N° 3272
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2015.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
André CHASSAIGNE, François ASENSI, Bruno Nestor AZEROT, Huguette BELLO, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, Alfred MARIE-JEANNE, Jean-Philippe NILOR, Nicolas SANSU et Gabriel SERVILLE,
Député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Après 2009 et 2011, une nouvelle fois, des filières agricoles entières sont les victimes de la dégradation rapide des prix d’achat des productions qui ne permettent plus aux agriculteurs de s’en sortir. Cette baisse durable des prix d’achat touche particulièrement les secteurs de la viande et du lait, où les producteurs ne couvrent plus les coûts de production. Mais toutes les filières sont successivement ou simultanément concernées par des pertes de revenus importantes, entraînant une multiplication des cessations d’activité, et hypothéquant la survie de milliers d’exploitations.
Ainsi, en 2014, notre pays vient de passer sous la barre des 300 000 exploitations agricoles, alors qu’on en dénombrait 386 000 en 2000. Le rythme ne faiblit pas, alors que la métropole a perdu, en seulement vingt ans, 50 % de ses exploitations agricoles.
La forte mobilisation des éleveurs traduit une véritable angoisse du lendemain, vécue par des dizaines de milliers d’agriculteurs aux trésoreries exsangues, sans perspectives de revenus, contraints de s’endetter toujours plus pour maintenir leur activité.
Une politique agricole destructrice
L’état de crise permanente, dont sont victimes des milliers de familles d’exploitants, trouve d’abord ses racines dans les mesures successives de libéralisation et de dérégulation des marchés agricoles à l’échelle européenne et d’ouverture des échanges mondiaux.
La dérégulation des marchés
Le démantèlement des derniers outils de gestion des volumes et la suppression de toutes les mesures d’orientation des prix d’achat placent les exploitants agricoles dans un face-à-face de plus en plus déséquilibré avec les opérateurs de marché, les transformateurs et la grande distribution. L’exemple de la filière laitière est particulièrement éclairant, avec l’impact immédiat de la sortie des quotas laitiers. Alors que les mesures de contractualisation se sont avérées inefficaces, l’octroi de quotas laitiers supplémentaires en 2014, la hausse de production de certains pays communautaires et une contraction des exportations ont rompu tout équilibre entre l’offre et la demande. Sous la pression des distributeurs, la chute des prix d’achat a conduit à des prix moyens à la tonne identiques à ceux de 2009, en deçà des 300 € les 1000 litres en France. L’objectif de cette libéralisation de la production laitière est simple : concentrer l’offre laitière sur les territoires et les exploitations les plus performantes pour faire chuter les prix et grossir les marges des distributeurs et des grands collecteurs.
Les accords de libre échange
Ce nouveau désengagement des politiques publiques agricoles communautaires avec la nouvelle PAC 2014-2020 se double d’une accélération des perspectives d’ouverture des échanges agricoles avec plusieurs zones économiques. Les accords de libre-échange en cours de négociation entre l’Union européenne et le Canada, les États-Unis (traité transatlantique) et le MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela), entendent faire une nouvelle fois de l’agriculture européenne et française la variable d’ajustement du commerce international, sans tenir compte des profondes différences en matière de normes sanitaires et environnementales, de droits sociaux et de garanties de qualité et d’origine.
Pour l’élevage bovin allaitant par exemple, de telles perspectives portent sur l’entrée sans droits de douane de plusieurs centaines de milliers de tonnes de bœuf américain supplémentaires, principalement les pièces nobles de la partie arrière (aloyau), qui viennent concurrencer directement les productions allaitantes françaises. L’interprofession bétail et viandes ne cesse d’ailleurs d’alerter les pouvoirs publics sur les conséquences de ces accords quand « la différence de prix entre l’aloyau américain et celui européen (respectivement 8,60 € et 13,70 €) vendus en Europe laissent présager, dans le cadre d’une arrivée massive de viande américaine, une baisse automatique des prix de la viande bovine sur le marché européen ».
Guidés par le seul approfondissement de la doctrine libérale, ces accords seraient un véritable cataclysme pour nos filières agricoles, tout particulièrement l’élevage. Non seulement elles seraient mises en concurrence directe avec les productions canadiennes, américaines ou sud-américaines, mais elles ne bénéficieraient plus d’une régulation des prix et des volumes au niveau européen. Avec une telle mise en concurrence des productions, plusieurs dizaines de milliers d’éleveurs français et d’exploitations familiales déjà en grandes difficultés ne résisteraient pas.
Le développement d’une agriculture industrielle
La dérégulation et l’absence de contrôle sur les marchés agricoles et alimentaires suscitent déjà une nouvelle transformation des modes de production dans notre pays. La fièvre s’empare de certains acteurs financiers pour rationaliser et rentabiliser en profondeur certaines filières, en quête de nouvelles marges et de nouveaux débouchés.
L’implantation et le développement de structures de production de taille industrielle en attestent. En effet, ferme de 1 000 vaches et atelier d’engraissement de 1 000 taurillons répondent à un même objectif : confier à de puissants acteurs de la finance et de la distribution les clés de l’agriculture française du XXIe siècle. Guidées par les seules logiques de rentabilité et d’adaptation à la libre concurrence internationale, de telles structures, en exerçant une pression permanente sur les prix, déstructureraient en profondeur les marchés régionaux et nationaux, et conduiraient à l’effacement rapide de dizaines de milliers d’exploitations agricoles supplémentaires.
Par ailleurs, avec l’apport de recettes provenant de la vente de productions annexes ou de soutiens publics, notamment énergétiques (méthanisation, photovoltaïque), ces unités agricoles de taille industrielle dégageront des coûts de production de plus en plus déconnectés des coûts moyens. Avec de telles structures, la production agricole et alimentaire deviendrait progressivement le sous-produit d’une activité industrielle.
Une domination des distributeurs confortée
Cette situation est accentuée, au plan national, par les évolutions législatives offrant toutes les garanties aux distributeurs pour faire pression à la baisse sur les prix d’achat, et favoriser un accroissement des marges. Les bénéfices de quelques grands groupes français de la distribution en 2014 parlent d’eux-mêmes : le résultat net du groupe Carrefour s’est élevé à 1,2 milliard d’euros ; celui du groupe Auchan à 574 millions d’euros ; celui du groupe Casino à 556 millions d’euros. Ils sont le reflet de l’efficacité redoutable, en termes de rentabilité, des politiques commerciales entretenues tant avec les producteurs qu’avec les consommateurs.
Un cadre réglementaire et législatif au service de l’aval et de la grande distribution
Cette domination sans partage sur la valeur ajoutée au sein des filières a été facilitée par les évolutions législatives, avec les lois du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel », et du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Elles ont de fait autorisé une déréglementation des relations commerciales, avec notamment la consécration du principe de « libre négociation des conditions générales de vente », qui a considérablement affaibli les producteurs dans les négociations. Les pratiques contractuelles de la grande distribution avec ses fournisseurs contribuent aujourd’hui à minimiser les risques et les contraintes afférentes aux actions intermédiaires avant la mise en rayon. Elles garantissent une politique de marges commerciales exorbitantes.
Par ailleurs, ces grands groupes de la distribution ont encore renforcé leur pouvoir de négociation face à leurs fournisseurs en créant des « super-centrales » d’achat. Ainsi, entre septembre et décembre 2014, de nouveaux accords de coopération entre centrales viennent d’être signés entre Auchan et Système U, Casino et Intermarché, Carrefour et Cora. De tels rapprochements n’ont d’autre objectif que de peser toujours plus sur les fournisseurs et, par répercussion, sur le producteur, premier maillon de la filière. Désormais, à eux seuls, ces trois acheteurs et Leclerc représentent 90 % du marché.
Parallèlement, les grands distributeurs organisent une politique active d’importation et de promotion, en fonction de l’arrivée des productions françaises sur les marchés, pour faire pression à la baisse sur les prix d’achat. L’exemple le plus remarquable de cette stratégie est pratiqué chaque été sur les fruits et légumes. Les producteurs sont contraints d’écouler leur production auprès de la grande distribution à des prix inférieurs aux coûts de production.
Des marges abusives et une captation de la valeur ajoutée au détriment des producteurs
Malgré toutes les limites au regard des objectifs et des méthodes retenues par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la publication, le 21 mai 2015, de son troisième rapport, démontre, une fois de plus la nocivité des pratiques des enseignes de la grande distribution envers l’amont. Les prix agricoles ont ainsi baissé en moyenne de 5 % en 2014 par rapport à 2013. Dans le même temps, les prix moyens des produits transformés n’ont baissé que de 0,7 % dans les 7 grandes chaînes de la distribution en excluant les magasins de hard discount. Certains secteurs sont particulièrement représentatifs des stratégies d’accroissement des marges des distributeurs.
Ainsi, le secteur de la viande, au cœur des mobilisations agricoles de cet été, a été particulièrement impacté. La baisse moyenne des prix d’achat a été de 6 % pour les bovins de boucherie et de 8 % pour les porcs charcutiers.
Pour la longe de porc vendue à 6,88 € le kilo en grande surface, la part du prix revenant à l’éleveur n’est que de 2,50 €. La marge brute de l’abattoir qui l’a tué et découpé n’est que de 63 centimes, soit à peine plus que les 58 centimes de TVA qui reviennent à l’État. La différence entre le prix de vente en grande surface et le prix d’achat est de 3,38 €, soit près de 50 % du prix de la barquette de viande payée par le consommateur. Le seul acte de vente permet ainsi aux grandes surfaces de recevoir plus que la somme totale payée à l’éleveur et à l’abatteur !
Pour la viande bovine, plus de 70 % des débouchés en France sont assurés par la grande distribution. Le prix moyen du kilo de carcasse payé à l’éleveur en 2014 a baissé de 33 centimes d’euro par rapport à 2013. En revanche, la marge brute de la grande surface a augmenté de 28 centimes, passant de 1,81 € en 2013 à 2,09 € en 2014. La marge brute des abatteurs, qui font le travail pour le compte des distributeurs, n’ayant que légèrement augmenté, passant de 1,56 € à 1,64 € le kilo de viande travaillée.
Un autre exemple est celui de la volaille de chair. Un poulet standard, vendu aujourd’hui 4,26 € le kilo dans sa barquette, est payé 1,34 € à l’éleveur. L’abatteur qui le transporte, l’abat et le conditionne prélève 0,92 € l’État, via la TVA, récupérant 22 centimes. Ainsi, la grande surface qui l’a simplement mis en rayon s’est accaparé 1,78 € de marge brute au kilo. Si l’on compare ces données avec celles du premier rapport de l’Observatoire, publié en 2011, nous constatons que la part de l’éleveur a augmenté de 1 centime, celle de l’abattoir de 5 centimes, celle de l’État de 2 centimes, quand celle de la grande surface a augmenté de 34 centimes. La distribution a donc bénéficié d’une hausse 34 fois supérieure à celle des producteurs !
Ces quelques chiffres tirés du rapport de l’Observatoire ne sont fondés que sur les denrées produites et transformées en France. Les stratégies de marges touchant les productions importées et transformées à l’étranger en sont exclues bien qu’elles représentent des volumes en constante augmentation.
Dans le même temps, les prix alimentaires pour les consommateurs sont restés stables ou en très légère baisse (- 0,7 % en 2014), en rapport avec la stagnation ou la baisse du pouvoir d’achat des ménages.
Le refus de mettre en place des outils
d’intervention sur les prix
Dans la continuité des dispositions contenues dans la loi de modernisation de l’économie de 2008, puis dans la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le Gouvernement s’est refusé à inscrire des outils d’intervention sur les prix d’achat et sur les prix de vente aux consommateurs dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014. Certes, l’article 1er du texte fait désormais référence à la nécessité de mieux partager la valeur ajoutée, mais il ne prévoit aucun dispositif contraignant permettant de s’attaquer au pouvoir exorbitant de la distribution sur la fixation des prix d’achat. Plusieurs amendements déposés par les députés du Front de Gauche prévoyaient pourtant d’introduire des mécanismes de garantie de prix aux producteurs en période de crise. Ils ont été systématiquement rejetés pour ne pas porter atteinte à la domination du secteur de la distribution.
En effet, en réaffirmant à plusieurs reprises dans le texte le principe de renforcement de la « compétitivité », le ministre de l’agriculture a confirmé son choix d’une agriculture européenne fondue dans le moule de la compétition internationale, des marchés et de la finance, au risque d’un recul de la souveraineté et de la sécurité alimentaires, de la protection sociale et des revenus des agriculteurs, ainsi que des normes environnementales et sanitaires.
La loi d’avenir pour l’agriculture a donc conforté la contractualisation entre producteurs et transformateurs qui était le volet central de la précédente loi de modernisation de l’agriculture de 2010, en créant notamment un « médiateur des relations commerciales agricoles », dont nous constatons aujourd’hui l’inefficacité. Son domaine d’action se limite en effet « aux litiges relatifs à la conclusion ou à l’exécution des contrats de vente ou de livraison de produits agricoles ou alimentaires », ainsi qu’aux dispositions prévues par l’article L. 441-8 du code du commerce en matière « de renégociation des contrats d’une durée supérieure à trois mois », introduites par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon ». La saisine du médiateur est donc dérisoire au regard des enjeux fondamentaux que sont le partage de la valeur ajoutée au sein des filières, et la fixation des prix en fonction des coûts de production et des revenus des agriculteurs.
De même, la loi du 13 octobre 2014 n’a pas remis en cause les dispositions les plus nuisibles de la loi de modernisation de l’économie de 2008 en matière de négociation et de libre négociation des conditions générales de vente. Ainsi, les centrales d’achat des grands opérateurs de la distribution ont aujourd’hui toute latitude pour maintenir leurs pratiques abusives de négociation commerciale avec leurs fournisseurs dans le secteur alimentaire.
C’est cette absence de volonté politique d’intervention en matière de prix d’achat des productions qui a conduit le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la pêche à déclarer le 12 mai 2015 devant les éleveurs de la Fédération nationale bovine, que « ce n’est pas le ministre qui décide du prix ». Pourtant, sans prix d’achat couvrant à minima les coûts de production, il n’y a pas d’avenir pour nos agriculteurs et nos éleveurs.
Un plan de soutien comme seule réponse
Des mesures d’urgence
En réponse à la mobilisation des éleveurs de cet été 2015, le Gouvernement a présenté, le 22 juillet 2015, un nouveau plan de soutien à l’élevage français, qui a été conforté le 3 septembre 2015. Sur le fond, il reprend, quasiment point par point, les mesures d’urgence mises en œuvre lors des baisses de prix successives constatées durant les crises des vingt dernières années : volonté d’agir en matière de restructuration des dettes des éleveurs avec la création d’un fonds d’allègement de charges doté de 50 millions d’euros (M€) ; reports de paiement d’impôts et de cotisations sociales ; garantie par la Banque publique d’investissement (BPI) de prêts à hauteur de 500 M€. Mesures auxquelles s’ajoutent des soutiens à la promotion des produits (10 M€), la mise en place d’une plateforme à l’exportation pour la viande, la valorisation du logo Viandes de France, des mesures de soutien financier au développement de la méthanisation et du photovoltaïque. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé le 3 septembre un doublement de la prise en charge des intérêts d’emprunt (100 M€) et une prise en charge des cotisations sociales atteignant 50 M€.
Côté européen, la mobilisation des agriculteurs a débouché sur le déblocage d’une énième « aide d’urgence », annoncée le 7 septembre 2015, portant sur un montant total de 500 millions d’euros pour l’ensemble des États membres, ciblée sur les éleveurs laitiers. Sachant que le « prix d’intervention » publique est resté fixé à 220 € la tonne, très en deçà du prix de marché, cette mesure n’est qu’un simple saupoudrage sans perspective pour les agriculteurs européens, avec, en toile de fond, la volonté d’aligner l’agriculture européenne sur le marché mondial pour ne pas nuire à la « compétitivité ».
Aucune réponse à la question de fond
Si l’on ne compte plus les plans dits « d’urgence » pour l’agriculture, force est de constater qu’une nouvelle fois, aucune des actions annoncées au plan national comme européen ne s’attaque directement à la question centrale et structurelle de la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières agricoles. Pourtant, on estime que 15 points de valeur ajoutée ont été transférés du producteur vers les secteurs industriels et commerciaux de l’agriculture et de l’alimentaire. Cette captation du revenu paysan par les secteurs de l’aval, amplifiée par la suppression des mécanismes de régulation et de prix garantis à la production, contribue à accélérer le rythme de disparition des exploitations. La mise en compétition des agriculteurs avec les agricultures plus industrialisées du nord de l’Europe ou des États-Unis amplifie la domination du secteur de la distribution en matière de fixation des prix d’achat. Disposant, à très bas prix, de volumes immédiatement disponibles sur le marché européen ou mondial, elle exerce une pression décisive sur les producteurs nationaux.
C’est à ce rouleau compresseur et à l’ouverture des marchés, qu’il faut s’attaquer. La soumission à la générosité et au bon-vouloir de la distribution pour « faire un geste » avec des accords « volontaires », de « modération des marges » ou « de principe », toujours temporaires et rarement respectés, n’est pas une réponse politique à la hauteur de la gravité de la situation. L’ensemble des syndicats agricoles, FNSEA, Confédération paysanne, jeunes agriculteurs, coordination rurale, MODEF, ont exprimé leur désir de voir rétablir une politique ambitieuse en matière d’intervention sur les prix d’achat et de juste répartition de la valeur ajoutée au profit des agriculteurs.
L’impératif d’une politique publique en matière de garantie des prix d’achat et de régulation des marchés
Un nouveau cadre d’intervention
Au vu de la faiblesse des prix d’achat comparativement aux coûts de production, des mesures de détermination et d’encadrement des prix apparaissent indispensables pour sortir de la « vente à perte » qui est imposée chaque année aux agriculteurs. C’est l’avenir même de certaines filières et l’activité agricole sur certains territoires, comme en zone de handicap ou de montagne, qui sont compromis à court terme par le maintien d’une totale liberté d’agissement pour les opérateurs de l’aval et de la grande distribution.
Des mesures structurelles en matière de fixation et d’encadrement des prix d’achat et de vente des produits agricoles restent exclues des plans d’action gouvernementaux. Les sempiternelles critiques sur les menaces d’un retour des « prix administrés » et d’une « régulation excessive », qui freinerait la liberté d’entreprendre et de commercer, occultent le fait que des grandes puissances agricoles mondiales n’ont pas abandonné ces outils de régulation aussi efficaces qu’indispensables. À ce titre, le cas de la province du Québec au Canada permet de déconstruire l’argumentaire particulièrement fallacieux quant à la complexité et à l’impossibilité de mettre en application de telles mesures. Ainsi, le prix du lait au Québec est fixé et revu annuellement par la Régie des marchés agricoles et alimentaires, qui détermine un prix minimum et maximum pour le lait de consommation, en tenant compte notamment des régions de production.
La situation actuelle prouve le caractère indispensable d’un nouveau cadre d’intervention de la puissance publique sur la fixation des prix et l’encadrement des marges de la distribution. Le laisser-faire qui a conduit l’aval des filières agricoles à dicter sa propre politique agricole n’est plus tenable.
Des outils concrets
Les auteurs de ce texte proposent deux outils concrets (chapitre Ier) qui entendent s’attaquer réellement à la formation des prix d’achat aux producteurs, avec l’ambition d’une alimentation de qualité accessible à tous, permettant la rémunération du travail paysan :
– La mise en place obligatoire d’une négociation annuelle sur les prix, par produit, pour déterminer un prix plancher d’achat aux producteurs, déterminé par les interprofessions compétentes (article 1er),
– L’application d’un coefficient multiplicateur sur l’ensemble des produits alimentaires entre le prix d’achat et le prix de vente en périodes de crises conjoncturelles ou en prévision de celles-ci, permettant de limiter strictement le taux de marge des distributeurs (article 2).
Une autre mesure très attendue par les agriculteurs et les consommateurs vise à rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour l’ensemble des produits agricoles à l’état brut ou transformé (chapitre II - article 3).
Par ailleurs, ces mesures nationales doivent pouvoir s’appuyer sur une politique européenne régulatrice visant à prévenir les fluctuations incessantes des prix d’achat, lutter contre les distorsions de concurrence et garantir des revenus et un niveau de vie décents aux travailleurs de l’agriculture (chapitre III - articles 4 et 5).
Une négociation annuelle sur les prix par production
L’article 1er fait le constat de l’inefficacité des négociations ponctuelles intervenant en période de baisses importantes des prix d’achat, le plus souvent à l’initiative du ministre chargé de l’agriculture. Le monde agricole partage très largement la nécessité de mettre en place de véritables outils d’intervention sur la fixation des prix d’achat des productions agricoles, avec l’objectif de couvrir a minima les coûts de production constatés et de garantir un revenu décent qui assure la pérennité des exploitations agricoles.
Aussi, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent mettre en place une conférence annuelle par production, regroupant l’ensemble des acteurs des différentes filières : producteurs et organisations agricoles, transformateurs et distributeurs, en élargissant le champ de la représentativité syndicale agricole (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Jeunes Agriculteurs, Coordination rurale, Confédération paysanne, Mouvement de défense des exploitations familiales). L’article prévoit que l’ensemble des syndicats agricoles soient conviés à y participer. Cette conférence permettra aux syndicats minoritaires, qui ne siègent pas dans les interprofessions mais sont néanmoins représentatifs d’une partie de la profession agricole, de participer à cette négociation annuelle.
Elle donnera lieu à négociation interprofessionnelle sur les prix, et à définition d’un niveau de prix d’achat plancher aux producteurs, pour chaque grande production agricole. Il précise que la définition de ce prix plancher tient compte, notamment, de l’évolution des coûts de production en fonction des bassins de production et des revenus des producteurs de chaque filière agricole.
L’article prévoit également que cette conférence annuelle puisse définir un ou plusieurs indices de prix permettant le déclenchement de la clause de renégociation des contrats prévue à l’article L. 441-8 du code du commerce.
L’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer, et l’ODEADOM (Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer), compétent outre-mer, auraient leurs missions renforcées en étant chargés de la mise en application et du respect par l’ensemble des opérateurs, au sein de chaque filière, du prix plancher d’achat fixé annuellement.
Le présent article contribue ainsi à revaloriser le rôle des interprofessions en leur donnant un véritable levier d’action pour agir en matière de prix dans les relations commerciales au sein de chaque filière. Cette forme de régulation interne aux interprofessions permettrait d’amortir les excès auxquels les fluctuations de prix sur les marchés mondiaux et les stratégies de la distribution donnent lieu régulièrement.
L’encadrement des marges
L’article 2 de la proposition de loi vise à étendre à l’ensemble des produits agricoles et alimentaires l’application d’un dispositif partiellement réintroduit par l’article 23 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, après son abandon en 1986 : le coefficient multiplicateur. Fondé sur un principe simple d’encadrement des prix d’achat en lien avec les prix de vente, il s’agit d’appliquer un coefficient limitant les taux de marge sur l’ensemble de la filière, et plus particulièrement ceux des distributeurs.
Le coefficient multiplicateur a été mis en place à la Libération afin de protéger les paysans et les consommateurs des pratiques abusives des intermédiaires, notamment en matière de marges. L’objectif était de permettre la satisfaction des besoins des Français par une maîtrise publique, et d’empêcher les spéculateurs de déstabiliser les prix et de déclencher des crises, comme cela était régulièrement le cas dans les années trente, conduisant alors à l’adoption de la loi du 15 août 1936 instituant l’Office national interprofessionnel du blé (ONIB). C’est à la demande des représentants de la grande distribution que le coefficient multiplicateur a été supprimé en 1986. Les représentants des grandes et moyennes surfaces (GMS) ont fait valoir que l’entrée des pays d’Europe du Sud dans le marché commun et les perspectives d’ouverture des frontières extracommunautaires, inscrites dans les projets européens et du GATT (devenu aujourd’hui OMC), offraient des possibilités d’achat de marchandises à bas prix sur le marché mondial. Le coefficient multiplicateur aurait contraint les GMS à acheter ces produits d’importation à un prix élevé pour pouvoir continuer à dégager des marges importantes. Cet effet remettait clairement en cause les stratégies de développement des GMS et la recherche de nouveaux profits.
Le principe de cet outil est simple : l’État fixe un coefficient, sous la forme d’un taux à ne pas dépasser, entre le prix d’achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur. Ce taux s’applique à toute la chaîne des différents intermédiaires. Par ce simple mécanisme, les prix à la production sont protégés dans la mesure où une augmentation des marges des intermédiaires entraîne obligatoirement une augmentation du prix d’achat au fournisseur. Les prix à la consommation sont de leur côté également protégés dans la mesure où le mécanisme interdit de dépasser un certain niveau de prix à la revente finale. En liant intimement le prix d’achat au fournisseur et le prix de revente au consommateur, le coefficient multiplicateur prémunit de fait contre toute spéculation et pratique abusive en matière de prix de la part des transformateurs et des distributeurs.
Ce dispositif fait déjà l’objet de l’article L. 611-4-2 du code rural, mais ne concerne actuellement que les fruits et légumes, avec un déclenchement laissé à la libre appréciation des ministres chargés de l’économie et de l’agriculture. Si, depuis l’instauration de ce dispositif, son activation a été évoquée à plusieurs reprises, jamais cette démarche n’a été concrétisée. Le coefficient multiplicateur, s’il était effectivement utilisé, serait cependant un outil très efficace pour éviter les situations dans lesquelles les producteurs sont obligés de travailler à perte.
C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi propose de l’étendre à l’ensemble des produits agricoles et agroalimentaires, tout en précisant qu’il s’appliquerait aux périodes de crises conjoncturelles ou en prévision de celles-ci.
En s’appliquant également aux produits agricoles importés, cette extension du coefficient multiplicateur constituerait également un puissant levier de dissuasion envers les pratiques de mise en concurrence des productions, notamment en fonction de leur date d’arrivée sur le marché, et de dumping économique, social et environnemental.
L’article précise également que les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture devront, avant de décider du taux et de la durée du coefficient multiplicateur, consulter non seulement les organisations professionnelles concernées mais également les syndicats agricoles. Enfin, la limitation à trois mois de l’application du coefficient multiplicateur est supprimée.
L’obligation de mentionner l’origine pour tous les produits
Depuis l’affaire de la vache folle, la viande bovine fraîche doit mentionner le pays d’origine. Ce n’est pas le cas pour les produits transformés à base de viande, qui ont seulement l’obligation de mentionner le type de viande utilisée. Il en est de même pour tous les autres produits alimentaires qui ne bénéficient pas de ce dispositif d’identification. L’article 3 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche avait introduit la possibilité de faire figurer l’indication du pays d’origine « pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé ». Cet article a été conforté par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui a rendu cette mention obligatoire tout en renvoyant la liste des produits concernés et les modalités d’application de l’indication de l’origine à un décret en Conseil d’État « après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l’Union européenne l’obligation prévue au présent article ». Si, depuis le 1er avril 2015, la mention de l’indication du pays d’origine a été étendue aux viandes de mouton, de porc et à la volaille, la Commission européenne s’y refuse pour les autres produits agricoles et l’ensemble des produits transformés.
Alors que les producteurs subissent aujourd’hui une concurrence déloyale des productions des pays tiers, les consommateurs ne sont donc toujours pas informés de façon obligatoire et rigoureuse sur l’origine des produits qu’ils achètent, en particulier pour les produits transformés qui représentent désormais près de 80 % des aliments que nous consommons. L’urgence est donc de rendre obligatoire la mention de l’origine pour tous les produits alimentaires (article 3).
Cette mesure faciliterait une réorientation de notre modèle agricole et alimentaire vers des productions relocalisées, pour une présence agricole forte sur tous nos territoires, avec des exploitations à taille humaine fournissant l’essentiel des besoins alimentaires en quantité et en qualité.
L’allégation de la mention de l’origine des produits répond aussi à un objectif environnemental : l’importation de pays lointains a des conséquences en termes de bilan carbone et de réchauffement climatique.
L’engagement de la France en faveur d’une politique agricole européenne régulatrice.
Si les États ne sont pas totalement démunis face aux crises, la prévention de ces crises ne peut être mise en œuvre qu’à l’échelle européenne via une régulation des marchés. C’est la raison pour laquelle la France doit exiger une réorientation de la Politique agricole commune (PAC). Rappelons à cet égard que l’article 33 du traité instituant la Communauté européenne assigne à la PAC la mission d’assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Europe en permettant une augmentation de la productivité agricole et en fournissant aux consommateurs des produits à un prix raisonnable, mais il lui impose également : « b) d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture ; » et « c) de stabiliser les marchés ; ». De plus, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) considère que « la fixation d’une marge commerciale maximale à prélever par le détaillant dans la vente au consommateur final n’est pas de nature, en principe, à mette en danger les objectifs et le fonctionnement [de l’OCM], dès lors que la marge est pour l’essentiel calculée à partir des prix d’achat, tels qu’ils sont pratiqués aux stades de la production et du commerce de gros » ; (CJCE, Dechmann, voir aussi CJCE du 5 juin 1985, aff. 116/84 Roelsraete, et CJCE du 17 janvier 1980 aff. 95/79 et 96/79 Keffer et Delmelle).
Aussi, nous demandons que la France agisse au sein du Conseil européen et auprès de la Commission européenne pour la mise en œuvre de mesures susceptibles de garantir des prix rémunérateurs et stables pour les productions (article 4) :
– La mise en place d’un prix minimum européen. Il s’agit là d’un objectif ambitieux qui devrait contribuer à réduire les cas de distorsions de concurrence qui se multiplient sur le marché intracommunautaire et dont sont plus particulièrement victimes les productions dont le coût dépend fortement de la main-d’œuvre. Il est précisé que ce prix minimum devra « tenir compte des spécificités des différentes zones de production », c’est-à-dire être modulé en fonction des conditions de production sur les territoires, le prix des facteurs de production n’étant pas les mêmes en plaine ou en montagne, dans des zones bien desservies ou défavorisées, et en fonction des conditions climatiques.
– L’activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire. À l’inverse des négociations en cours sur les différents traités de libre-échange qui ne prennent pas en compte les spécificités des productions agricoles françaises et européennes, il s’agit de rétablir une équité dans les relations commerciales au niveau international, en imposant aux produits que nous importons de respecter les mêmes exigences de production que celles que nous demandons à nos producteurs : haut niveau de protection sociale, mais également conditions sanitaires et environnementales. Seule la mise en œuvre de mesures réglementaires ou douanières traduisant le principe de préférence communautaire pourra en effet mettre fin au dumping social, environnemental et sanitaire qui caractérise aujourd’hui la concurrence mondiale sur les produits agricoles.
Le présent article évoque également l’adoption de « clauses de sauvegarde », qui existent déjà en cas de risque avéré pour la santé ou l’environnement, mais qui devraient être étendues aux risques économiques afin de protéger nos exploitations, dont un grand nombre pourrait disparaître faute de dégager un revenu suffisant.
Nous proposons également que la France agisse pour de meilleurs outils de régulation et de gestion de l’offre, notamment à travers le maintien ou la création de quotas pour certaines productions, et la réactivation des outils de stockage public pour gérer les surplus de production (article 5).
Cet article incite le Gouvernement français à agir au niveau communautaire en faveur de la régulation des marchés agricoles, contre le dogme du libre marché promu par la Commission européenne. Les différentes réformes initiées à partir de 1992 sont contraires aux dispositions des traités fondateurs de la Communauté européenne sur la PAC qui prévoient en effet qu’il soit tenu compte dans l’élaboration de la politique agricole commune des spécificités du secteur agricole. Qu’il s’agisse de ses caractéristiques inhérentes (forte volatilité des prix, étroitesse des marchés, faible élasticité de la demande) ou de ses finalités multiples (production alimentaire mais également production de biens publics : préservation de l’environnement, entretien des paysages, maintien d’une vie rurale), le secteur agricole n’est comparable à aucun autre secteur de production et justifie le maintien de protections spécifiques.
À l’encontre des réformes prônées par la Commission européenne afin de permettre aux agriculteurs de « répondre aux signaux » du marché mondial, totalement influencés par la spéculation et déconnectés de la demande réelle sur le marché intérieur, la France doit obtenir « la mise en œuvre de mécanismes de régulation » au niveau communautaire et notamment ne pas renoncer à réclamer le maintien de quotas – la crise laitière illustrant à cet égard la nécessité d’instruments efficaces de gestion de l’offre – voire leur création dans d’autres productions. Cela exige non seulement que soient conservés des mécanismes d’intervention (stockage public) mais aussi que ceux-ci soient réellement et pleinement activés lorsque la situation sur les marchés le justifie.
De nouvelles mesures de soutien public
et règlementaire à construire
Cette proposition de loi ne vise pas l’exhaustivité des réponses à apporter à la crise agricole que subissent les agriculteurs. Son élaboration collective a aussi permis d’engager de nombreux échanges sur des besoins essentiels pour appuyer le maintien de notre tissu agricole.
Sur la gestion des risques
Parmi les nombreuses problématiques soulevées, la récurrence des aléas climatiques et sanitaires, voire économiques et géopolitiques, pose clairement la nécessité de revoir les outils de gestion des risques en agriculture. Le choix politique d’affaiblir progressivement le Fonds national de garantie des calamités agricoles, créé par la loi du 10 juillet 1964, rebaptisé Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) suite à la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 dite loi de modernisation de l’agriculture, est particulièrement contestable. L’extension du secteur assurantiel privé en matière de gestion des risques, non seulement ne permet pas de répondre aux situations de crises, mais ne répond pas aux besoins des agriculteurs les plus en difficultés. Chaque année, les projets de loi de finances retiennent pourtant comme « indicateur de performance » le taux de pénétration de ces assurances privées, largement subventionnées par l’État ou l’Union européenne, avec le même constat : inefficacité et injustice. Seules les exploitations les plus favorisées peuvent se saisir de l’opportunité de ces contrats d’assurance récolte.
Le contexte actuel devrait donc inciter l’État à revenir au principe juste et efficace d’un régime d’assurance mutuelle public de gestion et de prise en compte de l’ensemble des risques en agriculture, en renforçant et en renouvelant le FNGRA. Avec la sécheresse de 2015, puis désormais l’épidémie de fièvre catarrhale qui touche les éleveurs, la pertinence sociale et économique du mode d’assurance privé contre les aléas en agriculture doit être évaluée. La création d’un véritable système assurantiel mutualiste public, seul à même de garantir l’ensemble des aléas agricoles pour toutes les exploitations, doit être au cœur de la réflexion en matière de politique publique agricole.
Sur le recours aux productions françaises
Une autre problématique concerne le recours aux productions françaises et sous signe de qualité et d’origine dans la restauration hors domicile et collective. Si des objectifs avaient été fixés, notamment pour le recours à la production biologique dans la loi dite Grenelle 1 en 2009, il apparaît indispensable de dégager des moyens nouveaux pour favoriser le recours aux productions françaises, de proximité et de qualité en restauration collective. De par l’importance des volumes concernés, en croissance depuis de nombreuses années, l’action publique dans ce domaine peut être à même de réorienter les marchés alimentaires et d’exercer des effets leviers importants pour garantir des débouchés stables, sans spéculation sur les prix d’achat et permettant de revoir la partage de la valeur ajoutée au service des producteurs locaux et nationaux.
Si les contraintes règlementaires en matière de marchés publics sont souvent dénoncées, il apparaît que de réelles possibilités s’offrent déjà aux décisionnaires des collectivités. Les freins sont dus essentiellement au manque de moyens humains et à l’insuffisance de formation des agents. Aussi, est-il indispensable de mettre à disposition des agents de la restauration collective de véritables plans de formation portant spécifiquement sur la connaissance des moyens règlementaires et techniques pour faciliter l’achat de produits nationaux, locaux, et/ou sous signe de qualité.
Sur l’évolution de la fiscalité agricole
Une évolution de la fiscalité agricole apparaît aujourd’hui indispensable pour conforter la pérennité des exploitations, en termes notamment de simplification et d’assouplissement des règles fiscales, de gestion pluriannuelle des résultats des entreprises agricoles, et de nouvelle prise en compte de l’agriculture de groupe, notamment des Groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) et des Coopératives d’utilisation du matériel agricole (CUMA).
Si la fiscalisation actuelle apparaît inadaptée, c’est pour l’essentiel au regard de la volatilité des prix et de l’absence de garantie de revenus auxquelles la présente proposition de loi s’efforce d’apporter des réponses. Cependant, la fiscalité peut aussi être un levier pour freiner la financiarisation de l’agriculture et le développement des entreprises agricoles capitalistiques en leur retirant des avantages fiscaux et en soumettant à cotisations sociales les revenus et dividendes des actionnaires.
PROPOSITION DE LOI
Garantir des prix rémunérateurs pour tous les producteurs
Après l’article L. 632-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 632-2-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 632-2-1 A. – Les organisations interprofessionnelles reconnues organisent chaque année, pour chaque production agricole, une conférence sur les prix rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs. L’ensemble des syndicats agricoles est convié à y participer.
« Cette conférence donne lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix, destinée à fixer un niveau plancher de prix d’achat aux producteurs pour chaque production agricole, et tenant compte notamment de l’évolution des coûts de production et des revenus agricoles sur chaque bassin de production.
« Elle peut également servir à déterminer un ou plusieurs indices publics de prix des produits agricoles ou alimentaires mentionnés à l’article L. 441-8 du code du commerce.
« Ce niveau plancher de prix d’achat tient compte, notamment, de l’évolution des coûts de production et des revenus des producteurs.
« Les établissements mentionnés aux articles L. 621-1 et D. 684-1 sont respectivement chargés de la mise en application et du respect par l’ensemble des opérateurs, au sein de chaque filière, du prix plancher d’achat fixé annuellement. »
L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « fruits et légumes périssables peut être » sont remplacés par les mots : « produits agricoles et alimentaires est » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application et les produits visés. »
Rendre obligatoire la mention de l’origine pour tous les produits agricoles et alimentaires à l’état brut ou transformé
Au second alinéa de l’article L. 112-11 du code de la consommation, supprimer les mots :
« après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l’Union européenne l’obligation prévue au présent article ».
Une politique européenne régulatrice
La France promeut au niveau communautaire la mise en œuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs : mise en place d’un prix minimum européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire, mise en œuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.
La France défend au niveau communautaire la mise en œuvre de mécanismes de régulation, notamment le maintien ou la création de quotas pour certaines productions, et l’activation d’outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.
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