N° 2849
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2015.
PROPOSITION DE LOI
tendant à garantir concrètement le respect
du secret professionnel de l’avocat,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-François MANCEL,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mai 2015 a quasiment mis fin au secret professionnel pourtant substantiel à l’exercice des droits de la défense dans un État de droit. Dans cette décision, les magistrats de la chambre de l’instruction ont considéré que les écoutes des conversations entre Maître Herzog et son client ne caractérisaient pas une atteinte au secret professionnel puisque le client de Maître Herzog n’était pas mis en examen dans l’affaire au cours de laquelle lesdites écoutes avaient été réalisées.
Ainsi, selon la cour d’appel, il n’y a plus de secret dans les affaires civiles, sociales, commerciales ; pas plus que lorsqu’un avocat converse avec son client partie civile ou témoin assisté ou ayant bénéficié d’un non-lieu. La cour d’appel n’a, par ailleurs, pas annulé les écoutes téléphoniques entre Maître Herzog et son Bâtonnier.
En l’état actuel des choses, la loi proclame l’existence d’un secret professionnel mais ne met en place aucune protection efficace, d’où le constat de la caducité dudit secret professionnel. Le Bâtonnier de Paris a obtenu du Président de la République la promesse d’une loi protégeant enfin le secret professionnel, mais nous ne voyons rien venir.
La loi ne prohibe pas de façon claire l’écoute de l’avocat. Le juge d’instruction peut en effet prescrire l’interception de la ligne d’un avocat sans que cette mesure donne lieu à un contrôle a priori. Pour qu’à la fois la justice puisse agir et le secret professionnel de l’avocat soit efficacement protégé, il convient de soumettre la décision de l’interception de la ligne à l’autorisation préalable du Président de la juridiction dont dépend le magistrat instructeur.
Par ailleurs, comme le relèvent de nombreux avocats, faute d’encadrement légal suffisant, la pratique a conduit à la mise sous surveillance téléphonique d’avocats au motif que le juge pensait qu’un justiciable en fuite allait prendre contact avec eux.
Une conversation entre un avocat et son client est donc susceptible d’être écoutée sans que la loi fixe l’obligation pour l’enquêteur réalisant l’opération d’interrompre l’écoute lorsqu’il sait qu’il se trouve en présence d’une conversation couverte par le secret professionnel.
Et pourtant, il existe des moyens techniques, utilisés notamment aux États-unis d’Amérique, pour que la police n’entende pas les conversations couvertes par le secret professionnel. Pour cela, il suffirait que les avocats communiquent les numéros des lignes qu’ils utilisent pour que les conversations ne puissent pas être techniquement interceptées.
De sorte que la règle qui doit être consacrée est que l’avocat ne peut jamais être écouté, sauf s’il est établi, au regard d’éléments précis et circonstanciés, qu’il est préalablement suspecté d’avoir commis une infraction.
Enfin, toute violation des dispositions protégeant le secret professionnel doit être sanctionnée, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Il devient urgent de réaffirmer par la loi l’importance cardinale du droit de la défense à un procès équitable et à une justice impartiale, en concrétisant le respect du secret professionnel entre l’avocat et son client. C’est pourquoi la modification de l’actuel article 100-7 du Code de procédure pénale s’impose et qu’il convient de créer un article propre au secret professionnel entre avocat et client.
Sans une garantie concrète du respect de ce secret professionnel, il ne peut y avoir d’exercice normal des droits de la défense. Et sans cet exercice normal des droits de la défense, il n’y a pas d’État de droit. Car, ne nous trompons pas : le secret professionnel n’a pas été institué pour protéger l’avocat, mais le justiciable et ses droits.
PROPOSITION DE LOI
L’article 100-7 du code de procédure pénal est modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « et que ce dernier n’ait préalablement reçu l’autorisation écrite du président de sa juridiction. »
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
3° Le troisième alinéa est complété par les mots : « et que le juge d’instruction n’ait préalablement reçu l’autorisation écrite du président de sa juridiction. »
La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du même code est complétée par un article L. 100-8 ainsi rédigé :
« Art. 100-8. – L’avocat communique à la police, à la justice et à l’administration les numéros des lignes qu’il utilise.
« Aucune interception ne peut avoir lieu sur ces lignes, sauf s’il est établi, au regard d’éléments précis et circonstanciés, que l’avocat est préalablement suspecté d’avoir commis une infraction. Le bâtonnier doit être préalablement informé par le juge d’instruction, qui ne peut ordonner l’interception qu’après l’autorisation écrite du président de sa juridiction.
« Le cabinet, le véhicule et le domicile de l’avocat ne peuvent faire l’objet d’une perquisition, sauf s’il est établi, au regard d’éléments précis et circonstanciés, que l’avocat est préalablement suspecté d’avoir commis une infraction. La perquisition ne peut avoir lieu que sur autorisation écrite du président de la juridiction dont dépend le magistrat instructeur. La perquisition nécessite l’autorisation écrite du président de la juridiction dont dépend le magistrat instructeur.
« Les formalités prévues par le présent article sont prescrites à peine de nullité. »
La même sous-section est complétée par un article 100-9 ainsi rédigé :
« Art. 100-9. – Toute violation des dispositions des articles 100 à 100-8 du présent code encourt les sanctions ci-dessous :
– Lorsque la violation provient du juge d’instruction, celui-ci est d’office dessaisi de l’affaire et le Conseil supérieur de la magistrature se prononce sur son cas. Il encourt la peine correctionnelle du 3° de l’article 131-4 du code pénal.
– Lorsque la violation provient d’un fonctionnaire de police, celui-ci est immédiatement mis à pied dans l’attente de la décision judiciaire si la personne illégalement écoutée saisit la justice. Il encourt la peine correctionnelle du 3° de l’article 131-4 du code pénal. »
Par dérogation au principe de l’article 2 du code civil, toute procédure d’interception visée aux articles 100-7 et 100-8 du code de procédure pénale en cours au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi doit être suspendue dans l’attente de l’autorisation du président de la juridiction dont relève le magistrat instructeur.
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