N° 3284
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 novembre 2015.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
(Renvoyée à la commission affaires européennes, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Bruno LE ROUX, Dominique POTIER, Barbara POMPILI, François-Michel LAMBERT, Jean-Paul CHANTEGUET, Sabine BUIS, Serge BARDY, Christophe BOUILLON, Jean-Jacques COTTEL, Jean-Yves CAULLET, Delphine BATHO, Audrey LINKENHELD, Philippe BIES et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (1),
députés.
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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Ibrahim Aboubacar, Patricia Adam, Sylviane Alaux, Jean-Pierre Allossery, Pouria Amirshahi, François André, Nathalie Appéré, Kader Arif, Christian Assaf, Pierre Aylagas, Jean-Marc Ayrault, Alexis Bachelay, Guillaume Bachelay, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Guy Bailliart, Gérard Bapt, Frédéric Barbier, Serge Bardy, Ericka Bareigts, Claude Bartolone, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Laurent Baumel, Philippe Baumel, Nicolas Bays, Catherine Beaubatie, Jean-Marie Beffara, Luc Belot, Karine Berger, Gisèle Biémouret, Philippe Bies, Erwann Binet, Jean-Pierre Blazy, Yves Blein, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Christophe Borgel, Florent Boudie, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Brigitte Bourguignon, Malek Boutih, Kheira Bouziane-Laroussi, Emeric Bréhier, Jean-Louis Bricout, Jean-Jacques Bridey, , Isabelle Bruneau, Gwenegan Bui, Sabine Buis, Jean-Claude Buisine, Sylviane Bulteau, Vincent Burroni, Alain Calmette, Jean-Christophe Cambadélis, Colette Capdevielle, Yann Capet, Christophe Caresche, Marie-Arlette Carlotti, Fanélie Carrey-Conte, Martine Carrillon-Couvreur, Christophe Castaner, Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Nathalie Chabanne, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Marie-Anne Chapdelaine, Guy-Michel Chauveau, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Jean-David Ciot, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Romain Colas, David Comet, Philip Cordery, Valérie Corre, Jean-Jacques Cottel, Catherine Coutelle, Jacques Cresta, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Seybah Dagoma, Yves Daniel, Carlos Da Silva, Pascal Deguilhem, Florence Delaunay, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Carole Delga, Pascal Demarthe, Sébastien Denaja, Françoise Descamps-Crosnier, Sophie Dessus, Jean-Louis Destans, Michel Destot, Fanny Dombre-Coste, René Dosière, Philippe Doucet, Sandrine Doucet, Françoise Dubois, Jean-Pierre Dufau, Anne-Lise Dufour-Tonini, Françoise Dumas, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Sophie Errante, Marie-Hélène Fabre, Alain Fauré, Martine Faure, Olivier Faure, Hervé Féron, Richard Ferrand, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Hugues Fourage, Jean-Marc Fournel, Valérie Fourneyron, Michèle Fournier-Armand, Michel Françaix, Christian Franqueville, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Guillaume Garot, Hélène Geoffroy, Jean-Marc Germain, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Geneviève Gosselin-Fleury, Pascale Got, Marc Goua, Linda Gourjade, Laurent Grandguillaume, Estelle Grelier, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, Chantal Guittet, David Habib, Razzy Hammadi, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Joëlle Huillier, Monique Iborra, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Laurent Kalinowski, Marietta Karamanli, Philippe Kemel, Chaynesse Khirouni, Bernadette Laclais, Conchita Lacuey, François Lamy, Anne-Christine Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Pierre-Yves Le Borgn’, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Anne-Yvonne Le Dain, Jean-Yves Le Déaut, Viviane Le Dissez, Annie Le Houerou, Annick Le Loch, Jean-Pierre Le Roch, Bruno Le Roux, Marie Le Vern, Patrick Lebreton, Michel Lefait, Dominique Lefebvre, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Christophe Léonard, Annick Lepetit, Arnaud Leroy, Michel Lesage, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, Audrey Linkenheld, François Loncle, Lucette Lousteau, Victorin Lurel , Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Patrick Mennucci, Kléber Mesquida, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Nathalie Nieson, , Robert Olive, Maud Olivier, Monique Orphé, Michel Pajon, Luce Pane, Christian Paul, Rémi Pauvros, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Sébastien Pietrasanta, Christine Pires Beaune, Philippe Plisson, Elisabeth Pochon, Pascal Popelin, Dominique Potier, Michel Pouzol, Régine Povéda, Patrice Prat, Christophe Premat, Joaquim Pueyo, François Pupponi, Catherine Quéré, Valérie Rabault, Monique Rabin, Dominique Raimbourg, Marie Récalde, Marie-Line Reynaud, Pierre Ribeaud, Eduardo Rihan Cypel, Denys Robiliard, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Frédéric Roig, Barbara Romagnan, Bernard Roman, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Béatrice Santais, Odile Saugues, Gilbert Sauvan, Gilles Savary, Gérard Sebaoun, Christophe Sirugue, Julie Sommaruga, Suzanne Tallard, Pascal Terrasse, Sylvie Tolmont, Jean-Louis Touraine, Stéphane Travert, Catherine Troallic, Cécile Untermaier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, Michel Vauzelle, Fabrice Verdier, Michel Vergnier, Patrick Vignal, Jean-Michel Villaumé, Jean-Jacques Vlody et Paola Zanetti.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans un monde où la demande de plus en plus concurrentielle de ressources limitées et parfois rares va continuer d’augmenter et où la pression sur les ressources dégrade et fragilise davantage l’environnement, l’Europe peut retirer des avantages économiques et environnementaux d’une meilleure utilisation de ces ressources. Depuis la révolution industrielle, nos économies ont conçu un schéma de croissance du type « extraire-fabriquer-consommer-jeter », c’est-à-dire un modèle linéaire qui présuppose que les ressources sont abondantes, disponibles, faciles d’accès et éliminables à peu de frais.
Or c’est un modèle aujourd’hui dépassé, inadapté au défi d’une planète qui comptera près de dix milliards d’êtres humains en 2050, et au défi commun d’une humanité qui a un rendez-vous historique avec elle-même dans quelques jours, lorsque s’ouvrira la Conférence de Paris pour le Climat (COP 21). L’Union européenne aujourd’hui importe six fois plus de matières premières qu’elle n’en exporte, et elle les consomme une fois et demi plus vite qu’elle ne peut les remplacer.
La sobriété et le partage dans la mobilisation de ressources limitées sont une question de survie, ils répondent à des enjeux éthiques de justice et de paix. Mais c’est aussi une question de compétitivité.
L’économie circulaire repose sur un principe simple : la prise en compte du cycle de vie des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie, par la mise en œuvre prioritaire des pratiques de réparation, de réemploi et de réutilisation autant que de recyclage. Il s’agit de penser une croissance découplée de l’utilisation des ressources dont il faut renforcer durablement le niveau d’efficacité.
Quant à l’écologie industrielle, en opérant sur les échanges entre les différents acteurs d’un écosystème industriel, elle favorise des fonctionnements en boucle fermée dans lesquels les déchets des uns constituent les intrants des autres, éliminant ainsi la notion de sous-produit. L’écologie industrielle adopte un point de vue systémique, où les processus de production sont conçus dès le départ en fonction des contraintes écologiques locales, tout en prenant en compte leur impact global, et de manière à ce qu’ils fonctionnent à l’image des systèmes vivants. Ces principes peuvent également s’étendre au secteur des services. Veillant à la restauration du capital naturel, l’écologie industrielle s’attache au développement du bien-être social.
La mutation à venir fera ainsi appel à notre conscience, à notre intelligence et à nos capacités de coopération et d’innovation. Elle devra aussi s’appuyer sur la mobilisation des filières comme des territoires.
Cette mutation est déjà largement, mais encore insuffisamment engagée.
Il nous faut prendre acte des avancées qui se sont produites depuis plus de trente ans, à l’échelon européen comme dans notre pays. Elles visaient, pour l’essentiel, à mieux gérer des déchets dont les quantités n’ont fait que croître, en mettant en place des processus qui améliorent la réutilisation et le réemploi des produits et le recyclage. Si des pays ont indubitablement fait des progrès en matière de valorisation de la matière, notamment les pays d’Europe du Nord, on constate que les résultats sont loin d’être à la hauteur des enjeux. Un meilleur recyclage des matières s’accompagne encore d’une part importante de valorisation énergétique.
Aujourd’hui, il faut aller plus loin et agir à tous les stades de la chaîne de valeur : de l’extraction et du transport de matières premières à la gestion des déchets et au recyclage, en passant par la conception des produits, l’organisation de leur production et de leur distribution, la mise en place de circuits cohérents de réutilisation, de réparation et de recyclage.
La France s’est engagée résolument sur ce chemin, à travers la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Une des originalités de cette dernière loi est de susciter la mobilisation des collectivités locales en intégrant l’économie circulaire aux objectifs des Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV). À noter également, parmi les innovations remarquables, la prise en compte de la lutte contre le gaspillage alimentaire qui fait l’objet d’une proposition de loi actuellement à l’étude et dont la mise en œuvre sera confiée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
L’Europe, après un « faux départ », celui du paquet circulaire présenté en juillet 2014 mais retiré en février 2015, s’apprête, espérons-le, à faire de même d’ici à la fin de l’année. La Commission Juncker a en effet justifié ce retrait par sa volonté de remplacer cette proposition de nouvelle directive déchets par un texte plus ambitieux allant au-delà d’un traitement reposant exclusivement sur l’aspect gestion des déchets pour explorer les synergies avec les autres politiques impactant la chaîne de valeur.
Ce « paquet économie circulaire » rénové est attendu pour la fin de l’année 2015.
Cette proposition de résolution européenne n’a pas pour ambition de balayer la totalité des champs couverts par ce nouveau paquet : ce travail - approfondi - prendra tout son sens après la publication de ce texte. L’enjeu de cette résolution est de l’influencer de manière positive en insistant sur une phase spécifique du cycle du produit, celle de la production, et sur deux aspects particuliers : la nécessité d’un cadre juridique favorisant l’allongement de la durée de vie des produits, et la régulation des ressources issues de la seconde vie des produits.
- Allonger la durée de vie des produits
Une étude présentée par la Fondation Ellen Mac Arthur conclut à une durée de vie moyenne des produits manufacturés contemporains de seulement quatre années en moyenne, et l’obsolescence de ces derniers est parfois programmée scientifiquement pour favoriser la consommation. Or les consommateurs les plus fragiles sont souvent les premières victimes de l’obsolescence programmée des produits.
Fournir des informations « claires, fiables et comparables » sur la performance environnementale des produits a aussi un impact positif sur la compétitivité des entreprises européennes. L’harmonisation des différentes formes d’empreinte environnementale en vigueur dans les États membres facilite la circulation des produits, doit inciter les producteurs à développer une démarche d’éco-conception de leurs produits et devrait également permettre de remédier au manque de confiance des consommateurs dans les allégations à caractère environnemental, favorisant ainsi le potentiel de croissance du marché des « produits verts ».
La lutte contre l’obsolescence programmée repose pour nous à la fois sur :
- L’information des consommateurs, avec la mise en place d’un affichage environnemental incluant la durée de vie. Il s’agit de donner au consommateur les moyens, au travers d’une indication sur la durée de vie du produit, de procéder à des arbitrages et de modifier ses comportements d’achat.
Dans le cadre de sa communication relative à la mise en place du marché unique des produits verts1 la Commission européenne a lancé, le 9 avril 2013, une expérimentation, sur la base du volontariat, destinée à « faciliter l’amélioration de l’information relative à la performance environnementale des produits et des organisations ». Cette démarche vise à expérimenter des méthodes d’empreinte environnementale sur les produits, les services et les organisations. L’expérimentation européenne s’inspire d’ailleurs largement de la démarche française menée du 1er juillet 2011 au 1er juillet 2012 auprès de 168 entreprises volontaires – sur 230 candidats –, de toutes tailles et de tous secteurs, sélectionnées dans le cadre d’un appel d’offres.
La Commission européenne doit « formuler des propositions adaptées » d’ici 2020, avec une directive-cadre, assortie de règlements sectoriels, mettant en place soit un affichage environnemental destiné au consommateur, soit un « passeport environnemental » utilisé dans les relations inter-entreprises ou dans le cadre des marchés publics. Les obligations imparties aux parties seront sans doute volontaires, mais il n’est pas exclu qu’elles puissent être obligatoires sur tout ou partie des produits.
Un précédent existe, en matière d’énergie, avec la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’éco-conception applicables aux produits liés à l’énergie et la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie.
L’affichage de la durée de vie des produits est une belle intuition mais ce n’est pas une certitude. Il convient notamment d’être vigilant sur les secteurs concernés. Généraliser cette pratique peut être prématuré au regard des adaptations nécessaires pour nos entreprises. Il est donc souhaitable de conduire des expérimentations pour préparer la transition vers l’économie circulaire.
L’article 4 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 précitée prévoit ainsi qu’« à titre expérimental, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, les vendeurs de produits peuvent pratiquer l’affichage d’un double prix pour un même bien : un prix de vente et un prix d’usage défini au second alinéa du présent article. Ce double prix porte sur un nombre de produits déterminés par décret. À l’issue de la phase d’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui en établit le bilan et qui dresse les perspectives de développement de l’économie de fonctionnalité.
« Le prix d’usage désigne la valeur marchande associée à l’usage du service rendu par un bien meuble, et non à la propriété de ce bien. »
Cette même loi réglemente par ailleurs la disponibilité des pièces détachées à l’endroit du consommateur. Ainsi l’article 6 stipule à l’article L. 111-3 du code de la consommation que « Le fabricant ou l’importateur de biens meubles informe le vendeur professionnel de la période pendant laquelle ou de la date jusqu’à laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation cdes biens sont disponibles sur le marché. Cette information est délivrée obligatoirement au consommateur par le vendeur de manière lisible avant la conclusion du contrat et confirmée par écrit lors de l’achat du bien. Dès lors qu’il a indiqué la période ou la date mentionnées au premier alinéa, le fabricant ou l’importateur fournit obligatoirement, dans un délai de deux mois, aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs, agréés ou non, qui le demandent les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens vendus ».
Elle prévoit également, dans son article 15, un allongement des durées de garantie légale des produits, la faisant passer de six mois à deux ans.
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 précitée a par la suite introduit des avancées significatives en la matière. Ainsi l’article 70 a prévu, à l’article L. 541-1 du code de l’environnement, parmi les objectifs de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets, la « lutte contre l’obsolescence programmée des produits manufacturés grâce à l’information des consommateurs. Des expérimentations peuvent être lancées, sur la base du volontariat, sur l’affichage de la durée de vie des produits afin de favoriser l’allongement de la durée d’usage des produits manufacturés grâce à l’information des consommateurs. Elles contribuent à la mise en place de normes partagées par les acteurs économiques des filières concernées sur la notion de durée de vie. La liste des catégories de produits concernés ainsi que le délai de mise en œuvre sont fixés en tenant compte des temps de transition technique et économique des entreprises de production ».
Le laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) est confiant sur la capacité à mesurer la durée de vie afin de rendre possible l’élaboration de normes sur lesquelles pourront s’appuyer les démarches d’expérimentation au niveau national.
- La protection des consommateurs, avec, d’une part, une extension et une harmonisation à l’échelle européenne des durées de garanties légales, aujourd’hui limitées à deux ans au maximum, et un dispositif de sanctions appropriées des pratiques d’obsolescence planifiée. La France à cet égard a récemment adopté un dispositif intéressant, puisque l’article 99 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 précitée complète le code de la consommation par un article L. 213-4-1 qui prévoit que « l’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement. L’obsolescence programmée est punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »
- Un marché des matières premières secondaires mieux régulé
Chacun mesure les effets de la variation du cours des matières premières vierges (MPV) et la différence de traitement entre les produits en tension et les autres. Il faut concevoir un mécanisme d’intervention souple, pour atténuer les fluctuations dans le temps - pour un produit donné comme entre familles de matières - susceptible de corriger les effets du marché sans en perdre le bénéfice. Il permettrait de sécuriser les approvisionnements mais aussi les investissements utiles à la mutation souhaitée.
Les progrès technologiques du tri et du recyclage qui se sont accélérés ces deux dernières années, contraints par l’exigence de qualité croissante des acheteurs industriels, ont conduit, au début de la décennie 2010, les industriels à accroître leur recours aux matières premières secondaires (MPS), essentiellement issues du recyclage.
Dans les secteurs où la réflexion a été menée sur l’incorporation de matériaux recyclés dans les biens d’équipement, comme l’automobile par exemple, les taux d’utilisation des matières recyclées sont proches de 20 %.
Si l’un des avantages économiques potentiels des MPS réside dans la relative stabilité de leur prix (qui sont fixés en fonction du coût et de l’efficacité de la collecte et du processus de recyclage et régulés par la demande du marché), les MPS pâtissent aujourd’hui du net abaissement du cours des MPV. Ainsi, en 2015, la baisse des prix du pétrole a fait chuter le prix du plastique vierge en-dessous de celui des matières plastiques récupérées, et un excédent de matière vierge sur le marché des métaux couplé avec l’affaiblissement de la demande chinoise a fait baisser les prix de ces métaux, rendant les métaux secondaires non compétitifs. Dans ces circonstances, les entreprises ont logiquement opté pour les MPV de préférence aux MPS2.
L’un des obstacles à la valorisation des MPS est donc la différence de prix entre matières vierges et matières recyclées, notamment car le prix des matériaux vierges n’intègre pas le coût des externalités négatives sur l’environnement, alors que les matériaux recyclés constituent un gisement considérable d’énergie et d’émission de CO2 économisés.
Soumis à la volatilité du prix des matières vierges, qui, lorsqu’ils sont très bas, mettent en cause la pérennité même des outils industriels, le recyclage est fragilisé. Il importe donc de pouvoir mettre en place des mécanismes de soutien aux solutions de recyclage lorsque le prix des matières premières, bien souvent importées en dehors de l’Union européenne, devient trop important.
L’utilisation des déchets en substitution des matières premières vierges peut aussi constituer un facteur de compétitivité pour l’industrie française et également pour l’industrie européenne, dans un contexte de forte demande de matériaux. Les soutiens publics mis en place dans la plupart des pays de l’Union pour favoriser la valorisation des déchets favorisent globalement la mise sur le marché de matériaux à bas coût. Mais ils sont largement subventionnés par le contribuable ou le consommateur européen à travers les filières à responsabilité élargie mises en place en application de réglementations européennes. Il est logique que l’industrie européenne puisse bénéficier en premier lieu de l’accès à ce gisement que les citoyens européens ont contribué à mobiliser.
L’historien Fernand Braudel, dans son œuvre majeure « La Méditerranée » (1949), développe la thèse selon laquelle les sociétés les plus résistantes - ou les plus résilientes - ont en commun d’avoir un pied dans un « système » local productif dense et l’autre dans l’économie-monde. Fabriquer un « écosystème » prospère par et pour l’économie circulaire est le sens même de cette contribution.
Nos sociétés sont fatiguées de l’austérité mais elles manifestent aussi une lassitude du gaspillage, d’un consumérisme sans fin. Ici et là, s’exprime le désir de consommer et de produire autrement, de vivre mieux, de redonner du sens et des valeurs à nos vies. Il n’y aura pas de nouveau modèle de développement s’il ne s’appuie, dès maintenant, sur ce qu’Elena Lassida appelle un autre « style de vie ». Pour nos concitoyens, soucieux de la fin du monde ou de la fin du mois, cette proposition de résolution est, aujourd’hui, par sa nature même, un signal positif.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 191, 192 et 193,
Vu la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’éco-conception applicables aux produits liés à l’énergie,
Vu la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie,
Vu la décision n° 1386/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète » (également dénommé septième programme d’action pour l’environnement),
Vu la communication de la Commission européenne intitulée « Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources – initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020 » (COM(2011)0021),
Vu la communication de la Commission européenne intitulée « Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources » (COM(2011)0571),
Vu la communication de la Commission européenne intitulée « Mise en place du marché unique des produits verts – faciliter l’amélioration de l’information relative à la performance environnementale des produits et des organisations » (COM(2013)0196),
Vu la communication de la Commission intitulée « Vers une économie circulaire : programme “zéro déchets’’ pour l’Europe » (COM(2014)03980),
Vu la feuille de route Circular Economy Strategy d’avril 2015 des directions générales Environnement et Marché intérieur, industrie, entreprenariat et PME de la Commission européenne,
Vu la proposition de paquet « économie circulaire » adoptée par la Commission européenne le 2 juillet 2014, et retirée en février 2015, qui prévoyait notamment la révision des directives 2008/98/CE sur les déchets, 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballages, 1999/31/CE relative à la mise en décharge des déchets (1999/31/CE), 2003/53/CE relative aux véhicules en fin de vie, 2006/66/CE relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux piles et accumulateurs usagés, et 2012/19/UE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques,
Vu la résolution européenne de l’Assemblée nationale du 19 mars 2015 sur le programme de travail de la Commission pour 2015, notamment son point 10,
Vu les conclusions relatives à la consultation publique de l’Union européenne relative à l’économie circulaire, approuvées par la commission des Affaires européennes le 16 juin 2015,
Considérant les menaces que l’utilisation excessive des ressources naturelles fait peser sur les matières premières et les écosystèmes,
Considérant que la prévention des déchets, la réutilisation et le recyclage, ainsi que l’amélioration des exigences en matière d’éco-conception permettraient de réaliser des économies nettes de six cents milliards d’euros aux entreprises, aux autorités publiques et aux consommateurs de l’Union européenne, tout en réduisant les émissions annuelles totales de gaz à effet de serre de 2 % à 4 %;
Considérant que la quantité de ressources utilisée par un produit au cours de sa durée de vie, de même que sa durabilité, sa réparabilité, sa réutilisabilité et sa recyclabilité sont largement déterminées durant sa phase de conception,
Considérant la nécessité de protéger l’industrie européenne des fluctuations des marchés des matières premières et le consommateur européen des phénomènes d’obsolescence programmée,
1. Souligne l’absolue nécessité d’un découplage entre la croissance et l’utilisation des ressources, et appelle à la fixation d’un objectif, robuste, pour l’ensemble de l’Union européenne en 2030, décliné en objectifs nationaux, à l’instar de celui adopté, en France, à l’article 74 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;
2. Demande à nouveau que la Commission européenne présente, avant la fin 2015, un paquet « économie circulaire » ambitieux, et souhaite qu’il soit fondé sur l’approche du cycle de vie complet du produit ;
3. Demande que cette initiative législative comporte un mécanisme permettant à la fois de soutenir les filières de recyclage contre la volatilité des prix des matières premières et de favoriser une réutilisation de ces matières recyclées au sein de l’Union européenne, et invite, à défaut, le Gouvernement à défendre cette proposition au sein du Conseil de l’Union européenne ;
4. Demande que cette initiative législative inclue spécifiquement une révision de la législation sur l’éco-conception, élargissant son champ d’application et couvrant les groupes de produits pertinents :
5. Invite la Commission européenne à présenter un ensemble de mesures visant à garantir que les produits sont à la fois durables et faciles à moderniser, à réparer, à réutiliser, à recycler ou à démonter en vue d’obtenir de nouvelles ressources ;
6. Appelle la Commission européenne à inclure dans ses propositions une extension de la durée des garanties minimales, afin de prolonger la durée de vie escomptée des produits, en retenant une durée harmonisée au niveau de l’Union ;
7. Souligne avec force l’importance dans ce cadre d’adopter des mesures appropriées pour lutter contre l’obsolescence planifiée ;
8. Souhaite que la Commission européenne prenne en compte l’exigence forte d’une information, sous une forme appropriée et aisément accessible aux consommateurs, aux entreprises et aux autorités publiques, sur la durée de vie escomptée des produits, et suggère une action par voie d’expérimentation avant généralisation.
1 COM (2013) 196 final
2 « Les matières premières secondaires, toujours vulnérables ? » par Sacha Benamou, 13 juillet 2015, EcoGisements.
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