N° 3130
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2015.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
portant diverses mesures de prévention des conflits d’intérêts,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Eva SAS, Laurence ABEILLE, Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Michèle BONNETON, Sergio CORONADO, Cécile DUFLOT, Noël MAMÈRE, Paul MOLAC et Jean-Louis ROUMÉGAS,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La confiance du citoyen dans l’État est au cœur du contrat social et de la démocratie. Or nous traversons depuis plusieurs années une crise démocratique qui se traduit par une défiance croissante des citoyens envers les responsables politiques et ceux qu’ils nomment aux plus hautes fonctions de l’État, défiance qui remet en cause les fondements même de la démocratie. Il est donc plus que jamais nécessaire que les personnes qui exercent des responsabilités dans les instances de régulation et de contrôle, celles mêmes qui doivent veiller au respect de l’intérêt général, démontrent une certaine exemplarité. Et, au-delà, que même le doute ne puisse s’instaurer sur des situations d’éventuels conflits entre l’intérêt général dont ils ont la charge et leur intérêt privé.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), ce conflit d’intérêts se définit en effet comme impliquant « un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ».
En droit français, aux termes de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique qui définit cette notion, constitue un conflit d’intérêts « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
Les citoyens, en confiant la gestion et l’exécution de l’action publique aux gouvernants et à l’administration, en leur confiant donc ainsi le soin d’agir en leur nom, sont en droit d’exiger des garanties pour écarter tout risque de conflit d’intérêts sur les personnes qui concourent à ces missions.
Dans un rapport rendu le 26 janvier 2011 au Président de la République et intitulé « Pour une nouvelle déontologie de la vie publique », la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique relève que « l’objectif d’une politique de prévention des conflits d’intérêts est triple : il s’agit d’assurer la confiance mutuelle entre les citoyens et les agents qui incarnent l’autorité ou le service publics, de sécuriser l’action publique et ceux qui y participent en protégeant ces derniers contre les risques de conflits ou de soupçons de conflits d’intérêts et, par suite, de préserver la réputation de la puissance publique, élément de confiance et de compétitivité sur la scène internationale. »
Une législation relative à la prévention des conflits d’intérêts doit donc revêtir deux aspects, d’une part, empêcher la réalisation effective d’une situation de conflit d’intérêts, mais aussi, d’autre part, éviter qu’une situation puisse laisser penser qu’un agent est en situation de conflit d’intérêts.
En France, il existe de nombreuses législations relatives à des institutions spécifiques sur les conflits d’intérêts, comme le statut des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, dite HADOPI, le statut du gouverneur et des sous-gouverneurs de la Banque de France, des membres de la Commission de régulation de l’énergie, ou de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Il existe aussi une législation plus générale qui concerne tous les élus.
Les auteurs de la présente proposition de loi organique souhaitent donc qu’un cadre plus général prévienne les conflits d’intérêts en s’appliquant à l’ensemble des postes sur lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce et qui font, à ce titre, et en application de l’article 13 de la Constitution française, l’objet d’avis publics de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Cette proposition de loi organique est inspirée du modèle qui prévaut pour les membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet dont le statut est complet.
La proposition de loi organique a pour objet d’ajouter un nouvel article à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Son premier alinéa crée, à la charge des personnes nommées aux emplois et fonctions ayant une importance particulière pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, l’obligation de procéder à une déclaration d’intérêts.
Le second alinéa interdit aux personnes ainsi nommées de détenir des intérêts dans une société qu’elles sont chargées de contrôler à un titre quelconque.
Le troisième alinéa interdit la nomination aux emplois et fonctions visés par la loi organique du 23 juillet 2010 de toute personne exerçant ou ayant exercé des fonctions de direction dans une société contrôlée au cours des cinq années précédant sa nomination.
Le quatrième alinéa interdit la participation aux délibérations des entreprises contrôlées dans les trois années suivant la fin de l’emploi ou des fonctions.
Enfin, lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate des manquements auxdites prescriptions, de nature à porter atteinte à la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, elle saisit le Conseil d’État, lequel statue dans les deux mois de sa saisine. L’annulation du décret de nomination entraîne, le cas échéant, la démission d’office de la personne (cinquième alinéa).
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Après l’article 3 de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, il est inséré un article L.O. 3-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 3-1. – Toute personne nommée aux emplois et fonctions figurant à l’article annexe adresse au président de la Haute Autorité, pour la transparence de la vie publique, une déclaration, dans les conditions prévues à l’article L.O. 135-1 du code électoral, faisant apparaître les intérêts détenus à la date de sa nomination et dans les cinq années précédant cette date, ainsi que la liste des activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, qu’elle envisage de conserver.
« Elle ne peut détenir d’intérêts, directement ou indirectement, dans une société qu’elle est chargée de contrôler, à un titre quelconque, dans la cadre de l’exercice de cet emploi ou de ces fonctions.
« Elle ne peut exercer concomitamment où avoir exercé au cours des cinq années précédant sa nomination, des fonctions de direction au sein d’une société qu’elle est chargée de contrôler, à un titre quelconque.
« Elle ne peut, dans les trois années suivant la fin de son emploi ou de ses fonctions, participer aux délibérations d’une société qu’elle a contrôlée dans le temps de l’exercice de cet emploi ou de ces fonctions.
« Lorsque, au vu des informations qu’elle a recueillies, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate des manquements manifestes, graves ou répétés aux dispositions du présent article, de nature à porter atteinte à la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, elle saisit le Conseil d’État, lequel statue dans les deux mois de sa saisine. »
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