouvernement à organiser des États généraux de la dépense publique et des prélèvements obligatoires à travers une grande consultation nationale des Français, associant les parlementaires et les partenaires sociaux pour conclure un nouveau pacte social

Suggère que dans ce cadre l’État s’engage à :

- Prendre à son compte les 20 % de baisse de charges sur les salaires en engageant pour partie un transfert sur la TVA à taux normal (assiette large qui fait contribuer les entreprises étrangères exportatrices en France), une réduction drastique de la dépense publique, des réorganisations, des processus de fonctionnement et des baisses ciblées de prestations consenties volontairement par les citoyens

- Expérimenter un assouplissement immédiat de l’effet de seuil dans les PME de 50 à 70 avant la suppression totale. Procéder au réexamen de tous les seuils dans l’entreprise.

- Simplifier encore la rupture du contrat de travail conventionnelle quand il y a création nette d’emplois dans une entreprise.

- Assouplir le SMIC en le rendant modulable en fonction des régions et du niveau des coûts du logement.

- Compenser les effets des 35 heures par des baisses de charges et des augmentations de salaire net en favorisant les heures supplémentaires pour les salariés des entreprises privées et publiques ainsi que les agents publics.

- Assouplir les règles relatives à l’organisation du temps de travail à partir de moment où il y a accord du salarié.

- Inciter au télétravail en réduisant les charges patronales et salariales car ce mode de travail génère de fortes économies d’énergie pour la collectivité (transport, surfaces, …)

- Ne pas remplacer 2/3 des 700 000 fonctionnaires et agents des agences publiques qui vont prendre leur retraite d’ici 2020, avec revalorisation de la rémunération des fonctionnaires de 10 % sur la période.

- Réformer les régimes spéciaux, et/ou supprimer les départs anticipés en appliquant strictement l’âge légal de départ en retraite

- Mettre en place une « règle de platine » qui interdise à tout gouvernement de dépasser le seuil moyen européen de prélèvement obligatoire

- Engager une incitation au rapatriement non pénalisé des capitaux français détenus à l’étranger en cas d’investissement dans les PME et ETI, le logement social ou la création nette d’emplois (y compris à domicile)

- Transférer la responsabilité de la politique de l’apprentissage et de la formation vers le Ministère de l’économie, pour la rapprocher du monde de l’entreprise et améliorer l’utilisation des fonds collectés.

- Mettre en place un bulletin de paie vérité, simplifié, avec le salaire net, le salaire brut et les charges salariales payées par l’entreprise pour que le salarié mesure son salaire réel (y compris celui géré par la collectivité pour sa protection sociale).

Invite le Gouvernement à réformer la gouvernance territoriale et à :

- Fusionner les mandats locaux et les fonctions locales (conseiller général et conseiller régional, maire et président de regroupement de commune) avec revalorisation de 10 % de l’indemnité

- Fusionner les postes de direction des structures locales dans la fonction publique territoriale.

- Imposer le non-remplacement des 2/3 des fonctionnaires territoriaux qui vont prendre leur retraite d’ici 2020, avec revalorisation de la rémunération des fonctionnaires de 10 % sur la période.

- Mettre en place un système de bonus/malus sur la DGF pour inciter à des réductions de postes et des baisses d’impôts.

Suggère que le système de protection sociale s’engage pour sa part à :

- Réaliser un audit des systèmes de prise en charge publique des chômeurs cadres ou non

- Mettre en place de la vente de médicament à l’unité comme aux États-Unis ou en Allemagne

- Rétablir une franchise de soin pour tous les étrangers pris en charge par l’AME et développer des services payants à l’hôpital pour les étrangers fortunés.

- Expertiser la fermeture d’hôpitaux locaux et la mise en place concomitante d’une flotte de transport d’urgence par hélicoptère, la proximité devant dorénavant, en concertation avec les collectivités territoriales, être mesurée en temps et plus en distance. Le taux de réussite des établissements devra être publié pour permettre une opération vérité sur la dangerosité de certains d’entre eux.

- Expertiser la concession de la gestion de notre système de sécurité sociale sans remise en cause du niveau des prestations.

- Facturer le coût des soins au malade pour que ce dernier mesure même quand il est remboursé à 100 % et par tiers payant, le coût pour la collectivité.

Estime que l’entreprise doit s’engager à :

- Augmenter le salaire direct et les participations des salariés au capital

- Créer des emplois en France

- Créer un droit à l’évolution au sein de l’entreprise et participer à un système de formation continue réformé

Considère que les citoyens doivent s’engager à :

- Accepter l’alignement du système des jours de carence du public sur le privé. Concomitamment, mise en place dans les trois fonctions publiques, d’un système de bonus/malus sur l’absentéisme

- Accepter une franchise médicale de remboursement des médicaments (2 à 3 %) avec à due concurrence une baisse des cotisations maladie et donc une augmentation du salaire direct

- Accepter un paiement direct des frais hospitaliers si utilisation du service d’urgence sans que l’urgence ne soit effective et ce afin de désengorger nos services d’urgence et de réduire les coûts à l’hôpital.

- Accepter une franchise éducative de frais d’inscription dans les universités au-delà d’un certain seuil de revenu des parents lorsque les enfants sont à charge.

- Accepter une réduction de 20 % de l’indemnité chômage à chaque refus de proposition d’emploi au-delà des trois premiers refus et des six premiers mois.


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